CITÉ
IKKYU LE MAÃŽTRE DE BALLANTRAE CHOC
BONE
MONKEY BIZNESS
Ce fanzine a pour objectif de partager mon amour de la BD.
Le nom Cité invisible renvoit à l'espace entre les cases, cet espace que l'on ne voit pas mais qui existe.
n°1 Février 2017.
BONE BONE l’intégrale publié chez Dupuis, par Jeff Smith.
La vieille ville
L es
bones, personnages principaux de cette œuvre, sont résolument étrangers à l’univers dans lequel ils évoluent et à ses habitants, par leur apparence et donc de leurs habitants. Le début du récit est différent de la fin par son traitement graphique, le trait évolue avec le ton de l’œuvre. Nous impliquant toujours davantage dans une histoire pleine de rebondissements et au bestiaire varié et original. Allant de la «bestiole» au vieux tavernier grognon
en passant par les rats-garous. Récit en noir et blanc, Jeff Smith joue parfaitement avec les valeurs pour nous faire voir ce que l’on doit voir et deviner ce que l’on peut. On y découvre les bones chassés d’un monde décrit comme cartoonesque, qui se retrouvent en se perdant dans un pays ou les règles
sont complètement différentes, mais plus que de simples touristes qui observent, ils prendront part au récit en tant qu’intermédiaires entre nous, lecteur, et le récit. Sans spoiler, ils arrivent en même temps que certains événements dans la «vallée» et vont devoir en plus de découvrir le monde dans lequel ils évoluent, comprendre son histoire, ses mécanismes et les changements qui s’y opèrent. Les bones de-
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9 viennent ainsi directement le lien entre les lecteurs et l’univers de BONE, nos ambassadeurs dans la «vallée», avec nos qualités bien sûr, mais aussi notre naïveté, notre incompréhension et tous les défauts inhérents au genre humain. Cette épopée est aussi l'occasion pour nous d’apprécier purement et simplement un récit qui s’étend sur plusieurs années, avec son lot d’humour, de person-
nages iconiques à qui il arrivera des péripéties que vous ne pourriez imaginer dans un univers où se déroule un scénario que vous ne sauriez réprouver. Le trait est efficace, sombre et élégant à la fois. Ces trois qualités étant rarement réunies dans une seule œuvre. Le découpage audacieux nous permet d’entrer dans une couche supérieure du récit, nous emmenant dans un autre niveau de lecture qui prendra tout son sens avec l’œuvre et le temps que l’on lui donne.
IKKYU IKKYU Livre 1 publié chez Vent d’Ouest, par Sakaguchi.
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L'ambassade
KKYU fait parti de ces œuvres retraçant la vie de personnages semi - fictifs, quasi mythiques et déifiés par certains. En effet ce petit homme est à l’image du manga en 6 tome, retraçant la vie entière du moine, pleine d’humanité. Moine décadent et vagabond de son temps, il cherche le bonheur et ne le trouvant pas par lui même, il va à la rencontre de maîtres qui, tous
différents, apportent chacun leur pierre à l’édifice. Sa quête prendra fin avec sa plénitude. Troublant au début, ce manga frappe par sa beauté, son trait, son découpage, son cadrage, tout y est magnifique. Mais l’on peut s'y perdre et, malgré l'envie d’aller rapidement découvrir la suite de son parcours, il faudra un peu de
temps pour replacer les éléments nippon dans le contexte du récit. En effet, certains éléments évoqués sont peu connu par la culture occidentale et pourront parfois dérouter. Mais grâce à son développement lent, l’on finit par s'adapter à son rythme et, après la première frayeur, apprécier ce manga comme il se doit. Telle une promenade où l’on apprend que ce que l’on cherche n’est pas forcément ce que l’on
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13 veut trouver. La seule façon d’avancer est de trébucher. Cette leçon d’humanité, IKKYU nous l'apporte en douceur. Afin de manier tant de thèmes dans son œuvre, Sakaguchi s'est adonné à la réalisation de 6 tomes. Ainsi la traversée est paisible et agréable, tout comme l’épopée de ce personnage fils de samurai, moine, mendiant et philosophe : à la manière d'un SIDDHARTHA japonais. IKKYU étire le temps, nous le fait ressentir et nous le fait comprendre. Et par la même, il nous transporte avec un personnage auquel on s’identifie facilement. Il est une feuille blanche sur laquelle chaque chose traversée laisse une empreinte qui, loin de le froisser, va l’enrichir grâce à la diversité. Comme tout un chacun.
MONKEY BIZNESS
MONKEY BIZNESS Livre 1, publié chez 619, par Pozla au dessin, Eldiablo au scénario, Miaw et Polza pour la couleur exepté un chapitre colorisé par Claire Mandel.
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Les égouts
stérix et Obelix ont mal tournés, cela pourrait qualifer Hammerfist et Jack Mandrill, le duo de MONKEY BIZNESS. La combinaison classique des archétypes : le grand calme et le petit nerveux, ici utilisés pour porter l'humour comme palliatif. Rien n'est épargné, cela est propre au post - apo et aboutit avec des personnages aussi violents que leur environnement. Rocambolesque, sauvage, immoral, et pourtant on ne peut s’em-
pêcher de les regarder avec affection. Cela peut - il être dû à la narration de haute volée ? Ou bien la facilité avec laquelle le dessin introduit des élément de la culture commune ? Ceci afin de nous laisser des jalons auxquels nous raccrocher pour ne pas se perdre dans un univers loufoque mais terriblement cohérent et constant.
Si l'on ajoute des couleurs expressives à un trait qui l'est tout autant, on obtient un univers plausible mais complètement différent du nôtre. Complètement ? Non, car la satire certes est très présente, sait se faire assez discrète pour ne pas prendre le pas sur l'histoire. Les jalons de pop culture disséminés ça et là ont aussi un autre intérêt. En les détournant, les auteurs créent un dé-
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17 calage entre le su et le vu. Ainsi ils nous amusent en les tordant afin de les accordés avec un univers qu'ils participent eux - mêmes à définir. La violence est omniprésente mais avec le recul induit par le dessin, certes expressif, mais respectueux des grands principes de l'anatomie, la dérision est au rendez - vous. Le décalage est possible car les cases sont toujours à l'échelle des "héros". Sans trucages et avec franchise, dévoilant les personnages : ce qu'ils sont, ce qu'ils nous font ressentir et notre plaisir coupable à les voir tout saccager. MONKEY BIZNESS est une pépite pour les chasseur de références, discipline à part entière, ou certains en repéreront un hommage à la trilogie Nicopol de Bilal dès les premières pages. En bref, du bien bel ouvrage.
LE MAÎTRE BALLANTRA Le maître de Ballantraë Livre 1, publié aux éditions Denöel, par Hippolyte.
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Le port
u’est ce qui fait le charme d’une BD ? Il existe autant de réponses à cette question qu’il n'y a de lecteur. Mais avec certaines BD on saisi ce qui nous plaît d’instinct même ce n’ est pas descriptible. C’est le cas avec LE MAÎTRE DE BALLANTRAË. Dont la préface nous apprend que l’auteur a voulu faire un hommage à Stevenson ( l’oeuvre est en quelque sorte une adaptation ) car
ce sont ses livres qui l’ont fortement marqués quand il était plus jeune. C’est peut être ça la force du Maître, la passion, on la sent dans chaque petite tache, chaque petit trait. Au - delà de la beauté de l’aquarelle, on ressent une version et une perception bien particulières de ses aventures. Et comme toutes les bonnes histoires
celles - ci ne demandent qu’à être racontées. Je ne veux pas vraiment analyser ce que nous confie Le Maître mais je peux essayer de vous y intéresser. 1745 écosse, voici l‘histoire de deux frères maudits. Ces frères, tout les oppose, l’un est violent et charismatique, l’autre gentil et résigné. Un jeu de pile ou face va sceller leurs destins. On suit leur combat non pas l’un contre l’autre, comme on pourrait se
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21 laisser penser, mais contre ce destin qui s’est joué avec les deux faces d'une pièce. On apprend à mesure à les apprécier l’un comme l’autre avec leurs forces mais aussi leurs faiblesses. Un mélange qui les rend terriblement humain, et terriblement est le terme adéquat ; car tout ira de mal en pis. Et pour ne rien gâcher du plaisir, ceci n’est que le premier livre d'une histoire en deux tomes.
CHOC CHOC Livre 1 publié aux éditions Dupuis, par Éric Maltait au dessin, Stéphan Colman au scénario et Éric Maltait et Lady C. à la couleur.
Les beaux quartiers
L’
un des méchants de BD qui mériterait de faire jeu égal avec le Docteur No. Créé par le duo Rosny et Will, le dirigeant de la Main Blanche raconte ici via flashbacks et pèlerinage, sa genèse. Comment devient - on un génie du mal à l’éthique complexe mais existante? Un récit au premiers abords doux et convenus se révèle bientôt une histoire dramatique et violente, très violente. Une histoire ne pas mettre
entre toutes les mains. Ici pas question de Tiff et Tondu, du moins pas dans les deux premiers tomes. Cela nous permet de mieux apprécier les facettes d’un «méchant» emblématique de la BD franco-beige, sans
être gêné par la présence de deux héros charismatiques. On peut alors plonger avec Choc dans son passé et découvrir un trait qui opposera clairement le présent de Choc à esthétique froide et claire, comme si sa clairvoyance sur la race humaine était au prix d’un détachement total de celle- ci. À un environnement plus chaud et terriblement plus sauvage durant son enfance. Oui ! Les malheurs commencent tôt. On pourrait se dire que c’est un plaisir malsain d'observer progressivement un personnage glisser vers l’état paranoïaque et manipulateur qu’on lui connait aujourd’hui. Paradoxale-
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ment, c'est avec un réconfort étrange qu’on le verra s’endurcir jusqu’à se renfermer pour plus de sécurité. Choc est donc le produit de son environnement, un monde violent où si l’on n’est pas fort, il faut être malin pour survivre. Et par là même se tracer un avenir dont on restera prisonnier pour le restant de sa vie.
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Fanzine réalisé par Igor Gbiorczyk-Morel, Sans autre légitimité aucune si ce n'est un amour sincère de la BD. igor.gbiorczyk.morel@gmail.com