Peuple de lumière / The enlighten
Clifford Jean-Félix
Peuple de lumière / The enlighten
Clifford Jean-Félix
Peuple de lumière
Clifford Jean-Félix
ROBERT BERNIER Le corps ! Énigmatique enveloppe qui nous accompagne pendant notre séjour terrestre. Certains y voient un début et une fin, d’autres, un passage, et d’autres encore, une simple carcasse sans finalité, ni réelle espérance sur le plan spirituel. Allez savoir qui voit juste. Et si ce n’était qui que ce soit ? On sait tous une chose, cependant : rien dans le visible n’est éternel. Rien non plus n’est stagnant : tout bouge, pour le mieux et pour le pire. L’époque moderne et son cortège de techniques nous auront peut-être permis de nous faire de nouvelles idées sur le corps et de nourrir des réflexions peu probables chez nos ancêtres. Je pense, entre autres, aux images télévisées qui parfois nous insensibilisent à la souffrance d’autrui ; aux films violents ; aux gens qui souffrent, peu importent leur situation géographique et leurs conditions économiques. Les drames qui frappent la Terre et ses habitants ne laissent pas l’artiste Clifford Jean-Félix indifférent. Sa peinture cherche à témoigner de ces réalités, tout en leur apportant une dimension positive sous la forme d’un message qui nous répète que, malgré l’horreur, tout n’est peut-être pas perdu. Pour lui, la peinture est un moyen de capter l’espérance, l’outil qui lui servira à débusquer le mystère de la vie. Idéaliste ? Vision utopique du monde ? Pas tant que cela si l’on considère que l’univers ne se limite pas à ce que l’on connaît – ou reconnaît. « La lumière est un élément fondamental dans ma peinture, peut-être même celui qui m’a poussé vers cette expression artistique. La lumière dont je parle ici n’est pas celle que l’on perçoit dans le paysage, donc pas forcément celle du soleil. Il s’agit plutôt de la lumière qui résulte de notre énergie, qui émane de notre moi intérieur. Je tente de transmettre cette lumière avec la couleur, par les textures et les aspérités de la matière. Notre corps dans sa matérialité a besoin de lumière, et nous marchons tous vers elle. Je vois la lumière, par exemple, dans les
larmes d’un enfant malade ou dans la douleur. Cette intensité lumineuse nous relie tous les uns aux autres, et individuellement elle nous identifie ; c’est une empreinte cosmique de nous-même, si vous voulez. Personnellement, je crois à une ère nouvelle, l’ère du Verseau dont émanera un peuple de lumière qui vivra en paix, dans l’amour et le bonheur. Ma peinture cherche toujours à traduire ces sentiments lumineux, et je pense que, comme être vivant, nous cherchons tous cette lumière curative. Voilà pourquoi la principale source de ma peinture, son véritable sujet, bien qu’elle traduise la souffrance des hommes et s’en inspire, est plutôt l’espérance. » Cette notion de lumière se traduit dans sa peinture par des personnages filiformes dont les contours et détails sont imprécis et fluides, évoquant la lumière intérieure qui, pour l’artiste, accompagne chacun des êtres vivants. Symboliques, ses personnages sont peints simplement, ce qui n’enlève rien à la densité de leur traitement pictural ni au propos même du peintre. Né en Haïti en 1972, Clifford Jean-Félix est arrivé au Canada vingt ans plus tard. Il a grandi dans un environnement où les arts occupaient une place importante. Il a toujours dessiné et, du plus loin qu’il se souvienne, a toujours été intéressé par la peinture et les peintres. « Quand j’étais enfant et que j’allais à l’école à Port-au-Prince, le vendredi était mon jour préféré, parce que ce jour-là, madame Romain, ma professeure de dessin, venait nous enseigner des techniques de collage et de dessin. À cette époque, j’attendais toujours avec impatience nos visites guidées dans les musées de Port-au-Prince. À l’adolescence, j’ai continué seul à faire régulièrement la tournée des musées. Mon père m’a également beaucoup appris sur les peintres haïtiens. Il en fréquentait plusieurs, et j’ai été amené à les côtoyer. Mon père avait une façon bien à lui de décrire un tableau. Cette éloquence et ce savoir me fascinaient. »
Designer de profession, Clifford Jean-Félix consacre de plus en plus de temps à sa peinture. Vous l’aurez sans doute deviné, ses tableaux traitent du corps. Il interroge sa finalité, son sens, ses joies et ses fardeaux, mais jamais en tombant dans la morbidité. L’esthétique revêt une importance capitale dans sa démarche. « Je m’inspire du quotidien, et aussi de l’actualité. Je cherche à comprendre et à rendre certains événements ou certains faits qui m’ont touché, entre autres les souffrances subies pendant les guerres ou les grandes catastrophes naturelles comme celle qu’a connue Haïti récemment. Catastrophe naturelle mais aussi sociale, dans ce cas précis. Je tente de transmettre cette souffrance dans ma peinture, mais surtout, d’apporter un peu d’espoir devant ces problèmes qui nous semblent rationnellement sans solution. Je sais que beaucoup de gens sont attirés par la dimension intérieure de mes tableaux. J’essaie de transcender le matérialisme, d’aller au-delà du visible pour mettre en relief les subtilités parfois infimes de cette existence malgré tout porteuse d’espérance. En somme, mon travail s’attache à l’émotion. Des émotions que je transmets par la couleur, par exemple un rouge très fort confronté à un jaune de plus faible intensité. Si l’on regarde bien mes tableaux, on comprend rapidement que mon sujet premier est les émotions, essentiellement les émotions vécues par le corps. » L’œuvre de Clifford Jean-Félix s’inscrit donc dans la mouvance de l’expressionnisme, bien que, chez lui, la violence qui caractérise habituellement le traitement du tableau dans ce type d’expression soit beaucoup plus ténue. En somme, son langage forme plutôt un ensemble de plusieurs tendances picturales qui, une fois passées par la «l umière » de l’artiste, s’expriment de manière autonome et unique. Les tableaux transportent ainsi le spectateur tantôt par le propos, tantôt par le traitement de la matière et de l’espace pictural, pour offrir une expérience toujours vivifiante.
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The enlighten
Clifford Jean-Félix
ROBERT BERNIER The body! An enigmatic covering that stays with us during our sojourn on earth. Some see in it a beginning and an end; others, a transition; and still others, a mere shell without purpose or real hope on the spiritual plane. Who is right, if anybody? Who knows? Of this we can be sure, however: nothing in the visible realm is eternal. Nothing is stagnant either; everything moves, changes, for better or for worse. The modern era and its succession of technologies will have perhaps allowed us to come up with new ideas on the body and to entertain improbable reflections on our ancestors. I am thinking, among other things, of televised images which sometimes foster callousness towards the suffering of others; of violent movies; of people who suffer, regardless of their geographic location and economic conditions. These tragedies afflicting Earth and its inhabitants do not leave the artist Clifford Jean-Félix indifferent. His painting seeks to witness these realities, bringing to them a positive dimension, as a message repeating to us that, in spite of the horror, perhaps not everything is lost. For him, painting is a means of seizing hope, the tool he will use to track down the mystery of life. Idealistic? An utopian view of the world? Not really, if we consider that the universe is not limited to what is known – or acknowledged. “Light is a fundamental element in my painting, perhaps even that which has led me towards this artistic expression. The light to which I am referring here is not that seen in a landscape, therefore not necessarily that of the sun. It is the light from our energy, springing up from our inner self. I try to convey that light through colour, through the textures and uneven surfaces of matter. Our body in
its materiality needs light, and we all move towards it. I see light, for example, in pain or in the tears of a sick child. This radiant intensity connects all of us to each other, and identifies us individually; it is the cosmic stamp of ourselves, if you like. Personally, I believe in a new age, the Age of Aquarius, from which a people of light living in peace, love and happiness will emerge. My painting always seeks to express this bright vision, and I think that, as living beings, we are all in search of that healing light. Thus, although my painting expresses human suffering and finds its inspiration therein, its main source, its real subject, is hope.” This notion of light is expressed in his painting by spindly figures with vague, wavy contours and details, evoking the inner light found in every living being, according to the artist. Although the figures, as symbols, are painted simply, the density of their pictorial treatment and the painter’s actual commentary remain intact. Born in Haïti in 1972, Clifford Jean-Félix arrived in Canada 20 years later. The arts occupied an important place in the environment where he grew up. He always drew and, as far back as he can remember, he was always interested in painting and painters. “When I was a child and went to school in Port-au-Prince, Friday was my favourite day because, on that day Mrs. Romain came to teach us collage and drawing techniques. At the time, I always looked forward to our guided tours in the museums of Port-au-Prince. I continued to visit the museums regularly during my teens. My father also taught me a great deal about Haitian painters. He kept company with several of them, and I would mix with them as well. My father had his own particular way of describing a painting. His eloquence and knowledge mezmerized me.”
A professional designer, Clifford Jean-Félix spends more and more time on his painting. As you have probably already guessed, the subject of his paintings is the body. He questions its purpose, its meaning, its joys and burdens, without ever becoming morbid. Aesthetics is vital to his approach. “My paintings are inspired by everyday life, and also by the news. I try to understand certain events or facts which move me, among others the suffering during wars or major natural catastrophes such as the recent one in Haiti, and to portray them in my work. This latter catastrophe was not only natural, it was also social. I try to convey the suffering in my painting but, above all, to introduce a ray of hope when faced with these problems which, to our rational mind, do not appear to have a solution. I know that many people are attracted to the inner dimension of my paintings. I try to transcend materialism, to go beyond the visible realm and bring out the sometimes minute subleties of this existence, bearing hope in spite of everything. In short, my work deals with emotion. I convey emotions through colour; for example, a very bold red in contrast to a paler yellow. If you look at my paintings carefully, you will quickly understand that my main subject is emotion, especially the emotions experienced by the body.” Clifford Jean-Félix can be described as an expressionist, although in his work there is much less of the violence which usually characterizes this type of painting. In brief, his language combines several pictorial trends which, once filtered through the artist’s “light,” find their own unique expression. The paintings carry the viewer away, sometimes through their theme, sometimes through their treatment of matter and pictorial space, offering an experience which is always invigorating.
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Changement harmonique 60 x 72 po / in 9
Paliers de l’Êvolution 72 x 42 po / in 10
Gardiens des temps 48 x 72 po / in 12
PrĂŠsence rĂŠelle 36 x 30 po / in
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Un air nouveau 48 x 48 po / in
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RĂŠveil de la conscience 72 x 60 po / in 16
Bending with the wind 40 x 40 po / in 18
Vibration subtile 40 x 40 po / in
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Cercle des anges 60 x 84 po / in 20
ĂŠtre 30 x 36 po / in
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Principe d’au-delà 60 x 36 po / in 23
Tendre lumière 30 x 30 po / in
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Not from here 30 x 30 po / in
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Onze 60 x 60 po / in 26
Le retour 36 x 84 po / in
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Souffle nouveau 30 x 30 po / in
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Peuple de lumière 60 x 36 po / in 31
Peuple discret 36 x 30 po / in
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Porteur de nouvelles 48 x 48 po / in
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Trio enchantant 48 x 48 po / in
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Les retrouvailles 60 x 84 po / in 37
Danse des dĂŠesses 36 x 30 po / in
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Tenderness of a night 30 x 30 po / in
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Profondeur d’un homme 24 x 24 po / in
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Évasion 18 x 48 po / in
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Tendre passion 24 x 24 po / in
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Les quatre ĂŠlĂŠments 60 x 72 po / in
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Clifford Jean-Félix
Une Explosion Harmonique de couleurs
Le moins que l’on puisse dire de Clifford Jean-Félix, c’est qu’il a produit et qu’il produit toujours des œuvres denses et riches. Des témoins non équivoques de l’union harmonieuse de deux souffles spirituels dans une même démarche picturale. Le mysticisme émanant de ses toiles traduit éloquemment et indiscutablement une chose : la prévalence de l’influence afro-haïtienne. Il ne cesse de puiser à la source culturelle profonde de ses origines. Certes, nous n’avons pas affaire à un simple peintre inspiré : il s’agit d’un être sensible qui s’affirme, de jour en jour, comme un messager, un dépositaire des attributs universels de la beauté, de la lumière du soleil baignant le cosmos, qu’il transforme sur sa palette magique. C’est dans le recueillement que le spectateur doit aborder ses tableaux.
Clifford Jean-Félix à l’âge de 10 ans
Les murs de ses temples intemporels nimbés d’or ou d’argent se voient parés dans une persistance de tons monochromes étalés en clair-obscur. Dans cet univers de nuances s’animent des personnages uniques plus réels et plus sages que nos humains d’aujourd’hui. En étant attentif et patient, votre cœur et votre esprit en seront enrichis. Ainsi, vous aurez choisi de participer à un de ces rêves conçus par les sages de l’espace inconnu, mais confié aux doigts de l’esthète pour la symbiose de l’homme avec lui-même.
SYLVIO BRICOURT Peintre haïtien renommé, Sylvio D. Bricourt fut un exposant régulier au Centre des Beaux-Arts de Port-auPrince, durant l’administration de Dewitt Peters. Deuxième au concours de l’Académie des Beaux-Arts, il fut par la suite l’un des premiers membres de l’Académie sous la direction de Monta Gutelli.
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A Harmonic Explosion of Colours
The least we can say about Clifford Jean-Félix is that he has produced and is still producing dense, multi-faceted paintings, unequivocal witnesses of the harmonious converging of two different spiritual currents within the same pictorial approach. The mysticism in his paintings eloquently and undisputably reveal one element: the predominant Afro-Haitian influence. The painter constantly draws from the deeply-flowing cultural spring of his origins. We are certainly dealing not only with an inspired artist, but also with a sensitive person presenting himself from day to day as a messanger, a depository of the universal attributes of beauty, of the sunlight bathing the cosmos, transformed by him on his magic palette. The viewer must approach his paintings in a meditative state. The walls of his timeless temples wreathed in gold or silver are adorned in enduring monochromic colours applied in chiaroscuro. In this universe of shades, unique figures, wiser and realer than the humans of today, come to life. If you are patient and attentive, your heart and mind will be rewarded. You will have thus chosen to participate in one of these dreams conjured up by wise people of an unknown space, but entrusted to the aesthete’s fingers to bring man into symbiosis with himself.
SYLVIO BRICOURT A well-known Haitian artist, Sylvio D. Bricourt exhibited his paintings regularly at the Centre des Beaux-Arts in Port-au-Prince, under the mangement of Dewitt Peters. He won second place in the competition of the Académie des Beaux-Arts, before becoming one of the first members of the Académie under the direction of Monta Gutelli.
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Les œuvres présentées sont des acryliques sur toile.
All paintings are acrylic on canvas.
PRODUCTION Brian Brisson COORDINATION Julie Parenteau TEXTE / TEXT Robert Bernier et Sylvio Bricourt TRADUCTION / TRANSLATION Katherine Baker PHOTOGRAPHIE / PHOTOGRAPHY Paul Simon NUMÉRISATION / SCANNING André Ferland, Lacerte Communications GRAPHISME / GRAPHIC DESIGN André Ferland, Lacerte Communications PUBLIÉ PAR / PUBLISHED BY Groupe A2 inc. 24, rue Saint-Paul Ouest, Montréal (Québec) Canada H2Y 1Y7
TOUS DROITS RÉSERVÉS / ALL RIGHTS RESERVED © Galerie Saint-Dizier © Clifford Jean-Félix
Dépôt légal Bibliothèque nationale du Québec Quatrième trimestre 2004 ISBN 2-921585-75-8
IMPRIMÉ AU CANADA / PRINTED IN CANADA
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VitalitĂŠ 30 x 30 po / in
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