Le malaise environnemental

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Une idée à laquelle on a donné une mission

Nous sommes un groupe qui discute, réfléchit et prend position devant les nombreux défis auxquels la société québécoise et canadienne fait et fera face dans l’avenir. Nous sommes une organisation à but non lucratif, indépendante et non part isane. Nous partageons la volonté d’avoir un impact positif sur notre société et cherchons à y jeter un regard nouveau. Nous sommes convaincus de la nécessité de s’impliquer au sein du débat public. Conscients de l’apport de la diversité et de l’ouverture aux autres, nous prônons le respect envers les opinions divergentes et croyons en la créativité et l’innovation qu’elles engendrent. Nous croyons que l’échange et la mise en commun de points de vue généreront des idées nouvelles qui mèneront à un projet de société. Nous sommes ouverts d’esprit et examinons chaque question en tenant compte des différents points de vue, sans parti pris au préalable. Nous faisons partie de la génération montante et désirons offrir à cette génération un espace dans lequel elle peut s’affirmer. Nous voulons également bâtir un pont entre notre génération et celles qui la précèdent .

GÉNÉRATION D’IDÉES 01 02 04 06 08 10 12 14 16 18 20 21

Présentation // Gedi Article de Geneviève Lamothe // Commentaire de Gilles Châtillon Article de Pierre-Luc Déry // Commentaire de Errol Duchaine Article de Danic Champoux // Commentaire de Dany Laferrière Article de Annie Roy ÉDITORIAUX Article de Jean-David Tremblay-Frenette // Commentaire de André Caillé Article de Mikaël Charette // Commentaire de Daniel Audet DÉBAT // Articles de Jean-François Sylvestre et Marc André Bodet // Commentaire de André Larocque Article de Bernard Fleury // Commentaire de Johanne Brunet Article de Marianne Girard Article de Nicholas Cerminaro

www.generationdidees.ca Tous droits réservés. Dans Génération d’idées, la forme masculine désigne, lorsque le contexte s’y prête, aussi bien les femmes que les hommes. La rédaction se réserve le droit de ne pas publier un texte soumis ou de le réduire. Les textes publiés ne réflètent nullement l’opinion de la rédaction, ni de Génération d’idées, mais bien celle de leurs auteurs. Les textes signés GEDI n’engagent que les fondateurs de Génération d’idées. Fondateurs : Paul St-Pierre Plamondon, Mélanie Joly et Stéphanie Raymond-Bougie

CRÉDIT PHOTO DE LA COUVERTURE: www.tungstenvisuel.com

ISSN // 1916-8381 Dépôt légal // 3e trimestre 2008 // Bibliothèque nationale du Québec // Bibliothèque nationale du Canada Conception graphique // GODRODESIGN // www.godrodesign.com


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Participons à notre génération d’idées

Quatre mois après la parution de la première publication de Génération d’idées – Sortir des rangs, nous vous présentons la deuxième édition sous le thème de l’environnement –Le malaise environnemental. Vous avez répondu en grand nombre à l’invitation que nous vous avions lancée. En effet, le thème a été sélectionné suite aux nombreux textes que nous avons reçus portant sur l’environnement. Sans l’ombre d’un doute, il s’agit d’un sujet au cœur des préoccupations de notre génération. La publication de Génération d’idées permet d’aborder des réflexions sur des sujets qui nous touchent tout en élaborant des solutions concrètes. Dans ce contexte, nous vous invitons à pousser votre réflexion, à exercer votre sens critique et à mettre en œuvre les solutions proposées dans ce numéro. Par ailleurs, depuis son lancement le 14 mai dernier, Génération d’idées a décidé de structurer davantage sa démarche. Dans ce contexte, nous avons mis sur pied six comités (rédaction, artistique, technologie, financement, communication et distribution) et avons mis l’accent sur les créations des artistes de notre génération. Vous avez probablement remarqué que nous avons choisi la vente plutôt que la gratuité de notre publication dans un but avoué de survivre ! Nous mettrons également sur pied un système d’adhésion au « mouvement Génération d’idées » sur notre site Internet : www.generationdidees.ca. Vous pourrez ainsi recevoir « Génération d’idées » dans le confort de votre maison. Nous sommes convaincus que ces changements sauront faire écho à notre mission. Toujours dans l’objectif de susciter la participation des 25-35 ans, nous vous informons dès maintenant du thème de notre prochaine édition : Les défis du vieillissement de la population. Nous vous demandons de prendre position et de proposer des changements et des solutions aux enjeux reliés à ce changement démographique : retraite forcée, transmission du savoir, caisse de retraite, coûts reliés à la santé, maison intergénérationnelle, etc. Par ailleurs, si un autre sujet vous passionne, nous réservons toujours une place à la diversité et croyons essentiel de publier tout bon texte ou œuvre qui génère des idées intéressantes. N’oubliez pas que Génération d’idées est votre plateforme et que vous pouvez y contribuer tant sur le fond (en produisant des textes, des oeuvres et en utilisant le blogue) que sur la forme (nous sommes à la recherche de bénévoles, d’artistes, de responsables de comités, de réviseurs et bien évidemment, de financement).

Que la force soit avec vous

GEDI CRÉDIT PHOTO : Segue Lepage « Le Contempleur » (oeuvre réalisée à partir de matériaux recyclés) Génération d’idées est né de l’investissement en temps, en énergie et en réflexion d’une panoplie de personnes passionnées. Le projet est également le fruit de nombreux conseils, rencontres impromptues et discussions animées.Voilà pourquoi nous tenons à remercier toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de ce deuxième numéro : François Tremblay, Samuel Noël, Annick Gaudreault, Manon Roberge, Carole Villemaire, Janie Gadbois, Karine Charbonneau, Renée-Catherine Bouchoux, Christine Kaesch et Andréanne Michon. Merci à tous nos collaborateurs, mentors, bénévoles, artistes et donateurs qui croient en ce projet. Merci également à toutes les personnes qui nous sont chères et qui nous entourent.

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La génération des // Commentaire Une planète viable : un monde plus équitable. Des prédicateurs apocalyptiques nous somment de nous

« Et toi,

tu culpabilises devant ton miroir, en te brossant les dents, alors qu’un filet d’eau coule de ton robinet »

comporter en « écocitoyen », sous peine de sacrifier les générations futures. À trop crier au loup, on paralyse une juste analyse de la situation. Le tableau inquiétant de l’état de la planète, présenté en ultimatum par Geneviève Lamothe, impose une approche faite de rigueur, loin d’une vision catastrophique, élitiste ou régressive. Pondérons ces cris d’alarme. Lesquelles des activités humaines ou des cataclysmes naturels pèsent le plus sur les misères de notre planète ? Pour l'essentiel, il n'y a pas de développement soutenable et équitable, sans que les dimensions humaines, culturelles et sociales n'éclairent les décisions économiques et politiques. L’homme doit gérer la Terre avec en tête cinq priorités : la santé, la beauté, le partage et la pérennité. L’objectif de la productivité sera donné par surcroît. Tous sont invités à prendre acte pour une planète viable et un monde plus équitable. Et surtout, le partage du bien-être et de la richesse – en plus de tempérer la cupidité des uns – s’impose pour réduire la violence des autres, et assurer une meilleure qualité de vie à un plus grand nombre. Notre siècle est paradoxal. On y voit une planète mal en point. Trop de nos frères terriens accablés d’iniquités. On y découvre aussi des engagements formidables. Des créateurs de nouvelles esthétiques. Des inventions facilitantes. Des générations de jeunes et de plus vieux, partenaires d’un présent et d’un futur meilleurs. Gilles Châtillon L’auteur a été le principal artisan des Sommets économiques au Québec et le président-directeur général du Cercle des présidents du Québec. N.B. Le présent billet est extrait d’une réflexion plus explicite disponible à www.gilleschatillon.com

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Ultimat-Hommes Il n’y aura jamais une solution parfaite applicable à grande échelle. Penser le contraire est un leurre. Pourtant, la bureaucratie et le système économique actuel tendent à vouloir faire croire en l’existence d’un moule miraculeux, dans lequel tout le monde pourrait être heureux. C’est l’un des plus profonds abîmes dans lesquels la société s’est enfoncée. En santé, en éducation, en alimentation, quel que soit le domaine, l’appât du profit qui pousse à tout faire en plus grande quantité pour obtenir un moindre coût est en train d’étouffer toutes les beautés du monde. Et ce moindre coût n’est en fait qu’une vision mercantile et à court terme. C’est surtout pour que celui qui investit s’en mette plus dans les poches, car à long terme, quiconque s’arrête pour réfléchir frappe un mur. Et l’humanité fonce droit dedans présentement. Plusieurs croient que si la génération montante (ou d’idées !) n’entame pas le plus important virage de l’histoire de l’Homme, afin que leurs enfants puissent achever cette transformation, il en est fait de cette espèce étrange. Deux générations, voilà ce qu’il reste de temps, si ces personnes disent vrai. Tout vouloir mettre dans un moule. Ce principe a tué combien de fois dans l’œuf des idées exceptionnelles, avancées par des gens dévoués qui ont une vision claire de leur milieu particulier et des ressources disponibles. Mais lorsque de tels projets n’entrent pas bien dans un cadre donné, on passe au suivant. Trop compliqué, ingérable, on voudrait bien, mais les critères de sélection sont stricts et il est impensable de créer un tel précédent, au suivant. Comme a écrit Jean Bédard, philosophe québécois, dans son dernier livre Le pouvoir ou la vie : « La bureaucratie arrive à empêcher le regard de voir autre chose que ce qui doit être vu ». Évidemment, maintenant qu’approche le paroxysme des erreurs humaines, il est devenu difficile de regarder la vérité en face.

Aujourd’hui, tout le monde a peur. C’est presque devenu une mode. Et plus personne n’a droit au luxe de mourir main dans la main, les infirmières étant devenues des techniciennes, infirmes mères à qui leurs patrons interdisent d’ouvrir leur cœur. Alors il fait froid. Le matin comme la nuit. Même l’amour a mal, relégué en bas de la liste des choses à faire, transformé en PME pour faire marcher les voitures, les thermopompes et les écrans géants. Et pourtant, regarder en face l’urgence de la situation, sentir le feu dans sa poitrine, souffrir à jeun, sans antidépresseurs ou fumée inhalée, être présent dans ce moment crucial, peuvent être un tremplin incroyable vers un nouvel avenir. J’ose espérer que la génération qui tente de prendre sa place présentement brisera le cycle du pouvoir pour élever la conscience humaine. Cette génération des Ultimat-Hommes a la chance d’être sur Terre à un moment où chaque geste change le monde. Laisser passer cette chance devrait être considéré comme un crime contre l’humanité. Car autant les gens qui tirent les ficelles du pouvoir que ceux en bas de l’échelle sont responsables, les uns de ne penser qu’à l’argent, les autres, d’abandonner. Allons-nous nous retrouver à faire comme Harper avec les nations autochtones, et devoir nous excuser sur notre lit de mort auprès de nos enfants de les avoir lâchement destinés à mourir dans la souffrance, en regardant l’horrible spectacle d’une planète violée ? L’ultimatum est lancé. Chaque jour, ajouter une habitude positive pour réduire sa trace dans son écosystème, un choix en pensant à ceux qui vont suivre, un geste d’amour envers l’univers dont nous faisons partie, et ainsi le paquebot tournera avant de percuter le dernier iceberg. Geneviève Lamothe

Alors la nature meurt d’un automne de plus sans se plaindre. Les gens entassent des feuilles sèches et décolorées dans de grands sacs orangés, privant les arbres sacrifiés de ce tapis croustillant, pour faire propre disentils, mais au fond, c’est pour oublier la mort. Pour remplir le vide que laissent planer les branches dépouillées au creux de leurs cœurs. Cette frénésie pré-hivernale fait autant l’affaire des dirigeants que du peuple, tout le monde s’active pendant que s’effondre la vie dans le froid et la peur, sans qu’on ne fasse rien d’autre que d’abriter les arbustes chétifs d’une toile de jute et les voitures précieuses d’une toile de plastique.

CRÉDIT PHOTO : Nico Stinghe tiré de www.anothersidewalk.tv

Un bal de menus travaux calmant le cerveau paniqué de l’homme civilisé confronté à la réalité d’une finalité censurée.

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La liberté // Commentaire

« N’ayez crainte,

Le peu de solutions qui nous est proposé jusqu’à ce jour donne souvent l’impression à chacun de nous qu’il doit seul sauver la planète.

des gestes aujourd’hui anodins et normaux vont devenir impensables et proscrits sans qu’il vous en coûte »

Comment lutter contre la déforestation de l’Amazonie ? Comment réinventer la culture du coton, une des plus polluantes au monde ? Comment stopper l’usage des pesticides en agriculture ? Comment remplacer nos automobiles énergivores et polluantes ? Comment se munir d’éoliennes et de panneaux solaires ? Comment donner une chance à l’Inde et à la Chine ? Comment faire bouger l’Amérique ?

Le plus grand chantier qu’il nous ait été donné d’entreprendre est déjà commencé. Il tarde à parvenir jusqu’à nous, mais on voit des signes. La communauté scientifique internationale est mobilisée dans une exceptionnelle recherche. Leur laboratoire est la planète et ils informent jour après jour de l’état de leurs connaissances.

Mais voilà. On va nous donner des solutions. On doit refuser de faire les choses seul ! Votre liberté sera amoindrie dans la mesure où chacun deviendra une « police verte » pour l’autre, vous avez raison. Mais inévitablement, l’avenir devra proposer d’autres façons de faire, de gérer nos déchets, de se transporter, de construire nos maisons, d’aller d’un pays à un autre, de manger, de travailler, d’avoir des loisirs et … du bonheur. Parce qu’il y en aura.

Mais voilà, le discours, comme toujours, précède le geste et nous laisse impuissants.

Pierre-Luc, je ne vais pas vous contredire : « … chacun devra comprendre la portée sur l’environnement des gestes qu’il pose … le repli sur soi en tant qu’individu ou en tant que nation ne pourra plus être possible. » Et certaines de nos libertés vont en prendre un coup. Vrai. Nous vivons le plus grand drame planétaire qu’il nous ait été donné de connaître. Pire : nous en sommes les auteurs et les acteurs. Personne ne peut s’exclure de ce drame. Nous sommes dedans et il n’y a pas d’échappatoire. Cela, on le sait. Mais ce qu’on dit moins, c’est que l’inquiétude des gens conscients comme vous, vient en grande partie, je crois, de leur sentiment d’impuissance. Comment faire marche arrière, comment faire reculer le temps ? Ces questions engendrent la peur, la peur de voir nos vies se transformer sans qu’on le souhaite, la peur qu’une certaine paix sociale soit même menacée par ces bouleversements.

Vous parlez de liberté, de nouveaux crimes et vous avez peur de voir chaque citoyen se transformer en délinquant parce qu’il ne se promène pas chargé de sacs réutilisables dans un véhicule hybride, sa maison chauffée à l’énergie solaire. Moi, je viens d’une époque où on fumait dans les chambres d’hôpital et où certains conduisaient avec une petite bière entre les jambes sans impunité. N’ayez crainte, des gestes aujourd’hui anodins et normaux vont devenir impensables et proscrits sans qu’il vous en coûte. Je le répète, il y a une condition : on ne doit pas laisser l’homme seul avec ce problème. Ce n’est pas seulement l’avenir de la planète qui se joue, c’est l’avenir des démocraties. Le train est en marche. La locomotive est tirée par l’Europe, le Canada ralentit le convoi pendant que les Américains sont restés en gare. Ils font du sur place, mais le moteur tourne à plein régime, la meilleure façon de polluer. Mais on peut encore choisir qui va diriger chaque wagon. C’est ça aussi la liberté. Errol Duchaine L'auteur anime la Semaine Verte à la radio et à la télévision de Radio-Canada. Il est journaliste à Radio-Canada depuis 1998.

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peut-elle être verte ? Les préoccupations environnementales sont de plus en plus présentes en raison des problèmes liés aux changements climatiques, à l’augmentation des prix de l’essence ainsi qu’à ceux des aliments. La population se rend désormais compte que ses gestes ont un impact sur l’ensemble de la société tant au niveau local, national que mondial. Même si les grandes entreprises et les grandes puissances ont une part plus importante que nous, simples citoyens, dans ce problème, il reste que les actions menées par celles-ci sont là pour répondre à des besoins réels et qu’elles ne se soumettent qu’à la bonne vieille loi de l’offre et de la demande. Quoiqu’on puisse sûrement répondre à cette demande en détruisant moins l’environnement et un plus grand partage de la richesse, mais ceci est une autre question sur laquelle il faudrait laisser se pencher des personnes plus qualifiées que moi. Selon moi, une chose est sûre, si l’on ne veut pas sombrer vers l’anéantissement total de toute vie sur terre, ceux qui y habitent devront se tourner vers des solutions écologiques. Aussi, chacun devra comprendre la portée sur l’environnement des gestes qu’il pose. Mondialisation et accroissement de la population obligent, nous ne serons plus en mesure de ne vivre que pour soi, dans la poursuite d’un bonheur purement matérialiste, poussés dorénavant par une consommation extrême qui est l’adage de nos sociétés postmodernes. Il faudra désormais acheter, manger, s’habiller, se loger et penser écologiquement. Bref, la croissance économique devra se baser sur le développement durable. Le repli sur soi en tant qu’individu ou en tant que nation ne pourra plus être possible.

Il y a toutefois quelque chose qui m’agace dans tout cela. Si j’accepte les constats avancés par les environnementalistes, je crains néanmoins une dérive de cette pensée. Il faut comprendre que je suis un amant de la liberté, ce qu’on appelle dans le langage politique, un libéral. Pas un néo-libéral cachant un conservateur, pas un libertarien cachant un nihiliste ou un anarchiste. Je sais, il ne s’en fait plus beaucoup, je suis peut-être même une relique du XXe siècle (ou peut-être même du XIXe), mais laissez-moi vous mettre en garde. Tel que mentionné, chaque geste comporte un lot de conséquences pour autrui. Donc, tous les gestes contraires à un sain développement du reste du groupe doivent être éliminés ou remplacés par un plus conforme à l’idée de développement durable. Le problème réside exactement là. Si ces gestes sont dangereux, il faut les changer, les transformer, les bannir ou même les punir. L’environnementalisme a besoin d’un certain contrôle pour que ses projets se réalisent, et il se peut que ce contrôle devienne excessif. Le droit de la planète pourrait alors avoir préséance sur le droit de l’individu ou celui des collectivités. Comment s’assurer que tous suivent les directives nécessaires à la survie de la planète ? La gestion des déchets pourrait mener à la gestion de ceux qui les produisent? À la blague, va-t-on voir surgir la Gestapo du compost, ou même le NKVD du recyclage ? Le sentiment d’urgence ou la nécessité d’agir pourrait amener certains dirigeants politiques à se servir des vertus vertes pour s’assurer un plus grand contrôle sur les individus. Tous ceux critiquant cette entrave à leur liberté pourraient alors être considérés comme des « ennemis objectifs de l’environnement », des gens ne voulant point faire leur part dans la nouvelle « Révolution verte ». Il ne faut pas entrer dans une logique du geste pro-environnemental à outrance, mais il ne faut pas non plus dériver vers une situation qui nécessiterait un tel contrôle et un arrêt de la liberté pour pouvoir survivre. Plus nous retardons la mise en place de mesures environnementales, plus l’on se rapproche d’un moment où il faudra en faire plus pour l’environnement, demander un effort plus soutenu nécessitant un programme de vie beaucoup plus rigide pour les populations. Ceci nous conduit à percevoir deux choses : premièrement, qu’adhérer totalement à une vision environnementale peut être dangereux pour notre liberté; deuxièmement, qu’actuellement une inaction en matière environnementale pourrait nous forcer à établir un « despotisme vert », la longue marche pour un monde plus libre et plus juste ne serait plus qu’un vague souvenir. Il ne resterait plus que le legs d’un énorme échec, causé ironiquement par excès de liberté. Pierre-Luc Déry

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// Commentaire

« Il ne faut jamais

sous-estimer la victime qu'on veut défendre »

J’ai lu avec plaisir le texte de Danic Champoux parce qu’il est d’abord bien écrit. C’est bien sûr un pamphlet. Le problème avec les pamphlets c’est qu’on va tout de suite à la destruction de l’autre. Et rien ne ressemble à un pamphlet qu’un autre pamphlet. Ce n’est pas un genre qui permet d’aller plus loin dans le débat d’idées. Plutôt un échange d’insultes où le lecteur doit prendre position selon son clan. Danic Champoux semble assez sûr du bien-fondé de ses idées – d’autant qu’il tient ici une position morale. Je pourrais partager ses opinions, mais son enthousiasme me semble débordant. Il enlève tout talent à celui qu’il critique, ce qui rend sceptique le lecteur qui se demande alors pourquoi il se donne toute cette peine s’il s’agit d’individus si « primaires ». L’une des premières règles du pamphlet c’est élever l’autre à son niveau pour en faire un véritable rival. Sinon ceux qui partagent le moindrement l’opinion de votre adversaire arrêtent la lecture et vous vous retrouvez uniquement avec les convaincus. La seconde erreur de Champoux c’est qu’il s’est attaqué aussi à ceux qu’il prétend défendre, les soupçonnant d’insouciance. Il donne l’impression d’être le seul à comprendre la gravité de l’affaire. Il ne faut jamais sous-estimer la victime qu’on veut défendre, sinon cela fait un peu « Zorro est arrivé ». Surtout : ne jamais perdre de vue l’idée que le racisme ne concerne pas simplement l’individu ou le groupe ostracisé, mais n’importe qui dans la société qui a une conscience sociale. Il arrive aussi qu’on rate une cible en la dépassant. Dany Laferrière L’auteur est écrivain et scénariste. Ses activités d’écriture sont à saveur autobiographique.

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Lents à la COLÈRE

VLB/Mailloux : sous-primates

J’ignorais qu’on pouvait encore taper sur les Noirs aussi facilement. Ça se choque pas ce monde-là ? Moi qui pensais qu’à la base ils étaient culturellement violents. Que pour une bouchée de banane ça vous arrachait la figure; comme dans le métro de New York, les initiations des membres de gang qui doivent crever les yeux d’un innocent avec un rasoir de barbier pour en faire officiellement partie… Et ben… les Noirs, les bamboulas comme disait mon grand-père, paix à sa grosse âme d’idiot, ils sont pas mal du tout quand il s’agit de se contenir. Moi, je vous rangerais bien un poignard dans le foie pour dix fois moins que ce qu’ils endurent, je peux vous l’assurer. Je plaiderais comme Basil, la légitime défense. Si on faisait à mes enfants le quart de ce que les jeunes Noirs de St-Michel et de Montréal-Nord doivent endurer chaque jour, je jure qu’avec une cagoule j’irais me poster sur un toit. Les Noirs sont patients. Ils réagissent peu lorsqu’on leur manque de respect. Taux de chômage hyper élevé, discrimination systémique de la petite enfance à l’université puis sur le marché de l’emploi. Surreprésentés dans les prisons, je comprends que s’il leur fallait en plus qu’ils se mettent à saccager leur propre quartier… Et n’allez surtout pas commettre l’erreur de penser qu’ils ne savent pas qu’on les « fourre à la planche ». Ils le savent très bien. À la maison d’Haïti, par exemple, on prend bien soin d’examiner chaque nouveau-né de la Commission des droits de la personne. Les membres de la communauté suivent de près les travaux des chercheurs et se renseignent entre eux des résultats qui les concernent. Taux de dénonciation surélevé de leurs jeunes à la DPJ, et le plus souvent, pour des motifs aussi stupides que le contenu de cette boîte à lunch qui déroute le travailleur social de l’école (trop de fèves et de maïs et pas assez de Petit Danone), placement en centre d’accueil parce que le parent, qui a trois McDo, job de merde malgré une maîtrise, fait trop souvent garder le petit par la tante… Surreprésentés à l’entrée du système carcéral, les bamboulas, comme on dit à Sorel, sont les principaux sujets de près de la moitié des arrestations policières de la province qui donneront lieu à des poursuites criminelles et des placements en centre d’accueil, alors qu’ils ne représentent que 3% de la population. Plus on est visible, plus notre comportement l’est, dit-on… Et puis devant le juge oh là là… si la victime est blanche par-dessus le marché. Au Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales, on peut se noyer dans les statistiques et les rapports à ce sujet et, c’est vraiment marrant, parce qu’après les avoir consultés, on se demande si pour Noël on ne pourrait pas s’offrir une jolie petite négresse, accrochée à un mignon petit boulet. Parce qu’à se laisser avoir comme ça, sans que personne ne s’en mêle, ça donne vraiment l’impression qu’on peut faire d’eux à peu près ce qu’on veut. Heureusement, on a du cœur. Pas tous, mais en général. Victor-Lévy Beaulieu, auteur de bécosses, surtout connu pour sa barbe, dont on lit moins les livres qu’on se torche avec, et puis l’autre, expert en coups bas, ces langues de vipère, qui manipulent les faits, n’ont ni les outils ni les compétences pour s’exprimer publiquement sur les sujets qui semblent les intéresser plus particulièrement : cultiver la haine et le mépris. On savait déjà que les femmes étaient moins intelligentes que les hommes; les juifs moins intelligents que le plancton; les pauvres moins brillants que les riches et les handicapés mentaux moins intelligents que les surdoués (quoique cela suscite encore des débats chez les experts), mais qu’on pouvait cracher sur les Noirs sans qu’il y ait de conséquences, ça, c’est vraiment une découverte.

Une fillette de 6 ans, d’origine haïtienne, m’a demandé c’était quoi une Reine-Nègre, et si c’était gentil… J’étais le seul Blanc à table. Pourquoi, merde, est-ce que je devais prendre sur moi le soin d’expliquer, en notre nom à tous, que le gros merdeux du Bas-du-Fleuve, qui avait dit ça, souffrait d’un trouble de santé mentale, que l’isolement et la nostalgie des charrettes avait eu raison de lui et qu’il ne fallait pas faire attention à ça, que les journaux ne parlent pas nécessairement au nom de tous les Blancs à chaque fois qu’ils en laissent parler un ? Les Noirs, plus particulièrement les Haïtiens, nous ont beaucoup tolérés. Notre droit de cuissage nous l’accordait. Ils ont compris que la médecine, le droit, le génie, la fonction publique et le monde syndical étaient des domaines protégés par les Blancs et ils ont respecté cela sans chialer. Maintenant que nous nous en prenons à leurs enfants, à leur intégrité physique même, ils grincent un peu des dents. Mais, vous ne direz pas que vous n’avez pas été prévenus. Un jour, ils vont se lever et on aura bien mérité ce qui nous arrivera. Depuis Spinoza, la liberté d’expression est devenue le mot d’ordre de la philosophie libérale. Au détriment de l’ordre public, une sous-race de journalistes et de chroniqueurs à culottes courtes ont, depuis, réinvesti l’« usage privé de la raison » de Kant pour attirer l’attention sur eux ou se taper des cachets de l’Union des artistes. Depuis, les astronomes sont forcés de débattre avec les astrologues. Faire taire pour toujours les astrologues que sont les VLB et les Mailloux de ce monde serait certes dangereux, mais il existe bel et bien un vaccin contre ces virus-là. Outre le collier antipuces, faire et dire exactement le contraire. Cessons de chercher à ramener constamment les Noirs à leur origine, quel que soit leur mérite, de chercher à les enchaîner pour l’éternité à leur racine. Les Noirs ont grandement contribué à faire du Québec ce qu’il est. Plusieurs professeurs venus d’Haïti ont formé des milliers d’entre nous. Je le dis sincèrement, occupons-nous d’eux parce qu’un jour, ce sont eux qui nous occuperont. Ça me rappelle le gros Vincent. Un obèse morbide qui était dans ma classe de 4ème. Il sentait mauvais, il portait toujours le même jogging vert pomme troué au califourchon à force que ses grosses cuisses… Inutile de dire qu’il était le souffre-douleur de toute l’école. On venait même depuis la polyvalente d’un autre quartier pour le voir monter dans l’autobus. Les plus méchants d’entre nous lui plantaient des compas dans le gras du bide. Lui, il ne disait rien. Pire, il faisait semblant de trouver ça drôle. Puis, un jour, ça a commencé. Quelqu’un avait percé la totalité des berlingots de lait. Dans la même semaine, les effaces à tableaux avaient disparu. Un peu plus tard on avait trouvé de la merde étendue sur les casiers. Puis il y a finalement eu le feu à l’école. Quand le gros Vincent a compris qu’il était grand temps qu’il se pende, il a d’abord pris soin de se payer la traite. Danic Champoux

« Cessons de

chercher à ramener constamment les Noirs à leur origine, quel que soit leur mérite, de chercher à les enchaîner pour l’éternité à leur racine » 07

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Un monde qui court

CRÉDIT PHOTO : www.atsa.qc.ca « Attentat # 6 »

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Attentat # 6 présente un VUS encore fumant des suites d’une explosion. On est donc ici devant une

mise en scène hyper réaliste d’attentat terroriste qui accuse d’un même souffle l’industrie automobile, les consommateurs et les gouvernements. Une expérience déstabilisante et sans équivoque, dont la violence conscientise le public sur les effets pervers de la vénération des véhicules énergivores.

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après sa queue...

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GEDI m’appelle pour un édito carte blanche sur l’environnement à pondre pour hier ! Chouette revue, je suis enchantée, beau concept de prise de parole intergénérationnelle et voilà, j’accepte ! Après, bien sûr, je bad trip sur mon temps…quelle bonne pâte je suis, mais bon, quand vient le temps de répandre la bonne parole… on ne me cherche pas longtemps ! Mais voilà que soudain (non pas vraiment soudain), la rage s’empare de moi… encore parler d’environnement ! Oui oui je sais, il faut en parler encore et encore et je le ferai encore et toujours, mais là, permettez-moi de livrer que je nous trouve franchement pépères, que la notion de bonne volonté a ses limites, que tout cela, minimalement, devrait être réglé depuis longtemps et que si je ne suis pas le genre à poser des bombes autres qu’artistiques, il me semble qu’il y en a qui vont en poser bientôt parce qu’on est un peu dur d’oreille et parce que l’écolo qu’on aime bien compartimenter dans la case ‘nouvelle religion’ quand c’est le gros bon sens qui parle ou dans la case ‘alarmiste’ quand il meurt entre cinquante et cent espèces par jour* (déboisement, changements climatiques, surpêche…) va quand même bien sauter sa coche et ça serait bête que ça coûte la vie à l’un des nôtres…

Comment ça se fait que :

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Les chars peuvent encore aller à 240 km/h et ne sont pas bloqués à 120 ? Le gouvernement ne retire pas du marché les démarreurs à distance ? Les cours de conduite n’ont pas un volet « Comment conduire sans surconsommer » ? Les véhicules énergivores ne soient pas bannis du marché de consommation de masse ? La marche au ralenti des moteurs ne soit pas chose du passé dans nos comportements ? On accepte des concepts 10/30 où le char est roi et où la franchise commerciale bat son plein de conformité magasinière ? Les sacs de plastique soient encore d’usage quotidien quand le sac réutilisable est si simple à adopter ? Les médias capotent sur le prix de l’essence quand c’est la seule manière de faire payer sa vraie trace écologique et que c’est LA chose qui fait que les gens changent leurs habitudes ? tsé veut dire : vivre près de son travail, prendre le vélo/métro, covoiturer, partager la voiture… Tout le monde qui, minimalement, a une cour en arrière de chez soi ne soit pas obligé par les municipalités à composter ? On se demande encore si notre recyclage est vraiment recyclé ? 90% des déchets de chantiers de construction seraient recyclables mais qu’ils prennent le chemin du dépotoir ? On ait le droit de construire des Monster Homes dans des terres arables ?

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Le gouvernement veuille nous doter de ports méthaniers, une énergie non renouvelable et hautement productrice de gaz à effets de serre ? …certains diront moins néfaste que le charbon, mais je vous dirai bien plus que d’autres solutions que l’on connaît déjà… Les écoles ne soient pas toutes revenues à la vaisselle lavable plutôt qu’au styromousse? (et j’ai une petite crotte sur le cœur que je vous raconte en fin d’édito parce que les crottes sur le cœur, ça me rend méchante) Le styromousse existe encore ?…il survivra 198 383 années dans un site d’enfouissement après votre petite pause café… Les édifices dans les parcs industriels n’aient pas tous des toits verts et des vignes qui couvrent leurs murs de « claboard » d’aluminium ? Les villes ne soient pas gorgées d’arbres ?…ça nous empêcherait de voir la pub Tout le papier de toilette ne soit pas fait de papier recyclé ? On se mouche encore dans des forêts anciennes ? On retrouve encore des savons avec phosphates ? On retrouve encore des solutions chimiques pour le jardinage ? Les biens de consommation aient une si courte vie et que ça coûte plus cher de les réparer que de s’en acheter un autre ? …bien sûr qu’on sait pourquoi : on a basé notre système économique sur la surconsommation…faut bien que ça roule… Les forêts soient encore rasées ? il n’y a là aucune bonne gestion écologique ni économique : imaginez les emplois créés par une gestion saine de la forêt. Le gouvernement ne subventionne pas plus l’agriculture biologique que la monoculture industrielle ? Saviez-vous que le lait bio n’est pas racheté lorsqu’invendu comme le lait bourré aux hormones et qu’il en résulte une perte nette pour le commerçant…achetez-le donc SVP… Toute la gang de Monsanto ne soit pas poursuivie pour crime contre l’intégrité de la vie ?

Oups, j’ai dépassé mon 750 mots… cette liste n’est même pas exhaustive… je n’ai pas parlé de l’industrie de la guerre, de respect du patrimoine… de ma fille Béatrice quand elle oublie sa boîte à lunch, qui doit se battre, à 9 ans, pour amener sa vaisselle réutilisable en permission spéciale et qu’elle subit de l’intimidation psychologique de la part de la cuisinière parce que ça lui compliquerait supposément la vie de servir les jeunes dans autre chose que du styromousse… c’était ma crotte sur le cœur. M AU D I T Q U E Ç A M ’ E N R AG E D E PA R L E R D’ENVIRONNEMENT ET DE NOTRE/VOTRE/LEUR CÂLICE DE MANQUE D’INTELLIGENCE À AGIR. CHANGE Annie Roy cofondatrice de l’ATSA

« C’est le gros bon sens qui parle » 09

* // Selon Pierre Brunel, président de l’Institut québécois de la biodiversité, dans l’article Visages de la Biodiversité marine, publié dans la revue en science de l’environnement Vertigo, vol.6.


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// Éditoriaux

ENVIRONNEMENT CONTRÔLÉ Mais lorsqu’on nous pose la question, tout le monde recycle et tout le monde a l’environnement à cœur. Rendu là, ce n’est plus juste de la paresse, c’est de l’hypocrisie collective. Après plusieurs années de sensibilisation et de programmes volontaires, il est temps de s’obliger. Nous devons nous commettre au-delà des paroles et créer des obligations strictes, contrôlées et liées à des conséquences.

L’environnement est une préoccupation et un sujet de discussion constants depuis maintenant plus d’une décennie, il paraît que c’est même au cœur de l’identité des Québécois et particulièrement des jeunes Québécois. Et pourtant, quand nous voyons la liste d’absurdités répertoriées par Annie Roy, nous avons juste envie d’ajouter à la liste.

En d’autres mots, si l’environnement nous tient vraiment à cœur, nous devons forcer nos gouvernements à rendre certains comportements obligatoires et à émettre des contraventions à ceux qui ne s’y conforment pas. Il n’est aucunement question de libertés fondamentales en l’espèce, mais de forcer la population à adopter certains comportements - comme dans le cas de la conduite automobile ou du tabac – il n’y a donc aucune excuse. La meilleure façon d'obliger un gouvernement est encore par l'exercice du droit de vote, et je vous invite à joindre une initiative comme Vote Énergie (« PowerVote ») où chacun s'engage à supporter par son vote les initiatives vertes, sans pour autant s'engager envers un parti politique en particulier: www.ourclimate.ca GEDI

Lors d’un récent sondage auprès de jeunes âgés de 25-40 ans, 96% des répondants affirmaient recycler régulièrement. Or, dans les faits, nous ne recyclons que 32% des matières générées par le secteur résidentiel et gérées par les municipalités. Bizarre. L’environnement est au cœur de nos préoccupations indiquait le même sondage, mais le National Geographic classait le Canada au fond du classement mondial en matière environnementale. Allez comprendre quelque chose. Êtes-vous allés dans une foire alimentaire d’un centre commercial dernièrement ? Avez-vous vu quelque bac à recyclage que ce soit ? Non, puisque dans le domaine commercial, il n’existe toujours aucune obligation formelle de recycler entraînant un contrôle et des contraventions. Au niveau municipal, seule une minorité d’arrondissements font des vérifications et un suivi quant au recyclage de leurs citoyens. Sans obligation, il y a beaucoup de paroles et peu de résultats. Que serait le bilan des accidents sur la route si notre seul contrôle des limites de vitesse et de l’alcool au volant se résumait à des programmes de sensibilisation – sans limites ni contravention ? Est-ce que les fumeurs auraient tous arrêté de fumer en public par crainte de la fumée secondaire, n’eût été la loi anti-tabac ? Pourriez-vous imaginer Montréal s’il n’y avait aucune pénalité liée au fait de se garer dans un « no-parking » ? Pensez-vous vraiment que la sensibilisation suffirait à convaincre les gens de stationner au bon endroit, dans l’intérêt collectif de ne pas créer de bouchons ? S’il vous plaît, posez la question aux préposés aux contraventions de la Ville de Montréal pour voir ce qu’ils en pensent

CRÉDIT PHOTO : www.tungstenvisuel.com

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Éditoriaux //

VAINCRE LE MALAISE ENVIRONNEMENTAL Pendant que le plateau de Wilkins fond en Antarctique et que notre PIB carbure à l’exploitation des sables bitumineux en Alberta, nous sommes encore à nous demander si l’environnement doit être une de nos priorités. À l’inverse de l’économie, de la santé et de l’éducation, il s’agit-là d’un enjeu moins concret, autrefois réservé aux écolos et aux granos de ce monde. Contrairement à d’autres questions, celle de l’environnement a rarement conditionné notre vote en période électorale. L’environnement nous préoccupe peut-être moins puisque l’on est moins touché directement par les conséquences que notre désintérêt entraîne... Or, à l’inverse des autres enjeux, ses conséquences sont irrémédiables. Après les épidémies et les désordres politiques, nous faisons face à l’un des plus grands fléaux menaçant l’humanité : le bouleversement de l’environnement dans lequel nous vivons. Pourquoi? Selon nous parce que notre échelle sociale est fondée sur la prémisse qu’il est bien vu de surconsommer énergie et ressources. Et toute la chaîne de consommation s’ensuit. Plus on achète, plus on jette, plus on consomme, plus on affirme sa richesse. Bref, notre niveau de consommation démontre que nous possédons la capacité de consommer. Et voilà pour l’affirmation sociale. Au diable l’environnement. Il n’y a rien de plus humain que la volonté de se démarquer des autres. Il nous faut donc une échelle sociale où les comportements écologiques font partie intégrante de la reconnaissance par nos pairs. Cette solution a cela d’innovateur que toute réduction de la consommation permet la réduction des effets néfastes de la pollution sur toutes les classes sociales. Cette solution offre également un double avantage : reconnaître l’effort déjà fourni par certains et encourager la majorité à s’y conformer. Il nous faut changer nos paradigmes, inculquer une morale verte. Nous nous devons de reconnaître celui ou celle qui se responsabilise face à l’environnement. Nos gestes environnementaux seront alors non seulement profitables à tous, mais également à soi-même puisque l’on reconnaîtra notre contribution sociale.

De plus, il faut cesser individuellement de valoriser la consommation à outrance. Il faut changer nos habitudes de gaspillage et réaliser que notre pouvoir de consommation est la meilleure arme qui soit contre le réchauffement climatique. Pour ce faire, nous nous devons d’être informés. Il nous faut un système qui informe les consommateurs du pourcentage de matières recyclées dans un produit, du transport qu’il a nécessité, bref de l’empreinte écologique qu’il a laissée. Collectivement, on doit s’organiser, se mobiliser et réclamer de nos décideurs et personnalités publiques un leadership moral qui appuyera une nouvelle psychologie de la consommation. Ils ne doivent pas se contenter de signer des lettres ouvertes. Ils doivent montrer l’exemple. Walk the talk. Faites ce que je dis et ce que je fais. Qu’ils montent à bord, qu’ils se mêlent à la masse. Mesdames et messieurs, personnes influentes, prenez le transport en commun. Vous comprendrez alors l’impératif d’y investir. Votre horaire est chargé et vous peinez à assister à toutes vos réunions ? Utiliser des voitures moins polluantes, minimiser vos déplacements. Investissez dans les technologies des communications. La participation de nos icônes sociales est essentielle à la réalisation de ce nouveau système de reconnaissance des comportements environnementaux. Il s’agit-là d’un puissant outil de conviction. Un refus de leur part d’adopter ces comportements entraînerait une perte de popularité envers la cause. Et voilà un luxe que l’on ne saurait s’offrir. Cette échelle de reconnaissance sociale doit aussi être conséquente au niveau de l’État. Il faut que nos gouvernements reconnaissent les comportements écologiques des citoyens et entreprises et condamnent toute violation à l’environnement. L’État se doit également d’être innovateur et de faire preuve de leadership. À titre d’exemple, il peut revoir concrètement l’organisation de nos milieux de vie en fonction de l’environnement. Nos élus doivent repenser le financement des villes afin qu’elles ne dépendent pas du développement immobilier de leur territoire (par la perception de taxes foncières). Il faut également obliger nos municipalités à adopter un plan d’urbanisme en conformité avec le développement durable. Plus que tout, l’État doit reconnaître le droit inaliénable à la protection de l’environnement. Bref, nos gouvernements doivent promouvoir ce nouveau système de valeurs environnementales et l’enchâsser dans notre système légal. Notre système a cela d’efficace : nous l’avons créé de toutes pièces afin qu’il réponde aux besoins croissants de l’espèce humaine. En dehors de toute considération environnementale, il nous a assuré une richesse et un confort inégalés encore dans l’histoire. Il constitue également un modèle d’aisance que les pays émergents désirent ardemment adopter. Or, les traces que notre système a laissées sur notre environnement commencent à peine à surgir. Nous commençons tout juste à questionner les aberrations que nous avons encouragées. Il est urgent de modifier notre système afin qu’il respecte notre environnement. Ce changement passe certes par un engagement complet de tous et chacun envers la cause environnementale. Mais c’est surtout par l’établissement d’une nouvelle morale verte qui appelle à la reconnaissance sociale des comportements écologiques que nous répondrons aux défis que pose la détérioration de notre environnement. Et c’est ainsi que nous vaincrons le malaise environnemental. GEDI

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CRÉDIT PHOTO : Andréanne Michon « Tripes », de la série « À fleur de peau » 2008©

// Commentaire Voici un texte environnemental solide, je souhaite féliciter son auteur. Il montre clairement qu’il existe aujourd’hui un lien entre environnement et économie; on le voit : les coûts de la santé varient en fonction de la qualité de l’air, la recherche de solutions novatrices pour mieux protéger l’environnement peut améliorer le rendement des entreprises, le financement des entreprises peut être facilité par leur performance environnementale, etc. En fait, il en a toujours été ainsi. Il y a 30 ans, lors de la mise en place des programmes de modernisation de l’industrie des pâtes et papiers et de l’assainissement des eaux, on disait qu’environnement et économie étaient indissociables. Mais alors pourquoi, comme l’indique M. Tremblay-Frenette, les entreprises hésitent-elles à investir en environnement ? Cela tient justement au fait qu’environnement et économie sont liés.

Par exemple, si les entreprises souhaitent connaître clairement les règles, c’est parce qu’elles veulent être sûres de faire les bonnes choses tant du point de vue environnemental qu’économique. L’auteur nous rappelle, de façon très justifiée en ce qui me concerne, l’urgence d’agir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ce n’est pas parce que la route sera longue qu'il faut retarder le départ. Il importe, par ailleurs, d’être réaliste quant aux échéanciers. Dans ce dossier, je crois que plusieurs se découragent devant des échéances qu’ils ne croient pas pouvoir respecter. La lecture de ce texte rend optimiste, non seulement parce qu’on y fait référence à l’engagement des jeunes envers une société plus verte, mais aussi parce qu’on y trouve le réalisme que le sérieux du sujet exige. André Caillé L'auteur a été président-directeur général d'Hydro-Québec. Il a été le sous-ministre de l'Environnement du Québec.

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Éco-efficience :

l’utopie du XXIe siècle? Y a-t-il un lien direct à établir entre la question de l’environnement et l’économie mondiale ? Dressons la table avec quelques chiffres pour vous mettre en appétit : selon l’OMS, 25 % de la mortalité planétaire est due aux problèmes environnementaux, selon une étude de l’OCDE, les émissions de gaz à effet de serre augmenteront de 37 % d’ici 2030 et les émissions des pays constituant les BRIC1 dépasseront celles des 30 pays de l’OCDE en 2030. La fondation suédoise Tällberg2 nous invite à mettre tout en œuvre afin de réduire la concentration de gaz carbonique dans l’atmosphère à 350 parties par million (présentement à 385 ppm) sans quoi au rythme actuel le point de non-retour fixé à 450 ppm sera rapidement atteint. Et les impacts économiques associés à la dégradation environnementale nous direz-vous ? Étant relié au coût du carbone, 12 % du BAIIA3 de l’indice boursier britannique FTSE 100 serait à risque4 et, selon le gouvernement Harper, un plan de réduction des polluants atmosphériques signifierait une économie annuelle de près de 6 G $ pour le système de santé canadien à compter de 2015. Il nous semble évident qu’il y a urgence d’agir mais que représente la réduction de notre empreinte environnementale en termes de coûts? Le fameux rapport Stern chiffrait en 2006 la dépense pour contrer le désastre à venir à 1 % du PIB mondial. Cela nous semble bien peu en comparaison. Mais alors comment se fait-il dans ce contexte que tant d’entreprises se laissent tirer l’oreille sur le plan de leurs initiatives environnementales ? Peut-être est-ce dû au fait que les gestionnaires ne disposent pas d’un niveau d’information qui leur permettrait d’effectuer des choix éclairés en la matière ? Ou bien ne sont-elles pas convaincues que leur performance environnementale se reflètera dans leur performance financière ? L’expert réputé en stratégie d’affaires de l’Université Harvard, Michael Porter, a émis l’hypothèse qu’une réglementation environnementale stricte pourrait encourager les entreprises à innover et favoriser une meilleure compétitivité, diminuant par le fait même les coûts de conformité. La preuve académique est peu convaincante pour le moment. Le problème réside dans la difficulté d’évaluer l’impact de la performance environnementale. Comment par exemple attribuer une valeur au potentiel de diminution des poursuites ou de la pression règlementaire ? Les entreprises sous-investissent dans la protection de l’environnement car l’impact de semblables mesures sur le prix de différentes ressources et des intrants à la production est mal documenté. Notons que l’impact de la réglementation est non négligeable. En effet, des normes gouvernementales peuvent, parfois, servir de mécanismes d’ancrage dans le processus d’évaluation d’impact et stimuler la découverte d’occasions de diminution des coûts (e.g. le programme « Energy Star » pour les appareils électroménagers). L’adoption de normes favorise l’émergence

de technologies qui n’auraient pas nécessairement vu le jour grâce aux seules forces du marché. Est-ce à dire, pour reprendre le concept de Thomas Hobbes, qu’un cadre ainsi que des institutions globales régissant la « ressource commune » que constitue notre environnement soient nécessaires ? Un Léviathan éco-environnemental ? Nous posons la question. Plusieurs études académiques ont démontré un lien positif entre performance environnementale et financière5. On constate aussi que les entreprises pionnières en matière de technologies visant la réduction de la pollution connaissent une croissance significative de leurs profits6 . Bien souvent, ce sont les actionnaires eux-mêmes qui réclament à cor et à cri l’adoption de mesures environnementales. Ils le font de concert avec les communautés locales qui encouragent les entreprises à adhérer à des normes d’auto-réglementation comme l’ISO 14001. Autre avantage de passer au vert : la croissance fulgurante des fonds mutuels dits « éthiques » donne aux entreprises vertes une plus grande accessibilité à des fonds, contribuant ainsi à réduire leur coût du capital. Qui dit faible coût du capital, dit davantage de profits et d’investissements pour la communauté. À l’image de Jeffrey Sachs, co-auteur des objectifs du Millénaire de l’ONU, nous croyons que la conception économique néo-classique ne s’applique pas à la biosphère : les effets provenant de l’externe et hors de notre contrôle représentent la norme et non l’exception car les éléments constituant la biosphère font l’objet de constantes variations. L’analyse traditionnelle coût vs bénéfice est limitée par le fait que l’on actualise les flux économiques futurs d’un projet sur une base individuelle avec un taux que l’on conçoit comme stable au fil du temps! Nous sommes d’avis que le Deus ex machina consiste en l’incorporation de la notion de choix de portefeuille (lui-même constitué d’infrastructures, de l’impact sur le savoir collectif, de l’impact sur le capital naturel du globe, etc.) ainsi que d’un niveau d’incertitude (les évènements extrêmes, simulation de scénarios, etc.) N’attendons plus d’obtenir l’information historique seule pour choisir un sentier optimal d’investissement mais passons plutôt en mode « Act & Learn ». Il nous faut dès maintenant s’appliquer à concevoir des modèles d’analyse économique qui tiennent mieux compte du niveau de consensus global nécessaire à l’atteinte de nos objectifs communs, de l’équilibre à atteindre entre les niveaux d’investissements publics et privés ainsi que du type d’institutions procurant le cadre de référence à une société plus verte. Car, c’est ainsi que nous, les jeunes, définissons la société de demain : une société « verte » qui respecte ses écosystèmes tout en permettant au plus grand nombre de profiter des retombées de la maximisation de la richesse économique. Jean-David Tremblay- Frenette

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1 // Brésil, Russie, Inde et Chine. 2 // www.350.org 3 // Bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement. 4 // TrueCost Plc/Henderson Global Investors, juin 2005. 5 // Margolis et Walsh (2003), Allouch et La Roche (2005), etc. 6 // Nehrt, 1995


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La fertilisation de la matière grise // Commentaire Ce qui me réjouit le plus du commentaire de Mikaël Charette est le fait qu’il exprime parfaitement le déclin progressif de la légendaire frilosité québécoise.

« Voilà enfin un peu d’audace ! »

À une époque pas si lointaine – qualifiée de Grande Noirceur – on accusait les Québécois d’être repliés sur eux-mêmes; d’être coupés du monde extérieur. C’était en grande partie vrai, sauf pour quelques privilégiés. Aujourd’hui, des dizaines de milliers de Québécois vivent et travaillent à l’étranger, tissant des réseaux d’envergure internationale et maîtrisant des pratiques de classe mondiale. Me Charette, qui a lui-même travaillé et étudié à Hong Kong et Pékin, fait partie de ces nouveaux Québécois qui n’ont pas froid aux yeux. Au lieu de s’inquiéter de voir s’exiler certains de nos compatriotes les mieux formés, et d’ériger autour du Québec une muraille de… Chine, le réflexe de Me Charette consiste à prendre des moyens positifs pour animer la communauté des expatriés québécois. Son pari : inciter nos expatriés à revenir pour enrichir la société québécoise de toutes ces connaissances accumulées ailleurs. Voilà enfin un peu d’audace ! Il est évident que nous avons des pratiques ici que d’autres ailleurs dans le monde auraient intérêt à imiter. L’inverse est d’autant plus vrai que le monde extérieur est bien plus vaste que le nôtre. Mais attention, ce n’est surtout pas une raison pour oublier d’où nous venons, qui nous sommes et où nous allons comme nation. À l’évidence, Me Charette l’a bien compris. Daniel Audet Il est premier vice-président du Conseil du patronat et a notamment été chef de cabinet de Bernard Landry et conseiller d'André Boisclair.

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L’exode des cerveaux ou le retour des exilés L’exode des cerveaux était déjà un sujet d’actualité à la fin des années ‘90. À cette époque, la bulle technologique et l’essor de la mondialisation ont sûrement favorisé la médiatisation du phénomène. Ces départs de Québécois et Québécoises parmi les plus scolarisés de notre société pour des mondes qui accueilleraient mieux leur savoir sont longtemps demeurés un mythe. Quelle est la situation actuelle et comment faire pour rapatrier nos exilés ? Il est difficile de quantifier le phénomène et plusieurs études se sont contredites au cours des années. Les études récentes indiquent une corrélation entre le taux d’émigration et les cycles économiques. Les départs ont diminué durant la majeure partie des années ‘80, mais ont recommencé à augmenter en 1988; cette dernière tendance s’est poursuivie pendant la récession économique de la première partie des années ‘90. Le taux d’émigration a ensuite augmenté de façon marquée, mais a atteint un plafond en 2000. Une chute de l’émigration a suivi jusqu’en 2003. Selon l’Institut de la statistique du Québec, les départs ont tendance à augmenter depuis 2004 et les données relatives à l’émigration sont semblables à celles qui existaient au milieu des années ‘90. Compte tenu de la menace de ralentissement économique qui plane, il est à-propos de s’interroger sur les moyens de tirer parti de cette émigration. Nous devons nous assurer de transformer des départs qui, selon nous, sont souvent inévitables, en plus-value culturelle et économique pour la société québécoise.

À notre avis, l’expérience et la formation acquises à l’étranger sont appréciables pour le Québec, à condition, bien sûr, de pouvoir récupérer le savoir acquis. Il s’agit de créer des liens plus solides entre le Canada, le Québec et le reste du monde, qui entraîneront des avantages futurs en matière de recherche et développement, et même des occasions de croissance économique pour le Québec. De plus, une étude récente d’Industrie Canada démontre que les gens qui passent de deux à cinq ans à l’étranger ont, dans les cinq années suivant leur retour, des revenus supérieurs d’environ 12% à ceux qu’ils avaient auparavant. L’exode de spécialistes, comme nos médecins, a souvent fait les manchettes dans le contexte actuel de pénurie. En effet, former des médecins coûte très cher et une partie d’entre eux continue de quitter le Québec pour aller mettre en valeur leurs compétences chez nos voisins du Sud. Il serait évidemment impossible, et probablement contre-productif, de prendre des mesures coercitives pour les retenir. Nous devons plutôt convenir de trouver des moyens pour les motiver à rester sur place, mais surtout à revenir s’ils décident de partir. S’ils reviennent, ce sera avec des connaissances et un savoir-faire plus vastes. À long terme, l’exode des cerveaux crée une carence pour notre économie et notre bagage culturel. Des citoyens prospères ne contribueront pas à notre système fiscal. Au lieu de cela, nous devons veiller à ce qu’ils deviennent des moteurs de croissance économique pour le Québec. Nous devons également veiller à favoriser l’attachement à l’identité nationale québécoise de ces citoyens qui doivent devenir de fiers ambassadeurs du Québec à l’étranger. Le Québec doit affermir sa position dans le monde et, à cette fin, permettre à ses nationaux d’en être les porte-étendards constitue le meilleur atout. Nous devons tout mettre en œuvre pour soutenir notre jeunesse dans sa quête d’aventure à l’étranger. Les talents québécois se distinguent avantageusement à l’étranger. Permettons maintenant aux Québécois de se distinguer chez eux sans les empêcher de rayonner à l’étranger. Après l’exode, voici venu le temps du retour des exilés. Mikaël Charette

Nous devons non seulement nous doter d’outils pour garder nos meilleurs éléments, mais également veiller à promouvoir la solidarité de notre réseau d’expatriés dans le monde. Il faut se pourvoir d’instruments permettant aux expatriés de revenir au Québec pour nous enrichir de leur expérience. Le Québec possède un réseau de délégations et de bureaux de représentation dans le monde qui devrait déployer des efforts pour appuyer les communautés québécoises à l’étranger. Nous proposons d’ajouter à leur mandat la tâche consistant à créer et soutenir, à l’aide de ressources spécialisées, des coalitions à l’étranger pour que nos expatriés développent un sentiment d’appartenance à l’égard de leur terre d’origine et que soit établie une synergie entre les membres de la communauté québécoise vivant à l’étranger. Le ministère des Relations internationales du Québec doit soutenir ces associations de Québécois. Ainsi, nous pourrons mieux comprendre la société des expatriés du Québec et nous assurer que les Québécois puissent transporter leur identité avec eux, dans ce monde globalisé, tout en préparant un retour éventuel.

« Nous

devons veiller à promouvoir la solidarité de notre réseau d’expatriés dans le monde » 15

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// Débat

Le Québec, une dictature démocratique? L’idée que notre génération n’est pas engagée sur le plan politique ou qu’elle ne tire aucun avantage à s’impliquer devrait servir à réveiller les partis politiques et les gouvernements sur leur propre manque d’intérêt envers le rôle de citoyen. Est-ce vraiment la faute de notre génération si nous n’avons aucun intérêt pour la chose politique ? Il faut se demander d’où vient ce manque d’intérêt et y remédier. Tout d’abord, il faut examiner notre système politique basé sur le système uninominal à un tour. C’est-à-dire un gouvernement représenté par un seul parti politique. Depuis plusieurs décennies, les partis politiques qui ont pris le pouvoir étaient soit « rouge », soit « bleu », soit libéraux, soit conservateurs. Le parti qui réussit à faire élire une majorité de députés, soit 50+1, prend le pouvoir et contrôle l’ensemble du gouvernement à sa guise. Même si une majorité de personnes votent pour un autre parti politique, ce n’est pas le nombre de votes qui importe mais le nombre de députés élus. Un bel exemple de cette stupidité parlementaire, c’est en 1998 alors que le gouvernement qui a pris le pouvoir était le Parti québécois avec seulement 76 députés élus. Toutefois il n’avait amassé que 1 744 240 votes. De son côté le Parti libéral a reçu l’appui de 1 771 858 électeurs, soit plus que le PQ, mais il n’a fait élire que 48 députés. Cette situation est complètement absurde et indique que notre système politique est malade. C’est ce côté de la politique qui pousse notre génération à se demander si son vote est vraiment utile pour changer les choses. Quand nous regardons les résultats électoraux de 1998, il y a de quoi se demander si le système est représentatif de notre génération. J’ai presque envie d’appeler cela une dictature démocratique. Le gouvernement est élu et par la suite, il a la liberté de faire ce qu’il veut. Même si ce dernier n’a pas obtenu une majorité en termes de nombre de votes. Il faut aussi se tourner vers le taux de participation des électeurs lors des scrutins de 1998 et de 2003. En 1998, sur plus de 5 millions de personnes inscrites sur la liste électorale, plus de 78 % se sont prévalues de leur droit vote pour seulement 63 % en 2003 et en 2007. Ceci démontre le manque d’intérêt des Québécois pour la chose politique.

Le Québec a un urgent besoin de changement de vision et de système politiques. Il est certain que pour que ces changements s’effectuent, notre génération devra plonger et s’impliquer dans le monde politique et ce, à différents niveaux. Un premier changement proposé serait d’avoir un système politique proportionnel. Le deuxième serait de redéfinir la carte électorale afin de donner plus de pouvoir aux régions. Et le dernier changement serait d’avoir des élections à date fixe. Car ce n’est pas en restant à la maison durant les élections que nous allons changer notre système supposément démocratique. La génération de nos parents a compris l’importance de l’engagement politique et les années soixante en sont le résultat. Votre engagement est personnel, mais aussi important, une idée, un débat sous quelque forme qu’il soit et qui vous touche directement doit être défendu selon vos propres convictions. Génération d’idées vous ouvre la porte à ce genre de débat et je profite donc de l’occasion pour lancer celui de notre système politique actuel. Jean-François Sylvestre

// Commentaire L’expression « dictature démocratique » de Jean-François Sylvestre peut, à première vue, sembler excessive. Mais rappelons-nous ces mots de René Lévesque : « Le système parlementaire, c’est la dictature conjointe des cabinets et des « technocrates » qui réduit les parlements au rôle de forums procéduriers dont les chinoiseries et les sautes d’humeur baroques n’ont plus grand rapport avec les problèmes aigus de la vie réelle ». Le problème central du système parlementaire britannique est qu’il repose tout entier sur les partis politiques au lieu d’être fondé sur la souveraineté du peuple. « British government is party politics ! »

Deuxièmement, les partis politiques ne prêchent pas non plus par l’exemple, chacun copie les idées des uns et des autres en tentant de les améliorer. Disons que le paysage politique du Québec est monotone et gagnerait à être dynamisé le plus possible. La réponse des Québécois depuis trois ans au système politique consiste à faire élire des gouvernements minoritaires afin qu’ils soient soumis à une plus grande surveillance. Et ceci vaut tant pour le provincial que le fédéral. Cette nouvelle donne politique au Québec relance à nouveau le débat sur la nécessité de changer le mode de scrutin actuel. Ce changement donnera-t-il à notre génération le goût de s’impliquer davantage ? La question est posée, mais la réponse est probablement aussi incertaine que celle concernant le changement de notre mode de scrutin.

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Débat //

Pour en Finir avec les Réformes Électorales

Au cours des dernières années, plusieurs provinces ont mené des consultations plus ou moins abouties sur de possibles réformes électorales. La Colombie-Britannique et l’Ontario ont même tenu des référendums sur des projets concrets de réforme, mais sans succès. Plusieurs jugent que le passage à un système plus proportionnel est essentiel à un nécessaire renouveau démocratique. Notre système électoral pluralitaire représenterait mal la diversité sociale du pays en plus de réprimer la participation des électeurs en général et des jeunes en particulier. Certaines critiques exprimées à l’endroit de notre système actuel sont justifiées, d’autres beaucoup moins. Une analyse informée de la mécanique électorale du Canada et à l’étranger montre plutôt que les réformes électorales ne sont pas une panacée. La culture politique joue un rôle si important que le mode d’élection n’est souvent qu’accessoire. De plus, des outils simples et autrement plus efficaces sont déjà disponibles. Il suffit d’y réfléchir un instant. Mais d’abord, regardons de plus près deux arguments avancés par les réformateurs.

Jean-François Sylvestre parle, avec raison, d’un « changement de vision et de système politiques ». Il mentionne en priorité le mode de scrutin, la carte électorale, les élections à date fixe. Marc André Bodet a raison de dire que la réforme d’un mode de scrutin n’est pas une panacée. Mais je m’interroge à savoir si sa perspective correspond à des changements fondés sur la souveraineté populaire. À la lecture de ces deux textes, je crois qu’il faut viser au cœur du phénomène et prioriser que le Québec se donne sa propre constitution. Une constitution permettrait en effet de repositionner notre système politique sur le principe démocratique fondamental de la souveraineté populaire; celle de dire nos valeurs fondamentales; celle de définir la place que nous voulons occuper dans le monde; celle, enfin, pour les citoyens, au-dessus des partis politiques, de redéfinir comment ils entendent se gouverner, y compris en déterminant eux-mêmes le mode de scrutin.

André Larocque Sous-ministre de la Réforme des institutions démocratiques, l'auteur a également été sous-ministre de la Réforme électorale sous René-Lévesque et candidat du Parti vert dans Louis-Hébert.

Premièrement, la sous-représentation des femmes et des groupes minoritaires au sein de nos institutions est problématique. En fait, le pourcentage de femmes élues au fédéral stagne depuis l’élection de 1993. Le Canada se situe en milieu de peloton sur cette question dans le palmarès des démocraties établies derrière les pays scandinaves mais devant d’autres systèmes proportionnels ou mixtes qui font bien pire. Il reste donc à démontrer qu’un système électoral différent au Canada y changerait quelque chose. L’Australie, avec son système préférentiel vieux de 90 ans, a accordé le droit de vote à ses citoyennes il y a plus de cent ans mais a traité sa minorité autochtone de façon scandaleuse jusqu’à tout récemment. L’Italie, cas d’école de système proportionnel, n’a pas su donner aux femmes la place qui leur revenait. Ici même au Canada, les variations entre provinces sont spectaculaires. Les cultures politiques spécifiques dominent aisément les supposés vices et vertus de leurs systèmes électoraux. Deuxièmement, on affirme aussi que le système pluralitaire décourage la participation électorale en écrasant les petites formations qui défendent des idées alternatives. Un système plus proportionnel corrigerait cette situation. La Nouvelle-Zélande offre ici une expérience intéressante. Elle a partagé avec le Canada un système pluralitaire pendant la grande majorité du 20e siècle avant d’opter pour un système mixte à l’allemande lors de l’élection de 1996. Le pays connaissait alors une baisse lente mais constante de sa participation électorale. Après une première élection sous le nouveau système qui fit augmenter très légèrement la participation, la Nouvelle-Zélande a depuis connu trois élections générales avec des taux sous le standard de l’ancien système. Est-ce que cela veut dire que le Québec ou le Canada subiraient le même sort ? Pas nécessairement. Mais il faut au moins reconnaître que la réforme électorale n’a pas apporté les bénéfices escomptés. Les gens votent moins pour des raisons beaucoup plus profondes que les méthodes de comptabilisation des voix.

Vers Des Solutions Pratiques Le système politique canadien souffre de plusieurs maux propres aux démocraties parlementaires. Certains groupes n’ont pas la place qu’ils méritent dans nos institutions. Certaines idées ne réussissent pas à s’imposer non plus. Mais une réforme du système électoral n’est pas une panacée. Des réformes institutionnelles simples et plus efficaces devraient être envisagées. Par exemple, on pourrait imaginer un système de financement des partis qui récompense les caucus parlementaires représentatifs. Cela pourrait être un système progressif qui financerait davantage les caucus ayant une représentation de femmes et de membres de minorités culturelles et punirait les caucus homogènes. Les partis auraient ainsi non seulement intérêt à présenter plus de candidats représentatifs mais aussi à les présenter dans des comtés prenables. On pourrait également abaisser l’âge de voter à 16 ans pour permettre aux nouveaux électeurs d’expérimenter le jeu démocratique à un âge où les parents peuvent encore influencer leurs choix citoyens. Les règles de nos parlements peuvent aussi être amendées afin d’accorder plus de ressources financières et humaines aux comités législatifs, alors plus aptes à discuter d’idées alternatives légitimes qui ne survivent pas à nos campagnes électorales effrénées mais qui touchent les citoyens désabusés de la politique. Un système politique doit se renouveler pour perdurer. Il est facile de réclamer des réformes spectaculaires sans tenir compte de la culture politique d’une société. Il nous faut pourtant développer un regard pratique sur les outils qui sont à notre portée pour permettre à nos institutions de se réinventer. Marc André Bodet

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Le marketing // Commentaire

« L’entreprise

comprend de mieux en mieux sa responsabilité sociétale»

Le marketing peut changer le monde…? Peut-être. Le marketing est à la base de l’ingénierie des marchés, mais aussi au cœur de la préoccupation marketing se trouve l’objectif de vouloir satisfaire le client/consommateur. Les valeurs et attentes des consommateurs changent et évoluent. Une grande préoccupation de ceux-ci existe face à l’évolution de l’environnement. La recherche marketing aide l’entreprise à mieux comprendre les besoins et attentes des consommateurs face à ces préoccupations, mais par l’innovation, l’entreprise peut être proactive dans l’ensemble de sa mise en marché. L’entreprise comprend de mieux en mieux sa responsabilité sociétale. Elle sait développer des produits qui rencontrent les besoins et attentes des consommateurs. Elle est responsable dans sa mise en marché, utilisant des réseaux de distribution en harmonie avec les valeurs des consommateurs et de l’entreprise. Elle sait communiquer à ceux-ci la disponibilité de ses produits, mais de plus sait mettre de l’avant sa préoccupation environnementale. Quant à ses prix, l’entreprise sait créer une relation équitable entre ses employés, ses clients et ses actionnaires. Plusieurs exemples existent déjà d’entreprises qui savent appliquer ces valeurs et modes de fonctionnement. Donc, l’article de Bernard Fleury me semble tout à fait dans la tendance actuelle autant quant aux valeurs des consommateurs qui changent que du rôle proactif que le marketing joue au sein des entreprises. Johanne Brunet L’auteur est professeure agrégée au HEC Montréal et membre associée, Chaire de gestion des arts Carmelle et Rémi-Marcoux.

CRÉDIT PHOTO : Nico Stinghe tiré de www.anothersidewalk.tv

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peut-il changer le monde ? Le Québec et le Monde ont besoin de changement. Vite. Un climat d’inquiétude se propage. Il est clair que plusieurs fléaux courants ont des conséquences progressivement plus graves et réclament une action urgente :

: : Réchauffement planétaire – Nous devons diminuer l’émission de ::

gaz polluants pour prévenir des catastrophes climatiques et humaines importantes. Pauvreté dans le tiers-monde – Il nous faut réduire la pauvreté extrême et les conflits qui semblent en découler de plus en plus fréquemment.

Ces actions urgentes peuvent et doivent passer par un changement de notre façon de faire des affaires et de consommer. D’abord, elles le doivent parce que plusieurs crises ont été provoquées dans le dernier siècle par notre mode de consommation et de gestion de nos entreprises. Ensuite, elles le peuvent parce que nos choix économiques ont véritablement la capacité de réduire notre empreinte écologique, de mieux répartir la richesse dans le monde et de mieux protéger notre santé. Nous pouvons maintenant consommer en meilleure connaissance des impacts de nos choix. Les guides comme Shopping for a Better World nous informent sur les conditions de travail, la responsabilité sociale et la gestion écologique des entreprises dont nous achetons les produits. Et les groupes comme Équiterre nous mettent en contact directement avec des producteurs dont nous pouvons connaître les pratiques environnementales. Ainsi, les chercheurs parlent de l’émergence d’un « facteur moral du marché1 », où les consommateurs choisissent autant par la valeur des produits que par la valeur sociale des entreprises qui les produisent. Nous pouvons aussi maintenant voir l’activité économique avec une nouvelle notion de ce que veut dire « produire de la valeur ». Selon Carly Fiorina, ancienne présidente-directrice générale de Hewlett-Packard, « (…) les compagnies gagnantes de ce siècle seront celles qui prouveront par leurs actions qu’elles peuvent être profitables et augmenter la valeur sociale – des compagnies qui vont bien et qui font du bien… »2

Le Marketing peut faciliter ces changements de consommation L’omniprésence et l’influence du marketing et de la publicité sont indéniables. Un Canadien moyen écoute plus de vingt-sept (27) heures de télévision par semaine3 et serait exposé à entre deux cent et trois mille publicités par jour, sous une forme ou une autre. Or, certaines grandes entreprises ont changé leur modèle d’affaires et se servent déjà du marketing de façon positive pour modifier les perceptions et comportements des consommateurs. Toyota, en prenant le leadership dans la popularisation de la voiture hybride, a pris le pari de changer nos perceptions sur cette technologie émergente et de la rendre plus accessible. En forçant ses concurrents à accélérer la recherche et développement sur les véhicules moins énergivores et en mettant sur la route plus d’un million de véhicules hybrides dans le monde en 2007, cette entreprise est effectivement en train de modifier pour le meilleur nos comportements d’achat d’automobiles.

L’entreprise Body Shop a aussi changé les comportements des consommateurs en amenant au premier plan la question du testage sur les animaux et en offrant à grande échelle des choix alternatifs. Sa mission demeure aujourd’hui de protéger la planète, d’encourager le commerce communautaire et équitable, de s’opposer au testage sur les animaux, de défendre les droits humains et d’augmenter l’estime de soi. Finalement, l’entreprise Ben & Jerry’s a modifié notre façon de voir en présentant un exemple d’entreprise véritablement fondée sur une mission d’amélioration sociale et environnementale. L’entreprise, afin de soutenir les fermes familiales et les communautés rurales, décide de verser un prix équitable aux fermiers pour leurs produits, incluant un demi-million en primes en 1991 lors d’une chute du prix du lait. Ben & Jerry’s peut fournir du crédit et du financement à ses fournisseurs certifiés équitables et a même éduqué les consommateurs à militer eux aussi contre l’usage d’hormones bovines de croissance aux États-Unis.

Un appel à la réflexion pour les gens d’affaires À un moment où la Terre et le monde réclament du changement, où les compagnies sont désespérément à la recherche de la fidélité des clients et de la rétention du personnel, où les actionnaires deviennent militants et où tous les ayants-droits tendent l’oreille aux mises en garde des activistes, les entreprises doivent s’adapter aux exigences morales, sociales et environnementales du contexte d’affaires. Dans le cadre de ce forum fourni par Génération d’idées, j’appelle chaque praticien du marketing et chaque personne d’affaires à la réflexion sur les valeurs et le patrimoine qu’il veut léguer au Québec et au monde. Bernard Fleury

« Les entreprises

doivent s’adapter aux exigences morales, sociales et environnementales du contexte d’affaires » 19

1 // Hess, Rogovsky et Dunfee,The Next Wave of Corporate Community Involvement : Corporate Social Initiatives” California Management Review 44, no. 2, Hiver 2002, p.114 2 // Carly Fiorina, ancienne Présidente de Hewlett-Packard. Allocution au Business for Social Responsibility Annual Conference . Novembre 2003. 3 // Conseil de la Radiodiffusion et des Télécommunications Canadiennes, Rapport de surveillance de la politique sur la radiodiffusion 2007.


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Plus vert

dans notre cour Enfants, nous avons tous entendu l’adage suivant : « Termine ton assiette, pense aux petits Africains …». Et moi, enthousiaste de répondre : « Maman, à quelle adresse je poste mes petits pois ? » Vite, on m’a appris que ce n’est pas si simple ! Obstinée, guidée par un ardent désir d’humanité, je voulais comprendre pourquoi il existe tant d’inégalités. Plus tard, au secondaire, en étudiant la Grande Guerre, on m’a enseigné une découverte qui m’agite encore. En Pologne, les premiers essais d’armes chimiques, vouées, bien sûr, à tuer l’ennemi. Quelques années plus tard, naissaient les pesticides et une longue lignée de produits destinés à éliminer une vie sensiblement nuisible. Aujourd’hui, suivant les avancées technologiques, nous les introduisons génétiquement dans la chaîne alimentaire. L’état du corps humain expose visiblement le résultat… Au cégep, dans le cadre de mon cours de biologie, j’ai été initiée à la biodiversité. J’y ai appris que la liste des espèces en voie de disparition s’allonge et sagement, à travers ses écrits et ses discours, Hubert Reeves annonce que l’humain pourrait s’y ajouter. Tant d’années d’évolution pour risquer de tout perdre en quelques années… Puis, la fameuse « attaque » en sol américain m’a brusquement éveillée. Mon confort et ma liberté sont compromis, je pense à ma survie. Hubert Reeves avait peut-être raison… Mon passage dans une école de gestion m’a présenté deux visages de notre système. J’ai réalisé qu’il était possible de « profiter » des structures actuelles pour commercer tout en adoptant des méthodes plus équitables… Un court séjour au Bénin a poussé mes interrogations sur l’importance du régionalisme, de la valeur ajoutée et de la diversité locale. Comment ici, par nos choix de consommation, pouvons-nous, maintenant, prendre un virage plus sain ? Notre sécurité va-t-elle de pair avec notre souveraineté alimentaire ? Une réflexion immédiate s’impose, à chacun de la faire; d’où l’importance de l’accès, de la qualité et de la rigueur de l’infor-mation. Comprendre les conditions du commerce équitable et les intégrer au Québec par l’achat local sont des défis collectifs qu’il nous faut rapidement mettre en œuvre. La richesse est certainement présente chez nous, pourtant elle semble s’exiler de nos maisons. Le respect de nos acquis sociaux et de nos conditions de travail est primordial si nous voulons subvenir aux besoins de nos familles. Si notre travail a une valeur, nous devons être prêts à payer le juste prix du produit et du service qui en découlent. Mettre au régime nos dépenses pour mieux consommer et encourager nos entreprises, ce n’est pas du protectionnisme, c’est du gros bon sens.

Les changements climatiques devraient influencer l’utilisation du transport et ainsi nous amener à nous interroger sur ce qui pousse dans nos champs. En apprenant sur ceux qui nous nourrissent et la provenance de nos produits, nous sommes en meilleure position pour évaluer leur qualité, donc leur prix. Une transparence des ingrédients, tout comme des intermédiaires, pourrait nous indiquer à qui profitent nos dépenses quotidiennes. À nous d’avoir du discernement, puisque notre santé dépend de ce que nous ingérons. Ce n’est pas égoïste de vouloir garder notre richesse ici. La consommation de masse peut s’appliquer à plusieurs industries, mais lorsqu’il s’agit d’un besoin vital, des valeurs plus humaines doivent s’imposer. Le commerce équitable rappelle également plusieurs notions coopératives d’une activité économique : la mise en commun des compétences, la diversité des participants, l’accès au capital, le regroupement des achats, l’intégration du pouvoir démocratique, le réinvestissement communautaire… C’est dans le même ordre d’idées que le développement durable, les responsabilités sociales des entreprises et l’éducation à la citoyenneté. Alors, plusieurs solutions sont déjà connues… Qu’attendons-nous pour agir ? Une campagne électorale ? Il me semble que je mâche un discours qui est sur toutes les bouches. Nous sommes conscients d’une quantité incroyable de problèmes, mais il nous manque un « je ne sais quoi » pour amorcer un réel mouvement de changement. Nous avons pourtant chacun un pouvoir si grand sur nos vies et il est en train de nous glisser entre les mains. Il est temps que chacun s’arrête et retrouve l’« Être » qui dicte nos gestes quotidiens. Peut-être que la recherche individuelle du bonheur contribuera à l’amélioration de notre qualité de vie collective. J’ose y croire puisque j’y consacre toutes mes activités et je ne suis pas la seule. Nous vivons dans un monde de solutions et c’est maintenant qu’elles doivent être mises en application. Puisque la révolution ne semble pas à la mode, c’est simplement un geste à la fois que nous ramènerons un peu d’humanité sur cette planète en manque d’amour. Marianne Girard

« Si notre

travail a une valeur, nous devons être prêts à payer le juste prix du produit et du service qui en découlent » 20


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CRÉDIT PHOTO : www.atsa.qc.ca « Zone épineuse »

Le droit à la gratuité... des transports en commun À une époque où le prix du baril de pétrole peut presque tripler sur cinq ans (voire même presque doubler sur un an !), à une époque où les effets des changements climatiques se font sentir de plus en plus, à une époque où la perte de productivité liée à la congestion dans les centres urbains augmente sans cesse et où notre réseau routier est tiré à l’extrême limite, il est urgent de repenser notre système de transport en commun. Comme société, il m’apparaît évident que notre prospérité future passe par un investissement massif dans le transport en commun, mais surtout par une révolution de son mode de financement. Non seulement faut-il augmenter l’offre de service de trains, d’autobus et de métros, mais il faut remettre en question le système d’utilisateur/payeur qui finance au bas mot la moitié des coûts d’opération de nos systèmes de transport en commun. À Montréal, par exemple, le budget de la Société de transport de Montréal frôle maintenant le milliard de dollars annuellement et ce sont les revenus liés à la vente des titres de transport qui financent près de la moitié de ce budget d’opération. Il est insensé de faire subir le coût du système de transport en commun aux voyageurs qui polluent le moins et qui désengorgent notre réseau routier, surtout quand l’on considère que selon les chiffres avancés par la STM, près de 45% des voyageurs qui utilisent le transport en commun proviennent d’un ménage dont le revenu annuel est inférieur à 40 000 $ (et près de 20% d’un ménage dont le revenu annuel est inférieur à 20 000 $). Il faut donc rapidement prôner la gratuité des transports en commun et rétablir la tarification de l’utilisation de l’automobilepour les déplacements en milieu urbain. La première étape est sans doute de rétablir les péages sur les voies donnant accès aux centres des métropoles. Déjà, Londres, Singapour et Stockholm l’ont fait. Lorsque les journaux rapportaient que la Ville de Montréal s’apprêtait à imposer des péages sur les ponts donnant accès à l’île, on sentait déjà les banlieusards monter aux barricades. L’idée n’est pas de pénaliser les gens qui résident à l’extérieur du centre-ville et qui y voyagent pour travailler, mais plutôt de les encourager à modifier leurs habitudes de voyagement. Il est primordial que l’apparition de péages ou de taxes sur la congestion soit accompagnée d’une augmentation crédible de l’offre de transport en commun et que les recettes des péages et taxes soient affectées à son financement.

De plus, il y a une iniquité inhérente au fait de subventionner les automobilistes.Ce sont eux qui utilisent le système routier sans avoir à effectuer de déboursés directs (ce sont des utilisateurs/non-payeurs). Or, c’est un réseau qui coûte très cher à entretenir, et d’après certains documents du ministère des Transports, Québec prévoit investir près de 12 milliards d’ici 2012 pour la modernisation du réseau routier. Le gouvernement serait mal avisé d’essayer de refiler une facture de près de 6 milliards aux automobilistes comme « droit d’utilisation » du réseau routier, mais on trouve normal que les utilisateurs du transport en commun financent près de 50% des frais du système. Et 12 milliards ce n’est que pour l’entretien. Les coûts véritables liés au transport routier comprennent non seulement la modernisation et l’entretien des routes, mais aussi la perte de productivité des citoyens, les accidents de la route et les coûts de santé reliés aux soins aux victimes, la sécurité routière, etc. Quand on fait le calcul, le coût moyen du kilomètre-passager dans cinq grandes villes canadiennes (Montréal, Toronto, Ottawa, Vancouver et Calgary) peut s’élever à 0,46 $ dans le cas de l’automobile – comparativement à 0,12 $ dans le cas du transport en commun. Une différence de 74 %. La Chambre de commerce de Toronto estime que les embouteillages à eux seuls coûtent environ 2 milliards par année en perte de productivitéà la région du grand Toronto. Enfin, il ne faut pas sous-estimer l’impact environnemental du transport routier. Au Québec, le secteur des transports compte pour 38% de la production des gaz à effet de serre. La Ville de Montréal prévoit un accroissement de 112 000 déplacements matinaux en voiture d’ici 2021 sur l’île. Il est temps que les mentalités changent. Il faut cesser de s’acharner sur les voyageurs qui adoptent un comportement qui est dans l’intérêt de la collectivité et de l’environnement. Il est temps d’implanter la gratuité des transports en commun. Nicholas Cerminaro

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