water governance actors in southern africa
« They are the gatekeepers! » Ethnographie d’une rencontre du gouvernement régional de l’eau d’Afrique australe
Paul-Malo Winsback Paul-Malo Winsback est doctorant en sociologie politique au Laboratoire des sciences sociales du politique (LaSSP) de Sciences Po Toulouse, et ATER (attaché temporaire d’enseignement et recherche) à l’université de Lille 2. Ses travaux de thèse portent sur les ancrages sociaux du multilatéralisme et de l’expertise transnationale à partir des dynamiques de gouvernement régional de l’eau douce en Afrique australe. Ses recherches ont bénécié du soutien de l’IFAS Recherche, ainsi que du Centro de Estudos Africanos (CEA) de l’université Eduardo Mondlane (Maputo) et du Département d’études politiques et administratives de l’université du Botswana (Gaborone).
Résumé Les 8 et 9 mai 2018, au début de l’hiver namibien, le Safari Hotel deWindhoek accueille le RBO Dialogue, l’atelier des organisations de bassins transfrontaliers d’Afrique australe. L’ethnographie de cette rencontre permet de révéler des jeux régionaux structurels repris dans l’article. Cet événement est en effet un rendez-vous de premier plan au sein d’un ensemble institutionnel dense. Son objet est de permettre de construire du consensus, une entreprise qui se retrouve dans la gestion qui est faite de l’espace lors de la rencontre et qui témoigne de l’intériorisation des rôles de chacun. Ce moment offre, de fait, l’opportunité d’incarner physiquement l’ordre régional et d’en distinguer les membres dans leurs fonctions et leurs rangs. Mots-clés : experts ; SADC ; performance ; rite ; groupe
Introduction Les 8 et 9 mai 2018, au début de l’hiver namibien, le luxueux Safari Hotel de Windhoek accueille le RBO Dialogue, l’atelier des organisations de bassins transfrontaliers (RBO). Pendant deux jours, environ 170 fonctionnaires nationaux, internationaux, ainsi que de nombreux experts, se retrouvent à cette grand’messe administrative des eaux d’Afrique australe. En observant cette rencontre, il est possible de comprendre certains des phénomènes sociaux en jeu dans la construction et la cohésion d'un groupe de personnes qui, ensemble, forment un cadre de gouvernement régional de l’eau. Pour ne pas se restreindre à une description formelle, l’ethnographie est ici enrichie d’un appareil théorique
dont il faut évoquer les bases à grands traits. Nous formulons en effet l’hypothèse que l’événement permet aux participants de se mettre en scène comme un collectif, ce qui rend visible par la même occasion les règles spécifiques de cet ordre institutionnel régional. Ce postulat performatif (l’idée que le groupe existe en partie par sa formulation) s’appuie sur l’étude du contexte institutionnel et des interactions entre les participants (Tambiah 1979). Pour cela, nous mobilisons les travaux sur les rites sociaux de deux sociologues classiques, ceux d’Émile Durkheim et d’Erving Goffman. Avec le premier, nous pouvons observer la rencontre comme une célébration qui permet de construire, stabiliser et entretenir un ordre social en le célébrant – ce qu’il désigne dans le cas religieux comme un « culte positif » (Durkheim [1912] 1990, 494). Mais si la rencontre de Windhoek est Lesedi #22 | Carnets de terrain | IFAS-Recherche | Octobre 2020
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