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INSPIRATIONS

Nousavonsdemandéauxgagnantes deCanada'sDragRaceetàd’autres queens de Canada VS the World de nous décrire qui leur a inspiré leur lookdefind’année.

RitaBaga

Pascale Bussières a su brillamment faire revivre sur grand écran une grande dame de notre culture francophone, Alys Robi. D’ailleurs, son interprétation remarquable dans MaVieenCinémascopelui a valu le prix Génie de la meilleure actrice. Ce film m’a émue pour avoir su retracer avec talent la carrière de la première artiste québécoise à avoir brillé à l’international. De plus, cette magnifique carrière a débuté au Théâtre National en 1936, dans le quartier que l’on appelle aujourd’hui le Village, quartier qui se veut bienveillant pour les communautés issues de la diversité sexuelle et de genre. 6 iNfOS | https://ritabaga.ca https://www.instagram.com/ritabagaz

KendallGender

Après avoir rencontré Amanda Brugel sur le panel des juges de la deuxième saison de Canada'sDragRace, et en tant que grande fan de TheHandmaid'sTale(LaServanteécarlate) , le

choix de me glisser dans ses souliers — ou dans ce cas-ci, dans ses chaussons — était tout naturel. 6 iNfOS | https://www.kendallgender.com https://www.instagram.com/kendallgender

IcesisCouture

J'ai choisi Pamela Anderson en tant que l'incontournable C.J. Parker dans Baywatchparce que pour ma génération, Pamela Anderson, c'est LA bombe blonde! Plus jeune, Pamela était placardée partout sur mes murs, se retrouvait dans ma télé, et sur les couvertures de tous mes magazines. Elle était LA définition de la beauté pour moi, et c'est un peu grâce à elle que je me suis lancée comme drag queen. C'est une icône canadienne, et j'en suis très fière. 6 iNfOS | https://www.icesiscouture.com https://www.instagram.com/itsqueenicesis

Priyanka

Ed the Sock — je sais, tout un choix! J'ai grandi à Whitby, en Ontario, et j'ai toujours voulu faire de la télé, alors tout ce que je faisais, c'était regarder la télé et observer les animateurs et animatrices. Ce qui m'intéressait chez Ed the Sock, c'était sa façon d'être et d'interviewer complètement décomplexée. Ça m'a inspirée à être qui je voulais et à continuer à faire les choses comme je l'entends. 6 iNfOS | https://www.thequeenpriyanka.com https://www.instagram.com/thequeenpriyanka

GisèleLullaby

Pour moi, Anne Dorval est l’une des artistes, au Canada, des plus remarquables et polyvalentes que je connaisse! De Chambre en Ville, aux films du magnifique xavier Dolan, elle a su donner des performances des plus marquantes et touchantes! À mes yeux, ses collaborations avec l’auteur et génie Marc Brunet dont les jumelles Rockwell, ont inspiré grandement mon sens de l’humour! Encore, à ce jour, Ashley est le personnage le plus difficile que j’ai eu à interpréter, mais qui m’apporte énormément de plaisir à incarner! Je lui rends hommage aujourd’hui parce qu’elle est incomparable, inspirante et n’a absolument pas peur de l’auto-dérision, tout comme moi! 6 iNfOS | https://www.instagram.com/gisele _ lullaby

StephaniePrince

Sandra Oh est l'une des actrices d'ici les plus talentueuses et influentes et compte à son actif des succès grand public comme Dr. Grey, leçonsd'anatomieet KillingEve— et

même une scène à tout casser dans Lejournald'une princesse!6

iNfOS | https://www.instagram.com/stephaniesbutt

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LE JOURNALISTE LUC BOULANGER FAIT SES PREMIERS PAS EN LITTÉRATURE

« il y a deux personnes en nous : celle qui tue, celle qui aime. J’ai apprivoisé les deux en même temps, en découvrant mon homosexualité avec l’arrivée du sida. » C’est avec ces propos touchants et percutants que le journaliste Luc Boulanger révèle sa plume littéraire, lui qui raconte ses premières expériences au sein du milieu homosexuel dans une forme épisodique qu’on peut lire sur la plateforme numérique Pavillon.

Quel a été ton parcours professionnel ? LUC BOULANGER : J’ai commencé au journal Voiren 1989 en tant que pigiste dans la section théâtre, avant de devenir chef de pupitre jusqu’en 2002. Par la suite, j’ai écrit pour plusieurs magazines à la pige (NDLR : dont pour le journal Village, que l'équipe de Fuguesa produit pendant deux ans) et j’ai été rédacteur en chef du magazine ViaDestinationsdurant quelques années. J’ai écrit deux ans au Devoiret je travaille à LaPressedepuis plus d’une décennie. Comme je n’ai jamais arrêté depuis mes débuts, j’ai décidé de m’offrir une sabbatique pour retourner à l’université et toucher à la création littéraire. Après 30 ans à parler des projets des autres, j’avais besoin d’un projet à moi. En écrivant L’heuredelasortie, je veux raconter les histoires de notre communauté et parler de nos pionniers.

à quel point est-ce vertigineux pour toi, un journaliste de 33 ans d’expérience, d’exprimer ce que tu as dans le cœur ? LUC BOULANGER : Il y avait une peur. Quand j’écrivais certains textes, j’étais en larmes. Ça allait chercher des émotions très intenses. Je me suis demandé pourquoi je me mettais dans cet état-là. En même temps, ça fait du bien. Il y a sûrement quelque chose qui avait besoin de sortir. Comme si je m’étais refusé de faire ça durant des années. Dans ma tête, j’étais un journaliste et ce que j’avais à l’intérieur de moi, ça ne comptait pas, ce n’était pas important, je n’avais pas d’univers. LUC BOULANGER : Pour essayer autre chose que le reportage que j’ai toujours fait. Je voulais explorer un côté plus intimiste et créatif, en partant de moi. Ça me permettait de sortir de ma zone de confort.

As-tu déjà caché ton homosexualité au travail ? LUC BOULANGER : Jamais. J’ai été vraiment chanceux. J’évoluais dans un milieu relativement ouvert. Cela dit, j’ai connu des journalistes gais qui n’en parlaient jamais à leur travail. C’est aussi une question de personnalité. Disons que je ne longe pas les murs quand j’entre dans une pièce. Il faut aussi préciser que c’était plus simple d’évoluer au Voir, un nouveau journal, avec des jeunes, en tant que journaliste culturel. C’était moins risqué. D’ailleurs, à mes débuts, Richard Martineau m’a beaucoup aidé. Il avait suggéré de faire une section spéciale pour la Fierté et j’étais le rédacteur en chef de cette section.

Dans un de tes textes publiés sur Pavillon, tu écris que « le militantisme actuel divise et se victimise pour mieux régner ». Dans un autre texte, tu mentionnes : « à mon avis, plus on allonge l’acronyme, plus on s’enfonce dans une idéologie sectaire au nom de la reconnaissance des minorités, d’une inclusion qui rime avec division. Selon moi, chaque nouvelle lettre et symbole nous éloigne les uns des autres, et nous enferme dans des cases ». Que réponds-tu aux personnes qui, en lisant ça, vont trouver que tu fais partie des personnes de la frange dominante du mouvement arc-en-ciel, soit les hommes gais, et que tu ne veux pas reconnaitre le besoin des autres personnes de se nommer ? LUC BOULANGER : Je crois qu’il y a une perte de repère chez les « vieux gais » comme moi face au culte des identités. Je ne comprends pas ce désir de toujours se définir par le plus petit dénominateur commun. Est-ce mon privilège de faire partie d’un groupe puissant ? Mon insensibilité face à certaines stigmatisations ? Peut-être. Or, je pense qu’une minorité, peu importe son poids, doit aussi se définir dans un projet commun. Il faut se battre pour la justice et la liberté, individuellement et collectivement. Les marginalisé.e.s et les allié.e.s ensemble. Or le militantisme, comme les civilisations, évolue. Et les acronymes aussi !

Tu as aussi écrit que « la communauté LGBTQ+ est devenue forte, visible et extrêmement politisée. Peut-être un peu trop ». En quoi ? LUC BOULANGER : Au début du militantisme, il y avait une folie et un sens de l’autodérision. Parfois, je trouve que certaines personnes très politisées oublient que la légèreté fait aussi partie de la vie. Ce n’est pas parce qu’une cause te tient à cœur que tu es obligé.e d’être toujours sur la défensive. Le « trop », c’est plus dans l’attitude, car on n’est jamais trop

Corpsvivante: aimerlesfemmes unpeuplustard

Julie Delporte affirme être « devenue » lesbienne à 35 ans, après des années à essayer d’aimer les hommes, à ne pas se sentir à sa place et à douter de son amour de la sexualité. Après une année de décroissance sexuelle, elle a non seulement découvert son amour des femmes, mais également délaissé le rôle qu’on leur impose en société. un tabou à la fois, l’autrice et illustratrice raconte son histoire avec une sensibilité et une franchise désarmantes dans Corpsvivante(éditions Pow Pow).

il y a énormément de vulnérabilité dans ce livre. Peut-on dire que le désir de faire œuvre utile a pris le dessus sur la peur de s’exposer ? JULIE DELPORTE : Avec ce livre-là, je pensais à un moi plus jeune ou à d’autres personnes dans le monde pour essayer de leur faire gagner du temps ou de leur faire comprendre des choses. C’est mon moteur. J’ai envie d’aider les gens à réfléchir sur ces questions-là. Toutefois, je ne me suis pas fait violence. Je n’ai pas trop peur de m’exposer.

Tu écris t’être épuisée à aimer les hommes. Peux-tu m’expliquer ce sentiment ? JULIE DELPORTE : Je n’aimais pas mon rôle de femme. J’étais en dispute avec moi-même et avec le monde. Je luttais tous les jours contre quelque chose que je ne voulais pas. Je ne m’identifiais pas non plus comme non-binaire. Peut-être que dans une autre vie, si j’avais grandi en me faisant expliquer ces questions, j’aurais pu m’identifier ainsi, mais ce n’est pas mon langage. Je n’ai pas envie de porter ça en société. En « devenant » lesbienne, je me suis libérée du rôle féminin dans un couple hétéro. Je n’étais pas à ma place. Oui, il y avait ma préférence sexuelle, mais ça allait bien au-delà de ça. Je parle aussi d’une identification à un rôle genré socialement.

un jour, tu as décidé de vivre un an de décroissance sexuelle. En quoi cela consistait-il ? JULIE DELPORTE : J’ai arrêté de me forcer. J’avais l’impression qu’il fallait absolument aimer la sexualité. Depuis l’enfance et l’adolescence, il y avait cette idée que plus de sexualité et plus de libération, c’était mieux. Je sais qu’il y a plein de gens autour de moi qui ne vivent pas dans la performance sexuelle ou qui restent un ou deux ans sans activité sexuelle, ou en tout cas pas avec les autres… mais on en parle peu. Socialement, c’est plus valorisé d’aller vers le plus dans la sexualité. Dans mon cas, j’ai fait une pause. Ça s’est fait tout seul. Je n’étais plus capable. Encore aujourd’hui, ça se poursuit dans un certain sens. J’arrête de foncer et je réfléchis à si j’en ai envie, à ce qui se passe dans mon corps et à si je le fais parce que je suis censée le faire ou non.

il y a une grande mécompréhension du désir féminin dans la société et ton entourage remettait souvent en question ton rapport à la sexualité en essayant de trouver ce qui clochait. Te sentais-tu incomprise de toutes parts ? JULIE DELPORTE : Je ne me comprenais pas moi-même. C’était comme un manque d’identification à un discours commun autour de la sexualité. Je faisais une forme de déni. J’ai été élevée avec les films, les romans et les émissions qui racontaient des histoires hétéronormées. Je n’avais que ça comme script. Je continuais ainsi en sachant que je n’aimais pas tant ça, la sexualité. Chaque fois, je tombais amoureuse avant de finir par me disputer à répétition. C’est difficile d’accepter ce genre de chose. Sur les questions LGBTQ+ , on parle souvent de la honte. En toute transparence, je ne la ressens pas si fort. Je suis plutôt fière d’avoir une blonde. Par contre, la honte est forte en ce qui concerne ces questions de décroissance sexuelle. C’est un gros tabou.

à 35 ans, en t’identifiant lesbienne, tu affirmes t’être libérée des obligations de la féminité. Pourquoi est-ce le fait de te dire lesbienne qui t’a donné cette légitimité ? JULIE DELPORTE : Jusque-là, j’avais du mal à me sentir désirée par des hommes qui m’auraient plu. Je ne me sentais pas belle ni attirante. Tout d’un coup, j’ai décidé de me mettre sur une application de rencontres pour rencontrer des femmes et je me suis sentie hot. Par exemple, j’ai constaté que si j’arrivais avec une veste en cuir toute croche, elles pouvaient m’aimer comme ça. Je découvrais que ça m’allait vraiment bien comme identité et que ça plaisait aux autres. Je n’avais plus envie de mettre de robes. Je ne comprenais pas pourquoi j’en mettais auparavant. Je me suis d’ailleurs souvenue que je détestais en porter quand j’étais petite. Peu à peu, je me suis reconnectée à mon enfance et à ce que j’aimais à l’époque.

Tu soulignes qu’à partir de là, le monde est devenu plus beau, mais que tu essayais quand même de gagner des dykes points. T’épuisais-tu encore à essayer de t’adapter aux autres ? JULIE DELPORTE : Ouais, vraiment. Ça doit être mon caractère. Il y avait un sentiment d’imposteur d’arriver sur le tard et une peur de ne pas être une vraie lesbienne. Heureusement, ça commence à aller mieux. 6

SAMuEL LAROCHELLE samuel _ larochelle@hotmail.com

iNfOS | CORPS VIVANTE, Julie Delporte, Éditions Pow Pow, 2022, 42 pages.

Quatre ans après avoir remporté la Caméra d’or et la Queer Palme à Cannes pour son premier film Girl, le réalisateur belge Lukas Dhont est de retour avec le film Close. Récipiendaire du Grand Prix au festival de Cannes, mais aussi du Prix du jury et du Prix du public Mel Hoppenheim au festival CiNEMANiA, le film met en vedette les révélations Eden Dambrine et Gustav de Waele. émilie Dequenne et Léa Drucker sont aussi de la distribution.

Comment résumerais-tu en quelques phrases ton film Close? LUKAS DHONT : C’est un film sur une amitié fusionnelle entre deux garçons de 13 ans — Léo et Rémi — qui passent tout leur temps ensemble, qui vivent très proches l’un de l’autre. Ils vont aller à l’école secondaire ensemble pour la première fois. Leur « fusionnalité » et leur sensualité entre eux sont alors questionnées par les élèves autour d’eux. On va donc suivre comment cela impacte leur amitié entre eux.

Comment l’idée de faire ce film t’est-elle venue ? LUKAS DHONT : Le « origin story » de ce film, c’est un livre américain qui s’appelle DeepSecrets. C’est une recherche faite par une psychologue de New York qui a suivi 150 garçons entre l’âge de 13 et 18 ans.

À l’âge de 13 ans, elle leur a demandé de parler de leurs amis masculins. Et ce qui est beau, c’est que ces témoignages-là sont pleins de tendresse. Le langage est très émotionnel, ils osent parler d’amour très ouvertement quand ils parlent des autres.

Puis, à l’âge de 17 et 18 ans, on pose les mêmes questions aux mêmes garçons. Et là, c’est comme si ce vocabulaire avait disparu. C’est comme si ces garçons n’osaient plus parler avec le même langage des autres, mais aussi de toutes les choses qui se passent à l’intérieur d’eux.

Quand j’ai lu ça, je me suis senti très connecté avec ces jeunes êtres, parce que moi aussi à un certain âge — à ce même âge — j’ai commencé à avoir peur d’une certaine intimité. J’ai commencé à avoir peur de la tendresse. J’avais envie de parler de ça. J’avais envie de parler de ces attentes et ces codes, et de leur impact sur une amitié entre deux jeunes garçons.

Ressens-tu du regret ou de la nostalgie par rapport à l’époque de tes 13 ans ? Aurais-tu voulu faire les choses autrement ? LUKAS DHONT : TheTimeCapsuleQuestion, c’est très intéressant ! Oui, j’ai des regrets parce que je pense que j’ai, à cet âge-là, la force d’un groupe très, très fort. Je voulais appartenir à un groupe. Peut-être plus qu’à une seule personne en fait. Quand j’étais jeune, j’ai voulu être comme les autres garçons autour de moi. Et ça a fait que j’ai pris de la distance avec certaines amitiés qui étaient peut-être trop intimes.

J’ai aussi une nostalgie. À cet âge-là, l’amour est sans frontières, sans case, sans norme. Je pense qu’il y a une beauté dans ce regard [d’]enfant. Ce regard où il y a encore cette innocence et où il y a encore beaucoup de ces codes sociétaux encore absents dans la vie.

Explorerlaproximitéentregarçons avecleréalisateurLukasDhont

LUKAS DHONT : Oui, parce qu’en fait c’est ça que la recherche m’avait donné. Ces jeunes garçons, ces 150 garçons, je ne sais pas si certains d’eux sont queers ou pas queers, mais ils ont tous eu la pression de la masculinité, straightou pas straight. On leur apprend tous à être indépendants, à être plus compétitifs.

Donc pour moi c’était important de ne pas parler nécessairement de la sexualité des personnages, mais de parler de comment, en fait, nous sommes conditionnés de regarder la sensualité et l’intimité entre deux jeunes garçons immédiatement comme quelque chose de sexuel, parce que nous ne sommes pas habitués de voir ce vocabulaire lié à la masculinité.

Je pense aussi qu’on vit dans un monde qui est très orienté vers la relation amoureuse, et pas la relation d’amitié. Pourtant, l’amitié est au centre de toute notre vie. Je pense qu’on a tous déjà été à cet endroit où notre cœur était brisé à cause d’une amitié qui a changé de route, une amitié qui n’est plus la même. Je pense que c’est une relation qui n’est pas toujours traitée avec autant d’importance dans le cinéma.

Durant la pandémie, on ne pouvait pas voir nos amis, les amitiés se faisaient à distance. Moi, ça m’a fait réfléchir sur l’importance de l’amitié dans ma vie. Je pense que c’est aussi pour ça que j’ai vraiment voulu créer un film sur cette relation.

Selon toi, pourquoi ton film a-t-il autant résonné ? Qu’est-ce qui explique le succès de ton œuvre ? LUKAS DHONT : Je pense que ce qui est beau avec la poésie, c’est que tu commences par une sorte de blessure personnelle, pour après essayer de créer une tristesse universelle. Je pense que c’est ça qu’on a essayé de faire. C’est de partir de quelque chose qui est très, très important d’abord pour nous, mais après aussi essayer de laisser le personnel derrière et chercher ce qui fait que le propos devient quelque chose qui nous connecte tous, comme un peu les Grecs qui cherchaient à trouver cette catharsis collective.

Je trouve que la beauté de l’art peut aussi être ça, avoir le sentiment que nous ne sommes pas seuls, que nous sommes connectés l’un avec l’autre à cause des choses qui sont partagées. Je pense qu’avec ce film, on a essayé de chercher ça. C’est beau pour nous, quand on va quelque part, de voir les différentes générations, et comment pour […] différentes raisons ils connectent avec le propos du film.

Close est inspiré de la peinture WeTwoBoysTogetherClingingde David Hockney. Qu’estce qui t’a inspiré dans cette œuvre ? LUKAS DHONT : WeTwoBoysTogetherClinging, c’est d’abord un poème de Walt Whitman qui parle d’une intimité, sensualité entre deux hommes, que je trouve très, très beau et qui m’inspire beaucoup.

Et en fait ce que je trouvais très beau, c’est ce titre qui pour moi est un peu un résumé de cette amitié dans le début, qui petit à petit est séparée à cause de cette société. C’est ces deux jeunes êtres qui veulent rester proches l’un de l’autre, qui veulent rester dans cette « fusionnalité » énorme qui est exprimée par ce verbe, « clinging ». C’est de prendre quelqu’un dans tes bras, et ne pas le laisser partir. Close, tout comme ton premier film Girl, joue avec plusieurs langues. Qu’est-ce que ce jeu de langue signifie pour toi ? LUKAS DHONT : D’abord, tu as le langage corporel. Parce qu’en fait, avant d’être réalisateur, je voulais être danseur. Je pense que dans l’univers qu’on crée, qu’on écrit, le corps est central et on laisse beaucoup plus les corps parler que les mots. Ce langage est universel et est donc aussi très intéressant pour nous à utiliser parce qu’on le partage tous.

Après c’est vrai qu’en Belgique on parle trois langues et on a un pays qui est aussi divisé en partie, où il y a un côté flamand, un côté francophone, un côté qui parle allemand, mais c’est plus petit.

Notre monde culturel est aussi très divisé. Le côté flamand est très divisé. Il y a une frontière avec le monde culturel francophone. Et moi, ça m’a toujours intéressé de travailler avec les deux côtés, d’unir les mondes culturels dans le cinéma et alors vraiment m’identifier comme réalisateur belge, faire exister les Français et les Flamands l’un à côté de l’autre, sans nécessairement devoir expliquer ça. Je ressens qu’en Belgique ça résonne vraiment parce que, pour beaucoup de gens, ces divisions ne marchent pas autant. Pour moi qui [suis] d’origine flamande, travailler en français m’intéresse beaucoup. Il y a une poésie à travailler dans une langue qui n’est pas ta langue maternelle. C’est une autre approche [de] la langue et donc ça m’excite beaucoup. 6

PHiLiPPE GRANGER pg.philippegranger@gmail.com

iNfOS | CLOSE de Lukas Dhont, Grand Prix du Festival de Cannes 2022. Sortie en salles prévue à la fin janvier 2023

FarahAlibay, larevanched’unenerd

Farah alibay raconte son parcours, ses embûches et ses exploits sur mars et sur terre dans une biographie. elle nous a fait voyager sur la planète mars alors qu’elle était aux commandes du robot d’exploration Perseverance, en février 2021. en septembre dernier, avec la publication de son livre monannée martienne, elle nous faisait voyager à nouveau, mais cette fois en nous transportant dans son univers, au cœur de sa vie et de son parcours. entretien avec l’ingénieure en aérospatiale Farah alibay, qui se décrit comme une « femme racisée, fille d’immigrants et personne queer ».

« Quand j’étais petite, je lisais beaucoup, beaucoup. Je rêvais de devenir autrice », m’avouet-elle en rencontre vidéo de chez elle à los angeles. Eh bien, c’est maintenant chose faite ! Même si elle ne pensait jamais publier une autobiographie... à 34 ans !

« il me semble que je suis jeune pour écrire une biographie ! », ajoute-t-elle avec son sourire rayonnant. Si elle a accepté de mettre par écrit sa vie, c’est avant tout pour une raison : « J’ai vécu beaucoup de solitude en grandissant. J’avais pas de rolemodelcomme femme de couleur œuvrant en science. Je me suis dit que mon histoire pourrait peut-être en inspirer d’autres ».

après une heure de discussion avec Farah, je suis convaincu qu’elle deviendra aussi un modèle pour les personnes queers.

Parcours terrien « Mes ancêtres viennent de l’inde », me raconte-t-elle. « ils ont quitté ce continent à la fin des années 1800 pour aller à Madagascar. »

Plusieurs générations plus tard, les parents de Farah immigrent au Québec, à Joliette plus précisément. Farah se souvient du racisme dont elle a été victime. « Si tu m’avais donné l’option de devenir blanche aux cheveux blonds, je l’aurais pris ! C’est pas que j’avais honte de ma culture, mais c’était juste trop difficile de vivre ça. Surtout au secondaire. » À cette époque, elle ne se reconnaissait pas dans les standards de beauté présentés dans les magazines, à la télé. « À cause de ma couleur de peau, je me disais que personne ne me trouverait belle. » Un cri du cœur qui s’exprime aussi dans son livre : « alors que je découvrais ma place dans le monde et ma sexualité, le monde me criait : tu ne nous ressembles pas, il n’y a pas de place pour toi ici, tu ne seras jamais aimée ».

ouch ! Et, avec l’adolescence, les sentiments amoureux qui pointent. Elle se sent attirée tant par les gars que par les filles, mais pas question d’en parler ouvertement. « J’étais déjà assez différente comme ça, je n’avais pas besoin d’en rajouter une couche en parlant de mon orientation sexuelle ! Je voulais juste être “normale” , être comme tout le monde. » Ce n’est que plusieurs années plus tard que Farah réalise que personne n’est comme tout le monde, qu’ « on est tous soi-même et ce sont nos différences qui sont nos forces ».

« the talk » C’est vers l’âge de 12 ans que Farah découvre son attirance pour les gars et les filles. « Dans ma tête, c’était juste normal de trouver une fille belle. Mais je réalisais pas vraiment que j’étais attirée sexuellement vers ces personnes-là. J’allais dans une école de filles.

J’ai grandi avec des amies très, très proches, mais je n’ai jamais été en amour avec une fille quand j’étais jeune, jamais eu de crush amoureux. Je sais pas si c’est moi qui ne me donnais pas cette permission ou si c’est vraiment que je n’avais pas rencontré une fille qui me plaisait. »

Pourtant, Farah se souvient très bien de l’ouverture d’esprit de ses parents sur le sujet. Elle n’avait que 10 ou 11 ans quand elle a eu la discussion, « ThE talk » comme elle le souligne : « Ma mère m’avait dit : “Écoute, peut-être que tu vas aimer les filles, peut-être les garçons ou peut-être que tu vas aimer les deux et c’est correct, on t’aime comme tu es !” C’est beau quand même ce discours. On était dans les années 90, dans une famille d’immigrants, ta mère te dit ça... c’est rare ! ».

Ce n’est que plusieurs années plus tard, alors qu’elle a 25 ans, que Farah accepte cette différence. Maintenant en couple avec un homme depuis 6 ans, elle a aussi fréquenté des filles. Si elle parlait auparavant de sa bisexualité, aujourd’hui c’est le mot queer qu’elle préfère.

Planète queer « Ce que j’aime du mot queer, c’est que ça ne veut pas dire la même chose pour tout le monde ! C’est un peu none of your business ! Et la raison pourquoi j’aime moins le mot bisexuelle, c’est que c’est un mot très binaire. alors que moi, je suis aussi attirée vers les personnes non binaires. »

Si elle a manqué de modèles de femmes racisées en qui elle pouvait s’identifier alors qu’elle était plus jeune, Farah ne cache pas qu’elle a aussi manqué de role model lorsqu’elle se posait des questions sur son orientation sexuelle. « À mon travail, je voyais des hommes gais, mais très peu de femmes gaies, des personnes queers ou bisexuelles. »

aujourd’hui, elle porte fièrement une épinglette de la NaSa aux couleurs de la Fierté lGbTQ+ . « le groupe d’employés lGbTQ+ de la NaSa s’appelle Spectrum et j’aime vraiment ça parce que c’est ça la lumière. On travaille au niveau optique et c’est aussi l’arc-en-ciel ! »

Et pour celle qui a été en manque de modèles pendant une partie de sa vie, revirement de situation, la voici qui devient à son tour une femme qui en inspire d’autres. À preuve, cette rencontre : « Je participe régulièrement à des conférences sur mon métier. après une d’elles, il y a quelques années, une personne non binaire est venue me parler. Cette personne se demandait pourquoi je portais cette épinglette. Ça l’avait vraiment touchée que je sois queer. Elle m’a dit : “Wow ! il y a d’autres gens comme moi ici !” ».

le monde change « C’est beau de voir que le monde change, que justement, les role models sont de plus en plus différents à la télé, dans les magazines, même dans ce qui est plus mainstream. Moi, j’ai grandi avec les séries Friendset howiMetyourMother. C’était blanc et hétéronormatif en général ! Mais quand tu regardes la télé maintenant, ça a beaucoup changé. D’ailleurs, une de mes séries préférées en ce moment, c’est NeverhaveiEverde mindy Kaling. C’est l’histoire d’une fille d’origine indienne de 15 ans qui grandit à los angeles. Elle a une amie queer. De voir qu’il existe des séries comme ça qui sont au palmarès des séries les plus regardées sur Netflix, ça montre que le monde a changé ! » le parcours de Farah est inspirant : autrefois petite fille rejetée, elle est devenue une personnalité publique aimée et populaire. C’est en quelque sorte la revanche d’une nerd ! Son visage apparait autant dans les bulletins d’informations que sur les grands plateaux de télévision comme En direct de l’univers. Merci, Farah, de briller dans notre firmament médiatique. Merci aussi d’avoir pris le temps de te dévoiler, de te raconter dans ton autobiographie. Ton parcours professionnel et personnel mérite d’être connu.

« Pour moi, ce livre, c’est une opportunité de montrer que je suis une fille d’immigrants, queer. Qu’il n’y a personne qui est seulement une étiquette, dans le fond. Pour moi, c’est important parce que mon expérience dans mon domaine professionnel est marquée non seulement par le fait que je sois une femme, mais à cause de toutes ces autres facettes-là. Mon expérience est totalement différente de celle des autres. Je pense que c’est important

d’en parler ! » 6 PatriCK brunette patrick _ brunette@hotmail.com

inFos | Mon année martienne, de Farah alibay, aux Éditions de l’homme, 2022.

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