Transgression de la Vénus Dalí est classique, il est surréaliste et il est pop’ art !
EXPOSITION
HOLOGRAMME
Conseil scientifique et supervision des contenus : Montse Aguer Teixidor Commissariat :
Laura Bartolomé Roviras
Documentation : Centre for Dalinian Studies
Design : Pep Canaleta, 3carme33
Graphisme : Bureau Alex Gifreu
Conservation technique : Elisenda Aragonès Miquel, Irene Civil Plans, Laura Feliz Oliver, Josep Maria Guillamet Lloveras
Registr e : Rosa Aguer Teixidor, Laura Feliz Oliver
Montage :
Roger Ferrer Puig, Ferran Ortega López, Miquel Sánchez Duran
Communication :
Imma Parada Soler
Web et réseaux sociaux : Cinzia Azzini, Pere Galán Vaca
Gestion des droits : Mercedes Aznar Laín
Direction marketing : Leonora Aixas Otero
Photographies :
The Art Institute of Chicago
Production : tururut Art Infogràfic
Nous adressons nos sincères remerciements à l’Art Institute de Chicago et à tous les membres cette institution qui nous ont accompagnés dans les recherches relatives à l’œuvre sculpturale de Salvador Dalí Caitlin Haskell (conservatrice de la collection Gary C. et Frances Comer d’art moderne et contemporain), Suzanne R. Schnepp, (ancienne directrice du département de conservation des objets d’art), Bonnie Rosenberg, Directrice Image, et particulièrement, Jennifer Cohen, Conservatrice adjointe chargée de recherches
TRANSGRESSION DE LA VÉNUS 4
PUBLICATION NUMÉRIQUE
Edition :
Fundació Gala Salvador Dalí
Auteurs : Montse Aguer Teixidor, Laura Bartolomé Roviras, Jennifer Cohen
Documentation : Centre for Dalinian Studies
Coordination : Laura Bartolomé Roviras
Assistance à la coordination : Maria Carreras Oliva
Photographies : Gasull Fotografia SL, The Art Institute of Chicago
Traduction des textes : Marielle Lemarchand (Français), Ricard Vela Pàmies (de l’Anglais), Julie Wark (Anglais)
Révision des textes : Bea Crespo Trancón, Rosa Maria Maurell Cons tans (Catalan Espagnol)
Gestion des droits : Mercedes Aznar Laín
Les œuvres dans cette publication appartiennent à la collection de la Fundació Gala Salvador Dalí, sauf celles qui sont expressément indiquées.
COPYRIGHTS
Des œuvres de Salvador Dalí :
© Salvador Dalí, Fundació Gala Salvador Dalí, Figueres, 2022
Des textes de Salvador Dalí :
© Salvador Dalí, Fundació Gala Salvador Dalí, Figueres, 2022
Des textes de cette publication : Leurs auteurs
Des droits d’image de Salvador Dalí :
Droits d’image de Salvador Dalí protégés, Fundació Gala Salvador Dalí, 2022
Des reproductions dans ce catalogue :
The Art Institute of Chicago, p. [32]. © 2022 The Art Institute of Chicago
Eric Schaal : p. 7, p. [22], p. 29 et p. 35 Eric Schaal © Fundació Gala Salvador Dalí, Figueres, 2022
Melitó Casals « Meli » : p. 15 © Melitó Casals « Meli » / Fundació Gala Salvador Dalí, Figueres, 2022
Hansel Mieth : Hansel Mieth/The LIFE Picture Collection/Shutterstock : p. 47
L’éditeur tient à préciser que tous les efforts ont été entrepris pour contacter les personnes indiquées comme titulaires des droits des images ici reproduites. Dans le cas où ces efforts n’auraient pas aboutis, nous invitons les ayants droits à s’adresser à la Fundació Gala Salvador Dalí.
www.salvador dali.org
DALÍ EST CLASSIQUE, IL EST SURRÉALISTE ET IL EST POP’ ART ! 5
SOMMAIRE
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Transgression de la Vénus Dalí est classique, il est surréaliste et il est pop’ art ! Montse Aguer Teixidor 17
Transgression de la Vénus Laura Bartolomé Roviras 31 « Nouvelle chair » : la première Vénus de Milo aux tiroirs de Dalí, 1936 Jennifer Cohen 41 Les tiroirs de Dalí Laura Bartolomé Roviras 51 Catalogue Centre for Dalinian Studies
TRANSGRESSION DE LA VÉNUS 6
DALÍ EST CLASSIQUE, IL EST SURRÉALISTE ET IL EST POP’ ART ! 7
Eric Schaal, Salvador Dalí peignant l’une des fresques intérieures du Rêve de Vénus, 1939
Transgression de la Vénus Dalí est classique, il est surréaliste et il est pop’ art !
Montse Aguer Teixidor
Directrice des Musées Dalí et du Centre d’Études Daliniennes
« L’unique différence entre la Grèce immortelle et l’époque contemporaine est Sigmund Freud lequel a découvert que le corps humain, qui était purement néoplatonicien à l’époque des Grecs, aujourd’hui est plein de tiroirs secrets que seule la psychanalyse est capable de découvrir »
Autoportrait mou de Salvador Dalí (1972) 1
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Une fois encore, cette exposition temporaire a demandé des recherches, du temps et de la réflexion. Elle nous a permis de cerner les grandes lignes de la pensée de Dalí dans son rapport à la Vénus de Milo et les raisons de la présence répétée de cette sculpture hellénistique dans sa production artistique. Nous avons aussi analysé la réinterprétation que Dalí en a fait dans les années 60, lorsqu’il présentait son œuvre comme annonciatrice du Pop’ Art, avant qu’elle ne prenne place au sein du Théâtre Musée Dalí de Figueres.
Chez Dalí, la Vénus de Milo suscite la même obsession que L’Angélus de Millet. Ces œuvres, toutes deux iconiques, qui appartiennent à l’imaginaire collectif, l’attirent depuis l’enfance, notamment pour leur force énigmatique subjacente qui incite à révéler des significations et des interprétations nouvelles. D’ailleurs, elles lui serviront toutes deux à développer, à différents moments de son parcours créatif, sa méthode paranoïaque critique d’interprétation de la réalité.
La relecture de la Vénus proposée par Dalí dans le cadre de ses créations surréalistes, et dans une société du XXème siècle en quête de perspectives nouvelles, revisite l’idéal de beauté et de civilisation classique. Elle s’exprime avec force dans la Vénus de Milo aux tiroirs, pièce maîtresse, à double titre, de cette exposition : d’une part sous la forme de l’hologramme de la sculpture conservée à l’Art Institute de Chicago, qui utilise la nouvelle technologie récente T OLED, produit au moyen de 72 photos en haute définition assorties d’une animation numérique à 360º ; d’autre part, à côté, dans une vitrine, la sculpture de la Vénus du Théâtre Musée Dalí. Deux Vénus pour un même siècle, à deux moments de l’Histoire.
Dalí revisite aussi cette Vénus dans certaines de ses créations des années 30, comme le pavillon du Rêve de Vénus de l’Exposition Universelle de New York de 1939. À cet effet, il imagine une façade au sommet de laquelle trône une grande Aphrodite à tête de poisson. L’image sera finalement censurée par le Comité d’organisation de l’Exposition et motivera, chez Dalí, la publication du manifeste intitulé Déclaration d’indépendance de l’imagination et des droits de l’homme à sa propre folie. Le Rêve de Vénus est l’une des premières architectures imaginées par l’artiste et, d’une certaine manière, elle préfigure le Théâtre Musée Dalí. Ce pavillon de 1939 recèle déjà certaines références importantes chères à Dalí et obéit à un même idéal, que l’on retrouvera plus tard dans son musée.
La relecture de la Vénus passe aussi par la transgression. N’oublions pas que la perception du corps humain, fragmenté, déstructuré ou érotisé, comme une forme d’expression qui impacte le spectateur par de nouveaux contenus qui bousculent les images familières, est l’un des axes de travail des surréalistes et des avant gardes en général. Les tiroirs, surréalistes, qui sortent du corps de la Vénus, jouent ce rôle et nous ouvrent, dans la droite lignée de la pensée de Freud, les portes de l’inconscient. À cet égard, Dalí lui même a déclaré « le corps humain, qui était purement néoplatonicien à l’époque des Grecs, aujourd’hui est plein de tiroirs secrets que seule la psychanalyse est capable de découvrir2 »
En 1964, la Vénus de Milo aux tiroirs prend la forme d’une sculpture en bronze à tirage limité. Plus tard, Dalí installera l’un des exemplaires au sein de son musée. En novembre de la même année, à Barcelone, il présente le projet de son futur musée face aux caméras et déclare qu’il le mènera à bien avec : « ce qu’il y a de plus truculent dans ce qu’on appelle
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aujourd’hui le Pop’ Art. Par exemple, sur l’un des balcons, il y aura six Vénus de Milo, chacune évidemment pourvue de ses tiroirs, plus ou moins rentrés dans les profondeurs viscérales de la sculpture3 ». Ce projet ne verra jamais le jour, mais il témoigne, là encore, de l’une des déclinaisons de la transformation pop’ de cette sculpture et de son lien avec le Théâtre Musée, le dernier chef d’œuvre de l’artiste.
Signalons aussi ce détail amusant : dès 1937, dans « Surrealism in Hollywood », Dalí démystifie déjà la Vénus de Milo, bien qu’indirectement. Dans cet article, il évoque Harpo Marx, avec qui il s’entend à merveille : « Il caressait, telle une nouvelle Léda, un magnifique cygne blanc qu’il nourrissait d’une statue de la Vénus de Milo en fromage, qu’il râpait contre la corde d’une harpe posée à ses côtés4 ». Peut être est ce là une vision partagée de la Vénus de Milo comme objet de consommation comestible. « La beauté sera comestible ou ne sera pas ». Une fois encore, Dalí anticipe les courants artistiques et s’ancre dans la contemporanéité. Dans sa préface à La Vision artistique et religieuse de Gaudí, publiée en 1969, il range sa Vénus de Milo aux tiroirs, 1936, dans la lignée du Pop’ Art. Une généalogie dans laquelle il inclut aussi d’autres références illustres de l’Histoire de l’art, de Lysistratos à Gaudí, en passant par Boccioni, Duchamp, Richefeu ou Segal.
Par ailleurs, au moment où Dalí réalise la réplique en bronze de sa Vénus de Milo aux tiroirs, Andy Warhol vient tout juste de peindre son célèbre Coca Cola, l’une des premières icônes du Pop’ Art. Or Dalí avait déjà intégré ce motif iconique à Poésie d’Amérique , un tableau peint en 1943 dans lequel il anticipait, une fois encore, un mouvement qui allait voir le jour au début des années 60. Comme la Vénus, il prendra place au premier étage de son musée de Figueres. L’interaction entre tradition, surréalisme et Pop’Art s’exprime avec force au sein de son musée, notamment à travers la sculpture que nous exposons actuellement. Comme nous l’avons déjà signalé, Dalí sait très exactement quelle doit être la configuration de son Théâtre Musée et il installe l’un des exemplaires en bronze de sa Vénus de Milo aux tiroirs dans une niche prévue à cet effet, dans le couloir du premier étage qui conduit à l’espace consacré à Moise et au monothéisme, pour évoquer, peut être, la genèse conceptuelle de sa sculpture.
La place de la technologie dans la pratique artistique de Dalí, notamment pour les nouvelles possibilités qu’elle lui offre, est l’un des autres aspects de son travail que le Théâtre Musée Dali donne à voir. Comme il le dit lui même : « Cela m’a ouvert les portes d’un nouvel antre de création5 ». Une affirmation qui prend tout son sens avec une œuvre comme l’hologramme Holos ! Holos ! Velázquez ! Gabor, créé en collaboration avec le Prix Nobel de physique Dennis Gabor en 1972. Dans un autre hologramme réalisé en 1973, le chanteur de rock nord américain Alice Cooper est assis sur un plateau tournant et chante dans micro en forme de Vénus de Milo, tandis son cerveau s’échappe de sa boite crânienne. C’est pourquoi il nous a semblé pertinent de présenter la Vénus de Milo aux tiroirs de 1936, actuellement conservée à l’Art Institute de Chicago, au moyen des techniques holographiques actuelles. Nous sommes donc face à un prêt numérique, un concept de mobilité des œuvres d’art en trois dimensions qui garantit la conservation de cette sculpture en plâtre, matériau fragile, et nous permet d’intégrer, de façon conceptuelle, l’un des outils utilisés par Dalí de son vivant.
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Dalí a fait de sa Vénus de Milo aux tiroirs , son interprétation personnelle de la Vénus de Milo, une icône Cette exposition peut aider à se demander s’il y est parvenu par la sacralisation, la démystification ou par un savant mariage des deux. Mais ce qui sûr, c’est qu’il s’est tourné, encore une fois, vers la provocation et l’énigme, qui sont l’essence même de son Théâtre Musée Dalí et de sa pensée surréaliste dans ce qu’elle a de plus pur, qui plaide pour « la libération de l’imagination, la destruction du principe de réalité ( ou) la conscience nouvelle des images époustouflantes de nos désirs les plus authentiques et les plus enfouis ».
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Notes
Illustrations
1 Jean Christophe Averty (dir.), Autoportrait mou de Salvador Dalí, RM Productions, Télévision Française, Henry R. Coty, 22/12/1972, min. 36:05 36:38. Transcription et traduction de l’auteur en catalan.
2 Ibidem.
3 Selon la presse du jour : « Conferencia de prensa de Dalí ante las cámaras de televisión », La Vanguardia española, 10/11/1964, Barcelona, p. 7. Traduit par nos soins.
4 Salvador Dalí, « Surrealism in Hollywood by Salvador Dalí », Harper's Bazaar, 30/06/1937, New York, p. 68.
5 Salvador Dalí, The 3rd Dimension: The 1st World Exposition of Holograms Conceived by Dali, M. Knoedler & Co., Inc., New York, Londres, 1972, p. [1]. Traduit par nos soins.
[1] Melitó Casals, Meli, Salvador Dalí dans l’atelier de Portlligat, 1968.
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Transgression de la Vénus
Laura Bartolomé Roviras Curatrice de la Fundació Gala Salvador Dalí
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« Ma gloire surréaliste ne vaudrait rien tant que je n’aurais pas incorporé le surréalisme à la tradition. Il fallait que mon imagination retournât au classicisme ».
La vie secrète de Salvador Dalí (1942) 1
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[1] [2]
« Je fis également une copie en terre glaise de la Vénus de Milo et en retirai une véritable satisfaction érotique2 ». Le contexte dans lequel Dalí inscrit ce souvenir permet de situer cette expérience en 1912, à l’époque où sa famille vient de s’installer au numéro 10 de la rue Monturiol (actuellement numéro 24), à Figueres3. Le lecteur doit donc imaginer un jeune Dalí, d’à peine huit ans, sculptant une Vénus de Milo en argile. Il se souvient aussi avoir réalisé une autre Vénus lors de son séjour au Moulin de la Tour du Far d’Empordà : « Je peignais Hélène de Troie ou je modelais la Vénus de Milo (…). En jouant ainsi l’embryon de génie, j’ai fait naître le génie, en provoquant les conditions de sa naissance, j’ai créé la cause4 ». Ainsi, cette icône de l’art grec est indéniablement présente dans les premières expériences de l’artiste, qui rêve déjà de devenir un génie.
D’une certaine manière, la Vénus de Milo est le pendant de L’Angélus de Millet, un tableau que Dalí a aussi découvert enfant à l’école de Figueres5. Ces deux images vont se muer en références obsessionnelles et devenir les pièces maîtresses de sa méthode paranoïaque critique. Tandis que L’Angélus s’impose comme le socle de sa méthode, la Vénus de Milo tient le rôle principal de l’une de ses plus célèbres images doubles, exécutée en 1970 : Le toréador hallucinogène. « J’ai travaillé sur la répétition d’une seule image obsessionnelle, comme ici la Vénus de Milo, pour obtenir une structure hallucinogène capable de provoquer chez le spectateur toutes sortes d’images concrètes6 ». L’Étude pour Le toréador hallucinogène [1] montre clairement comment Dalí utilise la répétition du motif de
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la Vénus pour à la fois révéler et cacher le visage du torero Manuel Laureano Rodríguez Sánchez, plus connu sous le nom de Manolete. En 1968, le photographe Melitó Casals, dit Meli, immortalise Dalí travaillant à cette œuvre, avec autour de lui son matériel de travail et une petite réplique de la Vénus de Milo7 .
Mais bien avant cette date, en 1936, en plein essor du surréalisme, Dalí s’est déjà emparé de cette sculpture grecque pour créer sa Vénus de Milo aux tiroirs [2]. Il évoque lui même « l’invention » de cette œuvre comme le résultat du parfait fonctionnement de sa méthode paranoïaque critique, à un moment de l’Histoire particulièrement sombre : le début de la Guerre Civile espagnole8. L’œuvre se présente sous la forme d’une sculpture en plâtre reproduisant, à échelle réduite, l’œuvre originale conservée au musée du Louvre de Paris depuis 1821. L’artiste transgresse la référence classique en transperçant le corps de la Vénus de six tiroirs que l’on peut ouvrir et fermer. Comme il le déclare lui même, cet élément ne peut être compris qu’à la lumière de la psychanalyse : « L’unique différence entre la Grèce immortelle et l’époque contemporaine est Sigmund Freud lequel a découvert que le corps humain, qui était purement néoplatonicien à l’époque des Grecs, aujourd’hui est plein de tiroirs secrets que seule la psychanalyse est capable de découvrir9 ». Cette transgression a t elle obéit au désir de mettre cet idéal du monde classique en accord avec la réalité du présent qu’il vivait, en l’occurrence la période des années 30 du XXème siècle ?
Dalí n’est pas le seul à avoir créé une « parabole visuelle percutante » de la Vénus de Milo10. Au début des années 20, les dadaïstes Johannes Theodor Baargeld et Erwin Blumenfeld utilisent déjà cette image dans leurs collages photographiques11. Certains surréalistes sont eux aussi fascinés par cette icône et, comme Dalí, la revisitent dans leur œuvre sculpturale. Dans Les Menottes de cuivre, une sculpture de 1931 signée René Magritte, la déesse fait l’objet d’une transformation chromatique évidente12. Plus tard, d’autres artistes continuent de se livrer à cet exercice de ressuscitation contemporaine de la Vénus de Milo, comme l’Américain Jim Dine ou le Français Arman, pour n’en citer que quelques uns. Par ailleurs, la Restored Venus de Man Ray, la Blue Venus d’Yves Klein ou la Metallic Venus de Jeff Koons témoignent de façon non moins singulière de l’hommage rendu à la déesse gréco romaine, à partir d’autres modèles ou références. En 1973, le Ready Museum de Bruxelles et le Musée des arts décoratifs de Paris accueillent d’ailleurs une exposition intitulée La Vénus de Milo ou les dangers de la célébrité, qui retrace la fascination que cette sculpture antique a exercée sur certains artistes contemporains, parmi lesquels Dalí13.
S’agissant de la Vénus de Milo aux tiroirs, il semble que Dalí, porté par sa méthode paranoïaque critique, soit parvenu, avec cette œuvre, à atteindre son but. « Ma gloire surréaliste ne vaudrait rient tant que je n’aurais pas incorporé le surréalisme à la tradition. Il fallait que mon imagination retournât au classicisme14 ». Les souvenirs rapportés dans La Vie secrète nous aident à savoir comment il voit sa carrière à cette époque et quelles sont ses intentions du moment : « Au lieu de stagner dans ma réussite anecdotique, j’avais à lutter pour des choses importantes, dont la première serait de classiciser l’expérience de ma vie, de la doter d’une forme, d’une cosmogonie, d’une synthèse, d’une architecture éternelle15 ». Dalí parvient à marier surréalisme et tradition en transgressant l’aura de la Vénus de Milo par l’ajout de tiroirs. Il recourt à cette pratique à plusieurs reprises. Pour la couverture imaginée pour la revue Minotaure, il transgresse l’image du monstre du labyrinthe en y ajoutant des tiroirs,
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une langouste et une clé sur la jambe droite. Une clé qui n’est pas sans rappeler celles que la Vénus de Milo aux tiroirs arborera autour du cou en 1939, quand il la présentera à l’exposition de la Julien Levy Gallery de New York.
Avant de continuer à s’interroger sur les motivations de Dalí, il est intéressant de se pencher sur ses processus de création. La présence des deux clés de la Vénus de Milo aux tiroirs présentée en 1939 est certainement éphémère. Rien n’indique qu’elles aient fait partie de la création de 1936, ni qu’elles aient réapparu par la suite. L’ajout temporaire de nouveaux attributs à une œuvre déjà achevée est une pratique courante chez Dalí dans les années 3016. Il en résulte une œuvre éphémère qui n’existe que le temps de sa présentation publique. À des fins d’étude, nous considérerons cette création comme une version ou une variante de l’œuvre originale, c’est à dire de la Vénus de Milo aux tiroirs de 193617.
À la Julien Levy Gallery, Dalí inclut cette sculpture dans une installation présidée par une reproduction du Trylon et de la Périsphère les deux structures monumentales Streamline Form de l’Exposition Universelle de New York [3]18. L’artiste personnalise l’installation avec l’iconographie surréaliste qui le caractérise : des clés, des fourmis, des parois lézardées et les symboles du Yin et du Yang. Par ailleurs, il inscrit sur le Trylon le nom de plusieurs personnages et artistes. Sur l’une des faces figure les noms de Caligula, Paracelse et Dalí, entre lesquels il semble difficile d’établir une corrélation, si ce n’est que chacun, à son époque, a manifesté un intérêt certain pour l’alchimie. Sur une autre face, il est écrit Messonier, Böcklin, de nouveau Dalí, Leonardo et Vermeer. Cela n’est pas sans rappeler la notation attribuée par Dalí aux artistes de l’Histoire de l’art qu’il admire le plus dans 50 secrets magiques19et, dans les deux cas, Vermeer occupe la première place. Selon la presse de l’époque, il semble que le nom de Freud figurait aussi sur cette pyramide oblongue20. L’évocation du père de la psychanalyse, que Dalí avait personnellement rencontré à Londres l’année précédente21, accrédite le lien établi entre la plongée dans l’inconscient et la Vénus de Milo aux tiroirs. On pourrait en déduire que les clés sont la métaphore visuelle de la psychanalyse, le moyen que lui même préconise pour forcer ces « tiroirs secrets ».
Après cette présentation aux Etats Unis, l’œuvre n’est plus exposée et Dalí en fait rarement mention. Il revient vers elle dans les années 60, à l’occasion de l’édition en bronze de 1964. L’artiste a probablement accepté cette édition en réponse à la demande croissante d’œuvres pour des expositions internationales. Car la Vénus de Milo aux tiroirs sera présente dans la plupart des grandes rétrospectives de Dalí : au Japon cette même année 1964, puis à New York (1965), à Amsterdam (1970) et au Centre Georges Pompidou de Paris (1979). Néanmoins, la « multiplication » de l’œuvre d’art originale n’est peut être pas sans lien avec une certaine idée intention partagée par d’autres artistes comme Marcel Duchamp et Man Ray qui, à la même époque, commencent eux aussi à éditer certaines de leurs œuvres22. D’après les informations dont nous disposons, cette édition en bronze à tirage limité est réalisée par Max Clarac Sérou, peintre et poète français qui, à ce moment là, dirige la Galerie du Dragon à Paris. Tous les bronzes sont recouverts d’une patine blanche, sans doute en référence à l’œuvre originale. Mais Dalí y apporte un élément nouveau : il appose un pompon en fourrure sur chacun des six tiroirs. On ignore la raison précise qui le conduit à ajouter cet élément, qui relève aussi d’une nouvelle transgression. On l’a parfois mis en relation avec l’œuvre de Leopold von Sacher Masoch, l’écrivain autrichien qui a abordé
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[3]
[4]
le masochisme dans sa Vénus à la fourrure, roman publié en 187023 La presse de 1967 rapporte également une déclaration éclairante de Dalí : « Nous vivons un siècle où règne le masochisme (...) et où Venus se couvre de fourrure24 ».
Quoi qu’il en soit, Dalí ajoute ces éléments sur tous les exemplaires sauf un : celui qu’il réserve au Théâtre Musée Dalí, qu’il distingue en y ajoutant la mention « Exemplaire Gala Dali » [4]. Par ce geste, il tient vraisemblablement à différencier cet exemplaire des autres bronzes qui devient ainsi, à son tour, une œuvre unique de nature particulière. C’est ce dont se souvenait Antoni Pitxot, directeur du Théâtre Musée Dalí jusqu’en 2016 et grand ami de l’artiste qui, par ailleurs, avait travaillé avec lui au processus de création du musée. Cette particularité, imaginée et voulue par Dalí, fait de cette sculpture un exemplaire unique25. Mais cette décision peut aussi se prêter à une seconde interprétation. En vérité, la Vénus de Milo aux tiroirs de 1936, aujourd’hui conservée à l’Art Institute de Chicago présente, elle aussi, des pompons en fourrure qui, en quelque sorte, obéissent au même principe que celui assigné aux bronzes de 1964. Mais à quel moment ces éléments ont ils été ajoutés à l’œuvre originale en plâtre ? Ils ne figurent pas sur les photos d’Eric Schaal et de Hansel Mieth prises en 193926. On peut donc penser qu’il s’agit d’un ajout postérieur, réalisé néanmoins du vivant de Dalí. Dans l’ouvrage de Robert Descharnes paru en 1962, Dalí de Gala, on peut voir une photo de la sculpture avec des pompons, mais différents de ceux qu’elle affiche actuellement27 Cependant, dans un article de presse paru en mars de la même année, la sculpture de fait, la seule qui existe à ce moment là apparaît sans ces éléments28. Les pompons ont ils été ajoutés vers 1962 de sorte que les exemplaires en bronze de 1964, exception faite de celui du Théâtre Musée Dalí, ont eux aussi été revêtus de cet élément ? Quoi qu’il en soit, Dalí parvient, par ce geste, à doter cet exemplaire d’une physionomie unique, fidèle à l’œuvre originale de 1936.
Une Vénus de Milo aux tiroirs sans pompons, probablement un bronze, est envoyée à Athènes en 1965 pour participer à l’exposition Panathenaia of Sculpture, organisée par le commissaire d’exposition Tonis Spiteris29. L’emplacement choisi, avec le Parthénon en toile de fond, entend souligner la filiation entre la Grèce classique et la création contemporaine. On ne pouvait rêver meilleur décor pour l’œuvre de Dalí qui trouve là tout ce qui avait présidé à sa création en 1936. Les photos publiées dans la presse de l’époque donnent à voir le lien entre le surréalisme, la Vénus de Milo et le Parthénon [5] 30 . Mais à cette époque, Dalí a déjà fait connaître la nouvelle assignation destinée de sa sculpture.
En novembre 1964, face aux caméras de Televisión Española, il annonce qu’il installera six Vénus de Milo à tiroirs sur un balcon de son futur musée. Il imagine ce projet comme un exemple de « ce qu’a de plus truculent ce que l’on appelle le Pop’ Art 31 ». Ce projet ne verra jamais le jour, mais il relève d’une déclaration d’intention sans équivoque. De plus, dans Autoportrait mou de Salvador Dalí, un film tourné par Jean Christophe Averty en 1966, l’artiste affirme devant la caméra que sa Vénus de Milo aux tiroirs est « une leçon pour les artistes pop’ ». Enfin et surtout, il la présente comme une œuvre percusseuse du Pop’ Art dans la préface de La Vision artistique et religieuse de Gaudí, une monographie consacrée à l’architecte barcelonais, publiée en 1969 :
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[5] [6]
« Moulages ou pas moulages, il y a tout un art appelé Pop dans les termes modernes dont la généalogie est tout à fait légitime : Lysistrate, inventeur du moulage sur nature. IVème siècle avant Jésus Christ.
Les voitures sculptées dans les cimetières italiens, à Palerme et à Gênes, au siècle dernier Gaudí, et la sculpture réaliste de la SAGRADA FAMILIA. Boccioni, et son DÉVELOPPEMENT D’UNE BOUTEILLE DANS L’ESPACE, 1912.
Marcel Duchamp, avec PORTE BOUTEILLES, le premier ready made, 1914. Richefeu, VIVE L’EMPEREUR, 1917.
Dali, VENUS DE MILO aux tiroirs, 1936. Segal et le Pop art, aujourd’hui »32
Que cette sculpture ait été érigée en icône pop’ art à la fin des années 60 est à la fois surprenant et révélateur. La Vénus de Milo aux tiroirs est classique, surréaliste et pop’ art ! Dalí est classique, surréaliste et pop’ art !
C’est pourquoi il n’y a rien d’étonnant à ce que cette icône ait pris place de façon définitive au sein du Théâtre Musée Dalí. En 1970, dans un reportage publié dans La Actualidad espanyola, Dalí annonce que : « le musée sera truffé de niches qui accueilleront toute l’histoire de la sculpture grecque et néogrecque depuis la Vénus de Milo33 ». Dans le hall d’entrée du musée, au dessus des arcs en plein cintre, on trouve effectivement deux niches abritant chacune une reproduction du Ganymède de José Álvarez Cubero revisité par Dalí.
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Cette sculpture néoclassique fait partie de la collection des moulages de la Real Academia de Bellas Artes de San Fernando de Madrid et évoque peut être les modèles en plâtre qui ont contribué à son éducation artistique34. D’autre part, dans une vitrine située dans le couloir du rez de chaussée, on peut voir une reproduction de la Vénus de Milo placée à côté d’une autre Vénus inspirée d’une sculpture romaine des 1er et 2ème siècles après Jésus Christ. Cette dernière, restaurée et pourvue de bras, est conservée au British Museum35 Enfin, dans une niche du couloir du premier étage se trouve l’exemplaire de la Vénus de Milo aux tiroirs. Des photographies conservées au Centre d’Études Daliniennes montrent que l’œuvre occupait déjà cet emplacement en 1973, alors que le musée était encore en construction.
La conception et la création de ce couloir du Théâtre Musée Dalí ont peut être encore des messages à nous livrer. Car lorsque le spectateur s’engage dans cet espace en sortant de la salle Mae West, il rencontre une enfilade singulière d’œuvres de l’artiste : le Buste de femme rétrospectif 1933/1976 1977, l’un de ses principaux objets surréalistes ; la Vénus de Milo aux tiroirs 1936/1964 dans sa niche ; une installation consacrée à L’Angélus de Millet et donc à sa méthode paranoïaque critique ; puis, dans le recoin qui lui fut réservé, Poésie d’Amérique [6], un tableau de 1943 dans lequel le surréalisme s’exprime encore avec force. Mais le plus étonnant, c’est sans doute cette anticipation du Pop’ Art qui s’exprime à travers la représentation d’une bouteille de Coca Cola. À la fin du parcours, à l’autre extrémité du demi cercle, le visiteur traverse un espace consacré à Moïse et au monothéisme, hommage évident à l’œuvre de Freud. Le mariage du classicisme, du surréalisme, de la psychanalyse et du Pop’ Art que Dalí a peut être voulu opérer dans ces espaces est celui là même qu’il a mis à l’œuvre dans sa Vénus de Milo aux tiroirs. Il continue d’exister dans ce qui est aujourd’hui son Olympe : son Théâtre Musée Dalí, son dernier chef d’œuvre, devenu l’écrin de son immortalité.
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Notes
1 Salvador Dalí, The Secret Life of Salvador Dalí (1942). Publ. : La vie secrète de Salvador Dalí, La Table Ronde, Paris, 1952, p. 272 273.
2 Salvador Dalí, La vie secrète..., Op. cit., p. 57.
3 Cfr. Mariona Seguranyes Bolaños, Els Dalí de Figueres. La família, l’Empordà i l’art, Figueres, Barcelone, Ajuntament de Figueres, Viena Edicions, 2018, p. 53. Salvador Dalí, Obra completa, vol. VII, Àlbum Dalí, Destino, Fundació Gala Salvador Dalí, Sociedad Estatal de Conmemoraciones Culturales, Barcelone, Figueres, Madrid, 2004, p. 10
4 Salvador Dalí, Comment on devient Dali, Robert Laffont, Paris, 1973, p. 79.
5 Salvador Dalí, La vie secrète..., Op. cit., p. 52.
6 Salvador Dalí, « I have used… », Art Now, 2, num. 5, University Galleries, New York
7 Photo de Melitó Casals datée de 1968, conservée dans les archives du Centre d’Études Daliniennes. Voir : p. 15
8 Salvador Dalí, Comment on devient..., Op. cit., p. 223
9 Jean Christophe Averty (dir.), Autoportrait mou de Salvador Dalí, RM Productions, Télévision Française, Henry R. Coty, 22/12/1972, min. 36:05 36:38. Transcription et traduction de l’auteur en catalan.
10 Dimitri Salmon, « De l’Aphrodite de Mélos à la Vénus de Milo » Dans D’après l’Antique, Réunion des Musées Nationaux, Paris, 2000, p. 434
11 Dominique de Font Réaulx, « Disposition verticale comme portrait du Dada Baargeld » et « Manina ou l’âme du torse ». Dans D’après l’Antique, Réunion des Musées Nationaux, Paris, 2000, p. 457 458, 459.
12 Michel Draguet, « Magritte and Dalí: Hermetic Mimesis ». Dans Dalí and Magritte, The Dali Museum, Ludion Publishers, St. Petersburg, FL., Bruxelles, 2018, p. 54, 94 95
13 La Vénus de Milo ou les dangers de la célébrité, Louis Musin Éditeur, Bruxelles,1973. Dans cette exposition figurent la Vénus de Milo aux tiroirs et la Vénus otorhinologique de Dalí assorties du numéro 8 dans le catalogue
14 Salvador Dalí, La vie secrète..., Op. cit., p. 272 273
15 Ibidem.
16 Voir : Laura Bartolomé Roviras, « Comprendre la sculpture originale de Salvador Dalí à travers l’étude de Buste de femme rétrospectif ». Dans Salvador Dalí, Buste de femme rétrospectif, 1933/1976 1977, Fundació Gala Salvador Dalí, Figueres, 2015, p. 22 61.
17 Voir : Critères artistiques de la Fundació Gala Salvador Dalí en matière de sculpture et œuvre tridimension nelle Publ. : https://www.salvador dali.org/fr/oeuvre/obra escultorica/criteris artistics de la fundacio gala salvador/ [Consultation : 08/08/2022].
18 Cette installation est connue grâce à une série de photos signées Eric Schaal, conservées aux archives du Centre d’Études Daliniennes
19 Salvador Dalí, 50 secrets magiques, Edita Denoël, Paris, 1974, p. 28.
20 Robert M. Coates, « The art galleries », The New Yorker, 01/04/1939, New York, p. 56.
21 Salvador Dalí, Obra completa, vol. VII , Op. cit., p. 124 125
22 Adina Kamien Kazhdan, « Duchamp, Man Ray, and Replication ». Dans The Small Utopia Ars Multiplicata, Fondazione Prada, Milan, 2012, p. 97 113
23 William Jeffett, « Venus de Milo with Drawers ». Dans Dalí, Bompiani, [Milan], p. 258.
24 « Salvador Dalí, doctor honoris causa », Presència, 09/12/1967, Gérone, p. 15.
25 Voir : Critères artistiques de…, Op. cit.
26
À ce jour, nous n’avons connaissance d’aucune image ou description de l’œuvre antérieures à 1939. De fait, il semble qu’elle n’ait pas été non plus présentée au grand public avant cette date. Robert Descharnes affirme que Dalí a exposé cette sculpture lors d’une présentation privée qui s’est tenue le 19 juin 1936 dans son appartement parisien du 101 bis de la rue de la Tombe Issoire. Cependant, cette information n’a pas pu être confirmée. Voir : Robert Descharnes, « Dalí, la Vénus de Milo et la persistance de la mémoire antique ». Dans D’après l’Antique, Réunion des Musées Nationaux, Paris, 2000, p. 463
27 Robert Descharnes, Dali de Gala, Edita, Lausanne, 1962, p. 165, 223. Cette sculpture a été identifiée comme l’œuvre en plâtre de 1936, conservée à cette époque à Paris, dans une collection privée
DALÍ EST CLASSIQUE, IL EST SURRÉALISTE ET IL EST POP’ ART ! 27
Illustrations
28 Leslie Lieber, « The Mystery of Venus’s Arms », This Week Magazine, 04/03/1962, p. 11 et ss.
29 Eva Fotiadi, « What could art history contribute to modern Greek studies in the 21st century: A discussion withAreti Adamopoulou », 29/01/2021. Publ. : https://www.torch.ox.ac.uk/article/what could art history contribute to modern greek studies in the 21st century. part i. a dis [Consultation : 28/07/2022].
30 « Art Sculpture », Time Art, 08/10/1965, New York, p. 48.
31 « Conferencia de prensa de Dalí ante las cámaras de televisión », La Vanguardia Española, 10/11/ 1964, Barcelone, p. 7. Traduit par nos soins.
32 Robert Descharnes, Clovis Prévost, La Vision artistique et religieuse de Gaudí, Edita, Lausanne, 1969, p. [8]
33 José Antonio Vidal Cuadras, « El Museo Dali visto por Dali », La Actualidad Española, 06/08/1970, Barcelone, p. 54. Traduit par nos soins.
34 Voir : https://www.academiacolecciones.com/esculturas/inventario.php?id=E 010 [Consultation : 04/08/2022].
35 Voir : https://www.britishmuseum.org/collection/object/ G_1805 0703 16 [Consultation : 23/08/2022].
[1] Salvador Dalí, Étude pour Le toréador hallucinogène, c. 1969, huile sur toile.
[2] Salvador Dalí, Vénus de Milo aux tiroirs, 1936, plâtre peint, poignées métalliques et pompons en vison, 98 x 32.5 x 34 cm The Art Institute of Chicago, Chicago, après donation de Mme. Gilbert W. Chapman 2005.424
[3] Eric Schaal, Installation with Venus de Milo with Drawers in the exhibition Salvador Dalí 1939 at the Julien Levy Gallery in New York, 1939, retirage.
[4] Salvador Dalí, Vénus de Milo aux tiroirs, 1936/ 1964, bronze peint.
[5] Photo de la Vénus de Milo aux tiroirs de Dalí à l’exposition Panathenaia of Sculpture d’Athènes
[6] Salvador Dalí, Poésie d’Amérique, 1943, huile sur toile.
[7] Eric Schaal, Salvador Dalí sur la façade en construction du Rêve de Vénus, 1939, copie d’époque.
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DALÍ EST CLASSIQUE, IL EST SURRÉALISTE ET IL EST POP’ ART ! 29 [7]
« Nouvelle chair » : la première Vénus de Milo aux tiroirs de Dalí, 1936
Cohen Conservatrice adjointe chargée de recherches, Art Institute of Chicago
Jennifer
[1]
Figurant parmi les premiers et plus éloquents théoriciens d’une nouvelle forme de production artistique connue sous le nom d’objet surréaliste, en vogue au début des années 30, Salvador Dalí décrivait un assemblage éphémère d’objets trouvés incluant des éléments aussi psychologiquement évocateurs qu’un verre de lait et une chaussure de Gala, son épouse adorée comme une œuvre « à fonctionnement symbolique », produisant du sens à la faveur du processus de manipulation et se prêtant même à une consommation éventuelle1. De telles œuvres ont fait de Dalí l’un des praticiens les plus audacieux de cette forme artistique au moyen de laquelle il défiait radicalement les conventions de la sculpture, mais aussi les frontières de l’art et de la vie. Ces créations, souvent éphémères, et les modifications qu’il y apportait, nous sont essentiellement connues grâce à la photographie. Par exemple, le Buste de femme rétrospectif, présenté pour la première fois en 1933, a été photographié dans ses différentes versions, l’artiste y étant régulièrement revenu durant les cinq années suivantes à l’occasion de présentations à son domicile et dans des expositions publiques2. L’apport de cette théorie et de cette pratique allait bien au delà du simple caractère innovant des matériaux et des procédés, en impliquant le corps d’une manière nouvelle. Comme on le sait, Dalí a élaboré une théorie de l’esthétique de la comestibilité et de la notion connexe « d’être objet », qu’il a illustrée de photos d’un visage masqué, probablement le sien, dans une série de poses sculpturales à vocation performative3
La Vénus de Milo aux tiroirs [1], l’une des images les plus fameuses de l’abondante iconographie dalinienne des années 30, incarne ces idées avec une élégance et un esprit singuliers. Cette œuvre en plâtre, qui fait un peu moins de la moitié de la taille de la Vénus de Milo, la sculpture grecque originale exposée au Louvre, est assortie de six tiroirs en état de marche sculptés sur mesure. L’artiste y présente sa vision idiosyncratique de la beauté comme une image à l’épreuve du temps, tout en évoquant avec ambiguïté la pratique psychanalytique, à la fois intemporelle et potentiellement vaine, les cavités narcissiques pouvant se révéler chargées de contenu ou non. Le premier commentaire de Dalí en lien avec cette image est le récit apocryphe de sa première rencontre avec Harpo Marx, lorsqu’il découvre l’acteur en train de donner à manger à un cygne des morceaux « d’une statue de la Vénus de Milo en fromage4 ». Par sa propre capacité à l’ingestion physique, la Vénus de Milo aux tiroirs apparaissait comme une inversion de l’injonction évocatrice de l’artiste, « la beauté sera comestible ou ne sera pas », avec cette propension au cannibalisme que l’on retrouve dans d’importants tableaux de la même époque comme Cannibalisme d’automne et Construction molle aux haricots bouillis5 .
Malgré ces qualités immuables et la célébrité croissante de l’artiste au milieu des années 30, étonnamment, nous savons peu de choses des premières années d’existence de la Vénus de Milo aux tiroirs6 . Cette sculpture, l’une des rares œuvres originales en trois dimensions de Dalí conservées à ce jour, a laissé peu de traces dans les livrets d’expositions et les publications qui ont suivi sa création. Elle ne réapparaît que beaucoup plus tard, quand l’artiste autorise le galeriste Max Clarac Sérou à réaliser une édition en bronze à tirage limité. Ce n’est qu’à ce moment que Dalí confie quelques souvenirs à son confident Robert Descharnes, un photographe qui entretient un rapport privilégié avec l’artiste et qui a possédé l’œuvre quelque temps avant qu’elle ne soit confiée à Clarac Sérou 7 Dire qu’il est difficile de séparer l’histoire de la mythologie quand il s’agit de comprendre la vie et l’art de Dalí est un euphémisme ; ses récits autobiographiques qu’ils soient humoristiques,
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ironiques, ou tout au moins légèrement exagérés doivent toujours être considérés comme les pièces d’une même trame iconographique habilement tissée, rendue manifeste par son art. Puisque notre connaissance de l’origine de la Vénus de Milo aux tiroirs est presque entièrement fondée sur ces récits, il est plus intéressant de se demander pourquoi l’artiste, évoquant cette œuvre, a choisi de relater tel ou tel détail que d’interroger leur vérité historique.
D’abord, puisque le titre est descriptif, demandons nous ce que la datation de l’œuvre peut nous apprendre sur les motivations de l’artiste. La Vénus de Milo aux tiroirs est datée de 1936, tout comme plusieurs œuvres en deux dimensions montrant, elles aussi, des figures humaines à tiroirs, dont le tableau Cité des tiroirs et ses dessins préparatoires [2]8. D’ailleurs, des illustrations similaires publiées par l’artiste la même année dans des catalogues d’exposition et en couverture de Minotaure [3] montrent qu’à cette époque, il recourait régulièrement à ce motif. En revenant sur cette période quelque 40 ans plus tard, Dalí inscrit la genèse de la Vénus de Milo aux tiroirs dans ce contexte. Il évoque aussi la conférence qu’il devait donner sous peu, à Londres, en juin 1936, juste après l’importante Exposition surréaliste d’objets de la Galerie Charles Ratton9. Cette dernière présentait des objets surréalistes mis en regard avec un vaste éventail, presque encyclopédique, d’objets divers, dans un espace traditionnellement consacré à ce qu’on appelait alors l’art « primitif ». Dalí y avait exposé trois objets surréalistes : en fait, les trois autres œuvres en trois dimensions datées elles aussi de 1936, présentes dans le Catalogue raisonné de sculpture Num. cat. OE 25, Num. cat. OE 26, Num. cat. OE 27 Fondamentalement différentes de la
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Vénus de Milo aux tiroirs dans leur composition et les matériaux et techniques utilisés, elles étaient composées de divers objets trouvés assemblés par ajouts successifs. La Vénus, elle, est plus monolithique et, de fait, résolument soustractive dans son exécution technique, reconvoquant les techniques de sculpture, sur la base d’un moule, avec incisions. Parmi les œuvres en trois dimensions que Dalí a réalisées à cette époque, c’est certainement l’intervention la plus sculpturale, qui invoque sciemment l’histoire de la sculpture, dans un dialogue entre la forme et le vide.
Soudain, en mars 1939, l’œuvre réapparaît en public, dans une installation complexe soigneusement imaginée par l’artiste. Les rares photos de l’intérieur de la Julien Levy Gallery prises le jour du vernissage mo ntrent l’objet précairement posé sur une reproduction en trois dimensions de l’emblématique Périsphère de l’Exposition Universelle de New York, craquelée et lézardée [4]10 Comme l’a mémorablement rapporté un critique :
« J’imagine que bon nombre des visi teurs de la galerie seront un peu surpris de découvrir à l’honneur, au centre de la galerie, une grande copie en plâtre du Trylon et de la Périsphère : ne serait ce que parce cette Périsphère est craquelée de part en part, comme un œuf sur le point d’éclore, et surmontée de la Beauté sous la forme d’un moulage de la Vénus de Milo…11 »
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L’objet ne figure pas au catalogue et retombe provisoirement dans l’oubli, éclipsé par une autre création, dans la droite ligne de celle ci, plus sensationnelle encore : le pavillon Rêve de Vénus de l’Exposition Universelle, qui ouvre ses portes en juin de la même année. Mais en s’emparant d’un symbole du thème fédérateur de l’Exposition Universelle « Le monde de demain » pour le montrer délabré et en ruines, Dalí présente à jamais sa Vénus de Milo aux tiroirs comme surgie des décombres de l’avenir. En revendiquant son art comme une anticipation des grands événements mondiaux, tout particulièrement la Guerre Civile espagnole et la Seconde Guerre mondiale, Dalí s’investit d’une responsabilité et se fait le porte drapeau d’une renaissance qui en appelle aux qualités immuables de l’art classique, tout en revendiquant les découvertes de la psychanalyse. Dans son autobiographie, une illustration intitulée « Nouvelle chair » vient ponctuer la partie consacrée à son retour vers le classicisme, où il écrit : « J’avais à lutter pour des choses importantes, dont la première serait de classiciser l’expérience de ma vie, de la doter d’une forme, d’une cosmogonie, d’une synthèse, d’une architecture éternelle12 ». Si la Vénus de Milo aux tiroirs date de 1936 de la même époque que cet ensemble d’images montrant des figures à tiroirs et de la grande exploration de l’objet surréaliste à la Galerie Charles Ratton , l’intérêt de Dalí pour le classicisme précède donc de peu ces événements à portée internationale13. Par ailleurs, si l’œuvre a effectivement été exécutée en 1936, on peut en conclure que l’artiste distinguait déjà son œuvre en trois dimensions de l’objet surréaliste, alors même qu’il poursuivait son travail en ce sens avec d’autres réalisations notables. En plus de ces assemblages psychologiquement évocateurs, il travaillait donc à créer une « nouvelle chair », une ambition qui allait bien au delà du surréalisme.
On imagine on ne peut que spéculer que lorsque Dalí rentre précipitamment en France, il emporte avec lui sa Vénus de Milo aux tiroirs, qui restera dans sa collection personnelle pendant plus de 25 ans14. Image emblématique de la pratique tridimensionnelle de Dalí, constamment sujette aux changements, la Vénus de Milo aux tiroirs illustre parfaitement la façon dont ses œuvres tendent à gommer la notion de temporalité par la répétition, la re description et la réinvention, l’artiste travaillant sans cesse à créer une mythologie qui lui a survécu. S’il reste encore beaucoup à explorer, notamment en ce qui concerne la dimension matérielle de la Vénus de Milo aux tiroirs, les pompons en fourrure sont, à cet égard, particulièrement signifiants et témoignent de la capacité exceptionnelle de l’œuvre de Dalí à représenter simultanément plusieurs époques. Comme le montre la photo de l’objet exposé en 1939, ils sont d’abord absents. Ils sont ajoutés plus tard, au début des années 60, au moment où l’artiste revient sur cette œuvre et commence à lui imaginer une vie future dans d’autres collections, sous forme d’éditions en bronze et autres. Deux photos prises en 1962, visiblement sur un court laps de temps (il manque le tiroir sur le front), montrent l’œuvre avant et après l’ajout des pompons sur les poignées des tiroirs. Initialement positionnés derrière les poignées, ils serviront ensuite à les recouvrir15.
Cet ajout convoque toute une série de références historiques et contemporaines au thème classique de cet objet. Il n'évoque pas seulement l’Object de Meret Oppenheim (baptisé Le Déjeuner en fourrure par André Breton) et le mannequin à tête de rose et aux ongles d’hermine imaginé par Dalí pour les magasins Bonwit Teller Cat. no. OE 29 Il préfigure aussi les illustrations de La Vénus aux fourrures de Leopold Sacher Masoch, réalisées par l’artiste en 197016 Fort pertinemment, ce saut dans l’Histoire s’est opéré à la faveur
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d’une intervention que l’on pourrait qualifier de décoration tendance qui, soudain, a permis à l’œuvre de 1936 depuis la pratique de l’ajout propre à l’objet surréaliste en passant par sa relecture dans une vitrine de magasin de recouvrer toute sa pertinence, en renouvelant l’œuvre fragile et vieillissante pour lui permettre d’occuper sa place dans la culture visuelle du début des années 60.
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Notes
1 J’adresse mes remerciements les plus sincères aux organisateurs de cette exposition, particulièrement à Montse Aguer Teixidor, directrice des Musées Dalí, à Laura Bartolomé Roviras, curatrice de la Fondation Gala Salvador Dalí et à Bea Crespo, de cette même Fondation, qui m’a chaleureusement aidée dans mes recherches. Je remercie également mes collègues de l’Art Institute of Chicago, notamment Caitlin Haskell (conservatrice de la collection Gary C. et Frances Comer d’art moderne et contemporain), Jay Dandy (gestionnaire de la collection d’art moderne et contemporain) et Suzanne R. Schnepp, (ancienne directrice du département de conservation des objets d’art).
Salvador Dalí, « Objets surréalistes », Le Surréalisme au service de la révolution, num. 3 (décembre 1931), p. 16 17. Voir : Catalogue Raisonné de Sculpture et Œuvre tridimensionnelle de Salvador Dalí, Num. cat. OE 1. Tous les numéros d’œuvres accompagnés du lien correspondant cités dans cet article renvoient à cette publication ou au Catalogue raisonné de peinture [Consultation : 10/05/2022].
2 Laura Bartolomé Roviras, « Comprendre la sculpture originale de Salvador Dalí à travers l’étude de Buste de femme rétrospectif ». Dans Salvador Dalí, Buste de femme rétrospectif, 1933/1976 1977, Fundació Gala Salvador Dalí, Figueres, 2015, p. 22 58
3 Salvador Dalí, « De la Beauté terrifiante et comestible de l’architecture ‘modern’ style », Minotaure, num. 3 4 (décembre 1933), p. 69 76 ; Salvador Dalí, « Apparitions aérodynamiques des “Êtres Objets“ », Minotaure, num. 6 (hiver 1935), p. 33 34. Pour de plus amples informations sur la vision dalinienne de l’objet surréaliste en lien avec ses textes sur le sujet jusqu’en 1936, voir : Haim Finkelstein, « The Incarnation of Desire : Dalí and the Surrealist Object », RES : Anthropology and Aesthetics, num. 23 (printemps 1993), p. 114 137.
4 Salvador Dalí, « Surrealism in Hollywood », Harper’s Bazaar, 30/06/1937, p. 68. Traduit par nos soins. Je remercie Montse Aguer, directrice des Musées Dalí, d’avoir porté ce texte à ma connaissance.
5 Salvador Dalí, « De la Beauté … », Op. cit., p. 76.
6 1936 fut peut être l’année la plus décisive dans l’accession de l’artiste à la célébrité internationale, malgré le déclenchement de la Guerre Civile espagnole et la célèbre « expulsion » théâtrale de l’artiste du mouvement surréaliste deux ans plus tôt. Tandis qu’à Paris il continue de participer au mouvement surréaliste comme l’une des figures majeures, aux Etats Unis, il fait la une du magazine Time, expose au MOMA et présente des expositions individuelles à New York et à Londres
7 Robert Descharnes, « Dalí, la Vénus de Milo et la persistance de la mémoire antique ». Dans D’après l’antique, Réunion des Musées Nationaux, Paris, 2000, p. 462 463
8 Robert Descharnes, Salvador Dalí : The Work, The Man, Harry N. Abrams, New York, 1976, p. 199. Nous avons connaissance d’une présentation de l’œuvre à son domicile, durant une journée, quelques semaines à peine après la fin de l’exposition à la Galerie Charles Ratton ; un événement qui semble n’avoir suscité aucun commentaire dans la presse, dans les rangs surréalistes, ni même dans les nombreux écrits de l’artiste. Robert Descharnes, « Dalí, la Vénus… », Op. cit., p. 462 463
Nous savons qu’au moins deux de ces œuvres ont d’abord appartenu à Edward James, le mécène londonien de Dalí qui, dès cet été là, avait signé avec lui contrat d’un an et lui avait passé commande de la décoration de sa maison de Londres. Voir : Nicola Coleby (ed.), A Surreal Life : Edward James, 1907 1984, Royal Pavilion, Libraries & Museums, Philip Wilson, Brighton, Londres, 1998
9 Salvador Dalí, cité par André Parinaud (ed.), Unspeakable Confessions of Salvador Dalí as told to André Parinaud, William Morrow and Company, New York, 1976, p. 181
10 Je remercie Laura Bartolomé Roviras qui a découvert ces photos, les a mises à disposition de l’Art Institute et a effectué un travail minutieux sur les différentes modifications apportées à cette œuvre au fil du temps
La Vénus de Milo aux tiroirs ne semble pas avoir suscité de commentaire à la suite de l’invitation de la presse dans l’appartement parisien de Dalí du 99 rue de l’Université, organisée par l’artiste pour présenter les œuvres qu’il envisageait d’exposer à la Julien Levy Gallery de New York quelques semaines plus tard. L’œuvre a visiblement fait le voyage avec le couple, arrivé à Ellis Island en provenance du Havre le 15 février à bord du paquebot Île de France, avant d’être installée à la Julien Levy Gallery le mois suivant
11 Robert M. Coates, « The Art Galleries », The New Yorker, 01/04/1939, p. 56. Notons que, par le plus grand des hasards, en 1939, le Louvre venait de remplacer l’original de la Vénus de Milo par une copie en plâtre, par souci de protection dans la crainte de l’invasion allemande ; une information qui n’a sans doute été révélée que quelques mois plus tard.
Voir : Agnès Poirier, « Saviour of France’s art : how the Mona Lisa was spirited away from the Nazis », The
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Illustrations
Guardian, 22/11/2014, invasion in 1939, whichlikely became common knowledge only later in this year. https://www.theguardian.com/world/2014/nov/ 22/mona lisa spirited away from nazis jacques jaujard louvre [Consultation : 15/07/2022].
12 Salvador Dalí, La vie secrète de Salvador Dalí, La Table Ronde, Paris, 1952 p. 273.
13
Deux objets comparables figuraient dans l’exposition de la Galerie Charles Ratton de 1936 : une autre copie en plâtre de la Vénus de Milo, au torse peint d’une nuance chair naturaliste par René Magritte, intitulée Les Menottes de cuivre et Object de Meret Oppenheim, qui revisitait également des objets trouvés en utilisant la fourrure. Comme Dalí, Magritte avait été chargé de créer plusieurs œuvres pour le domicile londonien d’Edward James et il aspirait lui aussi à décrocher un contrat d’un an. Comme Danielle Johnson l’a rapporté en évoquant cette période de compétition et ce mécénat partagé, « la concurrence entre les deux hommes atteindra son apogée à la fin des années 30 » et « cette rivalité deviendra une force de création tant les deux artistes travailleront sciemment, dans leurs échanges compétitifs, à reprendre des œuvres antérieures, ce qui montre qu’ils étaient pleinement conscients de leur histoire commune ». Danielle Johnson, « Influence, Dialogue, Rivalry ». Dans Dalí & Magritte, Ludion, Bruxelles, 2019, p. 66.
14 Selon Descharnes, l’œuvre est restée dans l’appartement parisien de Dalí pendant toute la guerre, le lieu ayant confié aux bons soins de Cécile Éluard qui commanda un inventaire dans la crainte d’une éventuelle saisie. Descharnes, « Dalí, la Vénus … », Op. cit., p. 463.
15 Leslie Lieber, « The Mystery of Venus’s Arms », This Week Magazine, 04/03/1962, p. 11 ; Robert Descharnes, Dali de Gala, Edita, Lausanne, 1962, p. 165
16 Salvador Dalí, The Secret Life of Salvador Dalí, Dial Press, New York, 1942, p. 344 ; Leopold von Sacher Masoch, La Vénus aux fourrures, Graphik Europa Anstalt, Genève, 1970.
Au milieu des années 60, l’artiste finira par confier à Descharnes que Marcel Duchamp l’a assisté dans l’exécution technique de la sculpture « Duchamp a été au centre de tout l’affaire. » et qu’il a sollicité un fabricant anonyme de moules en plâtre pour réaliser les tiroirs dont Dalí avait marqué l’emplacement. Voir : Robert Descharnes, Salvador Dalí : The…, Op. cit., p. 199; Robert Descharnes, « Dalí, la Vénus… », Op. cit., p. 462.
[1] Salvador Dalí, Vénus de Milo aux tiroirs, 1936, plâtre peint, poignées métalliques et pompons en vison, 98 x 32.5 x 34 cm. The Art Institute of Chicago, Chicago, après donation de Mme. Gilbert W. Chapman 2005.424.
[2] Salvador Dalí, Cité des tiroirs, graphite sur papier vélin satiné, 35,2 x 52,2 cm, donation de Frank B. Hubacheck, Art Institute of Chicago, 1963.3
[3] Salvador Dalí, Couverture Minotaure, 8, 15/06/ 1936
[4] Eric Schaal, Installation avec la Vénus de Milo aux tiroirs présentée à l’exposition Salvador Dalí 1939 à la Julien Levy Gallery de New York, retirage.
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Les tiroirs de Dalí
Laura Bartolomé Roviras Curatrice de la Fundació Gala Salvador Dalí Foundation
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« Le chaos espagnol me bouleversa, et les monstres de la guerre civile envahirent mes toiles. L’être double du « cannibalisme d’automne » se dévore lui même et me suce le sang. Mon père sera persécuté, ma sœur deviendra presque folle, on rasera mon clocher et combien d’amis morts ! La mort, le néant, l’abjection de la haine me cernent. Mon système paranoïa critique fonctionne parfaitement. En plein désespoir je continue à peindre en exaltant mon vertige. J’invente la Vénus de Milo aux tiroirs et le Cabinet anthropomorphique ».
Salvador Dalí, Comment on devient Dali (1973)1
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Ce souvenir évoqué par Dalí nous invite à situer la Vénus de Milo aux tiroirs à un moment très précis de sa biographie : en 1936, au début de la Guerre Civile espagnole. L’artiste rapporte avoir « inventé » cette sculpture au moment où la société, et sa propre famille, étaient confrontés à l’un des épisodes les plus lugubres de l’histoire du XXème siècle. Son ami Federico García Lorca sera fusillé en août de la même année. Pendant le conflit, les affaires de son père, notaire à Figueres, péricliteront, de même que les ressources de la famille2. Enfin, sa sœur Anna Maria sera accusée d’espionnage puis emprisonnée et torturée en 1938.
1936 est, pour plusieurs raisons, un carrefour dans la trajectoire artistique de Dalí. Il participe à plusieurs expositions collectives et individuelles à Paris et à Londres et, surtout dans la deuxième partie de l’année, aux Etats Unis. Là bas, sa renommée artistique connaît un essor sans précédent. « Mon deuxième voyage en Amérique fut ce que l’on peut appeler le commencement officiel de la “gloire“3 ». Ces mots de l’artiste laissent entendre combien il sent, à ce moment là, que le succès est à portée de main. Il arrive à New York début décembre, alors que son œuvre est déjà présentée au MoMA dans l’exposition Fantastic Art Dada Surrealism. Puis la Julien Levy Gallery lui consacre une exposition individuelle et les Grands Magasins Bonwit Teller lui commandent la création d’une vitrine C’était une femme surréaliste On aurait dit le personnage d’un rêve sur la Cinquième Avenue. La critique et les médias se font l’écho de son jeune talent et la revue Time publie en couverture du numéro du 14 décembre son portrait, photographié par Man Ray4. Cette image est peut être le point d’origine symbolique d’un nouveau départ qui, peu à peu, l’éloigne de l’entourage surréaliste de Paris, mais aussi d’Europe. En 1940, Gala et Dalí s’installent aux Etats Unis.
Vers 1936, Dalí s’interroge sur la nature de son œuvre et s’investit d’une nouvelle mission : « Ma gloire en tant que surréaliste ne vaudrait rient tant que je n’aurais pas incorporé le surréalisme à a tradition. Il fallait que mon imagination retournât au classicisme. Une œuvre restait à accomplir et le reste de ma vie n’y suffirait pas. Gala m’en persuada5 ». C’est donc à cette époque que la certitude que la tradition et le classicisme doivent être les fondements de son œuvre commence à s’imposer. Malgré tout, à cette époque, Dalí est agité de sentiments contradictoires. Il goûte sans nul doute à la renommée et à la reconnaissance obtenus après des années de travail et d’efforts dans les rangs des surréalistes et cependant, il souffre d’une étrange angoisse. « Je n’ai rien. Je sais que ma gloire est là, mûre comme une figue de l’Olympe. Je n’ai qu’à serrer les dents et à mâcher pour en sentir le goût. Je n’ai aucune raison d’être ainsi angoissé. Et pourtant cette angoisse va croissant, sans que je sache d’où elle vient, ni où elle va. Mais elle est si forte qu’elle me fait peur6 ». L’abjection de la haine, le désespoir et le vertige que lui inspirent la Guerre Civile influent évidemment sur son état. Néanmoins, cela ne freine pas son activité créatrice, bien au contraire, car son système paranoïaque critique « fonctionne parfaitement ».
C’est dans ce contexte que Dalí va truffer son œuvre de tiroirs ; un élément qui n’est cependant pas inédit. Vers 1934 1935, ils apparaissent déjà dans Harpe invisible et dans Singularités. On trouve aussi des commodes aux tiroirs ouverts dans d’autres œuvres de la même époque comme Portrait d’Edward Wassermann, L’expulsion du meuble aliment et Banlieue de la ville paranoïaque critique Par ailleurs, il évoque aussi les tiroirs dans son œuvre littéraire. Dans l’article « Les pantoufles de Picasso », publié dans le numéro d’octobre 1935
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de Cahiers d’art, il écrit : « voir Picasso pâlir lorsqu’assis à la tabIe de sa salle à manger, il saisit une enveloppe dans sa sole meunière (porte enveloppe), à tiroirs mous, qu’a inventée Salvador Dali7 ». Mais le fait est qu’au milieu de l’année 1936, les tiroirs daliniens ne sont plus des éléments ponctuels et commencent à se multiplier. Dans l’exposition individuelle qui se tient à la galerie Alex Reid & Lefevre de Londres en juin et juillet, il présente la Cité des tiroirs [1], qu’il évoquera sous le de Cabinet anthropomorphique dans la citation qui figure en préambule de Comment on devient Dali. On y voit une femme, assise sur le sol d’une pièce plongée dans la pénombre, tête baissée, avec six tiroirs enfoncés dans le torse. Dans le catalogue de cette exposition [2], on trouve aussi l’image d’un visage humain avec un tiroir bordé de sang, probablement un « tiroir de chair ». À gauche de l’illustration figure cette référence : « photographies en couleurs suscitées par [...] des tiroirs de chair8 ».
Ces photos photographies couleur ne sont pas sans lien avec la définition de la peinture que Dalí formule en 1935 dans La Conquête de l’irrationnel : « Photographie instantanée en couleurs et à la main des images superfines, extravagantes, extra plastiques, extra picturales, inexplorées, super picturales, super plastiques, décevantes, hypernormales, débiles, de l’irrationnalité concrète images de l’irrationnalité concrète : images qui provisoirement ne sont pas explicables ni réductibles par les systèmes de l’intuition logique ni par les mécanismes rationnels [sic]9 ». Il est clair que dans cette affirmation, Dalí définit également le fonctionnement de sa méthode paranoïaque critique. Ainsi, si ses « tiroirs de chair » sont des images relevant de l’irrationalité concrète, on peut aussi les comprendre comme le résultat de sa méthode. En vérité, quand des années plus tard le poète Selden Rodman
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[1]
demande à Dalí si le fait de placer un tiroir dans l’estomac d’un individu relève d'une volonté de déformation, l’artiste répond par la négative et présente ce geste comme la copie la plus honnête et la plus photographique qui soit de l’une de ses visions10. La référence au « tiroir de chair » apparaît encore dans le Souvenir Catalogue de la Julien Levy Gallery de 1936 1937 [3]11 Dalí y insère une illustration représentant le buste nu et chevelu d’une femme au visage défiguré par un tiroir emboîté dans un trou béant. Parmi les œuvres présentées dans cette exposition figure Cannibalisme d’automne, l’autre œuvre mentionnée dans la citation qui ouvre cet article. On y voit un être étrange au corps percé de tiroirs se dévorant lui même avec cuillères, fourchettes et couteaux. Si l’on en croit les déclarations de l’artiste dans Comment on devient Dali, on peut situer l’exécution de la Vénus de Milo aux tiroirs à la même époque12. Dans cette œuvre, Dalí transgresse le corps de la déesse gréco romaine et le transforme en commode d’inspiration classique pourvue de six tiroirs éminemment surréalistes : un dans le front, deux dans les seins, un dans l’estomac, un dans le ventre et un dans le genou. Au regard de ce que nous venons d’exposer, les tiroirs de la Vénus ne seraient ils pas, eux aussi, des « tiroirs de chair » et, par conséquent, des photographies en couleurs de l’irrationalité concrète dalinienne ?
Toujours est il que trois des œuvres deux tableaux et une sculpture crées et inscrites par Dalí dans le contexte de la Guerre Civile espagnole affichent un motif commun : elles montrent des êtres mutilés par des tiroirs. Tiroirs, « tiroirs de chair », photos couleur des images de l’irrationalité concrète... Dalí avertit le lecteur que ces photos sont le résultat d’une méthode expérimentale, fondée sur des associations systématiques propres à la
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[2] [3]
[4]
paranoïa. En principe, les images en couleurs qui en résultent ne peuvent être expliquées au moyen de mécanismes rationnels. Toute compréhension, si tant est qu’elle soit possible, surgit a posteriori, alors que l’œuvre existe déjà comme phénomène. En résumé, sa méthode paranoïaque critique fonctionne ainsi.
En ce sens, les propos les plus révélateurs de l’artiste sont ceux qu’il tient face à la Vénus de Milo aux tiroirs dans Autoportrait mou de Salvador Dalí, une émission réalisée par Jean Christophe Averty. « Alors, des tiroirs, maintenant on va recouvrir de tiroirs parce que l’unique différence entre la Grèce immortelle et l’époque contemporaine, c’est Sigmund Freud ; lequel a découvert que le corps humain qui était purement néoplatonicien à l’époque des Grecs, aujourd’hui, est plein de tiroirs secrets que seule la psychanalyse est capable de découvrir13 ». La corrélation entre les tiroirs, la méthode paranoïaque critique et la psychanalyse est donc indéniable. Il semble même que le nom de Freud ait figuré dans l’installation qui présentait la Vénus de Milo aux tiroirs à New York en 193914. Cette année là, Dalí continue d’introduire des tiroirs dans le corps d’autres personnages de ses œuvres, comme dans les décors du ballet Bacchanale [4] ou à l’intérieur du pavillon Rêve de Vénus de l’Exposition Universelle de New York.
Lorsque Dalí crée cette sculpture, il connait déjà très bien la pensée de Freud. Comme il le rapporte dans La Vie secrète, il a découvert ses ouvrages à l’époque où il habitait la Résidence d’étudiants de Madrid et il est probable qu’en 1929, il avait déjà lu Psychopathologie de la vie quotidienne15. Dans le chapitre consacré aux souvenirs d’enfance et aux souvenirs
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écrans, Freud rapporte un souvenir d’enfance personnel en lien avec un coffre ouvert16, autre objet creux similaire au tiroir et qui, dans la traduction espagnole du texte de Freud, est qualifié de tiroir17. Adulte, il se revoit enfant, à peine âgé de trois ans, pleurant désespérément devant un coffre ouvert. Finalement, il parvient à déchiffrer le sens de cette scène, survenue alors qu’il se demandait où était sa mère et qu’il la cherchait dans un coffre que son demi frère tenait ouvert devant lui. Il associe ce souvenir à un échange avec ce dernier : alors que le jeune Freud l’interrogeait sur la disparition de la bonne de la famille, son demi frère lui avait répondu qu’elle avait été arrêtée et « coffrée ». Ne voyant pas sa mère dans le coffre, le jeune Freud avait pleuré jusqu’à ce que celle ci entre dans la pièce. Cette image ne laisse pas indifférent et témoigne assurément de la vulnérabilité de l’être humain.
On ignore tout du « contenu » des tiroirs de la Vénus dalinienne, que l’on peut aussi ouvrir, et il n’est pas simple d’identifier les images de l’irrationalité concrète que Dalí entend y révéler. On peut cependant avancer quelques interprétations. « La Guerre Civile est un torse de femme troué de tiroirs18 », déclare Luis Racionero dans Converses entre Pla i Dalí Il est certain que les contemporains de la Vénus de Milo aux tiroirs sont alors des hommes et des femmes qui ont vécu, vivent ou vivront le conflit au plus près. Tout comme Dalí et sa famille. L’artiste a t il imaginé ces tiroirs comme les outils de l’exploration de l’inconscient d’une société qui, loin de l’idéal classique incarné par la Vénus de Milo, s’est retrouvée plongée dans la guerre civile ? Espagne, l’un des cris artistiques les plus puissants de Dalí face au conflit, montre une femme, la tête penchée au dessus d’une commode dont un seul des tiroirs est ouvert. Ce tableau date de 1938, mais le dessin préparatoire, exécuté en 1936 [6], s’inscrit peut être dans le même contexte que celui de la Vénus de Milo aux tiroirs
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[5] [6]
Notes
1 Salvador Dalí, Comment on devient Dali, Robert Laffont, Paris, 1973, p. 223.
2 Mariona Seguranyes Bolaños, Els Dalí de Figueres. La família, l’Empordà i l’art, Ajuntament de Figueres, Viena Edicions, Figueres, Barcelone, 2018, p. 124 130.
3 Salvador Dalí, The Secret Life of Salvador Dalí (1942). Publ. : La vie secrète de Salvador Dalí, La Table Ronde, Paris, 1952, p. 268
4 Time. The Weekly Newsmagazine, vol. XXVIII, 14/12/1936, New York.
5 Salvador Dalí, La vie secrète..., Op. cit., p. 272 273. Bien qu’il soit souvent difficile de dater de façon précise les événements relatés par Dalí dans sa Vie secrète, il est fort probable que celui ci se situe à la fin de l’année 1936
6 Salvador Dalí, La vie secrète…, Op. cit., p. 270 271
7 Salvador Dalí, « Les pantoufles de Picasso », Cahiers d’Art, 1935, p. 72 76. Publ.: Salvador Dalí, « Picasso’s Slippers ». In Haim Finkelstein (ed.), The Collected Writings of Salvador Dali, Cambridge University Press, Cambridge, 1998, p. 298
8 « Photographies en couleurs motivées par [...] des tiroirs de chair ». Voir : Salvador Dali, Londres, Alex. Reid & Lefevre, 1936, p. [1].
9 Salvador Dalí, La Conquête de l'irrationnel, Editions surréalistes, Paris, 1935, p. 13
10 Selden Rodman, « Dali the Great? », Controversy, 31/05/1959, Philadelphie, p. 14.
11 Souvenir Catalogue, Julien Levy Gallery, New York, [1936/37].
12 Robert Descharnes affirme que Dalí a exposé cette sculpture lors d’un événement privé le 19 juin 1936 dans son appartement du 101 bis de la rue de la Tombe Issoire, à Paris, ce qui établirait un terminus ante quem de création de l’œuvre. Cette information n’a cependant pas pu être confirmée. Voir : Robert Descharnes, « Dalí, la Vénus de Milo et la persistance de la mémoire antique ». Dans D’après l’Antique, Réunion des Musées Nationaux, Paris, 2000, p. 463
13 Jean Christophe Averty, Autoportrait mou de Salvador Dalí, RM Productions, Télévision Française, Henry R. Coty, 1966 1967, min. 36:05 36:38 Transcrit et traduit par nos soins.
14 D’après la presse de l’époque. Voir : Robert M. Coates, « The art galleries », The New Yorker, 01/04/1939, New York p. 56
15 Salvador Dalí, The Secret Life of Salvador Dalí, Dial Press, New York, 1942, p. 167. Cfr. Vicent Santamaria de Mingo, « Salvador Dali lector de Freud 1927 1930. Una aproximación a las fuentes del pensamiento daliniano », La Balsa de la Medusa, 47, 1998, p. 104.
16 Sigmund Freud, Psychopathologie de la vie quotidienne, Payot, Paris, 1922, p. 58.
17 Voir : Sigmund Freud, Obras completas: 1900 1905, Biblioteca Nueva, Madrid,1972, p. 786 787.
18 Lluís Racionero, Converses amb Pla i Dalí: localistes cosmopolites, Edicions 62, Barcelona, 2002, p. 89.
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Illustrations
[1] Salvador Dalí, Cité des tiroirs, 1936, huile sur bois, Kunstsammlung Nordrhein Westfalen, Düsseldorf.
[2] Catalogue d’exposition Salvador Dalí, Alex Reid & Lefevre, Londres, 1936.
[3] Salvador Dalí, Souvenir Catalogue, New York, Julien Levy Gallery, [1936/37] (détail).
[4] Salvador Dalí, Étude pour le ballet Bacchanale, c. 1939, crayon, encre de Chine et gouache sur papier
[5] Hansel Mieth, Salvador Dalí et Edward James dans l’exposition Salvador Dalí 1939 à la Julien Levy Gallery de New York, 1939.
[6] Salvador Dalí, Étude pour Espagne, 1936, crayon sur papier
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Catalogue
Centre d’Études Daliniennes
SCULPTURE
PEINTURE
Salvador Dalí
Vénus de Milo aux tiroirs
1936/1964 Bronze peint 98,5 x 32,5 x 34 cm
Salvador Dalí
Vénus de Milo aux tiroirs
Création holographique à partir de la sculpture originale
1936 Plâtre peint, poignées métalliques et pompons en vison 98 x 32,5 x 34 cm
The Art Institute of Chicago, Donation de Mme. Gilbert W. Chapman 2005.424.
Salvador Dalí
Étude pour Le toréador hallucinogène c. 1969 Huile sur toile 58,5 x 44 cm
TRANSGRESSION DE LA VÉNUS 52
DESSINS
MATÉRIEL PRÉPARATOIRE
Salvador Dalí
Frontispice du Second Manifeste du Surréalisme [André Breton] 1930 Phototypie sur papier 27,9 x 22,5 cm
Salvador Dalí
Sans titre. Variations sur les symboles de l'Exposition universelle de New York
1939 Crayon sur papier 27 x 17,1 cm
Salvador Dalí Étude pour le ballet Bacchanale
c. 1939
Crayon, encre de Chine et gouache sur papier 35,8 x 43 cm
Salvador Dalí
Progect for “mad TrisTan” poetry of New York [Colliere] neurosis Artificial vampire organ of Babel wagner, GAudi Boecklin Illustration pour The Secret Life of Salvador Dalí
1939 1941
Encre sur papier 22 x 28 cm
Salvador Dalí
Matériel préparatoire pour Le toréador hallucinogène
c. 1969 Stylo sur photo 23,5 x 7,1 cm
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PHOTOGRAPHIES
Eric Schaal
Installation avec la Vénus de Milo aux tiroirs présentée à l’exposition Salvador Dalí 1939 à la Julien Levy Gallery de New York
1939 Retirage 23,9 x 17,8 cm
Eric Schaal
Installation avec la Vénus de Milo aux tiroirs présentée à l’exposition Salvador Dalí 1939 à la Julien Levy Gallery de New York
1939 Retirage 23,9x 17,7 cm
Eric Schaal
Façade du Rêve de Vénus en construction
1939
Copie d’époque 20,4 x 20,5 cm
Eric Schaal
Salvador Dalí sur la façade en construction du Rêve de Vénus
1939
Copie d’époque 25,3 x 20,5 cm
Eric Schaal
Salvador Dalí peignant l’une des fresques intérieures du Rêve de Vénus
1939
Copie d’époque 25,4 x 20,6 cm
Eric Schaal
Salvador Dalí peignant l’une des fresques intérieures du Rêve de Vénus
1939
Copie d’époque 25,5 x 20,6 cm
Eric Schaal
Salvador Dalí peignant l’une des fresques intérieures du Rêve de Vénus
1939
Copie d’époque 20,6 x 25,4 cm
Eric Schaal
Salvador Dalí préparant l’un des mannequins pour le Rêve de Vénus
1939
Copie d’époque 25,3 x 20,5 cm
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Eric Schaal
Salvador Dalí et Gala dans le Taxi pluvieux
1939
Copie d’époque 25,2 x 20,7 cm
Eric Schaal
Plafond de parapluies à l’intérieur du Rêve de Vénus 1939 Copie d’époque 23,7 x 20,6 cm
Vénus de Milo aux tiroirs dans un meuble prie Dieu de style Art nouveau
Postérieur 1962
Copie d’époque 29,8 x 19,7 cm
DOCUMENTS IMPRIMÉS
Salvador Dalí Souvenir Catalogue [1936 1937] 25,9 x 19,7 cm
Salvador Dalí Declaration of the Independence of the Imagination and the Rights of Man to His Own Madness 1939 38,2 x 22,4 cm
Invitation au vernissage de l’exposition Salvador Dalí du Centre Georges Pompidou de Paris 1979 21 x 10,4 cm
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LIVRES ET REVUES
Salvador Dalí
Couverture de la revue Minotaure 1936 31,4 x 24,5 cm
Time Art
Photo de la Vénus de Milo aux tiroirs de Dalí à l’exposition Panathenaia of Sculpture d’Athènes 1965 28 x 21,3 cm
Robert Descharnes, Clovis Prévost
La Vision artistique et religieuse de Gaudí
Préface de Salvador Dalí 1969 30,7 x 26,5 cm
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Salvador Dalí, Étude pour la façade du Rêve de Vénus, 1939