Gala/Dalí : Image et miroir

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GALA / DALÍ


IMAGE ET MIROIR





MONTSE AGUER I TEIXIDOR

Être cet identique différent 04

ELISABET RIERA

La vie révélée de Gala-Salvador Dalí 06

BEA CRESPO / ROSA MARIA MAURELL

Vrais souvenirs d’enfance 14

Bal onirique 28

Le mythe de Narcisse 42

Autoportraits automatiques 64

Métamorphose 82

CATALOGAGE 102


MONTSE AGUER I TEIXIDOR

Être cet identique différent

GALA / DALÍ: IMAGE ET MIROIR

04


Savoir regarder est un moyen d’inventer. Et aucune invention n’a été aussi pure que celle créée par le regard anesthésique de l’œil nu, sans cils, du Zeiss.1 —Salvador Dalí

1 Salvador Dalí, «La fotografia, pura creació del esperit», L’Amic de les Arts, année II, num. 18, 30/09/1927, Sitges. Traduit dans : Oui 1 : La Révolution paranoïaquecritique, Denoël, Gonthier, Paris, 1971. p. 25.

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L’exposition présentée cette année au Château Gala Dalí de Púbol est le fruit d’une approche singulière et d’une relecture magnifique du volumineux fonds photographique que la Fundació Gala-Salvador Dalí a l’honneur et la mission de préserver, et dont Gala et Salvador Dalí sont les principaux protagonistes. En outre, les recherches approfondies menées à cette occasion ont permis de mettre en relation certaines photographies de notre collection avec d’autres images qui présentent un intérêt certain pour l’étude du peintre et de son épouse. Nous remercions particulièrement Emmanuel Boussard pour son inestimable collaboration qui s’est révélée, une fois encore, d’une importance majeure, ainsi qu’Emília Pomés et le Museu del Joguet de Figueres. Nous remercions également Elisabet Riera pour sa précieuse contribution et son texte passionnant, qui a su si bien transmettre l’essence même du projet. Enfin, nous tenons évidemment à saluer le travail toujours exemplaire des commissaires de cette exposition : Bea Crespo et Rosa Maria Maurell. L’exposition « Gala-Dalí : image et miroir » se propose de repenser et d’interroger l’image que nous avons de Gala et de Salvador Dalí à la lumière de photographies qui, nous le verrons, présentent des complicités et des correspondances. Cette exposition, qui retrace l’existence de Gala et de Salvador Dalí avant et après la rencontre décisive de l’été 1929 à Cadaqués – point culminant de leurs vies et trajectoires respectives –, fait dialoguer les images et jette des ponts entre les photographies qui ont immortalisé les différentes périodes de leurs vies. Les images présentées ici se parlent, s’interrogent, parfois se confondent ou dissimulent. Certaines habitent le territoire commun de l’enfance, d’autres évoquent plus qu’elles ne montrent, d’autres encore nous renvoient le reflet de l’autre, à moins qu’elles ne questionnent le rôle traditionnel de l’artiste et de sa muse, tout en interrogeant la mémoire collective. Dalí a utilisé la photographie, pure création de l’esprit, tout au long de sa vie. Elle ne fut pas seulement objet de réflexion : elle servit aussi de matériel d’atelier, d’illustration à ses écrits, théoriques et littéraires, de témoignage d’actions artistiques et, surtout – c’est là qu’intervient aussi Gala –, d’espace de pensée et d’outil de construction de sa propre identité. Nous invitons le visiteur à participer à ce jeu spéculaire, en espérant que cette découverte le questionnera et l’incitera à dépasser les apparences, si souvent attachées aux personnages de Gala et Salvador Dalí. Un autre discours est possible, surtout lorsque l’image – c’est ici le cas – aide à transgresser la lecture conventionnelle des choses pour laisser place à l’imagination, dans l’acception la plus riche du terme. C’est-à-dire : être cet identique différent.


ELISABET RIERA

La vie révélée de Gala-Salvador Dalí

GALA / DALÍ: IMAGE ET MIROIR

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« Attends, elle arrive4 ! » : pressentiments et synchronies Le temps est mou comme une montre, surtout pour un enfant qui aime rêvasser et imaginer des formes fantasques en observant les ombres projetées sur le plafond de sa chambre ou les taches d’humidité des murs de la salle de classe de monsieur Trayter, à Figueres – un maître qui souvent s’endormait, un maître qui, par conséquent, rêvait. Dalí a rapporté qu’il avait, dans cette première école, désappris le peu de choses qu’il savait en y entrant – les lettres de l’alphabet et écrire son nom –, mais c’est pourtant grâce à monsieur Trayter que surgit dans son esprit la première idée obsessionnelle, le premier

1 Traduit de : Salvador Dalí, The Secret Life of Salvador Dalí, Dial Press, New York, 1942, p. 392. 2

Ibidem.

3 Salvador Dalí, « La fotografia, pura creació de l’esperit », L’Amic de les Arts, année II, num. 18, 30/09/1927, Sitges. Traduit dans : Oui 1 : La Révolution paranoïaquecritique, Denoël, Gonthier, Paris, 1971. p. 26. 4 Traduit de : Salvador Dalí, The Secret Life of Salvador Dalí, op.cit., p. 221.

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Le 9 mai 1941, dans sa chambre de l’hôtel St. Regis de New York, entre six heures et six heures et demie du matin, Salvador Dalí se réveilla et eut une idée soudaine, une révélation : « Dans un demi-sommeil, les yeux fermés, je regardais mon œil avec mon œil depuis le fond de mon œil. Je commençai alors à “voir” mon œil et à le considérer comme un véritable appareil photographique mou, donnant à voir non le monde extérieur, mais mes pensées solides et la pensée en général. J’en arrivai immédiatement à la conclusion que l’on pouvait photographier la pensée et je commençai à poser les bases théoriques de mon invention. Cette invention est aujourd’hui un fait accompli et, dès que j’en aurai perfectionné la mécanique, je l’offrirai à la considération scientifique des États-Unis. Il deviendra en effet possible de parvenir à ce qui nous a toujours semblé miraculeux : la visualisation objective des images virtuelles de la pensée et de l’imagination de tout individu1. » Exalté par sa découverte, il formula alors une promesse solennelle : « J’entends consacrer tout le reste de ma vie à la réalisation et au perfectionnement de mon invention, aidé des hommes de science avec lesquels il me faudra nécessairement collaborer2 ». Avec cette exposition de photographies, la promesse dalinienne est donc prophétiquement accomplie, bien que de façon rétroactive, si tant est que le temps linéaire ait un sens dans l’univers des montres qui fondent. L’intuition que la photographie pouvait montrer plus que la matière n’était pas chose nouvelle chez Dalí. Il l’avait déjà évoquée dans un article de 1927 intitulé « La photographie : pure création de l’esprit », dans lequel il parlait de la « photographie qui saisit la poésie la plus subtile et la plus incontrôlable ». Il poursuivait : « Savoir regarder est un tout nouveau système d’arpentage spirituel. Savoir regarder est un moyen d’inventer. Et aucune invention n’a été aussi pure que celle créée par le regard anesthésique de l’œil nu, sans cils, du Zeiss : distillé et attentif, invulnérable à la floraison rouge de la conjonctivite ». Et il concluait : « Fantaisie photographique ; plus rapide et agile en trouvailles que les processus troubles du subconscient ! Un simple changement d’échelle provoque d’insolites ressemblances, des analogies inimaginables, et pourtant existantes3. » Ressemblances insolites et analogies existantes, bien qu’inimaginables. Là est la véritable « vie secrète » de Dalí, une « vie révélée » grâce à un procédé chimique – et surtout alchimique – qui s’active sous l’effet de la lumière projetée sur une surface recouverte de bromure d’argent, qui présente en retour, comme l’argent lui-même – voire le mercure –, une image et un miroir. Le voyage qui va de la chambre noire du subconscient à la surface photographique nous offre une double autobiographie : celle de Gala-Dalí, histoire de l’absorption, de la métamorphose et de la transmutation de l’un en l’autre, dans un jeu continu de miroirs, de reflets et d’identités qui ne peuvent être comprises indépendamment l’une de l’autre, qui se forment et se performent avant de se connaître. Parce qu’effectivement, le temps est mou comme une montre.


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5

Ibidem, p. 41.

6

Ibidem, p. 233.

7

Ibidem, p. 218-219.

8

Ibidem, p. 40.

9

Ibidem, p. 71.

fétiche. C’est dans un théâtre optique découvert dans l’appartement du maître – que Dalí décrit dans son autobiographie comme une sorte de cabinet de curiosités – que le petit Salvador vit apparaître pour la première fois la figure d’une enfant qu’il appelle «la petite fille russe» : « C’est dans le merveilleux théâtre de monsieur Trayter que je vis les images qui devaient me bouleverser le plus profondément pour le reste de ma vie ; tout particulièrement l’image d’une petite fille russe, que j’adorai sur-le-champ. (…) Etait-ce Gala ? Je suis sûr que c’était elle5. » Il y découvre l’image d’une fillette emmitouflée dans des fourrures blanches, assise dans un traîneau glissant sur la neige, poursuivie par des loups aux yeux phosphorescents ; une fillette au regard fier et vif, qui ressemble à un petit animal sauvage. L’image reste si puissamment imprimée dans la mémoire du jeune Dalí que, le lendemain, elle provoque le premier acte de pensée magico-paranoïaque de sa vie : à son réveil, il découvre la ville de Figueres couverte de neige, comme la steppe russe. Il reste le nez collé à la vitre durant des heures puis insiste auprès de sa mère pour aller marcher dans la neige. Il veut absolument se rendre à la Font Trobada (un nom on ne peut plus propice à la rencontre avec son objet trouvé). En chemin, il découvre une boule de platane posée sur la neige, seule, qui se détache nettement sur le manteau blanc. Il s’imagine qu’il s’agit d’un petit animal vivant. Il croit avoir trouvé un singe qu’il ramasse, tient entre ses mains et glisse dans sa poche. Arrivé à la fontaine, il découvre qu’une fillette l’y attend. Ce sera la première incarnation de la petite fille russe, de celle qu’il appelle «ma Galutchka» ; une incarnation ou projection qui se manifestera à plusieurs reprises durant son enfance, sous la forme de Dullita, de la seconde Dullita et de Galutchka Rediviva. Bien évidemment, il offre la boule de platane à la petite fille : il lui fait présent de son désir. « Elle était destinée à être ma Gradiva, celle qui avance, ma victoire, ma femme6 ». Gala est celle qui avance et fait avancer Salvador, qui le devance dans l’espace-temps, non seulement parce qu’elle est son aînée de dix ans, mais parce qu’elle anticipe les actes et les images qu’il reproduira sans le savoir, comme un aveugle qui marche accroché à la corde tenue par la « voyante » qui lui ouvre la voie. Quand on regarde les photos de son enfance et de sa jeunesse, on croirait presque y voir Gala, au loin, qui le cherche et l’appelle, qui finalement l’accompagne, tandis que le corps de l’enfant se transforme pour devenir celui d’un adolescent puis d’un homme. Gala inventorie les pays, les maris, les amants ; elle lui offre des objets d’ancrage (des frères et sœurs, des animaux de compagnie, un ours en peluche, un avion) [RI 01, RI 02, RI 05, RI 06, RI 07, RI 08, BO 01, BO 02] ; elle s’approche peu à peu, tant et si bien que Salvador croit presque sentir sa présence : « J’avais un vague pressentiment, qui progressait et peu à peu se précisait : tous ces signes étaient le présage viscéral de l’amour. Cet été-là, j’allais connaître l’amour. Et je palpais de mes mains, dans le midi terriblement précis de Cadaqués, l’absence de ce visage féminin qui, de très loin, avançait déjà vers moi. Ce ne pouvait être que Galutchka, ressuscitée par la croissance, avec un nouveau corps de femme, avançant. Car je la voyais toujours marchant, avançant7. » Dans La Vie secrète de Salvador Dalí, l’artiste s’attache à identifier les parallélismes de leurs parcours respectifs, ces correspondances biographiques ou magiques – ces synchronies dirait Carl Jung –, souvent commentées en notes de bas de page. Il explique, par exemple, qu’à l’époque où il s’asseyait sur les genoux de monsieur Trayter, Gala, elle, s’asseyait sur les genoux de Tolstoï. Il trouve d’ailleurs une ressemblance physique entre l’écrivain et son maître d’école8. Plus loin, il est frappé de constater que l’un de ses premiers dessins représentait Hélène de Troie : « Ma femme s’appellerait Hélène9 » (Gala s’appelait Elena Diakonova). Dalí fige ce destin pressenti et indissoluble dans un petit dialogue entre son corps et son âme. Fatigué de peindre, Salvador veut aller se baigner dans la mer. L’âme s’y refuse mais le corps, agité, insiste


et l’entraîne vers l’eau pour qu’elle s’y baigne avec lui : « Attends, elle arrive ! (...) Ne me presse pas ainsi, disait mon âme, tu sais parfaitement qu’elle arrive pour toi10. » Salvador le sait et attend. Il attend, pour l’heure solitaire, allongé sur la plage, en écoutant les vibrations de l’air. La musique de Gala. La pensée paranoïaque, le pouvoir qu’a tout individu de voir dans les formes de la réalité l’image fantasmée de son propre désir, se manifeste à nouveau de façon splendide, en faisant advenir l’idéal, en incarnant l’idée obsessionnelle qui ainsi bascule de la subjectivité à l’objectivité. À l’été 1929, à Portlligat, l’âme rejoint enfin le corps, son destin, et lui donne la main : la femme rêvée et aimée se fait chair et devient visible. Et la femme visible, c’est Gala.

10 Ibidem, p. 221. 11 Les œuvres citées dans cette publication sont accompagnées du numéro de Catalogue Raisonné de Salvador Dalí consultable à l’adresse suivante : https://www.salvador-dali. org/fr/oeuvre/catalogue-raisonne/. 12 Paul Éluard, Max Ernst (il.), Au Défaut du silence, [1925].

Jumeau, double, miroir

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Salvador vient à sa rencontre tout vêtu de blanc, la peau luisante et le teint hâlé. Il porte un collier de perles autour du cou et un géranium derrière l’oreille. Pour recevoir son épouse, il s’est habillé en jeune mariée. Le mélange des rôles est immédiat : confusion des genres, des identités. Le premier ouvrage que Dalí publie en tant que théoricien du mouvement surréaliste, moins d’un an après avoir rencontré Gala, s’intitule La Femme visible. Au même moment, il peint L’homme invisible (num. cat. P 237)11, la première toile dalinienne qui inclut une double image : autre jeu de simulacre, de déguisement, de travestissement. Le livre présente une double couverture : une feuille de papier cristal de couleur rouge recouvre une seconde couverture en papier aluminium remplié avec, à l’intérieur, une feuille cartonnée argentée faisant office de miroir dans lequel se reflète un portrait de Gala ; Gala et son « visage perceur de murailles12 » écrivait Paul Éluard. Image double de Gala et de son reflet, peut-être celui de l’homme invisible… Les sens se multiplient et se dédoublent : idéal-réalité, homme-femme, absence-présence, corps et âme, anima et animus, image et simulacre. Dalí fut confronté très tôt à la question du double. Cela commence avec la mort du frère aîné, premier enfant du couple Dalí, survenue avant la naissance de l’artiste. Pour se consoler de cette disparition, les parents donnent au second fils le prénom du premier : Salvador. Quand il arrive au monde, Dalí est déjà le « jumeau » d’un autre. Plus tard, à la mort de sa mère, son père se remarie avec la sœur de cette dernière. Par ailleurs, Anna Maria Dalí, la sœur de Salvador, fut, avant l’arrivée de Gala, son premier modèle : la première femme qu’il peignit de dos, regardant par la fenêtre. Jusque là, les doubles sont des jumeaux, des frères de substitution, qui de fait se remplacent. Mais Gala n’est pas la jumelle de Salvador. De plus, elle est irremplaçable. Depuis tout petit, Dalí est fasciné par la « forme bifurquée ». Il en prend pleinement conscience lors d’un premier séjour dans la famille Pichot, au mas du Molí de la Torre : « Le monstre de mon jardin zoologique était un lézard à deux queues, l’une normale et très longue, l’autre plus courte. Ce phénomène était lié dans mon esprit au mythe de la bifurcation, qui me semblait d’autant plus énigmatique qu’il se manifestait sous la forme d’un être vivant et mou, – car la forme bifurquée m’obsédait depuis longtemps. Chaque fois que le hasard m’avait placé en présence d’un bel exemple de bifurcation, généralement offert par un tronc ou une branche d’arbre, mon esprit restait en suspens, comme paralysé par une avalanche d’idées que je ne parvenais pas à lier les unes aux autres, à cristalliser ne serait-ce que sous une forme poétique quelconque et provisoire. Quelle était la signification du problème de la ligne bifurquée et tout particulièrement de l’objet bifurqué ? Il y avait quelque chose d’éminemment pratique dans ce problème, que je ne parvenais pas encore à saisir ; quelque chose qui, je le pressentais, pourrait être utile


13 Traduit de : Salvador Dalí, The Secret Life of Salvador Dalí, op. cit., p. 87. 14 Traduit de : Estrella de Diego. Gala Salvador Dalí. Una habitación propia en Púbol. Museu Nacional d’Art de Catalunya, Barcelona, 2018, p. 162.

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15 Salvador Dalí, Métamorphose de Narcisse, Éditions Surréalistes, Paris, 1937, p. [28].

à la vie mais aussi à la mort, quelque chose qui pouvait servir à pousser et à prendre appui : une arme et une protection, une étreinte et une caresse, qui contient et qui en même temps est contenu dans le contenant. Qui sait, qui sait13 ! » Qui sait qui nous sommes l’un et l’autre ? Telle est la question que Gala et Salvador se posent continuellement quand ils sont à Portlligat, qu’ils s’essayent à la magie en jouant avec tous les objets possibles : draps, chapeaux et chaussures entrant dans la composition de la formule magique [bo 05, bo 06, bo 07, bo 08]. Tête à l’endroit, tête à l’envers. Rien par ici, rien par là. On me voit, on ne me voit plus. Je suis seul et maintenant nous sommes deux. Ou peut-être sommes-nous deux et ne faisons-nous qu’un. Es-tu ma moitié ou mon double ? Allez savoir… C’est au romancier romantique allemand Johann Paul Richter, connu sous le pseudonyme de Jean Paul, que l’on doit la tradition littéraire du doppelgänger, qui s’ancra ensuite dans l’imaginaire artistique et littéraire sous diverses formes et plumes comme celles d’Edgar Allan Poe, avec William Wilson, ou de Maupassant, avec Lui ? pour perdurer jusqu’à aujourd’hui. Le doppelgänger, «celui qui chemine à côté», renvoie au mythe selon lequel chacun dans le monde aurait un sosie qui serait son double exact, mais maléfique. Croiser la route de son doppelgänger est un présage de mort. C’est pourquoi le reflet de sa propre image (par exemple dans un miroir) peut avoir quelque chose d’effrayant. C’est peut-être la représentation littéraire du concept junguien de «l’ombre» mais, même si cette acception pourrait faire penser à la légende noire d’une Gala ténébreuse, avide d’argent, qui mine la volonté de Dalí et le pousse à rompre avec sa famille et ses amis, non, Gala n’est pas le doppelgänger de Salvador, ni Salvador celui de Gala. Si nous remontons la piste de la «vie révélée» par les photographies, plus parlantes que tous les mots, nous arrivons devant deux images centrales, fondatrices, claires comme de l’eau de roche : l’image dédoublée de Narcisse. Une première photo prise en Suisse en 1929 [mn 01] nous montre Gala dans la pose exacte du personnage de la Métamorphose de Narcisse (num. cat. P 455) [ir 07], peint par Dalí huit ans plus tard. Sur une deuxième photo, on peut voir Salvador, penché au dessus de l’eau dans laquelle son visage se reflète, au cœur d’un paysage naturel qui constituera le décor du même tableau [mn 02]. À eux deux, ils composent l’ensemble : figure et arrière-plan, image et miroir, indissociables l’un de l’autre, tous deux nécessaires à la construction de leur identité respective. Comme l’écrit Estrella de Diego : « Au fil de ces années passées ensemble, une image a porté l’autre dans la relation spéculaire, qui n’est pas reflet mais dédoublement. Gala et Dalí se sont dédoublés à l’infini et ont échangé leurs identités, semblant être l’un quand ils étaient l’autre14. » Grâce au miroir que lui offre Gala, Dalí parvient à surmonter son narcissisme, à sortir de lui-même et à aimer l’autre. Le poème présenté conjointement au tableau précédemment cité s’achève sur une formulation catégorique « Gala – mon narcisse15. ». Une partie fondamentale du processus alchimique a déjà été accomplie : la dissolution et la fusion du sujet et de l’objet, du masculin et du féminin, du ciel et de la terre, de la matière et de l’esprit. Résultat : un couple avec les pieds sur terre et la tête dans les nuages [mn 15].

L’androgyne alchimique à la recherche de l’or Gala est déjà Narcisse et Salvador signe déjà ses toiles « Gala-Dalí ». Leurs âmes se superposent comme des surimpressions photographiques [aa 09, aa 10, aa 11, aa 12]. Elles sont prêtes à entreprendre le Grand Œuvre de tout alchimiste : la transmutation des choses en or, dans la double acception matérielle


16 Salvador Dalí. La Femme visible. Éditions Surréalistes, Paris, 1930, p. 56. 17 Salvador Dalí, Louis Pauwels, Les Passions selon Dalí, Denöel, Paris, p. 124. 18 Salvador Dalí, André Parinaud, Comment on devient Dali, Robert Laffont, Paris, 1973, p. 200. 19 Ibidem, p. 202.

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et spirituelle du mot. Ils travaillent ensemble (au pavillon Rêve de Vénus pour l’Exposition Universelle de New York ou à l’écriture et à la correction de La Vie secrète de Salvador Dalí) [mm 02, mm 03, mm 04, mm 05]. Ils sont inséparables, indissolubles, à la fois créateur et modèle, comme la figure de l’androgyne. La fusion n’est pas seulement physique, elle est totale : « Tout ce que je pense vit et se renouvelle dans l’image de l’être aimé. Cet être est aussi tout ce que je pourrais penser et tout ce que je penserai jamais16. » Tous les faits, toutes les possibilités se rejoignent dans la figure de l’androgyne Gala-Dalí : ils sont à la fois objets et sujets d’une œuvre qui s’écrit sur leur propre vie, sur leur propre corps, comme lorsque Salvador peint Méduse du sommeil sur le front de Gala [mm 06]. La notion d’androgynie, également évoquée sous les termes de Rebis ou double identité, apparaît de façon récurrente dans la tradition alchimique qui a tant fasciné Dalí. La bibliothèque personnelle du peintre renfermait d’ailleurs de nombreux ouvrages sur le sujet. Alchimie des philosophes (1976), son livre d’artiste qui rassemble une sélection de textes consacrés à la tradition alchimique à travers les âges, contient dix estampes exécutées par l’artiste. Ces images sont chargées de symboles et témoignent d’une connaissance profonde de cette tradition philosophique et mystique qui aspire à la purification de l’esprit et à l’immortalité. Dans Les passions selon Dalí (1968), l’artiste fait la confession suivante : « Faisant de ma vie entière un objet d’alchimie, je me considère volontiers comme un descendant du Catalan Raymond Lulle17. » Dans Comment on devient Dalí (1973), il déclare également : « Chaque élément de la matière dissimule un trésor. Et l’homme est pour moi la matière de l’alchimie par excellence : le puits d’où jaillit la richesse, la mine d’or de l’absolu, à condition de savoir le transcender. L’or est la vraie preuve de la connaissance de Dieu, des lois de la vie, de la morale profonde18. » « Tout grand art naît de l’alchimie et du dépassement de la mort. Moi je fais de l’or en transcendant mes entrailles par hyperconscience19. » Si l’homme est la matière alchimique par excellence et que toute forme d’art magistral naît de l’alchimie, quel est le Grand Œuvre de Gala-Dalí, si ce n’est cet être qu’il forment à eux deux, l’androgyne mythique qui dissout les contraires, les concentre et les distille, encore et toujours, jusqu’à les transmuer en or (transsubstantiation et illumination, comme dans les photographies préparatoires au Sacrement de la Cène) (núm. cat. P 719) ? [mm 10, mm 11] Les deux dernières images de l’exposition sont véritablement «révélatrices» [mm 14, mm 15]. On y voit d’abord Salvador et Gala, assis ensemble dans le salon Ovale de Portlligat, comme les forces alchimiques de la vie à l’intérieur d’un œuf. Dalí porte une sorte de costume de carnaval avec un grand soleil doré sur la poitrine, entouré d’étoiles ; tout un firmament. C’est la figure du magicien des cartes du tarot, auquel Gala était très attachée et qu’elle consulta souvent tout au long de sa vie. Dans le tarot de Salvador Dalí, l’artiste incarne très explicitement le magicien, ici sur son trône, tandis que Gala, assise à ses pieds, ressemble davantage à un page ou à une fée. C’est là un dernier mirage. La dernière photographie nous révèle enfin l’un des plus grands secrets du couple androgyne : Gala, sortant de l’ombre, a revêtu le costume solaire (couleur d’or) de Salvador. Car finalement, dans ce jeu d’images que nous avons rassemblées, Gala est passée de l’autre côté du miroir : l’agent transformateur, l’alchimiste, la magicienne, c’est elle.


GALA / DALÍ


IMAGE ET MIROIR


BEA CRESPO / ROSA MARIA MAURELL

Vrais souvenirs d’enfance

GALA / DALÍ : IMAGE ET MIROIR

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1


Je ferme les yeux et me tourne en pensée vers mes souvenirs les plus anciens afin d’y chercher l’image qui m’apparaîtra avec le plus de spontanéité, avec la plus grande puissance visuelle, pour l’évoquer comme la première image inaugurale de mes vrais souvenirs. Je vois...2 —Salvador Dalí

Parmi les images de l’enfance de Salvador Dalí, rassemblées dans son autobiographie La Vie secrète de Salvador Dalí (1942), figure le souvenir très vif de Dullita : « Ce fut une petite fille que je vis un jour, de dos, marchant devant moi jusqu’au bout de la rue, à la sortie du collège. Sa taille était si mince et si fragile qu’on aurait cru que

1 Le titre de cette partie est tiré du chapitre V de l’autobiographie de l’artiste. Traduit de : Salvador Dalí, The Secret Life of Salvador Dalí, Dial Press, New York, 1942.

son corps était fait de deux parties indépendantes que sa démarche, terriblement

2

Ibidem, p. 63.

cambrée, menaçait de briser en deux3 ». Dullita, dont Dalí ne parvient pas à voir le

3

Ibidem, p. 75.

visage, se confond avec le souvenir de Galuchka, la petite fille russe qu’il avait vue,

4

Ibidem, p. 43.

5

Ibidem, p. 229.

ou cru voir – les souvenirs d’enfance sont souvent insaisissables –, dans le théâtre magique de son maître d’école, monsieur Trayter. Galuchka, dont le nom est une allusion très claire à Gala, renvoie à la même image féminine qui, selon Dalí, se répètera tout au long de sa vie amoureuse, nourrissant ses faux et vrais souvenirs4.

Diverses Dullita et Galuchka se succèdent au fil des pages, jusqu’au

jour où, enfin, à l’été 1929, Gala Éluard entre en scène, elle aussi de dos : « C’était elle ! Galutchka Rediviva ! Je venais de la reconnaître à son dos nu. Son corps avait encore la complexion de celui d’un enfant, avec cette tension athlétique un peu brusque des omoplates et des muscles lombaires propre à l’adolescence5 ». Gala, la femme-enfant, incarne le personnage fétiche tant de fois recréé et réinventé par Dalí dans son enfance, et c’est nimbée de cette lumière nouvelle qu’elle apparaît dans les premières photographies que nous connaissons d’elle. Gala, qui est aussi Dullita et Galuchka, tourne enfin son visage insaisissable

6 Pendant les années 1920, Don Osito Marquina (Monsieur l’ours en peluche Marquina), baptisé ainsi par Federico García Lorca, fut l’objet de jeux et de plaisanteries de la part du poète de Grenade et de Salvador Dalí et de sa sœur. Pour plus d’informations : Els vint primers anys de Salvador Dalí, Museu del Joguet de Catalunya, Figueres, 2004, p. 21-26. 7 Il superpose sa propre image à une photographie du Monastère madrilène de l’Escorial et celle de Gala à une image de la Cathédrale Saint-Basile de Moscou.

en direction du jeune Dalí – qui n’est plus tout à fait un enfant –, qui la rêve et l’imagine avant même de la connaître.

Ce parcours à travers les portraits et souvenirs d’enfance et de jeunesse

de Gala et Salvador Dalí, qui précèdent la rencontre qui marquera un avant et un après dans leurs existences respectives, laisse apparaître de troublantes analogies. On y voit défiler devant l’objectif des enfants endimanchés [RI 01, RI 02], des écoliers à l’air distrait de jeux

[RI 05, RI 06]

[RI 03, RI 04]

, de tendres et dociles compagnons

, des peluches chargées d’histoire 6

[RI 07, RI 08]

et des

affichent un visage resplendissant [RI 09, RI 10] ; des images qui, dans l’ensemble, témoignent du poids des conventions dans le portrait photographique et renvoient, d’une certaine façon, au stratagème mis en œuvre par Dalí dans les pages illustrées de son autobiographie. [ir 01, ir 02] Il utilise en effet des photographies de l’un et de l’autre pour les mettre en relation avec les structures architecturales qui ont marqué leur enfance7 et avec le paysage de Cadaqués ; un paysage qu’il rapproche d’un portrait de jeunesse de Gala car ils possèdent, selon lui, la même aura d’éternité.

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regards perdus dans le vague à cet âge où les jeunes gens, avides d’expériences,


RI 01


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SD + GOS

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IR 01


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BEA CRESPO / ROSA MARIA MAURELL

Bal onirique

GALA / DALÍ : IMAGE ET MIROIR

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Dans un demi-sommeil, les yeux fermés, je regardais mon œil avec mon œil depuis le fond de mon œil. Je commençai alors à “voir” mon œil et à le considérer comme un véritable appareil photographique mou, donnant à voir non le monde extérieur, mais mes pensées solides et la pensée en général 1.

À la fin des années 1920, dans son art comme dans sa vie, Salvador Dalí se tourne

—Salvador Dalí

rationnelle et les conventions sociales. Influencés par les théories de Sigmund Freud,

résolument vers le surréalisme3. Sous l’influence du mouvement, l’artiste trouve enfin un langage qui lui est propre. Celui-ci se manifeste dans son œuvre, impétueuse et transgressive, mais aussi dans son attitude, irrévérencieuse et provocatrice. Ces traits de caractère séduisent les surréalistes. À l’été 1929, certaines personnalités du groupe rendent visite à Dalí à Cadaqués. C’est alors qu’il fait la connaissance de Gala, l’épouse du poète Paul Éluard. À ce moment décisif de son existence, Dalí est occupé à la préparation de ce qui sera sa première exposition individuelle dans la capitale française, soutenu par André Breton, chef de file du mouvement surréaliste.

Guidés par Breton, les surréalistes entendent se dresser contre la pensée

le père de la psychanalyse, ils en appellent à l’expression directe du subconscient La photographie, qui saisit la poésie la plus subtile et la plus incontrôlable2. —Salvador Dalí

qu’ils considèrent comme la forme de création la plus puissante et la plus authentique qui soit, d’où leur intérêt pour l’automatisme, entendu comme une sorte de dictée magique formulée par l’inconscient, sur lequel la raison n’exerce aucun contrôle. En ce sens, en tant que moyen de reproduction mécanique, la photographie occupe une place privilégiée dans les activités des surréalistes : systématiquement présente dans les ouvrages, revues et traités publiés, elle fait aussi l’objet de collections, d’échanges, de jeux et inspire des textes aux membres du groupe4.

Parmi les multiples possibilités offertes par l’appareil photographique,

le portrait collectif est l’une des formes qui, chez les surréalistes, suscite l’intérêt le plus vif. Il leur permet de construire leur identité, de s’affirmer en tant que groupe et d’immortaliser des moments clés de leur existence collective. C’est dans ce même esprit que, durant les périodes de vacances, généralement prodigues en portraits, ils font un usage répété de l’appareil photo

[BO 03, BO 04, bo 05]

ou s’emparent de pratiques photographiques populaires, comme l’utilisation des images traditionnellement proposées dans les parcs d’attraction de l’époque

2 Salvador Dalí, « La fotografia, pura creació del esperit », L’Amic de les Arts, année II, num. 18, 30/09/1927, Sitges. Traduit dans : Oui 1 : La Révolution paranoïaque-critique, Denoël, Gonthier, Paris, 1971. p. 26. 3 Dans une lettre à Federico García Lorca datée des premiers jours de septembre 1928, l’artiste insiste sur sa foi dans le surréalisme, qu’il considère comme le seul moyen d’évasion possible. Voir : Querido Salvador, querido Lorquito : Epistolario 1925-1936, Elba, Barcelona, 2013, p. 150. 4 Quentin Bajac, Clément Chéroux, Guillaume Le Gall, Philippe-Alain Michaud, Michel Poivert, « Changer la vue », dans La Subversion des images : surréalisme, photographie, film, Centre Pompidou, Paris, 2009, p. 17. 5 Marc Aufraise, Salvador Dalí et la photographie : portraits du surréalisme (1927-1942), thèse doctorale, Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne, Paris, 2013, p. 215-216. 6 En 1935, les Éditions Surréalistes publient La Conquête de l’irrationnel. Dans cet essai, Dalí pose les bases de sa méthode paranoïaque-critique d’interprétation de la réalité.

[BO 01, BO 02]

Notons que les clichés pris par les surréalistes dénotent une certaine volonté

subversive au regard des usages sociaux de la photographie qui, contrairement à ce que l’on pourrait croire, obéit à des règles et à des conventions très strictes5. Quand les membres du groupe utilisent ces codes visuels et exaltent l’amitié et l’amour sous toutes leurs formes, ils le font en remettant en question les règle sociales et morales. Par ailleurs, ils se photographient souvent dans des poses intentionnellement oniriques et suggestives, rêveurs ou les yeux fermés, comme sur cette image prise à Cadaqués montrant Dalí auprès de Camille Goemans – son futur marchand à Paris –, d’Yvonne Bernard et de Gala [BO 04]. Cette année-là, à l’été 1929, Dalí a deux ambitions qui, toutes deux, s’expriment dans cette image : il rêve de militer dans les rangs du surréalisme et d’unir son existence à celle de Gala, qu’il tient par la main sans aucun complexe.

De fait, pendant les années 1930, avec l’aide inconditionnelle de Gala,

Dalí devient l’une des figures majeures du mouvement surréaliste. En outre, il fournit au groupe un instrument de premier ordre : la méthode paranoïaque-critique, au moyen de laquelle il se lance à la conquête de l’irrationnel6. Il se propose en effet de faire surgir la subjectivité du monde intérieur en recourant aux éléments objectifs du monde extérieur. En d’autres mots, il cherche à consolider ses rêves et ses obsessions sans renoncer à une représentation réaliste des éléments qui les composent. Bien évidemment, il applique cette méthode à sa peinture, mais il ne tarde pas à l’étendre à d’autres domaines et disciplines comme la mode et la photographie. En témoignent de nombreuses images d’époque qui mettent en lumière des idées et des obsessions toujours latentes chez Dalí.

Par exemple, le Chapeau-chaussure d’Elsa Schiaparelli porté par Gala

sur la photographie d’André Caillet

[BO 08, ir 02]

est le fruit des associations

délirantes de l’artiste. Il en est de même des images fantasmagoriques

[BO 06]

,

érotiques voilées7, amplement photographiées par Man Ray8 pour illustrer l’article de Dalí « Les Nouvelles couleurs du sex-appeal spectral9 » [ir 03], qui renvoient à de nombreuses compositions picturales de l’artiste [ir 04, ir 05].

7 Allusion à la citation de Breton : « La beauté convulsive sera érotique-voilée, explosante-fixe, magique-circonstancielle ou ne sera pas. » André Breton, L’Amour fou, Gallimard, Paris, 1937, p. 26. 8 Dalí se sert du talent de Man Ray pour accroître l’impact de ses visions et représentations fantasmagoriques. 9 Salvador Dalí, « Les Nouvelles couleurs du sex-appeal spectral », Minotaure, année 1, num. 5, 05/1934, Paris, p. 20-22.

29

.

1 Traduit de : Salvador Dalí, The Secret Life of Salvador Dalí, Dial Press, New York, 1942, p. 392.


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BEA CRESPO / ROSA MARIA MAURELL

Le mythe de Narcisse

GALA / DALÍ : IMAGE ET MIROIR

42


Narcisse, tu perds ton corps, emporté et confondu par le reflet millénaire de ta disparition1. —Salvador Dalí

Pendant les années 1930, Gala et Salvador Dalí se livrent souvent à ce jeu de réciprocité photographique dans lequel deux individus se photographient l’un l’autre, dans des poses similaires et des contextes pratiquement identiques. Cette pratique, fort courante, n’a rien de surprenant. Mais il y a dans les images qui les ont immortalisés ainsi, au sein d’un même décor, quelque chose qui transcende la convention photographique et va bien au-delà du simple effet miroir ; un sentiment aussi indéniable que troublant.

Pour comprendre les raisons d’une telle affirmation, il faut encore une

fois remonter à l’été 1929 : la présence de Gala à Cadaqués plonge Dalí dans un état d’agitation sexuelle et de nervosité considérables ; le miroir des apparences auquel Dalí-Narcisse, amoureux de lui-même, se voyait condamné, est brisé2. Gala est la femme réelle qui le sauve de l’abîme de son propre reflet. Plus tard, l’artiste se regardera en Gala, se reconnaîtra en elle et inversement. Pour reprendre les mots d’Estrella de Diego : « Ils entretiennent tous deux une relation spéculaire, narcissique : l’un aime en l’autre ce que l’autre aime en lui-même et, dans ce jeu, les identités se mêlent et s’entremêlent3. »

Durant ces années 1930, à mesure que le temps passe, la frontière

entre l’identité de l’un et de l’autre devient en effet de plus en plus mouvante. En ce sens, le poème Métamorphose de Narcisse – écrit conjointement au tableau homonyme de 19374 – a valeur de métaphore. Dans les derniers vers, Dalí fait référence à Gala, qu’il présente comme le nouveau Narcisse : « Ce sera la fleur, le nouveau Narcisse, Gala – mon narcisse5. » En vérité, la muse est l’alter ego de l’artiste. C’est pourquoi son image figure en couverture de l’édition imprimée du poème6. [IR 10]

Dans le tableau Métamorphose de Narcisse (num. cat. P 455), l’important

n’est pas tant la figure de Narcisse se reflétant dans l’eau que le dédoublement du personnage7. Au-delà de la similitude évidente entre la pose de Gala8 [MN 01] et celle du Narcisse de la relecture dalinienne du mythe, c’est l’écho morphologique critique, Dalí cherche à nous confondre, tentant de nous faire voir ce qui n’est pas. Nous pensons voir un autre Narcisse quand, en réalité, nous voyons là une main fossilisée qui tient un œuf, duquel jaillit une fleur appelée « narcisse »10. La fleur et le personnage sont, comme Gala et Dalí, « l’identique différent11 ».

Ils se complètent et, pour les comprendre, l’un ne va pas sans l’autre. Sous cet éclairage, nous percevons alors Gala et Dalí comme une projection réitérée de l’un dans l’autre. Estrella de Diego va même jusqu’à dire qu’au moment de la rencontre, ils étaient chacun en quête du miroir qui leur renverrait une image surprenante d’eux-mêmes, image dont ils avaient besoin pour continuer à avancer12. Dans cette quête d’identité, ils construisent également leur propre image. Gala et Salvador Dalí

5 Salvador Dalí, Métamorphose de Narcisse, op. cit., p. [28]. 6 Cette photo fait partie d’une série d’images du couple réalisées par Cecil Beaton en 1936. On y voit Gala posant à côté de l’œuvre exécutée la même année, Un couple aux têtes pleines de nuages (num. cat. P 443). Les œuvres citées dans cette publication sont accompagnées du numéro de Catalogue Raisonné de Salvador Dalí consultable à l’adresse suivante : https://www.salvador-dali. org/fr/oeuvre/catalogue-raisonne/. 7 David Lomas, « Sobre el Narcisismo en Dalí : una introducción » dans Metamorfosis de Narciso, Galaxia Gutenberg, Círculo de Lectores, Fundació Gala-Salvador Dalí, Barcelona, Figueres, 2008, p. 104. Dans cet essai, l’auteur signale l’indéniable analogie entre le tableau de Dalí, Métamorphose de Narcisse, et celui de René Magritte La Reproduction interdite, exécutés tous deux en 1937. 8 Cette photographie, retrouvée parmi le matériel d’atelier de Dalí, présente au verso de petites incisions qui laissent penser que l’image a été décalquée et transférée sur un autre support. 9 Cet écho dépasse les limites du tableau lui-même. On retrouve cette main fossilisée tenant un œuf dans une autre toile de l’artiste, Invention de monstres, exécutée vers 1937 (num. cat. P 457). 10 N’oublions pas que les thèmes de l’illusion et de l’aveuglement sont inhérents au mythe de Narcisse, ce qui conforte Dalí dans son choix de ce mythe pour mettre en œuvre sa méthode paranoïaque-critique.

le médium photographique joue un rôle fondamental.

11 Estrella de Diego, Gala Salvador Dalí. Una habitación propia en Púbol, op. cit., p. 136.

1 Salvador Dalí, Métamorphose de Narcisse, Éditions Surréalistes, Paris, 1937, p. [22].

12 Ibidem, p. 134.

2 L’artiste évoque lui-même sa virginité au moment de la rencontre : « Jamais encore je n’avais “fait l’amour” et je me représentais cet acte comme terriblement violent et disproportionné par rapport à ma vigueur physique : “ce n’était pas fait pour moi” ». Traduit de : Salvador Dalí, The Secret Life of Salvador Dalí, Dial Press, New York, 1942, p. 242.

[MN 03, MN 04, MN 05, MN 06, MN 07, MN 08]

ambitionnent de faire de leurs personnes une œuvre d’art et, dans ce processus,

3 Traduit de : Estrella de Diego, Gala Salvador Dalí. Una habitación propia en Púbol, Museu Nacional d’Art de Catalunya, Barcelona, 2018, p. 151.

Conscients de ce qui se joue, pendant leurs séjours à Cadaqués, ils se

photographient assidument13. Les poses sont le plus souvent étudiées et artificielles . Certaines images relèvent de véritables

tableaux vivants, comme celle où l’on voit Dalí dans le rôle de Narcisse, au cœur du paysage du Cap de Creus [MN 02]. D’autres ont simplement valeur de témoignage, comme lorsqu’ils se photographient auprès des œuvres en cours d’exécution, par exemple auprès de Spectre ornemental de l’érection (num. cat. OE 18)

[MN 09,

. Chaque fois que l’occasion se présente, ils se font aussi photographier par

MN 10]

des photographes professionnels de grand talent. Et lorsqu’on observe les images splendides de Carl Van Vechten

[MN 13, MN 14]

, de Man Ray

[ir 08, ir 09]

et de

Cecile Beaton [MN 15], on constate combien la mise en regard des physionomies de Gala et de Salvador Dalí oscille entre le reflet et le dédoublement.

13 Bea Crespo, Rosa M. Maurell, « Les Femmes visibles », dans Elles photographient Dalí, Fundació GalaSalvador Dalí, Figueres, 2018, p. 16-17.

43

de Narcisse qui, ici, retient notre attention9. Usant de sa méthode paranoïaque-

4 Le poème et le tableau se présentent comme une relecture du mythe de Narcisse tel que rapporté par Ovide dans ses Métamorphoses. Bien que l’artiste n’ait abordé ce mythe qu’à cette occasion, les thèmes de l’amour et de la mort, d’Eros et Thanatos, sont récurrents dans son travail.


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Autoportraits automatiqueS

GALA / DALÍ : IMAGE ET MIROIR

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Le seul fait de la transposition photographique implique déjà une invention totale : l’enregistrement d’une RÉALITÉ INÉDITE1. —Salvador Dalí

Dès leur installation à Paris en 1928, les cabines de photomaton fascinent les membres du groupe surréaliste pour leur caractère automatique. Cette invention, qui fonctionne comme un véritable automate, est l’équivalent, dans le domaine de l’image, de l’écriture automatique que les surréalistes pratiquent depuis 19243. Tandis que cette activité donne à lire une sorte de “monologue intérieur”, le photomaton, lui, offre une représentation tangible de l’idée que chacun se fait de lui-même à travers son reflet dans le miroir4.

Toute surimpression photographique fortuite ne peut avoir qu’un sens prophétique2 —Salvador Dalí

Les surréalistes, toujours enclins à se représenter, ne tardent pas à

s’approprier cette sorte de confessionnal moderne qui, pour un prix modique, invite à jouer avec sa propre identité. En 1929, la revue La Révolution surréaliste publie déjà leurs autoportraits aux yeux fermés, encadrant une œuvre de René Magritte, Je ne vois pas la [femme] cachée dans la forêt5 [ir 11]. Une fois de plus, la photo officielle répond au besoin des surréalistes de s’affirmer en tant que collectif, de se présenter aux yeux du monde comme un groupe soudé et de montrer, à ce moment précis, quels en sont les membres6.

C’est précisément du fait de ce photomontage que Salvador Dalí est

présenté en société comme membre du collectif [AA 02], un collectif qui, d’ailleurs, dans l’image qu’il donne, est éminemment masculin. N’oublions pas qu’aux origines du surréalisme, la femme est perçue comme un “problème”7 et reléguée au rôle de la muse, de l’inspiratrice et de l’amante. Même si cette tendance s’estompera au cours des années 1930, les femmes restent exclues des portraits de groupe, même quand ils ont été conçus par l’une d’elles8. Bien que cultivée, créative et influente, Gala préfère rester dans l’ombre et entretenir l’image de la muse énigmatique, qui à la fois la flatte et la freine. Mais en coulisses, elle fait bel et bien partie du groupe surréaliste, comme semble le confirmer son autoportrait aux yeux fermés qui aurait pu trouver place dans le photomontage [AA 01].

Sur les autoportraits aux yeux fermés, les protagonistes affichent une

certaine retenue dans la pose. Mais à l’intérieur de la cabine du photomaton, une désinhibés et prêts à jouer avec leur propre image. Entre deux éclairs de flash, dans un jeu de transformations répétées, le moi nous offre des sourires éternels [AA 03, aa 04]

, des masques

[AA 06]

, des énigmes

[AA 05]

et des instants de complicité

. Derrière l’apparence du divertissement, certains de ces autoportraits

[AA 07, aa 08]

sont une véritable déclaration d’intention : tandis que Dalí décide de se grimer en Dalí, Gala – par définition fuyante – tourne le dos à l’objectif et lui soustrait son visage dans un geste insolite [AA 05, aa 06].

Outre les images du photomaton, il existe une série de photographies

en surimpression de Gala et Salvador Dalí datant des années 30 qui, en raison de leur nature même, peuvent aussi être considérées comme des autoportraits automatiques. L’une d’elles a été prise lors d’un séjour du couple à Cadaqués. L’appareil change régulièrement de mains et quand Gala le récupère, elle oublie d’avancer le négatif, superposant ainsi involontairement la photo du peintre à la sienne. L’image qui en résulte est fascinante, car elle souligne la symbiose amoureuse des deux amants au début des années 30, que Dalí évoque en ces termes ardents dans son autobiographie : « Gala et moi vécûmes trois mois de suite à Portlligat, agrippés comme deux cancers, l’un dans l’estomac, l’autre dans la gorge du Temps. Nous refusions de voir passer une seule seconde sans avoir consumé la vie de tous ses tissus dans notre étreinte dévorante9. » [ir 12]

Que ce soit par hasard [AA 10] ou par caprice [AA 11, aa 12],10 les photographies

du couple en surimpression livrent un secret, à grands cris et de façon poétique : Gala vit en Dalí tout comme Dalí vit en Gala. À eux deux, ils forment un troisième personnage qui les inclut et les transcende.

2 Citation de Salvador Dalí rapportée dans Robert Descharnes, Dalí de Gala, Edita, Lausanne, 1962, p. 29. 3 Cette activité littéraire consiste à coucher sur le papier les pensées qui se succèdent dans l’esprit du scripteur sans que celui-ci n’exerce aucune forme de contrôle sur ces pensées. 4 Clément Chéroux, « L’automatisme », dans Derrière le rideau : L’esthétique Photomaton, Musée de l’Élysée, Éditions Photosynthèses, Lausanne, Arles, 2012, p. 93. 5 « Je ne vois pas la [femme] cachée dans la forêt », La Révolution surréaliste, année 5, num. 12, 15/12/1929, Paris, p. 73. 6 Sur l’importance du concept de groupe pour les surréalistes, voir : Félix Fanés, « Au Rendez-vous des amis », Salvador Dalí : Álbum de familia, Fundació Gala-Salvador Dalí, Fundació “la Caixa”, Figueres, Barcelona, 1998, p. 6-13. 7 Le problème le plus merveilleux et perturbant du monde dit en substance André Breton dans son Second manifeste du surréalisme. Voir : André Breton, Second manifeste du surréalisme, Kra, Paris, 1930, p.97. 8 Nous faisons ici référence à l’artiste Valentine Hugo et, en particulier, à deux de ses œuvres : Les Surréalistes (également connue sous le titre Les Constellations), débutée en 1932, et le collage Surréalisme de 1932-1934. 9 Traduit de : Salvador Dalí, The Secret Life of Salvador Dalí, Dial Press, New York, 1942, p. 301. 10 Pour plus d’informations sur la pratique de la surimpression chez les surréalistes, voir : Héloïse Pocry, « Surimpressions naturelles et volontaires chez les surréalistes. Un regard multiple sur Paris », Article Journal of Urban Research, Special issue 2, 2009. Consultable à l’adresse suivante : <http://journals. openedition.org/articulo/1162> [Date de consultation : 10/04/2019]

65

fois le rideau tiré, les surréalistes, et parmi eux Gala et Salvador Dalí, apparaissent

1 Salvador Dalí, « La dada fotogràfica », Gaseta de les Arts, année II, num. 6, 02/1929, Barcelona. Traduit dans : Oui 1 : La Révolution paranoïaque-critique, Denoël, Gonthier, Paris, 1971. p. 26., p. 98.



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Métamorphose

GALA / DALÍ : IMAGE et miroir

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Je suis le portrait de moi-même. Je suis la Vue de Dos nue. Je suis l’Apothéose d’Homère, et je suis La corbeille de pain 1. —Gala

Dans la mémoire collective, Gala et Salvador Dalí ne peuvent se déparer de l’image de la muse énigmatique et de l’artiste génial ; des rôles qu’ils ont interprétés à merveille tout au long de leur vie commune et, en particulier, devant les médias grand public. [MM 01] Mais que penser lorsque les photographies nous montrent une Gala investie dans le processus de création des œuvres de Dalí ? Ou lorsqu’elles nous présentent l’image d’un Dalí devenu modèle de ses propres œuvres ? Il semble, d’une part, que leur relation personnelle et créative ait été complexe et

Ma métamorphose est tradition, car la tradition est précisément changement et réinvention d’une autre peau.2 —Salvador Dalí

plus riche en nuances que ce que l’historiographie a bien voulu nous raconter. D’autre part, nous mesurons combien Gala et Salvador Dalí ont excellé dans l’art trompeur de la dissimulation.

Grâce aux dernières études menées autour de la figure de Gala3, nous

savons aujourd’hui que, dès les débuts de sa relation avec Dalí, ses fonctions dépassent amplement le simple rôle de l’épouse, du modèle et de la muse. Elle devient immédiatement le bras droit de l’artiste, organisant son existence de sorte qu’il puisse se consacrer exclusivement à la création artistique : elle supervise son agenda, fait office de représentant et gère l’organisation des projets d’exposition, de livres et d’interventions artistiques de diverses natures. Auprès de Dalí, elle se révèle par ailleurs très cultivée et créative : elle écrit, fait des photographies4, confectionne des objets surréalistes et participe à la création de cadavres exquis et à la mise en œuvre de certaines idées daliniennes.

Dès le début des années 1930, Dalí reconnaît l’implication de Gala et

l’importance qu’elle joue dans son œuvre en signant bon nombre de ses réalisations du nom de « Gala Salvador Dalí ». Des années plus tard, dans Comment on devient Dalí, originellement publié en français en 1973, l’artiste déclare : « En signant mes tableaux Gala-Dalí, je n’ai fait que donner un nom à une vérité existentielle puisque sans mon jumeau Gala je n’existerais plus5. » Estrella de Diego va encore plus loin et affirme que, sous cette double signature, se cache une sorte de collaboration créative dans laquelle Gala dirige la construction de sa propre image à travers le

Quoi qu’il en soit, la muse supposée décide à chaque instant sous quel

jour elle veut se montrer. Elle exerce un contrôle absolu sur son image et cette détermination se matérialise dans les œuvres de Salvador Dalí qui la représentent. Les toiles et dessins dans lesquels elle figure nous renvoient tout un nuancier d’images, toujours différentes. Il y a là une forme de recherche d’identité ou, plutôt, une dissimulation de celle-ci, que l’on retrouve aussi chez Salvador Dalí. D’une certaine façon, Gala s’invente à travers le regard de l’artiste qui, à son tour, se cherche et se regarde en Gala, son autre moitié.

La photographie participe elle aussi de cette valse des identités. Les

images de ce dernier volet nous montrent Gala et Salvador Dalí changeant de peau à volonté et occupant la place de l’autre le temps d’une séance photo. L’artiste se présente comme modèle [MM 09], posant pour des œuvres comme Le Concile œcuménique (num. cat. P 770) [MM 13], et la muse se fait écrivain et artisan. On la voit participer à la création du pavillon Rêve de Vénus7 [MM 02], travailler à la révision du manuscrit de La Vie secrète de Salvador Dalí (1942) [MM 04] et se transformer en outil et support de différentes actions artistiques daliniennes [MM 06, mm 07].

L’artiste et sa muse en arrivent parfois à se confondre, jusqu’à tromper

le spectateur. Les photographies montrant Gala et Salvador Dalí posant pour Le Sacrement de la Cène (1955) (num. cat. P 719) sont particulièrement déconcertantes. Comme sous l’effet d’une vision paranoïaque-critique, nous croyons voir Dalí tendant les bras alors qu’il s’agit de Gala, et inversement [MM 10, mm 11]. Difficile de savoir dans quelle mesure ils s’inventent et s’influencent l’un l’autre dans chacune de leurs métamorphoses. À cet égard, la photographie inédite de Gala portant le même costume que l’artiste [MM 14, mm 15]8 relève de la déclaration d’intention : déguisée en soleil – à moins que ce ne soit en firmament –, la muse réclame la place qui lui revient, au-delà de l’univers dalinien qui à la fois l’éclipse et l’encense. Gala se révèle créatrice de son propre mythe au même titre que Dalí.

2 Salvador Dalí, Hommage à Meissonier, Hotel Meurice, Paris, 1967 [catalogue d’exposition]. 3 Voir le catalogue de l’exposition récemment présentée à Barcelona : Estrella de Diego, Gala Salvador Dalí. Una habitación propia en Púbol, Museu Nacional d’Art de Catalunya, Barcelona, 2018. 4 « Gala », dans Elles photographient Dalí, Figueres, Fundació-Gala Salvador Dalí, 2018, p. 20-33. 5 Salvador Dalí, André Parinaud, Comment on devient Dali, Robert Laffont, Paris, 1973, p.299. 6 L’auteur considère Gala comme une artiste sans œuvre, une dandy dont la création — qui relève plus du processus que du produit — est sa propre personne. Voir : Estrella de Diego, Gala Salvador Dalí. Una habitación propia en Púbol, op. cit., p. 150. 7 Projet conçu par Dalí pour l’Exposition Universelle de New York de 1939. 8 Lucia Moni, dans son article « Dalí e i Mass Media, l’affermazione del personaggio », évoque ce costume et le sens qu’il revêt pour l’artiste. Voir : Io Dalí, Rome, Gangemi, 2018, p. 66-68

83

pinceau de Salvador Dalí6.

1 Déclaration de Gala rapportée dans : Salvador Dalí, « The Vernissage of Gala Salvador Dalí’s Exhibition at the Bignou Gallery is taking place now », Dalí News, 20/11/1945, New York. Traduit de : Obra completa, vol. IV, Ensayos 1, Destino, Fundació Gala-Salvador Dalí, Sociedad Estatal de Conmemoraciones Culturales, Barcelona, Figueres, Madrid, 2005, p. 555. Les œuvres citées font référence aux tableaux suivants : Ma femme nue, regardant son propre corps se transformer en marches d’escalier, trois vertèbres d’une colonne, ciel et architecture (num. cat. P 598), Apothéose d’Homère (rêve diurne de Gala) (num. cat. P 600) et La corbeille de pain (num. cat. P 607).



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IMAGE et miroir

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Gala* s. d. Tirage d’époque 11,4 x 8,2 cm

Gala* Années 1910 Tirage d’époque 13,3 x 8,4 cm

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NR 4059

NR 9042

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RI 10

Salvador Dalí dans le jardin de la famille Pichot, Figueres 1909 Retirage Museu del Joguet de Catalunya

Salvador Dalí* 1925 Retirage 17,7 x 11,6 cm

RI 07

IR 01

Gala* s. d. Tirage d’époque 10,2 x 6,3 cm

Gala dans la chambre de Paul Éluard au sanatorium de Clavadel, Suisse 1913 Tirage d’époque 7,2 x 7,5 cm

Page illustrée de l’autobiographie de Salvador Dalí The Secret Life of Salvador Dalí, Dial Press, New York, 1942

NR 4812

NR 4819

RI 04

RI 08

Signature illisible Salvador Dalí* c. 1911 Retirage 21,6 x 18 cm

Joan Xirau Salvador Dalí et Anna Maria avec Don Osito Marquina dans l’atelier de l’artiste, Figueres c. 1924 Retirage Archives Emília Pomés

RI 02

Salvador Dalí Domènech et sa sœur Anna Maria 1909 Retirage Museu del Joguet de Catalunya RI 03

NR 4647

NR 15920 IR 02

NR 4468

Page illustrée de l’autobiographie de Salvador Dalí The Secret Life of Salvador Dalí, Dial Press, New York, 1942 NR 15920

* Pour des raisons de conservation, les photographies marquées d’un astérisque sont exposées sous forme de reproductions. Les lettres IR indiquent qu’il s’agit d’images de référence, qui ne font partie de l’exposition.

103

RI 05

Gala [Elena Diakonova] et ses frères et sœur: Lidia, Vadim et Nikolai c. 1904 Tirage d’époque 11,5 x 16,8 cm

Vrais souvenirs d’enfance

RI 01


104

Bal onirique

BO 01

BO 05

BO 08

André Breton, Robert Desnos, Joseph Delteil, Paul Éluard, Gala, Max Morise, Max Ernst et Simone Breton à la fête foraine de Montmartre, Paris c. 1923 Tirage d’époque 9 x 13 cm

Gala et René Crevel à Portlligat* 1932 Tirage d’époque 8,5 x 5,8 cm

Caillet fils Gala avec le Chapeauchaussure d’Elsa Schiaparelli inspiré d’un dessin de Salvador Dalí 1938 Tirage d’époque 23 x 28,6 cm

NR 4321 BO 02

Salvador Dalí et Anna Maria à la fête foraine de Girona* c. 1928 Retirage Archives Emília Pomés BO 03

Salvador Dalí à Portlligat* c. 1927 Tirage d’époque 8,4 x 5,9 cm NR 5158 BO 04

Camille Goemans, Gala, Salvador Dalí et Yvonne Bernard à Cadaqués 1929 Tirage d’époque 10,6 x 8,2 cm NR 3999

NR 4705 BO 06

Man Ray Dalí drapé 1933 Tirage d’époque 17,2 x 11,3 cm NR 9551 IR 03

Salvador Dalí «Les Nouvelles couleurs du sex appeal spectral», Minotaure, 05/1934, Paris NR 74425 BO 07

Man Ray Salvador Dalí tête en bas à Portlligat 1933 Tirage d’époque 23 x 18,1 cm NR 4522

NR 5230 IR 04

Salvador Dalí Image ambivalente c. 1932 Collection André-François Petit, Paris IR 05

Salvador Dalí Personnage et drapé dans un paysage 1935 Fundació Gala-Salvador Dalí, Figueres


MN 07

MN 11

IR 08

Gala à Portlligat c. 1930 Tirage d’époque 8,5 x 6 cm

Salvador Dalí René Crevel et Gala avec Benvingut et Honori Costa, fils de Lídia Noguer i Sabà, Cap de Creus c. 1931 Tirage d’époque 8,5 x 5,4 cm

Gala c. 1938 Tirage d’époque 13 x 9 cm

Encart publicitaire pour le livre de Salvador Dalí La Femme visible, Éditions Surréalistes, Paris, 1930

NR 4269

NR 30573

MN 12

IR 09

Salvador Dalí c. 1938 Tirage d’époque 8,2 x 6 cm

Time, 14/12/1936, New York

NR 5228

NR 4193 IR 07

Salvador Dalí Métamorphose de Narcisse 1937 Tate Modern, Londres

MN 04

Salvador Dalí à Portlligat c. 1930 Retirage Bibliothèque Emmanuel Boussard

MN 01

Gala à Arosa, Suisse* c. 1929 Tirage d’époque avec incisions 10,9 x 6,7 cm

MN 05

NI 5372

Gala avec un crabe 1930-1933 Retirage Bibliothèque Emmanuel Boussard

MN 02

MN 06

Salvador Dalí à la Punta dels tres Frares dans la crique Galladera, Cap de Creus c. 1948 Tirage d’époque 9 x 8,8 cm

Salvador Dalí avec un crabe 1930-1933 Tirage d’époque 8,8 x 6,1 cm

NR 4009

NR 14966

NR 74861 MN 08

Gala René Crevel et Salvador Dalí avec Benvingut et Honori Costa, Cap de Creus c. 1931 Tirage d’époque 8,5 x 5,4 cm NR 74860

NR 54779 MN 13

Carl Van Vechten Gala 1934 Tirage d’époque 24 x 17,3 cm

NR 28743 MN 15

Cecil Beaton Salvador Dalí et Gala avec l’œuvre Un Couple aux têtes pleines de nuages 1936 Tirage d’époque 22,5 x 19,3 cm NR 4694

NR 5503 MN 09

Salvador Dalí Gala avec la sculpture de Salvador Dalí Spectre ornemental de l’érection à Portlligat c. 1933 Retirage Bibliothèque Emmanuel Boussard MN 10

Gala Salvador Dalí avec la sculpture Spectre ornemental de l’érection à Portlligat* c. 1933 Tirage d’époque 8,7 x 6,1 cm NR 14954

IR 10 MN 14

Carl Van Vechten Salvador Dalí 1934 Tirage d’époque 24 x 17,3 cm NR 5483

Salvador Dalí Métamorphose de Narcisse, Éditions Surréalistes, Paris, 1937 NR 23761

105

MN 03

Salvador Dalí peignant Métamorphose de Narcisse c. 1936-1937

Le mythe de Narcisse

IR 06


106

Autoportraits automatiques

IR 11

AA 04

AA 08

AA 12

Collage Je ne vois pas la [femme] cachée dans la forêt, publié dans La Révolution surréaliste, 15/12/1929, Paris NR 24873

Autoportrait de Salvador Dalí dans un photomaton c. 1929 Retirage Bibliothèque Emmanuel Boussard

Autoportrait de Gala et Salvador Dalí dans un photomaton c. 1929 Tirage d’époque 5 x 3,7 cm

Henri Manuel Surimpression de Gala et Salvador Dalí* 1935-1937 Tirage d’époque 23,9 x 17,8 cm

AA 01

AA 05

NR 14989

NR 4975

Autoportrait de Gala dans un photomaton c. 1929 Retirage Bibliothèque Emmanuel Boussard

Autoportrait de Gala dans un photomaton c. 1929 Retirage Bibliothèque Emmanuel Boussard

AA 09

IR 12

AA 02

AA 06

Surimpression de Gala et Salvador Dalí à Portlligat c. 1930 Tirage d’époque 8,3 x 5,7 cm

Autoportrait de Salvador Dalí dans un photomaton pour le collage Je ne vois pas la [femme] cachée dans la forêt c. 1929 Retirage Bibliothèque Emmanuel Boussard

Autoportrait de Dalí dans un photomaton* c. 1929 Tirage d’époque 3,5 x 3,6 cm

Salvador Dalí Illustration pour The Secret Life of Salvador Dalí 1939-1941 Fundació Gala-Salvador Dalí, Figueres

NR 3976 AA 07

AA 03

Autoportrait de Gala dans un photomaton c. 1929 Retirage Bibliothèque Emmanuel Boussard

Autoportrait de Gala et Salvador Dalí dans un photomaton c. 1929 Tirage d’époque 5 x 3,7 cm NR 14988

NR 4296 AA 10

Surimpression de Gala et Salvador Dalí à Portlligat* c. 1930 Tirage d’époque 8,4 x 5,9 cm NR 6510 AA 11

Salvador Dalí avec Gala en surimpression à la piscine de la comtesse Anna Laetitia Pecci-Blunt à la Vila Reale de Marlia, Italie 1936 Tirage d’époque 10,1 x 9,2 cm NR 4291


MM 08

MM 11

IR 14

Eric Schaal Salvador Dalí travaillant à La Vie secrète de Salvador Dalí chez Caresse Crosby à Hampton Manor, Virginie 1941 Tirage d’époque 24,2 x 19,2 cm

Melitó Casals «Meli» Salvador Dalí. Photographie préparatoire pour Le Sacrement de la Cène c. 1955 Tirage d’époque 15,7 x 23,9 cm

Bill Schropp Planche contact de Gala et Salvador Dalí posant Détail Années 1960

NR 9919

MM 14

MM 02

NR 5490

Julian P. Graham Gala dans l’atelier de la propriété du colonel Harold Mack, Monterrey. Photographie préparatoire pour La Madone de Portlligat c. 1947 Tirage d’époque 25,2 x 20,4 cm NR 8438

MM 12

Eric Schaal Gala travaillant à l’intérieur du pavillon Rêve de Venus pour l’Exposition Universelle de New York 1939 Tirage d’époque 25,3 x 20,5 cm NR 11893 MM 03

Eric Schaal Salvador Dalí peignant un des panneaux muraux à l’intérieur du pavillon Rêve de Venus 1939 Tirage d’époque 21,5 x 20,7 cm NR 11836 MM 04

Pictorial Press Gala corrigeant La Vie secrète de Salvador Dalí chez Caresse Crosby à Hampton Manor, Virginie 1941 Retirage Alamy Stock Photos

MM 06

Philippe Halsman Salvador Dalí en train de peindre Méduse du sommeil sur le front de Gala, hôtel St. Regis, New York 1942 Tirage d’époque 34,4 x 27,4 cm

MM 09

NR 6658

NR 4732

MM 07

MM 10

Bettmann Gala comprimant les globes oculaires de Dalí avec deux oreillers parfumés pour stimuler son processus créatif. Photographie publiée dans The Sketch, 20/05/1942, Londres 1942 Retirage Getty images

Melitó Casals «Meli» Gala. Photographie préparatoire pour Le Sacrement de la Cène c. 1955 Tirage d’époque 15,8 x 23,9 cm

Julian P. Graham Salvador Dalí dans l’atelier de la propriété du colonel Harold Mack, Monterrey c. 1947 Tirage d’époque 25,2 x 20,4 cm

NR 9080

Gala. Photographie préparatoire pour Le Concile œcuménique c. 1960 Retirage 18 x 18 cm NR 6867 MM 13

Salvador Dalí. Photographie préparatoire pour Le Concile œcuménique c. 1960 Tirage d’époque 13 x 10,2 cm NR 5238 IR 13

Bill Schropp Planche contact de Gala et Salvador Dalí posant Années 1960 NR 5337

NR 5337

Oriol Maspons / Julio Ubiña Salvador Dalí et Gala dans le salon Ovale de Portlligat 1961 Tirage d’époque 18 x 17,4 cm NR 9174 MM 15

Gala* Années 1960 Tirage d’époque 15,4 x 16,8 cm NR 10612

107

MM 05

Eric Schaal Salvador Dalí dessinant Gala dans l’atelier de Hampton Manor, Virginie 1941 Retirage Alamy Stock Photos

Métamorphose

MM 01





Exposition

Catalogue

Copyrights

Direction scientifique Montse Aguer

Edition Fundació Gala-Salvador Dalí

Des textes de Salvador Dalí : © Salvador Dalí, Fundació Gala-Salvador Dalí, Figueres, 2019

Comissaires Bea Crespo Rosa M. Maurell

Auteurs Montse Aguer Bea Crespo Rosa M. Maurell Elisabet Riera

Coordination Maison-Musée Chàteau Gala-Dalí de Púbol Jordi Artigas Design Pep Canaleta, 3carme33 Graphisme Alex Gifreu Conservation technique Elisenda Aragonés Irene Civil Laura Feliz Josep Maria Guillamet Montage Roger Ferré Ferran Ortega Registre Rosa Aguer

Documentation Centro de Estudios Dalinianos Coordination Bea Crespo Rosa M. Maurell Gestion des droits Mercedes Aznar Conception graphique Alex Gifreu Photography Gasull Fotografia, S.L. Traductions Eduard Escoffet Marielle Lemarchand Graham Thomson

Des textes de ce catalogue : Leurs auteurs De l’image de Salvador Dalí : Droits d’image de Salvador Dalí protégé. Fundació Gala-Salvador Dalí, Figueres, 2019 Alamy Stock Photos © The Cecil Beaton Studio Archive at Sotheby’s Caillet Fils © Melitó Casls “Meli” / Fundació Gala-Salvador Dalí, Figueres, 2019 Getty Images Julian P. Graham © Halsman Archive © Man Ray Trust, VEGAP, Girona, 2019 Henri Manuel © Maspons-Ubiña / Fundació Gala-Salvador Dalí, Figueres, 2019 Pictorial Press Eric Schaal © Fundació Gala-Salvador Dalí, Figueres, 2019 Bill Schropp Carl Van Vechten Joan Xirau

Communication Imma Parada Remerciements Web et réseaux sociaux Cinzia Azzini Assurance AON Gil y Carvajal, S.A. Barcelona

Sous le patronage de

Josep Maria Joan i Rosa Eva Pascual Emmanuel Boussard Guillaume Injert Emília Pomés






IMAGE ET MIROIR

GALA / DALÍ


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