Les Rails de l'Histoire - n°5

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l’histoire Le journal de l’Association pour l’histoire des chemins de fer

• Actualité de l’histoire 75 ans de traction électrique entre Paris et Bordeaux • Repères La naissance de l’Orient-Express • Patrimoine La dépose des voies ferrées pendant la Seconde Guerre mondiale (2e partie) • Anniversaire Les 120 ans de l’Harmonie du chemin de fer du Nord • Culture ferroviaire La cité cheminote de Laon • Témoignage Les cantines SNCF • Portail des Archives - Une recherche biographique : Robert Cloarec - Archives exposées • Actualités de l’AHICF Les dernières nouvelles de l’AHICF

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Les Rails de

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Illustration de couverture :

Les grands rendez-vous de l’AHICF

« Orient-Express », affiche (anonyme), Imprimerie Chaix (Paris), 1889. Les deux itinéraires par Bucarest (1883) et par Belgrade (1885) sont clairement indiqués. © CAH SNCF Le Mans

ISSN : 2116-0031 Éditeur : Association pour l’histoire des chemins de fer, 9 rue du Château-Landon, 75010 Paris Directeur de la publication : Jean-Louis Rohou Rédaction : Bruno Carrière Secrétariat d’édition : Marie-Noëlle Polino Ont contribué à ce numéro : Serge Bedu Françoise et Alain Brunaud Bruno Carrière Gilles Degenève Cécile Hochard Maquette et mise en page : Isabelle Alcolea Impression : SNCF, SG-La Chapelle, 75018 Paris Novembre 2013 Les Rails de l’histoire est édité par l’Association pour l’histoire des chemins de fer (AHICF), 9, rue du Château-Landon, 75010 Paris. Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation par tous procédés réservés pour tous pays, conformément à la législation française en vigueur. Il est interdit de reproduire, même partiellement, la présente publication sans l’autorisation écrite de l’éditeur. La rédaction n’est pas responsable des textes et illustrations qui lui ont été communiqués. Les opinions émises par les auteurs n’engagent qu’eux-mêmes.

• Novembre 2013 : Les Rails de l’histoire, Journal de l’AHICF, n° 5 • Décembre 2013 : Inauguration de l’exposition « Les Cheminots dans la Résistance », produite par la Fondation de la Résistance avec la participation de l’AHICF, la à La Coupole, centre d’histoire et de mémoire du Nord – Pas-de-Calais (l’exposition sera visible jusqu’en septembre 2014 et accompagnée d’un programme de conférences et d’événements, voir : http://www.lacoupolefrance.com/ • Vendredi 6 décembre 2013 : Journée d’études, Bordeaux, « De Paris à Bordeaux en train, 1938-2013. Des concessions au PPP : de l’histoire aux enjeux actuels », organisée par l’ UMR CNRS 5113 GRETHA et l’AHICF et accueillie par les Archives de la Gironde • Mercredi 11 décembre 2013 : Séminaire de l’AHICF et de l’UMR AUSser n° 3329 / CNRS « Réinventer le tramway ? Quarante années de TCSP, tramways et transports guidés en France : controverses et réalisations », Séance 4 - L’intercommunalité, un accélérateur pour le tramway ? Le compromis politique et territorial autour des transports » • Et aussi : l’AHICF participe au congrès de l’UNECTO, Alès, 14-16 novembre 2013, http://www.unecto.fr/

Premier trimestre 2014 • Jeudi 13 février 2014 : Séminaire de l’AHICF et de l’UMR AUSser n° 3329 / CNRS « Réinventer le tramway ? Quarante années de TCSP, tramways et transports guidés en France : controverses et réalisations », Séance 5 – « Projet politique et enjeux sociaux : le tramway en Seine-Saint-Denis » (en partenariat avec les Archives Départementales de Seine Saint-Denis et la RATP, avec le séminaire « La Région parisienne, territoires et culture »). • Mardi 8 avril 2014 : Assemblée générale des membres de l’AHICF, suivie d’une conférence publique ouverte à tous, par le professeur Jean-Pierre Williot (université François-Rabelais, Tours)


Édito

Rupture de rails ? Le rail privilégie la continuité, la rupture est son pire ennemi. L’histoire, elle, est lue comme une alternance de ruptures et de continuités. Parler de « rails de l’histoire », est-ce faire un choix, celui de se rassurer ? Ou constater la présence – continue – des chemins de fer dans l’histoire et celle de la mobilité ferroviaire dans notre actualité personnelle, professionnelle, sociale ? Ce numéro nouveau des Rails de l’histoire, en s’appuyant sur plusieurs anniversaires, donne à ces questions des réponses très variées. L’arrivée prochaine d’une ligne nouvelle à Bordeaux conduit à s’interroger sur les étapes précédentes du développement ferroviaire, sur ce qui a été perçu comme une rupture : l’arrivée, voici 75 ans, de la traction électrique. Innovation commerciale dont les multiples facettes, les conséquences diplomatiques sinon géopolitiques, les ondes dans notre imaginaire n’ont pas été encore complètement circonscrites, les trains de la Compagnie des Wagons-lits et avant tout l’Orient-Express, dont on célèbre les 130 ans, nous donnent une impression de continuité ; or l’Europe traversée et les conditions du voyage d’alors nous seraient complètement étrangères. C’est le voyage lointain, mais rapide et court, ou le rêve qu’on en fait qui restent aujourd’hui des objets de désir. La volonté des groupes et sociétés, associations culturelles comme l’Harmonie du Nord ou habitants d’une cité ouvrière comme celle de Laon, de se définir par la durée ou le souvenir durable de ce qui les a rassemblés s’inscrit également dans la recherche des éléments de continuité et des jalons à partir desquels définir une rupture.

Sommaire • Actualité de l’histoire - p. 4 75 ans de traction électrique entre Paris et Bordeaux • Repères - p. 12 La naissance de l’Orient-Express • Patrimoine - p. 30 La dépose des voies ferrées pendant la Seconde Guerre mondiale (2e partie) • Anniversaire - p. 37 Les 120 ans de l’Harmonie du chemin de fer du Nord • Culture ferroviaire - p. 42 La cité cheminote de Laon • Témoignage - p. 48 Les cantines SNCF • Portail des Archives - p. 50 - Une recherche biographique : Robert Cloarec, mort pour la France - Archives exposées • Actualités de l’AHICF - p. 54 Les dernières nouvelles de l’AHICF

L’histoire du réseau apporte un autre type d’enseignement, en nous rappelant la permanence des infrastructures, l’importance de leur emprise dans les paysages comme dans les mémoires, que prouve l’intérêt que portent à « leurs » réseaux les départements, promoteurs de recherches, expositions et livres récents qui enrichissent notre « culture ferroviaire ». Nous revenons enfin, avec le recueil des témoignages et le très sérieux jeu de piste que représente la recherche biographique, au cœur du travail d’historien et au plaisir de poser, peu à peu, les rails de l’histoire.

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Ici au départ de Paris-Austerlitz, la 2D2 E 541 (mise en service le 7 juin 1938, radiée le 17 décembre 1979) pavoisée aux couleurs de la République renforce la dimension nationale de l’événement.

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3 À l’arrivée à BordeauxSaint-Jean, chapeaux à la main, Pierre Guinand et Robert Le Besnerais, respectivement président et directeur général de la SNCF, n’ont pas manqué de saluer l’équipe de conduite. Traction nouvelle, n° 22, juillet-août 1939.

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ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

24 mai 1939. Inauguration de la traction électrique entre Paris et Bordeaux « DE PARIS A BORDEAUX EN 5 H. 12’. De 112 à 130 kilomètres à l’heure. » Le 25 mai 1939, la presse quotidienne, à l’exemple de La Petite Gironde, titre sur l’inauguration, le jour précédent, de la traction électrique entre Paris et Bordeaux (582 km), conséquence de la mise sous tension, le 13 décembre 1938, du dernier tronçon manquant entre Tours et Bordeaux. Bruno Carrière C’est dans le cadre du décret-loi du 15 mai 1934, qui prescrit la constitution d’un fonds commun des caisses d’assurances sociales destiné à financer un programme de grands travaux en vue de réduire le chômage (plan Marquet), que sont débloqués les 400 millions destinés aux travaux d’électrification de la ligne de Tours à Bordeaux, longue de 347 km1. Ces travaux sont le complément de ceux réalisés par la Compagnie du Midi – ligne de Bordeaux à Hendaye en 1926-19272 – et par la Compagnie d’Orléans – lignes de Paris à Vierzon en 19263 et d’Orléans à Tours en 19334 – avec pour objectif final l’extension de la traction électrique à l’ensemble de l’artère Paris-Irun (824 km). En novembre 1935, le conseil d’administration de la compagnie reçoit du ministère des Travaux publics l’autorisation d’engager l’électrification des 347 km de la section Tours-Bordeaux qu’il est prévu d’alimenter par une ligne 150 kV connectée à Pessac avec le réseau de l’Union des producteurs d’électricité des Pyrénées occidentales (UPEPO). Les travaux, entrepris au cours de l’été 1936, sont achevés l’année suivante, malgré l’application des nouvelles lois sociales et les mouvements sociaux qui ont perturbé l’activité des chantiers. L’ouverture de la ligne se fait en deux étapes : le 2 août 1938, de Tours à Angoulême ; le 19 décembre 1938, d’Angoulême à Bordeaux. On notera, cependant, une première circulation élec-

trique du Sud-Express, de Paris à la frontière espagnole avec échange de machines à Bordeaux, dès le 13 décembre. Un premier train (train 16) avec machine unique de Bayonne à Paris (781 km), est assuré le 1er février 1939 par la E 514. La liaison Paris-Hendaye (820 km) devient la plus longue ligne électrifiée d’Europe. Elle permet à la SNCF une économie de charbon de 1 500 000 t, dont 1 200 000 t pour la seule Région du Sud-Ouest. 1- Le programme des travaux à exécuter par les réseaux avait été établi par la Commission nationale des grands travaux contre le chômage, instituée par décret du même jour, et approuvé le 11 juillet 1934 par le Conseil supérieur des chemins de fer. Le 17 septembre 1935, cette même commission ramena la dotation initiale de 2 725 millions (loi du 7 juillet 1934) à 2 330 millions (décret-loi du 4 octobre 1935). La part attribuée aux travaux d’électrification de la ligne de Tours à Bordeaux passa ainsi de 470 à 400 millions, somme à emprunter par l’émission d’obligations au titre de travaux complémentaires de premier établissement. 2- De Dax à Hendaye en 1926 ; de Bordeaux à Dax le 1er avril 1927 (inauguration le 20 juin par André Tardieu, ministre des Travaux publics). À compter du 1er octobre 1927, le Sud-Express couvre les 147,5 km séparant Bordeaux de Dax en 1 heure 29 soit à la vitesse de 99,4 km, devenant ainsi le train commercial le plus rapide de France. 3- Paris-Vierzon : inauguration le 22 décembre 1926 par André Tardieu, ministre des Travaux publics. Totalité du trafic assurée par traction électrique à partir du 15 juin 1927.

4- Orléans-Tours : inauguration le 19 juillet 1933 par Pierre Appell, sous-secrétaire d’État auprès du ministre des Travaux publics. La distance Paris-Tours (231 km) couverte en 1 heure 56, soit à la vitesse commerciale de 119,4 km/h.

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ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

L’inauguration officielle de la section de Tours à Bordeaux a lieu le mercredi 24 mai 1939 sous la présidence de Pierre Guinand, premier président en titre de la nouvelle SNCF, en remplacement d’Anatole de Monzie, ministre des Travaux publics, empêché au dernier moment5. Le voyage inaugural est soigneusement établi comme suit : • 7 h 25 - départ de Paris-Austerlitz par train spécial • 12 h 40 - arrivée à Bordeaux-Saint-Jean • 12 h 40 à 13 h - transfert des invités en voitures et autocars entre la gare et l’Hôtel de Bordeaux • 13 h à 15 h 15 - déjeuner à l’Hôtel de Bordeaux (offert par la SNCF) • 15 h 20 - départ en voitures et autocars pour l’embarcadère • 15 h 30 à 16 h 30 - visite du port • 17 h - vin d’honneur offert par la chambre de commerce au palais de la Bourse • 17 h 45 à 18 h 30 - retour en voitures et autocars à la gare de Bordeaux-Saint-Jean • 18 h à 18 h 25 - présentation de machines électriques en gare • 18 h 30 - départ de Bordeaux-Saint-Jean par train spécial • 24 h - arrivée à Paris-Quai d’Orsay Quelque 150 personnes prennent part à l’événement, au départ de Paris-Austerlitz pour la majorité, de Saint-Pierre-des-Corps pour d’autres. La SNCF est largement représentée. Outre Pierre Guinand, l’essentiel de l’état-major a répondu présent, y compris plusieurs administrateurs. On croise également quelques-uns des pionniers de l’électrification ferroviaire, au premier rang desquels Hippolyte Parodi, directeur honoraire de l’électrification PO, et les représentants des grandes entreprises industrielles : Société des forges et ateliers de constructions électriques de Jeumont, Alsthom, Schneider, Fives-Lille, Oerlikon, etc.

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5 Exemplaire (vierge) du carton remis à chaque invité avec précision de la voiture et de la place attribuées.

En l’absence du ministre des Travaux publics, l’État est représenté par son directeur de cabinet Jean Berthelot, futur directeur général adjoint de la SNCF (juillet 1939) et secrétaire d’État aux 5- « L’inauguration devait être présidée par Anatole de Monzie, mais le ministre des Travaux publics, empêché, et qui, au surplus, vient de faire à l’étranger et en France une série de déplacements répétés et qui n’étaient pas de tout repos, s’était fait représenter par M. Berthelot, directeur de son cabinet » (La Petite Gironde, 25 mai 1939).


ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

Transports et aux Communications (septembre 1940), et par divers autres hauts fonctionnaires du ministère. Avec près d’une quarantaine d’envoyés, la presse nationale et régionale occupe une place prépondérante. Tout ce beau monde prend place à bord d’un train spécial de 550 t composé de matériels CIWL bleu et crème : un fourgon suivi de neuf voitures-salons Pullman, dont quatre avec cuisine. La traction est assurée par la 2D2 E 541. À 12 h 37, « la locomotive étincelante, décorée d’un faisceau de drapeaux, au profil aérodynamique entrait en gare de Bordeaux-Saint-Jean » (Le Figaro, 25 mai 1939), en avance de trois minutes sur l’horaire officiel. Les 588 km séparant Paris de Bordeaux ont été parcourus en 5 heures 12 à la vitesse moyenne de 112 km/h6, soit un gain de quinze minutes sur la marche du Sud-Express, desservi, il est vrai, par un arrêt de quatre minutes à Saint-Pierre-des-Corps, contre une petite minute seulement pour notre train spécial. Comme pour le Sud-Express, la vitesse limite de 120 km/h a été portée par dérogation spéciale à 130 km/h sur trois tronçons totalisant ensemble 112 kilomètres7. Accueillis par MM. Lamaignère, président de la chambre de commerce, Barraud, président du conseil général, Coutanceau, secrétaire général de la préfecture et Lapeyre, adjoint au maire de Bordeaux8, les invités sont aussitôt conduits à l’Hôtel de Bordeaux pour un solide banquet fait de spécialités locales, lamproie à la bordelaise, ris de veau aquitaine, foie gras des Landes, etc., accompagnées de crus tout aussi exceptionnels9. À l’issue des agapes, le président Guinand prend la parole dans le souci de promouvoir l’unification des réseaux dans la nouvelle SNCF et de relativiser la différence des choix techniques faits par ses prédécesseurs. Il rappelle : - que l’électrification Tours-Bordeaux « est le couronnement des efforts simultanés des Compagnies d’Orléans et du Midi, qui ont été en France les

pionniers de la traction électrique », et dont la SNCF n’a eu qu’à « recueillir les fruits » ;

- que cette électrification est le symbole de la synthèse de leurs recherches, le « trait d’union, non seulement entre deux exploitations, mais entre deux conceptions techniques différentes, qui se sont révélées l’une et l’autre fécondes » ; - que la technique déployée ici « marque un nouveau progrès dans le domaine de l’électrification en courant continu à moyenne tension où la France a acquis une maîtrise incontestée, progrès qui repose sur la comparaison raisonnée des techniques éprouvées par une expérience vieille de près de 15 ans et sur une adaptation prudente des innovations récentes ».

Pierre Guinand donne ensuite quelques précisions sur les travaux proprement dits – l’électrification de la ligne Tours-Bordeaux a, dit-il, exigé deux années de travail et coûté 560 millions, les 38 locomotives commandées pour son exploitation comprises –, salue l’investissement des entreprises et des constructeurs, et félicite « tout le personnel cheminot qui, aux différents degrés de la hiérarchie, a participé à la conception ou à l’exécution ». Suivent :

- un rappel du progrès accompli pour relier Paris à Bordeaux : six jours par les Turgotines, 46 heures 6- Au cours d’essais menés le 20 mars 1939 avec la 2D2 541 (déjà !), un convoi de 430 t à couvert la distance en en 5 heures 03 en dépit d’arrêts et de ralentissements évalués à neuf minutes, soit à la vitesse commerciale de 114,8 km/h. Lors du trajet, la vitesse a même été poussée à 150 km/h après Blois sur 60 kilomètres environ. 7- « Au point de vue technique, il est intéressant de signaler […] le fait que pendant tout le cours du voyage la locomotive n’a utilisé que le seul pantographe arrière, résultat très intéressant […] qui supprime pratiquement tout risque d’incident provenant d’une avarie accidentelle, puisqu’il reste un pantographe en réserve » (Traction nouvelle n° 22, juilletaoût 1939). 8- Le maire de Bordeaux, excusé, n’est autre qu’Adrien Marquet, l’homme du plan du même nom, à la tête de la ville de 1925 à 1944. 9- À la descente du train, le président Guinand a tenu à serrer la main du conducteur Gassot, un habitué des voyages officiels, et de l’aide-conducteur Lestrade, accompagnés de l’inspecteur Swiecicki.

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ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

par la malle de poste, 12 heures 50 en 1855 à l’ouverture de la ligne à la vitesse commerciale de 45 km/h, portée à 85 km/h en 1914 et à 106 km/h aujourd’hui en service courant ;

- et un hommage appuyé à André Chapelon, dont les améliorations apportées aux machines à vapeur PO avaient permis en 1933 de prolonger jusqu’à Bordeaux l’accélération obtenue (32 % de la vitesse des express) par suite de la mise en service de la traction électrique entre Paris et Tours. Le président évoque encore les avantages de confort et de régularité déjà appréciés des voyageurs jusqu’à Tours et dont ils bénéficieront désormais jusqu’à Bordeaux. L’occasion pour lui de rappeler que « la locomotive électrique ignore la fatigue et accepte sans protester toutes les surcharges », que de ce fait « les pointes de trafic ne sont plus générateurs de retards », que « les minutes perdues en cours de route sur les chantiers de voie ou aux postes de signaux sont toujours aisément rattrapées » et, ainsi, que « “faire l’heure” devient facile ». Il n’oublie pas non plus l’impact de l’électrification sur le travail des conducteurs qui « ne seront certainement pas les derniers à apprécier un mode de traction qui allège leur pénible tâche et leur permet de concentrer davantage leur attention sur leur tâche primordiale de l’observation des signaux ». Enfin, Pierre Guinand se félicite de voir que la première réalisation importante de son mandat dans le domaine de l’électricité a Bordeaux pour point terminal. Il espère que la SNCF pourra mettre désormais à la disposition des passagers d’outre-Atlantique débarquant du paquebot ou de l’hydravion « le moyen de transport terrestre le plus rapide et le plus confortable ». Il conclut sur la situation de l’électrification des chemins de fer en France – 3 335 km, soit 19 % des lignes électrifiées d’Europe, ce qui place le pays à quasi-égalité avec l’Italie, mais devant l’ensemble Allemagne-Autriche, et des installations de production d’une capacité de 800 millions de kilowatts heure, soit près du quinzième de la production française – et les projets d’avenir : « Tel est

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l’héritage que la SNCF a reçu des Réseaux auxquels elle succède. Elle a repris le flambeau qu’ils ont élevé très haut ; elle le portera plus haut encore si elle le peut et déjà elle projette, avec l’adhésion de M. le ministre des Travaux publics, de réaliser, par l’électrification de la grande artère du Sud-Est entre Laroche et Lyon, une œuvre digne de ses prédécesseurs et qui associera les deux principes dont se sont inspirées les Compagnies du Midi et d’Orléans : utilisation des ressources hydro-électriques locales (celles du barrage de Genissiat, la plus grandiose réalisation française dans le domaine de l’électricité) ; économie de charbon maxima sur la ligne la plus chargée de France. » M. Lamaignère répond en se réjouissant du fait que l’inauguration de l’électrification de la ligne depuis Paris jusqu’à Bordeaux suit de près celle du premier service postal aérien de nuit (ParisBordeaux-Pau et retour) assuré depuis le 10 mai par Air Bleu. L’après-midi est consacré à une visite des installations du port de Bordeaux, suivie du vin d’honneur offert par la chambre de commerce au palais de la Bourse. Le président Guinand profite de cet intermède pour répondre par une pirouette aux interrogations sur l’épineuse question des tarifs : « Donnez-nous beaucoup de marchandises à transporter et nous diminuerons volontiers nos tarifs. » De retour en gare, les invités sont conviés à une présentation des locomotives électriques les plus récentes, rangées derrière le train spécial en partance pour Paris-Orsay. Sont exposés pour l’occasion une machine 2D2 de la série 538 à 545 de 1937-1938, une 2D2 705 à 720 de 1934-1938, une 2D2 4812 à 4824 de 1935-1937, une BB 241 à 264 de 1938-1939, une CC 1001 ou 1002 de 1937, enfin un autorail amphibie Alsthom-Soulé de 1939. Le départ pour Paris-Orsay est donné comme prévu à 18 h 30, avec pour conducteur GrangeRodet, secondé par Guinard.


ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

L’événement vu par la presse

3 La Petite Gironde, 25 mai 1939.

4 Parisien,

Le Petit 939. 25 mai 1

5L’O uest-É clair, Sauf q 25 m ai 193 ue le minis 9. public t re des s, Ana T r a v tole d aux désist e Mon é au d zie, s’ ernier est mome nt…

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ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

Dans les coulisses de l’inauguration Les modalités du voyage inaugural sont reprises en détail dans deux documents en date des 19 mai et 20 mai 1939, le premier émanant du chef du service du Matériel et de la Traction de la SNCF (Cardon), le second cosigné par les ingénieurs en chef des Services de la Voie et des Bâtiments (Coullié), de l’Exploitation (Dreyfus) et du Matériel et de la Traction (A. Barois) de la Région du SudOuest. Synthèse des principales consignes.

Pour l’événement, deux trains spéciaux seront mis en marche, le premier de Paris-Austerlitz à BordeauxSaint-Jean (train 10433), le second de BordeauxSaint-Jean à Paris-Quai d’Orsay (train 10434).

La même rame servira pour l’aller et le retour. Elle sera composée uniformément d’un fourgon WL (ou une voiture A4Dy), de neuf voitures-salons Pullman (dont cinq de 28 places sans cuisine et quatre de 20 places avec cuisine) et, éventuellement, d’un second wagon WL. Ainsi constituée, la rame sera, en charge, de 600 tonnes environ. Après son arrivée à Bordeaux-Saint-Jean, la rame sera reprise pour être tournée par le raccordement circulaire de façon à présenter, au retour, une formation identique (alternance d’une voiture-salon sans cuisine et d’une voiture-salon avec cuisine en tête) à celle du train descendant. La remorque, tant à l’aller qu’au retour, sera assurée, en principe, par la machine E 2D2 541. Une deuxième machine, la E 2D2 545, sera conservée à Paris-Austerlitz pour couvrir la réserve du train 10433, avant d’être affectée à la remorque du train 3 pour assurer, à Bordeaux-Saint-Jean, la couverture de la réserve du train 10434. Ces machines devront être en parfait état d’entretien et de propreté ; les mains courantes, marchepieds, longerons, sabots, notamment, devront être exemptes de toute matière grasse. » À cet effet, dès leur arrivée à Bordeaux-Saint-Jean, elles seront acheminées sur le dépôt local pour être visitées, nettoyée, remises en état et graissées. En outre, des machines de réserve puissantes, tant vapeur (230.000, 231.600, 231.700, 141.800) qu’électriques (2D2, BB 165 à 180), seront placées

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dans les gares de Paris-Austerlitz, Juvisy, Brétigny, Étampes, Les Aubrais, Blois, Saint-Pierre-desCorps, Poitiers, Saint-Saviol, Angoulême, Coutras et Bordeaux-Saint-Jean. De même, deux voituressalons Pullman sans cuisine seront disposées, en réserve, en gare de Saint-Pierre-des-Corps et d’Angoulême, avec, à proximité, une machine de manœuvre électrique prête à intervenir. Toutes les dispositions seront prises pour acheminer ces voitures sur Bordeaux-Saint-Jean en cas de besoin. Autre précaution, les grues de relevage de Juvisy (130 t), Vierzon (amenée pour l’occasion au dépôt d’Orléans dans la nuit du 23 au 24 mai), Tours et Bordeaux seront mobilisées. Elles seront allumées et tenues en pression, prêtes à partir à la première alerte. Deux « ouvriers » désignés par le dépôt de Paris pour leur bonne connaissance des machines 2D2 538 à 545 prendront place dans la cabine arrière de la 2D2 541 « en tenue de travail propre ». Au préalable, le dépôt aura fait déposer dans cette cabine, outre quatre extincteurs, un certain nombre de documents de référence (une collection complète des schémas des caténaires de la ligne), d’outils (appareils de contrôle électrique : ohmmètre, voltmètre, ampèremètres ; câble de mise à la terre des caténaires), de pièces de rechange (semelles de pantographes notamment) et de matières (huiles de graissage, fil de fer, ficelle). Un lot identique et une échelle à coulisse seront également stockés dans le fourgon de tête, de même que du matériel de secours : boîtes de pansements et appareil Cot (appareil de respiration artificielle). Il sera encore prévu quatre blouses blanches et deux pliants pour les invités qui désireraient monter sur la machine. La 2D2 541 (et, s’il y a lieu, la machine de secours) sera ornementée et le pavoisement rafraîchi pour le retour en cas de besoin. L’alimentation en courant de haute et basse tension sera surveillée en permanence depuis Paris et différents autres points de la ligne et le personnel de toutes les sous-stations mobilisé. Un inspecteur divisionnaire de la Division Électricité prendra place dans le fourgon de tête.


ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

Le service de l’Exploitation veillera à ce que les régulateurs de section de Paris, de Saint-Pierredes-Corps et de Bordeaux, et les gares intéressées, prennent toutes dispositions utiles pour que la circulation des deux trains spéciaux ne soit nullement gênée. De leur côté, les chefs d’arrondissement Matériel et Traction d’Orléans, de Tours et de Bordeaux feront assurer les trains qui précèderont et suivront les trains spéciaux (et ceux qui seront garés pour leur passage) par les machines les plus aptes à regagner, le cas échéant, le maximum de temps. Les trains appelés à croiser les trains spéciaux feront l’objet d’un examen minutieux dans la partie de leur trajet qui précèdera ce croisement. « On s’assurera notamment pour les trains de voyageurs, que les portières sont bien fermées du côté de l’entrevoie, pour les trains de marchandises, que les chargements ne dépassent pas le gabarit et sont solidement faits. Les bâches ne doivent pas flotter, les cordes sont solidement attachées. Les volets doivent être soigneusement fermés, afin de ne pas risquer de s’ouvrir en cours de route. Enfin, les gares de formation et de passage doivent procéder à la visite des vigies non occupées par les conducteurs en service et s’assurer qu’il n’y a personne dans ces vigies. » Les postes d’aiguillage, munis ou non d’appareils d’enclenchement, devront être occupés par des agents « bien exercés » et placés au besoin sous la direction d’un sous-chef de gare ou d’un intérimaire. Les aiguilles et appareils dépendant de ces postes devront être soigneusement visités avant le passage des trains spéciaux. Le service de la Voie procèdera, de concert avec celui de l’Exploitation, et aussi peu de temps que possible avant le passage des trains spéciaux, à une vérification de l’état des piles et des appareils électriques des gares, stations et postes du parcours. Le service de la Voie organisera, de surcroît, une surveillance spéciale sur les sections parcourues par les deux trains. Les chefs des Établissements du parcours (gares, stations, dépôts, sous-stations, etc.) veilleront au parfait état de propreté de leurs installations. Une attention particulière sera apportée à la propreté des machines et véhicules en stationnement dans

les dépôts et visibles des voies principales. À l’heure du passage des trains spéciaux, seuls les agents indispensables aux besoins du service devront se trouver sur les voies des établissements visés. En vue du même passage, les chefs de dépôt feront en sorte que les machines en feu, en stationnement, offrent « une bonne fumivorité ». Les deux trains spéciaux ne marqueront qu’un seul arrêt en gare de Saint-Pierre-des-Corps. Ils observeront les ralentissements imposés (60 km/h) au passage des Aubrais, de Poitiers (entre le Poste A et le signal de sortie n° 233 voie 1) et d’Angoulême (entre le Poste G et le Poste J). Si nécessaire, ils pourront utiliser dans les deux sens de circulation la vitesse limite 130 km/h ente le Poste de Guillerval et Cercottes (avec limitation à 120 km/h à la traversée de la gare de Toury) ; entre les bifurcations de Bordeaux et de Grand-Pont (avec limitation à 120 km/h à la traversée des gares de Port-de-Piles de Châtellerault) ; entre Poitiers et la bifurcation de Ruelle (Angoulême) et entre les bifurcations des Alliers et de Lormont (avec limitation à 120 km/h entre Mouthiers et le Poste de l’Arnaude et à la traversée des gares de Coutras et Libourne). Par ailleurs, la vitesse sera limitée à 120 km/h entre Blois et Onzain. Les points où l’avant de la machine des trains spéciaux devra être arrêté (Saint-Pierre-des-Corps, Bordeaux-Saint-Jean) seront fixés en accord avec les représentants locaux de la Traction et les gares compte tenu de la position de la voiture du ministre des Travaux publics. Le train 10433 sera formé à Paris-Austerlitz sur les voies 5 ou 9. Les invités seront reçus dans la salle des pas perdus au portillon des quais A, B et C et dirigés sur leur voiture respective par des agents supérieurs de la direction de l’Exploitation faisant fonction de commissaires. Ils disposeront à cet effet d’un schéma du train indiquant pour chaque invité la voiture et la place attribuées, informations reportées par ailleurs sur leur carton d’invitation. Certains des invités monteront à Saint-Pierre-des-Corps. Au retour, un dîner sera servi par les soins de la CIWL à partir de 19 h 45.

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Luxe et ambiance feutrée. Extrait d’une publicité tirée d’un album-horaire publié par la CIWL en 1898. CIWL 6

Si, en 1884, les trains de luxe exclusivement composés de matériels CIWL se limitent encore à deux (Train Express d’Orient et Calais-Nice-Rome Express), ceux incorporant une ou deux voitures-lits de la compagnie sont bien plus nombreux. En pointillé, le futur itinéraire du Train Express d’Orient par Belgrade et Sofia. CIWL 6

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REPÈRES

Il y a 130 ans naissait l’Orient-Express, trait d’union entre l’Europe et l’Asie Après avoir obtenu, depuis 1872, de différentes administrations et compagnies ferroviaires européennes de pouvoir incorporer à certains de leurs trains de nuit, et sur quelques relations choisies, des voitures-lits de sa conception, Georges Nagelmackers décide en 1878 de promouvoir des trains entièrement composés de matériel appartenant à sa société, la Compagnie internationale des wagons-lits (CIWL). C’est à la création du premier de la série, le Train Express d’Orient, lancé en 1883 entre Paris et Constantinople, et dont on fête cette année le 130e anniversaire, que nous consacrons ces quelques pages. Bruno Carrière À peine plus de cinq ans après l’incorporation, tant en France qu’à l’étranger, de voitures-lits de sa conception à certains de trains de nuit, G. Nagelmackers peut s’enorgueillir d’avoir convaincu les différentes administrations et compagnies ferroviaires concernées du bien-fondé de sa démarche, mieux, d’être devenu un partenaire incontournable. Cette certitude, il la fait partager à ses actionnaires en 1878 : « Un grand nombre de nos traités ne sont pas de longue durée, mais la circulation de nos voitures a pris une si grande extension, leur utilité s’est si généralement imposée, nos relations internationales se sont développées à un tel point, qu’il est devenu difficile à une administration de chemins de fer de se passer de notre concours pour établir des services de sleeping-cars sur son réseau : elle s’isolerait complètement et devrait renoncer en quelque sorte à l’organisation de services internationaux pour lesquels les wagons-lits sont indispensables […]. « Il paraît du reste bien établi aujourd’hui qu’en Europe comme en Amérique les chemins de fer n’ont aucun intérêt à se charger eux-mêmes de

l’exploitation des sleeping-cars qui exigent des soins administratifs si minutieux que l’entreprise privée, en en faisant une spécialité, est seule à même d’y satisfaire. « L’usage des sleeping-cars dans les trains de nuit et sur les longs parcours s’imposant chaque jour davantage, les administrations les plus hostiles dans le principe à nos entreprises, reconnaissent aujourd’hui la nécessité d’employer nos voitures1. » Il est grand temps désormais pour lui de franchir un pas décisif avec la création de trains entièrement composés de matériels CIWL. L’Indépendance belge se fait l’écho de cette ambition dans un article reproduit par Le Figaro dans son édition du 23 septembre 1879. Le journal informe ses lecteurs du projet soumis au gouvernement belge par la CIWL : l’organisation, entre Ostende, Cologne, Berlin et la frontière russe, d’« un grand train express exclusivement composé de wagonslits et de wagons-salons » auquel serait adjoint, à certaines heures du jour, un wagon-restaurant. « Ce nouveau train, conclut L’Indépendance belge, 1- CIWL. Assemblée générale ordinaire du 12 mars 1878.

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REPÈRES

serait le premier de ce genre introduit en Europe, et son succès paraît assuré quand on voit la faveur dont jouissent déjà les sleeping-cars isolés. » Et le chroniqueur du Figaro de commenter : « Quant on voit des progrès de ce genre se produire chez nos voisins, on se prend à regretter que nous soyons les derniers à marcher dans cette voie. Qu’on se hâte donc d’organiser un service semblable entre Paris et Nice, et le public reconnaissant remerciera certainement ceux qui en auront pris l’initiative. » En 1880, G. Nagelmackers informe ses actionnaires de la création prochaine d’un premier train de ce type, étendu à la France : « Enfin, M. le Ministre des travaux publics de Belgique vient d’approuver dans son ensemble un projet de train de luxe à établir entre Ostende, Calais, Paris et les grandes villes du nord de l’Allemagne. Ce train qui serait exclusivement composé de voitureslits, salon et restaurant, rencontrera également, croyons-nous, un accueil favorable auprès des administrations allemandes2. » Prématurée, l’annonce n’est pas suivie d’effet.

Octobre 1882, un train d’essai entre Paris et Vienne Notre homme ne baisse pas les bras pour autant. Le 4 octobre 1882, Le Figaro se fait l’écho de la décision de la CIWL d’organiser « un train spécial, à grande vitesse, entre Paris et Vienne ». Il précise les projets de la direction : « Créer un train de luxe entre Calais-Paris-Vienne, vers l’Orient d’une part, et vers la Russie de l’autre », train qui assurerait, à Paris, la correspondance de Londres, à Vienne, celles vers Bucarest, Varsovie et l’Orient. Autre avantage : « Une certaine accélération de la vitesse et la suppression des arrêts pour les repos et pour la visite de douane permettront de faire en vingt-sept heures le trajet de Paris à Vienne. » Les négociations en cours étant sur le point d’aboutir, Le Figaro annonce l’événement pour le 10 octobre. Le jour dit, un train, composé de quatre voitures-lits (dont une à bogies, les autres à trois essieux), d’un wagon-restaurant à trois essieux et de deux fourgons à deux essieux avec vigie, quitte la gare de l’Est

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pour Vienne en début de soirée (l’heure de départ diverge selon les sources). Il franchit les 1 364 km qui séparent les deux capitales en 27 heures 53, à la vitesse commerciale de 48,7 km/h, soit près de six heures de moins que la relation la plus rapide de l’époque. Le poids total de la rame est de 103 tonnes et le nombre de lits disponibles de 583. Soyons honnête, ce voyage n’a pas fait les gros titres de la presse (française du moins), loin s’en faut. Le Figaro, contrairement à sa promesse d’apporter tout son soutien à l’opération, se contente de quelques lignes dans son édition du 13 octobre : « Vienne, 12 octobre – Le train éclair de Paris à Vienne a fait le trajet en vingt-huit heures, comme on l’avait annoncé. Les quarante voyageurs qui étaient dans le train ont trouvé les lits parfaits et la nourriture excellente. Succès complet pour le wagon-restaurant. L’accueil le plus sympathique a été fait aux voyageurs sur tout le parcours. » Le Gaulois est plus loquace, mais il faut attendre le 18 octobre, soit quatre jours après son retour en gare de l’Est, pour y lire la relation de F. Muller, son correspondant à bord du train. Hormis un remerciement appuyé à M. Lechat, secrétaire général de la CIWL, qui a fait « des prodiges en faveur des voyageurs », F. Muller ne donne aucun détail concret sur le voyage. Le Gaulois, toujours lui, se fend le 30 novembre d’un article signé du même qui, sous le titre « Les Trains Éclair », rappelle « les débuts difficiles » de la CIWL et, revenant sur le voyage de Paris à Vienne et retour, affirme « que l’organisation d’un ensemble de trains rapides sur les grandes lignes de l’Europe s’impose absolument ». Et d’ajouter : « La Compagnie des wagons-lits peut seule négocier pratiquement pour arriver au but désiré, car il est bien plus facile, pour les compagnies de chemins de fer de l’Europe, de s’entendre avec un tiers désintéressé, que de chercher un arrangement entre elle, cela ne fait pas de doute. C’est dire que dans l’avenir la compagnie des 2- CIWL, Assemblée générale ordinaire, 9 mars 1880.

3- Une description détaillée de la rame a été donnée par La Revue générale des chemins de fer : « Train d’essai de Paris à Vienne organisé par la Société internationale des wagonslits », décembre 1882, p. 443-448.


REPÈRES

Train Express d’Orient ou Orient-Express ? La dénomination officielle de l’Orient-Express est, jusqu’en 1891, « Train Express d’Orient », telle qu’elle apparaît sur le traité originel signé en 1883 entre la CIWL et les différents réseaux intéressés. C’est donc celle-ci que nous reprenons dans notre texte. Reste que les documents internes à la CIWL ont longtemps recouru à des appellations diverses : « train de l’Orient », « Express d’Orient », « Train d’Orient », etc. La CIWL mentionne pour la première fois le nom d’« Orient-Express » en comité restreint à l’issue de son conseil d’administration du 8 septembre 1883 (procèsverbal), puis publiquement à l’occasion de l’assemblée ordinaire de ses actionnaires du 11 mars 1884 (rapport d’activité). La presse emploie indifféremment, et dès 1883, les différentes appellations, avec, toutefois, une prédilection pour le nom d’« Orient-Express ». Éditées en 1884, les premières étiquettes (16 x 11 cm) et affichettes (37 x 26 cm) consacrées à l’Orient-Express recourent aux deux appellations : « Grand Express d’Orient » et « Orient-Express ». Datée de 1888, la première affiche (102 x 71 cm) se limite à l’appellation « Orient Express ».

sleeping-cars sera le grand agent des relations internationales. » Voilà qui n’est pas sans rappeler le discours tenu par G. Nagelmackers à ses actionnaires en 1878. De l’art d’une communication efficace ! Un mot ici sur l’expression « Train Éclair ». Contrairement à certaines assertions, elle n’est pas née de l’imagination de Georges Nagelmackers, mais d’un pari audacieux lancé outre-Atlantique six ans plus tôt, et dont Le Figaro s’est fait l’écho dans son édition du 10 juillet 1876. L’affaire a pour origine l’obligation faite à MM. Barrett et Palmer, les directeurs du théâtre Booth de New-York, de transporter leur troupe, sous contrat sur la côte est jusqu’au 31 mai, jusqu’à San-Francisco pour une première représentation fixée au 5 juin. Ce trajet n’ayant jamais été fait en moins de sept jours, nos deux administrateurs imaginent de lancer à leurs frais un « Train Éclair » spécial « qui aurait le pas sur tous les autres, et traverserait le continent amé-

5 La plus ancienne annonce consacrée au Paris-Constantinople différencie encore le nom du train (Grand Express d’Orient) de la marque commerciale (Orient-Express). DR

ricain de mer à mer en quatre-vingt-huit heures ». Grâce à la complicité du New-York Herald et des chemins de fer qui « virent dans cette entreprise une source de triomphe pour leur service », le train, parti de Jersey-City (État de New-York) le lundi 1er juin à 1 h du matin, arrive à Oakland (SanFrancisco) le dimanche 4 juin à 9 h 23 du matin. Les 1 120 lieues séparant les deux villes ont été couvertes en 83 heures et 53 minutes, soit en un peu plus de trois jours. Voyage non stop agrémenté seulement d’arrêts de quelques minutes pour changements de machines. Le train ne comportait que deux véhicules, le premier aménagé partie en fourgon postal partie en fumoir, le second partie en wagon-restaurant partie en wagon-lits. Outre les acteurs, quelques volontaires payants – « tous du sexe fort, car on a craint que les fatigues ne fussent trop redoutables pour la plus belle moitié du genre humain » – ont été du voyage4. Par ricochet, la presse prend pour habitude, dans les années Les Rails de l’histoire, n° 5 - novembre 2013

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REPÈRES

1880-1890, de désigner sous le vocable de « train éclair » les trains accélérés mis en marche entre deux villes éloignées. Cette terminologie, parfois employée par les compagnies ferroviaires dans leurs discours publicitaires, n’est pas reprise par les documents officiels. Curieusement, la question du train d’essai n’est évoquée par le conseil d’administration de la CIWL qu’après l’événement. La première mention n’en est faite que le 24 novembre 1882. Ce jour-là, le conseil « constate avec une vive satisfaction la complète réussite de l’essai du train éclair et le Directeur fait ressortir que tous les employés ont bien fait leur devoir ». Ce dernier précise, en outre, que « des négociations seront entamées de suite avec les Administrations intéressées pour obtenir l’organisation définitive du train de luxe sur la ligne Paris-Vienne ». Il parle d’un service bihebdomadaire. Dès lors, tout s’accélère. Le 18 décembre, le conseil évoque un service étendu à Constantinople et, le 8 janvier 1883, approuve la commande immédiate, pour « le train de l’Orient », de quatre wagons-restaurants, quatre wagons-lits et sept fourgons.

Mars 1883, le principe d’un Train Express d’Orient Le 13 mars 1883, les actionnaires, réunis en Assemblée générale, sont informés à leur tour : « Enfin, la presse de tous les pays vous aura déjà appris que notre Compagnie va établir un grand train-éclair de Paris à la mer Noire, qui permettra de se rendre de Paris à Constantinople en 30 heures de moins qu’il n’en faut aujourd’hui. […] Enfin, et c’est là surtout que notre Compagnie peut trouver un champ d’exploitation sans limite, les Chemins de fer ont reconnu l’utilité de grands trains internationaux plus confortables et plus rapides, dont l’organisation n’est possible qu’avec le concours de notre Compagnie. Le premier de ces trains, construit et organisé par nous, sera l’Express d’Orient, dont nous venons de vous parler et qui, à partir du mois

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de juin prochain, circulera deux fois par semaine dans chaque sens entre Paris et Giurgewo5. » À cette date, les négociations entre les réseaux sont bien avancées. Au terme de plusieurs conférences (Vienne les 13 et 14 novembre 1882, Munich les 28 décembre et 30 janvier 1883), les représentants des différentes administrations et compagnies ferroviaires intéressées sont parvenus à la rédaction d’un « Traité pour l’organisation d’un train rapide particulier entre Paris-Giurgevo (Train Express d’Orient6) ». Ce traité, la direction de la Compagnie de l’Est l’a signé à Paris le 2 mars 1883. Elle a été suivie par : - la direction générale impériale des Chemins de fer d’Alsace-Lorraine (Strasbourg, 6 mars 1883) ; - la direction générale des Chemins de fer de l’État du grand-duché de Bade (Karlsruhe, 31 mars 1883) ; - la direction générale des Chemins de fer de l’État du royaume de Wurtemberg (Stuttgart, 3 avril 1883) ; - la direction générale des Voies de communication du royaume de Bavière (Munich, 9 avril 1883) - la direction J. R. pour l’exploitation des Chemins de fer de l’État, à Vienne (Vienne, 14 avril 1883) ; - la Société austro-hongroise privilégiée des chemins de fer de l’État (ci-devant Société autrichienne J. R. P. des chemins de fer de l’État) (Vienne, 18 avril 1883) ; - la direction générale royale des chemins de fer roumains (Bucarest, 2 mai 1883) ; - la Société internationale des wagons-lits (Bruxelles, 15 mai 18837). 4- Les détails de ce voyage sont extraits de la lettre que l’un des participants payants, « Français et homme du monde », a adressée à ses parents le 4 juin depuis San Francisco, lettre reproduite par Le Figaro. 5- Giurgiu / Jerkoki, point terminus sur le Danube, ville portuaire de Valachie reliée par le chemin de fer à Bucarest en 1869. 6- Nom officiel jusqu’en 1891, date à laquelle le Train Express d’Orient devient officiellement l’Orient-Express (appellation qui apparaît régulièrement dans la presse dès 1883, voir encadré p. 15). 7- Si le traité d’origine porte le 15 mars 1883 comme jour de la signature du document par G. Nagelmackers, l’annexe à ce traité (rédigée en 1885), donne le 15 mai 1883 comme jour du paraphe, ce qui est plus vraisemblable.


REPÈRES

54 Traité original associant la CIWL aux différents réseaux concernés pour la création du Train Express d’Orient. La date indiquée en haut à droite (22 mars 1883) est celle de sa prise en compte officielle par le conseil d’administration de la Compagnie de l’Est, les représentants de celle-ci ayant signé le document dès le 2 mars. CAH SNCF Le Mans

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REPÈRES

5Le Train Express d’Orient dans sa composition définitive (octobre 1883). L’Illustration, 7 juin 1884.

Les risques du métier

5Le Temps, 5 mars 1886.

3Le Gaulois, 24 juin 1895.

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REPÈRES

Sur ce traité international viennent se greffer des conventions réglant plus précisément les rapports de la CIWL avec chacune des administrations ou compagnies intéressées. Il en est ainsi de la Compagnie de l’Est, dont les administrateurs approuvent le 17 mai 1883 la convention à passer « pour la mise en circulation, en ce qui concerne le parcours de Paris à Avricourt, des trains rapides dits : Trains express d’Orient ». Un mot ici de la teneur du traité international portant la création du Train Express d’Orient.

La CIWL s’engage à fournir gratuitement le matériel nécessaire (wagons-lits, wagons-restaurants, wagons-salons et fourgons à bagages) à l’organisation d’un service régulier de trains rapides entre, d’une part, Paris et Giurgevo, de l’autre, Paris et Kustendje (l’actuel port roumain de Constantza, sur la Mer Noire). Ces trains, auxquels est donné le nom de « Trains Express d’Orient », devront être mis en circulation, dans les deux sens, une ou deux fois par semaine, voire plus souvent selon les besoins éventuels. Les jours de départ des trains de Paris feront l’objet d’une entente ultérieure, mais il y aura lieu, toutefois, de faire en sorte que le premier train parti de Paris puisse être utilisé comme train de retour de Giurgevo. Chaque rame, composée exclusivement de matériel CIWL, comprendra deux fourgons, un wagon-salon-restaurant et au moins deux wagons-lits. Elle ne pourra avoir une charge supérieure à 100 tonnes sur le parcours de Paris à Vienne, de 80 tonnes au-delà. La CIWL est libre de faire circuler le wagon-restaurant de bout en bout ou sur les seules sections traversées de jour. Les wagons « devront être établis d’après les systèmes reconnus les meilleurs, et leur intérieur devra satisfaire à toutes les exigences au point de vue de la commodité, de l’espace et du confort ». Ils seront mis en communication entre eux au moyen de « plates-formes-passerelles », éclairés au gaz ou à la lumière électrique et chauffés au moyen de conduites d’eau chaude. Ils devront être pourvus, en outre, de freins à main et de freins pneumatiques des systèmes Hardy (à vide) ou Westinghouse (à air comprimé)8, ainsi que d’un appareil permettant aux voyageurs, en cas de danger, de « se mettre en

communication avec le mécanicien afin de faire arrêter le train dans le plus court délai ». La CIWL s’engage, par ailleurs, à tenir « en disponibilité » au moins une voiture de réserve dans chacune des gares de Paris, Vienne et Bucarest. La traction échoit aux administrations contractantes. La CIWL prend à sa charge tous les frais d’entretien des voitures, tant des parties extérieures que des parties intérieures, excepté les avaries résultant de l’état défectueux des locomotives ou de la voie, ou de la faute d’un agent des administrations contractantes. Elle se charge également, à ses frais, du nettoyage de l’intérieur des voitures, de l’éclairage et du chauffage. Par contre, le graissage des boîtes d’essieux et la propreté des caisses incombent aux administrations contractantes. Chaque voyageur est tenu de se munir d’un billet de 1re classe auquel s’ajoute un supplément fixe correspondant à 20 % du prix du dit billet. Tout voyageur trouvé sans billet valable sera condamné, en sus du prix du billet, à une amende forfaitaire de 100 francs. La CIWL ne peut exiger d’autre supplément que ceux établis pour les repas et les boissons, dont le tarif sera affiché à l’intérieur du wagon-restaurant. Aucun supplément ne peut non plus être réclamé pour le transport des bagages. Les agents affectés au service intérieur des voitures, recrutés et rémunérés par la CIWL, sont tenus d’obéir aux chefs de gare, chefs de train et contrôleurs, lesquels leur viendront en aide si nécessaire. Ceux-ci ont libre accès aux voitures pour procéder au contrôle des billets, avec pour consigne, cependant, « de troubler le moins possible le repos des voyageurs ». La CIWL prend l’engagement, moyennant rémunération, de transporter le courrier « en tant que cela pourra se faire sans compromettre le but des trains et sans augmenter le nombre des wagons, ni surcharger les trains ». 8- « C’est là que je remarque une chose à laquelle je n’avais point fait attention encore ; notre train possède trois freins, l’un à air comprimé, qui sert en France ; l’autre à main, qui sert en Allemagne (ce qui m’a étonné dans un pays qui veut, en toutes choses, être supérieur aux autres nations) ; le troisième, à vide, dont on fait usage à partir de Simbach, frontière autrichienne. », J. Tréfeu, Le Gaulois, 18 octobre 1883.

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REPÈRES

L’idée prévaut que la Compagnie des chemins de fer de l’Est aurait joué un rôle prépondérant dans la conclusion de cette affaire, que c’est sous son égide que se seraient déroulées les négociations et qu’elle aurait servi de porte-parole auprès de la CIWL9. Rien dans les archives de cette compagnie, ni dans celles de la CIWL, ne permet de confirmer cette supposition. L’examen des procès-verbaux du conseil d’administration de la Compagnie de l’Est révèle que ses membres ne se sont penchés sur la question que tardivement, le 25 janvier 1883, prenant ce jour-là connaissance de la teneur des conférences et du projet du traité en gestation. Ils n’y reviendront que le 22 mars pour approuver définitivement le traité signé le 2. C’est à la Direction générale impériale des Chemins de fer d’Alsace-Lorraine (Kaiserliche Generaldirektion der Eisenbahnen in ElsaßLothringen, EL) qu’incombe le rôle de « gérant » du Train Express d’Orient, et non à la Compagnie de l’Est qui n’héritera de cette charge qu’au lendemain de la Première Guerre mondiale. Toutes les questions touchant au nouveau service sont centralisées par la direction générale des Chemins de fer d’Alsace-Lorraine, qu’il s’agisse, par exemple, de modifier la fréquence, l’itinéraire ou l’horaire des trains, ou encore, plus prosaïquement, d’approuver les tarifs des repas et boissons servis à bord. La Compagnie ne l’Est ne jouit que d’une seule prérogative (qu’elle partage avec la Direction générale impériale des Chemins de fer d’AlsaceLorraine), celle de dispenser l’autorisation de mise en circulation des matériels CIWL après leur examen par ses ingénieurs.

Juin 1883, période de rodage pour l’Orient-Express Le 2 juin, la Compagnie de l’Est émet l’ordre de service (n° 75) portant la « Régularisation des Trains Express G et H, entre Paris et Avricourtfrontière, deux fois par semaine, pour le service des Trains Express d’Orient (Société Intale des Wagons-Lits) ». En clair, la transformation en marches régulières des marches facultatives prévues au service des trains du 1er juin, à savoir, pour

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le train G, de Paris à Giurgewo-Constantinople, les mardis et vendredis à partir du 5 juin ; le train H, de Giurgewo-Constantinople à Paris, les mercredis et dimanches à partir du 10 juin. Le grand public apprend la création du Train Express d’Orient la veille de son premier départ, fixé au mardi 5 juin. L’annonce en est faite par Le Figaro dans ses éditions du 4 et du 5 : « Mardi prochain, 5 juin, aura lieu l’ouverture d’un nouveau service organisé par la Compagnie internationale des wagons-lits (sleeping-cars) : l’OrientExpress, train de luxe de Paris à Constantinople, trajet en 82 heures. « Les départs auront lieu de Paris (Est) les mardis et vendredis, à 7 h 30 du soir. Les départs de Constantinople, les dimanches et jeudis, à midi 30 ; rejoignant le train de luxe à Guirgevo (Roumanie) les lundis et vendredis. « Ce train est exclusivement composé des wagonslits, salons et restaurant de la Compagnie des Sleeping-cars. « Cette Compagnie a obtenu de toutes les administrations des douanes la faveur que les bagages de ses voyageurs fussent visités en cours de route ; c’està-dire sans aucune descente du train ; ce qui, joint à l’organisation du restaurant (où seront servis, aux prix de 4 à 6 francs, des déjeuners et dîners spécialement soignés), a permis de réduire de 30 heures la durée actuelle du voyage de Paris à Constantinople. « Tous ces avantages sont assurés aux touristes moyennant un supplément de 20 % sur le prix des places ordinaires de chemin de fer. « L’Express d’Orient acceptera les voyageurs à destination des principales villes intermédiaires des parcours, telles que Vienne ou Bucharest, par exemple. « Les voyageurs d’Angleterre, amenés de Calais directement à Châlons-sur-Marne, y rejoindront l’Express d’Orient. « Ceux de Paris sont priés pour tous renseignement, places à retenir d’avance, bagages à enregistrer, etc., de s’adresser à l’agence de la Compagnie (2, rue Scribe). » 9- Voir Jean des Cars et Jean-Paul Caracalla, L’Orient-Express. Un siècle d’aventures ferroviaires, Denoël, 1984, p. 20.


REPÈRES

Tout comme pour le Train Éclair de 1882, l’enthousiasme de la presse est très mesuré. Pas de relation grandiloquente, mais de rares communiqués manifestement rédigés par la CIWL, comme celui publié par Le Figaro le 7 juin 1883 sous la têtière « Renseignements » : « Le 1er départ du train de luxe de la Cie des wagons-lits, de Paris à Constantinople, a eu lieu le 5 juin, à 7 h 30, en présence de plusieurs fonctionnaires supérieurs de la Cie de l’Est, et du nombreux personnel de celle des Sleeping-cars, et s’est accompli dans un ordre parfait. Les regards étaient particulièrement attirés par le brillant uniforme des chefs de train des wagons-lits, imité de celui de la staatsbahn autrichienne. Non seulement les voitures étaient complètement occupées, mais on a dû refuser un certain nombre de voyageurs au départ. Un quart d’heure avant celui-ci, le département des Postes et Télégraphes, a fait déposer dans le fourgon de l’Orient-Express, les postes françaises et anglaises à destination de Constantinople. » Le Figaro et Le Gaulois sont les deux seuls quotidiens consultés à évoquer le Train Express d’Orient, avec toujours cette impression qu’ils sont commandités par la CIWL. L’encart publié le 12 juin par Le Gaulois rappelle ainsi que les prestations rattachées à l’Orient-Express commencent avant même le départ : « Nous signalons particulièrement le confort du wagon-restaurant faisant partie du train et l’excellence des repas. Les voyageurs en arrivant à la gare, une demi-heure avant le départ du train, se mettent à table, sans s’occuper des places qui leur sont assignées, ni de leurs bagages. M. Finzi, chef de l’agence de Paris de la Compagnie, pense à tout ; à leur installation, à l’enlèvement à domicile de leurs bagages, à l’enregistrement et aux formalités de douane à toutes les frontières. Nous ne pouvons que féliciter M. Nagelmackers, directeur-administrateur, et M. Lechat, secrétaire général, pour avoir fait disparaître ce que le progrès n’avait pas encore pu vaincre dans les voyages : la fatigue. » Les quelques informations qui filtrent les mois suivants mettent en exergue le succès rencontré par le nouveau service. Le Figaro du 23 juillet,

relayant Le Gaulois du 22, s’y emploie : « Jamais le mouvement des voyageurs n’a été tel qu’en ce moment. Tous les Orient-Express organisés par la Compagnie internationale des wagons-lits entre Paris et Giurgevo sont partis et arrivés pleins la semaine dernière, et des vingt-huit places mises à la disposition du public pour demain mardi, il n’en reste pas une. » Le 3 août, la CIWL remonte au créneau. Ce jour-là, Le Figaro et Le Gaulois publient le même communiqué : « Tous les départs de Paris, et la plupart des retours de l’Orient depuis quinze jours, ont eu lieu sans qu’il restât une place libre dans les voitures. À la demande unanime des ambassades, administrations postales, des banques et du haut commerce de Constantinople, les jours des départs de l’Orient-Express vont être prochainement changés, en vue de faciliter l’expédition des correspondances, le raccordement de celles du Levant, etc. Une conférence, convoquée tout récemment à la demande de la Compagnie des Wagons-Lits, a résolu ces questions et a réduit encore de plus de deux heures la durée du voyage de Constantinople à Paris. Le nouvel horaire sera prochainement publié. La Compagnie des Wagons-Lits ne voulant pas s’arrêter dans cette voie des Trains-Hôtels rapides, qui est celle de l’avenir, étudie actuellement, en vue de l’hiver prochain, le projet d’un Russian-Express, de Londres et Paris à SaintPétersbourg, par Berlin. » Depuis cette même époque, Le Figaro, dans sa rubrique mondaine « Déplacements », rend régulièrement compte des personnalités ayant emprunté le Train Express d’Orient. Tel est le cas, notamment, le 3 août, du baron Edmond de Rothschild. Le 23 août, les administrateurs de la Compagnie de l’Est approuvent la transformation, à la gare de La Villette, de la halle de transbordement des cotons, laissée sans emploi, « en une remise pour les voitures du train express d’Orient ». Ils ouvrent à cet effet un crédit de 21 000 F, les travaux étant adjugés en septembre à un certain Bourlier. Les Rails de l’histoire, n° 5 - novembre 2013

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Octobre 1883, le train inaugural Le 3 octobre 1883, Le Figaro et Le Gaulois annonce l’organisation d’un « train spécial d’inauguration » entre Paris (départ le 4) et Constantinople (arrivée le 8). Exclusivement réservé aux invités de la compagnie, ce voyage a pour objet de célébrer la mise en service du « nouveau matériel » ou « matériel définitif » du Train Express d’Orient. En effet, le matériel utilisé depuis le 5 juin, quoique limité à cinq véhicules à essieux (deux voitures-lits et une voiture-restaurant encadrées par deux fourgons), était le même que celui qui était entré dans la composition du Train-Éclair de luxe, un retard dans la construction n’ayant pas permis l’introduction à cette date des voitures spécialement commandées à cet effet. La nouvelle rame se compose comme suit : un fourgon de tête à deux essieux avec vigie pour les bagages, deux voitures-lits à bogies pouvant accueillir 40 voyageurs, une voiture-restaurant-salon à bogies offrant 36 places (dont 12 places pour le salon-fumoir), et un fourgon de queue à trois essieux réservé aux provisions et comportant une cabine de douche. Les réseaux ferroviaires des Balkans, encore en chantier, n’étant pas en mesure d’assurer le passage du train à destination de Constantinople, le convoi, après avoir dépassé Bucarest, s’arrête à Giurgewo (actuelle Giurgiu), petit port roumain sur le Danube. Un bac à vapeur assure alors la traversée du fleuve pour rejoindre la rive bulgare à Roustchouk (Roussé). Un autre train se charge ensuite, en sept heures, de conduire les voyageurs à Varna au bord de la mer Noire. Ils embarquent sur un paquebot du Lloyd autrichien qui, après une quinzaine d’heures, arrive à Constantinople. Bien qu’exigeant un peu plus de 81 heures, le trajet économise plus de 30 heures sur ce qui se faisait de mieux jusqu’alors. Le départ du train inaugural ne fait pas non plus la une des journaux. Seul Le Gaulois revient sur l’événement dans un court papier publié dans son édition du 5 octobre, sobrement titré « Le départ de l’Orient-Express » : « L’Orient-Express est parti, hier soir, à sept heures trente. Un grand nombre

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d’amis étaient venus accompagner les voyageurs jusque sur les quais de la gare de l’Est. Disons tout de suite que M. Cochery, ministre des Postes et Télégraphes, s’était fait excuser auprès de l’administration, sous prétexte qu’il doit assister plus tôt qu’il ne pensait à la réunion de la commission du budget. Nous croyons, nous, que M. Cochery a craint qu’on ne fît quelques critiques au sujet de ce voyage de plaisir dans un moment où la présence des ministres à Paris est plus que nécessaire10». G. Cochery n’est pas le seul à faire faux bond. Bien qu’annoncés, Noblemaire, directeur du PLM, et Sevène, directeur du PO, manquent à l’appel. Les grands réseaux sont finalement représentés : pour l’Est, par Charles Berthier, administrateur ; pour le Nord, par Delebecque, ingénieur en chef du Matériel et de la Traction ; pour le PLM, par Henri Amiot, ingénieur en chef ; pour le PO, par Léon Courras, secrétaire général ; pour l’Ouest enfin, par Delaître, ingénieur (fils du directeur). Ils sont accompagnés de plusieurs délégués étrangers, dont Missak-Effendi, premier secrétaire de l’ambassade ottomane à Paris, et Xavier Olin, ministre belge des Travaux publics, et de plusieurs cadres de la CIWL conduits par G. Nagelmackers. Les risques du voyage ont incité la CIWL à n’inviter que 24 personnes, qui ont été discrètement priées de se munir d’un révolver au cas où, et à exclure toute présence féminine11. Autre précaution, la mobilisation du médecin de la compagnie, Harzé. En bon communicant, G. Nagelmackers sait qu’il lui faut à tout prix emporter l’adhésion de la presse, d’où de nombreux journalistes, français et étrangers, parmi les élus. Les plus communément cités sont Henri de Blowitz du Times, Georges Boyer du Figaro, Edmond About du XIXe Siècle, et 10- Georges Cochery, représentant officieux du gouvernement français, faisait figure de principal invité. Il devait profiter du voyage inaugural pour se rendre, accompagné de son fils, à l’Exposition d’électricité qui se tenait à Vienne. 11- En vérité, deux femmes monteront à bord du train à Budapest : l’épouse de Von Scala, inspecteur de l’Exploitation des Chemins de fer de l’État autrichiens, et sa sœur. Au retour, elles seront imitées par plusieurs « dames » autorisées à monter à Vienne.


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Jules Tréfeu du Gaulois. Tous ont laissé une relation de leur périple jusqu’à Istanbul12. C’est précisément à Blowitz que l’on doit la seule évocation de l’atmosphère qui règne en gare ce soir-là. « Au moment où j’arrive à la gare de l’Est, je la trouve brillamment illuminée. L’administration du chemin de fer a entouré, elle aussi, le départ du premier train de l’organisation définitive, de tout l’éclat possible. Les lumières électriques se répandent à profusion à travers la gare. Les employés, dès l’entrée, vous indiquent la voie latérale sur laquelle l’Orient-express [sic] est rangé. Bon nombre de personnes sont venues saluer les partants, et, comme la plupart d’entre ceux-ci font pour la première fois le voyage de Constantinople, ce n’est pas sans un peu d’émotion, mêlée à beaucoup de joie, que l’on se sépare. Le train lui-même a un aspect éclatant. […] Il occupe en tout une longueur de soixantequinze mètres. […] Chacun des invités a reçu en entrant un petit carton plié en deux qui contient à l’intérieur une carte photographiée en réduction, la carte des lignes de chemin de fer desservies en 1883 par la Compagnie internationale des wagons-lits. Sur un des côtés extérieurs, l’horaire des stations à parcourir jusqu’à Constantinople, avec les minutes d’arrêt ; et sur la première page, au-dessous du titre : « Orient-express », ces mots : « M. X… est prié de prendre place dans la voiture 151, lit n° 3. » Chacun cherche son lit, dépose ses menus bagages, et se précipite vers la fenêtre du corridor qui donne sur le quai du départ pour saluer ceux qui restent, et serrer une dernière fois les mains émues qui se tendent vers lui. […] Au moment où ce signal va retentir [le sifflet de la locomotive], l’Orient-express offre du dehors d’où 12- H. de Blowitz, Une course à Constantinople, Paris, Plon, 1884 ; « G. Boyer, « L’Orient à toute vapeur », Le Figaro du 20 octobre 1883 ; Éd. About, « De Pontoise à Stamboul. Féerie authentique », Le XIXe Siècle des 21, 26 et 31 octobre 1883, 8, 11, 13 et 18 novembre 1883 ; Edmond About, De Pontoise à Stamboul, Hachette, 1884 ; J. Tréfeu, « Par l’Orient-Express. De Paris à Bucharest », Le Gaulois des 18 et 22 octobre 1883.

5Le voyage inaugural du mois d’octobre 1883 a fait l’objet de récits soit édités (H. de Blowitz), soit publiés dans la presse (par Le Figaro pour G. Boyer, par Le Gaulois pour J. Tréfeu).

je le regarde pendant un instant avant de m’élancer sur le marchepied, un tableau bien moderne et bien intéressant. Quarante bras se tendent d’un côté vers cent mains qui les étreignent ; les conducteurs des wagons-lits, avec leur costume marron auquel les vives lumières donnent des reflets rougeâtres, s’agitent, des paquets sur les épaules et des sacs à la main, dans les compartiments où ils essayent de les caser, marchant de côté, sur la pointe des pieds, dans l’espace étroit que leur laissent les voyageurs entassés dans les corridors et collés contre les ouvertures des croisées. Quelques mouchoirs s’agitent, quelques chapeaux se soulèvent ; les employés du chemin de fer font reculer les spectateurs, et séparent, avec l’inflexibilité du destin, les mains qui se retiennent. En avant des deux wagons et du fourgon, les rideaux coquettement relevés, le wagon-restaurant jette un éclat extraordinaire sur la scène tout entière. Les grands becs de gaz comprimé éclairent une Les Rails de l’histoire, n° 5 - novembre 2013

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véritable salle de festin. Toutes les tables du restaurant, deux par deux, se faisant face, celles de quatre couverts à droite, celles de deux couverts à gauche, sur sept rangées, sont dressées d’une façon somptueuse. La blancheur des nappes et des serviettes fantastiques pliées avec un art coquet par les sommeliers du restaurant ; le scintillement transparent des cristaux ; les rubis du vin rouge ; les topazes du vin blanc ; le pur cristal de l’eau à travers les carafes, et les casques argentés des bouteilles de Champagne, jettent une note éblouissante sur la foule au dehors et 5Intérieur de la voiture-restaurant du Grand Express d’Orient. Tables pour quatre convives à droite, au-dedans, et donnent comme un démenti vivant pour deux à gauche. La Nature, 7 juin 1884, CNUM. à la tristesse des physionomies et aux regrets invraisemblables des partants. » Outre un confort inusité (et parfois contesté), Parti de Paris le jeudi 4 au soir (19 h 30), le Train le Train Express d’Orient apporte à ses hôtes Express d’Orient relie Giurgewo le dimanche bien d’autres avantages résumés en 1884 par Al. 7 au matin (6 h), avec pour principales étapes Laplaiche, commissaire de surveillance admiNancy, Deutsch-Avricourt, Strasbourg, Karlsruhe, nistrative des chemins de fer et collaborateur du Stuttgart, Augsbourg, Munich, Vienne, Budapest journal La Nature : « L’Orient-express procure aux et Bucarest. Soit en un peu plus de 82 heures, durée voyageurs une économie considérable sur la durée conforme donc au projet initial. Si l’on excepte un des trajets. Cette économie est due à diverses léger incident dans la journée du vendredi 5 – « La causes, en dehors de la vitesse de pleine marche du roue du restaurant ayant chauffé, nous avons été train : d’abord les arrêts sont aussi peu nombreux obligés de l’abandonner un peu brusquement, dans que possible, et leur durée est réduite au temps la gare d’Augsbourg » (de Blowitz) –, incident vite strictement nécessaire pour prendre de l’eau et du résolu (un wagon-restaurant de réserve est attelé combustible, les voyageurs n’ayant pas besoin de à Munich), le voyage se poursuit sans encombre. s’arrêter dans les buffets, et trouvant leurs repas Non sans quelques temps forts : au-delà de tout préparés et somptueusement servis dans le Budapest, l’accueil à bord d’un orchestre tzigane dining-car14 ; ensuite les voyageurs n’ont pas à s’arrêentre les gares de Szegedine et de Temesvar ; à ter plus ou moins longtemps aux diverses frontières, Bucarest, l’observation d’un arrêt prolongé afin de pour subir, à tout heure du jour ou de la nuit, dans répondre à l’invitation des souverains roumains en des salles plus ou moins bien chauffées, l’ennuyeuse villégiature à Sinaïa, dans leur toute nouvelle rési- visite de la douane : cette visite s’effectue pendant dence d’été ; à Giurgewo, la traversée du Danube la marche du train, en vertu d’une entente entre la en bac à vapeur pour rejoindre Routschouk – « un Compagnie internationale des wagons-lits et les trou sans nom, un ramassis de vieilles baraques » différentes puissances traversées, et les douaniers ( J. Tréfeu) ; de là, l’emprunt des rail des Chemins de fer Orientaux13 jusqu’à Varna, sur la rive de la 13- Ouverte en 1866, la ligne de Routschouk à Varna a été rétrocédée en 1889 au gouvernement bulgare par la Compagnie mer Noire ; enfin, la traversée de nuit par bateau d’exploitation des chemins de fer orientaux. (l’Espero, bâtiment du Lloyd autrichien) jusqu’à 14- Avant l’apparition des premiers wagons-restaurant, les marches des trains express et rapides prévoyaient dans quelques Constantinople. Les voyageurs regagnent Paris le 16 octobre.

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gares intermédiaires des « arrêts-buffet » suffisamment longs pour permettre aux voyageurs de se restaurer.


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montés dans l’Orient-express à la frontière, sont ramenés à leur poste par un train en sens contraire ; enfin, dernier élément de rapidité, les voyageurs ne sont pas astreints à changer de train dans les gares têtes de lignes, telles que Avricourt, Vienne, Bucarest, etc., et à y séjourner plusieurs heures en attendant un nouveau train, correspondant plus ou moins exactement avec celui qui les a amenés15. » Précisons ici que les hôtes du Train Express d’Orient bénéficie du privilège, une fois atteint la gare frontière allemande de Deutsch-Avricourt, de ne pas quitter leurs voitures. Cela, contrairement aux voyageurs des autres trains qui, en raison du sens de circulation inversé (à gauche en France, à droite en Allemagne), sont invités à descendre et à rejoindre à pied les convois en partance pour Strasbourg et ses au-delàs, non sans s’être pliés auparavant aux longs et pénibles contrôles douaniers opérés sur place. Un autre passe-droit leur est accordé en 1888 au moment de « l’affaire des passeports ». Le 30 mai de cette année, les Allemands exigent en effet de toutes les personnes qui entrent en AlsaceLorraine via la frontière française un passeport visé par l’ambassade d’Allemagne à Paris. Une obligation très mal accueillie dont les voyageurs du Train Express d’Orient sont exemptés quelques jours plus tard conformément à l’avis officiel reçu par la CIWL, avis reproduit par Le Figaro dans son édition du 3 juin : « Les voyageurs par OrientExpress, munis de billets directs de Paris jusqu’à destination au moins de Munich, sont dispensés du passeport. Le train sera accompagné par un commissaire spécial, aux frais de la Compagnie. » Cette dispense, poursuit Le Figaro, constitue pour la CIWL « un nouveau succès puisqu’il en va résulter, au profit du public, un avantage considérable », ainsi résumé : « Ayant depuis longtemps déjà déterminé les douanes de la plupart des pays, et notamment celles de l’empire allemand, à autoriser la visite des bagages, en cours de route, par des agents accompagnant le train entre deux gares, la Compagnie a porté ses efforts vers l’obtention d’une mesure analogue, c’est-à-dire la dispense du passeport en faveur de ses voyageurs traversant l’Alsace-Lorraine, et ce, moyennant l’accompagne-

ment du train par un agent gouvernemental, dont le déplacement, comme celui des douaniers, est payé par elle. » Entre-temps, et pour tourner la formalité du passeport, la Compagnie de l’Est organise de nouveaux services par trains rapides entre l’Angleterre, la France, la Suisse, l’Autriche-Hongrie et l’Orient par la voie de Belfort, Delle, Bâle, Zurich et l’Arlberg. Ces services comprennent des wagons-lits directs entre Paris et Vienne, en correspondance avec le Train Express d’Orient pour les au-delàs. L’obligation du passeport est supprimée le 1er octobre 1891, excepté pour les militaires en activité, les anciens officiers et les Alsaciens qui se sont soustraits au service militaire par l’émigration. Traverser plusieurs pays d’Europe implique certains accommodements. Envoyé spécial du Gaulois, Jules Tréfeu, qui s’était déjà étonné de la multiplicité des systèmes de freinage, n’était pas au bout de ses surprises : « Autre particularité curieuse : le chef de train qui est avec nous depuis Avricourt [point frontière entre la France et l’Alsace-Lorraine], et qui va nous accompagner jusqu’à Simbach [point frontière entre la Bavière et l’Autriche], est obligé de revêtir l’uniforme des chemins de fer des États qu’il traverse ; ainsi, tout en gardant le même pantalon bleu foncé, il enlève entre Strasbourg et Kehl sa tunique et sa casquette noires à passements rouges, pour en revêtir d’autres de couleurs différentes ; dans le Wurtemberg, il nous apparaîtra avec une casquette et une tunique verte ; et en Bavière, sa coiffure et son vêtement prendront la couleur bleu clair. »

Un succès mitigé En interne, la CIWL ne parle que très peu de son premier train international. Lors de sa réunion du 8 septembre 1883, son conseil d’administration se contente d’évoquer les « superbes » résultats du Train Express d’Orient. Une satisfaction renouvelée tout aussi brièvement le 12 novembre : « … l’Orient Express continue de donner des recettes magnifiques. » Mais changement de ton le 17 décembre : « Le directeur rend compte du 15- Al. Laplaiche, « L’Orient-Express », La Nature, 7 juin 1884, p. 5-8.

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succès exceptionnel du «Nice et Rome Express et, par contre, de l’abaissement des recettes de l’Orient-Express (que la saison faisait du reste prévoir). Il se propose de demander à la Cie de l’Est un allègement des charges qu’elle nous a imposées. » Le 26 janvier 1884, il parle d’une perte de 2 500 F et le 1er mars d’une aggravation de la situation : « Il [le directeur] constate que les résultats de l’Exploitation en décembre n’ont pas été très satisfaisants : les recettes du Train d’Orient surtout sont devenues très faibles et les insuffisances à payer à la Cie de l’Est ont atteint un tel chiffre que les opérations de cet Express, pendant le mois de décembre, se soldent par une perte de frs 5 55416. » À l’occasion de l’Assemblée ordinaire des actionnaires du 11 mars 1884, le ton se veut plus rassurant : « Sous la rubrique “Bénéfices divers” est venu s’ajouter cette année [bilan de 1883] un élément qui deviendra très important : c’est le subside que les Administrations des divers pays traversés par “l’Orient Express” nous paient pour le transport des dépêches postales dans nos fourgons. » Il n’est pas interdit de penser que c’est le transport du courrier qui a permis au Train Express d’Orient de survivre. En effet, en contrepartie du transport gratuit des dépêches françaises, la CIWL a obtenu de l’administration des Postes l’abandon de la totalité des droits de transit sur le territoire national payés par les offices étrangers17. En 1883, donc, ces droits se sont élevés à 4 000 F (pour 411 kg de courrier transportés). Des contrats équivalents ont été passés avec les différents réseaux traversés par le Train Express d’Orient. Ceux-ci ont rapporté à la CIWL, toujours en 1883, la somme de 23 000 F (pour 2 096 kg de courrier transportés) soit, en intégrant le parcours français, 27 000 F (pour 2 507 kg de courrier transportés). 16- Les frais d’exploitation du Train Express d’Orient étaient très élevés. Un document se rapportant à l’année 1889 fait état d’une dépense de 100 220 F, loin devant celle du Sud Express arrêtée à 48 099 F. Au nombre des dépenses : le chauffage, l’éclairage, le blanchissage, la fourniture d’eau, les indemnités du personnel, les frais de douane et de police, de nettoyage, etc. 17- Convention du 2 juin 1883. Paul Jaccottey, Traité de législation et d’exploitation postales, P. Dupont (Paris), 1891, p. 519.

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« Alors commence une scène indescriptible » Le Train Express d’Orient, c’est aussi l’assurance d’une promiscuité parfois dérangeante, loin de l’ambiance feutrée trop souvent magnifiée. « L’Orient-Express s’ébranle. À peine a-t-il dépassé le premier tunnel que de stridents appels de cloche retentissent dans les couloirs. C’est le dîner qu’ils annoncent. « On se presse, on se bouscule autour de l’étroite issue. Les tables sont prises d’assaut ; on s’arrache les couverts, les verres et les assiettes ; enfin on se tasse tant bien que mal. Mais, comme tout le monde se connaît, qu’il n’y a pas d’intrus, rien que des camarades, il n’y a pas de couples fâcheusement assortis. « Alors commence une scène indescriptible, quelque chose d’inouï, de fou, d’inénarrable. Le bruit des voix qui s’appellent et se répondent domine le bruit du train roulant à toute vitesse, comme le tumulte des flots en fureur domine celui de l’ouragan déchainé. Vues de la route, ces six voitures dans leur élan vertigineux, avec ces ombres collées aux vitres, sous l’étincellement des flammes vacillantes, devaient donner l’illusion de quelque chevauchée fantastique. [Suit une joute chantée d’où naît « une rhapsodie cocasse »]. « Des hourrahs frénétiques saluent le dernier couplet. Puis, Clairin, en arabe, entonne le chant du Muezzin. C’est le couvre-feu. La fête finit dans les flots de champagne. « On sort à la queue leu leu pour regagner chacun son lit. Nous saluons au passage un couple qui n’est pas de la bande – attablé dans un coin du diningroom, et qui ne se plaindra pas de ne pas en avoir eu pour son argent. « – Ils sont gais, ces jeunes gens, dit tous bas la dame au monsieur, et très distingués ! « – Oui, répond le monsieur à la dame, très distingués, mais un peu communs ! » Émile Blavet, « À travers la Hongrie. De Paris à Vienne », La Vie parisienne, [Paris], P. Ollendorff, 1886, p. 191-192.


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« Et pourtant, il faut bien l’avouer, le confortable n’y est pas » En écho aux premières circulations du Train Express d’Orient, chacun, à l’exemple des correspondants des grands journaux quotidiens de l’époque, retour d’ascenseur oblige, s’est fait un devoir d’encenser le confort des matériels de la CIWL. Or il s’est trouvé quelques voix discordantes pour déranger cette belle unanimité. 6 Vue intérieure d’un wagon-lit. L’Illustration, 7 juin 1884. « L’Orient-Express est une véritable maison roulante, une habitation complète, pourvue de tous les détails, de toutes les exigences de la vie sociale ; on y trouve chambres à coucher, à deux et à quatre lits, avec table, fenêtre, glace, divans ; cabinets de toilette et autres, avec réservoir d’eau, galeries de promenades, ou corridors, sur lesquels s’ouvrent les chambres, et dont la paroi vitrée donne vue sur la campagne ; grand et petit salon, bibliothèque, salle à manger, cuisine, office. Il y a table d’hôte, comme dans les hôtels ; trois repas par jour, sans compter le thé, servis dans la salle à manger, ou suivant le désir des voyageurs, en particulier, dans les chambres à coucher. Les lits sont faits le soir, défaits le matin et transformés en divans pour la journée ; la nourriture, le service laissent peu à désirer. Et cependant, il faut bien l’avouer, le confortable n’y est pas ; on y est gêné, on y manque d’air et d’espace ; on n’y a pas ses coudées franches ; tout est resserré, étriqué, étroit ; il faut se faire petit pour passer par les portes ; se hisser dans son lit et en descendre est un travail de force et d’adresse, qui suppose une souplesse de reins, une agilité et une sûreté de mouvements dont on n’est pas toujours doué à un degré suffisant… Mais toutes les choses humaines, et les meilleures, n’ont-elles pas leurs imperfections ? Et le progrès n’a-t-il pas, presque toujours, ses inconvénients, quelquefois même ses dangers ? Ne critiquons donc pas trop l’OrientExpress ; si l’on est heureux d’en être descendu, on se félicite d’y être monté, la vitesse, la rapidité ont leurs avantages, et souvent des avantages que rien ne saurait replacer ; reconnaissons d’ailleurs que cette vitesse, que cette rapidité n’empêchent pas de voir les pays que l’on traverse, de jouir de leurs aspects et d’en apprécier les caractères. » Eugène Guibout, Les Vacances d’un médecin, 1887, Constantinople - Asie Mineure - Grèce - Italie, [Paris], G. Masson, 1888, p. 13-14. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------« Les wagons-lits de l’Orient-Express sont loin d’être confortables, et on serait en droit de nous fourrer un quatrième voyageur dans cet étroit espace ! » « Enfin, on nous accorde de nous laisser à trois, mais je me prends à regretter nos cabines des Messageries !! » MMPV, 1895, Impressions et souvenirs. Deux sœurs jumelles en voyage, [Lille], Société de SaintAugustin, 1897, p. 244.

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Lors de l’assemblée générale du 11 mars 1884, la CIWL, après avoir fait l’annonce de la mise en service quasi simultanée de « l’Orient Express » (5 juin 1883) et du « Calais-Nice-Rome Express18 » (8 décembre 1883), différencie nettement la fonction des deux trains : « Le premier est un train postal et est, comme nous vous le disions tantôt, subsidié par les gouvernements des différents pays traversés. Le second est à proprement parler un train rapide de luxe qui dessert toutes les stations hivernales depuis Marseille jusqu’à Gênes, Pise et Rome. » Ce train, dont les recettes ont dépassé toutes les prévisions, est rendu bihebdomadaire dès janvier 1884 entre Paris et Nice pour répondre à la demande. Moins attractif, le Train Express d’Orient finit cependant par s’imposer. Lors de l’assemblée générale du 21 avril 1885, la CIWL fait connaître que ce train, qui ne roule pour l’heure que deux fois par semaine, deviendra quotidien entre Paris et Budapest à partir du 1er juin19. Et de conclure : « C’est la consécration du succès et de l’utilité de ces grands trains internationaux, qui ne tarderont pas à s’imposer sur tous les longs parcours et qui deviendront la branche la plus importante et la plus productive de notre entreprise. » Cette évolution, la CIWL l’a déjà assimilée en complétant sa raison sociale, la Compagnie internationale des wagons-lits devenant, en mars 1884, la Compagnie internationale des wagons-lits et des grands express européens. Circulant désormais chaque jour, le Train Express d’Orient voit sa capacité d’accueil s’accroître au point de devenir accessible, à partir du 1er juin 1885, aux voyageurs de et pour toutes les gares françaises du parcours, telles celles d’Épernay, Châlons-sur-Marne, Bar-le-Duc, Toul, Nancy et Lunéville. Un relevé des recettes du Train Express d’Orient pour 1886 s’établit comme suit : voitures-lits 498 173,69 F ; repas et bières 56 309, 20 F ; vins et liqueurs 40 289,02 F ; courrier 67 517,42 F ; messageries 362,29 F. Il est vrai que l’on consomme beaucoup à bord, trop peut-être. C’est du moins le sentiment de l’historien et théologien protestant

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Édouard Sayous, qui déclare au terme d’un voyage accompli en 1888 : « Je suis arrivé à Vienne par l’Orient-express, un produit très avancé de l’art de gâter le voyageur en vidant sa bourse20. » Nouvel élément de trafic pour le Train Express d’Orient, le service accéléré de messagerie entre la France, l’Autriche-Hongrie, la Serbie et la Roumanie a été inauguré en septembre 1886. Le Matin en a averti ses lecteurs dans son édition du 20 septembre : « Ces expéditions se feront : Entre Paris et Vienne, en 27 heures. Entre Paris et [Budapest], en 34 h. 30 m. Entre Paris et Belgrade, en 42 h. 15 m. Entre Paris et Bucarest, en 53 h. 15 m. La Compagnie se charge de la prise et de la remise à domicile, des formalités de douane, etc. » Dans le même temps, la CIWL a complété son offre par la création de « billets circulaires ». Ces billets, « à prix très réduits et valables pendant 40 jours », offrent aux touristes anglais et français la possibilité d’effectuer, « nourris et logés en voiture », un périple entre Londres ou Paris et Constantinople via Munich, Vienne, Budapest, Bucarest et Varna, avec retour par Andrinople, Philippopoli, Sofia et Belgrade, ou vice-versa. « Nous sommes convaincus que cette combinaison tentera de nombreux voyageurs, désireux de connaître à l’avance la route encore peu explorée qui sera celle de l’avenir, aussitôt que la jonction des chemins serbes, bulgares et ottomans sera devenue un fait accompli » (Le Matin, 17 septembre 1886). Cette jonction devient réalité en 1889 avec l’ouverture, le 1er juin 1889, de la ligne directe de Belgrade à Constantinople par Belgrade et Sofia. C’est l’aboutissement de la décision prise en 1885 18- Le premier contrat passé entre la CIWL et le PLM remonte à 1877 (introduction trois fois par jour à partir du 20 février et quotidiennement à partir du 15 juin de deux voitureslits entre Paris et Marseille aux trains 3 et 4). 19- Parti de Paris à 7 h 30 le soir, le Train Express d’Orient rejoint Vienne le lendemain à 10 h 30 le soir (soit un gain de sept heures sur les rapides ordinaires) et Bucarest le surlendemain à 5 h 37 le matin. 20- Edouard Sayous, « Un voyage à Budapest », Bibliothèque universitaire et Revue suisse, t. XLI (troisième période), janviermars 1889, n° 121-123, p. 560-575.


REPÈRES

Paris

Vienne

Budapest Bucarest Belgrade

Giurgevo Routschouk

Nisch

parcours de l’Orient-Express en 1883 parcours de l’Orient-Express en 1885 de Nisch à Tatar Bazardjik par route (par train à partir de 1889)

Sofia

Varna Tatar Bazardjik Constantinople

5Jusqu’en 1914, l’Orient-Express suit deux itinéraires : le plus ancien (1883) via Bucarest avec rupture de charge (traversée du Danube à Giurgevo) et périple terminal par la mer Noire depuis Varna puis Constantza) ; le plus usité (1885) par Belgrade avec rupture de charge temporaire (de Nisch à Tatar Bazardjik par la route jusqu’en 1889).

de créer une branche du Train Express d’Orient dirigée depuis Budapest sur Belgrade et ses audelàs vers Constantinople. À cette date, il existait toujours une lacune ferroviaire de quelque 260 km entre Nisch (Serbie) et Philippopoli (Bulgarie). Celle-ci était couverte en trois jours par la route21. Le premier train à emprunter le nouvel itinéraire était parti de Paris le 3 juin et était arrivé à Nisch le 5, après un trajet de près de 2 500 km effectué en 48 heures. L’importance de l’événement n’avait pas échappé au chroniqueur des Annales industrielles : « Cette dernière voie de communication, à travers la Serbie, est appelée à un avenir certain le jour où les chemins de fer bulgares et les fameux raccordements turcs auront été construits et livrés à l’exploitation. Un progrès immense aura alors été atteint ; car Paris et Constantinople se trouveront reliées par une voie ferrée qui permettra aux voyageurs d’effectuer ce trajet sans changement de voiture et sans qu’il soit nécessaire de s’embarquer. Le résultat obtenu jusqu’ici, quoique plus modeste, n’en est pas moins important. En effet, les voyageurs pour Constantinople, qui craignent la mer peuvent désormais se rendre à Nisch par l’OrientExpress qui part de Paris le mardi de chaque semaine, faire en voiture le trajet qui sépare Nisch

de Tatar-Bazarjick où ils trouveront des trains pour Constantinople22. » Si l’ancien itinéraire par Bucarest et Varna (puis Constantza à partir de 1895) est maintenu, c’est par cette nouvelle voie, qui a cet avantage de ne plus subir de rupture de charge, que les voyageurs les plus pressés se rendent désormais aux portes de l’Asie en raison des gains de temps enregistrés entre Paris et Constantinople (3 108 km) : près de 14 heures à l’aller (de 81 h 41 à 67 h 46), de 5 heures au retour (de 76 h 49 à 72 h 10). La Première Guerre mondiale est fatale à l’Orient-Express. Restauré en 1920, il ne circule plus désormais que dans l’ombre du nouvel Simplon-Orient-Express qui draine l’essentiel de la clientèle à destination d’Istanbul (anciennement Constantinople) via la Suisse, l’Italie et les Balkans. Mais ceci est une autre histoire.

21- La CIWL inaugure à partir de 1886 un service spécial « de voitures confortables pour deux personnes attelées de trois chevaux » entre Nisch et Tatar Bazardjick, afin d’offrir une alternative aux voyageurs de la ligne classique via Bucarest et Varna, menacés d’une quarantaine sanitaire de cinq jours pour cause d’épidémie (Le Temps, 20 août 1886). 22- Annales industrielles, 14 juin 1885.

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5 La réquisition du matériel de voie a fait l’objet d’âpres négociations financières entre la SNCF d’une part, le secrétariat d’État aux Communications et les autorités allemandes de l’autre. CAH SNCF, Le Mans, 0505LM0257-009 : Règlement, par les autorités allemandes, du matériel de voie et des travaux de dépose de voie, 1942-1943.

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PATRIMOINE

La dépose des voies ferrées pendant la Seconde Guerre mondiale (2e partie) Gilles Degenève

Les « réquisitions » allemandes (1942-1944) Les années 1942-1944 font l’objet de la partie la plus détaillée de notre travail de recherche compte tenu de l’importance prise alors par le kilométrage des déposes – plus de trois fois supérieur au total réuni du tableau 1 (lignes déferrées en 1940-1941 pour les besoins du service et de la Défense nationale) et du tableau 2 (contributions de 1941-1942 à la construction du « Méditerranée-Niger »)* – et du contexte historique sensible dans lequel il se situe. Bien que le terme de « réquisition » ne soit jamais employé dans la correspondance officielle, c’est bien sous cette appellation que le phénomène est le plus souvent désigné. Son souvenir tenace s’est ancré dans la mémoire collective, à tel point que l’opinion publique attribue toujours par erreur (soixante-dix années après les faits) la mise à voie unique ou la suppression complète de lignes à cette requête contraignante qui a été mise en application à compter de l’été 1942, alors qu’elles se situent en dehors de ce contexte. Nous tenterons en conclusion de trouver une raison à cette démarche réductrice et historiquement inexacte qui nécessite un réexamen des sources officielles permettant seules de se préserver de ces contrevérités. Le point de départ du dispositif peut être daté du 23 juin 1942, lorsque Hans Münzer, président de la Hauptverkehrsdirektion de Paris, transmet au gouvernement français la consigne d’inviter la SNCF à livrer à la Deutsche Reichsbahn 2 500 km de voie à prélever sur l’ensemble de son réseau. Dès le lendemain, accusant réception de la requête, le

ministre des Communications, Robert Gibrat, confirme qu’il sera donné satisfaction dans toute la mesure du possible à cette demande grâce au démantèlement projeté de certaines lignes fermées à tout trafic et, conformément à une décision prise quelques jours plus tard, d’anciennes installations militaires. Les premières décisions ministérielles de dépose sont prononcées dès le 1er juillet 1942. Elles s’échelonnent jusqu’au printemps 1944, tout en restant pour leur majorité concentrées entre juillet 1942 et avril 1943. En fait, répondre aux exigences allemandes s’avère vite difficile. Deux raisons majeures à cela. La première résulte de la raréfaction des lignes fermées à tout trafic qui avaient fourni jusqu’alors l’essentiel des rails de réemploi, situation qui conduit à s’orienter vers la mise à voie unique de lignes à double voie, voire à leur suppression totale (ou encore à la mise à double voie de sections exploitées à quatre voies). La seconde découle de l’extension des réquisitions aux Régions SNCF de l’Est et du Nord jusqu’alors épargnées, glissement à l’origine de tractations serrées avec l’occupant peu enclin à accepter des décisions pouvant porter atteinte à ses propres intérêts stratégiques. Il refuse ainsi en novembre 1942, puis au début de l’été 1943, la dépose de 2 245 km qui avaient pourtant fait l’objet de décisions ministérielles régulières. Ces difficultés sont perceptibles dans la cadence du travail de dépose effectué par des entreprises françaises rémunérées en conséquence : d’intense dans les semaines qui suivent les premières décisions de l’été 1942 (jusqu’à 90 km par semaine), elle s’amenuise * Voir Les Rails de l’histoire n° 4, avril 2013.

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PATRIMOINE

progressivement pour ne plus atteindre que 15 km en fin d’année. Et, pour le premier semestre 1943, les autorisations de dépose ne portent plus que sur 388 km, soit le quart à peine des six derniers mois de 1942. On arrive ainsi, par le jeu des additions, à la somme théorique au 30 juin 1943 de 1 912 km ayant fait l’objet d’une autorisation de dépose, dont 1 704 km effectivement déferrés. La tendance au ralentissement s’accentue au cours du second semestre 1943 : 102 km de déposes supplémentaires officiellement autorisées, 225 km de voie démantelés. Le Service des installations fixes de la SNCF pour l’année 1943 confirme globalement ces données : il indique la dépose au 31 décembre 1943 de 1 930 km pour 2 000 km autorisés, dont 1 780 km réellement expédiés (1 050 km en 1942, 730 km en 1943). Le ralentissement observé en 1943, outre les restrictions apportées par l’occupant aux propositions de la SNCF, traduit également l’aspiration croissante du gouvernement français à mettre un frein aux prélèvements compte tenu de la situation économique délicate du pays. Le 6 septembre 1943, Jean Bichelonne, en charge du ministère des Communications depuis novembre 1942, fait savoir au chef de la délégation française à la Commission d’armistice pour les Communications qu’il n’est plus raisonnablement possible de déposer de nouveaux tronçons de voies sans causer à l’économie nationale un préjudice excessif. Il lui demande d’obtenir de ses interlocuteurs allemands qu’ils se satisfassent du programme de dépose entériné au 15 août, à défaut qu’ils procèdent à un nouvel examen des lignes refusées par eux jusqu’à atteindre le quota des 2 500 km arrêté primitivement. On ignore l’accueil fait à cette requête. Si aucune proposition de dépose n’est faite au-delà du mois d’août – les travaux de démontage poursuivis sur le terrain tout au long du second semestre 1943 le sont en conformité avec des décisions antérieures –, deux nouvelles décisions officielles tombent les 18 janvier (20 km) et 4 février 1944 (146 km). Ce seront les dernières. En effet, le 21 mars 1944, le président de la SNCF, Pierre Fournier, informe Bichelonne de l’épuise-

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ment progressif des stocks de matériel de voie dû aux récents bombardements des grands triages des Régions Nord et Ouest. Évoquant l’impossibilité de l’industrie nationale à répondre aux besoins de l’entreprise, il fait part de l’obligation faite à celle-ci d’effectuer des prélèvements sur les installations existantes. Une situation qui, à ses yeux, implique de mettre fin au plus vite aux réquisitions allemandes. L’intervention de Bichelonne auprès des autorités allemandes porte enfin ses fruits. Le 12 avril, Ernst Wintgen, depuis un mois à la tête de la HVD, fait savoir que le ministère des Communications du Reich à Berlin consent à ce que les déposes cessent jusqu’à nouvel ordre et que les voies déjà démontées mais non encore cédées restent à la disposition de la SNCF pour servir à la réfection des installations endommagées. Il en sera ainsi de la deuxième voie de la section de Neufchâteau à Pagny-sur-Meuse, comprise dans le décompte de l’ultime décision ministérielle du 4 février précédent. Une mesure insuffisante, semble-t-il, puisque, en ce même mois d’avril, Fournier réitère à deux reprises la nécessité de nouveaux démantèlements et propose de déferrer un nouveau contingent de 116 km de voie, à des fins strictement internes cette fois-ci. Quoi qu’il en soit, au 30 avril 1944, sur 2 167 km de dépose autorisée, 1 996 km auront été effectivement déposés et 1 889 km livrés à l’Allemagne. À l’automne 1944, au cours de leur repli, les Allemands procèdent encore, unilatéralement, au démantèlement de l’une des deux voies des tronçons de Montbéliard à Belfort dans le Jura (qui ne sera complètement remise en service qu’en 1947) et de Bruyères à Saales dans les Vosges (qui ne retrouvera pas, quant à lui, sa seconde voie). Le tableau n° 3 présente la liste des lignes qui ont fait l’objet d’une décision ministérielle de dépose officielle entre les mois de juillet 1942 et février 1944. Le tronçon de Montbéliard-Belfort est classé dans le dernier tableau car d’un point de vue administratif cette section était encore gérée par la Région Sud-Est lors de cette transformation.


PATRIMOINE

Il nous faut pour être complet inclure également les modifications intervenues sur la partie de l’AlsaceMoselle exploitée par la Deutsche Reichsbahn : 41 km pour la mise à deux voies du tronçon quadruplé Avricourt-Sarrebourg, 26 km concernant la mise à voie unique de Courcelles-sur-Nied à Téterchen ainsi que la suppression des 3 km du raccordement de Saverne ; puis ajouter la longueur de l’ensemble des raccordements ainsi que des voies dites « de garage » et qui représente un total de 254 km. Sous-total du tableau 3 = 2 172,5 km se décomposant ainsi : 1 848,5 km représentant la somme des Régions + 70 km provenant de lignes ex-AL et 254 km de raccordements et voies de garage1. Quel a été, outre-Rhin, l’emploi des matériels prélevés ? Difficile de répondre précisément à cette question. Les éléments de réponse dont nous disposons, essentiellement de sources françaises, font état d’une réutilisation sur le front est, explication somme toute la plus logique compte tenu du contexte de l’époque. Deux documents datés de 1943 cautionnent cette thèse, le premier relatif à la mise à voie unique de la section ArchesRemiremont (« Les rails et tout le matériel ont été acheminés sur le front de l’Est »), le second, moins formel, à la suppression totale du tronçon Mussidan-Bergerac (« Ce matériel serait destiné à la Russie »). Le Rapport sur les événements caractéristiques de l’exercice 1945, établi en 1946 par la Région SNCF de l’Est, est tout aussi unanime : « Les Allemands avaient, à partir de 1942 et jusqu’à la Libération, déposé pour les besoins de leurs opérations militaires, notamment en Europe orientale... » Il est suivi en ce sens par le document La Région de l’Est de la SNCF de 1939 à 1945, publié en 1947, qui note que les nécessités de la guerre, « en particulier l’avance des troupes allemandes en Russie », ont conduit l’occupant à opérer des déposes de voies. Côté allemand, cette affirmation est corroborée par le courrier déjà évoqué du 12 mars 1944 dans lequel Ernst Wintgen fait savoir que le ministère des Communications

du Reich est « d’accord pour que d’autres rails ne soient plus déposés et expédiés jusqu’à nouvel ordre pour l’Est ». Bilan de la dépose des voies ferrées 1942-1944 Pour chacune des Régions SNCF, le décompte kilométrique s’établit de la manière suivante : Déposes Déposes Livraison à autorisées effectives l’Allemagne Région Est *

1 124

1 045

1 001

Région Nord

101

101

99

Région Ouest

318

300

261

Région Sud-Ouest

239

200

180

Région Sud-Est

385

350

348

(*) Le décompte de la Région Est ne prend pas en considération la mise à voie unique des sections de Courcelles-sur-Nied à Teterchen (26 km), la mise à double voie de la section à quatre voies d’Avricourt à Sarrebourg (41 km) et la suppression du raccordement de Saverne (3 km) compte tenu de la reprise de leur exploitation par la Deutsche Reichsbahn durant la période 1940-1944.

N.b. : la classification officielle en deux catégories (voies principales et voies de service, dites de garage à l’époque) des installations prélevées a pour conséquence de ne pas faire correspondre ces chiffres avec les totaux isolés du tableau 3. En vertu de ce principe, certaines voies qui ont bien été démontées au titre des prélèvements imposés par l’Allemagne ont été regroupées sans être détaillées à l’intérieur des 254 km au final du tableau 3 (pages suivantes)

À suivre : la dernière partie de cette étude sera publiée dans le prochain numéro des Rails de l’histoire, avec des compléments sur www.ahicf.com. 1- C’est le cas, entre autres, des « garages actifs » qui doublaient les voies principales de l’artère Paris-Rouen entre Vernon et Gaillon-Aubevoye, ainsi que de la courte antenne du Champ de courses à Maisons-Laffitte, classée officiellement comme voie de raccordement.

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PATRIMOINE

Tableau 3.

RÉGIONS

KILOMÈTRES

RÉGION EST Lignes à quatre voies mises à double voie 1942 Blainville – Avricourt 1942 Marbache – Dieulouard 1942 Reims – Bazancourt Ligne à double voie supprimée 1942 Marcq-Saint-Juvin – Baroncourt(1) (1)

56 13 27 74

La suppression totale de la ligne résulte de décisions ministérielles distinctes prises entre août (mise à voie unique) et octobre 1942.

Lignes à double voie mises à voie unique 1942 Challerange – Marcq-Saint-Juvin 1942 Joinville – Sorcy 1942 Jussey – Darnieulles 1942 Bricon – Nuits-sous-Ravières(1) 1942 Bazancourt – Challerange 1942 Oiry – Fère-Champenoise 1942 Jessains – Brienne-le-Château(2) 1942 Montier-en-Der – Joinville 1942 Saint-Michel-Sougland – Auvillers 1942 Saint-Julien-les-Villas – Saint-Florentin 1942 Valentigny – Saint-Dizier 1943 Amagne-Lucquy – Sainte-Menehould 1943 Nançois-Tronville – Neufchâteau 1943 Neufchâteau – Mirecourt 1943 Hymont-Mattaincourt – Épinal 1943 Arches – Remiremont 1943 Épernay – Reims 1943 Lunéville – Saint-Clément 1944 Neufchâteau – Pagny-sur-Meuse(3) 1944 Bruyères – Saales (1)

16 54 60 65 40 32 11 31 19,5 47 38 62 58 40 24 14 25 10 38 56

Excepté le court tronc commun entre Châtillon-sur-Seine et Sainte-Colombe. L’exploitation du parcours Jessains-Dienville avait cessé dès l’été 1940 par suite de la destruction du pont établi sur l’Aube situé à mi-parcours. Sur ce même tronçon, la voie unique, qui subsistera sur le terrain après l’exécution de la présente décision ministérielle, sera elle aussi déposée à la fin du conflit pour les besoins de la SNCF (voir tableau 4, Région Est). (3) Le matériel de la voie déposée a pu être finalement conservé par la SNCF.

(2)

Lignes à voie unique supprimées 1942 Bézu-Saint-Germain – Château-Thierry 1942 Coincy – Bézu-Saint-Germain 1942 Romilly – Anglure 1943 Audun-le-Roman – Tiercelet

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12 10 9 12,5


PATRIMOINE

Tableau 3. (suite)

RÉGIONS

KILOMÈTRES

RÉGION NORD Lignes à double voie mises à voie unique 1942 Ormoy-Villers – Mareuil-sur-Ourcq 1942 Saint-Pol-sur-Ternoise – Brias 1942 Hesdigneul – Desvres 1943 Prouzel – Bif. de Bacouel Lignes à voie unique supprimées 1942 Ascq – Lannoy 1942 Wallers – Haveluy 1942 Wallers – Hasnon 1942 Wassigny – Saint-Souplet 1942 Aubigny-au-Bac – Monchecourt 1942 Moulin-des-Loups – Odomez 1942 Bachy – Rumes (frontière) 1942 Bauvin-Provin – Carvin 1942 Wattrelos – Herseaux (France) RÉGION OUEST Lignes à double voie supprimées 1942 Aigrefeuille-le-Thou – Rochefort Lignes à double voie mises à voie unique 1942 Dreux – Saint-Georges-Motel 1942 Fougères – La Selle-en-Luitré 1942 Quetteville – Honfleur 1942 Harfleur – Montivilliers 1942 Pont-de-l’Arche – Charleval 1942 Romagny – Saint-Hilaire-du-Harcouët 1944 Saujon – Royan(1) (1)

18 5 12 3 6 4 4 5 4 9 0,5 3 1

32 7 2 12 4 17 8 8

La décision ministérielle du 04 février 1944 avait autorisé la dépose de la seconde voie sur la totalité du tronçon de Saintes à Royan (37 km). En définitive, seule la partie finale de Saujon à Royan a été réellement mise à voie unique à titre permanent en 1944. La section Saintes-Saujon, après une courte période d’exploitation en voie unique devant normalement précéder la dépose de la seconde voie, conservera celle-ci qui sera remise en service dans l’immédiat après-guerre avant de faire l’objet d’une nouvelle autorisation de dépose en 1953, suivie d’effet cette fois-ci.

Lignes à voie unique supprimées 1942 Chemazé – Craon 1942 Orval – Régneville 1942 Saint-Jean-d’Angely – Taillebourg 1942 Bessé-sur-Braye – Saint-Calais 1942 Maintenon – Auneau-Ville 1942 Falaise – Berjou 1942 Vernon – Pacy-sur-Eure 1944 Dozulé-Putot – Troarn

15 8 18 11 20 21 19 10

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PATRIMOINE

Tableau 3. (suite et fin)

RÉGIONS

KILOMÈTRES

RÉGION SUD-OUEST Lignes à double voie mises à voie unique 1943 Viviez-Decazeville – Capdenac 1943 Royat – Volvic 1943 Eygurande-Merlines – Laqueuille 1943 Monsempron-Libos – Siorac 1943 Auneau-Ville – Auneau Embranchement Lignes à voie unique supprimées 1942 Ouzouer-Dampierre – Gien (Nevoy Garage) 1942 Airvault – Moncontour 1942 Sargé – Montoire-sur-le-Loir 1943 Châteaudun – Courtalain-Saint-Pellerin 1943 Bourriot-Bergonce – Gabarret 1943 Mussidan – Bergerac 1944 Pamiers – Le Carlaret RÉGION SUD-EST Lignes à double voie mises à voie unique 1942 Besançon – Vesoul 1942 Bif. de Chaugey – Les Jousserots 1942 Cosne – Cravant-Bazarnes 1942 Franois – Arc-et-Senans 1943 Cravant-Bazarnes – Auxerre 1943 Frasne – Vallorbe 1944 Veynes – Gap 1944 Montbéliard – Belfort Lignes à voie unique supprimées 1942 Beaune – Saint-Loup-de-la-Salle 1942 Montagney – Ougney 1942 Montchanin – Saint-Laurent-d’Andenay (ligne démarcation) 1942 Monéteau Gurgy – Pontigny 1942 Épinac-les-Mines – Ivry-Cussy 1942 L’Isle-Angely – Nuits-sous-Ravières 1942 Fontenoy – Surgy 1942 Valay – Gray 1942 Les Hôpitaux Neufs – Vallorbe 1943 Louhans – Messia 1943 Saint-Laurent d’Andenay (ligne démarcation) – Genouilly

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15 14 18 44 2 9 12 22 13,5 24 31 7

52 11 80 22 15 20 27 17 9 6,5 2,5 12 12 27 28 13,5 7 26 9


ANNIVERSAIRE

Les 120 ans de l’Harmonie du chemin de fer du Nord OHCF. Sous ce sigle se cache l’Orchestre d’harmonie du chemin de fer du Nord. Connu de certains, cheminots, ignoré de la majorité. Et pourtant… l’Harmonie est une vieille dame qui a fêté ses 120 ans cette année ! Aujourd’hui, affiliée à l’UAICF1, elle est toujours bien vivante avec une soixantaine de musiciens amateurs.

Françoise et Alain Brunaud Les administrateurs de l’Harmonie ne font pas mystère de leur peu de connaissance des origines de leur association, faute d’avoir reçu en héritage les documents qui leur permettraient de remonter le temps avec précision. Fort heureusement, leur maison-mère, la Compagnie du chemin de fer du Nord, s’est montrée plus prévoyante, sans être exhaustive pour autant. Ainsi, de la naissance même de l’Harmonie, aucune archive, mais une confidence au détour d’un document attestant qu’elle aurait bénéficié d’une première subvention de 150 francs le… 27 décembre 18922. La preuve qu’à cette date l’Harmonie était déjà formée. Mais plus éloquente est cette lettre en date du 12 janvier 1880, signée de l’ingénieur en chef de l’Exploitation Félix Mathias. Nous ne résistons a en donner une transcription : « Un groupe d’employés s’est adressé à Mr le Président pour lui demander l’autorisation de fonder une Société de Musique qui porterait le nom de “Harmonie du chemin de fer du Nord”. « Une association semblable existe à la Compagnie des chemins de fer de l’Est. « Pendant le siège de Paris une Société de Musique s’est formée sous le titre de “Fanfare du chemin de fer de l’Est”, mais au lieu de prospérer, elle n’a fait que perdre de son importance, de sorte que les réunions sont

5Au début du siècle dernier, l’Harmonie du chemin de fer du Nord jouissait déjà d’une solide réputation. OHCF

sinon supprimées, au moins très peu suivies et comme date et comme nombre de participants. « On comprend, en effet, qu’une association de ce genre puisse réussir en province, où les sociétaires peuvent se réunir facilement et ou les distractions font souvent défaut ; mais à Paris, où les distances sont longues et les sociétaires éloignés les uns des autres, les réunions sont nécessairement peu suivies et une association de ce genre ne peut que péricliter après une expérience de quelque temps. » Le refus de cautionner l’initiative est on ne peut plus clair. Elle est d’ailleurs rejetée, dès le lendemain, par le Comité de direction du réseau. Le fait que F. Mathias soit invité à préparer une réponse concertée avec Edouard Delebecque, l’ingénieur en chef du Matériel et de la Traction, peut laisser supposer l’origine professionnelle de notre groupe d’employés. De même, il n’est pas interdit de penser que la disparition des deux hommes, en 1888 1- Union artistique et intellectuelle des cheminots français, née en 1938 pour fédérer les associations culturelles issues des compagnies ferroviaires privées. 2- Dans un article de La Vie du rail (n° 1158 du 8 septembre 1968) sur les 75 ans de l’Harmonie, José Bruyr précise que douze hommes se sont réunis le 12 décembre 1892 pour discuter de ce que devait être le premier concert donné par l’Harmonie.

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ANNIVERSAIRE

pour le second et en 1889 pour le premier, ait levé les obstacles devant la renaissance du projet.

argent). Le jury était présidé par G. Parès, chef de la Musique de la Garde républicaine.

Les administrateurs de l’Harmonie d’aujourd’hui fixent sa création officielle au mois de janvier 1893. À cette date, une vingtaine d’ouvriers et employés des Ateliers de Paris La Chapelle, avec à leur tête Charles Porte, décident de créer une société musicale : l’« Union musicale du chemin de fer du Nord ». La transformation de son appellation en « Harmonie du chemin de fer du Nord » est décidée peu après. L’en-tête d’un document daté du 12 juin 1899 confirme sa date de naissance (« Fondée en janvier 1893 ») et sa nouvelle dénomination (« Harmonie du chemin de fer du Nord ») et désigne Ch. Porte comme directeur (et chef d’orchestre).

Quelques faits et dates jalonnent la montée en puissance de l’Harmonie : tenue d’un stand à l’Exposition universelle de Paris de 1900, concert à celle de Liège de 1905. Les subventions que la Compagnie du Nord lui assure chaque année depuis 1902 sont un autre indicateur de son importance croissante : de 150 F en 1892, elles passent à 300 F en 1893, 600 F en 1896, 800 F en 1897, 900 F en 1907, 1 100 F en 1909, 1 500 F en 1910 et 1 800 F en 1913.

Pas de « roulants », ni de chefs de gare parmi les initiateurs de l’Harmonie, mais uniquement des électriciens, des menuisiers, des tourneurs, des soudeurs, des raboteurs. Et des hommes exclusivement, la parité n’est pas encore d’actualité. Leur formation musicale ? On ne la discerne pas précisément. On peut raisonnablement penser que certains appartenaient déjà à des sociétés musicales, que d’autres avaient reçu une formation lors de leur service militaire. Leur motivation réelle non plus n’apparaît pas clairement. Le plaisir de faire de la musique ensemble ? Imiter des formations déjà existantes dans d’autres compagnies ? Faire œuvre pédagogique ? Aucune réponse précise ne permet de comprendre l’objectif de leur projet. Quoi qu’il en soit, l’Harmonie donne son premier concert le dimanche 15 juin 1893 au square Saint-Bernard dans le 18e arrondissement de Paris. L’année suivante, elle participe à des concours et obtient ses premiers succès. Le document précité du 12 juin 1899 porte une demande d’octroi de permis pour 86 membres de la société, tous agents de la compagnie, afin qu’elle puisse se présenter au concours de musique organisé le 25 juin à Château-Thierry. Elle en revient avec trois récompenses : 1er Prix de lecture à vue (une palme de vermeil), 1er Prix d’exécution (une couronne de vermeil et 100 francs en espèces) et 1er Prix de soliste (une grande palme en

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La guerre de 1914-1918 décime les pupitres. L’Harmonie entre en demi-sommeil et n’assure plus que quelques concerts de bienfaisance. Accaparée par l’effort de guerre, la Compagnie du Nord se montre moins généreuse. Un rapport au Comité de direction du réseau daté du 14 janvier 1921 nous apprend que la dernière subvention versée (1 800 francs) remonte au 9 janvier 1914, et que son non renouvellement met l’association en difficulté : « Cette Société, dont les réunions ont été très espacées depuis le 1er août 1914, est actuellement en plein fonctionnement avec plus de 70 exécutants. Elle a dû faire réparer ses instruments, en acheter de nouveaux, ainsi que des pupitres et des partitions de musique. Pour couvrir ces frais ainsi que ceux des concerts qu’elle se propose de donner au cours de cette année, notamment dans les cités des régions réoccupées, elle fait appel à la bienveillance de la Compagnie. » L’Harmonie obtient en définitive une somme de 1 800 francs, dont on doute qu’elle ait été suffisante à l’achat d’une contrebasse d’une valeur de 1 200 francs (imposée par le départ en retraite du contrebassiste) et aux règlements des réparations, instruments et autres accessoires de musique (dont les prix ont plus que triplé depuis 1914). Ce qui ne l’empêche pas de reprendre la route, avec autant de succès. Dès 1921, le concours international d’Auxerre lui donne l’occasion de récolter trois premiers prix, avec félicitations du jury, présidé cette année-là par Marc Delmas, Grand Prix de Rome en 1919.


ANNIVERSAIRE

Pour augmenter ses liquidités, l’Harmonie propose à ses fidèles de venir gonfler ses rangs en tant que membre bienfaiteur (la cotisation est fixée à 50 francs en 1925), membre d’honneur (25 francs) ou membre honoraire (12 francs). Il est précisé que les membres honoraires peuvent assister aux répétitions ainsi qu’aux fêtes et sorties organisées par la société ; en outre, ils reçoivent, pour chaque concert donné par l’Harmonie, au moins deux places de fauteuils. Si l’Harmonie apporte gracieusement sa contribution à des concerts destinés à soutenir une cause (au profit, par exemple, des orphelinats des chemins de fer français en 1924), elle répond également aux sollicitations plus commerciales liées à l’animation de fêtes et manifestations sportives (sollicitée en 1925 par la société sportive L’Espérance étampoise à l’occasion de son grand concours artistique et individuel de gymnastique, elle décline l’offre faute d’avoir été contactée à temps pour rameuter ses troupes). Une autre de ses sources de revenus réside dans le grand concert qu’elle organise chaque année depuis le début des années 1920, tel celui donné le 19 février 1928 au Gymnase Voltaire, 2, rue Japy, Paris 11e, sous la présidence d’Omer Vallon, vice-président du conseil d’administration de la Compagnie du Nord, et avec « le concours d’artistes des grands concerts symphoniques de l’Opéra, de l’Opéra comique et de la Comédie française ». L’Harmonie évolue alors en « Division d’Excellence » et compte 130 exécutants. L’événement s’accompagne d’une « souscription » destinée à fournir les instruments et le matériel nécessaires à ses membres exécutants et à ses élèves. Cette souscription prend la forme de billets d’une valeur unitaire de 0,50 franc donnant droit au tirage de nombreux lots « dont un portefeuille d’une valeur nominale de 2 000 francs constitué par 4 obligations du Crédit national, de 500 francs 5 %, participant à 8 tirages annuels avec des lots de un million ». Comprenne qui pourra. Dans une lettre circulaire du 31 janvier invitant les dirigeants du réseau à apporter leur participation, le président de l’Harmonie, M. Lagarde, précise que celle-ci doit faire face à la formation musicale

5Dans l’Entre-deux-guerres, l’Harmonie du chemin de fer du Nord était souvent sollicitée pour venir en aide à des œuvres de charité. Centre des archives du monde du travail. Archives du Chemin de fer Nord, 202 AQ 1226.

de près de cent élèves, encadrés bénévolement par neuf de ses membres « qui se consacrent à cette tâche avec le plus grand dévouement ». La renommée de l’Harmonie fait qu’elle est invitée à participer en juin 1930 au Concours international de musique d’Alger, organisé dans le cadre du centième anniversaire de la prise de cette ville. Le voyage dure huit jours. 140 musiciens s’embarquent à Marseille. Chaque participant doit réserver sept jours sur ses congés annuels. Les femmes et enfants peuvent être du voyage, mais à leurs frais. Confrontée à quelques 90 formations, l’Harmonie se couvre de lauriers. D’autres déplacements à l’étranger sont régulièrement au programme, tels, en 1936, à Spa et à Zurich. Pour assurer la relève, l’Harmonie dispense des cours gratuits de solfège et d’instruments aux agents de la compagnie et à leurs enfants, cours qui se tiennent soit au 20, rue Marcadet (18e), son premier point de chute, soit au siège social même de l’association, au 95, rue de Maubeuge (10e), qu’elle occupe depuis 1913. En 1927, les cours sont dispensés, sous la férule des professeurs Moret (cuivres), Naudon et Guillot (bois), les lundis et mardi de 17 h 30 à 18 h 30 rue Marcadet, les mercredis de 20 h à 21 h rue de Maubeuge.

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ANNIVERSAIRE

4 Dirigée par Benoît Boutemy, l’Harmonie du chemin de fer du Nord en concert en janvier 2013, à la mairie du Xe arrondissement. OHCF

Pendant la guerre, certains musiciens suppléeront les professeurs mobilisés. La sélection des élèves susceptibles d’intégrer l’orchestre est opérée par les chefs de pupitre. Un examen a lieu le premier mercredi de chaque mois en début de soirée. Réunissant les musiciens, les répétitions commencent aux alentours de 20 h et finissent tard pour permettre au plus grand nombre d’y participer. Celles dites de détail, c’est-à-dire par pupitre, leur imposent d’assister à deux répétitions sur trois. En cas de non respect de cette consigne, le récalcitrant est exclu de l’orchestre. L’absentéisme des musiciens a toujours été un problème récurrent. Les registres d’appel regorgent de « A » (pour absent) et il ne se passe pas un conseil d’administration sans que la révocation d’un musicien soit évoquée. Marier vie professionnelle et activité artistique n’est pas toujours très aisé. Par contre, l’assiduité, figurée par la lettre « P » (pour présent), est récompensée. À partir de 1927, l’Harmonie loue à l’année une loge à l’Opéra comique qu’elle met à disposition des musiciens dont la présence régulière est constatée. Cette pratique cesse en 1930. En 1940, après une période d’arrêt due aux événements, les répétitions reprennent permettant de maintenir la tradition du concert annuel pendant toute la période de l’Occupation. Répéter le soir devenant plus difficile en raison du couvre-feu, l’assemblée générale du 28 avril 1940 « décide de répéter le dimanche matin, une fois par mois et d’y convo-

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quer les agents repliés » (l’horaire d’avant guerre sera rétabli en 1947). Tout au long de la guerre, l’Harmonie donne des concerts de charité qui procurent aux familles des moments festifs et permettent de recueillir des fonds qui entrent dans la confection de colis aux prisonniers et aux orphelins de guerre. Ainsi, le 8 novembre 1942, salle Pleyel, l’Harmonie participe au grand gala artistique organisé par la Protection mutuelle des chemins de fer pour venir en aide aux cheminots victimes de la guerre. Le conseil d’administration du 18 novembre 1942 évoque l’adhésion de l’harmonie à l’Union artistique des cheminots français (UACF) née en 1938. En 1945, le président de l’Harmonie, Louis Cambournac3, rappelle « qu’il est nécessaire que l’harmonie du chemin de fer du Nord continue à être le groupe le plus demandé et le plus apprécié de toutes les organisations musicales de la SNCF ». La réponse est apportée dès 1947 sous la forme d’échappées dans plusieurs villes françaises et d’une tournée de six jours en Belgique. D’autres suivront, en Allemagne, en Autriche, au Luxembourg, en Suisse. Aujourd’hui encore, jouer au sein de l’Harmonie reste un privilège. En 1979, le président Duthoit déclarait à l’occasion de la remise des prix aux élèves : « Bon nombre d’entre vous aspirent à intégrer l’orchestre. Mais il s’agit 3- Louis Cambournac (1886-1973), directeur de l’Exploitation de la Région du Nord de 1938 à 1944, puis directeur du Personnel.


ANNIVERSAIRE

d’une consécration qui n’est accordée qu’après beaucoup de travail et l’avis de vos professeurs. C’est là un honneur qu’il faut mériter. » À ce jour, 60 musiciens sont inscrits. Quelquesuns d’entre eux assurent exclusivement les cérémonies officielles. La direction musicale est assurée depuis 1997 par Benoît Boutemy, treizième chef d’orchestre en titre. La catégorie socioprofessionnelle des exécutants a évolué. Les cheminots sont désormais minoritaires. Les ouvriers ont disparu, remplacés aux pupitres par une forte proportion de cadres. Autre révolution, des femmes ont intégré l’orchestre. Dans les années 1920, une seule musicienne, fille d’un cheminot, figurait dans les rangs. Le concert annuel, suivi

d’un dîner, et non plus d’un bal comme autrefois, figure encore au programme et la participation aux fêtes des kiosques parisiens se poursuit. Le répertoire s’est modifié et fait une plus large part aux musiques de film, de comédies musicales, de variétés et d’œuvres composées spécialement pour orchestre d’harmonie par des compositeurs contemporains. Le patrimoine musical de l’Harmonie ne recense pas moins de 1 000 dossiers de partitions dus à 530 compositeurs différents. Le 21 avril 2013, un concert aux Théâtre des Bouffes du Nord a célébré les 120 ans de l’orchestre, rendant hommage aux anciens qui, comme les musiciens actuels, font honneur à la pratique musicale « amateur », au sens noble du terme.

L’Union des sociétés musicales parisiennes des chemins de fer (1923) L’Harmonie du chemin de fer du Nord n’est pas la seule société musicale soutenue par la Compagnie du Nord. En 1921, celle-ci accorde des subventions à d’autres associations : la Société musicale des agents du Nord (basée à Busigny), l’Harmonie des agents du Nord (ateliers d’Hellemmes, 70 membres), la Société de musique de Roye, la Fanfare municipale d’Aulnoye, la Société de musique « La Concorde » (Avion), l’Union chorale et société philarmonique d’Hellemmes, l’Harmonie de la garde civique de Machiennes-Monceaut. Seules les trois premières reçoivent une allocation annuelle conséquente égale ou supérieure à 1 500 francs ; les autres doivent se contenter de 100 à 500 francs (sans doute parce qu’elles sont ouvertes à tous, cheminots ou non). Les autres grands réseaux se prévalent également de sociétés musicales. Certaines éprouvent même le besoin de se fédérer, à l’exemple de celles de Paris qui, le 25 janvier 1923, décident de constituer « un groupe amical » sous le nom d’ « Union des sociétés musicales parisiennes des chemins de fer ». Participent à ce groupement l’Harmonie du chemin de fer du Nord, la Renaissance du PO, le Cercle choral des chemins de fer de l’État, l’Harmonie des chemins de fer PLM, l’Union musicale du Métropolitain et le Choral des chemins de fer PLM. Les buts de ce regroupement sont pour les sociétés : « 1° - d’établir entre elles des relations amicales et de porter à leur connaissance tout ce qui peut contribuer à leur bonne marche ; « 2° - de rechercher et de poursuivre tout ce qui peut tendre au développement de l’enseignement individuel et collectif de la musique parmi les agents des chemins de fer et servir à élever au plus haut degré possible leur niveau artistique ; « 3° - de grouper les efforts en certaines auditions pour rehausser le prestige des musiques et chorales des chemins de fer et d’en tirer le meilleur profit en se soutenant mutuellement ; « 4° - de défendre moralement les intérêts respectifs de chacune d’elles ; « 5° - d’encourager leur participation aux fêtes de bienfaisance intéressant le personnel des chemins de fer. » Bruno Carrière

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Un travail récompensé À l’issue de la 27e édition du Festival international de théâtre amateur (Theatra) qui s’est déroulé les 10, 11 et 12 octobre 2013 à SaintLouis, dans le Haut-Rhin, les dix-sept comédiens de l’Axothéa se sont vus DR

attribuer à l’unanimité le Louis d’Or (1er prix) pour le spectacle « Cité des cheminots, aller(s) - retour(s) ».

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5 Au premier plan, au centre, Jacques Baudry, le seul « vrai » cheminot de la troupe, aujourd’hui retraité.


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La cité cheminote de Laon renaît sur les planches Cheminot, fils et petit-fils de cheminot, Jacques Baudry appartient à la troupe de comédiens amateurs qui, depuis 2012, fait revivre l’ancienne cité ferroviaire de Laon (Aisne). Bruno Carrière Le projet est né d’une idée de Sylvie Malin et Jean-Louis Levert, deux membres dirigeants d’Axothéa1, association créée en 1979 qui s’est donné pour mission de promouvoir les pratiques théâtrales amateur dans le département de l’Aisne. Tous deux connaissait bien la cité des cheminots de Laon, pour l’avoir fréquentée du temps de leurs grands-parents. Fin 2010, ils jugent urgent d’effectuer un « travail de mémoire » afin de sauvegarder l’histoire de cette « ville dans la ville » et de la transmettre aux nouvelles générations.

en forme les témoignages recueillis, qu’il complète par des entretiens privés. En septembre 2011, le travail d’écriture terminé, le scénario – une succession de saynètes et de chansons2 – est confié à Didier Perrier. Metteur en scène professionnel de la Compagnie l’Échappée, de SaintQuentin, ce dernier mobilise dixhuit candidats de 18 à 71 ans, comédiens amateurs pour la plupart, associés à un petit nombre d’habitants de la cité. Les répétitions s’échelonnent jusqu’en juillet 2012 à raison d’un week-end par mois.

Le travail de collecte se poursuit tout au long de quatre réunions publiques, organisées au sein même de la cité, salle des Dynamiques, de janvier à avril 2011. À chaque rassemblement, une centaine de personnes, certaines venues de loin tout exprès, témoignent à cœur ouvert. « Nous étions assoupis sur nos souvenirs. Ils ont réactivé nos mémoires », s’enthousiasme Jacques Léger, un habitant de la cité (L’Union, 19 avril 2011).

Outre la traditionnelle représentation théâtrale, Didier Perrier imagine une autre forme d’expression plus confidentielle : la lecture. Mettant en scène cinq comédiens qui, nichés derrière leur pupitre, s’improvisent conteurs à tour de rôle, elle permet d’atteindre des publics plus restreints, dans le cadre de bibliothèques ou de maisons de retraite notamment.

Fort de son expérience d’auteur, de metteur en scène et de comédien, Olivier Gosse se charge de mettre

C’est sous cette forme que les habitants de la cité sont invités, en avril 2012, à découvrir les premières scènes en avant-première. Dévoilé progressivement lors de

deux autres séances, le résultat final est présenté le 9 juin à l’école locale du Bois de Breuil. Il fait l’objet, en août, d’une publication sous le titre : Cité des cheminots, aller(s)-retour(s)3. À chacune des lectures est associée une exposition de photos, par lesquelles l’auteur, Philippe Mondon4, s’est attaché à mettre en lumière les traces encore visibles du passé de la cité et à portraiturer quelques-uns de ses habitants. Enfin, arrive le moment d’entrer véritablement en scène. Les 22 et 23 décembre 2012, la Maison des arts et loisirs de Laon accueille plus de 800 personnes. Depuis, la petite troupe ne cesse de se produire, suscitant autant de curiosité que d’intérêt. 1- Fédération des troupes de théâtre amateur de l’Aisne, http://www.axothea.fr .

2- Chansons accompagnées d’un accordéoniste (musiciens des Caves à musique de Tergnier).

3- Olivier Gosse, Cité des cheminots, aller(s)-retour(s), Rouen, Christophe Chomant Éditeur, 2012, 114 p. christophe.chomant@wanadoo.fr 4- Ces photos peuvent être visionnées sur le site du photographe : http://www. philmon.fr

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La cité cheminote de Laon est née en 1919-1920 du programme de reconstruction mis en œuvre au lendemain de la Grande Guerre par Raoul Dautry, alors ingénieur en chef adjoint de l’entretien de la Compagnie du chemin de fer du Nord. 400 maisons de bois et quelques maisons en pierre pour les cadres, mais aussi des écoles, une bibliothèque, une salle de bal, un économat, des bainsdouches, une chapelle, etc. Les maisons détruites par les bombardements de 1944 sont remplacées en 1948 par une série de maisons « en dur ». Vivant jusque dans les années 1970 selon ses règles, et presqu’en autarcie, sous l’autorité d’un « conseil de gestion », la cité quitte alors le giron de la SNCF, cédée à l’office local des HLM.

5 3 Les dernières maisons en bois de la cité cheminote de Laon sont systématiquement détruites lors de la disparition de leurs propriétaires.

MORCEAUX CHOISIS Scène 7 - « Une cité-jardin » Directeur du Chemin de fer du Nord - Nous avons de plus en plus d’employés, et de plus en plus de mal à les contrôler... Des mouvements de grève comme ceux de 1910 mettent en péril la Compagnie du Nord. Raoul Dautry - J’ai un plan, monsieur le directeur. Directeur du Chemin de fer du Nord - Ah, oui ? Expliquez-moi ça, Dautry... Raoul Dautry - Des cités-jardins à l’anglaise, monsieur le directeur. Directeur du Chemin de fer du Nord (sceptique) - C’est tout ce que vous avez trouvé ?

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Raoul Dautry - Plutôt que de laisser les employés se loger, disséminés dans les faubourgs, il faut les rassembler dans une cité appartenant à la compagnie. On dispose ainsi d’un personnel à proximité des lieux de travail et, surtout, on peut mieux le contrôler. Directeur du Chemin de fer du Nord (intrigué) - Je vous écoute... Raoul Dautry - Des cités où cadres et ouvriers vivraient ensemble, comme dans les bivouacs de la Grande Guerre où l’officier était proche de ses hommes, les aidant à garder le moral et à refaire leurs forces... Directeur du Chemin de fer du Nord - Audacieux, Dautry... Mais qui me dit que ça réussisse ? Raoul Dautry - Si ça a fonctionné dans l’armée avec des hommes venant de tous horizons, pourquoi estce que cela ne marcherait pas en temps de paix avec des employés liés par un même esprit d’entreprise ? Directeur du Chemin de fer du Nord - Esprit d’entreprise ! Je veux bien, mais comment évite-t-on des grèves comme celles de 1910 ? Raoul Dautry - Ni politique, ni religion, c’est la « troisième voie », monsieur le directeur. En supprimant tout ce qui sépare – église, syndicat – on évite les conflits dans une cité vivant sur elle-même... Un économat où l’on peut s’approvisionner à meilleur marché... Des maisons individuelles avec jardins potagers améliorant l’ordinaire... Et puis, quand on jardine, on ne va pas au cabaret. Directeur du Chemin de fer du Nord - Je ne demande qu’à vous croire, mais les ouvriers ne sont pas aussi faciles à manœuvrer que leurs machines. Raoul Dautry - Il faut les former, monsieur le directeur ; et pas seulement à leur métier. On leur propose un encadrement éducatif et sportif. On leur installe des équipements sanitaires... Des employés bien dans leur cité, bien dans leur vie, éduqués, éveillés au sens des responsabilités et à la rigueur... La cité, et même la Compagnie de Chemin de Fer du Nord, deviennent pour eux un cercle fraternel. Directeur du Chemin de fer du Nord - Dautry, je crois que vous êtes en train de me convaincre.

Scène 8 - « La cité du Nord » Chœur (chantant) En l’an 1919, À Laon, on met un coup de neuf. Au nord du passage à niveau : Future cité de cheminots. Et asséchez les marais ! Nivelez les terres à blé ! Tracez les rues en étoile Autour du calvaire central ! Sur les années 19 et 20, S’élève une cité-jardin, Une banlieue en plein essor Pour le Chemin de fer du Nord.

Quatre cents baraques en bois Que l’on monte à tour de bras Le long de trois rues noircies De charbon et de scories. Dès l’an 1921, Toujours plus grand, toujours plus loin : On commence à monter les murs De nouveaux pavillons en dur. Équipements et services, Écoles pour nos filles, nos fils. À côté au bois de Breuil, La Cité du Nord vous accueille.

Scène 19 - « La pyramide » (Un vieux cheminot vient les rejoindre. Il s’adresse au « Nouveau » qui devient l’enjeu de la conversation. Le « Nouveau » les écoute sans savoir par qui se laisser convaincre.) Vieux cheminot (au « Nouveau ») - Le chemin de fer, petit, c’est une culture... On voit toujours les trains en retard, mais jamais ceux qui sont ponctuels. Quand un train arrive à l’heure, il y a cent cinquante personnes qui n’ont pas eu le droit à l’erreur. Mais pour arriver à ça, il faut de la rigueur ! Si je dis que je serai là à 14 h, je ne suis pas là à 14 h 03. On a été élevés comme ça. L’heure, c’est l’heure. Les retards au

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boulot, c’est inexistant. Même les gars qui boivent, ils sont là quand il faut. Et cette culture cheminote, on l’applique dans la vie courante. Nos parents étaient déjà comme ça. Ils ne savaient pas grand-chose, ils ne pouvaient pas nous faire de leçons de morale. Mais leur façon de vivre, de nous éduquer, ça valait bien une leçon de morale. Sportif (au « Nouveau ») - Mais en attendant, la vie du cheminot est rude, tu vas vite t’en apercevoir : on est plus au travail que chez soi, en famille... Mon père était mécanicien. On venait le chercher n’importe quand : le dimanche, les jours de fête, et même à Noël... Tout ça, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Et comme il n’y avait pas d’hôtels, il lui arrivait même de dormir dans les gares ! Vieux cheminot (au sportif ) - Tu vas le décourager, ce petit... Sportif (au « Nouveau ») - Oui, enfin... Ce n’est pas parce qu’il a droit à un logement, à des bons de transport et une layette offerte à chaque naissance que le sort du cheminot est si enviable. Vieux cheminot (au sportif ) - Mais arrête de lui coller le bourdon ! Nouveau (embarrassé) - Oh, moi, vous savez, je n’ai pas d’enfant, alors... Vieux cheminot (au « Nouveau ») - On ne roule pas sur l’or, mais on n’est pas malheureux pour autant... Ici, c’est une cité où les gens travaillent beaucoup. Alors, forcément, ça marque... Moi, j’ai toujours aimé bosser, et je loue l’entreprise qui m’a permis de faire ça ! Dans le chemin de fer, on peut sortir du rang si on est prêt à bosser. Sportif (au vieux cheminot) - Ne généralise pas ton cas, non plus. Vieux cheminot (au « Nouveau ») - Mon père était cheminot, mon frère était cheminot... Moi, j’ai fait l’école d’apprentissage à Tergnier. J’y suis entré comme apprenti à quatorze ans. Après mes trois années de formation, j’ai travaillé. Mais, j’ai tout de suite passé les examens pour devenir chef de brigade. Et puis, j’ai monté les échelons, un à un, jusqu’à devenir ingénieur... Toi, aussi, si tu t’accroches, tu peux grimper, petit... Grimper dans la pyramide de la hiérarchie. Nouveau (embarrassé) - Euh, oui... Chœur - Formez la pyramide !... Sportif (au « Nouveau ») - Si tu l’écoutes, tu vas même devenir pharaon ! Vieux cheminot (au sportif, se fâchant) - Ah, c’est malin! Sportif (au « Nouveau ») - Mais tu peux aussi te reconvertir... Tout le monde n’a pas envie de faire cheminot de père en fils. J’ai connu des gars qui ont flingué leur concours à l’école d’apprentis pour ne pas être pris. D’ailleurs, ils se sont drôlement faits houspiller chez eux ensuite ! Vieux cheminot (au « Nouveau ») - Ici, on est des maillons d’une chaîne. On fait partie d’un réseau. On a le même esprit. On travaille en équipe... Quand on a déjà fait les métiers de ses ouvriers, on arrive à les motiver davantage qu’un ingénieur polytechnicien. On comprend les problèmes. Je viens du milieu ouvrier, je n’ai jamais eu de soucis avec le personnel. Et puis, ayant démarré comme apprenti, je connais le terrain. Les diplômes, c’est bien joli, mais ça ne suffit pas. Sportif (au « Nouveau ») - En attendant, la cité, c’est bien beau, mais c’est un peu lourd aussi. Quand on est jeune, on a souvent envie d’en sortir... Moi, j’avais besoin d’ouverture, alors j’ai fini par travailler dans un autre secteur. Et me voilà prof de gym... Vieux cheminot (au sportif ) - Mais qu’est-ce que tu as ? Tu veux le débaucher ou quoi ? Sportif - Juste lui faire entendre un autre son de cloche... Vieux cheminot - Retourne donc à ta gym et laisse-nous tranquilles ! Nouveau (se voulant rassurant) – Ne vous inquiétez pas, je viens de commencer le métier. Alors, le temps que je change mon fusil d’épaule…

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CULTURE FERROVIAIRE

Scène 25 – « Tout se détricote » 1er habitant (arrivant, affolé, un journal à la main) - Vous avez vu ? Ils vont supprimer les CA pour mettre des Comités d’Entreprise à la place. 2e habitant - Et voilà ! La SNCF évacue le social. Tout se détricote... 3e habitant - Ils ont déjà, petit à petit, arrêté les activités « maison » : la musique, la natation... 2e habitant - Les cours de débrouillage, le jardin scolaire... 3e habitant - Ils ont même détruit la piscine. Nouveau - Quelle honte! Même, pas chauffée, elle pouvait encore servir. 3e habitant - Ce qu’on est en train de vivre, les gars, c’est la détérioration de la vie cheminote. 1er habitant - La fin de la vapeur, en 67, c’est ça qui a été le vrai début du déclin. 2e habitant - Je ne sais pas, mais en tout cas, avant, la SNCF embauchait de préférence les fils de cheminots. Maintenant, il vaut mieux s’en cacher. Nouveau - C’est quand même un comble ! 3e habitant - Ce qui faisait les cheminots, c’était de vivre en communauté. 1er habitant - Maintenant, la SNCF, c’est de plus en plus saucissonné. Du coup, c’est moins efficace. 3e habitant- En 70, ils ont fermé les ateliers et les dépôts de Laon. Beaucoup ont été obligés d’aller travailler à Aulnoye, Tergnier ou même vers Paris... Beaucoup de copains ont déjà quitté la cité. 1er habitant - Résultat, la population change, de nouvelles têtes arrivent. Nouveau - Comme moi, avant guerre, quand vous m’appeliez le « Nouveau ». 2e habitant - À part que, maintenant, c’est plutôt des non-cheminots. 3e habitant - L’ambiance n’est plus la même. Ils n’ont pas été élevés dans la cité comme nous. 1er habitant - Tout change. Souvenez-vous, à un moment, la SNCF s’est mise à encourager les cadres à habiter ailleurs. 2e habitant - D’ailleurs, les logements ont commencé à être gérés par une filiale. 3e habitant - Depuis des années, la SNCF revend des maisons à la ville. Nouveau - Ou à ceux qui veulent devenir propriétaires. 1er habitant - Enfin, propriétaire des murs, pas du terrain ! 2e habitant - C’est vrai, nos baraques, on ne peut ni les louer ni les revendre. 3e habitant - Quand le propriétaire meurt, on a obligation de laisser le terrain libre. 1er habitant - Les destructions ont commencé vers 79. Les premières baraques brûlées, ça a été un choc... 2e habitant - Quand mon père est mort, on a démonte la sienne pour faire place nette. Toute la famille s’y est mise, planche par planche... On en a jeté une partie à la déchèterie et on a brûlé le reste. Un vrai crève-cœur ! En démontant, on retrouvait les étapes, les extensions que mon père s’était bricolées... 3e habitant - Les plafonds des premières baraques étaient en papier goudronné, et les murs, à l’intérieur, étaient en toile de jute recouverte avec du papier collé. En démontant celles-là, on a retrouvé des journaux d’après 14-18... 1er habitant - Aujourd’hui, des baraques, il n’en reste plus que onze, alors qu’en tout, à une époque, ça a bien approché les cinq cents. 3e habitant - Ils voulaient en laisser une sur la cité, mais ils ont abandonné à cause des déprédations... Et puis, il y a aussi de l’amiante, alors forcément... Nouveau - C’est la fin d’une époque... Tout ça va disparaître quand les gens disparaîtront...

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TÉMOIGNAGES

Témoignage. La « cuisine centrale » des cantines SNCF pendant la guerre Acteur direct de la mise en place, début 1943, de la « cuisine centrale » chargée d’alimenter les cantines SNCF de Paris et de sa région (voir Les Rails de l’histoire n° 2, novembre 2011), Serge Bedu, contacté dans le cadre l’appel aux cheminots témoins de la Deuxième Guerre mondiale lancé par la SNCF en 2012, a accepté de nous en dire plus sur cet organisme disparu en 1949. L’interview de Serge Bedu sera accessible en ligne sur le site Mémoire orale de l’industrie et des réseaux : www.memoire-orale.org

Fin 1942, en réponse aux restrictions alimentaires chaque jour plus drastiques qui touchent les cheminots, au même titre que le reste de la population, Holoye, responsable de l’Économat de la région Sud-Ouest de la SNCF, propose – à l’exemple de ce qui se fait déjà au sein d’autres entreprises – la création d’une « cuisine centrale » qui aurait pour rôle de préparer et de distribuer aux cantines SNCF de Paris et de la Région parisienne des repas plus copieux et mieux équilibrés. Cette ambition exige, bien entendu, une organisation « industrielle » qui passe, en premier lieu, par la location des bâtiments, inemployés depuis le début de la guerre, de l’usine de charcuterie des Établissements Félix Potin implantée à La Plaine - SaintDenis au 3 bis, chemin d’Aubervilliers. Deux hommes sont désignés pour piloter le projet : Holoye en tant que directeur, secondé par Istria comme gérant. Ce dernier, adjoint au chef de la

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comptabilité du service Voie et Bâtiments de la Région Nord, s’entoure aussitôt d’une petite équipe de cinq personnes, dont Serge Bedu1 qui, plus particulièrement chargé de la partie administrative, reçoit pour première mission, le 2 janvier 1943, d’accompagner Istria à LevalloisPerret afin d’établir un rapport détaillé sur les rouages d’une cantine inter-usines privée. L’ « usine du Landy », ainsi communément désignée, se compose, outre les locaux abritant les réserves et les cuisines, et les quais de desserte automobile attenants, d’une vaste cour et d’une maison d’habitation donnant sur la rue. Autrefois attribué au directeur des lieux, ce pavillon est aussitôt investi pour servir de bureaux à la nouvelle cuisine centrale. Conservée dans l’état, la salle à manger voit passer nombre de visiteurs, dirigeants SNCF et autres hauts fonctionnaires et membres du gouvernement.

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La cuisine centrale commence sa production le 3 février 1943. Si la gestion administrative des opérations relève de la SNCF, la préparation des repas est confiée à des employés des Établissements Félix Potin rappelés pour l’occasion et placés sous l’autorité du chef Cheneau, aux fourneaux, avant guerre, d’un restaurant parisien réputé de la chaîne Potin. Un autre cadre de chez Potin, Ratzel, conserve la haute main sur les installations et le personnel. La procédure mise en place ne souffre aucun écart. Les cantines SNCF rattachées à la cuisine centrale – l’adhésion n’est pas obligatoire – répondent toutes à un code : série 100 pour celles 1- Né en 1920, Serge Bedu entre au Nord en 1936. En poste en 1942 à la comptabilité Voie et Bâtiments Nord, il participe à la mise en place de la cuisine centrale, qu’il quitte en avril 1946. Il termine sa carrière en 1976 à la direction des Installations fixes (subdivisions des caténaires) comme inspecteur honoraire.


TÉMOIGNAGES

de l’Est (101 cantine de la rue de Châteaudun, 102 cantine du faubourg Saint-Martin…), 200 pour celles du Nord, etc2. Chaque gérant, auquel a été fourni le menu de la semaine, est invité à communiquer par téléphone le nombre de repas dont il a besoin pour le lendemain3. Programmée à la minute près, l’heure des appels doit être impérativement respectée afin d’éviter tout embouteillage. L’impératif est de pouvoir remettre à Cheneau le nombre de repas à préparer avant 15 h 30 dernier délai. Outre la préparation des repas, ce dernier doit établir les bordereaux détaillant les ingrédients et les quantités entrant dans la composition des lots à emporter afin de permettre le règlement, chaque matin, des droits d’octroi qui commandent l’accès à Paris (démarche devenue hebdomadaire suite à un arrangement). Le transport des repas est assuré par le biais de « tines » en fonte d’aluminium. Chaque tine a une contenance de cinquante repas. Il ne s’agit pas ici de plateaux individuels mais de compartiments emboîtables contenant les quantités correspondant au nombre de repas demandés (qui peuvent être inférieurs à cinquante). La disposition des aliments dans les tines est immuable avec, de bas en haut, le compartiment des légumes, puis ceux des viandes, des entrées et des desserts. Les légumes et viandes sont expédiés chauds. Les tines sont chargées dans la matinée à bord de camions SNCF qui viennent se

garer le long des quais attenant aux cuisines, obéissant, eux aussi, à un horaire précis. Chaque camion dessert plusieurs cantines. Pour les plus éloignées, des arrêts sont prévus dans certaines gares pour une expédition terminale en train. Les tines qui correspondent aux repas du soir (et ne concernent qu’une partie des cantines) sont expédiées avec celles du midi. Au retour, les camions se chargent de ramener celles de la veille qui sont nettoyées et lavées sur place. L’usine du Landy se charge de la transformation des denrées brutes (abats en charcuteries, choux en choucroute, etc.). En cette période de pénurie alimentaire, rien n’est perdu. Ainsi, les os, soumis à ébullition, permettent d’obtenir des pains de graisse employés à la cuisson, puis, réduits en poudre, servent de compléments à l’alimentation du petit élevage de porcs situé à proximité et dont la cuisine centrale s’est assurée également l’exclusivité. Le gros avantage de la cuisine centrale est de pouvoir offrir aux cheminots des repas comprenant chaque jour des pâtes ou des légumes et, surtout, de la viande, ce que la grande majorité de la population, soumise au système des cartes et tickets de rationnement, ne peut se permettre. De fait, si les cheminots sont invités à accompagner le paiement de leur repas des tickets en leur possession, il est certain que ceux-ci ne couvrent pas les quantités réellement servies.

Se pose ici la question du ravitaillement de la cuisine centrale. Comme tout commerçant, celleci doit s’adresser au Service du ravitaillement général, seul habilité à délivrer les bons d’achat à présenter aux producteurs en fonction de ses besoins. Dès lors, on comprend mieux la tentation de la cuisine centrale de gonfler artificiellement le nombre des repas servis, ce qui, lors des contrôles (et elle en a connu plusieurs), donnait des sueurs froides à l’équipe en place. Les bons d’achat en poche, la cuisine centrale peut compter sur le réseau d’approvisionnement développé par Holoye pour l’Économat du Sud-Ouest en temps de paix. La cuisine centrale ne fournit ni le pain ni le vin, dont la fourniture continue de dépendre directement des cantines. La cuisine centrale a pu ainsi distribuer jusqu’à 50 000 repas par jour. Ce qui l’a conduite, fin 1943, à s’agrandir en louant les locaux (et le personnel) de la charcuterie alsacienne Dougoud, implantée à quelques centaines de mètres de là. Elle assure son rôle jusqu’au bout, y compris lors de la grève insurrectionnelle des cheminots d’août 1944. Le retour à un ravitaillement plus régulier ayant incité les cantines à reprendre leur autonomie, elle interrompt définitivement son activité le 1er octobre 1949. 2- 100 Est, 200 Nord, 300 Ouest, 400 Sud-Ouest, 500 Sud-Est, 600 directions générales et services centraux, 700 divers. 3- Quelques cantines se contentent de commander des denrées brutes qu’elles se chargent d’accommoder elles-mêmes.

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PORTAIL DES ARCHIVES

Jeu de piste dans les archives à la recherche de Robert Cloarec, mort pour la France L’AHICF s’est tournée depuis deux ans vers une approche de l’histoire et de la mémoire de la Deuxième Guerre mondiale par l’histoire des individus, à travers un appel à témoins donnant lieu à plus de 200 entretiens enregistrés bientôt en ligne (voir plus haut l’histoire de Serge Bedu) et un dictionnaire biographique des cheminots victimes de la répression, projet collectif qu’elle coordonne. Ces travaux font appel à des archives très différentes, mais aussi… au flair du chercheur. Cécile Hochard

Nous décrivons ici l’itinéraire suivi pour retracer la biographie d’un cheminot fusillé pendant l’Occupation allemande. Ce jeu de piste combine une connaissance des ressources archivistiques et bibliographiques de la Deuxième Guerre mondiale et une part de hasard. C’est lors d’un travail sur les évadés de France que nous est apparu pour la première fois le nom de Robert Cloarec, au détour d’un site associatif consacré au réseau d’évasion dirigé, au départ de Carantec (Finistère), par Ernest Sibiril, constructeur de bateaux. Ce site donne la liste des évadés et les dates de leur départ pour l’Angleterre. Parmi eux figurent six aviateurs alliés, dont Ernest T. Moriarty, qui est parvenu à déclencher son parachute le 8 mars 1943. Une requête sur le site des archives nationales américaines où les dossiers de « debriefing » des aviateurs rentrés ont été récemment mis en ligne (cote : ARC Identifier 305270/ MLR Number UD 133) a mis au jour un rapport d’une « Melle Lucienne » résumant les circonstances de son départ pour l’Angleterre, depuis l’hébergement du sergent Moriarty à partir du 13 mars 1943 jusqu’à leur traversée commune à bord du Jean, le 30 mars, ainsi qu’une coupure de presse avec une photo de Lucienne dont la légende précise que son frère « fut fusillé comme otage ». Un autre document donne le nom de Lucienne : Cloarec. Le rédacteur du site associatif nous ayant

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précisé que le frère de Lucienne Cloarec, alors toujours en vie, Robert, était cheminot, nous sommes partis à sa recherche. Comment procéder ? En 2010, la Fondation de la Résistance a publié une fiche synthétique, disponible en ligne, décrivant les principaux services d’archives dans lesquels il était possible de trouver des renseignements sur un parent résistant : le Service historique de la Défense – avec le Bureau Résistance (situé à Vincennes) et la Division des archives des victimes des conflits contemporains (à Caen) – et les services départementaux de l’ONAC (Office national des anciens combattants et victimes de guerre) qui conservent les dossiers de « Combattant Volontaire de la Résistance ». Dans le cas d’un cheminot s’ajoutent ceux de la SNCF qui, en janvier 2012, a publié un Guide de recherches sur la Seconde Guerre mondiale, 19391945 détaillant les inventaires des fonds conservés par le Centre des archives historiques (Le Mans), dont les documents correspondants ont été numérisés et mis en ligne le 15 mars de la même année. Parmi eux, le versement 118LM du Service central du personnel contient de très nombreux documents relatifs aux agents prisonniers de guerre, envoyés au STO (Service du travail obligatoire) ou encore victimes de la répression. La consultation de ces documents – constitués principalement de fichiers établis après la fin de la guerre – a permis de retrouver le nom de Robert Cloarec à deux reprises. Une fiche conservée dans le dossier 118LM110/2 nous fournit des informations d’état civil (né le 11 novembre 1912 à Toulon), son adresse et des données synthétiques sur sa carrière à la SNCF : entré le 9 mars 1937, il occupait un poste d’aide-ajusteur aux Ateliers Quatre-Mares à Sotteville-lès-Rouen. Enfin, elle apporte des précisions sur son arrestation et son exécution : arrêté le 22 mai 1942 pour un motif inconnu (la mention de « port d’armes » a été ajoutée ensuite), détenu à la maison d’arrêt de Rouen, il est exécuté le 28 août 1942 au Grand-Quevilly. La fiche porte enfin la mention de « Mort pour la France ». Le dossier 118LM093/6 relatif aux « Agents membres des Forces Françaises de l’Intérieur tués hors service


PORTAIL DES ARCHIVES

par faits de guerre (1939-1945). Agents de la Région Ouest » contient une autre fiche à son nom (ci-contre). Elle dispense les mêmes informations que la précédente, mentionne en outre l’adresse de madame Cloarec mère à Morlaix et nous apprend que Robert est considéré comme un « agent de la SNCF FFI signalé comme ayant été fusillé après le 25.6.40 ». Une demande au Centre d’archives multirégional de la SNCF à Béziers, qui conserve les dossiers de carrière et de pension éteintes, a permis l’accès à un dossier exceptionnel de 65 pages de documents relatifs aussi bien à sa carrière qu’à l’établissement d’une pension en faveur de sa mère. On y apprend notamment qu’il commença sa carrière, après une formation technique précoce et un engagement de cinq ans dans la marine, au dépôt de Saint-Brieuc avant d’être affecté au dépôt de Brest, où il est « commissionné » en mars 1939, puis détaché aux Constructions navales à Brest du 5 juin 1939 au 18 juillet 1940, comme beaucoup de cheminots du Matériel qui ont rejoint les industries de guerre. Après un bref retour au dépôt brestois, il est nommé ajusteur-monteur à Sotteville Quatre-Mares le 4 septembre 1940, à l’atelier de chaudronnerie. Concernant son arrestation et son exécution, ces documents nous apportent peu d’informations nouvelles, si ce n’est une lettre adressée au Procureur de la République de Rouen par un responsable des ateliers de Quatre-Mares précisant que Robert Cloarec a été fusillé en même temps que René Béchepay, ajusteur à Quatre-Mares. Sortons de la SNCF pour consulter les sources conservées par la Division des archives des victimes des conflits contemporains, à Caen. On y trouve un dossier au nom de Robert Cloarec rempli par sa mère, Anne-Marie, afin d’obtenir pour son fils le titre d’« Interné Résistant ». Ce sont ces documents qui nous fournissent les informations les plus détaillées concernant l’arrestation et l’exécution de Cloarec. Il y est précisé qu’il fut arrêté le 22 mai 1942 par la « Gestapo », « lors d’une réunion clandestine de son groupe de résistance » et condamné à mort le 25 août 1942, sans motif officiel sauf qu’« une perquisition dans sa chambre a fait trouver un outil spécial pour déboulonner les

5Fiche nominative établie par le Service du personnel de la SNCF, CAH SNCF, 118LM093/6

rails et un révolver ». Ce dossier contient également diverses attestations d’appartenance à des groupements de résistance : aux FFI, comme FTP du 1er janvier au 22 mai 1942 (certificat délivré le 29 juillet 1947), à Résistance-Fer depuis janvier 1942 (attestation du 25 août 1948) et l’obtention du grade de sous-lieutenant des Forces Françaises Combattantes. On y trouve enfin une copie de la dernière lettre de Robert Cloarec à sa famille. « Chère maman, sœur et cousines, Je vais être exécuté ce soir sans avoir pu vous voir. Je suis très courageux et ai vu le prêtre et communié, et c’est l’aumônier allemand qui va m’assister jusqu’au dernier moment ; mes dernières pensées auront été pour vous ; j’ai la paix avec Dieu et le monde. Bons baisers à tous. Adieu. Votre fils, frère et cousin. Robert. » Les Rails de l’histoire, n° 5 - novembre 2013

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Puis, pour la deuxième fois, une part de hasard entre en jeu. En lisant l’ouvrage de Pierre Laborie, Le Chagrin et le venin, nous retrouvons, p. 250, le nom de Robert Cloarec. Dans un paragraphe sur les signes de non-consentement face à l’occupant, Laborie accorde une place « aux rassemblements silencieux qui se forment spontanément à l’occasion des enterrements de victimes » et évoque celui de Cloarec objet d’une « manifestation silencieuse spectaculaire face aux Allemands ». Il renvoie à l’ouvrage d’Antoine Lefébure, Les Conversations secrètes des Français sous l’Occupation, paru presque vingt ans plus tôt ; ce dernier cite longuement, p. 303-305, un courrier envoyé à la BBC par Lucienne le 5 octobre 1942, mais intercepté par les services de la censure, dans lequel elle raconte la disparition de son frère. Elle y reproduit sa dernière lettre et évoque un avis de service paru dans les journaux, annonçant un « service religieux […] célébré à 10 heures le 11 septembre 1942 pour le repos de l’âme de Robert Cloarec, décédé à Rouen à l’âge de vingt-neuf ans ». C’est à ce stade de nos recherches qu’un troisième outil intervient : l’Internet. Sachant que la famille Cloarec habitait Morlaix, il était probable que cet avis de service soit paru dans L’Ouest-Éclair, et nous l’avons retrouvé en 2010 dans l’édition brestoise du quotidien, sur le site du journal OuestFrance. Les recherches sur le net sont surtout utiles et indispensables pour assurer la perpétuation de la mémoire. Au premier rang des outils concernant les cheminots, il faut consulter le site de l’association Rail et Mémoire qui rédige et met en ligne des notices biographiques de cheminots victimes du nazisme. Robert Cloarec n’y apparaît pour l’instant que dans la notice consacrée à René Béchepay. Le site Mémorial GenWeb, consacré aux « relevés de monuments aux morts, soldats et victimes civiles, français et étrangers, tués ou disparus par faits de guerre, morts en déportation, ‘Morts pour la France’ » permet de retrouver quatre monuments ou plaques sur lesquels figurent le nom de Robert Cloarec. Ils se trouvent au Grand-Quevilly sur le site de l’ancien stand de tir du Madrillet où eut lieu l’exécution, dans le hall de la gare de Rouen

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Rive-Droite, dans la cour de l’immeuble de la fédération de Seine-Maritime du parti communiste français à Rouen, et sur le monument aux morts du cimetière de Sotteville-lès-Rouen, non loin des Ateliers de Quatre-Mares. Un troisième site particulièrement dédié « Lieux du souvenir ferroviaire », auquel œuvrent le Cercle généalogique des cheminots, Rail et mémoire et l’AHICF, est en en cours d’élaboration. Nous pouvons finalement dresser un tableau, certes lacunaire, de la carrière à la SNCF, des activités résistantes de Robert Cloarec, des circonstances de son arrestation et de son exécution, alors que nous ne disposions au départ que d’une allusion à un « frère fusillé comme otage ». Le travail actuellement entrepris par l’équipe du Livre-Mémorial des cheminots victimes de la répression, dirigée par Thomas Fontaine, permettra sans doute d’enrichir les données actuellement disponibles. Lucienne Cloarec s’est éteinte au mois de février 2013, à l’âge de 98 ans. Fiche Fondation de la Résistance : http://www.fondationresistance.org/pages/accueil/ images/recherchesfamilialesvdef.pdf Archives américaines : http://www.archives.gov/ dc-metro/college-park/, recherche en ligne : par mot clé « Escape and Evasion Reports » puis « Moriarty » Archives SNCF : http://www.archives-historiques. sncf.fr/spark_archives/spark/login Musée : http://evasions.par.mer.carantec.filiere.sibiril.over-blog.com/ Site d’un chercheur privé publiant la liste des membres des réseaux d’évasion français cités par les aviateurs rentrés : http://wwii-netherlands-escapelines.com/french-helper-list/, voir « Cloarec » Rail et Mémoire : http://railetmemoire.blog4ever. com/ GenWeb : http://www.memorial-genweb. org/~memorial2/html/fr/resultpatro.php - Pierre Laborie, Le Chagrin et le venin. La France sous l’Occupation, mémoire et idées reçues, Paris, Bayard, 2011. - Antoine Lefébure, Les Conversations secrètes des Français sous l’Occupation, Paris, Plon, 1993.


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Archives exposées Régions et départements, ces derniers « autorités organisatrices » des chemins de fer qui portaient leur nom sous la Troisième République, manifestent un regain d’intérêt pour un type de transport qui répond à deux préoccupations actuelles majeures : l’énergie et l’écologie. La preuve en est, outre le programme d’événements et de publications par lequel la Bretagne commémore le 150e anniversaire de l’arrivée du rail à Saint-Brieuc, Guingamp et Quimper1, en attendant Brest dans deux ans, les trois expositions réalisées par les archives départementales de la Somme à Amiens (Prochain arrêt, la Somme. Trois siècles d’histoire des chemins de fer, 15 septembre 9 décembre 2012), du Morbihan à Vannes (Sur les rails du Morbihan 1850-1947, 15 juin - 19 avril 2013) et de la Sarthe au Mans (L’Aventure du rail en Sarthe, des origines à la régionalisation, 5 juillet 15 septembre 2013), lesquelles ont obtenu l’appui inconditionnel des collectivités locales, en premier lieu de leur conseil général respectif. Elles ont donné lieu à la publication de beaux catalogues, véritables miroirs des documents insoupçonnés qui dorment dans les réserves des archives locales (tant départementales que municipales ou autres) dans l’attente de leur exploitation. Soulignons ici la contribution croissante apportée à ce type de manifestation par les Archives historiques de la SNCF, établies au Mans. Outre une forte collaboration apportée à L’Aventure du rail en Sarthe, elles ont été sollicitées par le Conseil général du Val d’Oise (au même titre que les Archives départementales du Calvados et de la Seine-Maritime) pour l’élaboration de l’exposition Terminus, la mer !, qui s’est tenue au château d’Auvers-sur-Oise du 30 mars au 1er septembre 2013. Consacrée à l’essor 1- Sur les manifestations organisées à Guingamp (http://www. cc-guingamp.fr/accueil/infos/150ans-train.pdf ) et à SaintBrieuc (http://medias.tourism-system.fr/6/c/87623_depliant_ expo-train.pdf ). Page SNCF : http://www.sncf.com/fr/presse/ fil-info/150ans-guingamp-quimper. Publication : Jean-Pierre Euzen, L’Arrivée du chemin de fer en Bretagne Nord, Riveneuve éditions, juin 2013, 124 p.

5Aux portes de la ville du Mans, l’abbaye de l’Épau a servi d’écrin à l’exposition L’Aventure du rail en Sarthe. Photo Sylvère Aït Amour.

balnéaire aux XIXe et XXe siècles, cette exposition a notamment permis aux Archives historiques de la SNCF de mettre en lumière leur importante collection d’affiches touristiques. Quoique moins visible, l’apport de l’AHICF n’en est pas moins réel, même si elle est sollicitée loin en amont des productions (notamment pour l’élaboration de bibliographies). Autre façon pour nous de participer à ce mouvement qui multiplie les ouvrages de qualité et développe l’intérêt du public pour nos sujets : la journée d’étude L’Aventure du rail dans l’Ouest de la France : réseaux, hommes et métiers organisée 13 septembre 2013 à l’abbaye de l’Épau, sur les lieux même (et en appui) de l’exposition L’Aventure du rail en Sarthe. Ces ouvrages son présents dans le fonds documentaire de l’AHICF : - Florence Charpentier, Xavier Daugy, Elise Franque, Prochain arrêt la Somme. Trois siècles d’histoire des chemins de fer : Exposition du 15 septembre au 9 décembre 2012, Archives départementales de la Somme, 2012, 27 p. - Stéphanie Catteau, Florent Lenègre, Bénédicte Piveteau, Sur les rails du Morbihan 1850-1947, Archives départementales du Morbihan, 2012, 120 p. - [coll.], L’ Aventure du rail en Sarthe : des origines à la régionalisation : Catalogue de l’exposition, Conseil Général de la Sarthe, 2013, 160 p. - Marie Cécile Tomasina, Henri Zuber, Terminus la mer! : Exposition à l’Orangerie sud du Château d’Auvers, SEM Château d’Auvers, 2013, 30 p.

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De Paris à Bordeaux en train, 1938-2013 Des concessions au PPP : de l’histoire aux enjeux actuels Journée d’étude - 6 décembre 2013 Journée d’étude organisée par le Groupe de recherche en économie théorique et appliquée (UMR CNRS 5113 GRETHA - Université de Bordeaux 4) et l’Association pour l’histoire des chemins de fer (AHICF)

L’objectif de cette journée d’étude est de rappeler une date anniversaire, celle des 75 ans de l’arrivée du premier train électrique reliant Paris à Bordeaux en décembre 1938, afin de nourrir des réflexions et des débats sur l’évolution actuelle du réseau ferroviaire et ses conséquences régionales. Le réseau ferroviaire desservant la plate-forme bordelaise sera abordé dans ses dimensions techniques, en étudiant l’évolution des investissements, des chantiers, des compétences et savoir-faire, et des cultures professionnelles. On abordera les différents regards portés sur l’infrastructure nouvelle (attentes, portée symbolique, images associées), pour reconstituer les différents acteurs et groupes d’acteurs à l’œuvre dans la décision et la conduite du projet. On soupèsera la réception des innovations et lignes nouvelles par les différents groupements d’intérêt locaux et régionaux. On analysera les procédures juridiques et les moyens de financement et de gestion. En tant qu’axe de transports interrégional, l’histoire de la ligne concerne l’histoire économique, le droit public économique (celui des concessions, des PPP, du service public), l’histoire financière (des plans d’investissements), l’histoire du système technique ferroviaire et l’histoire des énergies sont également conviés. Enfin, l’histoire de l’organisation des firmes, l’histoire des métiers et des savoir-faire ont leur place dans le débat, ouvert sur la notion de « modernité ferroviaire ». La journée d’étude est accueillie par les Archives départementales de la Gironde 72-78 cours Balguerie Stuttenberg, 33300 Bordeaux Entrée libre

4Plus d’infos sur www.ahicf.com

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ACTUALITÉS DE L’AHICF

Réinventer le tramway ? Quarante années de TCSP, tramways et transports guidés en France : controverses et réalisations Séminaire proposé par l’AHICF et l’Axe « Architecture des Territoires » de l’UMR AUSser n° 3329 / CNRS Inscriptions : seminaire_tramway@ahicf.com

Année 2013-2014 : « Le tramway comme projet urbain » Séance 4 : mercredi 11 décembre 2013 – 14 h-17 h École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Belleville, 60, boulevard de la Villette, 75019 Paris (M° Belleville) L’intercommunalité, un accélérateur pour le tramway Le compromis politique et territorial autour des transports Séance 5 : jeudi 13 février 2014 Reçue par la Maison de la RATP, salle LIPS, 54, quai de la Rapée, 75012 Paris (M° Quai de la râpée, Bercy, gare de Lyon, RER, train, bus gare de Lyon). Journée d’étude sur le tramway en Seine-Saint-Denis 10 h - 12 h 30 – Séminaire « La Région parisienne, territoires et cultures » Les tramways et leur impact urbain : l’exemple du T1 14 h - 17 h – Séminaire « Réinventer le tramway ? Quarante années de TCSP, tramways et transports guidés en France : controverses et réalisations » Projet politique et enjeux sociaux : Le tramway en Seine Saint-Denis

4L’enregistrement des interventions sera disponible en ligne sur le site www.ahicf.com

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