Delta du Rhône, une dérive métropolitaine | PFE 2021

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Delta du Rhône, une dérive métropolitaine Projet de Fin d’Etudes 2020 -2021 Gabrielle Repiquet



Delta du Rhône, une dérive métropolitaine

Projet de Fin d’Etudes, soutenu le 8 septembre 2021

Classe «Disparition» encadrée par Bruno Tanant

Gabrielle Repiquet Master 2


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Remerciements Je remercie tout d’abord Bruno Tanant pour la bienveillance de son encadrement, pour ses mots et ses silences constructifs. Je remercie également Esther, Sophie, Marc, les différents intervenants dans cette Classe pour les expériences vécues et pour leurs précieux conseils. Merci aux différents acteurs et habitants de ce territoire, pour leurs témoignages qui ont nourri le regard que je lui porte aujourd’hui. Enfin, je remercie les personnes qui contribuent à rendre mes rêves possibles et qui ont participé, à leur façon, à l’élaboration de ce diplôme. Il n’est pas toujours facile d’expliquer cet engouement pour le paysage, cette passion de tous les jours, alors merci de supporter mes longues tirades et mes absences répétées ces dernières années. Merci pour votre amour.

Les amis et copains de promos, pour leur enthousiasme. Tout particulièrement merci à Chloé, Alexis, Colin et Mathias, d’avoir empli l’atelier d’énergie et d’inspiration. Les « castors paysages », pour l’émerveillement, les instants partagés au plus près du vivant, pour nos rêves les plus farfelus. Mathias, à nouveau, pour son amour quotidien et son soutien infaillible. A d’innombrables titres, je remercie ma maman, à mes côtés dans cette aventure. Merci la vie.

Ma famille, des « petits points sur les i » à mes deux zinzins de Pierre et Roxane, merci aux regards décalés d’Alice et Natacha. Mes rayons de soleil, Eva et Kévin. Le trio infernal de géographie, Margaux, Chloé, Julian.

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Résumé Point le plus bas d’un grand bassin versant, fragment à demi immergé du Golfe du Lion, le delta du Rhône, lieu-dit d’un immense brassage, sera probablement englouti avant la fin du siècle. Cette disparition à l’œuvre, révèle le lien immuable entre l’origine d’un phénomène et le lieu de son expression la plus palpable. Elle met à l’épreuve la résistance d’un plus grand territoire encore, celui du « Grand Delta ». Elle interroge la capacité de ce vaste triptyque fleuve (Rhône, Durance) - mer (Méditerranée) - métropole (Aix-Marseille-Provence) à se regarder et se penser autrement, à trouver un nouvel horizon commun. Comme impulsion, un grand balancier fluvial qui infuse vers l’Est, au travers de diverses ramifications, les enjeux, les dynamiques et les imaginaires deltaïques. D’Est en Ouest, un revers métropolitain, qui aspire à trouver une nouvelle façon d’enlacer l’embouchure du Rhône, à trouver une nouvelle armature territoriale. Quand ces deux élans se mêlent, l’horizon d’un avenir plus fécond se dessine. Il s’immisce dans les coulisses, les délaissés, ce qu’on ne veut pas voir. Il articule les parties immergées et émergées d’un Grand Delta. Il invite désormais les dynamiques du grand paysage à façonner l’espace métropolitain.

A l’aube de ce renversement, il faut alors s’arrêter à Plan-de-Campagne, un des lieux névralgiques de cet horizon. Il apparaît comme l’obstacle ou l’ultime point à partir duquel le territoire ne se regarde plus, mais il pourrait aussi devenir le nœud, puissant, d’une plus vaste union territoriale. A l’échelle de la parcelle, puisse le récit inviter à aller dans le sens de ce projet de territoire, à tenir ce cap. A ce moment d’inconfort, il faut alors rappeler que chaque petit sédiment en moins englouti un peu plus l’immense delta. Les proximités les plus paradoxales, les plus conflictuelles, amènent aussi à animer ce que l’on croit, trop souvent, figé pour toujours. Alors, les creux et les paysages coulisses du Grand Delta peuvent se transformer, au nom du vivant, des humains et non humains.

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Sommaire Introduction

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Au croisement des mondes

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1 : 1 000 000 Une charnière féconde Un Golfe sous influence fluviale Point bas d’un grand bassin versant Un morceau de mer Les remous d’un même rivage

Le «Grand delta du Rhône» 1 : 200 000

20 22 26 28 30

Le revers métropolitain

80

1 : 50 000

Immersion Territoire composite Une articulation de creux Batailles de matières molles

36 60 62

Une imbrication deltaïque Les couloirs d’un système poreux Des incidences de proche en proche Microcosmes d’un même géant

66 68 70 72

Latitude 43, recherche d’un horizon commun

74

Un nouvel élan pour le Sud-Est ? Un balancier territorial

8

34

64

76 78

Immersion Des éclats marseillais Secousses fluviales Permanence salée

84 102 108 110

Recherche d’une armature Un élan horizontal Des forces transverses Emprises Bords Tissus

114 118

Articulations liquides Démarcations de creux Dispersions boisées Résonnances routières Epaisseurs ferroviaires et industrielles Frontalités bâties

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Une adéquation métropolitaine ?

142

120 124 126 128

132 134 136 138 140


L’horizon de dérive

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1 : 25 000 Quand tout se mêle Paysages protagonistes Nouvelles conditions d’habiter Temporalités Métamorphoses

Plan de Campagne, noeud de 8

178

Plan de Campagne, point névralgique Le noeud de 8 Inviter les abords

202

1:1

1 : 10 000

148 152 164 156 170

Particules immenses

182 184 192

Une parcelle qui mène au delta Une fiction pour demain

204 206

Soutenance

208

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Introduction

A tout juste sept ans, je m’aventurais en mer à bord d’un tout petit dériveur. Je me rappelle assez distinctement du fonctionnement de cet « optimist », comme des couleurs iodées de ces longues après-midi. Portée par le vent du large et par l’adrénaline, j’avançais comme une fine particule au milieu de la baie qui m’a toujours bercée. A cette distance, il m’était alors possible de percevoir autrement la rade de La Ciotat, d’interroger le paysage plus vaste qui enlace ses milliers de toitures ocres, les grues vieillies de son Chantier Naval. Curieux paysage, à demi inanimé, blotti au pied des falaises effritées par une lente érosion. Ce géant d’acier murmure les récits d’une ouverture sur la mer, sur le monde, il donne encore à voir les grands tournants de la navigation. Parfois, il rappelle aussi la réalité grinçante de n’être qu’un infime satellite, ville-port, d’un grand Marseille. Au large, la valse de cargos immenses rythmait l’horizon. Par temps chaud d’été, ils sont à peine perceptibles, mais contribuent à troubler encore un peu plus le ciel. Sans relâche, ils vont et viennent sur le fil tendu de ces ailleurs impalpables.

A bord de mon navire aussi sophistiqué que rudimentaire tout est une question d’équilibre. Pour tenir un cap, il faut lire le vent et adapter sa voile. En l’espace d’un instant songeur, inattentif, il m’est arrivé d’en être éjectée d’un revers de baume. Il arrive aussi que l’embarcation tout entière chavire. Heureusement, une bulle d’air se forme alors dans le creux de la coque. Piégée dans ce mince interstice, les couleurs changent, les sons aussi, il règne une atmosphère étrange, aussi terrifiante que merveilleuse. Rapidement, il faut réussir à lutter contre la force de flottaison du gilet et refaire surface de l’autre côté. Je me rappelle encore de l’importante énergie qu’il faut ensuite déployer pour parvenir à attraper et tirer la « dérive » qui dépasse de la coque. En temps normal elle sert à garder une trajectoire linéaire, mais à cet instant, elle devient un levier indispensable au renversement du bateau.

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Il y a quelques mois, la lecture d’un article de géographie a ravivé en moi la puissance incommensurable de ce souvenir en lui donnant une toute autre mesure. Alors que l’immense majorité des égyptiens vivent dans le delta du Nil, celui-ci est littéralement en train de disparaître. Tel est le sort que notre époque promet aux paysages immensément plats, au point le plus bas d’un immense bassin versant et au contact direct de la mer. Alors, la plupart des deltas feraient face aux mêmes enjeux, à la même dystopie. C’est à travers trois lignes assez similaires que les deltas, si puissants, si vulnérables, m’ont fait réaliser jusqu’à quel point le monde, en un instant inattentif, s’est profondément renversé. Dans le cadre du mémoire de recherche, j’ai commencé à appréhender ces êtres mystérieux, à m’immerger dans leurs récits, à interroger les puissants imaginaires qui gravitent autour d’eux. J’ai plongé dans leurs paysages, appréhendé un peu de ce qui lie ces recoins de monde.

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Derrière la dénomination univoque de « delta », il existe en réalité une infinité de paysages et de systèmes deltaïques. Le propos de ce mémoire n’était évidemment pas de brosser une synthèse, au demeurant impossible et illusoire, à leur sujet mais de fournir un corpus d’éléments susceptibles d’amener à leur porter aujourd’hui une attention nouvelle. Cette intention et cette curiosité trouvent une attache particulière dans le Delta du Rhône, situé à moins de 100 kilomètres de ma maison natale, d’où l’on ressent régulièrement son souffle. J’ai longé la côte bleue jusqu’à le rencontrer, enfin. A partir de ce point, je me suis alors livrée à une vaste exploration des paysages qu’il orchestre et de ceux qui le façonnent en retour. Ces temps d’arpentage se sont ensuite intensifiés dans le cadre de ce projet de fin d’étude, pour explorer ailleurs, écouter à nouveau, imaginer tout ce qui peut naître d’un grand ensemble deltaïque.


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C’est sur ce curieux cadrage que le regard s’est instinctivement posé. Il a fallu le décortiquer pour le regarder à nouveau. A l’heure où s’affirment les incertitudes de notre époque, ce cadrage révèle l’envie de les confronter à l’âme d’un territoire où tout est excessif. Là, dans l’immensité d’un quelque part qui pourrait s’apparenter à La Provence originelle, l’eau est trop rare ou trop imprévisible, les vents trop violents, les crêtes abruptes et pelées par des étés trop chauds, des paysages où les cheminées et les bateaux n’ont aucune commune mesure, des foules de gens qui parlent trop vite, trop fort. Parfois, je redoute d’avoir à le regarder se déchirer un peu plus, de devoir éprouver plus longtemps son autodestruction. Alors ce cadrage témoigne surement aussi d’une volonté de chercher, dans ce qu’il a de plus composite, imbriqué et contradictoire, les inspirations et les bases insoupçonnées, palpables, d’un projet de territoire.

A partir de l’hypothèse d’une disparition matérielle inévitable du petit delta du Rhône, il faut emprunter les chemins de traverses capables de le faire exister ailleurs, autrement. Il peut renaître de quelques flammèches, ou encore insuffler à un plus vaste territoire l’envie de se regarder à nouveau, de se transformer. Les imaginaires qui en émanent peuvent, çà et là, être remobilisés en faveur de spatialités fécondes, de récits d’avenir. Sans vraiment pouvoir l’expliquer, je n’arrivais pas à choisir entre l’embouchure Grand Rhône et la ville de Gardanne. Peut-être que je pressentais l’importance de ne pas commencer par les séparer. Alors peut-être que tout était déjà là.

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A l’aube de sa disparition, je me suis alors attachée à imaginer le delta comme pièce maîtresse d’une organisation plus grande. A 60km de l’embouchure, j’ai trouvé des lieux brassés par ce Grand Delta, des lieux en sursis, qui ne se regardent plus. J’ai réalisé que j’étais, moi aussi, l’enfant d’un delta, l’enfant de ce cette rencontre entre le Rhône et la Méditerranée. L’enfant d’une Provence de tous les excès, de toutes les contradictions, qui sera impactée par de grands bouleversements.

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1 : 1 000 000

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1

Au croisement des mondes

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Une charnière féconde Depuis des millénaires, le carrefour de la vallée du Rhône et de la Méditerranée s’affirme comme une véritable charnière. Grâce à une situation géographique puissante il a permis quelques grands tournants de l’histoire des civilisations. Au bord de la Méditerranée, il offre une ouverture sur l’Afrique, mais aussi sur les au-delà ; l’Atlantique par le détroit de Gibraltar, les Indes par le canal de Suez. Au droit de la longue dépression rhodanienne insinuée entre le Massif Central et la Chaîne des Alpes, il ouvre également la plus belle voie de pénétration vers l’Europe du Nord. Au cours du temps, il se forme et se déforme au fil des prouesses et des visions qu’il a fortement portées. L’épopée de ce grand territoire est fortement marquée par l’essor urbain, portuaire et économique de Massilia1, aux alentours de -600 avant J.C., qui découle principalement d’un volonté de navigateurs de Phocée2 de tirer partie d’une telle place. Au cœur de cette charnière, Arles, Avignon, Aix-en-Provence et une véritable nébuleuse habitée se dessineront aussi progressivement dans les paysages souvent ingrats et rudes d’un territoire puissant.

1 Nom latin de Marseille antique, dérivé du grec « Massalia » 2 Ancienne cité grecque fondée sur la côte de la mer d’Egée entre le Xe et le VIIIe av-JC 3 La Société du Pipeline Sud-Européen (SPSE) assure principalement aujourd’hui l’alimentation de la raffinerie de Feyzin à Lyon et de Cressier près de Neuchâtel en Suisse.

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Il ne cesse de s’ouvrir d’avantage au monde et d’affirmer sa liaison avec l’arrière-pays. A partir du milieu du 19ème siècle, le chemin de fer Paris-Lyon-Méditerranée relie alors les régions d’industrie et de consommation. La moitié du 20ème siècle marque un autre grand tournant, le Rhône se transforme en faveur de la navigation, de la production d’électricité et de l’irrigation. A l’embouchure principale du Rhône nait un important contre-courant ; l’oléoduc Sud Européen3 mis en service en 1962. Cet important pipeline remonte la vallée sur plus de 750 km pour acheminer du pétrole brut et autres matières phares de notre époque vers les récentes plateformes pétrochimiques4 françaises, suisses et allemandes. Il affirme véritablement un axe de développement Méditerranée-Rhône-Rhin. En parallèle, ce territoire connait un rebond démographique particulièrement important (en raison de la décolonisation de l’Algérie) et une véritable secousse urbaine. Il voit décoller les premiers avions de l’aéroport Aix-Marseille-Provence de Marignane, relai touristique européen qui prend le pari d’un monde hyper connecté.

4 Les raffineries de pétrole se situaient jusque-là au point de rupture de charge portuaire (au plus près de la réception du pétrole brut importé) mais la tendance fut ensuite de les implanter à proximité des lieux de consommation. En contrepartie, certaines raffineries à la base du Rhône s’essoufflent et ferment progressivement.

A l’heure d’un grand dérèglement climatique et d’une érosion du vivant, il est aussi question de révéler la grande vulnérabilité de cette position de charnière. Éminemment dépendant des ressources d’un fleuve qui s’éteint, déjà étouffé par la chaleur et les nuées urbaines et industrielles, ce grand territoire appelle désormais à porter une vision internationale qui soit également féconde sur le plan environnemental.


+

Océan Atlantique

Mer d’Egée Détroit de Gibraltar

Phocée

Mer Méditerranée

Algérie

Canal de Suez

Delta du Nil

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Un golfe sous influence fluviale L’imbrication de la logique « verticale » du Rhône et de l’« horizontalité » du littoral Méditerranéen invite à porter un regard à l’échelle d’un grand Arc Méditerranéen. La très forte influence fluviale qui s’exerce sur Golfe du Lion le distingue, sur terre comme en mer, fortement du Golfe Ligure voisin. Le Rhône et l’Aude ont façonné de vastes plaines cultivées qui s’étendent jusqu’à la mer. Au contact de celleci, le littoral est dentelé, poinçonné de lagunes et d’étangs. Ces derniers sont creusés par les déplacements de matières liés au brassage répété de la mer et du fleuve. A l’Est, le Golfe du Lion est refermé par des massifs montagneux (Massif de la Sainte Baume, Massif des Maures…) qui s’inscrivent dans l’inflexion de la Chaîne des Alpes. A l’Ouest, il s’interrompt par le prolongement de la Chaîne des Pyrénées Orientales. En l’absence de marée signifiante en Méditerranée et donc d’une action du fleuve plus forte que celle de la mer, on remarque que l’embouchure du Rhône a pris la forme d’un delta, soit d’une progression de terre dans la mer. Celui-ci marque une centralité géographique forte de ce Golfe.

1 Terme employé pour designer son recul, soit la dynamique contraire à sa progression «normale»

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Mais aujourd’hui, cette dynamique s’inverse face à la conjoncture d’un affaiblissement du Rhône et d’une mer qui gagne en force. Deux flux atténuent légèrement la transgression1 du delta : D’une part, on peut considérer que le puissant Mistral qui nait de l’effet Venturi d’un pincement topographique de la Vallée du Rhône (au niveau de Valence, Montélimar) entre en rapport frontal avec l’élévation de la Méditerranée et le déferlement de ses tempêtes. D’autre part, le charriage de matière associé au courant dominant de dérive littorale (sens Est-Ouest), autrement appelé courant Ligure, agit en faveur d’un approvisionnement du delta. Les sables fins, limons, argiles en suspension, qui se déplacent à la vitesse de l’eau et ne mettent que quelques jours à rejoindre la mer se rarifient, tout comme les sédiments grossiers qui se déplacent par roulement de fond, de l’ordre d’1km/an. Le transport de gravier par charriage s’est quant à lui presque interrompu depuis la fin du 20ème siècle avec le reboisement des hauts bassins versants, la multiplication des prises d’eau et des barrages

réservoirs sur les affluents, les extractions massives de granulats (utilisés pour la construction, les remblais, le béton), la fixation des berges par des digues et des enrochements qui limitent l’érosion latérale des lits des cours d’eau. Alors malgré tout, le Golfe du Lion tend avant la fin du siècle à se transformer de l’intérieur, à se creuser davantage.


+

Lac Léman

Source du Rhône

Vallée du Rhône

Vallée de l’Aude

Golfe Ligure

+ + Golfe du Lion Courant Ligure Plateau sédimentaire

Mer Méditerranée

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Figure d’innombrables convoitises et méfiances, le Rhône. Il fut question d’appréhender l’échelle de ce géant rebel aux frontières administratives, de découvrir certaines de ses aspérités, de s’imprégner un peu de ce qui va et vient entre des extrémités éloignées de plus de 800 kilomètres. Tout se mêle et se démêle à son delta, la porte entre les sommets d’un monde émergé et la profondeur des abysses. Le delta du Rhône s’est établi dans l’instabilité d’un tel intervalle. Aussi silencieux qu’une particule de montagne qui déferle dans l’écume, il se dissout. Il impose de porter un regard qui croise l’ici et l’ailleurs. Il implore de grands bouleversements.

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Marseille

Un puissant méridien

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Marseille

Une arborescence liquide

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Point bas d’un grand bassin versant Comme un puissant méridien le Rhône transporte l’énergie et la matière d’un grand territoire à mesure qu’une sorte de géographie industrielle le tord et le propulse au-delà de son chenal. Ses affluents principaux lui confèrent une allure ramifiée. Ils révèlent la multiplicité des paysages qui s’unissent autour de ce fleuve et l’interdépendance infinie que suggère l’équilibre de ce grand territoire. e

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Pluies cévenoles

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Arles Marseille

Une séquence torrentielle déterminante

Dans sa séquence aval, l’influence particulière de certains affluents s’affirme sous un premier aspect. Le contexte climatique du Golfe du Lion est connu pour engendrer de violents orages. Le régime torrentiel des affluents « cévenols » et alpins méridionaux peut alors occasionner d’importantes crues. Ainsi, la proximité de la confluence avec le Gardon et la Durance rend le « Bas Rhône1» particulièrement sujet à de brutales inondations. Sur ce point, la Durance apparaît déjà comme son « affluent le plus important », capable d’amplifier de façon spectaculaire les crues d’amont en durée et en débit. Sa proximité ne laisse pas toujours une marge de manœuvre suffisante pour s’en prémunir. Mais s’atteler à lutter contre ces évènements en figeant le fleuve ne s’avère pas si fécond.

1 Approximativement entre Beaucaire et la mer

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Plateau sédimentaire sous-marin

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Durance

Une rarification des sédiments

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Un morceau de mer

Durance

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+

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Usine Altéo Gardanne

+

Fosse de Cassidaigne

Une inversion de point de vue amène également à considérer le delta du Rhône comme un morceau de mer. Au nom d’une pérennité hydraulique et énergétique en Provence, d’importants aménagements transforment l’ensemble du bassin de la Durance au milieu du 20ème siècle. Il s’agit principalement de trois grands réservoirs de stockage (les barrages de Serre-Ponçon1, de Sainte-Croix et de Castillon) et du canal EDF de la basse Durance2. Dès lors, on dispose de réserves en eau douce, on régule les « caprices du fleuve ». Un grand territoire en aval s’anime au même rythme que les sédiments principalement charriés lors des crues et des inondations se raréfient. Ils sont pourtant indispensables aux espaces et aux écosystèmes qui gravitent autour des embouchures du Rhône ; ils permettent notamment d’amender les sols et de nourrir les phytoplanctons, tous deux à la base de la chaîne alimentaire. Dans le même temps, la prolifération industrielle transforme l’aval du Rhône en véritable vallée de la chimie, l’Est de son embouchure principale en véritable agglomérat industrialo-portuaire : de toutes autres substances sont déversées à la mer, parfois « enfouies » dans ses profondeurs. Mort lente et dissimulée d’une Méditerranée adulée. Delta d’un monde à la dérive. 1 Construit en 1959, avec une capacité d’1.7 milliards de mètres cubes, il est le plus grand barrage d’Europe occidentale

Des rejets néfastes

2 Depuis le barrage de Serre-Ponçon jusqu’à la centrale hydroélectrique de Saint-Chamas au nord de l’étang de Berre

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2100 ?

vers 6000 av J.C vers 3000 av J.C vers 1500 av J.C

vers 50 av J.C vers 1500 aujourd’hui

A l’heure où la mer remonte le fleuve

N 1000 ha 0

Évolution du trait de côte du delta du Rhône, d’après Morisseau 2017

30

10 km


Les remous d’un même rivage

Une érosion séquencée du littoral D’après la carte de la dynamique littorale produite par le PNR de Camargue en 2006

Transit sédimentaire dominant courant dit de « dérive littorale » Secteur stable Secteur en accrétion (+5 à +20 m/ an entre 2000 et 2004 ) Secteur en érosion ( -5 à -15 m/ an entre 2000 et 2004 )

N 1000 ha 0

10 km

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Appréhender la rencontre

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1 : 200 000

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Le « Grand delta du Rhône »

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Immersion Le Grand delta du Rhône est fait d’un peu de suspension, de mystères, de contradictions. Il orchestre le partage de quelques matières molles, indispensables à la vie. Spectacle de formes et de contre formes, il tient presque les montagnes. J’ai plongé dans la diversité des paysages qui se déploient dans son immensité plane. J’ai foulé quelques points durs. J’ai interrogé, sans cesse, ce qui fait valser son horizon. Sa matière se délite vers l’Ouest tandis qu’une part de sa quintessence est ancrée à l’Est. J’ai traversé ces lieux unis qui se déchirent.

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1 +


+ 2

+ 3

4 +

6 +7 9 + + ++ 10 8 + 5

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1 +

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Etang de Thau


Dans le gris troublé d’un matin d’hiver, une curieuse partition se dessine à la surface de l’eau. Elle rythme la vie de l’étang. Elle murmure l’infinie beauté de sa face cachée, d’une vie immergée, imperceptible. L’étang dépend d’une composition plus vaste. A quelques mètres, un producteur d’huître de Bouzigues devant son restaurant, à demi fermé, vend ses coquillages aux quelques rares passants. Je saisis cette occasion pour l’interroger sur son rapport à l’étang et son rapport au delta. Dans un mélange d’ardeur et de finesse, il me raconte l’équilibre fragile dont dépend son exploitation familiale. Au-delà de quelques digressions, il me partage un peu de sa connaissance fine de l’articulation hydraulique du territoire et des dérèglements auxquels il doit faire face aujourd’hui. A travers un exemple en particulier, je réalise qu’un fil indispensable relie cet étang au Rhône. Dans des conditions de fortes chaleurs, a fortiori en l’absence de vent, l’eau de l’étang se réchauffe considérablement. Dans ces circonstances, l’eau peut s’approcher des 30°C, elle vire soudain au blanc, témoignant d’un criant manque d’oxygène. Connu sous le nom de « malaïgue » (qui veut dire mauvaise eau en occitan), l’ostréiculteur désigne cet évènement comme un « incendie sous-marin ». Avec émotion, il raconte.

« C’est encore pire que la maladie qui touche les coquillages. Là, c’est toutes les algues qui tapissent le fond de l’étang qui s’embrasent, tout l’écosystème de l’étang meurt d’un coup, on perd nos huîtres, c’est traumatisant. » Il m’explique que le canal navigable du Rhône à Sète est indispensable. « Non pas parce que l’eau est douce, mais par ce qu’elle est plus fraîche. De manière générale, ça avantage ceux qui se trouvent près de l’arrivée du canal ». Les épisodes caniculaires s’intensifient. L’eau du Rhône, de plus en plus polluée en amont, devient de plus en plus chaude. L’eau douce se raréfie alors qu’on en a de plus en plus besoin. Dans le prolongement d’un bras artificiel, quelle eau fraîche le Rhône pourra-il apporter aux extrémités les plus lointaines de son « Grand delta» dans les années à venir ? « Cette année on est contents, il y a moins de pressions qui s’exercent sur l’étang, il est rempli d’hippocampes. – D’hippocampes ? – Oui, l’hippocampe indique que l’étang va bien, que son eau est saine » 39


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+ 2

Plage de l’Espiguette

« Le delta est particulièrement mouvant. L’exemple marquant qui me vient à l’esprit est celui des brèches à l’Espiguette pendant une tempête. Une entrée de mer, qui frappe, qui transperce les dunes lentement établies, qui les efface. »

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+ 3

Saintes-Maries-de-la-Mer

Dans le silence de ce matin d’octobre, l’ondulation de la mer s’attelle à son lent travail d’érosion. Deux cents ans de grignotage ont fait disparaître la proue du village. Voilà que la mer s’empresse de rogner le mince cordon sableux restant. Le nouveau front littoral est armé de digues et d’épis mais l’eau s’immisce dans les énormes blocs de granit, défie la résistance de cette armature. La mer sillonnera-t-elle un jour les ruelles d’un village englouti ? Recouvrira-t-elle les rez-de-chaussée d’algues et de petits crustacés ? Arrachera-t-elle ce fragment de delta ? Au bout de l’avancée rocheuse qui me fait face, deux minuscules silhouettes se dessinent dans l’immensité du ciel. Les pêcheurs, quels meilleurs témoins oculaires de la métamorphose en cours ? La passion qui les anime, les place aux premières loges de ce lent spectacle, il occupent probablement ce point fixe depuis longtemps. Affirmatif. Ils me parlent des indices à travers lesquels ils perçoivent la métamorphose du rivage.

Ils me racontent d’abord leurs souvenirs d’une puissante tempête qui a noyé le village en 1985. « C’était impressionnant, l’eau est remontée très loin, jusqu’à la station essence ». La submersion brutale du village a marqué leurs esprits pour toujours. Au fil de la discussion, ils abordent l’état de la digue sur laquelle nous sommes, comme un indice de la transformation en cours. « Tu vois la flèche là-bas dans l’eau ? Quand ils ont construit la digue il y a quelques années, elle allait jusque làbas. Mais toute cette partie a déjà été engloutie. Le niveau de la mer monte et elle gagne en force ». Cinq ou six épis plus loin en direction de l’embouchure du Petit-Rhône j’interroge à nouveau des pécheurs. Ces deux là ne constatent aucune progression particulière de la mer ces dernières années. « La Méditerranée elle est vaste hein, elle ne peut pas s’élever d’un coup comme ça… ». A leurs côtés, un garçon d’une dizaine d’années lance ses premières lignes. Quel paysage racontera-t-il dans trente ans ? 43


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4 +

Salins-de-Giraud

Ils habitent un monde soluble. Rigoureusement plat ou presque. De curieux monticules se profilent à l’horizon. Celui-ci est dansant, volatile. On dirait qu’il est fait de mer et de vent, il s’élève grâce à de petites racines. Un blanc étincelant découpe lui aussi le ciel. Géographie industrielle ? Les monticules salés font évènement. L’horizon est malléable. Soudain, la mer monte, bouscule l’organisation des tables, engloutit la colline artificielle. Que restera-t-il alors ? 45


46


Les terres fertiles et caillouteuses sont amèrement parsemées d’une topographie logistique qui colore le ciel. Dans les rumeurs de la ville et des Rafales, on cultive encore la douceur d’une rivière passée, l’énergie soleil.

+ 5

Zone d’activités du Ventillon, Fos-sur-Mer

47


48


Les recoins de ce grand delta abritent la magie d’un instant vécu, l’affection d’un paysage éphémère, l’innocence d’un rêve. Une forme d’équilibre renaîtra, peut-être, de l’attention que l’on porte à un monde que l’on sait meurtri. A l’horizon tout est blanc. Tout est encore possible.

6 +

Plage Napoléon Port-Saint-Louis-du-Rhône

49


50


La Pointe de Saint Gervais apparaît comme un résidu heureux de cette commune liée à l’industrie. Quelque part, nous sommes tous enfants de cette mélodie liquide. La mer, modeste et incroyablement forte, nous a donné nos premières cellules, a façonné nos os et le corps du monde. Elle a donné vie à nos châteaux de sable, a cru en nos rêves.

+7

Plage de la Pointe de St-Gervais, Fos-sur-Mer

A ce seuil si instable, le gigantisme industrialo-portuaire du Golfe de Fos fait l’effet d’une secousse. Il incarne un renversement dans le récit des paysages de l’embouchure du Rhône et a concrétisé l’ambition d’une forte charnière marchande entre Lyon et Marseille. En 1962, le port autonome de Marseille fait l’acquisition de terrains situés à proximité de l’Etang de Berre pour y installer un vaste port pétrolier capable de recevoir les supertankers dont les tonnages sont trop importants pour leur permettre d’accoster dans les ports de la région, les vastes étendues marécageuses du Golfe de Fos se livrent à une poldérisation gigantesque. La poussière de vie qui tapissait jusque-là le monde sous-marin surgit soudain à la surface pour venir assouvir nos fantasmes extractivistes. Solidifiés, les contours du rivage sont par la même occasion redécoupés, formant les darses de la nouvelle porte du pays. Les fonds marins sont raclés, « dragués », pour accueillir dans celles-ci les nouveaux géants de la Mer. La darse n°1 se greffe directement au bras du Grand Rhône.

51


52


La mer porte les migrateurs géants et les cauchemars éveillés de notre époque. Meurtrie dans l’ombre des regards, elle a considérablement changé. Elle berce encore le quotidien du delta, l’immensité d’un songe. En elle réside la magie qui m’entoure et qui s’invite par la fenêtre de ces grands immeubles découpés.

+ 8

Cap d’Aiguade, Port-de-Bouc

53


54


Un peu plus loin, la mer s’est blottie dans la terre. Elle est le centre d’une drôle de ronde. Le visage des reliefs se mêle à la peau des plages, à la silhouette des cheminées, à l’âme des vivants. Autour d’elle gravitent les sourires crispés d’une époque troublante. Tout est calme.

9 +

Anse du Ranquet, Etang de Berre

55


56


+ 10

Zone pétrochimique de Lavéra, Martigues

57


58


11 +

Embouchure du Raumartin Etang de Bolmon

59


Territoire composite Composite, plus couramment employé à l’égard d’un matériau lorsqu’il possède un assemblage d’au moins deux composants non miscibles (mais ayant une forte capacité de pénétration) dont les propriétés se complètent. Le matériau ainsi constitué, hétérogène, possède des propriétés que les composants seuls ne possèdent pas. Le cadrage choisi à cette échelle a permis d’explorer de multiples ramifications fluviales et la façon dont certaines spécificités géographiques du « petit delta du Rhône », qui tient ici une position centrale, ont finalement conditionné l’organisation d’un territoire bien plus grand.

La Camargue ne coulera probablement pas toute seule. Il est alors possible d’interroger la force de résistance, d’imbrications établies et d’identifier ce qui se joue de part et d’autres des multiples ramifications rhodaniennes. Ce cadrage permet de proposer un regard transversal qui outrepasse les découpages administratifs et qui met en perspective différents microcosmes puissants, au moment charnière d’un grand territoire.

Aujourd’hui, ce cadrage est particulièrement propice à l’appréhension du fonctionnement de ce « grand delta », comme préalable nécessaire à la vision prospective. Il donne à lire les grandes dynamiques de ce territoire et invite à comprendre la façon dont il est en train de se transformer en raison du contexte climatique et environnemental contemporain. Il permet de déceler certaines proximités, certaines brèches, certains croisements qui mettent en évidence une vaste étendue spatiale des défis en terme de conditions des sols, de partage de la ressource en eau douce. A7 Autoroute du Soleil [ Lyon - Marseille] A8 La Provençale [ Aix- Menton ] A9 La Languedocienne [ Orange - Narbonne] A51 Autoroute Val de la Durance [ Grenoble - Marseille ] A55 Autoroute du littoral [ Marseille-Martigues]

60


N 500 ha

Rhône Gard

Avignon

0

Nîmes

Cévennes

Luberon

Beaucaire

A9

5 km

Les Alpilles

Durance

Arles

Costières

A7

Montpellier

A51

Aix en Provence

Plaine de la Crau Etang de Vaccarès

Etang de Thau

Sète

Plateau de l’Arbois

Etang de Berre

Embouchure Petit Rhône

Bassin de Gardanne

Massif de l’Etoile

A55

Chaîne de l’Estaque Agde

A8

Sainte Victoire

Marseille

Embouchure Grand Rhône

Golfe du Lion Mer Méditerranée 61


Une articulation de creux Les vastes creux de ce territoire ont été sculptés par l’eau. Ils ont été modelés par la danse de grands fleuves (Rhône, Durance), de petits fleuves côtiers (l’Arc, l’Huveaune…), de la Méditerranée. Au centre, l’actuel delta du Rhône contraste fortement avec la topographie des chaînes de montagnes alentours. En contre-bas des 300 mètres d’altitude des Alpilles, il s’étend à l’altitude de la mer, parfois tout juste un à cinq mètres au-dessus d’elle. A l’Est du bras du petit Rhône, un couloir est hérité de l’ancien chemin que le Rhône empruntait pour se livrer à la Méditerranée. A l’Ouest du bras du grand Rhône, une vaste plaine à l’allure désertique témoigne pourtant de l’ancien chemin de la Durance. Celle-ci possédait son propre delta, mais ses colluvions ont progressivement colmaté les minces brèches qui lui permettait de franchir les Alpilles pour rejoindre la mer. Alors, elle a abandonné son delta pour rejoindre le Rhône, rassembler leurs forces. A leurs côtés, un fin maillage destiné à l’irrigation et au drainage fourmille dans les profondeurs et les recoins de cette géographie. Le bras principal du Rhône, sous sa récente forme figée et endiguée, tourne davantage son embouchure vers l’Est donc dans l’orientation du Golfe de Fos. Mais à cette altitude zéro, tout peut être subitement redessiné par l’élévation de la mer ou par une brèche ouverte dans le corset de ce chenal aux deux fleuves.

62

Il y a 6000 ans, la mer s’est engouffrée derrière la Chaîne de l’Estaque, formant alors l’étang de Berre. Il donne aujourd’hui la mesure de l’intensité avec laquelle elle peut modifier tout un paysage. L’étang de Berre y est encore relié par un mince sillon marécageux. Alors, les formes et les contre formes de ce grand territoire racontent les temporalités particulières de l’eau. A de rares occasions, elle dévale avec brutalité les ravines des montagnes calcaires, engloutit les vallées, stagne une éternité dans un delta, coule aux rythmes d’innombrables canaux. Paradoxalement, elle paraît souvent absente, comme effacée de ce qu’elle dessine.

1 2 3 4

Rhône de Peccais Rhône de Saint-Féréol Rhône d’Ulmet Bras de Fer Bras actifs aujourd’hui Anciens bras du fleuve

Durance

1 2

3

1

3 4

17ème 19ème

19ème 20 ème


N 500 ha

Rhône Gard

0

150 m

180 m

Cévènnes

5 km

700 m Luberon

Durance

150 m Alpilles

100 m 5m

+ 50 m

Ancien delta du Rhône

0m Delta du Rhône actuel

200 m

La Touloubre

Ancien delta de la Durance

Sainte-Victoire

1000 m

5m

Embouchure Petit Rhône

+

Etang de Berre

180 m 15 m

700 m l’Etoile

la Nerthe

200 m

L’Arc

25 m

L’Huveaune

Embouchure Grand Rhône

Golfe du Lion Mer Méditerranée 63


Batailles de matières molles

Héritages fluviaux

Opportunisme industriel

Alluvions récentes

Alluvions, Crau de Luquier

Limons saumâtres

Dépôts artificiels, remblais, poldérisation

Alluvions les plus anciennes

Tourbe

Marécages asséchés

Replis côtiers

Cordons dunaires actuels Cordons dunaires anciens

64

Danse féconde

Alluvions récentes, Crau de Miramas

Troubles marins

Extractivisme portuaire

Sables fins du Rhône

Sables, graviers, du large

Sables vaseux du Rhône

Sables détritiques côtiers

Eboulis littoraux

Vases du large

Vases côtières

Retrait des éboulis


N 500 ha

Rhône Gard

0

5 km

Durance

La Touloubre

L’Arc

L’Huveaune Lobe deltaïque -1 à -35m

-35 à -90m

Golfe du Lion Mer Méditerranée 65


Une imbrication deltaïque Etape clé du couloir de transit Marseille-Lyon, l’instabilité du socle deltaïque et les tumultes des embouchures rhodaniennes représentent paradoxalement un véritable défi pour l’habitat, la navigation, ...Pour s’y adapter, des canaux navigables sont progressivement ouverts en périphérie, ce qui élargit alors considérablement la portée du Rhône. Cette stratégique est particulièrement significative à l’Est où le Rhône est d’abord étiré jusqu’à Port-de-Bouc. Un écart important s’installe entre le gabarit des bateaux de la navigation maritime et le tirant d’eau permis par le chenal du fleuve. Ce paramètre motive alors l’apparition de ports de transbordement, le percement d’autres canaux navigables et l’essor de « villes seuils » qui assurent le transit des marchandises et qui deviennent également de véritables aubaines industrielles. Une ultime liaison entre le Rhône, Martigues et Marseille apparaît au début du 20ème siècle. Un prolongement du canal initial longe la berge sud de l’Etang de Berre et traverse ensuite la Chaîne de la Nerthe grâce au percement du tunnel du Rove1 qui permet alors de rejoindre le Port de l’Estaque à Marseille. Mais en 1963, un effondrement du tunnel (sur 200m), rompt brutalement cette liaison. Le trafic marchand est alors détourné par la mer, il faut de nouveau longer la côte bleue pour rejoindre la rade de Marseille. Dans la suite de ce travail, ce fil tendu vers l’Est, aujourd’hui à l’abandon, jouera un rôle clé dans la réaffirmation d’un lien dynamique entre le Rhône, la Mer et la Métropole. 1 Achevé en 1916, il mesure 7120 mètres de long, par 22 mètres de large, une hauteur de 15 mètres et d’une profondeur de 4 mètres autorisant le croisement de deux péniches de 1500 tonnes.

66

A9

A7

La Languedocienne (Orange-Narbonne)

Autoroute du Soleil (Lyon-Marseille)

Canal du Rhône à Sète

Canal navigable d’Arles à Bouc

+ ouverture sur le Golfe d’Aigues-Mortes

+ extension jusqu’au port de l’Estaque

Petit Rhône

Grand Rhône


Avignon

Nîmes

Beaucaire

A9

A7 Arles

Montpellier

Fos-surMer

Le-Grau -du-Roi

Sète

Salon-de-Provence

SaintesMaries-dela-mer

Salinde-Giraud

Portde-Bouc Martigues

Marignane

Marseille

Port-SaintLouis

67


Les couloirs d’un système poreux Territoire le plus irigué de France, haut lieu de l’ingéniosité hydraulique sous une double influence fluviale, ses couloirs hydrauliques peuvent s’avérer aussi opportuns que redoutables. Ils mettent en évidence de fortes interdépendances. Il en va aujourd’hui de questionner la façon dont ils bousculent parfois l’état ou les dynamiques évolutives d’un milieu. Pour exemple, le canal EDF, qui dérive une part de la Durance dans l’étang de Berre pour alimenter la centrale électrique de Saint-Chamas, occasionne un déficit d’apport sédimentaire au niveau des embouchures du Rhône. Plus encore, le surplus d’eau douce qu’il apporte à l’étang de Berre se traduit par une stratification visible de ses eaux et une eutrophisation importante de ce milieu.

Espaces potentiellement inondables

Au regard des dynamiques à l’œuvre dans ce territoire contrasté, il paraît souhaitable que celui-ci s’unisse autour d’un même imaginaire de l’eau, comme incertitude, comme ressource, comme liant.

Espaces potentiellement submersibles

68


1

Canal du Rhône à Sète

2

Canal d’Arles à Bouc

3

Canal du Barcarin

4

Canal de Caronte

5

Canal de Gignac- Tunnel du Rove

1

2 3

2 4

5

6

Naviguer ; les couloirs du Rhône Gréoux

Sainte-Croix

Barrages liés à la production d’éléctricité

4

2

Barrages dits « environnementaux » 1

3

5

+ risques -

5 4

1

Canal de vigueirat

2

Canal de Craponne

3

Canal EDF Durance

4

Canal de Marseille

5

Grand Vallat, canal du Verdon

Acheminer l’eau ; les couloirs de la Durance

69


Des incidences de proche en proche L’hypothèse d’une submersion quasi-totale de la Camargue pourrait avoir des conséquences sur une étendue plus vaste qu’on ne pourrait le croire. Dans un contexte poreux de par sa géologie, voilà comment elle peut infuser, de proche en proche, l’Est du Grand Rhône et bouleverser les bases de son organisation : Sous la vaste plaine agricole de l’ancien delta de la Durance, l’aquifère de la Crau1 s’étend sur environ 550km². Au sud-ouest, les cailloutis de la plaine s’enfoncent sous les limons du delta du Rhône, ce qui assure l’alimentation des marais du Vigueirat, mais qui rend aussi la nappe phréatique « captive », donc sous l’influence d’un phénomène de « biseau salé ». En d’autres termes, cela signfie que de l’eau salée pourrait se verser dans l’eau douce de la nappe. En moindre mesure, il en va d’un même risque au niveau de son second exutoire, au niveau des marais de Baux, qui malgré l’importante distance qui les séparent de la mer sont concernés par l’élévation du niveau de celle-ci. Cette situation représente un enjeu fort au regard de l’eau potable qu’elle fournit à environ 300 000 habitants2 (environ 23 millions de m3, 23 milliards de litres/an) et des importants captages liés aux activités industrielles situés à proximité (de l’ordre de 17 millions de m3, 17 milliards de litres d’eau/ an

principalement pour la plateforme pétrochimique de Fos-sur-Mer). A cette conjoncture s’ajoute un essor urbain et industriel sur la plaine qui de par son imperméabilisation affaiblit la recharge de la nappe. Ce bouleversement souterrain implique d’importants défis environnementaux liés à l’érosion de la biodiversité des marais et des tourbières. Par ailleurs, l’agriculture (foin, prairies, vergers…) et les paysages de la plaine de La Crau s’en trouve aussi considérablement impactée alors qu’elle est un véritable grenier régional et moteur économique fort grâce à la renommée de son foin sur le marché mondial. Par l’intermédiaire de puits et multiples forages, l’eau destinée à l’agriculture sur la plaine représente environ 28 millions de m3, soit 28 milliards de litres/an. Au regard d’une pluviométrie moyenne de 500mm/ m²/an sur ce territoire, on peut imaginer que 34 millions de m² adaptés en faveur d’une récupération d’eau pluviale et accompagnés de bassins de stockage, pourraient potentiellement compenser les captages industriels dans les nappes de la Crau.

Nappe phréatique de la Crau

+ + ++ ++

Potentielles intrusions d’eau salée

1 D’après les données de l’Organisme Unique de Gestion de la nappe de la Crau http://www.ougc13.fr/ 2 (dont seulement 100 000 vivent sur la plaine de la Crau)

70

Communes alimentées en eau potable


N 500 ha 0

5 km

Marais de Baux

is ara

M

Nappe de la Crau

at eir

igu

V du

Embouchure Petit Rhône

Embouchure Grand Rhône

Golfe du Lion Mer Méditerranée 71


Microcosmes d’un même géant

Plusieurs microcosmes émanent des singularités, des usages et des séparatismes puissants qui ont conduit à une organisation fragmentée de ce grand delta. Les questions de partage de l’eau et de transformation contemporaine des milieux révèlent plusieurs points de rupture de ce système. Au bord de l’explosion, il met en lumière certains de ses paradoxes. Des moyens démesurés sont mis en œuvre ici au nom de la « protection » de ce que l’on accepte pourtant de détruire un peu plus loin. L’eau fraîche est de plus en plus chaude, l’eau douce de plus en plus rare, salée ou polluée. L’eau, il y en a trop ou pas assez, tel est le fléau que l’on pensait avoir atténué au cours des derniers siècles et qui refait surface aujourd’hui.

72

Dépassés par l’échelle insaisissable d’un bassin versant, troublés par les conséquences de certains aménagements, on tourne alors le dos à la mer qui a fait naître, qui se transforme, on l’accuserait presque de tous les maux. La composition et l’état de ce grand territoire poussent à considérer les formes multiples de ce littoral. Regarder à nouveau ce qui est là, en prendre soin, l’imaginer parfois au travers de nouvelles interactions, de nouvelles formes, de nouvelles spatialités.


N

Rhône

500 ha

Gard

0

5 km

Axe urbain

Avignon, Nîmes, Montpellier

Chaîne d’étangs Etangs d’Occitanie languedociens

Durance

Plaine de la Crau

La Touloubre

Camargue

Aix en Provence L’Arc

Etang de Berre Etang de Berre

Sète

Sète

Golfe de Fos

L’Huveaune

Marseille

Golfe de Fos-sur-Mer

Golfe du Lion Mer Méditerranée 73


Latitude 43, recherche d’un horizon commun

Des secousses s’intensifient, çà et là delta se déchire à l’heure où, pour s’en sortir, il devrait affirmer une force de cohésion, un cap commun. En ce sens émane alors l’idée d’une « latitude 43 », pour ainsi dire d’une horizontalité capable de tenir un agglomérat de paysages incertains, d’accompagner leurs transformations. Dans la continuité de la notion de « méridien » évoquée à l’égard de la vallée du Rhône, elle invite à considérer qu’il soit possible de regarder, d’administrer, d’entretenir, d’aimer, d’imaginer à une échelle adaptée aux enjeux de notre temps.

74


Latitude 43

75

Méridien Rhône


Rhône-Alpes

Un nouvel élan pour le Sud-Est ? Au regard des multiples ramifications fluviales et de l’importante porosité qui lient le destin de la Camargue à celui des paysages voisins, une réflexion à l’échelle d’un « Grand Delta » semble indispensable. Elle permet de construire les bases d’un récit qui s’attache au va-et-vient qui anime, façonneet bouleverse ce territoire. Un récit porteur d’une intention, utopique peut-être, qui propose de se saisir des dynamiques et enjeux du grand paysage pour tisser de nouvelles « solidarités », de nouveaux va-et-viens. Au nom des dynamiques évolutives de ce « Grand Delta », il convient d’interroger la pertinence des limites administratives face aux défis de notre temps. Une vision interrégionale a momentanément su s’affirmer pour porter les grandes orientations et transformations territoriales de la seconde moitié du 20ème siècle1. Involontairement mais probablement non sans hasard, il s’avère que la notion de « Grand Delta » développée dans le cadre de ce projet, ait été déjà employée à la fin des années 60. A cette époque, elle apparaît comme vision pionnière visant à défendre un projet interrégional mettant en perspective le Rhône Alpin et la fenêtre méditerranéenne qui s’est ouverte au niveau du Golfe de Fos.

1 D’après Bernard Morel, Interrégionalité, stratégie de redéploiement territorial dans l’Europe, l’exemple du Grand Sud-Est et de l’axe rhodanien, In : Revue de géographie de Lyon, 1997, pp.191-199.

76

Elle apparaît également comme une expérience associative2 unique à la recherche d’une place dans un schéma institutionnel régional en train de se dessiner (la division de la France en régions date de 1945 et la publication de l’ouvrage de Jean François Gravier « Paris et le désert français » en 1947 ouvre alors le débat sur la nécessité d’un rééquilibrage démographique, économique et industriel du pays). Il est important de nuancer qu’à cette époque la notion de « Grand delta » fait référence à l’espace contenu entre Perpignan, Lyon et Nice. La vision stratégique de ce « Grand Delta », a nourri vingt ans plus tard la volonté de la DATAR3 d’établir un développement cohérent à l’échelle de ce qu’elle appelle alors « Grand-Sud-Est » (Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon, PACA). Initialement, son objectif majeur consiste à atténuer les disjonctions au sein de l’arc méditerranéen et à en faire la base affirmée de l’axe de développement rhodanien qui offre un déploiement nord-européen. En 1990, l’impératif d’une vision interrégionale inscrit ce territoire comme l’un des sept « grands chantiers d’aménagements » ou « constructions territoriales d’opportunité » qui visent à préfigurer la France dans le temps et dans l’espace mais surtout à donner un cadre aux décisions majeures de l’Etat en termes d’équipements structurants.

2 L’association « Grand delta » est créée en 1967 et dissoute en 1977. Elle découle des journées économiques internationales tenues à Marseille en 1966, au sujet de la transformation de Marseille en Europort méditerranéen, en présence de l’élite industrielle lyonnaise motivée par ce débouché portuaire stratégique.

LanguedocRoussillon

Avignon

+

+

Montpellier + +

+

+ + + +

+ + +Marseille

PACA

L’avenir de ce territoire reposait alors sur la cohérence d’un « Moyen Delta du Rhône » en référence au territoire allant de Sète à Toulon et de Marseille à Orange et qui s’avère finalement assez proche du cadrage envisagé à cette étape du projet comme « Grand Delta » (soit approximativement l’espace compris entre Sète, Marseille et Avignon). Etrangement, ce qui paraissait à portée de main hier pour aménager le territoire s’avère plus difficile à envisager lorsqu’il s’agit de le ménager. Aujourd’hui, dans des circonstances et pour des raisons très différentes, il reste à espérer que l’imaginaire et la vision que porte ce « Grand Delta », motive un nouvel élan interrégional.

3 Délégation interministérielle à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité Régionale, créé en 1963


N 500 ha

Rhône

+ Avignon

Gard

Région Languedoc - Roussillon

Région PACA

Région Languedoc-Roussillon

+

0

5 km

Durance

Région Provence-Alpes-Côte- d’Azur

Embouchure Petit Rhône

Sète Embouchure Grand Rhône

+

Marseille

Golfe du Lion Mer Méditerranée 77


Un balancier territorial A cette étape, il est important d’affirmer une vision dynamique et non figée de ce Grand Delta. Il est un curieux mélange de fleuve et de mer qui happe des espaces éloignés de ses embouchures. Dès lors, il est envisagé comme un grand « balancier », affirme l’inertie puissante de ce territoire. Cette notion de « balancier » émane de l’articulation de quatre formes principales d’organisation que la grande échelle révèle. J’ai constaté, a posteriori, que cette notion tient un peu de la « vision triangulaire » des années 60 et de la « vision perpendiculaire1 » des années 90. Mais dans le cadre de cette démarche de projet, elle met en évidence l’impératif de considérer le territoire à travers les mouvements et les incertitudes de ses grands paysages. Cette distinction propose alors une autre posture à l’égard des stratégies d’aménagement, un autre cap.

1 Croisement de l’Arc Méditerranéen et de l’Axe rhodanien souvent désigné comme un T à l’envers

78

Sous l’effet de ce balancier, l’horizon de ce territoire ondule. Il s’immisce dans une multiplicité de lieux, il dérive vers l’Est.


79


1 : 50 000

80


3

Le revers métropolitain

81


82


La force deltaïque qui anime et qui bouscule ce territoire met en relation des paysages lointains. Qu’adviendra-t-il de ces flammèches ? A l’Est, la face métropolitaine peut-être entrainée vers la chute ou devenir l’ancrage émergé de ce grand balancier. 83


Immersion A cette étape du récit, il est question d’explorer, à l’Est, l’essor d’un contrepoids métropolitain depuis le milieu du 20ème siècle. A bien des égards, celui-ci a également transformé le territoire, connaît aussi une période charnière, révèle ses propres points de rupture. Entre la mer, fleuves et montagnes, d’étranges facettes de villes se sont blotties aux creux de puissants paysages. A l’ombre des regards, elle les a phagocytés, engloutis. D’Est en Ouest, il est possible d’avancer, là encore, sur les fils de la démesure. Alors, j’ai éprouvé ce qu’il reste d’un territoire fécond. J’ai traversé les couleurs vives d’un monde effroyable.

84


+ 8

7 3++2 1 +++ + + 6 54

85


L’Arc coule au pied de la majestueuse Sainte-Victoire et de son collet rocheux du Cengle. Ce sillon liquide prend sa source un peu plus à l’Est, à la pointe de son vaste bassin agricole et sédimentaire à hauteur de St-Maximin. Ici, aux bords de l’Arc réside un intense pincement. Il est d’abord topographique : le bassin se divise en deux sillons. Vers Aix, la vallée encaissée de l’Arc poursuit son chemin discrètement, avant de se livrer dans l’Etang de Berre. A son embouchure, le delta de l’Arc offre à l’Etang un vaste espace agricole, des paysages de « petite Camargue ». Vers Marignane se dessine un sillon relativement horizontal (initialement marécageux) qui sépare le Massif de l’Etoile et Marseille du Plateau de l’Arbois. En ce lieu, les grandes infrastructures routières de l’A8 (vers Aix) et de la D6 (vers Gardanne) appuient à leur tour ce resserrement. Au centre du triptyque urbain de Fuveau-Rousset-Peynier, un grand nodule industriel et logistique est venu se greffer sur l’Arc au cours de l’étalement marseillais des années 60. A quelques lieux près il marque le début de la décadence qui déferle vers l’Ouest.

1

86

+

Au bord de la D6, en direction de Gardanne, de verdoyantes pelouses se démarquent fortement des champs dorés de cette chaude journée d’été. Ce n’est que la gazonnière du Golfe d’à côté, plus grand et plus vert encore. Perché au loin, le Canal du Verdon franchit les vallons de la Montagne de Regagnas et du Massif de l’Etoile. Il abreuve ce sillon avec l’eau de la Durance. Dans les hauteurs du Nord de Marseille, il marque une halte au Bassin du Vallon Dol et poursuit son chemin intrépide dans les galeries de Provence.

Bords de l’Arc, Zone Industrielle de Rousset-Peynier


87


2 + 88

Centrale électrique de la Palun, ZAC du carreau de la mine, depuis Meyreuil


89


Au bout d’une des impasses les plus escarpées que je n’avais jamais empruntées, ce grand paysage s’est dévoilé. Un mélange d’effroi et de fascination, m’a d’abord amené à vouloir le décortiquer par le croquis. Là où la tête ne sait pas, la main permettrait alors de poser le regard, de divaguer. La double force du dessin réside aussi dans sa capacité à catalyser la rencontre. J’ai tout juste le temps de tracer l’horizon, le sommet de Mimet qui culmine à 625m, avant d’être interpeller par un habitant, un ancien mineur. Durant une très longue conversation, il me raconte sa vue, les recoins visibles et invisibles de ce paysage. Ici, se côtoient différentes formes d’une course énergétique effrénée. Comme héritage de l’époque du charbon (qui a véritablement pris fin, en 2018, avec la mise à l’arrêt des quatre derniers sites de France) ; la cheminée principale de 300 mètres de haut et ses 70 cm de ballant que Denis a eu l’occasion de ressentir lors de son ascension. A gauche, dissimulés dans la ZAC du Carreau de la Mine, de grands tas de charbon hautement inflammables sont encore entreposés, et pour longtemps d’après lui. A droite de la grande cheminée, deux grandes cheminées de refroidissement dans lesquelles l’eau monte, puis redescend par étage. Plus en retrait, un « petit » triangle rouge émerge à la base de la colline de Cativel, c’est le chevalement du « Puits Z » d’une profondeur de 850m, exploité jusqu’en 2003. Cette portion visible, c’est l’ascenseur par lequel on remontait la quantité démentielle de 30 tonnes de charbon par minute.

90

Plus en arrière encore, on devine Gardanne grâce à l’émergence rectangulaire du « Puits Yvon Morondat », il s’agit de l’entrée de la galerie par laquelle il fallait descendre pour aller chercher le charbon. Alors, cet ancien mineur me raconte l’étrange atmosphère qui règne dans les sous-sols de ce paysage, des reflux d’hydrogène, la peur des « coups de grisou», des gonflements d’argiles. Il me parle de toutes ces galeries qui mènent jusqu’à l’Etang de Berre, de la Galerie à la Mer qui relie Gardanne à Marseille, qui acheminait le charbon au Port de l’Estaque. Désormais ce paysage c’est aussi celui d’une « Centrale Biomasse » : au premier plan, à gauche, on arrose jour et nuit du bois, majoritairement en provenance des Cévennes. Cette activité maintient alors en marche la petite cheminée blanche de 100m et les bâtiments jaunes et gris qui y sont accolés. La grande cheminée de refroidissement émet encore de la vapeur. Elle est alimentée par l’eau de la Durance, grâce au canal du Verdon. A gauche, entre les masses sombres de pins, dans le bâtiment vert, elle est d’abord « lavée à l’acide pour ne pas abimer les cheminées ». Quelques mètres plus à gauche encore, la pinède a été rasée pour installer un parc photovoltaïque. Il se rappelle d’un temps où il était très différent. Il n’y avait pas toutes ces villas, ni l’extension de la zone d’activité, il y avait des marécages partout, peuplés d’oiseaux et de poissons. Ce paysage, il ne le trouve ni beau, ni moche, il dit que c’est le paysage grâce auquel on a pu vivre confortablement.


3

+

Garage d’un ancien mineur Panperdu, Meyreuil

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Centrale électrique de la Palun Gardanne

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+ 5

Terrils des Molx, Biver

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Puits Gérard, Biver

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+ 6

Site d’enfouissement de Bauxaline, Colline du Mangegarri, Gardanne

Il y a quelques mois, je foulais pour la première fois cette poussière rouge. Depuis près d’un siècle et demi, elle teinte les façades du centre-ville, les draps suspendus à ses fenêtres, les panières à pain des restaurants. Elle colle à la peau. Cinquante kilomètres plus loin, à La Ciotat, quelques pécheurs en parlent. Il me fallait alors traverser la beauté amère de ces paysages, les interroger. Ces fines particules, éminemment dangereuses, s’échappent d’un enchevêtrement d’installations chimiques et métallurgiques de 43 hectares. Il est vautré à quelques pas de la gare. Il bat, jour et nuit, comme le cœur de Gardanne. Il dévore de la Bauxite en quantité pour en extraire de l’oxyde d’aluminium d’une grande qualité, permettant alors d’assoir nos modes de vie (composé notamment utilisé pour la fabrication des écrans numériques, le nucléaire, les batteries électriques…) et maintenir une renommée mondiale. Ce minerai rouge, riche en fer, était à l’origine extrait de quelques gisements locaux (dans la toponymie, on retrouve par exemple le village des « Baux-de-Provence »). Aujourd’hui, il est très majoritairement importé de Guinée, déchargé dans l’antenne portuaire de l’usine au niveau de Fos-sur-Mer, puis acheminé jusqu’à Gardanne par la voie ferrée qui contourne l’Etang de Berre par le Nord et qui remonte la vallée de l’Arc et la décharge enfin en gare de Gardanne. La recette de ce succès industriel paraît aussi simple qu’effrayante : la Bauxite est transformée en alumine, d’un blanc étincelant, grâce à de la soude1. 1 Ce composé de transformation illustre, par ailleurs, l’enjeu de production de sel à usage industriel à l’embouchure du Grand Rhône.

A partir d’une tonne de Bauxite on extrait « seulement » 500kg d’alumine, ce qui sous-entend 500kg de déchets industriels associés, plus couramment appelés « boues rouges ». Avec une production de l’ordre de 500 000 tonnes par an, il faut ajouter aux résidus volatils locaux, le volume stupéfiant de « boues rouges » enfouies légalement dans la Fosse de Cassidaigne, à 115 mètres de profondeur, au large de Cassis, dans le périmètre du Parc Naturel Régional des Calanques. Cette matière extrêmement dangereuse et polluante y est acheminée par un tuyau, aérien, souterrain et sous-marin. Depuis quelques années, des panaches débordent de la fosse, les images de poissons pêchés au large sont saisissantes. Récemment, l’usine a réussi à déshydrater cette boue et dit ne relâcher en mer plus que de l’eau « propre ». Mais, transparents, ces rejets ne sèment que plus de doutes. La partie rouge déshydratée, désignée quant à elle sous le nom de « Bauxaline », est alors épandue en surface, principalement au sommet de la colline du Mangegarri. Faussement dissimulé et clôturé, ce site est investi par les habitants à l’occasion, d’après leurs mots, de « balades du dimanche aux terres rouges ». Ce site est en pleine mutation. Une odeur puissante d’humus émane de la danse des semi-remorques. Une prairie fleurie commence déjà à pousser entre les pins rougeâtres. Il paraît que l’usine, récemment rachetée est sur le départ, un départ vers la Guinée.

+ 7

Usine Altéo, Centre ville de Gardanne

Alors, l’avenir de ces paysages et celui de ces habitants, si liés, questionnent. Une métamorphose du cœur de Gardanne résonnera inévitablement dans tout le territoire qu’il articule en retour.

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+ 98

Tours de La Gavotte-Peyret Marseille Nord, depuis l’A51


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Canal EDF Durance

Plaine de la Crau

M

ara is

1m

+

Etang de Berre

10m

du V

+

igu

eir at

5m

+

1m

+

50m

+

gd

an

Et

3m

an ab uC

+

Gofle de Fos 5m

+

+ 2m

+

30m

1m Salins de Giraud

+

35m

+

4200 ha 900 ha 0

100

3

6 km

Embouchure du Grand Rhône


Montagne Sainte-Victoire

N

1010m

+

L’Arc

Barre du Cengle 500 m

+

+

10m

+

350m

25m

+

255m

+

+

280m

+

175m

Plateau de l’Arbois

200 m

+

210m

+

280m

+

Canal du Verdon

Canal de Marseille

350 m

+10m

an

Et

lm

o eB

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La Cadière

on

130m artin

+

+

220m

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380m

+

Col

line

des M

olx

+

625m

+

150m

740m

+ Mimet

Montagne de Regagnas

+

340m

Chaîne de l’Etoile 265m

+

150m

+

155m

Les Aygualades

Chaîne de la Nerthe

Côte Bleue

+

+

m Le Rau

+ 10m

180m

Rade de Marseille

Canal de Marseille

5m

+

L’Huveaune

101


Des éclats marseillais

1950 102


4200 ha

N 900 ha 0

3

6 km

Aix-enProvence

Les Milles Istres

Berre l’étang

Fos-surMer

Vitrolles

Salinde-Giraud

Port-deBouc Port-Saint-Louisdu-Rhône

Chateauneuf

Fuveau

Bouc-Bel-Air Gardanne

Septèmesles-vallons

Marignane Martigues

Rousset

Rognac

Gignac -la Nerthe

Marseille La Penne-surHuveaune

Aubagne

La Ciotat

2020 103


Dès le départ, la construction de la ville de Marseille dépend particulièrement des contraintes et des opportunités permises par le vaste territoire qui l’entoure. Son passé et son avenir sont profondément liés à la vitalité de son port mais trouvent progressivement d’autres ancrages, principalement industriels. Alors qu’elle est contrainte par d’importants massifs montagneux (Chaîne de la Nerthe, Massif de l’Etoile), la ville de Marseille représente pourtant 25 000 hectares urbanisés. A partir des années 60, on peut observer une dilatation fulgurante du tissu habité et industrialo-commercial qui s’étend alors vers les communes satellites alentours. Pour réaliser l’ampleur de cette décadence urbaine il faut savoir que la totalité du foncier que l’Etat prévoit en 1960 lorsqu’il projette le développement de l’ère métropolitaine de Marseille avec 3 millions d’habitants pour 2010, s’est avéré totalement consommé à cette date mais avec seulement la moitié du nombre d’habitants prévu1. Ce constat n’est pas sans lien avec l’importante croissance démographique liée à la décolonisation de l’Algérie (sur la période 1962-1975 on construit environ 11 000 logements par an, contre environ 5 000 à la fin des années 90).

Mais cette très forte consommation foncière s’explique surtout par une sur-prolifération de l’habitat pavillonnaire entre 1975 et 1990. Elle relate principalement du départ des classes moyennes du centre de Marseille vers les communes périphériques : ce desserrement urbain est permis par l’achèvement du réseau routier, par une hausse généralisée du niveau de vie, par un essor de la voiture individuelle encouragé par l’urbanisme, par l’apparition de prêts facilitant l’accès à la propriété. Sur la même période, le territoire est largement redessiné par le desserrement économique important de la ville de Marseille : de nombreuses entreprises s’effondrent et/ou sont délocalisées vers l’extérieur ce qui redirige massivement les emplois, les paysages industriels, les bénéfices économiques vers des communes périphériques. Les zones industrielles et zones d’activités explorées durant le temps d’arpentage de terrain relatent alors de ce tournant de l’histoire et de l’urbanisme marseillais. Localement, elles ont en partie pallié à l’essoufflement ou à la fermeture de certains grands bassins ouvriers (Mines de Gardanne, Chantiers navals de La Ciotat…). A grande échelle, l’exemple le plus marquant de l’éclatement marseillais reste celui de la plateforme pétrochimique de Fos : un morceau du port maritime de Marseille littéralement propulsé à une quarantaine de kilomètres de son centre.

Néanmoins, les emplois tertiaires (direction, marketing...) liés à cet essor marchand et industriel tiennent une place au sein de la ville, aménagée à cet effet dans le cadre du projet d’aménagement du « Grand Centre Directionnel ». Dans les creux du grand paysage, ces éclats hérités questionnent. Les grands ensembles du Nord de la ville sont pour la plupart encore dépourvus d’accroches fortes à ce qui les entoure, les grandes plateformes industrielles et logistiques ont rendu étanches des sols poreux, marécageux, ont avancé sur et sous la mer, ont coulé dans les ruisseaux contaminant alors une ressource si rare. La nébuleuse pavillonnaire et son lot de voieries associées se sont immiscés dans les paysages d’une Provence agricole hostile. Depuis la fin des années 90, on dit essayer de construire « la ville sur la ville » pour conserver quelques poches agricoles indispensables, pourtant un peu partout elle vole encore en éclats. Souvent trop abruptes pour être conquises, les garrigues et grandes pinèdes couvrent encore assez généreusement les crêtes calcaires de ce grand territoire. Néanmoins, ces massifs sombres et inflammables ont été mités par les nombreuses carrières qui ont accompagné l’essor urbain et l’aménagement côtier de ce territoire. Plus récemment elles reculent sous l’ascension des parcs photovoltaïques. Que d’étranges promesses d’avenir.

Salin Verger

1 D’après la conférence d’un urbaniste lors de l’exposition « Marseille, de la ville à la métropole, 50 ans d’urbanisme et d’aménagement » en 2012.

104

Forêt ouverte, lande ligneuse

Vignoble

Forêt fermée (mixte)

Haie

Forêt fermée (feuillus, conifères)


4200 ha

N 900 ha 0

3

6 km

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Directive Habitat Directive Oiseau

ZNIEFF type I ZNIEFF type II

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4200 ha

N 900 ha 0

3

6 km

Aix-en-Provence

Rousset

Fos-sur -Mer

Etang du Caban

+

PortSaint-Louis

+

+

+

Forêt de Castillon

Portde-Bouc

Cabanes du Levant

Salins de Berre

Fuveau Vitrolles

Gardanne

Le Jaï

Martigues

+ +

Grande Palun

Marignane Septèmesles-vallons

Marseille

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Secousses fluviales

A cette échelle il est intéressant de replacer le double visage des fleuves dans un contexte éminemment habité et productif. Les vallées de petits fleuves côtiers comme celles de la Cadière ou des Aygalades sont enserrées par l’urbanisation ce qui représente ponctuellement un risque et interroge la façon dont la ville s’est construite en tournant le dos à ses sillons fertiles. De manière générale sur ce territoire, la proximité entre le tissu urbain, industriel et le réseau hydrographique laisse imaginer les récits regrettables qui osent révéler ce que fleuves et ruisseaux livrent désormais à la Méditerranée. Aux embouchures des particules charriées de la vallée de la Chimie et des couloirs industriels de la Métropole, des casiers d’immersion de déchets dits « non-toxiques » issus principalement du dragage (Casier A), des bassins de confinement pour les matériaux sédimentaires contaminés et écotoxiques (Bassin Mirabeau), des paysages d’une industrie de l’épuration.

Inondations d’après les données du Rapportage 2020 Géorisques Aléa faible Aléa moyen Aléa fort

Principales stations d’épuration et de traitements des eaux

108


4200 ha

N 900 ha 0

3

6 km

La Touloubre

L’Arc

es yn Lu

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Le Grand Rhône

SE

d ran

SE

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La Cadière

SE

ll Va

SE

SE

SE SE

Le Raumartin Les s

ade gal Ay

SE

+

Bassin Mirabeau

Le Jarret

+

Casier A

Zone d’immersion

L’Huveaune

109


Permanence salée

Le scénario proposé ici se base sur une élévation du niveau de la Mer Méditerranée d’1m à l’horizon 2050, il est nécessaire de rappeler le raisonnement dont il émane : A l’occasion d’un entretien, Patrick Grillas, scientifique et directeur de recherche à La Tour du Valat m’a renseigné sur l’évolution chronologique de ce phénomène durant les cinquante dernières années et son incidence sur l’espace en Camargue. La raréfaction de sédiments, à l’échelle des trois bassins versants rattachés au Rhône, engendre actuellement une subsidence de son delta de l’ordre de 0,8mm/an. Cet affaissement le rend particulièrement vulnérable à une augmentation du niveau de la mer estimée à 4,5mm/an par le marégraphe de Marseille sur la période 2013-2018 (contre 2mm/an au cours du 20ème siècle). Au rythme actuel, un écart de 45mm se sera déjà formé en 2050, mais les experts du GIEC ne cessent d’affirmer l’accélération de l’élévation du niveau de la mer à l’échelle planétaire. L’application de ce scénario tient compte d’un marnage de seulement 40cm (tel que mesuré au marégraphe de Marseille en raison d’une très faible marée en Méditerranée) ce qui explique que les espaces jusqu’à 1,20m d’altitude puissent-être directement concernés par une telle élévation.

Cette projection renforce le gradient Est-Ouest des paysages de ce cadrage. Bien que l’élévation du niveau de la mer sous-tende une plus grande exposition aux évènements ponctuels de submersion marine (tels que les tempêtes etc…), il est particulièrement intéressant de l’appréhender comme une nouvelle « permanence salée », hauteur d’eau aux points bas de ce territoire. En tant que telle, elle interroge la capacité de ce territoire à réagir à la disparition de son plus immense grenier. Les tissus habités et industriels ont avancé jusqu’au point de contact avec cette progression salée. Les abords marécageux de l’Etang de Bolmon (au niveau de la zone industrielle de la Palun et de l’embouchure de la Cadière) peuvent d’ores et déjà s’affirmer comme interface entre l’entité soluble de l’Ouest et la partie émergée et densément bâtie de l’Est, venant tout deux buter contre la D9 et le Canal du Rhône à Marseille.

Projection des paysages modifiés par l’élévation de la Mer Méditerranée avec un scénario +1m à l’horizon 2050

Altitude (en m) + 1,2

+20 à+0

1 0,75 0,5

+ 45 à +20 +70 à + 45 +120 à +70

0

+120

-1,2

110

hauteur d’eau ( en cm)


4200 ha

N 900 ha 0

3

6 km

111


4200 ha 900 ha 0

112

3

6 km


N

Aix-enProvence

Marseille Nord

113


Recherche d’une armature Le temps de recherche par la série de maquettes a permis d’explorer autrement les enjeux et les imbrications qui font et qui défont ce territoire, qui invitent à le recomposer. La première maquette a permis de définir certains paysages qui se répondent, d’identifier les forces et les faiblesses de certaines proximités ou a contrario de certaines mises à distance. La seconde traduit une approche séquencée du territoire ainsi qu’une vision mettant en relation les paysages qui représentent à la fois des obstacles mais également des lieux opportuns d’un nouvel élan territorial de par leurs positions géographiques ou leurs usages. La troisième peut être considérée comme une genèse formelle et une réelle affirmation d’un revers inspirant. Cet outil encourage particulièrement à décliner ce « revers », pour explorer les structures à travers lesquelles il pourrait s’avérer porteur d’un avenir fécond pour ce territoire.

114


115


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117


Un élan horizontal

D’un revers, Gardanne s’accroche à l’embouchure du Grand Rhône. D’un bout à l’autre, il révèle les coulisses d’un territoire puissant. Dans cet antre oublié, des fragments apposés. Pensés comme un ensemble dynamique ils peuvent induire une nouvelle façon d’aller à la rencontre de l’embouchure du Rhône.

118


119


Des forces transverses On peut ensuite interroger l’ancrage de lignes de forces transverses à cet élan horizontal. Ces « transverses » portent en elles les principales singularités et les plus grands défis de ce territoire. Les deux plus à l’Ouest découlent des dynamiques des abords du Rhône et des pressions qui s’exercent sur la Plaine de la Crau abordées dans la partie précédente. En revanche, la cartographie (voir planche suivante) réalisée à cette étape met en évidence deux lignes de forces à l’Est. A partir de cette carte, j’ai alors identifié l’ « arc métropolitain » tiraillé entre Aix et Marseille. On peut également désigner une «tangente industrielle» établie dans l’axe de de la piste d’atterrissage de l’aéroport de Marignane et qui relie trois séquences fortes : Au nord elle tient le site fantomatique des raffineries de Berre l’Etang ainsi que ses Salins du Port de la Pointe et plus à l’Est la zone industrielle Nord de Rognac.

120

Au centre, la zone industrielle des Cadesteaux deVitrolles et l’important complexe industriel et aéroportuaire des Estroublancs à Marignane. Enfin, au niveau de la ville de Marseille, elle vient à la rencontre du Port de l’Estaque et de la zone industrielle de la Delorme. On peut imaginer que l’élan horizontal profite également à ces transverses : celles-ci pourraient alors se transformer depuis leurs points névralgiques, leurs accroches.


121


4200 ha 900 ha 0

122

3

6 km


N

123


Emprises A cette échelle apparaît l’emprise territoriale sur laquelle repose l’ambition d’un nouvel élan métropolitain. Elle s’affine avec les allers-retours entre les échelles, l’alternance de temps d’arpentage et de recherche. L’armature principale de cet ensemble est profondément nourri du récit d’un grand balancier territorial. Ici, elle révèle les coulisses et certaines impasses d’un tel urbanisme. Elle invite à recentrer l’attention sur cette sorte de « contre forme » que le territoire ne regarde plus, alors que tout en dépend. Ses ramifications s’attachent à l’importance de reconsidérer les lignes de force et les espaces qui les structurent.

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4200 ha

N 900 ha 0

3

6 km

125


Des contours Bordshétérogènes L’emprise territoriale proposée n’est pas délimitée par une seule et même entité géographique (type vallée, plaine, etc…). Il est donc important de la décomposer pour appréhender les multiples structures de paysage qui définissent ses bords, de façons plus ou moins franches, plus ou moins marquées dans le grand paysage.

Hydrographie Topographie Végétation Routes Trains, industries Tissu bâti

126


4200 ha

N 900 ha 0

3

6 km

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Un tissu Tissus composite La démarche proposée ici encourage à se mouvoir dans différentes matières pour identifier des points d’appuis multiples du projet, explorer les lieux singuliers qui peuvent porter ce récit d’avenir commun. La composition de l’emprise territoriale qui s’est affirmée à cette échelle amorce déjà cette métamorphose. Elle s’immisce dans les plus poignants délaissés métropolitains : ceux que l’on évite de voir, pas même par la fenêtre d’un TGV, ceux qu’on a poussé à l’extérieur, ceux qu’on ne regarde pas par désintérêt, par honte ou parce qu’ils sont vraiment bien cachés, les communément trop « laids » pour être vus, ceux qu’on aura fini par effacer sans le vouloir.

Hydrographie Topographie Végétation Routes Trains, industries Tissu bâti

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4200 ha

N 900 ha 0

3

6 km

129


Articulations liquides

+

130

Canal navigable du Rhône à Marseille

1

Casiers des Salins de Giraud

2

Marécages des Emphores

3

Marais des Grands Palus

4

Salins abandonnés de Fos-sur-Mer

5

Grand Vallat du Ceinturon, Grande Palun

6

Canal Rhône à Marseille, tronçon «Gignac» (entrée Tunnel du Rove)

7

La Cadière

8

Le Raumartin

9

Canal de Marseille (portion souterraine )

10

Grand Vallat

11

Luynes

12

Berges de d’Etang de Vaïné, à hauteur de Rognac

13

Canal EDF Durance (alimentation centrale de Saint-Chamas)


4200 ha

N 900 ha 0

3

6 km

C. Jumeaux

13

Berges de l’Arc

C. les Ar ou àB

12

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Berges du Rhône

11

10 4

2

Rhône d’Ulmet

C.

C

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a .B

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3

C. Caronte

+

5

7 6

8

9

C. Rhône à Marseille 1

Les Aygualades

Digue salins

131


Démarcations de creux

+

132

Contreforts pelés de l’Arbois

1

Delta du Rhône, lit mineur

2

Plan du Bourg

3

Vaste étendue poldérisée du Golfe de Fos

4

Plaine de la Crau, «portion Miramas»

5

Plaine Saint-Martin

6

Plans

7

Vallon de Bellepeire

8

Colline de Septèmes-les-vallons

9

Colline des Molx

10

Colline des Frères

11

Colline de Cativel

12

Colline de Mangegarri

13

Plaine de la Cadière, Marignane

14

Delta de l’Arc


4200 ha

N 900 ha 0

3

6 km

4

Vallée de Luynes

Vallée du Grand Vallat

14 2

12

1

11 9

3

13

Depression marécageuse de Caronte

bois e l’Ar

d eforts Contr 7

+

8

10

Massif de l’Etoile

6 5

Chaîne de l’Estaque

133


Dispersions boisées

+

134

Plan des Pennes et son horizon calcaire

1

Bois d’Azégat

2

Vignobles de l’Ile Saint-Pierre

3

Peupleraie de l’Ile des Pilotes

4

Ripisylve du Rhône, l’Ilon

5

Lande salée de l’embouchure

6

Friches marécageuses de la Palun

7

Pipisylve de La Cadière

8

Vignobles et cultures du Plan des Pennes

9

Ripisylve du Raumartin

10

Ripisylve du Grand Vallat

11

Pinède du Mangegarri

12

Vignobles et maraîchage du delta de l’Arc

13

Vergers de la Crau

14

Trame bocagère de La Crau

15

Rizicullture de bords de Rhône


4200 ha

N 900 ha 0

3

6 km

14 13

1

2

12

3

11 15

Forêt de Cabriès 7 6 4

5

+ 9

10

Pinède du Jas de Clapier

8

Bois de Borel

135


Résonnances routières

+

136

A55 en direction de Marseille 1

D35

2

N569

3

D568

4

D9

5

D368

6

D6

7

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8

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4200 ha

N 900 ha 0

3

6 km

D113

N569

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2

D36

9

N56

7

6

4

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3

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5

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6

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A51

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N568

D3

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8

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1

D9

D543

D21d

A7

137


Epaisseurs ferroviaires et industrielles

+

138

Raffineries de Fos-sur-Mer

1

Môle Graveleau, transit automobile

2

Raffineries Fos-sur-Mer

3

Usine antenne d’Altéo, importation de Bauxite

4

Zone industrielle de Martigues Sud

5

Raffinerie Biocarburants de la Mède

6

Zone industrielle de la Palun

7

Zone commerciale de Plan de Campagne

8

Zone d’activités des Chabauds

9

Usines Laffarges, carrières et sites d’extraction

10

Usine Altéo production d’Alumine

11

Centrale électrique (charbon puis bois) de la Palun

12

Zone d’activités de la Pioline

13

Zone industrielle des Estroublancs, Marignane

14

Zone industrielle des Cadeneaux, Rognac

15

Zone industrielle Nord, Rognac

16

Anciennes raffineries de Berre l’Etang

17

Zone industrielle de Martigues, centre logistique de L’Europe du Sud


4200 ha

N 900 ha 0

3

6 km

17

12 16

15 14

Stockage Alteo

Tr ai

n

+

1

Raffineries 2 de Fos 3

Antenne Alteo

13

5

6 9

10

8

7 4

11

9

Salins de Giraud 2

139


Frontalités bâties

+

140

Marseille Nord

1

Ville de Salin-de-Giraud

2

Port-Saint-Louis-du-Rhône

3

La Lèque, Port-de-Bouc, (grands ensembles)

4

La Mède

5

Châteauneuf-les-Martigues

6

Martigues

7

Gignac-la-Nerthe

8

Plan les Pennes

9

Les Pennes Mirabeau

10

Bouc-Bel-Air

11

Gardanne

12

Meyreuil

13

Luynes

14

Jas-de-Bouffan, Aix-en-Provence (grands ensembles)

15

Les Milles

16

Cabriès

17

Istres

18

Miramas

19

Salon-de-Provence

20

Pointe de Saint-Gervais, Fos-sur-Mer

21

Notre Dame, Marseille (grands ensembles)

22

La Gavotte, Marseille (grands ensembles)

23

Saint-Antoine, Marseille (grands ensembles)

24

Les Aygualades, Marseille (grands ensembles)

25

La Viste, Marseille (grands ensembles)

26

La Bicarde, Marseille (grands ensembles)


4200 ha

N 900 ha 0

3

6 km

19

18

14 15

17

Meyreuil

13

Bouc-Bel-Air 16

Fos 20 1

Les Arcades 3

2

7 5

11

9

6 4

10

12

8

Les Cadeneaux 22 21 23 26

+

L’Estaque

La 25 24 Bicarde

141


Une adéquation métropolitaine ?

Bouches-du-Rhône

Pays Salonais

+ Istres Ouest + Provence

+ +

+

Pays d’Aix

+ +

Souvent, l’espace s’organise pour des intérêts communs (ou pour affirmer un désaccord), très éloignés d’une attention portée au grand paysage. Celui-ci se meurt parfois de n’être que le réceptacle d’ambitions politiques, réinterroge aujourd’hui les logiques et bases qui permettront de construire autre chose, autrement. En moins d’un siècle, les tissus habités et productifs métropolitains ont considérablement modifié le grand territoire en tirant partie de ce qu’il offre, en tournant le dos à ses aspirations, en oubliant trop vite ses fragilités. Pour le préparer au siècle à venir, un changement de paradigme profond doit s’opérer. A la base de changement, repose l’envie que ce soit désormais les dynamiques, les enjeux et les imaginaires du grand paysage qui façonnent l’espace métropolitain. L’emprise territoriale qui s’est affirmée à cette échelle amorce déjà cette métamorphose.

juillet 1999 avait déjà ouvert la voie d’un renforcement et d’une simplification de la coopération intercommunale. Désormais composée de 92 communes, Aix-Marseille-Provence s’est substituée à six intercommunalités précédentes qu’elle laisse exister en tant que « pays » et qu’elle remobilise comme « niveau d’organisation intermédiaire » dans le cadre des Conseils de territoire par exemple.

en les combinant avec les enjeux industriels et urbains. Le renforcement d’une politique agricole, qui tisse les liens entre production et bassins de consommation métropolitains, constitue aussi un enjeu1. » A double tranchant, la métropole est si grande qu’elle atteint bientôt l’échelle départementale. Elle est encore coupée des deltas qui l’on fait naître et qu’elle modifie, goutte après goutte.

Il est important de mettre en parallèle cette démarche de projet avec la récente mutation administrative qui a redéfini ce territoire en faveur de plus grands ensembles et de compétences plus étendues. La métropole Aix-Marseille-Provence (AMP) a été créée le 1er janvier 2016, alors que la loi du 12

Cette entité représente 704 km² d’espaces dits « urbains », 629km² dits « agricoles », 1721km² dits « naturels », elle peut incarner un tournant. « La dimension de la métropole offre l’opportunité d’une prise en compte des enjeux à une échelle plus cohérente, celle des grands espaces naturels, des écosystèmes, des bassins versants,

A l’aube d’une reconsidération métropolitaine, osera-t-elle enlacer l’embouchure du Grand Rhône pour se repenser ?

1 https://www.ampmetropole.fr/sites/default/files/2018-04/AGAM_ Metropole_pratique-ENVIRONNEMENT_2016.pdf AGAM, 2016

142

+

+

+ + + Pays de

+ +

Martigues

+

+

+

+ + +

+ Pays d’Aubagne et de l’Etoile

MarseilleProvence

Métropole 2016 Aix-Marseille-Provence


4200 ha

N 900 ha 0

3

6 km

Salon-de-Provence Grans Saint-Martinde-Crau Miramas Istres

Aix-enProvence

Arles Berrel’Etang

Vitrolles

Fos-sur-Mer Port-deBouc

Port-Saint-Louis -du-Rhône

Meyreuil

Rognac

Marignane St-Victo

ret

Martigues

Châteauneufles-Martigues

erthe

Cabriès

Les PennesMirabeau

-la-N ignac

G

Le Rove Ensuès-laRedonne

BoucBel-Air

SeptèmesLes-Vallons

Fuveau Gardanne

SimianeCollongue

15e

16e

14e Marseille Nord

2e 3e

143


4200 ha 900 ha 0

144

3

6 km


N

145


1 : 25 000

146


4

L’horizon de dérive

147


Quand tout se mêle

L’intrépide delta a happé l’Est. Puis, un revers métropolitain s’est saisi des paysages qui mènent à l’embouchure du Grand Rhône. C’est dans ce même « sillon fécond », cette « contreforme », ces « coulisses », que le territoire a cessé de se regarder. Maintenant, explorons comment tout pourrait s’y mêler, tenir ensemble. On a pressenti l’infime puissance de ce territoire, alors c’est pour ça qu’on lui a tant fait violence. On le sait capable de tout supporter, alors on continue sans réellement regarder ses brèches. Parfois on essaye tout juste de colmater les plus visibles, les plus criantes. Composer avec ces brèches et ces délaissés, c’est révéler ce que le grand paysage ne peut plus porter, ce que l’urbanisme a expérimenté, parfois bafoué, pour faire du territoire ce qu’il est aujourd’hui. Alors nous voilà plongés dans un moment d’inconfort, qui nous impose de « négocier avec l’usure », avec ces fragments immenses « qui ne marchent plus, mais qui pourraient marcher quand même ». Un temps d’inconfort qui impose aussi d’invoquer non plus seulement ce qui se voit, mais aussi ce qui se ressent.

148

Cette approche invite à se saisir de la notion d’incertitude comme impulsion d’un nécessité de faire projet de territoire. Par et pour le paysage, elle peut alors devenir le cœur battant du projet. En 2050, La Méditerranée se sera peut-être élevée d’un mètre, ou pas, peut-être de quelques-uns de plus encore. Dans cette inconnue réside l’importance d’une intention qui soit féconde quel que soit le scénario, d’un projet qui affirme un cap mais laisse aussi une place au dessin de l’inattendu. Il faut avancer, à tâtons, dans de curieuses spatialités. Alors on peut imaginer les multiples nouveaux usages qu’elles ont à offrir, la façon dont elles peuvent nous plonger dans les imaginaires saisissants de ce grand delta.


149


150


151


Paysages protagonistes

L’embouchure du Grand Rhône

152

Fos-sur-Mer

Les abor l’Etang de


rds de Bolmon

Plan de Campagne, Marseille Nord

Gardanne

153


L’embouchure du Grand Rhône

1950 154


L’embouchure du Grand Rhône

2020 155


Fos-sur-Mer

1950 156


Fos-sur-Mer

2020 157


Les abords de l’Etang de Bolmon

1950 158


Les abords de l’Etang de Bolmon

2020 159


Plan de Campagne, Marseille Nord

1950 160


Plan de Campagne, Marseille Nord

2020 161


Gardanne

1950 162


Gardanne

2020 163


Nouvelles conditions d’habiter

La structure territoriale envisagée ici permet d’apporter des issues urbaines et des formes de solutions là où on ne les cherchait peut-être pas, là où on ne les attendait plus. On peut imaginer, par exemple, que cet élan vienne à la rencontre des grands ensembles enclavés de Marseille Nord. Cette intention s’inscrit dans la continuité des premiers constats des années 90 et des efforts de transformation de certains quartiers1 permis grâce à l’essor du Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU) en 2003, dont la mise en œuvre est depuis confiée à l’ANRU2. Ici, l’approche par le territoire ouvre le champ des possibles et interroge la capacité des enjeux, des dynamiques et des imaginaires du grand paysage à investir ces lieux, à l’inspirer de nouvelles articulations à l’échelle du quartier. L’armature territoriale proposée peut leur offrir plus qu’une fenêtre sur le Port de l’Estaque, les y inviter. Par le Nord, elle les accroche à cet élan territorial commun en encourageant un lien par l’eau, principalement le ruisseau des Aygalades qui naît un peu plus haut à hauteur de la carrière de Septèmes-les-Vallons. Là encore, l’eau, cette ultime ressource provençale s’est écrasée sous l’arrogance

1 Désignés comme « les plus fragiles » et définis comme des « Zones Urbaines Sensibles » 2 Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU)

164

et le poids d’une urbanisation et d’une industrie, toutes deux nécessaires. Cette intention fait écho à certains projets récents ou en cours sur ce ruisseau, vient souligner l’importance environnementale et sociale d’en assurer la continuité, les propulsent vers un horizon encore plus lointain, plus puissant. En l’absence d’une réelle diversification de l’habitat sur l’espace métropolitain, on peut éprouver l’important clivage qui existe entre la démesure de l’habitat collectif et le fourmillement pavillonnaire. Fourmillement qui, nous l’avons vu, a saturé le foncier disponible, démultiplié les paysages de déplacements, d’équipements au dépend de milieux précieux, d’espaces productifs. A l’égard de ce modèle résidentiel pavillonnaire qui prolifère encore, il faut alors rappeler l’ambition affichée de devoir « reconstruire la ville sur la ville », d’aller vers une « intensification des tissus urbains ». Il faut alors espérer qu’une approche par le paysage s’affirme, pour permettre d’éviter que cette dite « intensification » mène à une congestion anarchique. Au sein d’équipes pluridisciplinaires, il faudra plus que jamais porter cette voix et s’atteler, ensemble, à trouver de nouvelles façons d’habiter l’espace, inventer des formes urbaines moins manichéennes.

Eminemment présente dans ces paysages, la ville doit s’accrocher à cette dérive. Avec ce cap, elle redéfinirait alors sa matérialité en faveur de nouvelles formes d’habitats collectifs, laissant une place à des aspirations individuelles, veillant à l’équilibre d’un ensemble. Alors la ville ne se redessinerait pour et par son environnement, au nom du vivant, des humains et non humains.


165


166


167


Temporalités

168


169


2050

2020

Métamorphoses

Redonner au Rhône la possibilité de divaguer, piéger des sédiments grâce à la trame des salins

170

Repenser le système de canaux d’irrigation pour favoriser l’apport en limons

Rétablir le canal de navigation entre le Port de l’Estaque et Fos-sur-Mer


Parcourir les creux : Compléter le GR2013 Marseille par des cheminements Est-Ouest

Redonner une place aux ruisseaux

Diversifier le tissu urbain et favoriser les espaces communs

171


Le vrai plan projet au 25000 a été réalisé à la main, mais compte tenu de sa dimension (1,10 x 3,80m) non conforme à la taille standard des grands scanners, le document original n’a pas été scanné pour pouvoir être présenté, non coupé, le jour de la soutenance puis concervé en l’état. Quelques séquences de ce plan sont présentées un peu plus loin. A titre indicatif et pour aider à la compréhension de l’ensemble du projet, se référer à l’esquisse ci-contre.

E

B

C A’

B’

A C’

4200 ha 900 ha 0

172

3

6 km


N

G

F

G’

D

F’

D’

Projet Légende des coupes associées Espaces boisés nourriciers Espaces humides

E’

Lattitude 43, cheminement principal Cheminements secondaires Transformation du tissu industriel Transformation du tissu pavillonaire

173


D360

Anciens salins de Giraud

Bois François

A

0m +

Anciens salins du Caban

A’

Plaine Ronde

Canal Rhône -Marseille

15m +

N568

B

N569

Zone artisanale du Ventillon

GRAND RHÔNE

C

Canal de Caronte

N568 GR 2013

La Plaine

Gignac La Nerthe

Embouchure de l’Arc

E ETANG DE BERRE

Plaine St Martin

C’

ZI. Lavéra

A55

D368

D9

20m +

ETANG DE THAU

D10

Canal EDF Durance

ETANG DE BERRE

Canal Rhône -Marseille

Le Jaï

D

Marignane

GOLFE DE FOS-SUR-MER

15m +

Pouvane

174

B’

Ancienne Raffinerie Fos

Le Rove

240m +

D’

CHAÎNE DE L’ESTAQUE

4m + DELTA DE L’ARC

Salins de Berre

Rognac

200m +

ETANG DE BERRE

ZI. des Estroublancs

Aéroport Marignane


A55

D368

Le Raumartin

GR 2013

Echangeur D9

Plan des Pennes

240m +

CHAÎNE DE L’ESTAQUE Q. Estaque

5m + Ancienne Usine Alumine Canal du Verdon

225m +

GARDANNE

25m +

L’Abis

Bivert

ZI. Delorme

F

340m + GR 2013

CHAÎNE DE l’ETOILE

Site d’enfouissement technique

270m +

Bassin du Vallon Dol

Grande Etoile

Le Gassin

Q. L’Arlésienne

A51

D6

710m +

Les vignes basses

Septème-les-Vallons

Q. Bon Secours

Colline Mangegarri Enfouissement Bauxite

GR 2013

D60a

Post Electrique

Bois de Boulard

D9

Bassin du Réaltor

Carrière Laffarge

A7

ZC. Pauline

Q. La Cabucelle

D6

D7

D8n

PLAN DE CAMPAGNE

Q. La Calade

Q. Mirabeau

A51

D9

Embouchure Luynes- L’Arc

GR 2013

D64

PLATEAU DE L’ARBOIS

A55

A8

Luynes

Les Abandonnés

Carrière du Vallon de Riaux

G 160m + Plaine des Tisserands

F’

MARSEILLE NORD

Sommet Mimet

620m +

G’

Les Moulières

E’

LES AYGALADES

175


176

Embouchure du Grand Rhône

Fos-sur-Mer

2050

2050

Les abords de Bol

205


de l’Etang lmon

50

Plan de Campagne, Marseille Nord

Gardanne, Aix Sud

2050

2050 177


1: 10 000

178


5

Plan de campagne, noeud de 8

179


180


181


Plan de Campagne, point névralgique Sur cet horizon, légèrement à l’Est, l’important complexe commercial de Plan de Campagne apparaît comme un obstacle à la continuité d’un tel projet de territoire.

Au-delà de l’importante recette économique de ces 500 enseignes, il est important de constater la sociabilité et l’amusement que les gens viennent chercher en ce lieu.

Dans les années 60, alors que la ville de Marseille s’est considérablement densifiée, des commerçants venus d’Algérie s’installent dans cette cuvette marécageuse à son extrémité Nord, au niveau des communes des Pennes-Mirabeau et de Cabriès. Cette place, occupée presque par défaut, se révèle par la suite particulièrement propice au développement du modèle commercial pionnier porté principalement par M. Barnéoud. Les nouveaux modes de consommation qu’il pressentait s’affirment, et sous-tendent alors l’essor de ce nouveau schéma urbain dans le reste du pays. Dès lors, est amorcée une transformation fulgurante des espaces d’entrées de villes et la cristallisation d’un étrange rapport au paysage, qui, en ces lieux, ne constituent jamais la raison de la venue.

Il semble que la réussite affichée et l’inertie de ce site commercial s’explique aussi par son emplacement particulièrement stratégique et l’optimisation de sa desserte routière à grande échelle. En effet, il apparaît comme point de rencontre à mi-chemin, charnière forte de l’important arc métropolitain Aix-Marseille (évoqué précédemment). En effet, Plan de Campagne est situé à la sortie Nord de Marseille (à une quinzaine de kilomètres du Vieux Port) et au Sud d’Aix-en-Provence (à une quinzaine de kilomètre du Cours Mirabeau), avec un accès par la sortie 1 « Plan de Campagne » sur l’autoroute A51. A l’Ouest il a également un rayonnement important grâce à la sortie 31 « Les Pennes Mirabeau » sur l’autoroute A7 (Lyon) et à la D368 et à l’Est grâce à la D6. Il est traversé horizontalement par cette même route départementale, régulièrement saturée. Par ailleurs, cette route distingue les deux parties du centre commercial ; la partie Nord relativement moins attractive que la partie Sud. On peut noter que ce site est tout de même desservi en transport en commun ; par les lignes de bus 200 et 202 du réseau Pays d’Aix mobilité, par les lignes de bus 50, 51, 53 et 64 du réseau Cartreize et par les lignes 4 et D du réseau Salon Etang Côte Bleue, mais qu’il ne tire pas encore partie de la proximité de la voie ferrée qui le touche.

Plan de Campagne, c’est alors l’histoire d’un creux aux marécages asséchés par la démesure de la consommation moderne. Des boites, hors échelle, anarchiquement posées, qui affichent volontairement l’image de l’abordable, du bon marché. Des paysages aux sols rendus étanches pour laisser place à la voiture individuelle, clé de voute de l’impulsivité qui rapporte et de l’achat non modéré. Chaque année, des dizaines de millions de visiteurs sillonnent les 250 000 hectares de ce triangle lisse. Un curieux écosystème grouille au sein de ce méli-mélo métallique, grinçant, coloré. 182

A cette échelle plus fine, il est alors question d’imaginer la façon dont l’élan de ce projet pourrait redéfinir, redessiner, Plan de Campagne. Aujourd’hui, il est impératif de se saisir de ce point névralgique, de ce point ultime à partir duquel le territoire ne se regarde plus, pour qu’il ne constitue non plus un obstacle mais un nœud fédérateur. Il est question de tirer partie de l’emplacement géographiquement stratégique du site, de son inertie en tant que lieu de sociabilités, de loisirs. L’objectif est de les remobiliser non plus dans un projet de consommation de masse mais dans un projet de paysage. Grâce à lui, le lien qui propose de tisser de nouveaux espaces à la rencontre entre les paysages humides aux écosystèmes foisonnants, les paysages d’une Provence nourricière et les délaissés métropolitains, ne pourrait alors plus jamais être coupé. Au fil de cette recherche de projet, Plan de Campagne et ses abords s’affirment alors comme la séquence à transformer en priorité, un préalable à l’adéquation d’un projet plus grand. Commencer ici, c’est aussi interroger la capacité de ce site à inspirer, 60 ans plus tard, un nouveau modèle d’aménagement et de ménagement de nos territoires.


Aix-en-Provence Plateau de l’Arbois

Etang de Berre

Gardanne Plan de Campagne Cadrage de la maquette

Marignane

Etang de Bolmon

Chaîne de l’Etoile

Chaîne de la Nerthe / l’Estaque

Marseille

183


Le noeud de 8

A l’horizon 2050, Plan de Campagne pourrait se transformer dans le sens d’une nécessité environnementale qui impose de rétablir des conditions favorables au vivant et au cycle de l’eau mais également devenir un lieu qui incite de nouveau à regarder, à vivre des expériences de paysages, un cadre qui invite à prendre soin de ce qui nous entoure ; à traverser, consommer, habiter différemment. Etape clé de « l’horizon de dérive » que le projet de territoire propose, Plan de Campagne invite alors ses abords ténus, fragiles, délaissés, à l’investir pour le repenser de l’intérieur.

184


185


Plan de Campagne depuis la D6

186


Plan de Campagne depuis la D6

187


A l’Ouest, un assaut pavillonaire

188


A l’Est, un assaut industriel

189


Canal Durance-Marseille, au bord de la D6

190


Les rives du Raumartin au bord de la D368

191


Inviter les abords

Dans la continuité de l’intention qui vise à repenser Plan de Campagne comme un grand nœud de 8, la réalisation de cette maquette a permis de spatialiser et d’affiner le projet. A cette échelle, le projet s’articule grâce à trois systèmes principaux : D’abord, « l’horizon de dérive » se traduit par une requalification de la D6 et de la D368. Dans cette linéarité, les paysages se transforment. L’émancipation de la voiture permet d’entretenir un autre rapport à ce qui borde la route. A pied, à vélo ou à cheval, un nouveau rythme s’impose et décuple les possibilités de rencontre et de découverte : d’être happé par la curiosité, l’envie de s’arrêter pour découvrir. Cette voie pourrait être empruntée presque exclusivement par des transports en communs, un système de navettes par exemple. De cette façon, certaines séquences urbaines pourraient se dynamiser autour des principaux arrêts. En parallèle, un sentier pâturé, aux abords arborés et jardinés s’inscrit dans la complémentarité du GR2013 Marseille Provence qui traverse cette portion de territoire presque exclusivement selon un axe Nord-Sud, mais qui ne permet pas de le longer d’Ouest en Est, d’infiltrer ses coulisses. Ensuite, le projet propose de mêler de vastes étendues de paysages humides à des paysages agricoles provençaux plus arborés. Ces deux atmosphères se rencontrent et traversent Plan de Campagne. Dans les espaces les plus creux, on peut imaginer rétablir certaines dépressions marécageuses, capables 192

de stocker et filtrer l’eau et de pallier, en moindre mesure, aux espaces marécageux disparus en Camargue (en raison de la submersion marine projetée précédemment) et qui représentaient jusqu’alors des milieux riches de biodiversité. A proximité de l’eau, on peut imaginer une pluralité de milieux (épaississement des ripisylves des ruisseaux, prairies humides …) et une diversification des cultures (maraîchage sur les sols les plus frais, bandes boisées fruitières et productives plantées de façon à souligner la topographie, dont l’ombre permet de créer des microclimats dans certaines parcelles souffrant de la sécheresse). Enfin, ce projet propose une nouvelle articulation pour les périphéries urbaines. Comme évoqué précédemment, le projet peut tourner et repenser les quartiers de Marseille Nord autour de cet « horizon de dérive ». Une accroche forte peut exister à l’Ouest de Plan de Campagne, aux abords du petit tronçon où le canal d’irrigation Durance-Marseille est visible, jusqu’alors écrasé par la D6. Des abords qu’il en va désormais de soigner et d’enchanter autour de l’imaginaire de l’irrigation qui orchestre la vie d’un Grand Delta. A partir de ce point, le projet traverse le tissu pavillonnaire des Cadeneaux en suivant lechemin sous-terrain emprunté par ce canal d’irrigation. De cette façon il permet de créer une dilatation paysagère dans le fourmillement pavillonnaire. A l’Est de Plan de Campagne, l’accroche proposée tire partie de la proximité de la voie ferrée et de l’éventuelle dynamisation urbaine autour du quartier d’une nouvelle gare.

A partir de ce second point, le projet s’immisce, par Septèmes-les-Vallons, dans le vallon des Aygalades pour fédérer de nouveaux paysages urbains aux abords de ce ruisseau, si peu considéré, depuis sa source, jusqu’à son embouchure au Port de l’Estaque. Autour de ces nouvelles dilatations arborées et humides, la profusion pavillonnaire et ses innombrables jardins chlorés à l’origine d’importants « fronts urbains » (lorsqu’ils touchent des parcelles agricoles ou les tours de grands ensembles) se transforment. C’est alors à sa périphérie que la ville se réinvente ; de nouveaux ilots d’habitats plus collectifs se dessinent pour pallier à une individualité grinçante et à la raréfaction du foncier. Ces dilatations et ces nouveaux espaces communs peuvent alors assurer de réelles continuités et redessiner le centre de Plan de Campagne. On peut imaginer que celui-ci soit transpercé et organisé autour d’un espace public qui mêlent des paysages humides productifs, de loisirs non plus contenus dans des boites, mais bien dans un environnement palpable. Autour de ce point fort pourrait alors émerger de nouvelles façon de consommer, plus raisonnées, en faveur d’une économie plus locale. Le cœur de Plan de Campagne se trouverait alors au niveau de l’immense parking du Casino et d’une grande friche industrielle. Celle-ci fut récemment l’objet d’un projet d’extension de la zone commerciale, ici réside probablement le changement de paradigme que propose ce projet de paysage.


ran d Va lla t

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gn ara eB

e

Le G

A51

B de llon a V

Plateau de l’Arbois

Plan de Campagne

D6

Le Raumartin D368 A7

Septèmesles-Vallons MARSEILLE NORD

A55

Chaîne de la Nerthe / l’Estaque

Les Ayg alad es

Les Cadeneaux

Chaîne de l’Etoile

Maquette au 1: 10 000 (120x80cm) 193


194


Existant Ruisseaux Train Autoroute Route Bâti industriel et commercial existant

Projet Lattitude 43, requalification D6 et D368 Le sentier des coulisses Paysages humides Paysages nourriciers de Provence

Nouvelles accroches urbaines Nouvelles articulation d’espaces publics Reconversion du tissu industriel et commercial Transformation des ilôts pavillonaires, atténuation des «fronts urbains»

195


196


197


198


199


200


201


1:1

202


6

Particules immenses

203


Une parcelle qui mène au delta

A 3 kilomètres à l’Est de Plan de Campagne, il faut se décaler légèrement de la D368 pour entendre couler le mince filet du Raumartin. Il est bordé par de grands arbres sombres. D’un côté, une grande prairie humide laisse passer les rayons du soleil, on croirait presque qu’elle file jusqu’à l’Etang de Berre. Plus loin, ce ruisseau rejoint la Cadière, les eaux regrettablement polluées se mêlent et se livrent ensemble à l’Etang de Bolmon, non loin de l’aéroport de Marignane. Mais, sur l’autre berge du Raumartin, le portail fermé de la résidence du Grand Puits. C’est à cet instant que j’ai réalisé l’enjeu qui se joue à l’échelle de chaque parcelle. Comment convaincre ces habitants d’accepter d’ouvrir le portail au « sentier des coulisses » ? Savent-ils que leurs parcelles pourraient mener au Delta ? Que leurs allées, que leurs jardins doivent désormais lui venir en aide et peuvent continuer de le faire exister.

Alors oui, le projet rêvé pour ce grand territoire se propose d’investir certains délaissés d’un demi-siècle d’urbanisme, d’appuyer parfois sur des points névralgiques majeurs comme celui de Plan de Campagne. Pour autant, il ne saurait se résoudre à considérer le schéma pavillonnaire comme figé, intouchable et à se replier sur les espaces agricoles, boisés, trop souvent considérés comme plus malléables, à même de tout porter.

Commencer à investir les espaces délaissés de demain ?

Future raffinerie abandonnée (Fos-sur-Mer)

Alors, pour le meilleur, cette Latitude 43 ou cet « horizon de dérive », s’immiscera dans de grandes friches commerciales et industrielles, sillonnera des champs. Mais elle bousculera aussi l’ordre établi, elle invitera chacun, à son échelle à faire un acte territorial, à se penser comme une particule de ce Grand Delta.

Future friche de l’antenne de l’usine Altéo ( Fos-sur-Mer )

Future friche de la Zone Industrielle de la Palun (abords de l’Etang de Bolmon)

204


Canal d’irrigation Durance-Marseille

D6

+ LES PENNES MIRABEAU Résidence Grand Puits

+

Le Raumartin

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Une fiction pour demain

Le temps de ce Projet de Fin d’Etudes a permis d’interroger les mécanismes de ce vaste territoire, d’approcher les enjeux qui résident dans les recoins de nombreuses proximités, de certaines contradictions. Il a encouragé à puiser l’inspiration du projet dans les puissants imaginaires qui émanent de cet ensemble de lieux. A partir d’eux, il a été question d’imaginer comment la finitude environnementale et la crainte de voir disparaître ce qui nous entoure, témoignent d’une époque charnière et peuvent aussi constituer une incroyable opportunité pour regarder à nouveau, pour imaginer les nouvelles aspirations de tels paysages. Aborder un territoire par le prisme du paysage c’est prêter attention à une diversité de formes, de matières et de mouvements comme faisant parties d’un même ensemble. C’est alors penser territoire dans la continuité de temps et d’espaces que cette discipline permet. Le paysage invite à interroger les limites administratives, les outrepasser pour s’adapter aux nouvelles dynamiques à l’œuvre qui bousculent la géographie et le cycle des éléments. Le paysage impose de raisonner non plus seulement dans un échéancier politique, mais bien dans le temps long du vivant. Il permet de mêler et de démêler.

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L’étude de ce grand territoire a permis de révéler à quel point son avenir dépend d’ailleurs lointains. Elle propose également un pas de côté qui vise à montrer que la disparition du delta est extrêmement liée à ses ailleurs, mais qu’en tant que système le Grand Delta du Rhône ne veut pas voir qu’il est en train d’alimenter son auto-destruction. Par ce que le corps reste pour l’être humain la mesure phénoménologique de toutes choses, de toutes sensations, la source de notre perception et de notre prise d’informations sur le monde, ce temps de PFE a également permis d’éprouver ce territoire : de l’arpenter, de l’écouter, d’en prendre la mesure en traversant les échelles et en faisant corps avec les grands documents qu’elles sous-tendent parfois. Au cours de ce travail, il a été question de laisser une place importante à la recherche et à l’élaboration du récit qui amène à la fiction, au projet. La matérialité du projet quant à elle connaîtra de multiples ajustements, dépendra de chaque arbre, de chaque parcelle et de la volonté de chacun. Dans ce cadre, il paraissait alors plus intéressant de s’attacher à transmettre des intentions principales, des pistes de nouvelles spatialités.

Puisse le récit capable d’ouvrir le champ des possibles, d’encourager à se repenser dès aujourd’hui autour de cet horizon commun, de suivre à long terme le cap d’un monde plus fécond. Il serait maintenant intéressant de présenter cette intention de projet à différents élus et habitants de ce territoire, de leur raconter comment le petit sédiment en moins a englouti le delta et comment le Grand Delta a trouvé une nouvelle force dans l’immensément petit.


2050 Canal Durance-Marseille, au bord de la D6 207


©Didier Plowy, 2021

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Soutenance Projet de Fin d’Etudes soutenu le 8 septembre 2021 à l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles Jury composé de : Patrick Moquay , président du jury. Politologue de formation, ancien élu municipal, specialisé dans la gouvernance des territoires. Directeur délégué à la recherche, directeur du Larep, professeur en sciences humaines et sociales et responsable du Département Sciences humaines et sociales.

Bertrand Lamarche. Artiste, intérêt particulier pour la modélisation, la météorologie et les projets fictionnels. Enseignant à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Malaquais.

Bruno Tanant. Paysagiste, artiste, co-fondateur de l’agence TN+. Directeur du département Projet de l’ENSP Versailles, encadrant PFE de la Classe Disparition.

Esther Salmona. Auteure, artiste et paysagiste, particulièrement attachée aux liens entre l’espace autour, l’espace mental et l’espace de l’écriture. Enseignante vacataire à l’ENSP Versaille, co-encadrante PFE de la Classe Disparition.

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©Didier Plowy, 2021

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©Didier Plowy, 2021

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