Paperworks

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En réunissant, le temps d’une exposition, près de trente artistes hétéroclites autour du thème de l’art graphique — depuis les plus grands de ce siècle jusqu’à la génération la plus jeune — la galerie Laurent Strouk donne à voir la formidable créativité de cette expression si particulière. Il n’y a là rien d’étonnant, si l’on songe au regain d’intérêt que suscite ce medium, et que l’on peut aisément mesurer au regard de l’enrichissement des fonds muséaux, tout comme ceux des collections privées, ou bien de l’engouement sans précédent des différents publics. Plus encore, il semblerait que cette dernière décennie ait connu un véritable « essor graphique » et l’extrême diversité des dessins, des techniques et des formats, tout comme la variété des représentations, que catalyse un seul et même support : le papier, donne littéralement le vertige.

« ENTRE INVENTION ET TRANSGRESSION, LA CRÉATION SE DONNE « À VIF » SUR LE PAPIER, AU PLUS PRÈS DE LA GENÈSE DES FORMES.»

S’il a pu incarner, tout au long du vingtième siècle, une certaine idée de la modernité, voire cristalliser les avant-gardes, le papier perpétue sa fonction de laboratoire. Il demeure l’objet de recherches fructueuses et de remise en cause de la donne de la vision. L’invention en 1912 du papier collé Feuille de musique et guitare de Picasso marque le point de départ de cette révolution du regard et entraîne dans son sillage différents procédés qui concernent le travail avec et sur le papier — tels le collage, le frottage, l’empreinte, la gouache découpée… — permettant aux artistes de bouleverser de manière radicale les pratiques plastiques et picturales de ce siècle. En somme, de se réinventer. Aujourd’hui encore, l’œuvre sur papier témoigne d’une période fertile de la création. Elle peut, à loisir, constituer l’étape initiale de la naissance d’une peinture, ou d’une sculpture, ou bien définir une démarche autonome, qu’il s’agisse de simples esquisses ou de compositions plus élaborées. À l’heure de l’éclatement, de la multiplicité des disciplines et de l’évolution technologique, nous pouvons donc conclure que le support papier, dont on embrasse au demeurant la large gamme et la souplesse d’utilisation, reste pour les créateurs un terrain d’expression privilégié. L’exposition « Paper works » entend mettre en lumière la place spécifique du travail sur papier au sein des démarches contemporaines. Le parcours, riche et diversifié, de Valerio Adami à Tom Wesselmann, reflète non seulement les divers mouvements de l’histoire de l’art du vingtième siècle, mais rend également compte de la spécificité de l’approche graphique de chaque artiste. Composé d’une centaine de pièces réalisées entre 1957 et 2016, il permet d’appréhender l’essentiel de cet « acte graphique », d’en explorer les diverses voies et d’en évaluer les perspectives. Les artistes eux-mêmes leur accordent une grande importance, au point, comme le rappelle cette sélection, de travailler toutes les techniques : techniques mixtes, pastel, aquarelle, fusain, encre, collage, découpage… Cette nécessité d’expérimenter est tangible. Elle dresse les contours de leurs propres langages, permet d’esquisser la frontière parfois poreuse entre abstraction et figuration, de recourir à la stylisation, ou bien à la synthèse des formes, tout en croisant différentes approches. Entre invention et transgression, la création se donne « à vif » sur le papier, au plus près de la genèse des formes. Alexandra Marini


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VALERIO ADAMI Valerio Adami (né en 1935 à Bologne), rattaché au mouvement de la Figuration Narrative, se définit avant tout comme un dessinateur. Cette pratique, dont il fait l’apprentissage à l’Accademia di Belle Arti di Brera à Milan, de 1951 à 1954, à travers les grands modèles de l’art antique et néoclassique, est au cœur de son travail. Il en constitue la genèse. En 1966, Adami établit définitivement son système formel : une ligne épaisse cerne les objets et personnages, traités en aplats de couleur pure et sans ombres. Mais les peintures sont systématiquement précédées de dessins d’études particulièrement précis. Le dessin est à l’origine de tout, selon ses mots, il définit la lumière, le rapport entre le vide et l’espace, le visible et l’invisible. En 1995, l’artiste crée une fondation européenne, « l’Institut du dessin — Fondation Adami » au bord du Lac Majeur ; où il avait l’habitude de se rendre et de collaborer avec son ami cher, le philosophe Jacques Derrida.

VOLTAIRE « BALLATA » « IL CONVITO » I crayon sur papier I 48 x 36 cm I 27.6.1988


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COPPIA NELLO SCHERMO I PSICO DRAMMA I crayon sur papier I 48 x 36 cm I 21.9.1970

SANS TITRE I crayon sur papier I 48 x 36 cm I 15.3.1972


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1919 - 1938 I crayon sur papier I 48 x 36 cm I 2.1.1990

LA TERRE NATALE I crayon sur papier I 36 x 48 cm I 25.7.1994 LA MONTÉE À L’ACROPOLE I crayon sur papier I 36 x 48 cm I 3.2.1995


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LE STANZE A CANNOCCHIALE I crayon sur papier I 49 x 69 cm I 14.7.1965 DER FLIEGENDE HOLLÄNDER III I crayon sur papier I 48 x 72 cm I 10.8.2002

PAESAGGIO DI TURCHIA (RICORDO) I crayon sur papier I 48 x 36 cm I 25.7.2000 DAVANTI ALLE BETULLE (FANTASIA) I crayon sur papier I 48 x 36 cm I 10.5.2005


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PAT ANDREA Pat Andrea (né en 1942 à La Haye) est sans conteste l’un des plus grands dessinateurs actuels. Inventeur d’un style emprunt de fantasmagorie et jalonné d’êtres hybrides, sexués et difformes, il se distingue lors de sa participation au Salon de la Nouvelle Subjectivité, à Paris, en 1976. Cette notion, théorisée par Jean Clair, désigne plus précisément le retour des artistes à l’observation du réel conjugué à l’attachement aux régulations précises d’un métier. Inspiré par l’œuvre de Balthus, celle de Francis Bacon ou de Stanley Spencer, il décline un langage résolument à part, riche de réminiscences, et dans lequel les figures féminines occupent une place singulière. Cet univers onirique a conduit l’artiste à illustrer Les Aventures d’Alice au pays des merveilles et De l’autre côté du miroir, de Lewis Carroll, en 2006.

SNIPER 2 I technique mixte sur papier I 55 x 65 cm I 2016


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COÏNCIDENCES OU KAMIKAZE-SURPRISE I technique mixte sur papier I 73 x 95 cm I 2009 - 2016

SNIPER 1 I technique mixte sur papier I 55 x 65 cm I 2015


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ARMAN Membre des Nouveaux Réalistes, Arman (1928-2005) s’est intéressé au statut de l’objet et au rapport que les sociétés modernes entretiennent avec celui-ci, entre sacralisation et surconsommation-destruction. À la suite de la découverte des œuvres de Kurt Schwitters et de Jackson Pollock, il réalise ses premiers cachets, en 1956, à l’aide de tampons encreurs de bureau, qu’il expose à la galerie du Haut-Pavé. Cette expérience inaugurale a placé le jeune homme sur le seuil de son œuvre. Les empruntes laissées par l’objet, à l’instar des chevalets de violons, sa répétition systématique, l’allure qui en résulte, signalent une prise de conscience irrévocable du changement radical de la nature de l’espace pictural et des moyens nouveaux liés à cette révolution.

Dessin et tampons sur papier I œuvre originale et unique I 65 x 50 cm I 1980


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EDUARDO ARROYO Né à Madrid en 1937, Eduardo Arroyo a joué un rôle déterminant dans le développement de la Nouvelle Figuration en 1964. Il exerce tout d’abord en tant que dessinateur, et plus précisément caricaturiste, lorsqu’il s’installe à Paris à la fin des années 1950. Si le thème du portrait est présent tout au long de sa carrière, l’artiste rompt avec toute description physique ou analyse psychologique du sujet pour atteindre la schématisation des formes. Il fait appel à toutes les techniques et disciplines pour réaliser ses portraits, souvent réduits à de simples silhouettes, de dos, aux contours nets et aux couleurs neutres. Néanmoins, il s’agit de personnalités choisies (figures historiques, artistes, écrivains…) L’œuvre ci-contre, consacrée à Faust, nous permet d’évoquer une autre facette d’Arroyo, celle de scénographe, qu’il poursuit depuis 1969, notamment aux côtés du metteur en scène d’origine allemande Klaus Michael Grüber.

FAUST I technique mixte sur papier I 77 x 57 cm I 1975


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JEAN-MICHEL BASQUIAT Né en 1960 à Brooklyn et mort d'une overdose à New York en 1988, à l'âge de 27 ans, Jean-Michel Basquiat crée un style en rupture, subversif, qui fera de lui l’un des artistes majeurs de la seconde moitié du 20e siècle. S’étant toujours défini comme un peintre influencé par l’environnement urbain quotidien, il s’ancre dans la culture underground, pétrie de liberté et de vitalité. À la fin des années 1970, il monte un groupe, baptisé Gray, mêlant les influences du jazz et la frénésie punk de l’époque. La peinture de Basquiat ne cesse d’être traversée par des hommages appuyés aux grands musiciens de jazz afro-américains : Miles Davis, Dizzy Gillespie, Louis Armstrong… Mais c’est sans doute la figure de Charlie « Bird » Parker qui est la plus célébrée par le peintre. Il le considérait comme participant de sa « royauté personnelle » et la couronne, emblématique de son travail, lui est dédiée. Nous retrouvons ici le titre de l’une de ses compositions majeures Billie’s Bounce, de 1945, en référence à la célèbre chanteuse Billie Holiday. Et So What, de Miles Davis, paru pour la première fois en 1959, sur l’album Kind of Blue, devenu un standard du jazz.

SANS TITRE (BILLIE’S BOUNCE) I encre et pastel à l’huile sur papier I 80 x 59,7 cm I 1983


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BEN Si, au départ, Ben (né en 1935 à Naples) expérimente toutes sortes de tentatives picturales à la « recherche des formes », accordant à la banane un statut privilégié, les premiers mots d’une écriture blanche et bouclée sur fond noir apparaissent dès la fin des années 1950 et s’affirment dès lors comme le signe distinctif de son travail. À coups d’aphorismes et de signatures, Ben s’autorise tous les possibles selon son adage préféré que « tout est art ». Il dépose son nom sur de nombreux produits dérivés, inondant le monde quotidien de son empreinte et poursuivant, par là même, son entreprise égotique sans limites.

L’ HOMME POISSON I acrylique et mine de plomb sur papier I 56 x 76 cm I 1979


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LE BONHEUR C’EST CE QUI ME MANQUE I acrylique sur papier I 50 x 65 cm I 2014

L’ART N’EN FINIT PAS DE MOURIR I acrylique sur papier I 30 x 40 cm I 2014


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BRUSK Avec un style immédiatement identifiable, basé sur le « dripping style », Brusk (né en 1976) s’est imposé d’emblée sur la scène du Street Art. Mais bien avant d’explorer la rue, l’artiste s’est adonné à une pratique intensive du dessin. « Travailler sur le papier reste une alternative noble, nécessaire et primordiale pour l’exploration et les recherches graphiques » précise-t-il. Ainsi, dans la série kamasutra : « L’aquarelle apporte une légèreté et une douceur au « dripping style », se retrouvant dans la relation entre deux êtres. Les couleurs se mélangent, se superposent, s’entremêlent, prennent leur propre cheminement pour finalement s’unir. » L’artiste, qui a l’habitude de traiter de l’actualité au travers du prisme poétique ajoute : « Quant à mon travail sur les réfugiés, il reflète l’horreur de l’histoire de ces masses d’êtres humains fuyant le noir à la recherche de la couleur... »

LIFE BOAT I feutre encre à pigments I 65 x 50 cm I 2016


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AIR REFUGIÉES I feutre encre à pigments I 50 x 65 cm I 2016

HEROÏC GAMES I feutre encre à pigments I 50 x 65 cm I 2016


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KAMASUTRA IV I aquarelle et feutres encres à pigments I 148 x 98 cm I 2016

KAMASUTRA V I aquarelle et feutres encres à pigments I 97 x 75 cm I 2016 KAMASUTRA III I aquarelle et feutres encres à pigments I 75 x 97 cm I 2016


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CÉSAR Le sculpteur français César (1921-1998), membre des Nouveaux Réalistes, axe dès 1960 son travail sur la technique de la « compression dirigée », qui devint sa marque de fabrique. Celle-ci consiste à compresser des objets divers à l’aide d’une presse hydraulique, opérant la synthèse entre le style et la matière. C’est en voyant une reproduction du Prophète du sculpteur espagnol Pablo Gargallo qu’il a l’idée de travailler la ferraille, un matériau très économique qu’il se réapproprie. Avec les cartons compressés de 1975, César retrouve d’emblée l’image et la structure homogène des compressions métalliques. Sous la presse le carton encollé atteint tout naturellement l’effet de densité du métal. Spectaculaire et inattendu.

COMPRESSION CARTONS I pièce unique I 49 x 28 x 28 cm I 1975


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ROBERT COMBAS La pulsion créatrice de Robert Combas (né en 1957) demeure intacte. Le succès de ses récentes rétrospectives — telles que celles organisées au MAC de Lyon, et au Grimaldi Forum de Monaco — en atteste. « Depuis 25 ans je tourne autour de l'aquarelle » proclame l’artiste. Cette adhésion à l’aquarelle est née de ses recherches chromatiques, le peintre étant alors en quête d’une autre palette. Il a dès lors amorcé son travail à l'aquarelle sur du papier pur chiffon du Népal pour calligraphie. Ce matériau agit sur lui telle une « mémoire inconsciente », qui le pousse à transformer sa technique. Egalement, l’usage du grand format lui permet d’aborder l’œuvre — et les problématiques inhérentes — à bras-lecorps. Ces aquarelles sur papier de 2016 permettent tout particulièrement d’apprécier la synthèse que le peintre opère entre la diversité des techniques, des supports, des formats, et la constance de son langage, reconnaissable entre tous, axé sur un dessin proliférant, tracé en noir au pinceau qui se superpose aux couleurs intenses. Cette liberté formelle, qui l’anime depuis toujours, situe sa démarche dans une constante expérimentation.


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Aquarelle sur papier pur chiffon I 197 x 100 cm I 2016


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Aquarelle sur papier pur chiffon I 109 cm de diamètre I 2016


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Aquarelle sur papier pur chiffon I 109 cm de diamètre I 2016


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Aquarelle sur papier pur chiffon I 109 cm de diamètre I 2016


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NICOLAS ELHYANI À lui seul, Nicolas Elhyani (né en 1973) renouvelle ce que l’on serait tenté d’appeler « la tragédie de la dérision ». Isolés sur fond coloré, ses personnages féminins, sortes de pin-up, clinquantes, s’épanouissent dans une gamme chromatique pop et sur-vitaminée. Pourtant, à y regarder de plus près, l’atmosphère devient inquiétante, à l’instar de ces éléments parasites, proches des yeux et de bouche, qui pourraient devenir menaçants. Ces contrepoints visuels à l’imagerie sucrée tissent en filigrane une réflexion sur les postulats de standardisation et de consommation. Ces icônes « bousculées », entre gravité et humour, s’amplifient au travers d’un langage plastique en constante évolution : « Le support papier me permet d’expérimenter plusieurs techniques sur une même surface, de transgresser des étapes établies, de travailler plus librement », dixit l’artiste.

Technique mixte sur papier I 40 x 33 cm I 2007


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Technique mixte sur papier I 40 x 33 cm I 2007


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Technique mixte sur papier – 40 x 33 cm - 2007


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ERRÓ Né en Islande en 1932, Erró vit et travaille à Paris depuis 1958. Anticipant le devenir-réseau du monde des images, au travers de flux ininterrompus de clichés universels, le peintre aura traité de tous les sujets, de la politique à l’histoire de l’art et à la bande dessinée, en passant par le sexe et la société de consommation. Cette boulimie d’images, mêlant espaces et temporalités au sein de compositions saturées, tel un montage d’antagonismes, parvient à créer un fort impact visuel. Nous sommes tentés d’emprunter la formule de Gauguin, évoquant l’« œil insatiable et en rut » des artistes, afin de rendre compte de l’extrême curiosité visuelle du peintre sans conception du high et du low, ni conditionnement de l’approche visuelle. Les œuvres ici réunies, des dessins érotiques de la fin des années 1950 à l’aquarelle sur papier intitulé Wounded Knee, 1890, en référence au massacre de centaines d’Amérindiens par l’armée des États-Unis, témoignent de cette profusion.

NORA I aquarelle sur papier I 76,7 x 57 cm I 2009


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2 WAY TIME I aquarelle sur papier I 77 x 57,5 cm I 2013

WOUNDED KNEE I aquarelle sur papier I 70 x 50 cm I 2011


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SANS TITRE I encre et gouache sur papier I 49 x 31,5 cm I 1959

SANS TITRE I encre, gouache et pastel sur papier I 50 x 32 cm I 1958


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KEITH HARING La carrière de Keith Haring (1958-1990) fut fulgurante, tant aux États-Unis qu’en Europe. Associé aux figures de proue du Street Art et de la culture alternative du New York des années 1980, il sut imposer un style emblématique, vif, immédiat, en un temps tristement record. Sa capacité à s’imprégner de l’art ancien et de celui de ses contemporains tout à la fois est étonnante : Picasso, Cobra, Warhol, Alechinsky et vraisemblablement Combas, avec lequel il expose au Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1984. Sur ses dessins papiers, l’essence de l’œuvre se manifeste pleinement : la ligne noire, nette, d’un tracé fluide ininterrompu, souligne des formes extrêmement graphiques. Les motifs récurrents de son œuvre font leur apparition, tels que le chien au museau carré, la soucoupe volante, le serpent, ou les sujets auréolés de rayon rappelant l’emblématique « Radiant Baby ».

SANS TITRE I marqueur sur papier I 22,5 x 22,5 cm I 29.8.1982


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DOLLAR MAN I encre et acrylique sur papier I 110 x 75 cm I 16.6.1984


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DAMIEN HIRST S’il a dominé la scène de l’art britannique dès le début des années 1990 en tant que membre du groupe des Young British Artists, Damien Hirst (né en 1965 à Bristol) accède à la consécration internationale par l’obtention du prestigieux Turner Prize, en 1995. Depuis, il ne cesse de défrayer la chronique, entre provocations et démesure. La série des Spin Skull Paintings condense deux points forts de son art : la thématique de la vanité et la pratique de la « spin painting ». Celle-ci consiste à verser de la peinture sur un support en rotation afin que la force centrifuge répartisse les couleurs sur ce support. Bien que cette pratique soit apparue dans les années 1960, dans le sillage de l’Action Painting, Damien Hirst déclare avoir découvert ce procédé lors d’un programme télévisé pour enfant.

SPIN SKULL PAINTING I acrylique sur carton I 100 x 100 cm I 2013


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SPIN SKULL PAINTING I acrylique sur carton I 100 x 100 cm I 2013


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PETER KLASEN Les récents Lost Landscape de Peter Klasen (né en 1935 à Lübeck, en Allemagne) opèrent une synthèse, et une montée en puissance, de son œuvre picturale. Membre fondateur de la Figuration Narrative, l’artiste ne cesse de se renouveler depuis les années 1960. Nous retrouvons dans ces compositions, à foisons, les fragments de visages et de corps féminins associés à celle d’objets utilitaires, l’imaginaire du sexe, et des films noirs américains. Par les processus de collages, de juxtapositions ou de télescopages, la figure demeure aux prises avec une multiplicité d’éléments issus du monde urbain et mécanique. Ce nouvel usage de la réserve, plus présente, lui permet de donner corps à son « impulsion graphique » et de reconsidérer au travers de nouvelles séquences, les questions de rythme, de mise en page et de narration.

LOST LANDSCAPE N89 GO! I technique mixte sur papier I 49 x 69 cm I 2013


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LOST LANDSCAPE INHALATION HAZARD I technique mixte sur papier I 67 x 87 cm I 2013 LOST LANDSCAPE BOUCHE CODE 5000 I technique mixte sur papier I 67 x 87 cm I 2013

LOST LANDSCAPE LOVERS IN BLACK I technique mixte sur papier I 67 x 87 cm I 2013 LOST LANDSCAPE N°93 HEARING PROTECTION I technique mixte sur papier I 49 x 69 cm I 2013


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YVES KLEIN À partir de 1955 et jusqu’à son décès en 1962, Yves Klein (né en 1928 à Nice) a réalisé quelque 194 monochromes d’une variété de supports, de formats, de textures, mais tous, dès 1957, restreints à la couleur bleue. Ce fameux bleu IKB International Blue Klein, pour lequel l’artiste dépose un brevet d’intention, résulte d’un long processus de maturation intellectuelle et spirituelle au terme duquel la « sensibilité picturale pure » s’impose. Le monochrome bleu d’IKB 3 de 1959, dont il est ici question, a pour spécificité d’atteindre, par son degré de pulvérulence pigmentaire, à des phosphorescences violacées qui lui procurent une profondeur mystérieuse. IKB 3 donnera lieu à une série, peinte entre 1960 et 1961, de quinze monochromes conçus à la mesure du corps humain.

MONOCHROME BLEU SANS TITRE (IKB 309) I pigment pur et résine synthétique sur cartoline I 21,4 x 18 cm I 1959


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IVAN MESSAC L’œuvre d’Ivan Messac (né en 1948) est riche d’investigations les plus diverses. Il participe de près à l’aventure de la Figuration Narrative en France et prend part, notamment, à l’exposition « Mythologies quotidiennes 2 » sous le commissariat de Gérard Gassiot-Talabot, au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, en 1977. Peu à peu, ses réflexions sur la couleur et ses questionnements relatifs à la représentation vont le conduire à la sculpture, qu’il pratique tout d’abord sur carton peint, et qui lui vaut d’être qualifié par Pierre Tilman de « découpeur de couleurs ». Mais l’artiste, qui a toujours souhaité donner la parole aux images, se tourne à nouveau vers le medium pictural : il pose aujourd’hui, en d’autres termes, le problème de la couleur et de l’espace, celui du fond et de la forme, afin de sonder une nouvelle approche de la réalité.

LA ROUGE COLOMBE I technique mixte sur papier I 76 x 76 cm I 2016


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QUE VONT DIRE MES PARENTS I technique mixte sur papier I 71 x 91 cm I 2016

VOUS ALLEZ VOIR DE QUEL BOIS JE ME CHAUFFE I technique mixte sur papier I 87 x 108 cm I 2016


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PHILIPPE PASQUA Les figures de Philippe Pasqua (né en 1965), corps nus et visages monumentaux, confrontent le goût du gigantesque et la fascination pour la vulnérabilité humaine. Ses sujets marginaux - principalement les handicapés, prostituées, travestis, ou encore des personnes sortant du bloc opératoire -, sont emplis des stigmates de l’existence. L’artiste s’immisce dans l’intimité de ces êtres, en explore la chair, les corps et les visages, dans d’innombrables variations et au travers de plans d’essence cinématographique (cadrages serrés, points de vue en contre-plongée…). « Des images de la chair, belles comme la vie », titrait Pierre Restany, dans une préface consacrée à l’artiste en 1999, rendant hommage à la richesse expressive de ces corps, ainsi qu’à leur dimension sensuelle et érotique. Dans la série des palimpsestes, œuvres sur papier mêlant techniques sérigraphiques, impressions et peinture, il revient sur ses propres travaux en les maculant de couleurs ou en les redessinant. En contrepoint à ce travail charnel, s’inscrit son œuvre non moins remarquable sur les vanités, à l’instar de ce dessin original, au crayon.

VANITÉ I crayon sur papier I 139 x 116 cm I 2012


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LILA I technique mixte sur papier I 100 x 70 cm I 2010

PHILIPPINE I technique mixte sur papier I 220 x 150 I 2011


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PAVLOS Artiste grec, né dans le sud du Péloponnèse en 1930, Pavlos s’installe à Paris au milieu des années 1950. Après un bref passage à l’Académie de la Grande Chaumière, sa rencontre avec Pierre Restany et la fréquentation des membres du Nouveau Réalisme le précipitent dans une phase d’expérimentations. Son travail s’oriente dès lors vers le papier comme matière constitutive de son œuvre, imprimé et traité en assemblage tridimensionnel. c’est par la pratique de gestes récurrents, soumis aux techniques de la coupe et du découpage sans tracé que ces « images-simulacres », à la vibration si particulière, le hissent au sommet de la scène internationale. Ses choix iconographiques s’orientent vers les objets de consommation courante, et, telle une mise en abyme, Pavlos consacre une série en hommage aux maîtres du Pop Art Américain, dont est issu ce Dollar d’Andy Warhol, ainsi qu’aux super-héros.

HOMMAGE À WARHOL, DOLLAR I papier d’affiche et plexiglass I 100 x 80 x 7 cm I 2012


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SUPERMAN 1 I papier d’affiche et plexiglass I 155 x 165 x 7 cm I 2012


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BERNARD RANCILLAC Ces œuvres de jeunesse, huile sur papier de la fin des années 1950, et études au feutre de sa fille Nathalie ; au-delà de la profonde impression d’intimité qu’elles dégagent, permettent de revenir sur cette période charnière de la vie et l’œuvre de Bernard Rancillac (né en 1931) qui s’imposera, nous le savons, comme protagoniste de la Figuration Narrative au début des années 1960. Après un passage à l’atelier de Met de Penninghen qui prépare au professorat de dessin, le jeune homme étudie la gravure à L’Atelier 17 du peintre britannique William Hayter. Il se laisse alors naturellement tenter par l’Art Informel mais, très vite, se tourne vers le Pop Art américain et notamment vers l’œuvre du sulfureux Peter Saul. En 1961, Rancillac obtient le prix de peinture à la Biennale de Paris. Dès lors, il transpose la réalité de son quotidien et de l’actualité à travers une figuration intense, aux couleurs saturées et au graphisme efficace, habitée de revendications politiques et sociales.

NAT 1 I feutre sur papier I 63 x 47,5 cm I 1964 NAT 2 I feutre sur papier I 63 x 47,5 cm I 1964


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ANNIE COUCHÉE I huile sur papier I 49 x 64 cm I 1957


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JEAN PIERRE RAYNAUD Les panneaux de protection de zones à risque et de signalisation de dangers nouveaux ont inspiré à Jean-Pierre Raynaud (né en 1939), au tout début des années 1990, la série intitulée Hommage à Matisse. Les œuvres se présentent sous la forme de sigles colorés, porteurs d’une symbolique d’interdiction radicale, que l’artiste aligne selon un quadrillage relativement espacé, à la gamme chromatique restreinte : rouge, vert, jaune, bleu, blanc et noir. Nous retrouvons l’intérêt que porte l’artiste aux objets du quotidien érigés en archétypes, et constitutifs d’un « alphabet du danger » (Jean-Hubert Martin) qui formalise le conflit avec le monde extérieur.

HOMMAGE À MATISSE (ARCHIVE 6223) I sérigraphie sur papier I 116 x 72 cm I 1991


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HOMMAGE À MATISSE (ARCHIVE 6236) I Sérigraphie sur papier I 116 x 72 cm I 1991

HOMMAGE À MATISSE (ARCHIVE 6248) I Sérigraphie sur papier) I 116 x 72 cm) I 1991


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GEORGIA RUSSELL « Le découpage est une forme de liberté d’expression. Pour moi, cela revient à du dessin, sauf que je dessine avec un scalpel. » Les œuvres de Georgia Russell (née en 1974, à Elgin, en Écosse), tout à la fois sculpturales et aériennes, portent à son paroxysme l’usage du papier en art. Le fort intérêt que témoigne l’artiste à la matière organique concerne les objets déjà existants : livres, partitions musicales, journaux et, plus récemment, photographies. Le travail en creux, la superposition, la répétition du geste, — telle une dilatation du temps — sont intimement liés à la dimension mémorielle. Certains de ses travaux figurent dans de prestigieuses collections parmi lesquelles le Victoria & Albert Museum, à Londres, et le Centre Pompidou, à Paris.

LE MONDE I journal découpé I 53 x 69 cm I 2010


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GÉRARD SCHLOSSER « Schlosser est une caméra-œil, la caméra-œil d’un peintre-cinéaste » écrivait Alain Jouffroy. Né en 1931, formé à l’École des arts appliqués de Paris et associé à la Figuration Narrative, le peintre s’attache à l’intimité de la femme, aux détails de corps sur fond de paysage et à la banalité du quotidien. Nous retrouvons sur ces œuvres sur papier l’essence de son langage plastique au travers de fragments de corps colorés en aplats et cernés de noir. Les études réalisées en noir et blanc, à la mine de plomb, accentuent quant à elles le côté « cinématographique » de ces compositions, qui visent l’ « essentiel ». L’usage du gros plan, la pratique de l’assemblage, du montage, le jeu sur les raccords et autres subterfuges liés à la mise en scène confèrent à ces œuvres, paradoxalement, un effet d’authenticité.

ÉTUDE I feutre et crayon de couleur sur papier I 21,5 x 16,5 cm cm I 1967


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ÉTUDE I feutre et crayon de couleur sur papier I 13,5 x 18 cm I 1967 ÉTUDE I feutre et crayon de couleur sur papier I 16 x 13 cm I 1967

ÉTUDE I feutre et crayon de couleur sur papier I 21,5 x 16,5 cm I 1969


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ÉTUDE I feutre et crayon de couleur sur papier I 13 x 13 cm I 1967 ÉTUDE I feutre, crayon de couleur et collage sur papier I 19 x 16 cm I 1970

ÉTUDE I feutre et crayon de couleur sur papier I 12 x 9,5 cm I 1969


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ÉTUDE I mine de plomb sur papier I 18 x 23,5 cm I 1971 ÉTUDE I mine de plomb sur papier I 13 x 16 cm I 1971

ÉTUDE I mine de plomb sur papier I 22,5 x 17,5 cm I 1971


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ANTONIO SEGUÍ Fondée sur le dessin, et emprunte de l’univers de la bande dessinée, l’œuvre d’Antonio Seguí (né en 1934 à Córdoba, en Argentine) est d’une précision extrême. Ses personnages, pris dans le tourbillon de scènes multiples et jouant de folklore, s’agencent sur différents plans, qui se juxtaposent et nous plongent, de façon jubilatoire, au cœur de compositions dissonantes. L’artiste multiplie les « faux-raccords » comme pour mieux souligner le caractère absurde et inextricable de nos sociétés modernes, et en dénoncer l’exercice du pouvoir. Les dessins reproduits ci-contre, de grand format, donnent le ton : à l’instar du papier journal collé et recouvert par le dessin, la liberté d’expression est entravée, bafouée. Tout n’est que simulacres et faux-semblants.

EL HOMBRE DE LA CORBATA ROJA I technique mixte sur papier journal marouflé sur toile I 150 x 150 cm I 2016


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YO NO DIRÌA NADA I technique mixte sur papier journal marouflé sur toile I 150 x 150 cm I 2016


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BERNAR VENET Bernar Venet (né en 1941) fut dans les années 1960 l’un des fondateurs de l’Art Conceptuel aux États-Unis. À tout juste 22 ans, sur proposition de Jacques Villeglé, il participe au « Salon Comparaisons » au Musée d’art moderne de la Ville de Paris (1964), exposant ses reliefs en carton abstrait dans la salle du Nouveau Réalisme et du Pop Art américain. Dans les années 1970, l’artiste amorce ses recherches sur des lignes soumises à des formules mathématiques. Puis, progressivement, la ligne va se libérer. C’est la fameuse série des lignes indéterminées dont le mouvement spontané se substitue à la rigueur géométrique. L’objectif visant l’émancipation des contraintes de la composition, et de toute conception d’un ordre « idéal ».

EFFONDREMENT LIGNES INDÉTERMINÉES I mine de plomb sur papier I 48 x 67 cm I 2013


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JULIE VERHOEVEN La pratique artistique de la britannique Julie Verhoeven (née en 1969) se situe aux confins de l’art plastique, de l’illustration, de la mode et du design. Si elle a gagné ses galons auprès de grands couturiers, au premier rang desquels John Galliano qu’elle assiste à ses débuts, le dessin a toujours constitué la pierre angulaire de son travail. Julie Verhoeven s’est très vite distinguée par la singularité de son langage. L’éclectisme de ses formes, mêlant culture pop et références à l’histoire de l’art, lui permet de retranscrire, avec maîtrise, un univers personnel, poétique, fantastique, qui suscite la curiosité et l’enthousiasme à l’échelle internationale.

Technique mixte sur papier I 39 x 29 cm I 2003


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Encre de chine sur papier I 30 x 42 cm I 2001

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Feutre et mine de plomb sur papier I 38 x 29 cm I 2001

Technique mixte sur papier I 39 x 29 cm I 2003


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ANDRÉ VILLERS Né en 1930, André Villers est un artiste atypique, qui a su mêler l’art graphique et le découpage coloré à la photographie. En 1953, sa rencontre avec Picasso opère un tournant décisif dans sa vie comme dans son œuvre. Le jeune homme réalise de nombreux clichés de Picasso, qui lui offre son premier Rolleiflex, et s’engage dans une collaboration avec lui. L’artiste débute une activité plastique basée sur le mélange des genres et des techniques. En 1970, il expérimente un nouveau type de négatifs qu’il crée lui-même à partir de morceaux de papiers calques. La série sera baptisée Pliages d’Ombres par Michel Butor. Les dessins des années 1990, plus aboutis, introduisent sur et dans la photographie des objets, fragments de tableaux, personnages empruntés à l’histoire de la peinture, qu’il détourne, non sans humour.

Découpage et Collage I 54 x 29 cm I 17.2.1996


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Découpage I 55 x 35 cm I 25.8.1994

Découpage I 56 x 35 cm I 19.5.1995

Découpage et feutre I 59 x 34 cm I 8.1.1997

Crayon, feutre et collage I 54 x 29 cm I 17.11.1996


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ANDY WARHOL La place du dessin dans l’œuvre de l’incontournable Andy Warhol (1928-1987) semble en premier lieu contrarier l’image du maître du Pop Art américain qui ambitionnait de « travailler comme une machine » et de « limiter le rôle de la main ». Or, à l’exception d’une interruption, entre 1963 et 1972, où il a privilégié la vidéo et le cinéma, Warhol a toujours dessiné. Son retour pictural est marqué par la série des Mao, motivé par une rencontre au sommet entre le dirigeant chinois et le président américain Richard Nixon. Dans ce contexte, introduire le signe du dollar, d’une part, et la faucille et le marteau, de l’autre, était une provocation. Il est aisé de mesurer l’impact qu’ont pu susciter de tels symboles, esquissés ci-contre, au crayon.

STILL-LIFE (HAMMER & SICKLE) I crayon sur papier I 68,3 x 102,9 cm I 1977


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STILL-LIFE (HAMMER & SICKLE) I crayon sur papier I 68,3 x 102,9 cm I 1977


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TOM WESSELMANN Figure majeure du Pop Art américain, Tom Wesselmann (1931-2004) réalise, dans les années 1960 et 1970, la série emblématique des Smokers figurant de grandes bouches féminines ouvertes, fumeuses et sensuelles. On y retrouve les éléments clés de son langage plastique : la recherche d’une facture neutre en rupture avec l’expressionnisme abstrait, la planéité du volume et de la couleur, et la frontalité. La juxtaposition des formes est héritée de son expérience des papiers collés et de l’assemblage. Wesselmann joue de l’iconographie féminine, qu’il associe aux codes de la société de consommation courante. En 1962, sa rencontre avec Léo Castelli et sa participation à des expositions historiques, telle « The New Realists », à la Sidney Janis Gallery de New York, aux côtés de Warhol, Liechtenstein, Oldenburg, Christo et Klein, le propulsent au sommet.

SMOKER I crayon et acrylique sur papier I 32 x 30 cm I 1976


COORDINATION Marie LABORDE TEXTES Alexandra MARINI GRAPHISME Antje WELDE PHOTO Jean-Louis BELLURGET IMPRESSION AGPOGRAF - Barcelone

ISBN : 9782953540505 Imprimé en Europe Achevé d’imprimer septembre 2016 Dépôt légal, septembre 2016 © Galerie Laurent Strouk, Paris

galerie Laurent STROUK 2 avenue Matignon 75008 Paris www.laurentstrouk.com galerie@laurentstrouk.com + 33 1 40 46 89 06


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