Le Sixième Continent -LesÉlus (tom2)-

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Jean-C么me CABANNE

~ Les Elus ~

Le Sixi猫me Continent

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Je remercie tout particulièrement ma sœur Marion pour sa grande persévérance, Ainsi que mon grand-père qui ma transmit le virus de l‟écriture. A ma famille et à mes amis qui m‟ont soutenu…et aux autres aussi.

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-Sommaire-

I – Des vacances pas comme les autres ...................................................... page 1 II – La Route Emeraude ............................................................................. page 18 III – Le retour à Ultimécia ......................................................................... page 30 IV – L‟arrivée en Atlantide ....................................................................... page 43 V – Une bien étrange ville.......................................................................... page 52 VI – Les Six Erudits ................................................................................... page 61 VII – La forêt aux fées ............................................................................... page 75 VIII – Les contrés du rêve .......................................................................... page 92 IX – Déclaration ....................................................................................... page103 X – Mort sanglante ................................................................................... page108 XI – Forêt des saisons et d‟amour ............................................................ page 118 XII – Révélations...................................................................................... page 128 XIII – Vers Limba .................................................................................... page 137 XIV – Faërie ............................................................................................. page 144 XV – Soulèvement atlante........................................................................ page 157 XVI – Plongeon en eau claire .................................................................. page 167 XVII – Vénissas et examens .................................................................... page 183 XVIII – De ci de là ................................................................................... page 204 XIX – Face-à-faces mortels...................................................................... page 224 XX – Tombés du ciel................................................................................ page 243 XXI – Futur incertain ............................................................................... page 258

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I Des vacances pas comme les autres

C

ela faisait maintenant un mois que l‟année scolaire s‟était finie et que les enfants avaient quitté Ultimécia pour retourner chez eux. Cosme s‟était abonné au Lutin cornus, le journal sorcier le plus important de la Région Centre. Et c‟est sans surprise qu‟une fois de plus la une parlait de la déclaration de M. Benignus et du retour d‟Onoximoustros. Cosme lisait cet article, intitulé « Le peuple se divise sur les propos de Martin Benignus », pour voir s‟il n‟y avait rien de nouveau. Il apprit, non sans surprise, qu‟une partie de la population tenait M. Benignus pour complètement sénile vu son grand âge de quatre vingt seize ans. En effet, M. Benignus, directeur de l‟établissement Ultimécia depuis maintenant quatorze ans, conservait une excellente santé grâce à la magie. Cela était relativement répandu chez les Sorciers de haut niveau, que la magie préservait de la vieillesse en ralentissant leur métabolisme. Cosme se rappelait la dernière fois qu‟il avait vu ce grand homme. C‟était à la fin de l‟année précédente. Rémi, Nicolas, Marine et Cosme avaient cette nuit-là libéré par erreur un terrible sorcier à demi démon. ====== Le soleil était haut dans le ciel et Ultimécia étouffait dans une chaleur accablante. L‟année scolaire touchait à sa fin et tous les élèves avaient été rassemblés en plein milieu de l‟après midi devant le château. Ultimécia faisait office de collège, de lycée et même d‟université pour certaines matières. Chacune des sections étaient dirigées par un directeur adjoint à M. Benignus. Le nombre d‟élèves à Ultimécia était donc très important et il était rare qu‟une telle assemblée soit organisée. Les élèves avaient été réunis à l‟extérieur pendant la destruction des tours au cas où il y aurait des retombées magiques. Ils n‟étaient cependant pas inquiets et l‟ambiance était joyeuse. Seuls Marine, Nicolas, Cosme, Martial, Rémi, Janis et Asmodée semblaient plongés en pleine dépression. Une estrade avait été dressée et les élèves étaient regroupés devant. Sur cette estrade, on pouvait voir les professeurs en grande conversation. Les cinq directeurs adjoints discutaient avec leurs enseignants quand M. Benignus sortit du château. Il jeta un coup d‟œil à la foule pour vérifier que tout le monde était hors de portée des sortilèges, et se retourna vers les tours. 9


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Il y avait cinq tours et tourelles qui étaient réapparues tout au long de l‟année ainsi qu‟un cloître somptueux et assez vaste digne des plus beaux châteaux. Les enfants avaient fait quelques recherches et avaient découvert la raison de ces réapparitions soudaines. En 1752, quelques années après la construction d‟Ultimécia, les fondateurs s‟aperçurent qu‟un imposteur avait pris place parmi eux. Il s‟était fait passer pour un sorcier exemplaire toute sa vie, et quand il avait adhéré au projet d‟Ultimécia, personne ne s‟y était opposé. En réalité, son plan était ficelé depuis des années : il détournait le savoir d‟Ultimécia et il entraînait des élèves à la magie noire dans le but d‟en faire une armée. A cette découverte, les autres fondateurs -qui étaient de puissants sorciers et sorcières- menèrent une enquête à son insu. Ces fondateurs étaient au nombre de quatre : Gontran de Chaureron, biologiste ; Forest Dimitus, naturaliste ; Irma de la Tisson, alchimiste ; Fulbert de Cornouaille, enchanteur. Ils découvrirent que leur « collègue » était à demi démon et qu‟il vivait depuis déjà deux siècles. Il avait semé le chaos un siècle durant. Puis, mis en échec dans ses projets, il avait passé le siècle suivant à attendre son heure et à se forger une nouvelle identité. Les quatre fondateurs comprirent qu‟ils ne pourraient le tuer et créèrent donc, dans le plus grand secret, un monde alternatif magique par le biais de puissants sortilèges. C‟est ainsi qu‟était né l‟Envers d’Ultimécia. Ce monde alternatif comprenait une copie du château, de son parc et rien d‟autre. La copie du château était de taille réelle mais ne possédait aucune décoration. Les fondateurs d‟Ultimécia piégèrent le traître à l‟intérieur et détruisirent cinq tours et un cloître du château Ultimécia. En effet, l‟Envers d‟Ultimécia fonctionnait comme un miroir : tout ce qui s‟y trouvait était inversé par rapport à la réalité, et pour que le passage entre les deux mondes existe il fallait donc que les deux châteaux soient identiques. En détruisant les tours de la réalité, les fondateurs emprisonnèrent le demi démon dans l‟autre monde. Et ne sachant ce qui avait été détruit dans le monde réel, ce dernier ne pouvait de son côté représenter l‟Envers comme le reflet du monde réel, et de ce fait rouvrir le passage. Un des problèmes principaux de ce monde inversé est que le temps n‟y existait pas, comme dans un reflet ; l‟Envers conserverait donc son hôte indéfiniment vivant. Les fondateurs connaissaient la véritable puissance de cet être d‟un autre temps et, sachant qu‟il ne se laisserait jamais piéger une seconde fois, ils devaient trouver une solution pour le long terme. C‟est alors qu‟ils développèrent de véritables dons magiques et décidèrent de faire un grand sacrifice : ils usèrent de puissants sortilèges pour provoquer, à leur mort, leur propre réincarnation. Et c‟est ainsi que durant trois siècles, leurs âmes passèrent d‟une vie à l‟autre sans jamais se réveiller. A chaque génération, des enfants naissaient avec leurs âmes au fond d‟eux, mais 10


les pouvoirs qu‟elles renfermaient ne pouvaient être déclenchés que par le retour des forces du mal. Alors, au fil des réincarnations, leurs âmes se détériorèrent. Elles étaient définitivement perdues ainsi que leur mémoire, mais leurs pouvoirs subsistaient et prenaient de l‟ampleur. En 2001, quatre amis d‟une ville nommée Tours se réveillèrent un matin à l‟aube de leurs quatorze ans et reçurent la révélation qu‟ils étaient sorciers. La nouvelle était plus qu‟inattendue, surtout pour leur âge, car les sorciers naissaient avec ce don et ne l‟obtenaient pas. Ils étaient les Elus : Rémi Gousserol était châtain clair presque blond, les cheveux courts et légèrement frisés. Il avait les yeux marron foncés et était de taille moyenne. Il était mordu de jeux vidéo, de nature sympathique et joueuse. Il adorait rire mais restait un élève studieux et sérieux. Son ami Nicolas Chanin avait les yeux marron très clairs tirant légèrement sur le vert, une grande taille et de larges épaules, une force de la nature. Il avait les cheveux bruns coupés au bol et était doté d‟une nature peu sérieuse mais réfléchie. Marine Lahouf était la seule fille parmi ces quatre Elus. Avec ses yeux bleus et ses cheveux châtains coupés au carré elle était très belle. Une fille très agréable et "fofolle", avec beaucoup de charme. Elle disait tout ce qui lui passait par la tête, sans trop réfléchir, ce qui était plutôt amusant. Le dicton qui la décrivait le mieux était sans nul doute : « Beauté et folie vont souvent de compagnie ». Cosme Antigny avait les cheveux châtains coiffés en piques et des yeux noisette. Bien que relativement petit, il débordait d‟énergie. Il était quelque peu sarcastique et impulsif. Au cours de leur première année de sorcellerie ils développèrent de mystérieux pouvoirs : Rémi pouvait arrêter le temps l‟espace d‟un instant, Cosme savait bouger les choses par la pensée, Marine dominait le vol dans les airs, et Nicolas avait acquis la capacité de devenir invisible. Mais ils avaient tous un pouvoir en commun, qui était sans doute le plus important : l’assimilation. Ils avaient le pouvoir d‟assimiler, de copier n‟importe quelle magie. C‟est au cours de cette première année que les tours apparurent sur Ultimécia. Quelqu‟un voulait rendre au château son apparence pour rouvrir le passage vers l‟Envers d‟Ultimécia. Au bout de longs mois, les enfants retrouvèrent le passage magique dans les sous-sols d‟une aile fermée du château. Par mégarde, ils libérèrent eux même le demi démon, nommé Onoximoustros, qui y était enfermé depuis trois siècles. Ayant échoué dans leur mission, les quatre amis, remplis de honte, l‟avouèrent à M. Benignus. Leur bataille n‟avait cependant pas été vaine, car ils avaient récupéré le Livre de l‟Étoile, un précieux grimoire magique. Le lendemain, M. Benignus rassemblait les élèves dans le parc devant le château. *

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M. Benignus était devant le château. Il brandit sa baguette au dessus de sa tête. Au premier coup, quatre des tours disparurent dans une grande détonation en provoquant des éclairs jaunes qui retombèrent sur le château dans une pluie d‟étincelles. M. Benignus se retourna alors vers la cinquième tour qui était la plus imposante et accolait au cloître. Il leva sa baguette et se mit à réciter une incantation. D‟abord se fut un petit faisceau bleu étincelant qui se mit à parcourir la tour. Puis d‟autres apparurent petit à petit, de plus en plus épais et grands. Les rayons bleus s‟intensifièrent et, d‟un coup, la tour et le cloître disparurent dans un intense flash bleuté. M. Benignus fit alors demi-tour et monta sur l‟estrade. Il y était monté avec une extrême gravité qui ne lui ressemblait pas. M. Benignus était un homme un peu rond et pas très grand. Il avait le visage joufflu d‟un bon vivant, les yeux marron cerclés de noir, le regard vif et intelligent derrière de petites lunettes rectangulaires. Sa calvitie était limitée par une couronne de cheveux grisonnants. Il leva la main pour faire cesser les applaudissements des élèves. Il marqua une petite pose et commença son discours : -Cette nuit, s‟est déroulé un événement dramatique qui nous promet un futur mouvementé. Tout le monde se rappelle le message qui était inscrit en runes de feu sur la troisième des tours à être apparue : "Le portail de l’inverse s’ouvrira bientôt sur l’envers de ceci. Alors le grand Onoximoustros reviendra." A cette évocation, les élèves comprirent que quelque chose de grave avait eu lieu. Le silence devint soudain pesant et l‟ambiance était tendue. Même les professeurs écoutaient attentivement leur directeur d‟un air inquiet. Seuls les oiseaux de la forêt toute proche troublaient cet instant de façon incongrue. -Chers enfants, cette nuit, l‟Envers d‟Ultimécia a était forcé et le sorcier Onoximoustros s‟est échappé. Une rumeur de panique et d‟incompréhension parcourue l‟assemblée, et les professeurs se jetaient des regards interloqués. -Je sais que nombreux sont ceux qui ne croient pas à l‟Envers. Cependant, avant d‟être une légende elle était un mythe, et avant d‟être un mythe elle était une réalité. Vos livres d‟histoire parlent à peine de cette époque qui date de quatre siècles. Ils traitent de l‟Accord de Prague sur la réglementation de la magie en Europe et de la révolte du Petit Peuple. Mais, même pour les historiens, l‟Envers d‟Ultimécia reste une énigme. Cependant je vous le dis : il existe et le sorcier demi démon Onoximoustros s‟en est échappé. La fin de l‟année est proche et bientôt vous retournerez chez vous. Je vous demande de vous tenir prêt, car la guerre est proche. A ces mots, la foule commençât à s‟agiter. Certains accusèrent le coup, d‟autres se butèrent en disant que le directeur était devenu trop vieux, d‟autres encore étaient prêts à combattre, mais la plupart restait interdit. Rémi, Marine, 12


Cosme et Nicolas se tassèrent sur eux même, sentant bien que tout était de leur faute. ====== Cosme parcourait l‟article de presse. Le journaliste parlait d‟un éventuel remplaçant à la rentrée pendant le temps de l‟enquête. Le Gouvernement était naturellement assez hostile aux propos de M. Benignus qui annonçaient des temps sombres, il n‟avait pas besoin de ça. La crise semblait néanmoins aussi bien politique que populaire. Le journaliste insistait sur le fait que la population se sentait particulièrement concernée, contrairement aux crises précédentes qui semblaient soudain sans intérêt. D‟ailleurs, le Président du conseil avait demandé une enquête afin de vérifier si les déclarations de M. Benignus étaient fondées. Il ne voulait pas qu‟on puisse l‟accuser de laxisme et il couvrait ainsi ses arrières intelligemment. Là où Cosme se mit en colère, ce fut en lisant les résultats préliminaires de l‟enquête qui avait été rendus publique. « L’enquête montre qu’il y eut de toute évidence négligence de la part du directeur de l’établissement Martin Benignus, disait l‟article, qui aurait du détruire les parties du château réapparues au fur et à mesure et ne pas laisser Ultimécia redevenir ce qu’elle avait été. Celui-ci répond que s’il avait détruit les tours au fur et a mesure, les chances de découvrir le coupable auraient été réduites. » M. Benignus n‟avait pas était négligent, il connaissait parfaitement les risques. Seulement, il les avaient surestimés, eux, les Elus. D‟ailleurs l‟article parlait d‟eux. De toute évidence, leur existence était encore plus douteuse que la venue d‟Onoximoustros et le journaliste parlait « d’une tentative du directeur pour rejeter toute responsabilité sur d’hypothétiques protecteurs sortis tout droit d’un cerveau vieillissant. » Cosme projeta le journal sur le sol d‟un geste de la main furieux. Il resta assis un instant à contempler les pages éparpillées par terre. Il repensa au terme de protecteur et il esquissa un sourire désabusé. La seule personne qu‟il avait pensé à protéger depuis son retour d‟Ultimécia, c‟était lui, et sa maison. Il en avait fait un véritable sanctuaire en multipliant les sortilèges et les potions de protections recopiés depuis le Livre de l‟Etoile, le grimoire magique très puissant qu‟ils avaient volé à Onoximoustros en le libérant. Dans sa hâte, Cosme avait d‟ailleurs employé des sortilèges de niveau trois. Mais les règles étaient strictes et un jeune sorcier de son âge ne pouvait user de sortilèges et de potions supérieurs au niveau deux dans les villes de plus de mille habitants. Il avait reçu une mauvaise surprise : Les Six 2049 avenue Ockaüm

Cosme Antigny 37000 Tours

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Le 24 juillet 2004 Cher M. Antigny Nous sommes dans le regret de vous informer qu’un sortilège de protection illicite de niveau trois a été pratiqué en votre demeure. Au prochain acte de sorcellerie supérieur au niveau deux pratiqué par votre personne, nous serons dans l’obligation de sévir. Respectueusement, Les Six.

Depuis, Cosme s‟exerçait exclusivement à ses pouvoirs d‟Elu car ils n‟étaient pas détectés. En plus de son pouvoir de déplacer les choses par la volonté, il avait obtenu un pouvoir électrique. Lors de son attaque l‟année précédente, le démon de la foudre, Fulgure, lui avait projeté une boule d‟électricité et avait tenté de l‟électrocuter. Cosme avait reçu la boule électrique de plein fouet et Janis l‟avait téléporté à l‟intérieur. C‟est ainsi que Cosme s‟était retrouvé avec le pouvoir de la foudre, et aussi celui de se téléporter. Grâce à cet apprentissage brutal, il pouvait envoyer des décharges et des boules électriques. Cosme maîtrisait ce don à merveille et, avec l‟aide d‟une formule du Livre de l‟Etoile, il l‟avait appliqué durant toutes les vacances. Ainsi, dans sa maison, il n‟utilisait presque plus les interrupteurs mais allumait les ampoules directement par un petit faisceau électrique. Il en avait aussi profité pour assimiler différentes techniques de combat allant du judo à la capoeira en passant par le karaté. Cosme se leva et posa d‟un geste rageur le journal sur la table. Il alla dans sa chambre pour regarder ce qu‟il lui restait à faire comme devoir de vacances. Il vit avec surprise qu‟il ne lui restait plus qu‟une dissertation de cent trente lignes à écrire. Il se dirigea donc vers le jardin où se trouvait son frère Maxime. Celui-ci était devenu plus distant depuis que Cosme était devenu un sorcier. Pourtant, Maxime avait été le premier à en profiter car Cosme lui avait ensorcelé un stylo pour qu‟il écrive seul sous la dictée et sans fautes d‟orthographes. Depuis, Cosme avait remarqué que Maxime ne restait jamais très longtemps dans la même pièce que lui. Lorsqu‟il sortit dans le jardin, son frère le vit et tout de suite un malaise s‟installa. Cosme fit quelques pas sous le soleil d‟été. Son frère se tenait à l‟écart sur la terrasse et sortit une cigarette qu‟il porta à ses lèvres tout en cherchant son briquet dans ses poches. Cosme sortit sa baguette qui ne le quittait jamais et la pointa vers le visage de son frère. Celui-ci se figea de stupeur en fixant l‟objet. -Besoin d‟aide ? demanda Cosme. Enflamam concipere.

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Le fin fil d‟or, qui était particulier aux Elus, s‟échappa de la baguette et frappa le bout de la cigarette qui s‟alluma instantanément. Maxime sursauta et remercia Cosme d‟une petite voix. Cosme lui fit un sourire et rangea sa baguette. Il fit quelques pas dans l‟herbe et vit du coin de l‟œil son frère écraser sa cigarette nerveusement et rentrer à l‟intérieur. Cosme soupira. Il pris son portable.

On était jeudi et Cosme avait organisé une sortie cinéma avec des amis. Rémi, Nicolas et Marine, bien sûr, mais aussi Paul, Guillaume, Julien et Margueritte, des amis qui ne connaissaient pas leur secret. Ils étaient en train de rigoler quand une énorme bonne femme avec trois paquets de pop-corn entra et s‟assit devant eux. Elle n‟avait pas de cou, la tête semblait directement reliée au corps par un triple menton. Ses bras faisaient le double de la tête de Nicolas, son buste état assez large pour y cacher derrière deux ou trois personnes. A peine était-elle assise sur les quatre fauteuils de devant qu‟elle se pencha en avant et parla d‟une voix si criarde et forte que tout le monde dans la salle se tut : -Les jeunes d‟aujourd‟hui, dit-elle, ils ne respectent plus rien. Et qu‟ils sont grossiers ! Si au moins ils pouvaient se taire… Cosme s‟emporta vite, comme à son habitude. -Non mais vous l‟avez entendue cette dinde ! chuchota-t-il. -La dinde à l‟ouie fine ! La voix criarde de la grosse résonna de nouveau. Tu as de la chance que j‟ai mal au dos, sinon je t‟aurais mis la baffe que tu mérites. A ces paroles Rémi imagina les dégâts qu‟une telle main pouvait infliger et il se dit qu‟il n‟aimerait pas en recevoir une de plein fouet. Puis il se rappela qu‟il aurait toujours le temps de bloquer le temps avant d‟être touché. -C‟est surtout que vous ne pouvez pas soulever vos énormes fesses, reprit Cosme d‟un ton méprisant. Tout le monde dans la salle retenait son souffle. Pendant quelques minutes, la grosse sembla bouillir. Puis, plus rien. -Le film commence, dit-elle tout simplement. Cosme était fou de rage, de plus il ne voyait pas l‟écran. Seule la silhouette de la dame se dessinait devant lui. Malgré Nicolas, qui essayait de le calmer en lui rappelant que son pouvoir lui échappait lors de ses colères, Cosme sortit discrètement sa baguette de sous ses vêtements. "Explosarum !" Le sortilège frappa les pop-corn de la grosse dame qui s‟envolèrent dans toute la salle sous l‟effet de la détonation. La grosse dame poussa un cri effroyable. Marine, bien que morte de rire, se pencha vers Cosme et dit : -C‟est pas malin, c‟est un sortilège de niveau cinq ! -Elle le méritait, fit remarquer Rémi tout aussi mort de rire. -N‟empêche qu‟il est de niveau cinq ! insista Marine. -De quoi ? demanda Guillaume. -Non rien… 15


-C‟est eux ! cria la grosse dame, ce sont ces morveux !! A ce moment, les agents de sécurité du cinéma, alertés par l‟explosion, arrivèrent et se dirigèrent vers la grosse dame. Nicolas n‟avait jamais rien entendu d‟aussi vulgaire que la dizaine d‟injures que proféra la grosse dame en quelques instants, tandis que les agents la faisaient sortir. Finalement, une voix s‟excusa pour l‟incident et le film fut remis au début. -Quand je pense qu‟elle parlait de la grossièreté des jeunes ! s‟exclama l‟homme à qui la grosse dame avait parlé. Cosme eut le plus large des sourires et il s‟installa confortablement dans son fauteuil pour regarder le film. A la sortie du cinéma, une énorme chauve-souris passa aux dessus d'eux et lâcha une lettre aux pieds de Cosme. Il se dépêcha de la ramasser avant que quiconque ne la voit. Il l‟ouvrit amèrement, se doutant de ce qu‟elle contenait. Voici ce qu‟il lut : Les Six 2049 avenue Ockaüm

Cosme Antigny Devant le cinéma 37000 Tours Le 24 juillet 2004

Cher M. Antigny, Nous avons la regrettable certitude qu’un sortilège de niveau cinq a été utilisé par vous dans un bâtiment public. Normalement, nous devrions vous interdire la sorcellerie durant deux semaines car c’est la seconde fois que vous usez d’un sortilège illicite. Mais, au vu de la gravité du geste, nous nous devons de vous supprimer votre droit de magie jusqu’à votre rentrée scolaire. Nous vous demandons de remettre votre baguette à notre chauve-souris. Respectueusement, Les Six. -Quoi ?! Ils n‟ont pas le droit ! Ce sont qui ses vieux fous ? Aussitôt l‟énorme chauve-souris fondit sur la poche de Cosme. Celui-ci se débattit : il avait la poche à moitié déchirée quand Guillaume, Paul, Julien et Margueritte revinrent après avoir acheté du pop-corn. -C‟est quoi ça ?! Va t-en sale bête ! Rapidement, tout le monde se battit autour la poche de Cosme, mais la chauve-souris tenait bon. Elle fini par s‟envoler, la baguette entre les pattes. Cosme était fou de rage : elle avait déchiré son pantalon préféré et elle était 16


partie avec sa baguette, le laissant sans défense. Cosme bouillait. La vitrine du cinéma commençait à vibrer dangereusement. -Calme-moi, lui dit Nicolas. Ce serait bête d‟envoyer quelqu‟un contre un mur par mégarde ou de faire exploser cette vitre. -Non mais ça m‟énerve, comment je vais faire mes devoirs de vacances maintenant ? -Tu n‟auras qu‟à venir chez moi, proposa Rémi. *

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- Quoi ! hurla Mme Antigny. Ils ont fait quoi ? -Ils ont pris ma baguette et… -Quoi ! Mais de quel droit ! Qui sont ses vieux chnoques ? -D‟après mes recherches… je n‟en ai pas la moindre idée. -Mais quelle idée ! Quand je le dirai à ton père… Passe moi une feuille et un crayon, je vais leur écrire ma façon de penser, moi ! Aussitôt dit, Mme Antigny s‟assit à une table, prit un stylo, et tout en vociférant contre les Six, elle se mit à écrire. Ce comportement s‟expliquait par le fait que Mme Antigny avait toujours était très fière de son fils… trop fière même. Cela faisait à peine un mois et demi que Cosme était rentré, et déjà trois albums photos avaient été remplis avec lui seul. Dès qu‟elle le pouvait, elle parlait des exploits de son fils. Cosme avait parfois recours au sortilège de la langue plombée pour la faire taire. A ses moments-là, elle se mettait à faire de grands signes et à lancer des regards admiratifs vers son fils. Elle frôlait l‟hystérie. Ses frères et sœurs, eux, étaient plus calmes. Cosme les voyaient beaucoup plus souvent grâce à la poussière d‟esquentoile : il leur rendait souvent visite, et surtout service. Cosme fut tiré de ses pensés par un grattement sur la vitre de la cuisine. Il alla voir et vit la grosse chauve-souris du cinéma. Surpris, il se dirigea vers la fenêtre et s‟aperçut qu‟elle tenait sa baguette enroulée dans un parchemin jaunit. Dès que la fenêtre fut ouverte, elle lâcha son paquet et repartit à tire d‟aile. Cosme déroula le parchemin et remit la baguette à sa ceinture. -Maman, ils m‟ont rendu ma baguette ! -Quoi ! Fait voir ! Mme Antigny arracha le parchemin des mains de son fils. -Mais ils se moquent de nous ! -Fais voir… -Mais ils se moquent de nous ! -Qu‟est ce qui se passe ? -Mais pour qui se prennent ils ? -Fais… deprehendo parchemin ! Aussitôt le parchemin s‟envola des mains de sa mère et atterrit dans celles de Cosme. Il lut : 17


Les Six 2049 avenue Ockaüm

Cosme Antigny 37000 Tours Le 24 juillet 2004

Cher m. Antigny, Nous tenons à nous excuser pour notre méprise. Un sorcier pouvant utiliser une baguette telle que la votre ne peut encore être en train de faire ses études. Nous espérons vous rencontrer bientôt, ainsi que vos condisciples. Avec nos salutations distinguées, Les Six. Cosme avait tendance à l‟oublier, mais les baguettes que ses amis et lui utilisaient étaient les seules à posséder deux ingrédients incrustés à l‟intérieur. Seul les Elus devaient être capable de s‟en servir. Cependant, les personnes connaissant l‟existence de cette légende et des cinq baguettes à doubles ingrédients étaient très peu nombreuses. L‟incident étant clos, Cosme demanda à sa mère s‟il pouvait aller étudier chez Rémi comme prévu, bien qu‟il ait récupéré sa baguette. Sa mère accepta et Cosme alla prévenir Rémi par téléphone. Après quelques minutes pour préparer leur week-end, Cosme raccrocha et alla dans sa chambre. C‟est le moment que choisit Azul, sa chauve-souris, pour s‟engouffrer par la fenêtre. Les sorciers n‟étaient pas très aux faits des avancées technologiques et continuaient de vivre dans un relatif Moyen-âge, nettement amélioré par la magie. Et si, pour la plupart des choses, la magie leur permettait de ne pas avoir besoin de la technologie, la communication faisait exception. Ils utilisaient en effet encore les hiboux, les pigeons et les chauves-souris pour expédier leurs courriers. Azul tenait entre ses pattes trois lettres bien distinctes et Cosme n‟eut aucun mal à les reconnaître. Deux venaient de ses amis sorciers, et une portait le sceau officiel d‟Ultimécia. Cosme reconnut aussitôt l‟écriture soignée et appliquée d‟Asmodée ainsi que l‟écriture brouillonne et détachée de Martial. Tout deux étaient des sorciers que les enfants avaient rencontrés l‟année précédente à Ultimécia. Asmodée était une métisse au visage fin et à la peau basanée. Elle avait des yeux gris et un petit nez. Ses cheveux très longs et épais étaient semblables à une crinière. La seule façon de les coiffer consistait en une lourde tresse qui descendait jusqu‟à ses reins. Rémi avait pris l‟habitude de la comparer à celle de Lara Croft, flottant au vent. Asmodée était pourtant bien loin de l‟aventurière. Son domaine était celui des livres et des études. Nicolas remarquait d‟ailleurs, qu‟à cet âge-là, les filles sont souvent des bosseuses

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contrairement aux garçons. Marine avait essayé de la convaincre de changer son image de fille stricte car celle-ci se savait très jolie sous ses grands airs. Mais elle n‟avait obtenu que de natter la lourde tresse, sans réussir à lui faire quitter sa robe de sorcière d‟un noir sinistre. Martial, lui aussi, était un sorcier pure souche. Il était joli garçon, blond foncé aux yeux verts, le visage carré, le regard rieur. Il n‟était pas toujours de bon conseil et jamais bon élève. Les enfants s‟étaient toujours demandés comment il avait pu devenir ami avec Asmodée. Il s‟était révélé que leur rencontre avait été le fruit du hasard, et ils avaient très vite sympathisé, leurs caractères se complétant. Tout les deux étaient des enfants aux mêmes idéaux et ils étaient vite devenus très complices, même si leurs prises de becs étaient régulières. Ils avaient beaucoup soutenu les enfants lors de leur première année à Ultimécia en les aidant à rattraper leur retard et en leur apprenant les ficelles de la sorcellerie. Ils n‟avaient pas tardé à découvrir qu‟ils étaient les Elus et ils s‟étaient toujours montrés dignes de ce secret. Cosme entreprit de déplier les lettres tandis qu‟Azul regagnait sa cage.

Bonjour Cosme, Ca va ? Tu n’as pas trop de problème ? Enfin tu vois ce que je veux dire… J’espère que non. Moi ça va très bien. Je suis en Amérique centrale pour les vacances. J’étudie les ruines Maya : tu savais que leur sorciers étaient très réputés ? Ils utilisaient de si puissants sortilèges qu’on raconte qu’ils pouvaient voyager à travers le temps. Mais un truc est venu tout gâcher. Il s’est passé quelque chose d’étrange : Ahuri s’est enfermé dans une sorte de cocon depuis quelques jours. Je suis inquiète, j’espère qu’il va bientôt en sortir… Tu te souviens, la première fois qu’on s’est vu, tu m’avais demandé pourquoi les personnes qui n’étaient pas pourvues de pouvoir magique sont les appelées des gacèmes. J’ai fais quelques recherches mais ce nom remonte à loin et il reste peu de traces. Bon, ce que j’ai trouvé va te paraître tiré par les cheveux : se serait en fait GACM à la base. Mon latin est très mauvais mais ça serait les initiales d’une vieille formulation latine : Genus anteconiunctio magicus. D’après ma traduction cela voudrait dire « Espèce d’avant la fusion magique ». Il va falloir se contenter de ça en attendant que j’approfondisse mes recherches. Bonne vacances Asmodée

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L‟explication d‟Asmodée surpris Cosme, mais il s‟était habitué à l‟étrangeté du monde magique. « Quelle chance de pouvoir étudier les ruine Maya », pensa Cosme, « je trouve ça étrange quand même l‟histoire avec Ahuri. » Cosme fut arraché de ses pensées par un petit cri aigu provenant d‟Azul, comme pour lui rappeler qu‟il avait d‟autres lettres. Il posa la lettre d‟Asmodée et lut celle de Martial : Salut Cosme, ça va ? T’as vu, Asmodée est en Amérique. Je trouve ça injuste, elle aurait pu nous inviter non ? Bon d’accord, je n’ai pas assez d’argent même avec les moyens de locomotion magique, mais elle aurait pu penser à nous ! A part ça, Rémi m’a dit que tout se passe bien et que vous avez même tué des démons à coup de sabres laser. C’est vrai ? Moi je suis à la plage. Ces gacèmes ne savent pas s’amuser. Pour jouer, j’ai fait une grosse vague grâce à la magie et tu sais ce qu’ils ont fait ? Ils se sont enfuis ! Tu te rends compte ? Ils sont ridicules ! Ici il fait 36°C à l’ombre et les filles me courent toutes après. Mais je ne tien pas trop à flirter avec des gacèmes. Je suis désolé, je voulais t’acheter un souvenir mais je n’ai plus d’argent… Passe de bonnes vacances, Martial

Cosme eut un sourire en lisant la lettre. Il savait que Martial exagérait toujours et que sa crédulité était parfois impressionnante. Il se leva et alla s‟asseoir à son bureau. Il avait sorti de quoi écrire quand il se souvint de la lettre venant d‟Ultimécia. Il l‟ouvrit : “Lycée Ultimécia, école de sorcellerie dirigée par Martin A. Benignus, Enchanteur Suprême de l’ordre des Mages et Sorciers, sorciers de premier ordre de la Confrérie Internationale des Chamans, lauréat onze ans consécutifs du Concours du plus Grand Sorcier. Ultimécia, le 24/07/2004 Cher M.Antigny, Contrairement à l’année précédente, nous ne vous demanderons que quelques affaires. En effet, selon le projet pédagogique agréé par le Conseil d’Administration d’Ultimécia et le M.D.S (Ministère Des Six), nous passerons une année particulière. Ce projet consiste à vous emmener étudier au cours de voyages (plus d’informations ultérieurement). L’accord de vos parents

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est obligatoire, ainsi nous vous demandons de nous faire parvenir le papillon en bas de cette page rempli et signé. La liste des fournitures nécessaires à cette année vous est indiquée sur la feuille ci-jointe. Directrice adjointe Minaella Contortine ___________________________________________ PAPILLON A RETOURNER Monsieur, madame - - - - - - - - - - - -, parent de - - - - - - - - - - - autorisons notre fils/fille à partir cette année 2004/2005 en voyage scolaire d’une durée indéterminée. Signature du directeur :

Signature(s) de(s) parent(s) :

(Parchemin traité contre tout sortilège, falsification impossible)”

Et effectivement ci-joint : Chaque élève devra se procurer un exemplaire des ouvrages suivants : -1001 animaux et créatures mystiques. Par Halais Paulette, aux édition Lune. -Mes plantes, mes potions. Par 306 herboristes, aux éditions Alambic. -Protections en tout genre contre magie et créature en tout genre. Par Jean Rye, aux éditions Lune. Les élèves devront également se munir de : -Une baguette magique -De quoi écrire Les élèves ne peuvent apporter un balai ou toutes autres choses volantes, une chauve-souris ou un hibou. Tous autres animaux sont acceptés. Les robes de sorciers ne sont pas obligatoires. - Désolé Azul mais tu ne pourras pas venir avec moi cette année. Mais ce qui me tourmente, ce sont ces mystérieux voyages que l‟on va faire. L‟année dernière, on a fait des sorties et on avait quand même besoin d‟une quinzaine de livres. Tais-toi, s‟interrompit Cosme, je ne m‟entends plus penser avec le bruit que tu fais ; ce n‟est pas de ma faute si tu ne peux pas venir. Sur ce, Cosme entreprit de répondre à ses amis et leur demanda ce qu‟ils pensaient de cette sortie scolaire plus que vague. Il les prévint que les Six

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voulaient parler à lui et à ses amis aux « longues baguettes » et leur demanda qui étaient les Six. - Allez Azul, ne boude plus. Va porter ses lettres à Asmodée et Martial. Tu seras gentil. Merci et ne traîne pas trop ! Si je ne suis plus à la maison quand tu reviendras je serais chez Rémi ! Tu m‟as entendu ? -Je pense que non. Cosme fit volte-face. Devant lui se tenait un homme plutôt grand à l‟air terrifiant, un petit sourire sarcastique aux lèvres. -Ne me dites rien ! J‟ai oublié d‟activer mon sablier de protection et vous, vous êtes un démon quelconque qui en a profité ? demanda Cosme d‟un air détaché. -Oui, et je vais te tuer, répondit le démon, amusé par la confiance de Cosme. -C‟est ce qu‟on va voir ! Tout en disant ces mots, Cosme envoya une boule d‟énergie électrique sur le démon. Celui-ci, surpris, n‟évita pas l‟attaque et la boule s‟écrasa sur lui dans une violente explosion. Le démon recula à peine et se mit à rire : -C‟est ça le terrible pouvoir des Elus ? Laisse moi rire, tu n‟es qu‟un gosse sans don exceptionnel. -C‟est ça, rigole... D‟un geste rapide du bras, Cosme projeta le démon contre le mur. Celui-ci se releva sans une égratignure. -Aïe, dit il tout simplement. Assez ri, à moi maintenant, et si mes informations sont exactes, tu ne pourras pas bloquer mes attaques ! Il tendit la main vers Cosme et un éclair étincelant fondit sur lui. Il eut à peine le temps de plonger et d‟éviter la magie destructrice du démon. Celui-ci rit en voyant Cosme à terre. Cosme sentait la panique le gagner : derrière lui se dessinait la trace de la brûlure laissée par l‟attaque et aucun de ses pouvoirs ne fonctionnait sur lui. La solution lui apparut clairement : activer son sablier de protection. Quitte à mourir, autant le faire en beauté pensa-t-il. Il lui fallait détourner l‟attention du démon pendant qu‟il approchait de son sablier. Cosme se releva et fixa le démon. Il fallait qu‟il tente quelque chose. Il pointa un doigt vers lui et un éclair en jaillit pour le frapper. Le démon se remit à rire à gorge déployée. Cosme n‟avait pas dit son dernier mot. Il rassembla ses forces et, cette fois, se fut avec toute sa main qu‟il envoya un faisceau électrique en continu sur le démon. Son attaque aurait pu tuer n‟importe quel humain mais le démon semblait à peine secoué. Il se mit alors à jeter autant de boules électriques que possible sur lui dans l‟espoir de faire diversion, et en espérant avoir assez d‟énergie pour tenir. -Je vois la peur dans tes yeux, dit le démon d‟une voix menaçante. Je serais à ta place, je m‟enfuirais le plus loin possible. 22


-Je n‟ai pas peur de mourir, répondit Cosme déterminé. -“Que l‟on soit lâche ou courageux, la mort est une erreur fort stupide” comme dit le dicton. Cependant Cosme continuait ses attaques tout en se déplaçant lentement –très lentement– vers son sablier. Soudain, il s‟arrêta, exténué, à bout de force. -Pourquoi t‟arrêtes-tu ? Tu en as assez ? Tu viens de comprendre que j‟étais invincible ? -Non, je viens seulement d‟atteindre mon sablier, articula Cosme à bout de souffle. Tu sais ce que cela signifie ? Le démon cessa aussitôt de rire et son visage se durcit. Le sablier de protection de Cosme était un sablier moderne de gel et de forme cylindrique qui contenait les plus puissants sortilèges et enchantements. Il l‟avait trouvé dans le Livre de l‟Étoile. Le démon semblait le savoir. -Je ne te laisserai pas le temps de l‟activer ! Cosme retourna alors son sablier d‟un geste rapide. Immédiatement, un rayon lumineux fut projeté vers le ciel au travers du plafond. Simultanément, le démon avait tendu la main vers Cosme. Mais les effets du sablier se faisaient déjà sentir et le démon se mit à bouger au ralenti. Pendant ce temps-là, le rayon du sablier atteignait le sommet de la maison. La lumière qu‟il diffusait, perceptible uniquement par les êtres magiques, irradiait la chambre de Cosme tantôt de rose, tantôt de bleu en passant par le jaune, et donnait un air irréel au démon dont le visage était déformé par la haine. Un éclair étincelant apparut à sa main, toujours au ralenti. Le rayon du sablier dépassa le toit d‟une dizaine de mètres et se divisa comme s‟il épousait une surface de verre concave dans le ciel. Il amorça une descente pour former une sorte de cloche autour de la maison. La magie destructrice du démon fusait vers Cosme tandis que la cloche magique continuait sa lente descente. Cosme ne bougeait plus, tous ses espoirs reposaient sur le fait que la cloche serait en place avant que la magie du démon ne le touche, car, même ralenti, l‟éclair se déplaçait vers lui rapidement. Le sortilège du démon effleura à peine son t-shirt et s‟arrêta, trop ralenti, comme figé dans le temps. Soudain, le temps reprit son cours normal et le rayon du sablier disparut. L‟éclair démoniaque fit demi-tour et fusa cette fois sur le démon qui fut éjecté hors de la maison avec une rare violence : la cloche magique venait de toucher terre et de s‟activer. Une fois en place, la cloche devenait invisible, même pour les êtres magiques qui ne pouvaient plus que sentir sa présence, et ses effets duraient une vingtaine d‟heure. Cosme épongeait son front devenu moite quand il entendit sa mère dans l‟escalier arriver en courant, alertée du fond du jardin par les bruits du combat. Trop fatigué pour raconter les évènements et la consoler après des sanglots interminables, il prit son sablier puis il saisit son sac de poussière d‟escantoile 23


(subtil mélange de poudre d‟escampette et de poussière d‟étoile qui permet de voyager très rapidement d‟un point à un autre, utilisable n‟importe où en extérieur), en prit une poignée et la jeta au-dessus de lui. Il fit apparaître un parchemin sur lequel il s‟excusait et expliquait qu‟il partait plus tôt chez Rémi avec sa baguette. Il sauta par la fenêtre de sa chambre du deuxième étage et dit d‟une voix forte : “Dans le jardin, chez Rémi !” Presque aussitôt, au moment où il allait toucher le sol, Cosme s‟éleva dans les airs avec une vitesse vertigineuse jusqu‟à disparaître. Alors une étoile s‟illumina dans le ciel et devint étoile filante : Cosme était parti de l‟autre côté de la ville où il atterrirait dans la minute même où il avait quitté son jardin. Malgré sa violente descente, Cosme atterrit presque au ralentit. Que c‟est bien la magie, pensa t-il. Il se tenait dans le petit jardin chez Rémi. Sa maison se trouvait dans le centre de Tours à Beaujardin, à dix minutes à peine des bureaux de la Nouvelle République, le journal de la région. Elle était plus petite que celle de Cosme avec ses deux pièces de largeur. Cependant, elle avait quatre étages et cette maison tout en hauteur avait toujours beaucoup plu à Cosme car tout y était quasiment permis. Leur jeu favori était de se jeter dans la cage d‟escalier du dernier étage et de s‟arrêter le plus tard possible à l‟aide de sortilège. Ils n‟y jouaient jamais avec Marine : elle gagnait toujours grâce à sa capacité de voler. Il frappa timidement à la porte de derrière qui donnait sur le jardin. Etonné de la vitesse avec laquelle on lui ouvrit la porte, Cosme fit bond en arrière. Il se sentit bête d‟avoir eu une telle peur quand il reconnut qui était face à lui. Il s‟agissait du père de Rémi. Il ne l‟avait vu qu‟une fois et en gardait le souvenir d‟un homme grand, habillé de cuir de la tête aux pieds, avec lunettes de soleil et cheveux mis longs peignés en arrière. D‟après ce que lui avait dit Rémi, le travail de son père l‟avait poussé, depuis une promotion, à vivre à Toulon, une grande ville au bord de la Méditerranée. Son travail était très prenant et il ne revenait que rarement, à cause des neuf heures de route et du prix de l‟avion. Stupéfait de se retrouver devant cet homme, il marqua un petit temps avant de réagir. -Bonjour je m‟appelle Cosme. Je m‟excuse d‟arriver en avance mais j‟ai eu quelques petits problèmes et… le voyage a été plus rapide que prévu. L‟homme sourit. -Moi c‟est Mikaël, le père de Rémi. Ne t‟en fais pas, moi aussi j‟ai du mal à m‟habituer à la rapidité de la poussière d‟escantoile. Allez, entre, Rémi va être content de te voir plus tôt. En tout cas, je tiens à vous remercier : grâce à la poussière d‟escantoile que vous me ramenez, je peut rentrer tous les week-end maintenant. La poussière d‟escantoile n‟avait pas un rayon d‟action infinie et Cosme pensa que la distance que faisait le père de Rémi devait se trouver très proche de 24


la limite. Cependant, pour couvrir de très longues distances, il est toujours possible de faire des étapes. -De rien… salut Rémi. Désolé d‟arriver en avance mais je me suis fais attaquer par un démon, ou je ne sais quoi, tout à l‟heure. D‟ailleurs, si ça ne te dérange pas, je voudrais activer mon sablier de protection. Tu comprends il m‟a encore sauvé aujourd‟hui. - Bien sûr, laisse-moi faire. Rémi prit le précieux sablier et l‟activa en le retournant. Le père de Rémi ouvrait de grands yeux mais il ne vit rien de ce que faisait les enfants. Une fois la cloche en place, les enfants mangèrent et montèrent dans la chambre de Rémi. Ils passèrent la nuit à discuter et Cosme exposa à Rémi son inquiétude car les démons semblaient très renseignés sur leur compte. Ils tentèrent aussi d‟imaginer quels voyages ils allaient pouvoir faire durant l‟année à Ultimécia. Ils étaient bien loin de la réalité. Le lendemain, les enfants se levèrent très tard dans la matinée et bâclèrent leur rédaction pour avoir l‟après-midi de libre. Ils avaient décidé de la consacrer aux achats de l‟année scolaire. Ils avaient prévu de se retrouver avec tous leurs amis (ce qui n‟est pas difficile avec la poussière d‟escantoile) sur la Route Emeraude. Le rendez-vous était fixé à deux heure et demie de l‟après midi devant la boutique de farces et attrapes magiques de M. Profire. Tout le monde serait là, sauf Asmodée et Martial qui n‟entendaient rien au téléphone et qu‟il était donc impossible de prévenir. C‟est le problème chez les sorciers : la magie les empêche de progresser sur le plan technologique. La science leur fait peur et ça remonte à la nuit des temps, à la même époque où les gacèmes se sont mis à redouter la magie. Ce qui n‟est peut-être pas si mal, car si la science et la magie ne s‟étaient pas séparées, nous ne connaîtrions probablement pas le cinéma.

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II La Route Emeraude

A

deux heures et demi, la bande d‟amis était réunie. Presque tous étaient à l‟heure, seuls Asmodée et Martial manquaient à l‟appel. Ils s‟étaient assis à une table du Café d’en face, un bar qu‟ils avaient l‟habitude de fréquenter depuis l‟année précédente. Ils avaient décidé de ne plus parler des problèmes de démons et ils discutaient donc principalement des voyages scolaires, ainsi que tous les jeunes sorciers qu‟ils avaient croisés jusqu'à présent. C‟était d‟ailleurs le sujet principal de discussion des jeunes et des adultes qui se promenaient sur la Route Emeraude. La Route Emeraude était une sorte d‟avenue commerciale de la sorcellerie, pareille à l‟avenue des Champs Elysée, cachée aux yeux des gacèmes par des charmes très puissants. Elle paraissait sans fin mais il était impossible de se perdre vu la régularité et la droiture de l‟avenue. La Route Emeraude n‟avait rien à envier à sa sœur : elle était semi-piétonne, très large avec de magnifiques arbres qui la bordaient de part et d‟autre, et elle était, elle aussi, située au centre de Paris. La Tour Eiffel, bien qu‟inaccessible directement de la Route, perçait au dessus des bâtiments. La Route Emeraude proposait des grandes surfaces ainsi que de très nombreuses petites boutiques artisanales, toutes traitant de la magie et des besoins en tout genre de la communauté magique. Mais elle n‟était pas seulement commerciale, elle était aussi touristique avec quelques musées fameux dans le monde magique. Et même s‟il s‟y trouvait des banques, il n‟y avait ni la préfecture ni son palais présidentiel qui avait été depuis longtemps transformé en musée après la crise de 1964. Les enfants décidèrent donc de partir explorer la Route et d‟allez visiter les nouveaux magasins. Après deux heures de promenade, ils entrèrent dans un magasin nommé Les objets gacèmes, tout et n’importe quoi. La boutique ne semblait pas attirer la foule pourtant importante à cette heure d‟une journée de vacances. La boutique était toute petite et mal éclairée par des néons incertains qui n‟avaient rien de magiques. Sur les murs de l‟échoppe, il y avait absolument tout. La boutique regorgeait d‟objets les plus variés, habituellement dispersés dans plusieurs magasins classiques. Marine s‟approcha des vêtements, qui ici ne valaient presque rien, Nicolas des bandes dessinées, Rémi des jeux vidéos et Cosme des skates. -Bien le bonjour, jeunes sorciers…, dit une voix au fond du magasin.

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Les enfants se retournèrent et virent un grand jeune homme brun s‟avancer vers eux. Il était habillé d‟un jean délavé et d‟une chemise rouge à la mode. -Si vous cherchez quelque chose de vraiment gacème, il y a ces jeans que mademoiselle regarde ou ces sabliers très pittoresques qui ne fonctionnent pas avec du sable mais avec une sorte de gel à l‟intérieur qui… -On en a déjà un, intervint Cosme. Merci quand même. -Oui, nos parents sont des gacèmes alors… -Quoi ! Vos parents sont des gacèmes et vous portez quand même des robes de sorcier ! -Bah oui, si on ne veut pas se faire regarder de travers sur la Route, on n‟a pas le choix. -Vous avez raison, avoua-t-il apparemment consterné. En effet la tenue vestimentaire des sorciers n‟avait pas beaucoup évolué. Les hommes et les femmes portaient toujours la traditionnelle robe de sorcier. Cette tenue s‟avérait la plus pratique car elle permettait des mouvements amples ; mais aussi de camoufler ses sortilèges si besoin était. Cette robe s‟était cependant beaucoup diversifiée avec le temps. On en trouvait de toutes les formes, de toutes les couleurs, dans tous les tissus, avec ou sans motifs. La plupart portait des ceintures ou des cordelettes pour marquer la taille. Les grands Mages de haut niveau portaient des robes spéciales possédant un pouvoir propre grâce à des runes cousues à même le tissu, ou encore au tissu enchanté. Evidement, les femmes avaient beaucoup plus de choix que les hommes. Marine avait même un jour mis une robe qu‟elle avait ramené de Tours à Ultimécia et elle avait fait croire qu‟il s‟agissait d‟une robe de sorcière de la dernière mode. Rémi, Cosme et Nicolas avaient toujours du mal avec ces coutumes vestimentaires et ils n‟appréciaient pas beaucoup cette manie des robes. Du coup, ils restaient en général toute l‟année avec leur robe d‟été. En effet, les robes d‟été étaient plus courtes et sans manches, ce qui permettait aux garçons de les porter avec des jeans. Ils se persuadaient qu‟il s‟agissait de long t-shirt un peu trop grand avec une ceinture à la taille ou une cordelette pour la maintenir. En hiver, ils les gardaient et rajoutaient juste dessous un t-shirt à manche longue. Et quand il faisait vraiment froid, ils s‟emmitouflaient dans leur cape. Ils ne mettaient des robes complètes qu‟en dernier recours. -Vu que vous êtes des amis, reprit le vendeur, je vous offre à tous un article au choix ! déclara-t-il de nouveau de bonne humeur. Les enfants acceptèrent l‟offre de bon cœur. Marine choisit un débardeur “tendance” d‟après elle, Rémi un jeu console qui venait de juste de sortir et qui coûtait horriblement cher, Nicolas prit une bande dessinée de Tomb Raider et s‟en acheta une de Witchblade, Cosme préféra une planche de skate. De plus, Cosme demanda à chacun d‟acheter un skate sans vraiment leur dire pourquoi.

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Ils acceptèrent, étant donné que les planches étaient du même prix qu‟une glace magique du magasin d‟en face. -J‟ai une question, questionna Marine une fois dehors. Pourquoi nous as-tu fait acheter une planche de skate? -C‟est une surprise. Je compte m‟en servir pour… Cosme fut arrêté par un rire sarcastique qui leur était familier. Les enfants firent volte-face et tombèrent nez à nez avec leur vieux ennemis : Cyril DeLaurer et Franck Maureau. Les enfants les avaient connus l‟année précédente et ces deux terreurs avaient immédiatement vécu l‟arrivée des nouveaux comme une menace. Ils les considéraient comme des surdoués qui débarquaient directement en seconde année et ils étaient jaloux de cette concurrence. De plus, ils avaient espéré pouvoir leur en faire voir de toutes les couleurs car ils débutaient en magie. Pendant un an, la vie des enfants avait été très compliquée car ils avaient du percer le mystère de l‟Envers d‟Ultimécia et développer leur pouvoir d‟Elus, tout en évitant les pièges des deux compères. Cyril était un garçon petit qui arrivait à peine à la hauteur du nez de Cosme, lui même déjà pas très grand. Il avait les cheveux rouges feu, un petit nez en pointe, le teint pâle des roux avec quelques tâches de rousseur. Ce visage était complété par petits yeux perçants bleus très clairs et une bouche aux lèvres fines. Cyril faisait preuve d‟une grand habilité en magie et il était un des meilleurs élèves de la section Fiolem à Ultimécia. Il était très vif d‟esprit et il avait probablement un QI supérieur à la moyenne. Franck, son meilleur ami et acolyte, était son exact opposé. Il était d‟une taille impressionnant et ses épaules étaient aussi larges qu‟un buffet, ses cheveux était d‟un bleu profond et ses yeux d‟un noir d‟encre. Cette armoire à glace avait une force considérable, il tapait vite et ne s‟encombrait pas des détails, comme viser. Nicolas avait souvent eu l‟envie de se mesurer à lui dans un combat des titans mais jusqu‟à présent l‟occasion ne s‟était jamais présentée. Franck était relativement bête et il obéissait aveuglément à ce que lui disait Cyril. La présence de Franck aux côtés de Cyril contribuait à donner à ce dernier l‟air encore plus malin et les enfants se demandaient d‟ailleurs si ce n‟était pas la seule raison pour laquelle il restait avec lui (en plus du fait qu‟il portait tout ses livres). -Regarde moi ça, le club des débiles au grand complet ! Que dis-je, il manque maman débile et bébé débile! s‟exclama Cyril tandis que Franck pouffait de rire. -Oui, moi aussi ça m‟a étonné de ne pas voir ta mère et ton frère, il ne leur est rien arrivé de grave j‟espère? rétorqua Rémi. Cyril dégaina sa baguette avec une vitesse incroyable, suivi de Franck plus lent, plus habitué à se servir de ses muscles plutôt que de la magie. Déjà, ils les pointaient vers le groupe d‟amis d‟un air menaçant. -Fais attention à ce que tu dis si tu ne veux pas que je t‟expédie à l‟hôpital ! rugit Cyril.

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-C‟est toi qui devrais faire attention, un sortilège trop puissant risquerait d‟altérer la couleur de la teinture de tes cheveux… Ai-je dis teinture? Oups! renchérit Cosme. En effet, à Ultimécia, les enfants avaient découvert que Cyril se teignait les cheveux. Les sorciers de lignée pure, après une centaine de générations, portaient des cheveux aux teintes étranges. Appelés numistius, ces sorciers appartenaient souvent à l‟ancienne noblesse et ils occupaient la plupart du temps des postes importants. Certains de ces sorciers se prétendaient supérieurs aux autres et détenteurs de plus de pouvoirs, ce qui n‟avait jamais pu être démontré. Au bout d‟environ deux cents générations, la teinte de leurs cheveux devenait multiple avec des mèches de couleurs différentes, mais en général toujours assorties (rouge, orange, jaune et blanc par exemple). Ainsi, si Franck était un vrai numistius avec ses cheveux d‟un bleu profond, Cyril n‟en était pas un et ses cheveux rouge devaient beaucoup à de la teinture. Il se teignait les cheveux car son père était un numistius très influant et un sorcier très puissant et respecté. Il avait cependant épousé dans le plus grand secret une gacème, qu‟il faisait depuis passer pour sorcière. Afin de ne pas être trahi, il avait teint en rouge les cheveux de son fils dès ses six ans, car il était au naturel légèrement roux, comme sa mère. Personne ne connaissait ce secret et personne ne s‟en doutait, car la teinture pour cheveux était tout simplement interdite chez les sorciers. Savoir que Cyril n‟était pas un vrai numistius était pour les enfants une garantie de bonne santé. Ce dernier argument sembla dissuader Cyril de les toucher et emmena Franck qui visiblement ne comprenait pas pourquoi ils devaient partir. Les enfants les regardèrent s‟éloigner un instant et reprirent leur activité. -Bon, je sais que l‟on a quasiment rien à acheter comme fourniture, mais il faudrait y penser pendant qu‟on est là. -Oui, Nicolas à raison, intervint Marine. Mais il y a un problème : la librairie est de l‟autre côté de la Route, et le magasin qui vend de l‟escantoile se trouve à l‟opposé. -Il n‟y a pas qu‟un magasin qui vend de l‟escantoile, tu en trouves n‟importe où, remarqua Rémi. -Je le sais bien, mais j‟ai une carte de fidélité dans ce magasin. Ca me fait des réductions et au bout de cent achats, j‟en ai un gratuit… -D‟où les skates! s‟exclama Cosme. -A tiens oui, qu‟elle bonne idée, se moqua Nicolas ! Je me vois très bien faire sept kilomètres en skate moi ! Tant qu‟on y est, on peut tous y aller sur le dos de Marine ! -Chut ! On ne doit pas parler de tu-sais-quoi ici ! chuchota Rémi. Et puis d‟a…aaaa… aaaaaaa… TCHOUM ! Plus un bruit. Un silence de mort venait de tomber sur la Route Emeraude. Tout était immobile, des passants à l‟oiseau qui s‟envolait, de l‟eau qui gouttait 29


des gouttières aux sortilèges dont les étincelles étaient figées entre deux sorciers. Le temps sembla soudain s‟être arrêté. -Bravo Rémi, je vois que je ne suis pas le seul à avoir développé mon pouvoir pendant les vacances, dit Cosme admiratif. -Même les gens qui sont à l‟intérieur des boutiques sont bloqués, chapeau ! le félicita Nicolas à son tour. C‟est impressionnant comme ton pouvoir est devenu puissant en si peu de temps. -Tu peux débloquer tout ça ? demanda Marine horrifiée. On se croirait dans un musée de cire géant. J‟ai horreur des musées de cire ! -Dès que tu seras descendue sur terre, répondit Rémi. D‟accord, je conçois que tu ais eu peur, mais de là à se réfugier dans les airs… -Je n‟y peux rien, gémit Marine en redescendant doucement. Ca ne me fait rien quand tu bloques une pièce ou quelques personnes… Mais si tu voyais ça d‟en haut, toute la Route est bloquée dans un rayon d‟un peu plus d‟un kilomètre ! -Un kilomètre ! Ah oui, quand même ! Moi, je n‟ai pas encore percé le secret de mon pouvoir, dit Cosme, je n‟arrive pas à déplacer des objets lourds, ça me demande trop d‟énergie et je ne sais pas y parvenir… -Tu sais, ça doit être le maximum que je puisse faire. D‟ailleurs, toutes les personnes qui ne sont pas bloquées doivent être hystériques. Tout le monde est en place, c‟est bon ? demande Rémi. C‟est parti ! Un petit geste des mains et le temps repris son cours normal. Le bruit régnait de nouveau sur la Route Emeraude. -Ca ne résout pas notre problème de comment allez d‟un bout à l‟autre de l‟avenue sans marcher. Je suis crevé, moi, à marcher autant ! -Mais si, dit Cosme en attirant ses amis dans un des nombreux petits culs de sac qui se trouvaient en perpendiculaire de la Route Emeraude. Je prends un skate, je lui enlève les roues, je vaporise dessus de la poudre d‟escampette et… -Et de la poussière d‟étoile et zou ! Cosme, le dosage de la poudre d‟escantoile est très précis. Une erreur dans les proportions et on se retrouve expédié sur Mars ! -Mais non Rémi, de toute façon on dit qu‟ils possèdent des stations balnéaires très réputées sur Mars, non ? Bon vous arrêtez ? Vous me laissez finir mon invention, ça fait depuis le début des vacances que je planche dessus. *

*

*

Pendant une heure, les enfants, qui s‟étaient réinstallés au Café d’en face, virent Cosme faire des allers-retours dans différents magasins. -Qu‟est ce qu‟il a encore pris? demanda Rémi, inquiet, en voyant Cosme sortir de la boutique de cristaux. -Je dirais que les pierres rouges sont des pierres de gravité, répondit Nicolas qui c‟était fait une spécialité des runes et des cristaux, et que les bleus sont…

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-Les bleus sont des cristaux de lévitation, le coupa Marine qui, dès qu‟il s‟agissait de voler, était toujours la plus au courant. Le ballet de Cosme sembla enfin se finir et ses amis allèrent le voir. Ils trouvèrent Cosme apparemment très content de lui avec les quatre planches de surf à sa traîne. -Tout d‟abord je tiens à remercier… -Abrège, qu‟est ce que tu as fait subir à ses pauvres skates sans défense? -Je les ai améliorés, monsieur Qui-met-la-charrue-avant-les-bœufs. Mais tout d‟abord, j‟ai besoin de ton avis Nicolas. Tu peux me dire si mes runes sont exactes ? Cosme retourna une des planches et Nicolas pu se rentre compte qu‟elle était gravée de runes, comme toute les autres probablement. -Oui, elles sont exactes si le but est de rendre ton skate manœuvrable dans les airs, se moqua Nicolas. -C‟est effectivement le but, répondit Cosme avec un large sourire. J‟ai passé trois semaines à réaliser ce sortilège! -Tu aurais pu me demander, il n‟est pas très compliqué, répondit Nicolas qui continuait de regarder les runes. -On ne va pas partir sur ce sujet s‟il te plait, répondit Cosme. Dis-moi Marine, tu peux les toucher s‟il te plait? -Les toucher ? C‟est tout ? Oui pas de problème, dit-elle de toute évidence déçue. Marine s‟approcha des planches et les toucha du bout des doigts. Aussitôt, les skates jusqu‟alors immobiles se mirent à léviter à une trentaine de centimètres du sol. -Je me doutais bien que ton pouvoir me serait indispensable pour lier entre eux tout les composants, dit Cosme avec un sourire rieur. Les enfants regardèrent les skates, médusés, en se demandant bien à quoi ils pouvaient servir ; car en lévitation ou pas, il fallait toujours les pousser soimême. -Je ne vois pas l‟intérêt de ces skates qui lévitent, dit Rémi. -Ils ne lévitent pas seulement, ils volent, répondit Cosme. -D‟où les runes, intervint Nicolas. Et ils tirent leur énergie des cristaux. -Des cristaux, des sortilèges mais surtout du pouvoir de Marine. -Et d‟après tes runes, ils se dirigent comme un balai, continua Nicolas. -Tout à fait : on se penche en avant et ils avancent, on pousse avec les pieds dessus et ils accélèrent, on se penche en arrière pour qu‟ils freinent et sur les côtés pour qu‟ils tournent. C‟est simple non? -Très simple, répondit Rémi qui l‟avait déjà rejoint. -Je suppose que ça vous excite de pouvoir voler, déclara Marine blasée. J‟ai volé tout l‟été…

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-Et bien tombe maintenant ! Le dernier arrivé est une lopette ! s‟écria Nicolas en s‟envolant. S‟engagea alors une course furieuse entre les quatre amis dans le ciel de la Route Emeraude. Nicolas fut très vite rattrapé par Marine qui maniait son skate à la perfection, en complète osmose avec celui-ci. Cosme revint alors dans la course. Le vent lui fouettait le visage et lui sifflait aux oreilles. Ils voyaient en dessous d‟eux la Route Emeraude défiler à toute allure et les passants les regarder d‟un drôle d‟air. Ils croisèrent quelques balais comme le Kenin V, réputé pour être le plus rapide sur le marché, qu‟ils doublèrent sans trop de mal. Aucun fil électrique ne coupait cette avenue. Toute la largeur de la plus belle avenue du monde (bis) était donc à eux. La boutique se distingua rapidement. Marine et Cosme commencèrent leur descente tôt tandis que Nicolas et Rémi partirent en piquet vertigineux. Arrivés devant la boutique, les enfants sautèrent de leurs skates volants et les prirent sous le bras pour entrer. La boutique s‟appelait La poudre à tout. Elle était très vaste et éclairée par de larges fenêtres. A l‟intérieur, se trouvaient se nombreuses étagères sur lesquelles on pouvait voir toutes sortes de poudres, de la classique mandragore pilée à la rare poussière d‟ange, en passant par les courants aphrodisiaques de toute sorte. Il y avait dans la boutique une vingtaine de client, dont un maghrébin qui attira l‟œil de Marine : sa silhouette lui rappelait quelqu‟un mais elle ne put savoir qui car il se tenait de dos. Les enfants prirent chacun un sachet de poussière d‟escantoile et allèrent à la caisse. -Alors comme ça on ne dit plus bonjour à ses amis ? Les enfants sursautèrent et restèrent interdit devant la personne qui se trouvait devant eux. Martial, c‟était Martial, plus bronzé qu‟un africain. Marine l‟avait pris pour un maghrébin, un maghrébin blond, certes, mais un maghrébin. -Super ce sortilège pour changer d‟origine, dit Rémi quelques peu sarcastique. -C‟est bon, dit Martial en baissant les yeux. Je me suis trompé dans le dosage d‟une crème magique auto-bronzante. -Mais tu fais quoi ici ? demande Marine. Tu n‟es plus en vacances ? -Et non, je suis rentré hier. Et je fais comme vous, je pense, j‟achète mes fournitures. Au fait, vous avez une idée de quels voyages on va faire pendant l‟année ? Ils sont super mystérieux à ce sujet. En tout cas je suis de la partie, j‟ai déjà renvoyé mon papillon ! -Je ne l‟ai pas encore envoyé, dit Nicolas. Mes parents n‟ont pas très confiance en la magie en ce moment, surtout depuis qu‟ils sont tombés sur Le Lutin Cornus que j‟avais laissé traîné. -Moi je ne leur ai pas encore demandé, répondit Cosme distrait. Ce n‟est pas tout ça, mais il faut acheter nos livres: je dois rentrer chez moi bientôt.

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Les enfants sortirent du magasin et montèrent sur leurs skates volants, Martial avec Marine car le sien était plus stable et plus grand. A la librairie, ils trouvèrent Janis en train d‟acheter ses livres en compagnie de sa mère. Elle était rayonnante et on lisait dans ses grands yeux roses toute la générosité du monde. Janis avait été la première à rejoindre le groupe. Elle était une fille peu ordinaire, comme le laissaient deviner ses grands yeux roses et ses cheveux d‟un magnifique bleu turquoise qui descendaient un peu plus bas que ses épaules. Janis n‟était pas une sorcière quelconque et sa vie de famille avait toujours été compliquée. Sa mère était une sorcière qui avait rencontré un jeune et très beau numistius il y avait des années de ça. Ils s‟étaient mariés et Janis était née quelques temps plus tard. Le jeune bébé avait eu des grands yeux roses dès la naissance et ses cheveux déjà épais étaient d‟une teinte bleue turquoise, tout comme son père. La mère de Janis avait trouvé ça étrange, car en général la couleur des cheveux des numistius changeait après quelques années. C‟est alors que son mari lui apprit qu‟il n‟avait rien d‟un sorcier et qu‟il était en réalité un elfe. Il pensait que leur amour était indestructible mais il avait tort. La mère de Janis se sentit trahit et chassa son époux de la maison. Elle demanda le divorce presque aussitôt, en disant que même si elle l‟aimait encore, elle aurait toujours peur qu‟il ne lui mente de nouveau. Elle savait qu‟elle n‟aurait plus jamais confiance en lui. L‟elfe fit tout ce qu‟il put, mais il sut qu‟il avait tout gâché et il partit. Janis avait toujours connu cette histoire car sa mère ne la lui avait jamais cachée. Néanmoins, elle interdisait à sa fille de rechercher son père et elle lui interdit d‟utiliser ses pouvoirs elfiques quand ceux-ci ce révélèrent. Alors qu‟elle aurait pu aller dans la section Luna d‟Ultimécia, une section réservée aux métisses entre espèces magiques et qui leur permettait de révéler tout leur potentiel, sa mère l‟envoya dans la section Mandrad’or en lui faisant promettre de ne jamais révéler ses origines. Les enfants avaient rencontré Janis en milieu d‟année et seul Martial connaissait alors son existence. Il faut dire que, bien qu‟étant une enfant timide, elle était d‟une rare beauté avec sa peau pâle, la finesse de ses traits et le coloris étrange de ses yeux et de ses cheveux. Ses gènes elfes métissés aux gènes humains avaient fait d‟elle une magnifique jeune fille, moins fine et moins élancée qu‟une elfe, mais plus belle que la plupart des humaines. Elle avait découvert le secret des enfants par hasard : d‟une nature discrète, elle les avait souvent observés le soir quand ils veillaient tard et qu‟ils étaient encore les seuls debout, assis au coin du feu. Faisant preuve de courage, elle avait alors demandé à les aider. Pour la première fois de sa vie, elle avait mit ses pouvoirs d‟elfe en avant. Ils lui permettaient de se téléporter dans un halo de lumière bleue et de soigner par le toucher la plupart des blessures.

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C‟est ainsi qu‟en se téléportant avec Cosme, ce dernier avait acquis le pouvoir de se téléporter à la façon des elfes. En revanche, malgré leur don d‟assimilation, les enfants n‟avaient jamais réussi à assimiler le pouvoir de guérison. La mère de Janis n‟était évidemment pas au courant de tout ça et elle ne devait surtout pas l‟être. *

*

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Dès lors, la fin des vacances passa à toute vitesse. Les enfants organisèrent des duels, inventèrent de nouveaux sorts, et créèrent un skate pour Martial, bien qu‟ils ne puissent pas les emmener à Ultimécia. Ultimécia était un des instituts magiques les plus réputés du France. Et pour cause, son enseignement était exemplaire avec de très bons professeurs. Cet institut regroupait collège, lycée et quelques facultés, et il n‟était pas très onéreux à l‟inscription. Seule l‟école de Tropbeaux était mieux classée, mais elle était extrêmement coûteuse et sélective, et son éducation très stricte. Ultimécia se trouvait au cœur du Massif Central, dissimulé dans un flanc de montagne qui n‟était pas accessible aux gacèmes, hormis pour ceux qui étaient des parents d‟élèves. Personne ne connaissait exactement son emplacement. Seules des navettes amenaient au château et les élèves se débrouillaient pour les atteindre, car celles-ci partaient seulement des villes les plus proches du Massif Central. Le jour du deux septembre, les enfants prirent le train pour Saint Etienne. Ils devaient emprunter un TGV jusqu‟à Lyon, puis faire un changement pour se rendre à St Etienne. Ce n‟était pas forcément le plus simple mais c‟était le plus commode : avec la poussière d‟escantoile, Martial avait rejoint les enfants en gare de Tours, puis ils récupéraient Asmodée qui habitait dans la région de Lyon. Enfin, une fois à Saint Etienne, ils devaient retrouver Janis qui y arrivait directement. Et de là, ils prenaient tous la navette pour Ultimécia. Les enfants étaient à la gare de Lyon et ils attendaient aussi bien leur train pour Saint Etienne qu‟Asmodée. Martial se retenait difficilement de faire des plaisanteries aux gacèmes. Les enfants discutaient du fait qu‟ils avaient du laisser leurs animaux chez eux. Cosme savait qu‟avec la douloureuse morsure de mécontentement faite par Azul, il n‟était pas près de l‟oublier. De plus, l‟abandon de leurs planches de skate volantes les ennuyait beaucoup aussi. C‟est alors que sur le quai, Rémi remarqua Asmodée qui arrivait. Elle avait sa lourde tresse faite grossièrement comme à son habitude, une mèche tombant négligemment devant ses yeux. Sa tenue, elle, était différente : elle était toujours noire mais elle avait la forme d‟un corset au niveau du torse, très serré visiblement, avec des ficelles tout aussi noires que sa robe. L‟ensemble était très élégant et la mettait en valeur, mais faisait un peut moyenâgeux. Avec ses 34


grosses valises et sa boite à chaussures sous le bras, les passants la prenait pour une gothique modérée, car sans maquillage, alors que son look était tout ce qu‟il y avait de plus classique pour des sorciers. Apparemment, sa nouvelle robe ne lui plaisait pas du tout : quand Marine s‟extasia devant sa tenue, Asmodée lui expliqua que c‟était sa mère qui lui avait achetée cette “horreur ” et qu‟elle comptait bien la brûler. -Salut Asmodée, ça fait longtemps, dit Rémi. -Oui. Ca me fait plaisir de vous revoir en vie… je veux dire: en bonne santé ! -Moi, je trouve que cette robe te va très bien, tu es très belle dedans, dit Cosme. -Au non, regarde moi ses manches, elles sont trop grandes : ce n‟est pas pratique du tout, répondit Asmodée en rougissant et en baissant les yeux. -C‟est fait exprès, dit Marine. Regarde, si elles étaient vraiment trop grandes, elles seraient aussi trop larges, et ce n‟est pas le cas, elles te font les bras tout fin. -Oui sûrement… -Maintenant que tu es là, tu peux nous dire ce qui est arrivé à Ahuri ? demanda Nicolas qui fixait la boite à chaussures. La boite à chaussures que tenait Asmodée était en réalité une vaste cage. Asmodée utilisait un sort de discrétion pour lui donner à l‟extérieur l‟apparence d‟une petite boite à chaussures. Bien que la boite parut petite, Asmodée semblait avoir du mal à la tenir, peut être était-elle très grande en réalité. -Tu n‟y penses pas, pas dans une gare remplie de gacèmes ! s‟exclama-t-elle. Quand nous serons dans la navette, pas avant. Leur correspondance arriva enfin et les enfants s‟installèrent tous ensemble. Ils ne purent s‟empêcher de parler des voyages prévus et abordèrent le moins possible la question des démons, et surtout de savoir comment ils avaient su où ils habitaient et quels étaient leurs pouvoirs respectifs. Durant tout le voyage, Asmodée avait gardé la boite à chaussures sur ses genoux et personne n‟avait osé lui redemander des explications. Entre Lyon et Saint Etienne, Cosme et Marine dormirent allègrement, histoire d‟être en forme dans la navette qui mettrait presque trois heures à les mener à Ultimécia. Une fois à Saint Etienne, les enfants retrouvèrent Janis toute rayonnante à l‟idée de retrouver Ultimécia pour une nouvelle année qui s‟annonçait mouvementée. Tout le petit groupe se dirigea vers la gare routière. Ils étaient venus tard et il s‟agissait de la dernière navette de la journée. Déjà, les enfants reconnurent quelques têtes. Les passants regardaient étrangement cette bande d‟enfants en robe s‟engouffrer dans un bus à accordéon. Si à l‟extérieur le bus était double, l‟intérieur était facilement triple avec deux accordéons. Tout y avait été façonné

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par la magie et les espaces étaient vastes. Les enfants se précipitèrent vers le fond du bus et s‟étalèrent le plus possible pour ne pas être dérangés. Le bus démarra enfin avec la bande d‟amis au complet. Cette fois, c‟était sûr, les vacances étaient finies. -Alors, demanda Marine. Il a quoi, Ahuri ? Asmodée, pour seule réponse, plongea la main dans son sac et en sortit un livre imposant. Elle le posa sur la table, ce qui dégagea un énorme nuage de poussière. Elle l‟ouvrit à une page marquée d‟un signet, et fière de son effet, elle lut : -« Chapitre 452 : le holomine. Holomine: n.m. Mammifère originaire des forêts d’At. Cette créature aussi appelée “Le Chien des Génies” est un mammifère dit évolutif. Ce petit chien blanc minuscule (environ 20 à 25 cm) avec d’immenses oreilles de lapin et un diamant sur le front de couleur variable suivant le holomine, est le mammifère le plus admirable de notre monde. Non seulement il est capable de détecter le danger, il possède de puissants pouvoirs magiques, mais en plus, il s’adapte et évolue selon son possesseur et son environnement. A ce niveau de sa vie, le holomine s’enferme dans un cocon et n’en sort que cinq jours plus tard… » -Ah, c‟est donc ça qui lui est arrivé, soupira de soulagement Nicolas. -Je n‟ai pas fini, dit Asmodée agacée. « … cinq jours plus tard. Ce processus peut se produire jusqu’à quatre fois dans la vie d’un holomine. Le plus troublant dans ces transformations est qu’il peut même changer de nature comme devenir un poisson ou un oiseau par exemple. Le holomine est aussi très réputé pour ses vertus magiques : certains se servent de leurs organes dans des potions. On peut se servir de sa vessie pour… » -Merci Asmodée, je pense qu‟on a compris. -Vous savez tous que Ahuri est un holomine. Donc, il a donc tout bêtement muté, évolué, déclara Asmodée exaltée. -Et en quoi ? la coupa Marine. -Vous allez avoir un choc, annonça Asmodée. Elle se leva et alla vers l‟avant du bus, dans le deuxième accordéon. Elle ouvrit la boite à l‟abri du regard de ses amis et se tourna vers eux. Elle prit une profonde inspiration et dit : -Tu peux venir Ahuri. A la grande surprise de ses amis, Asmodée ne regardait pas le sol en disant cela mais elle regardait en l‟air. Ahuri avait-il grandit de plusieurs mètres pendant son évolution? -Allez ! Ne sois pas timide ! continua Asmodée. Je t‟assure que tu es toujours aussi mignon !

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Les enfants retenaient leur souffle : quel horrible monstre allaient-ils voir apparaître devant eux ? Soudain, surgit de l‟accordéon en voletant timidement un tout petit animal d‟une vingtaine de centimètre, pas plus grand que l‟ancien Ahuri. Le petit animal faisait penser à un gros écureuil albinos aux grands yeux bleus. Ses membres inférieurs et supérieurs étaient rattachés entre eux, comme palmés, par une membrane de peau faisant penser à celle des écureuils volants. C‟était sûrement grâce à ses appendices et à sa magie qu‟il était maintenant capable de voler. Il n‟avait plus non plus sa petite queue et son museau de chien, mais bien une grande queue touffue et la petite tête des écureuils. Il avait cependant gardé ses grandes oreilles de lapin et son magnifique rubis au milieu du front. En le voyant, les enfants poussèrent un soupir de soulagement qu‟Ahuri prit pour une exclamation de joie. Son comportement changea soudain : il se mit voler dans le bus au dessus d‟eux en poussant de joyeux petits cris. Il finit par se poser sur les genoux de Nicolas qui fut soudain prit de nostalgie. Tout en le caressant, il se souvenait des vadrouilles nocturnes dans le château avec le petit Ahuri sur les talons, qui les prévenaient fidèlement du danger en faisant s‟illuminer son rubis. Il se remémorait les nuits où Ahuri s‟échappait du dortoir des filles en ouvrant la porte avec son museau pour aller se blottir contre lui. Nicolas ne l‟avait pas vu grandir. Il n‟était plus un petit chiot mais il était devenu un petit écureuil. Enfin façon de parler, car il avait et était toujours un holomine et rien d‟autre. Toutes les conversations s‟orientèrent sur Ahuri qui parut très content de cette soudaine popularité. Mais bien vite la conversation s‟essouffla et les mystérieux voyages de l‟année scolaire reprirent vite le dessus. Les hypothèses allaient bon train : Marine était persuadée qu‟il s‟agissait de voyages autour du monde pour leur permettre, à eux les Elus, de pouvoir chasser Onoximoustros où qu‟il se cache. Selon Rémi, il s‟agissait de voyages pour leur éviter de se faire repérer par les démons envoyés par Onoximoustros, car l‟année précédente une attaque dans l‟enceinte même d‟Ultimécia avait failli les faire découvrir par les autres élèves. Janis, pacifiste convaincue, était tout à fait d‟accord avec lui. Cosme, Asmodée et Martial n‟arrivaient pas à se décider.

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III Le retour à Ultimécia

L

a nuit commençait à envelopper la navette. Ultimécia se trouvait désormais à peine à quelques kilomètres. Bientôt, les hautes tours du château se détachèrent dans le ciel nocturne. Mais ce splendide spectacle d‟Ultimécia illuminé fut occulté par un engin bien plus inattendu. Se détachant sur le ciel sombre, une sorte d‟immense château aux formes très surprenantes flottait dans le ciel. Ses dimensions semblaient très proches de celles, impressionnantes, d‟Ultimécia. Une gigantesque tour, rappelant un peu la Tour Eiffel, s‟élevait au centre de cet imposant édifice volant. Elle était cependant beaucoup plus grande et pleine, sa surface était toute lisse et ronde. Cette étrange tour possédait, gravitant à son sommet, une sorte de disque doré couvert de symboles en relief ou en creux, et qui émettait un halo de lumière. Tournant sur elle même à la façon d‟une roue verticale, elle plongeait l‟ensemble de ce château dans une ambiance feutrée. Toute autre lumière en était absente. La navette se mit à vaciller sous le poids des élèves qui s‟étaient regroupés et agglutinés aux fenêtres de ce côté. Le bus parcouru les derniers kilomètres dans cet équilibre incertain sous les jurons du chauffeur. Il s‟arrêta. Les élèves se bousculèrent pour sortir du bus. Tous voulaient voir l‟engin de plus près. Ils finirent par débarquer en bas du flanc de montagne où se nichait Ultimécia, le bus ne pouvant aller plus loin. Le silence solennel qui régnait, provoqué par l‟étonnement général, fut vite rompu par des discussions enflammées. Les carrosses volants arrivèrent alors, comme à leur habitude, dans un bruissement d‟ailes. Pour mener les élèves au petit plateau sur le pan de la montagne où se trouvait Ultimécia, il fallait passer par dessus une épaisse forêt. Pour cela, Ultimécia avait à son service des carrosses enchantés pourvus de deux larges ailes pour faire le trajet. Les enfants se séparèrent et montèrent dans deux carrosses. Ahuri volait derrière eux et jouait avec les ailes qui battaient l‟air. Les carrosses avaient bien du mal à voler droit : ils avançaient en crabe à cause des élèves, toujours agglutinés pour regarder l‟étrange bâtiment. A peine les carrosses posés, Mme Contortine et les autres directeurs adjoints les pressèrent à l‟intérieur du château :

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-Dépêchez-vous ! On va tout vous expliquez… Mais entrez donc ! s‟époumonait-elle. Mme Contortine était comme dans leurs souvenirs. Une dame d‟une cinquantaine d‟année, les cheveux blonds grisonnants en carré, des lunettes carrées elles aussi qui accentuaient son air strict avec ses petits yeux et ses lèvres pincées. Elle portait toujours des robes d‟un goût un peu vieillot avec, éternellement, un chapeau pointu assorti. Elle était la directrice adjointe de Mandrad‟or, la section qu‟avait choisi les enfants. Il faut savoir qu‟Ultimécia offrait pour les études supérieures plusieurs sections parmi lesquelles il fallait choisir très tôt : La section M (Mandrad‟or) était la section générale. Fondée par Gontran de Chaureron, son symbole en était la mandragore parce que celle-ci était beaucoup sollicitée en magie. Elle formait des sorciers puissants, capables de réagir à n‟importe quelle situation. Minaella Contortine en était alors la directrice. Elle était parmi les professeurs les plus proches de M. Benignus. La section F (Fiolem) était la section scientifique. On y faisait beaucoup de potions et d‟alchimie. C‟était celle-là qu‟avait fondée Onoximoustros, qui avait choisi la fiole comme emblème car c‟était le récipient le plus utilisé pour les potions, aussi bien les dangereuses que les anodines. Elle était dirigée par Hervé Tisseran. Au fil des années, sa réputation de former des sorciers antipathiques c‟était quelque peu effritée. Elle avait cependant resurgit à cause des évènements récents. Cyril et Franck avaient évidemment choisi cette section car réputée la plus dure. La section G (Grifdure) était la section botanique et zoologique. Elle formait des savants mais aussi de puissants sorciers élémentaires qui pouvaient être redoutables. C‟était la section qu‟avait crée Forest Dimitus. Il avait choisi le dragon comme blason car il représente la puissance tranquille et dévastatrice. Désormais, c‟était le respectable Artus Etève qui en était le responsable. La section L (Luna) était la section réservée aux métisses. Elle comptait les professeurs les plus compétents car ils devaient adapter le programme en fonction du métissage magique de chacun. Elle avait été fondée par Irma de la Tisson, dont les talents en alchimie lui avaient appris comment mélanger les magies. C‟était à présent Bertrand de Verdais qui avait la lourde tache de la diriger. La section B (Bicorne) était celle des guérisseurs. Les sorciers qui allaient dans cette section se préparaient dès ce moment pour des études longues de médecine magique. Fondée par Fulbert de Cornouaille, elle était dirigée par Siméon Chabounda. Son fondateur avait choisi pour emblème la bicorne, cousine à deux cornes de la licorne, qu‟il avait lui même découverte, pour sa noblesse et sa beauté pure. Mme Contortine avait l‟air bien préoccupé et les enfants se laissèrent entraîner à contre cœur à l‟intérieur. Une fois dans la grande salle, ils 39


rejoignirent leur table dans un brouhaha intense. Il fallut l‟intervention musclée du directeur pour faire revenir le calme. Sa voix, amplifiée par la magie, se répercuta dans toute la salle : -Siiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiilennnnnnnnnnnnnnce ! rugit-il. L‟assistance se tut net. Merci, reprit-il d‟une voix calme. Comme vous avez pu le deviner, notre voyage va commencer dès ce soir. Oui, j‟ai bien dis “notre” voyage monsieur Michon, insistât-il en voyant le regard incrédule d‟un élève de seconde année. Comme vient de le faire remarquer votre camarade, il ne s‟agira que d‟un seul et unique voyage qui se passera –M. Benignus avait pris la voix la plus solennelle et la plus mystérieuse que Marine l‟ait entendue employer– sur l‟Atlantide! Les élèves jusqu‟alors suspendus à ses lèvres mirent un certain temps avant de réagir. Une fois l‟information ayant réussie à atteindre leurs cerveaux, le brouhaha des élèves reprit de plus belle, se répercutant en échos dans toute la salle. -Je croyais que le continent de l‟Atlantide était une pure légende ! s‟exclama Rémi. -Mais se continent a été englouti, non? demanda Martial, inquiet de passer toute son année scolaire sous l‟eau, en apnée. -L‟Atlantide existe ?! s‟écria Cosme. -Bien sûr que l‟Atlantide existe, déclara Asmodée, les Atlantes entretiennent des relations très importantes avec le monde magique. -Mais vous croyez qu‟il est sérieux ? demanda Marine incrédule. Une année complète qui plus est ! -Je n‟en ai aucune idée, lui répondit Nicolas. Mais à mon… -Siiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiilennnnnnnnnnnnnnce! Le silence se fit aussi rapidement qu‟il avait cessé. M. Benignus reprit très calmement, comme s‟il avait annoncé qu‟ils partiraient en Angleterre ou au Etats-Unis pour une semaine ou deux. -Vous avez bien entendu, nous partons pour l‟Atlantide… dès se soir. Le brouhaha tenta bien de reprendre mais M. Benignus l‟en empêcha et poursuivit : -Vos affaires sont en se moment même transportées dans le vaisseau que le gouvernement Atlante nous a prêté. -Cette “chose” est un vaisseau ? demanda Patrick, un élève de quatrième année. -Oui, un vaisseau. Il est muni de cristaux d‟invisibilité, ce qui va nous permettre de partir une fois que nous serons tous à bord. Ce vaisseau est muni de chambres individuelles regroupées par quatre, formant une Gallice. Bien évidemment, les Gallices ne sont pas mixtes. Sauf cas exceptionnel (Marine sentit le regard du directeur se poser sur elle, la mettant mal à l‟aise). Chaque élève se verra remettre à la sortie de la salle une carte du château-vaisseau avec l‟emplacement de sa chambre et le nom des camarades qui la partageront avec lui. Prenez n‟importe qu‟elle carte, les informations apparaîtront d‟elles-mêmes selon la personne qui la prend. 40


Je vous pris à présent de vous dirigez vers la sortie dans le plus grand calme. De plus amples informations vont vous y être fournies. Les élèves se levèrent, et quelque peut déconcertés, se dirigèrent vers la sortie. -Attendez un peu les enfants, j‟ai à vous parler. M. Benignus venait de descendre du podium où se tenaient la table des professeurs et de les rejoindre. Les enfants jetèrent un regard affolé à leurs amis. Mais se fut en vain : la foule des élèves qui partaient dans le parc les avaient entraînés bien loin d‟eux. -Suivez moi. M. Benignus se dirigea, suivi des enfants, vers une minuscule porte qui donnait sur la salle des professeurs. La salle était étrangement vide : les casiers avaient été vidés, les tables recouvertes de tissus blancs et les chaises étaient empilées dans un coin. M. Benignus se tourna vers eux et les regarda l‟un après l‟autre de son regard perçant. Nicolas avait la désagréable sensation qu‟il pouvait lire et voir au plus profond de ses entrailles. M. Benignus s‟éclaircit la voix comme s‟il s‟apprêtait à tenir un long discours. Il se décida enfin à parler : -Savez vous qui sont les Six ? demanda-t-il. Je pense que non. Les Six sont les dirigeants de tous les sorciers et sorcières de la planète. C‟est un conseil élu tous les sept ans. Il est composé de six érudits. Un Européen, un Slave, un Asiatique, un Africain, un Américain et un Océanien. Chaque continent élit son représentant. Les Six détiennent les pleins pouvoirs. Toutefois, il existe au sein même des Six un Erudit Principal qui est leur supérieur. M. Benignus marqua une pose avant de reprendre : -Comme vous le savez, je suis le seul à être au courant que vous êtes les Elus. Logiquement, j‟aurais du informer l‟Erudit Principal de votre existence. Par chance, celui-ci est, pour encore trois ans, l‟érudit Européen qui est un ami de longue date. Malheureusement, l‟un d‟entre vous c‟est vu confisquer sa baguette pour l‟utilisation d‟un sortilège non autorisé. Cosme se rétracta comme une tortue sans les regards appuyés que lui lancaient M. Benignus et ses amis. -Pou sa défense, intervint Nicolas, elle était vraiment très grosse. -Peut m‟importe. La malchance a voulu que l‟érudit européen reçoive la chauve souris, et la baguette, pendant un conseil. C‟est un employé consciencieux du service de la réglementation qui a pensé que c‟était une bonne idée... Tous les Six ont donc remarqué qu‟il s‟agissait d‟une des baguettes faisant partie de la prophétie des Elus. Ils m‟ont écrit pour me demander si je savais qui vous étiez et m‟ont sommé de vous conduire à eux dès que possible… Par conséquent, le jour qui suivra notre arrivé sur l‟Atlantide, nous avons rendez vous avec eux. -Et pourquoi vous avez l‟air ennuyé ? demanda Rémi. -Pourquoi ? répéta une voix dans leur dos, dans laquelle se mêlait indignation et surprise. 41


Les enfants firent volte face pour voir leur interlocuteur. Devant eux, l‟un des fantômes d‟Ultimécia, Gustave, flottait à quelques centimètres du sol. On aurait dit que son corps était uniquement composé de vapeur d‟eau et d‟une membrane transparente élastique qui brillait très légèrement. Les enfants savaient qu‟il ne fallait surtout pas le froisser car Gustave n‟était pas un fantôme ordinaire. Effectivement, dès qu‟il se mettait en colère, il se métamorphosait littéralement pour devenir un redoutable esprit frappeur. Cette transformation était due au sortilège qui l‟avait tué, sortilège tellement puissant qu‟il en subissait encore les contre coups. Surtout, Gustave n‟était pas conscient de cette seconde personnalité et, ne se souvenant plus de sa mort, il était impossible de savoir quel sortilège lui avait été lancé. Il était donc impossible de le briser. Les enfants s‟en étaient fait un précieux allié l‟année passée, bien qu‟il ait failli les tuer. Gustave était en effet dans les secret de M. Benignus et savait tout sur tout de ce qui se passait à Ultimécia. Les enfants se jetèrent un regard alarmé et répondirent dans le chaos le plus total : -Pourquoi pourquoi ? C‟est pourtant tout à fait clair ! -Mais oui bien sûr ! -Quelle question stupide que cela ! -C‟est pourtant clair… non ? Voyant que Gustave n‟avait pas l‟air convaincu de ces réponses brouillonnes, les enfants se tournèrent avec désespoir vers M. Benignus que le spectacle semblait amuser. Les yeux pétillants et le sourire large, il s‟adressa à Gustave : -Merci Gustave, je crois qu‟ils ont saisi l‟absurdité de leur question. Vous pouvez aller au vaisseau, nous allons vous rejoindre dans peu de temps. -Bien plus tôt que vous ne le pensez, monsieur le directeur. Si je suis là, c‟est que Mme Contortine m‟a chargé de vous dire que tout le monde était à bord et qu‟il ne manquait plus personne, à part vous. De plus, tout le monde vous attend pour donner le coup d‟envoi du festin de début d‟année. -Merci Gustave, nous arrivons tout de suite. Sur ses mots Gustave s‟éleva dans les airs et disparut à travers l‟épaisse muraille. M. Benignus sortit alors de la salle en expliquant aux enfants “pourquoi”. -Vous voyez, la loi m‟oblige à révéler votre existence à l‟érudit de notre continent et à l‟Erudit Principal. Le fait que se soit le même, et un ami, aurait permis de garder tout ça confidentiel. Si les Six sont tous au courant, ils risquent de nous gêner en agissant en politiciens. -De quelle façon ? demanda Cosme. -Par exemple, diffuser vos photos avec un slogan du genre “Ne craignez rien, ils sont là pour nous sauver.” Faire de vous des personnages publics ne rassurerait pas forcement le peuple et cela vous entraverez à coup sûr.

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Tout en parlant, le petits groupe avait rejoint le parc et ils furent presqu‟immédiatement sous le vaisseau, à présent illuminé. Vu de dessous, le vaisseau paraissait encore plus impressionnant. -Vous voyez les dix lumières bleues dispatchées sur toute la coque? leur demanda M. Benignus qui les avaient menés sous l‟une d‟elle. Il s‟agit de téléporteur. Pour monter à bord, vous vous placez juste dessous et dites tout simplement montéabor. D‟accord ? Bon, une dernière chose, tenez. M. Benignus sortit un bout de parchemin de sa manche et la donna aux enfants. Il reprit : -C‟est une autorisation pour que votre Gallice soit mixte. Au dos, il y a le plan du vaisseau, vous en aurez besoin au début. Et à la fin aussi d‟ailleurs, ajouta-t-il dans un sourire. -Et pour les autres ? demanda Rémi. -Asmodée et Janis sont ensemble. Je les ai mises avec Gwladys et Sandra. Elles sont amies je crois, non ? -Elles sont sympas, on s‟entend bien avec, dit Marine, mais de là à dire qu‟on est amie, il y a une marge. Et Martial ? -Martial je l‟ai mis avec Cyril et Franck… -Quoi ?! s‟exclamèrent les enfants d‟une même voix. -Je plaisante, je plaisante ! se reprit M. Benignus fier de son effet. Vous pourriez quand même faire un effort pour vous entendre... Martial est avec trois garçons de votre classe, je ne me souviens plus de leur nom, désolé. M. Benignus fit un pas en arrière et aussitôt : -Montéabor ! Le sol tout autour du directeur s‟illumina alors de runes et de symboles magiques bleus en cercle, brillants dans la nuit maintenant profonde. Ces symboles étaient probablement produits par le téléporteur, qui s‟était mis lui aussi à briller fortement. La lumière bleue produite par les runes forma une sorte de colonne lumineuse de quelques mètres seulement et M. Benignus disparut dans un flash blanc. Le sol perdit ses inscriptions tandis que, haut dans le ciel, la coque du vaisseau s‟illuminait d‟un même flash plus long. Tout s‟était passé très vite et les enfants n‟étaient pas sûrs de ce qu‟ils venaient de voir. De nouveau dans le noir total, ils firent un pas en avant tous ensemble. “Montéabor !” dirent ils d‟une même voix. Ils virent les runes et les symboles magiques former un grand cercle autour d‟eux. Il y eut un flash puis plus rien. Le parc était désert, plongé dans un silence de mort. Les enfants tournèrent la tête et restèrent interdits devant ce qu‟ils virent. Pour la première fois depuis leur entrée dans le monde de la magie, ils avaient l‟impression que la magie et la technologie se mêlaient parfaitement. Ils se trouvaient dans un hall aux proportions généreuses. Les torches habituelles d‟Ultimécia avaient laissé place à des lampes qui ressemblaient à de gros globes 43


de verre que Rémi soupçonnait de fonctionner à l‟électricité. Les murs n‟étaient pas en pierre et encore moins grisâtre comme ceux d‟Ultimécia. Ils semblaient être en métal d‟une couleur tantôt rouge, tantôt jaune, en passant par toutes sortes d‟oranges, lentement, en ondulant, d‟une façon apaisante. Jamais ces étranges murs n‟étaient de couleur unie. Devant eux, se tenait un grand escalier de marbre blanc à double révolution, donnant accès aux étages supérieurs. Marine sortit leur plan et ils mirent un moment avant de se repérer. -Là ! s‟écria Nicolas. Il y a un cinéma ! -Ne dit pas de bêtise, répliqua sèchement Cosme. Les sorciers ne savent même pas ce que c‟est. C‟est impo… impo… Il y a un cinéma ! -Je me disais bien qu‟il n‟y avait aucun rapport avec les impôts, répondit Nicolas visiblement vexé de ne pas avoir été cru. -Je confirme pour le cinéma, mais là on est dans le “hall” et on doit se rendre ici : “Grande Salle”, intervint Rémi. -M. Benignus aurait pu nous attendre quand même… -D‟après le plan, c‟est la porte sous l‟escalier qui y mène, dit Marine. Les enfants levèrent la tête vers l‟immense porte qui se trouvait entre la double révolution de l‟escalier. Ils s‟approchèrent et entreprirent de l‟ouvrir. Ils poussèrent de toute leur force la lourde porte de métal gris légèrement bleu. La porte ne bougea pas, comme scellée. -Reculez, dit alors Cosme. Une fois ses amis écartés, Cosme tendit la paume de la main vers la porte. Il se concentra de toutes ses forces et la porte se décida enfin à bouger. Très lentement, elle s‟entrebâilla suffisamment pour les laisser passer. L‟effort avait épuisé Cosme plus que cela aurait du, mais personne ne lui fit la remarque. Il n‟arrivait toujours pas à intensifier son pouvoir. Ils se glissèrent dans la salle et mirent un certain temps avant de se rendre compte que personne n‟avait remarqué leur entrée. Ils regardèrent l‟immense salle, les yeux ronds devant ce décor irréel. Les murs de métal changeaient constamment de couleur. De nombreuses sphères flottaient dans les airs, comme parcourues d‟électricité. Hormis leur couleur jaune, elles rappelaient à Cosme ses propres boules d‟électricité bleue. Sept tables remplissaient l‟espace, là où à Ultimécia se trouvaient cinq longues tables en bois massif, richement décorées de gravures. Ici, les tables aussi étaient en bois, à la différence qu‟elles n‟avaient pas de pieds. Tout comme les tables, les chaises avaient un socle et une assise, mais ne possédaient pas de pieds pour relier les deux entre eux. Cet étrange mobilier rappela à Marine des aimants géants se repoussant, sauf que le socle comme l‟assise se déplaçaient en même temps. Le tout était donc solidaire, même sans pieds. Comme à Ultimécia, une longue table sur une estrade se trouvait au fond de la salle. A cette table, le corps enseignant s‟était installé, encadrant M. Benignus. Les enfants se glissèrent discrètement à la table la plus près qui avait encore de la place et virent M. Benignus se lever. 44


-Bonne année à tous ! dit-il d‟une voix forte. J‟espère que vos vacances n‟ont pas été trop mouvementées. Cependant, je suis forcé d‟avouer que notre nombre est réduit de moitié pour les causes que vous savez. Certains m‟ont pris pour un fou et refusent de croire au retour du Seigneur des Ténèbres, le grand Onoximoustros… Mais bon, nous reparlerons de tout ça plus tard. Passons à des choses plus gaies, dit il en perdant son ton exaspéré et en retrouvant un ton jovial. L‟Atlantide, qui n‟a jamais rêvé de pourvoir la visiter, l‟explorer pendant une année entière ? Nous aurons une vie de nomades pendant cette année un peu spéciale. Malgré cela, il ne faut pas perdre les bonnes habitudes et respecter le programme scolaire, c‟est pourquoi des salles de cours ont été installées dans le vaisseau. Nous visiterons toute l‟Atlantide, de la forêt aux fées aux villes englouties en passant pour les somptueuses citées elfiques. Mais ceci est pour plus tard. J‟espère que vous allez vous habituer à ces nouveaux locaux, même si, à mon avis, les Atlantes doivent avoir des goûts douteux pour mélanger ainsi métal et bois. Quelques éclats de rire discrets accompagnèrent sa remarque. Il sourit et reprit : -Pour le moment, bon appétit et bon voyage! M. Benignus leva les bras et un grondement sourd se fit aussitôt entendre. Il se rassit un large sourire aux lèvres et regarda par la fenêtre. Les élèves l‟imitèrent. A travers la fenêtre, ils virent les hautes tours d‟Ultimécia commencer à s‟éloigner doucement : le vaisseau était en mouvement. Les élèves étaient perplexes et même le délicieux banquet de début d‟année ne sembla pas les distraire. Le banquet se finit vers trois heures du matin mais les élèves étaient agités, et pour les professeurs, se fut mission impossible de tous les accompagner à leur Gallice. Les élèves possédant un niveau suffisant firent apparaître avec leurs baguettes magiques des flèches qu‟il suffisait de suivre et qui retrouvaient toujours leur chemin. D‟autres élèves se retrouvèrent à errer dans les cachots et autres tunnels et passages secrets qui formaient un véritable labyrinthe. Quelques uns débarquèrent même dans la salle des machines, tout étonnés. Les enfants, eux, furent accompagnés à leur Gallice par M. Humulus, le professeur, quelque peu déjanté, des arts-magiques (matière dans laquelle on créait toutes sortes d‟objets magiques plus ou moins utiles). Arrivé devant leur Gallice, M. Humulus jeta une dizaine de sortilèges sur le parchemin pour en vérifier l‟authenticité, car il trouvait étrange la présence d‟une fille dans une Gallice de trois garçons. -C‟est un vrai, je vous l‟accorde. Mais ne vous couchez pas trop tard… même si vous fêtez le début de l‟année, ajouta-t-il d‟un air réprobateur et à la fois amusé. Et avant que les enfants ne puissent se justifier, M. Humulus avait disparu au bout du couloir.

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-Il pense bien ce qu‟il veut, moi je m‟en fiche, dit Nicolas en entrant dans la Gallice. La Gallice était constituée d‟une petite pièce ronde munie d‟une table, d‟un canapé collé à un mur, d‟une lampe et, en plus, d‟un magnifique tapis persan en son centre. Quatre portes donnaient sur la pièce principale. Elles étaient l‟accès à quatre chambres munies d‟armoires, d‟un lit et d‟une table de chevet. Une cinquième porte donnait sur une somptueuse salle de bain, toute carrelée dans les teintes bleu-vert, avec une vaste douche et deux lavabos. Toute la Gallice était faite de cet étrange métal aux couleurs doucement changeantes d‟où émanait une douce chaleur. Une fois les chambres réparties, les enfants se réunirent dans ce qu‟ils décidèrent d‟appeler la communauté car c‟était la seule pièce en commun où ils pouvaient tous être en même temps. Rémi sortit de son sac un gros livre à la couverture de cuir épais, sur laquelle se remarquait incrusté un pentacle en argent : le Livre de l‟Étoile. Il le posa sur la table. -Onoximoustros ne sait pas que nous possédons un tel livre, commença Nicolas en le voyant. Mais cela ne saurait tarder vu son réseau d‟informateurs et d‟espions. Je propose de le cacher. -Nicolas a raison, si Onoximoustros met la main dessus, je ne nous donne pas plus d‟un quart d‟heure avant de mourir. -Toujours aussi optimiste Rémi, remarqua Marine. -Moi je vote pour le mettre dans la bibliothèque, juste au dessus de la table, dit Cosme. -Je ne comprends pas tout là. Pourquoi veux-tu le cacher dans la bibliothèque ? demanda Rémi. -Je m‟explique : si tu cherches une magnifique broche de marquise, en or et diamants, tu va la chercher dans le coffre fort, mais sûrement pas dans la boîte à bijoux posée négligemment sur la coiffeuse. C‟est pourtant là où est sa place logique. Si tu veux voler un livre dont tu es sûr qu‟il va être protégé et caché, tu ne vas pas chercher dans la bibliothèque. De plus, dans la bibliothèque, on l‟aura toujours sous les yeux et à porté de main. -Ca se tient. On va dire que tu as raison. Et comme pour clore la conversation, Cosme envoya directement le livre se mettre entre deux énormes tomes de “Magie Blanche/ Magie Noire” grâce au sortilège d‟expulsion (“abjicio!”). -Si ça ne dérange personne, je vais me coucher. Et les enfants suivirent tous l‟exemple de Nicolas. *

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Le lendemain, les enfants se rendirent, non sans peine, à la Grande Salle pour prendre leur petit déjeuner où ils retrouvèrent Martial, Janis et Asmodée. Cette dernière avait tellement fait sensation avec sa nouvelle robe qu‟elle l‟avait remise, "juste pour voir". Mme Contortine passa dans les rang pour distribuer 46


aux élèves de la section Mandrad‟or leurs emplois du temps. Ils avaient quelques cours en commun avec des élèves de Bicorne, et malheureusement aussi avec des Fiolems. Leur premier cours de la semaine était en commun avec des Bicornes. Il s‟agissait des arts-magiques. -Chouette, on va revoir M. Humulus ! -Je ne trouve pas ça drôle Rémi, dit Marine en plongeant son regard dans son assiette, comme si celle-ci était le théâtre de quelques évènements intéressants. -Ca ne sert à rien de rester là à rougir, dit Nicolas. Mieux vaut partir maintenant si on veut être à l‟heure. -Et on veut être l‟heure? demanda Cosme. -Oui oui, allons y. Ce fut plus facile à dire qu‟à faire. Le plan qui leur avait été fourni était très compliqué en raison des nombreux niveaux du vaisseau. Au bout de plusieurs minutes, perdus à tourner en rond, un heureux hasard les mit nez à nez avec un mig chercheur (petites peluches de toutes sortes crées par M. Benignus pour l‟occasion ; il avait du bien s‟amuser, pensa Marine) qui les mena à leur salle de cours. Cela faisait près d‟un quart d‟heure que le cours avait commencé mais il manquait bien un tiers des élèves, probablement perdu dans les couloirs. Une fois assit, M. Humulus prit la parole : -Je pense… -Ah bon ? Un fou rire général emplit la salle. Même M. Humulus y participa. Il reprit une fois le calme revenu : -Je subodore que le reste de la classe ne viendra plus. Je vais donc commencer mon cours. Aujourd‟hui, nous allons créer un Vitrail de Perception. Un vitrail de ce genre permet à son possesseur de voir ses ennemis, des lieux précis et même d‟observer ce qui s‟est passé à l‟endroit où il se trouve, à n‟importe quelle époque. Autant vous dire que la création d‟un tel ouvrage va nous demander du temps et beaucoup de patience. Pour aujourd‟hui, nous nous contenterons du croquis. Je veux un dessin pour chaque groupe de trois ou quatre. Vous pouvez commencer. Oui Asmodée ? -C‟est pour savoir combien de temps on va y passer. -Il nous demandera tout le premier trimestre, à condition de s‟y mettre tout de suite. Alors : à vos crayons! Toute la classe se mit en groupe. Les enfants se séparèrent en deux groupes : celui des filles et celui des garçons. Les garçons choisirent Rémi comme dessinateur et les filles Janis, dont le sang elfique faisait d‟elle une excellente dessinatrice. Pendant le déjeuner, M. Benignus prit la parole : -Chers élèves, je vous informe que nous arriverons sur l‟Atlantide pendant la nuit. Comme vous dormirez tous, bien entendu, nous ferons notre débarquement demain matin. En attendant, le reste de vos cours de la journée sera consacré à 47


l‟étude de différentes petites choses que vous devez maitriser pour votre séjour sur l‟Atlantide. Bon repas ! Effectivement, pendant le cours d‟étude des créatures magiques donné par Melle Capucine: -Puisque nous avons trois heures ensembles, j‟ai décidé de séparer ce cours en deux. Les deux premières heures seront consacrées aux Atlantes eux même. Durant la troisième heure, nous traiterons des différentes créatures magiques que vous pourriez croiser. Comme d‟habitude, c‟est un cours magistral. Prenez vos crayons et commençons. « Les Atlantes sont des êtres humanoïdes semblables à nous. Certains disent que nous avons d‟ailleurs un lien de parenté, mais nous verrons notre arbre phylogénétique plus tard dans l‟année. Les Atlantes possèdent un ou deux pouvoirs magiques uniquement. Ils exercent cependant à merveille toutes les magies antiques et traditionnelles de l‟ancien temps. Ils possèdent un organe supplémentaire, par rapport nous, qui a pour effet de leur permettre d‟utiliser leurs pouvoirs. Les Atlantes peuvent, par des rituels longs et compliqués, acquérir de nouveaux pouvoirs mais, ce faisant, ils peuvent mettre en danger ceux qu‟ils pratiquent déjà. L‟utilisation de leurs pouvoirs fait apparaître un flux magique de différentes couleurs… » C‟est ainsi qu‟en deux heures de cours, les enfants apprirent une multitude de choses sur les Atlantes. Ces derniers formaient un peuple de magie, mais ne possédant qu‟un ou deux pouvoirs par personne, ils avaient évolué très rapidement sur le plan technologique, la magie les y aidant. De plus, le continent atlante était habité par de nombreuses créatures plus ou moins humanoïdes. Il était géré en monarchie parlementaire tout en étant le siège de nombreux gouvernements républicains, dont celui des sorciers : les Six. Les Atlantes étaient plus avancés magiquement et technologiquement que le reste du monde. Il se trouvait donc être le continent le plus évolué de la planète. -…l‟Atlantide est quasiment aussi grand que l‟actuelle Australie, continuait Melle Capucine. -Quoi ! l‟interrompit Mathias, un élève au premier rang dont les parents étaient des gacèmes. C‟est impossible, comment un continent aussi grand peut-il être caché, surtout de nos jours avec les satellites… -Avec les quoi ? lui demanda Melle Capucine avec des yeux ronds. -Avec des satellites. Ce sont des espèces de machines qui peuvent photographier la Terre de l‟espace et qui… euh… qui… Non rien, dit enfin Mathias, résigné devant l‟air de son professeur. Ce sont des machines gacèmes de toute façon. Mais ça ne change rien à ma question : comment se cache-t-il ? -Il utilise d‟énormes cristaux d‟invisibilité. De plus, dès qu‟un bateau arrive à leur niveau, les Atlantes endorment tout l‟équipage et leur donnent des faux souvenirs. Ils calculent le temps que le bateau devrait mettre pour effectuer cette

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distance puis ils le libèrent de l‟autre côté du continent. C‟est un véritable travaille de titans. De plus, une partie du continent a été engloutie il y a deux mille trois cent quarante six ans dans un cataclysme. C‟est ainsi que de nombreuses Sirènes et les Tritons sont devenus atlantes. Mais le plus extraordinaire, c‟est que tous les Atlantes ont développé le pouvoir de respirer sous l‟eau et de s‟y dissoudre totalement, pour voyager plus vite par exemple. En conclusion, la partie engloutie du continent est toujours habitée. Mais maintenant, parlons des créatures que vous risquez de rencontrer, et celles que vous n‟aurez aucune chance de rencontrer. Tout d‟abord, étudions les différentes familles et sortes de créatures. Nous parlerons des humains plus tard, car tous les humains ne sont pas gacème ou sorciers. Je vais commencer par vous parler de ceux que l‟on appelle généralement « Le petit peuple ». Les créatures du petit peuple possèdent, pour la plupart, des pouvoirs bien spécifiques à leur famille. Il existe deux grandes branches : celle des bonnuniformes, qui comporte entre autre les gnomes, les lutins et les fées, pour les plus connus. Et la famille des aévitaix comme les trolls, les farfadets et les gobelins. Les bonnuniformes sont en bonne entente avec les humains, avec lesquels ils peuvent cohabiter sans dommage. Contrairement à eux, les aévitaix passent leur temps à jouer des tours plus ou moins mortels aux humains. -C‟est une expression j‟espère ! -Non, les trolls par exemple, qui sont insensibles à toute magie, tuent environ quinze personnes par mois… C‟est ainsi que se termina la journée. L‟heure de rejoindre les Gallices avait sonné, mais nombreux étaient les élèves qui vadrouillaient encore dans les couloirs. Les migs, aidés des quelques fantômes qui avaient daigné quitter Ultimécia pour les accompagner, avaient bien du mal à envoyer tout le monde dans les Gallice. Tous étaient excités à l‟idée d‟arriver sur le légendaire continent. Les enfants, qui s‟aidaient du pouvoir d‟invisibilité de Nicolas pour passer inaperçus, flânaient encore dans les couloirs à une heure du matin. Quand soudain, un remue-ménage provenant des Gallices leur indiqua que l‟Atlantide était en vue. Les enfants se précipitèrent à un mur de verre (ou tout autre matière ayant les mêmes propriétés) pour apercevoir le continent disparu. De là, ils virent les lumières du port aérien et maritime de la grande et fière ville de Muoxis. Sous leurs yeux, se découpaient à présent de hautes tours pouvant rivaliser de hauteur avec les grands gratte-ciels de New York. Mais leurs formes étaient bien plus variées : parfois cylindriques, parfois triangulaires ou surmontées d‟une grande sphère qui devait offrir un formidable panorama sur la ville. Des lumières vives, semblables à celle des grandes villes, renvoyaient l‟image d‟une ville haute en couleurs et en vie. Ebahis par ce spectacle, les 49


enfants avaient oublié de devenir invisibles, et cela faisait cinq bonnes minutes que le diamant frontal d‟Ahurie brillait. -Qu‟est ce que vous faites encore debout ? Allez ouste, au lit ! Demain sera une rude journée.

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IV L‟arrivée en Atlantide

L

e lendemain, une belle agitation régnait dans le vaisseau : tous les élèves étaient déjà levés alors qu‟il était à peine cinq heures du matin. La Grande Salle était bondée et les professeurs avaient beaucoup de peine à cacher leur excitation. Le silence se fit enfin lorsque M. Benignus entra dans la salle en bâillant, habillé d‟une robe de chambre portant, de grosses lunes multicolores. Il s‟arrêta après s‟être aperçu que tout Ultimécia le regardait, des fantômes aux petits migs, en passant par les élèves. Il parut désorienté pendant quelques secondes puis éclata de rire : -Je savais que vous étiez impatients de débarquer, mais j‟espérais quand même avoir le temps de prendre mon petit déjeuner. Mais bon… Une étincelle éclata et M. Benignus se retrouva accoutré de sa traditionnelle robe de sorcier. Il reprit la parole : Je vous propose de tous nous retrouver devant le Portail Magique dans une heure, le temps de préparer les dispositions de dernières minutes. A tout de suite. En attendant, je vous donne cette heure pour faire ce que vous voulez… enfin presque. Il fit un grand sourire et sortit de la salle. Les élèves poussèrent un cri de joie et allèrent en courant se répandre dans le vaisseau. Les enfants l‟exploraient quand ils se retrouvèrent dans une grande salle où une foule d‟élèves s‟était regroupée autour de tables. Ils s‟en approchaient quand une voix froide et moqueuse les interpella: -Alors les abrutis, vous êtes venus voir comment on joue au Lotus ? c‟était Cyril. -Qu‟est-ce que c‟est que ce jeu ? demanda Cosme. L‟assemblée éclata d‟un rire moqueur. A croire que tout le monde connaissait le jeu du Lotus. -C‟est bien ce que je pensais, des pauvres enfants de gacèmes ne peuvent pas connaître ce jeu atlante. -Oh tu sais, dit Cosme d‟un air innocent, les enfants de gacèmes peuvent parfois être là où on les attend le moins. -Saches pour ta gouverne que…non, je sais, je te propose une partie. Qu‟en distu ? -Pas de problème ! A cette réponse, une rumeur s‟éleva des spectateurs. -T‟aurais quand même pu te renseigner sur ce jeu avant de dire oui, remarqua Asmodée. Il est très particulier, tu sais…

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-Peut importe, je le battrai. Je te rappelle que je peux tout assimiler, alors les règles d‟un jeu ! -Oui mais… -Alors t‟arrive ? s‟impatienta Cyril qui s‟était assis à une table. Tu es prêt ? Je t‟explique, chacun de nous possède un paquet de trente cartes. Enfin moi, toi on va t‟en prêter un. Voila, bon. Dans chaque paquet, il y a des cartes « monstre » qui possèdent des particularités d‟attaque et de défense qui sont décrites aux dos, ainsi qu‟un élément. Chaque créature a une faiblesse. Choisir le bon monstre pour écraser celui de son adversaire est un art, mais je ne pense pas qu‟un abruti comme toi y comprenne grand chose. Il y a aussi des cartes « sort » que tu peux utiliser pour renforcer tes monstres. Mais ne t‟inquiète pas, je ne serai pas trop méchant. -Mais si je m‟inquiète. De te mettre une raclée devant tout le monde ! -Très bien, dit Cyril qui venait de perdre son air insolent. On commence. Et je joue : Andar le marcheur! Dès que Cyril posa la carte sur la table, celle-ci se mit à briller et Cosme vit une silhouette se déplier à l‟intérieur. La lumière qui émanait de la carte laissa place à un étrange personnage de chair et de sang d‟environ cinq centimètres. Cyril sourit devant la stupéfaction de Cosme. -Je ne te l‟avais pas dit ? Les cartes portent en leur sein de vrais monstres et créatures ainsi que de vrais sorts. C‟est la magie atlante en quelque sorte. Ils utilisent ces cartes n‟importe quand. Ca remplace nos baguettes magiques, si tu veux. C‟est pour ça que le jeu se compose seulement d‟un tiers de cartes monstres, et le reste de cartes sorts. -Tu veux dire que le guerrier est vivant ? -Il pourrait te couper un doigt ou… autre chose si je le lui demandais. -On va dire que je te crois sur parole, OK ? C‟est à moi de jouer alors. Je joue : Simon l‟écervelé ! A peine la carte posée devant lui, un grand bonhomme (environ dix centimètres) à l‟air niais en sortit. Cyril éclata de rire. -Il est terrifiant ! Aller Andar, détruit-le ! Le petit guerrier se jeta alors sur le grand nigaud et le coupa en deux. Il disparut. -Que lui est-il arrivé ? demanda Cosme inquiet de la réponse. -Rien, je l‟ai battu. Ah, oui au fait : on a droit à seulement trois monstres par rencontre. Et j‟appelle : Féror, le magicien de l‟oubli ! Un homme habillé d‟une grande cape pourpre apparu. -A moi, je joue : le sorcier maudit et j‟attaque Andar ! Le sorcier qui venait d‟apparaître brandit sa baguette sur Andar et… -Je joue le bouclier magique! L‟attaque du sorcier fut absorbée par un bouclier invisible et s‟évanouit. -A moi, déclara Cyril apparemment très content de son bouclier magique. Je lance mon magicien à l‟attaque ! 52


-Pas si vite, je joue la carte boomerang ! Elle renvoie ton attaque contre toi ! -Bien joué mais je joue le sifflet à grelots. Il annule toute carte magique venant d‟être posée. Désolé ! Le magicien tendit la main vers le sorcier. Alors une lumière vint entourer le sorcier puis explosa. Le sorcier disparu. -Il me reste plus qu‟un seul monstre à détruire et j‟aurai gagné ! A toi. -Je lance : L‟illusionniste! Attaque le magicien avec l‟illusion des ténèbres ! Le plateau de jeu devint subitement sombre. L‟illusionniste brandit son bâton et se mit à se multiplier à une vitesse folle. -Féror, contre attaque ! Le magicien, ne sachant quel illusionniste viser, tira au hasard. Son attaque traversa un illusionniste qui s‟évapora. -Loupé ! Achève-le ! Alors les illusionnistes fusionnèrent en un qui attaqua le magicien. Celuici disparu. -Bien joué, mais maintenant tu n‟as plus de défense ! Andar, attaque-le !... Ca y est, j‟ai gagné. Ton illusionniste n‟est plus. Toute l‟assemblée se mit alors à se moquer de lui. Cosme devint écarlate de honte et de colère. -Alors le chouchou, on est nul ? railla Cyril. -C‟était facile, il connaissait pas les règles ! Il n‟y a aucune gloire à l‟avoir battu. Vien on s‟en va ! -Allez Cosme, fait comme t‟a dis ta nourrice ! -Merci Asmodée, mais j‟aurais pu lui dire tout seul, lui dit Cosme une fois sorti de la salle où on riait encore de lui. -Allez, ni penses plus, le rassura Rémi. Il nous reste encore une demi-heure à tuer… Tou, tou, tou ! Trille ! « Ca marche là ? Un deux, un deux, on m‟entend ?... » -C‟est quoi ça ? On se croirait dans un hall de gare. -Oui, Marine a raison, mais c‟est étrange qu‟on se serve de micro et de hautsparleurs ici, remarqua Nicolas. -Quel petit gros ? demanda Martial. -Non, des micros. C‟est de la technologie. -Mais, tu sais bien que c‟est impossible, dit Asmodée soudain peut rassurée. -Surtout que c‟est la voix de M. Benignus. « Vous m‟entendez alors? Ici M. Benignus. C‟est pour vous informer que tout est prêt plus tôt que prévu. Nous allons débarquer dans quelques minutes. Pour ceux qui sont perdus dans des passages secrets, sachez que…on vous retrouvera bien avant la fin de l‟année, alors j‟espère que vous savez vous téléporter des aliments ! » Tou, tou, tou ! Trille ! -Je retire ce que j‟ai dit, nous n‟avons plus trente minutes à perdre…On en a aucune !

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Les enfants se mirent à courir vers le Portail Magique. Ils rejoignirent le flot d‟élèves qui voulait absolument débarquer en premier sur le mystérieux continent. Arrivés dans le hall, ils butèrent tous sur à l‟énorme porte à côté de laquelle ils étaient entrés dans le vaisseau, la première fois, par le téléporteur. Les professeurs étaient tous réunis autour des élèves aux côtés de M. Benignus. -C‟est un grand jour, déclara M. Benignus. Nous allons être la première institution à mettre le pied sur la mystérieuse Atlantide. A ces mots, il leva haut les bras et la porte s‟ouvrit lentement. La lumière du jour força d‟abord les élèves à fermer les yeux. Puis, une fois leurs yeux rouverts, ils purent enfin s‟émerveiller du fantastique panorama qui s‟étalait devant eux : de hautes tours, de grandes maisons et un port immense où se pressait un va-et-vient incessant de bateaux volants et flottants. Les sorts fusaient dans tout les sens et une multitude de créatures, toutes plus étranges les unes que les autres, se pressait dans les rues. Un soleil éclatant faisait briller les immeubles et les entrepôts qui étaient de verre et d‟un étrange métal inconnu. Bien que le paysage soit principalement constitué d‟immeubles, d‟entrepôts et de maisons, leur disposition espacée donnait une impression de sérénité malgré une grande agitation. -Les enfants, je vous présente la ville-port de Muoxis! M. Benignus fit un pas en avant, vers le vide, et au lieu de tomber et de s‟écraser lourdement sur le sol, un pont translucide se mit à apparaître sous ses pas jusque au sol. En bas, un groupe de gens les attendait. Marine cru reconnaître un elfe mais il disparut dans la foule. Au premier rang, un enfant richement habillé semblait chercher quelqu‟un des yeux. Le vieillard à côté de lui prit la parole : -Cher Martin ! dit-il en ouvrant largement les bras à M. Benignus. Je suis heureux de te revoir. Voici donc tous les habitants du célèbre Ultimécia ? Au fait, le vaisseau vous a convenu ? -Oui, ça a était très bien. Les enfants, je vous présente Sire Quentin troisième de nom : le roi de l‟Atlantide ! Les élèves mirent un certain temps avant de comprendre et d‟assimiler se que M. Benignus venait de leur dire. Puis des acclamations de joie et des applaudissements retentirent. -T‟a vu ? cria Martial à ses amis. Le roi en personne s‟est déplacé pour notre débarquement ! -Oui, et pas n‟importe lequel ! Quentin III est le plus sage et le plus intelligent des rois que l‟Atlantide ait eu depuis mille quatre cent trente-sept ans. -Ah ? On est quand, aujourd‟hui, en Atlantide? -Nous sommes le vingt-sept caliret six mille cinq cent trente-neuf. -Hein ? -Les Atlantes n‟ont pas le même calendrier que nous. Le mois de caliret est un mois Atlante. Et sache que le peuple Atlante est très ancien. C‟est pour cela qu‟ils sont en six mille cinq cent trente-neuf. 54


-Ah... Les applaudissements s‟épuisèrent et le roi Quentin III pu reprendre la parole : -Je vous invite chez moi, au palais dans la capitale de l‟Atlantide : Dirulas. Si vous partez maintenant, vous arriverez dans deux jours. -Nous acceptons volontiers votre invitation Quentin, mais nous allons rester là une petite heure afin de laisser les enfants apprécier cette ville. -D‟accord mon ami. Je vous attendrai avec patience. Le roi dit au revoir à M. Benignus et il disparut dans une intense lumière verte. M. Benignus se tourna vers ses élèves : -Comme je viens de le dire, vous avez une heure de libre pour visiter la ville… alors ne restez pas là! Les enfants se mirent aussitôt à dévaler le pont, qui se fonça à chaque pas jusqu‟à ne plus être translucide du tout. Ils s‟éparpillèrent tant et si bien qu‟en quelques minutes la place se trouva déserte. -Je ne sais pas si c‟est une bonne idée Martin, dit doucement Mme Contortine à l‟oreille du directeur. -Mais voyons, il faut bien les habituer. -A quoi ? demanda-t-elle redoutant la réponse. -A être lâché dans une ville atlante pardi ! Je ne vous avez pas dis que je compte le faire à chaque ville visitée ? Ainsi que leur donner l‟autorisation de quitter le vaisseau pendant les heures de permission ? -C‟est joli par ici, dit Janis en levant la tête. -C‟est très industrialisé comme ville, déclara Asmodée. A ce qu‟on dit, Dirulas est vraiment magnifique. -Mais enfin Asmodée, qu‟est-ce qui ne va pas avec toi... Regarde autour de toi : c‟est industrialisé mais pas un poil de pollution dans l‟air, et les véhicules qui volent ! Tu as vu ? -Je vois tout ça Cosme, mais n‟empêche... -Regardez ! Un magasin de jeu Lotus ! On doit pouvoir y acheter des cartes ! -Oui, Rémi a raison ! Allons-y ! -Attendez nous ! Hé ! Nicolas ! Remi ! -Dommage que nous n‟ayons pas nos skates, remarqua Asmodée. -A qui le dis-tu ! Allez, on les rejoint ? Une fois arrivés dans la boutique, les enfants se mirent à farfouiller dans les empilements de caisses et de cartons contenant les cartes de Lotus. Le magasin était vieux et poussiéreux mais sur les murs se trouvaient toutes sortes de cartes et d‟accessoires du Lotus. Chaque enfants se fit une collection de trente cartes et alla les payer. Le prix variait selon la rareté et la puissance de la carte. Puis chacun choisit un accessoire différent. Nicolas acheta un petit hologramme de poche qui reproduisait un professionnel du jeu pour apprendre les règles le plus vite possible. Cosme choisit un gant qui n‟était autre qu‟une banque de 55


donnée sur le jeu sous forme d‟un mini ordinateur (l‟écran était un cercle au milieu de la paume avec commande vocale). Asmodée prit un livre de deux cent pages sur les règles du jeu. Marine, elle, s‟acheta un médaillon qui pointe à chaque tour de jeu la carte la plus adaptée. Rémi préféra une console de jeu avec un simulateur du jeu Lotus pour s‟entraîner. Martial pencha pour une dizaine de cartes supplémentaires, et Janis ne fit pas provision de cartes car elle trouvait ce jeu « cruel, immoral et sans intérêt ». -Je suis content de nos achats, déclara Rémi, maintenant je saurai quoi faire le soir et pendant l‟étude. -Oui et… Marine s‟interrompit. Une grande ombre venait de se dresser derrière eux et s‟approchait. L‟ombre grandissait, Janis sentait la présence d‟un individu. Les enfants firent volte face. Ils reculèrent d‟un pas en voyant la masse imposante d‟un Atlante encapuchonné caché dans un large manteau de couleur noire. Le visage masqué, il dit d‟une voix pressante et douloureuse : -Suivez-moi. Vite ! L‟homme tourna les talons et alla dans une petite ruelle à côté. Les enfants, intrigués, le suivirent presque malgré eux et sans savoir comment, ils se retrouvèrent dans une sombre ruelle avec l‟inquiétante silhouette. -Que…que voulez-vous ? demanda prudemment Martial. -Je veux vous prévenir. Vous êtes en danger. Je sais qui vous êtes et je ne suis pas le seul. Le Maître des Ténèbres devient de plus en plus puissant. Il a déjà beaucoup d‟acolytes et d‟espions dans tout l‟Atlantide. Il a des renseignements par quelqu‟un d‟Ultimécia et cherche à tout prix à vous détruire. -Qu‟est-ce qui nous prouve que ce n‟est pas un piège ? -Rien, vous devez juste me croire. J‟aimerais bien vous en dire plus mais les murs ont des oreilles. Je vais essayer de savoir d‟où vient la fuite mais je ne serai pas toujours derrière vous pour vous protéger… -Vous dites n‟importe quoi. Personne n‟a essayé de nous attaquer. Pour seule réponse, l‟homme montra un coin de la ruelle. Les enfants regardèrent médusés un corps d‟homme allongé sur le sol. -Il… il est… -…Mort ? Non, il est juste évanoui. Bon, je dois vous laisser. L‟homme sortit de sa poche une carte de jeux. Celle-ci se mit à briller et des anneaux de lumière sortirent du sol en l‟enveloppant. Il disparut dans le sol avec les anneaux. La voix de l‟homme s‟éleva dans la ruelle : -Je m‟appelle Ludovic. Sa voix s‟évanouit. -Comment il a fait ça ? demanda Marine en tendant les bras en avant. -Je ne sais pas, répondit Rémi. Il a utilisait une carte et, pouf ! Disparu ! -C‟était la carte des anneaux de transfert, dit Cosme. -Comment tu le sais? demanda Asmodée. -C‟est simple, je l‟ai dans mon jeu. -Oui, c‟est intéressant mais on est en retard, rappela Martial. 56


-Ah ! Je crois que j‟ai ce qu‟il nous faut, déclara Nicolas. La carte du transport instantané. Regardez, c‟est écrit en dessous: « cette carte permet de transporter un groupe de monstres d‟un endroit à l‟autre instantanément. Cette carte magique… » -Et comment on s‟en sert? -Heu…hé ! On est où? -Je crois qu‟on est dans le vaisseau. -Bonne nouvelle. Tu as trouvé comment ça marche, conclut Martial. -Vous êtes déjà là ? Les enfants se retournèrent et se retrouvèrent en face de Mme Drosera, leur professeur de botanique. -On a utilisé une carte du Lotus, se risqua Nicolas. -Ah oui, je vois. Mais maintenant vous êtes en avance. Allez ranger vos affaires et rendez-vous dans la grande salle après. Les enfants se mirent donc en route pour rejoindre leur Gallice. Ils stoppèrent net en voyant le triste spectacle offert par leur Gallice. Quelqu‟un était venu fouiller dans leurs affaires pendant qu‟ils étaient en ville ! Le bureau était retourné ainsi que les matelas, les commodes avait était vidées puis renversées, les lits avaient était démontés et une impression de malaise flottait dans la salle, signe que de nombreux sortilèges avaient été lancés. -La bibliothèque ! hurla Rémi en se jetant en avant. Il glissa plusieurs fois sur les tas d‟affaires récemment retourné. Il se jeta sur la bibliothèque et attrapa le vieux grimoire. Il éclata de rire. -Ils n‟ont pas touché à la bibliothèque ! Ils n‟ont pas touché à la bibliothèque ! hurlait-il en serrant le Livre de l‟Etoile entre ses bras. Marine fut la première à le rejoindre en volant. Les autres suivirent. -Doucement Rémi. Peut-être est-il encore tout près, et à crier comme ça, tu vas ameuter tout le vaisseau. -En tout cas, il va falloir le changer de place maintenant et ranger tout ça, raisonna Asmodée. -Oui, et surtout il faut en parler à M. Benignus, dit Martial. Il faut lui raconter tout, même notre rencontre avec Ludovic… -D‟accord, mais je suis pour donner un surnom à Ludovic, il a dit qu‟il y avait un espion dans le vaisseau et s‟il nous entend parler de lui, il pourrait faire le rapprochement. -OK Nicolas, mais on l‟appelle comment ? -Euh, Eric ? proposa Janis. -Ouais, ça sonne bien. Eric… Qui vote pour ? -Tout le monde apparemment. -Maintenant que c‟est fait, on range ? Le grand rangement commença. Ils sortirent leurs baguettes et lancèrent des sortilèges d‟attirance (deprehendo!), d‟expulsion (abjicio!) et de rangement

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(reisceui!).Au bout d‟une vingtaine de minutes, la Gallice était comme neuve et tout a fait propre. Tou, tou, tou ! Trille ! « Allo, ici le directeur. Nous vous prions de reprendre vos cours habituels sans plus tarder, et ceux qui ne sont pas assis dans la Grande Salle ou encore dans des passages secrets, nous vous prions de vous asseoir pour le départ vers Dirulas. Nous vous souhaitons un agréable séjour avec la compagnie Ultimécia Air Line! –Professeur! résonna la voix de Mme Contortine derrière lui – Désolé, je n'ai pas pu m'en empêcher, répondit la voix de M. Benignus…»Tou, tou, tou ! Trille ! Immédiatement, les enfants tombèrent à terre sous la poussée du décollage. Après étude de leur emploi du temps, ils conclurent qu‟ils devaient aller en option de duels. Ce cours d‟option enseignait à faire des duels à la baguette magique. -Comme vous le savez déjà sûrement, les duels d‟Atlantes n‟ont rien à voir avec nos duels de sorciers. Ils n‟ont pas de baguettes magiques et se servent des cartes de jeu Lotus pour leur duel et leur vie quotidienne. -Le professeur Contortine et moi-même, M. Humulus, allons vous faire une démonstration. Je me place à dix pas de son adversaire, et je me mets face à lui. Nous sortons nos paquets de cartes et nous y prenons cinq cartes au hasard. On les regarde et… honneur aux dames. -Merci. Je commence avec la carte immobilisation psychique. La carte se mit à briller et M. Humulus se mit à flotter à quelques centimètres du sol dans une lumière rose, comme maintenu par une force mystérieuse. -Le voila immobiliser pendant trois tours, poursuivit–elle. -Erreur, la coupa M. Humulus. Car je possède une carte d‟annulation plénière. Elle me permet de rompre n‟importe quel sort et objet magique. Aussitôt, le champ de force disparut et M. Humulus retomba. -Je poursuis avec une carte migration. Elle t‟oblige à me donner trois cartes. Trois cartes s‟envolèrent du jeu de Mme Contortine et atterrirent dans le jeu de M. Humulus. -A moi : Hadès! Alors, une épaisse brume noire apparut entre les deux joueurs. Deux yeux flamboyant s‟ouvrir dans la brume ainsi qu‟une large bouche. La chose se mit à rire. En face, M. Humulus était devenu aussi pâle que Gustave, le fantôme. Il reculait l‟air terrifié. Toute l‟assistance retenait son souffle. C‟est alors qu‟une énorme main possédant trois griffes sortit de la brume. Les griffes sifflèrent dans l‟air en fondant sur le pauvre M. Humulus, qui regardait, sans trop y croire, les cartes de son jeu. Janis poussa un cri suraigu au moment où Mme Contortine ordonna à sa chose d‟arrêter. M. Humulus, une main sur le cœur, était essoufflé comme s‟il venait de courir quarante kilomètres. Il articula difficilement : -J‟ai bien cru que vous ne le rappelleriez jamais.

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-Les enfants, la carte que vous venez de voir est la carte de l‟invocation d‟Hadès. C‟est une carte très dangereuse : si ses griffes vous atteignent, il volera votre vie et votre âme qu‟il prendra un malin plaisir à détruire. -Vous voulez dire que M.Humulus a faillit mourir? demanda une élève de première année. -Oui, répondit-elle simplement. Janis s‟évanouit. Elle fut réveillée par un sortilège d‟énervement. -Allez, à vous. Et n‟oubliez pas : uniquement les Cartes « sort » ! Les enfants étaient très contents d‟avoir acheté des cartes et de ne pas être forcés d‟en emprunter au lycée. Cosme fit un duel contre Marine qui suivait à la lettre les conseils de son pendentif, sans vraiment savoir à quoi servait les cartes qu‟elle jouait. Cosme mettait à chaque fois près de cinq minutes à réagir, le temps d‟explorer sa banque de données. Les autres duels paraissaient tout aussi folkloriques. Le reste du voyage se passa sans surprise et les enfants apprirent qu‟une fois à Dirulas, ils pourraient acheter des maillots de bain avec l‟étrange propriété de permettre à son porteur de respirer sous l‟eau. Cela leur servirait pour leur visite de l‟Atlantide submergé. Ils arrivèrent à Dirulas, la fantastique capitale de l‟Atlantide, la cité aux mille tours et au palais royal, qui était dit-on splendide. La visite et l‟étude de cette ville semblaient très intéressantes du point vue d‟Asmodée, alors que pour la plupart, seule la visite de la cité valait le coup.

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V Une bien étrange ville

L

e vaisseau arriva sur Dirulas au plein milieu de l‟après-midi. Le soleil était de plomb et les temples brillaient de mille feux. Le vaisseau se mit en vol stationnaire au-dessus même de somptueux palais royal. Comme la première fois, la grande porte s‟ouvrit et le pont magique apparut. Les élèves descendirent et se retrouvèrent dans une cours du palais en compagnie des professeurs. Seul le professeur Saxifraga n‟était pas là. Ils furent royalement accueillis par le roi et sa cour et furent conduits dans une grande salle. On annonça le début du spectacle et les enfants s‟assirent sur d‟énormes poufs. La lumière s‟estompa et des danseuses firent leur entré. Soudain, une main osseuse se posa sur l‟épaule de Nicolas. Il se retourna et vit une veille Atlante aux yeux blancs toute squelettique. - Suivez-moi, élus. Les enfants regardèrent, intrigués, la veille dame. Elle avait l‟air inoffensif mais comme le fit remarquer Asmodée, peut-être a-t-elle un pouvoir terrifiant défiant l‟imagination. Cependant, ils suivirent la veille dame qui se présenta comme l‟oracle du roi. Elle les emmena dans une petite salle toute proche de laquelle on pouvait entendre les musiques sur lesquels dansaient les voluptueuses danseuses ayant pour seul vêtement des colifichets d‟or et des voileries. L‟air de la pièce avait quelque chose d‟oppressant et de menaçant. L‟oracle s‟assit derrière une table et alluma deux bougies qui dégagèrent une épaisse lumière verte phosphorescente. Elle se mit à parler d‟une voix grave et profonde : -Vous êtes les Élus, dit-elle tout simplement. -Les Elus, se sont pas ces héros censés libérer le monde? demanda Marine sur la défensive. -Et vous croyez que les enfants en quatrième année de sorcellerie de quinze ans que nous sommes sont ces héros? demanda Cosme. -Les Elus n‟existent pas! déclara Nicolas. -Désolé de vous décevoir mais nous ne sommes pas ces héros, dit Rémi. -Ruse vous utilisez mais à un oracle, apprendre à mentir vous n‟arriverez. En grave danger vous êtes. Afin de vous aidez, confiance me faire vous devrez. -Admettons que nous sommes les Elus, que devrait-on faire pour détruire le mal demanda Rémi. -Pour notre culture générale bien sur, rectifia Marine astucieusement.

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-Longue route d‟initiation vous parcourrez. Enchanteur et Invoqueur vous deviendrez sinon mort et souffrance vous rencontrerez. -Eh bien, je suis content de ne pas être un de ces Elus. -Arrêtez crétin. Vous ne trompez personne avec ce petit numéro de comédien. Bientôt un enchanteur vous rencontrerez, le rejetez vous ne devrez. Vous bâtons vous obtiendrez, vos pouvoirs vous augmenterez. Partir maintenant vous devez, car rentrez maintenant vous allez. Sans se rappeler comment, les enfants se retrouvèrent soudain dans leur Gallice la nuit tombée. Ils se regardèrent d‟un air effaré : -Vous vous souvenez de ce qui c‟est passé entre le moment où l‟oracle nous a dis de partir et maintenant? demanda Marine inquiète. -Non, répondirent les enfants d‟une même voix. -Ca doit être à cause des bougies de cette veille chouette. -De quoi vous parlez? demanda Martial qui venait d‟entrer. -Tu sais, toi, ce qu‟on a fait pendant le retour? -Bah oui, vous êtes revenus ici en marchant. A part le fait que vous étiez très silencieux, il n‟y avait rien d‟anormal. Pourquoi? -On a rencontré un oracle qui nous a prédit des choses atroces, puis on se souvient de rien. Après un récit détaillé des prédictions de l‟oracle, les enfants se dirent au revoir et allèrent se coucher. -On en reparlera demain, bonne nuit. -Bonne nuit ! -Bonne nuit… -Bonne nuit ? -Bonne nuit. *

*

*

Le lendemain matin, les enfants se levèrent de bonne heure après une nuit agitée. La matinée se passa tranquillement. Tout le monde attendait avec impatience l‟après-midi car ils l‟auraient en partie libre pour visiter la capitale. Puis la journée se terminerait en visite guidée avec les professeurs. L‟heure tant attendue sonna et les enfants s‟en allèrent flâner dans les nombreuses rues de la glorieuse et immortelle Dirulas. Ils regardaient un temple aux proportions gigantesques fait d‟un étrange métal (Asmodée étant plongée dans ses guides) quand un jeune homme d‟une quinzaine d‟année les accosta. Il n‟était pas très grand, des cheveux courts d‟un noir d‟encre peigné vers l‟avant, des yeux en amande d‟un profond marron. Il avait des pommettes saillantes, ce qui lui donnait l‟air très rieur. Il était habillé comme n‟importe quel jeune atlante. -Bonjour, je m‟appelle Jordan. Je crois que je vous ai vu au château hier, non? -Euh…Oui. Moi je m‟appelle Nicolas. 61


-Moi c‟est Marine, enchantée de te connaître. -Moi je suis Cosme. -Et moi Martial. -Asmodée, dit-elle sans quitter son guide des yeux. -Moi, Rémi. -Je suis content de vous rencontrer. Vous savez, quand on est fils de…conseiller du roi, on n‟a pas beaucoup l‟occasion de s‟amuser. -C‟est pour ça que tu étais au château alors. -Oui. Qu‟est ce que cherche Asmodée (c‟est ça?) dans ce guide? -Je cherche ce que c‟est que ce métal vert qui fait les coupoles de ce temple dont je cherche aussi le nom, répondit Asmodée tout en feuilletant son guide. -C‟est le temple des quatre divinités Atlante. Le principal. Et le métal qui compose les coupoles est du Fragnote. C‟est un métal qui n‟existe que sur ce continent. Il possède les mêmes propriétés que l‟or tout en étant plus résistant et plus brillant. -D‟accord. Asmodée referma son guide d‟un coup sec. On va le visiter ? -Je peux vous servir de guide si vous voulez. Je connais la ville par cœur. -Bien sur. Allez, on y va. Les enfants, accompagnés par leur nouvel ami, gravirent les hautes marches du temple et y pénétrèrent. La salle dans laquelle ils venaient d‟entrer était une salle assez basse avec d‟immenses vitraux et de très nombreuses colonnes. Elle ressemblait à un immense labyrinthe dans lequel les visiteurs déambulaient en faisant de nombreuses prières devant d‟immenses peintures et sculptures représentant des divinités diverses. Les vitraux conféraient un air irréel à la pièce grâce à leurs taches de couleurs translucides. -Le temple est un circuit complexe, explique Jordan. Il existe quatre divinités majeures en Atlantide. Chacune dirige un élément et une saison. Ils ont à leurs services des Dieux inférieurs et extérieurs régissant tout les détails. Par exemple, cette peinture représente Glinni, un dieu extérieur de l‟hiver chargé du givre. -Si je ne me trompe, intervient Asmodée, les quatre divinités sont: Valtor : Dieu du feu et de la vie, Aloubax : Dieu de l‟eau et de la foudre, Salisha : Déesse de la terre et de la mort, Wundiro : Dieu du vent et des ombres. -Sauf que tu as fais une erreur. Valtor est le dieu du feu et de la mort, Wundiro est le dieu du vent et de la vie. -Ca ne sert à rien Asmodée. Côté culture Atlante, tu fais pas le poids face à un véritable Atlante. Les enfants explosèrent de rire et Asmodée se vexa. Le temple était très grand et les enfants mirent près de deux heures à en faire le tour en passant par toutes les divinités. De grandes et imposantes statues et sculptures représentant les quatre Dieux principaux étaient édifiées à quasiment toutes les intersections.

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-Les Quatre Dieux sont primordiaux dans notre religion. Ce sont eux qui permettent au continent d‟être en été et printemps pendant huit mois sur onze. -Vous n‟avez que onze mois par an ? demanda Martial. -Oui, et nous avons nos propres signes du zodiaque. -Le gnome, la sirène, le troll, le holomine, la tortue, le dragon, l‟ange, l‟amazone, le tigron ou le puma, le cerf et… et…, réfléchit Asmodée. -Le singe et le caroumale, acheva Jordan. Vous savez que la tradition veut que chaque croyant passe cinq minutes à prier devant chaque dieu qu‟ils croisent? demanda-t-il en changeant de conversation. Nous allons arriver sous la coupole principale. Il y est gravé et sculpté près de trente divinités mineures et extérieures, en plus des Quatre. Au détour d‟une allée, les enfants découvrirent la gigantesque coupole. Elle était sculptée de centaines de petites créatures en relief, toutes tournées vers quatre statues magistrales qui occupaient les quatre coins de l‟espace. L‟une représentait un homme à l‟air arrogant, aux proportions impressionnantes et aux muscles surdéveloppés. Il était torse nu, les bras croisés sur les pectoraux. Il portait un pantalon moulant et un bandeau sur le front. La deuxième statue figurait un homme plutôt grand mais beaucoup moins musclé. Le regard intelligent et le visage sage, il était habillé d‟un marcel large et d‟un pantalon flottant, les bras le long du corps. Puis, se tenait la statue d‟une femme, aux formes avantageuses et aux cheveux extrêmement longs. Les bras croisés sous sa poitrine et les jambes croisées, elle arborait un air sûr et ambitieux. Elle portait une magnifique robe ornée de fleurs. La dernière statue évoquait un homme plutôt frêle d‟une grande élégance, aux cheveux mi-long et à la musculature bien dessinée. Il respirait la joie de vivre et il flottait –du moins c‟était l‟effet rendu par sa tunique. Les enfants restèrent stupéfaits devant cette partie grandiose du temple. Puis, ils remarquèrent un homme habillé d‟une sorte de kimono orange et rouge. Il s‟approcha du petit groupe. Il était grand et élancé, le teint clair, les cheveux grisonnants, et il avait des yeux couleur de vin parfaitement assortie à son kimono. Il marchait avec une certaine prestance et une humble suffisance se dégageait de lui. Mais ce qui surpris le plus les enfants, ce fut son bâton sculpté -Bonjour mon prince, dit-il en s‟inclinant devant Jordan. -Schuuuut ! -Quoi, tu es le prince de l‟Atlantide ! s‟exclama Cosme. -Euh… fit Jordan en se grattant la tête. C'est-à-dire que… -C‟est pourtant pas bien compliqué : oui ou non? demanda Rémi. -Oui. -Pourquoi tu ne nous as rien dit ? demanda à son tour Marine. -Parce que vous auriez été différents avec moi. Je savais qu‟en vous accompagnant je ne risquais pas grand-chose. La tradition veut que lorsqu‟on entre ici pour prier, on fait un jeûne et vœu de silence pour tout le parcours. Sans ce gros nigaud, je ne me serais jamais fait repérer… 63


-Le nigaud s‟appelle Grégoire et il est l‟Enchanteur du roi. -Vous parlez toujours de vous à la troisième personne ? demanda Janis qui contemplait la statue de la femme, qu‟elle trouvait “sublime”. -Non, bien sur que non, dit-il l‟air assez gêné. Pour tout vous dire, je vais devenir votre maître. -Quelle bonne idée ! ironisa Cosme. -Essaye donc, juste pour rire, dit Martial d‟un air qui se voulait agressif et qui lui donnait en réalité l‟air d‟un gros chou rouge. -Voyons Grégoire, tu t‟es trompé, intervint Jordan, ce sont des sorciers et toi tu es un Enchanteur. Comment veux-tu devenir leur professeur ? -Vous n‟êtes pas au courant mon prince, ni votre père d‟ailleurs, mais de terribles choses se préparent dans l‟ombre. Sortons s‟il vous plaît. Les Temples ont des murs. -Sans blague ! C‟est une grande première ! Les temples ont des murs ! se moqua Nicolas. -Ma langue a fourché, je voulais dire : “les murs ont des oreilles. ” Devenu tout rouge, il brandit son bâton et ils disparurent dans un nuage de fumé. Ils se retrouvèrent peu de temps après dans une petite pièce très peu meublée. Pour être précis, nue. -C‟est vous qui avez fait la décoration? demanda Cosme. C‟est très coquet. - Moque-toi. Mais tu vas voir de quoi est capable un Enchanteur ! Grégoire brandit son bâton devant lui et commença à le faire tourner entre ses doigts. Il ferma les yeux et leva le bâton au dessus de sa tête, toujours on le faisant tourner. Il sourit puis ouvrit les yeux en arrêtant son bâton devant lui d‟un geste ferme et précis. La pièce s‟emplit de scintillements et de magnifiques boiseries et des meuble plus beaux les uns que les autres apparurent. Les enfants regardèrent avec enthousiasme toutes ces merveilles, pressés de pouvoir en faire autant. -Alors ? Qu‟en dites-vous ? questionna Grégoire. -Superbe, dit Janis en s‟asseyant confortablement dans un luxueux fauteuil. -Impressionnant, avoua Martial. -Bon, ceci ne nous explique toujours pas pourquoi tu veux qu‟ils deviennent tes élèves alors qu‟ils sont sorciers, intervint Jordan. -Je vous en parle mais promettez moi de ne rien dire à personne. Même pas à votre père, le roi. Jurez le moi. -Je le jure ! déclara Jordan d‟un air solennel. -Les enfants ici présents sont les Elus. -Les Elus ne sont pas censé être que quatre? -Si. Les Elus sont ces quatre là. -Comment peux-tu être si sûr ? demanda Rémi. -L‟oracle me la dit. C‟est tout. -L‟oracle?

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-Oui, vous vous souvenez, elle vous avez dit que vous rencontreriez un Enchanteur… -Oui… c‟est dingue ce pays où tout le monde sait qui nous sommes, souffla Cosme à l‟oreille de Marine. -Comme vous le savez, l‟ennemi a déjà créé un système parallèle d‟où ils observent dans l‟ombre. Pour rivaliser avec cette association secrète, nous avons créé la notre dont l‟oracle et moi faisons partis. -Oui, on nous a prévenus, dit Nicolas. -Vous voulez dires que vous êtes les Elus ? Les vrais ? demanda Jordan soudain tout excité. -Pourquoi ? Ca t‟étonne ? lança Asmodée qui lui en voulait toujours. -Non… -Tout d‟abord, intervint Grégoire, on va vous acheter des bâtons. Je pense que l‟on n‟est pas obligé de vérifier si vous êtes dignes d‟être Enchanteur… -Mais, concrètement, quelles sont les pouvoirs des Enchanteurs ? demanda Rémi. -Notre magie est surtout basée sur des invocations, des enchantements, et de puissantes illusions. Tellement puissantes quelles peuvent même tromper les six sens de base : la vue, l‟odorat, le toucher, le goût et l‟intuition (ou la pensée). Par exemple, cette pièce est toujours aussi nue que quand on est arrivé. -Impossible! déclara Asmodée. Regardez Janis, elle est assise dans un fauteuil. S‟il était illusion, elle serait tombée par terre. -Ce qui montre à quel point il parait réel. Ce fauteuil n‟existe pas. Pourquoi ne suis-je pas assis à votre avis? Janis s‟écroula alors par terre à travers le fauteuil et se mit à se frotter frénétiquement les fesses. -Mais comment? balbutia Asmodée. Votre illusion est si puissante qu‟elle arrive même à tromper les lois physiques les plus élémentaires ? -Tant qu‟on ne sait pas qu‟il s‟agit d‟une illusion tout se passe bien. Dès que cette jeune-fille l‟a su, elle est passé à travers. Etant donné que je sais pertinemment que c‟est une illusion, je passe forcement à travers. Asmodée allait ajouter quelque chose mais Grégoire, suivi des enfants, prit un escalier qui menait à l‟étage. C‟était en réalité une boutique spéciale pour Enchanteurs. Dans des vitrines était exposé nombre de costumes plus ridicules les uns que les autres, de toutes les formes et de toutes les couleurs. Sur les murs étaient accrochées plusieurs dizaines de bâtons très variés. Certains étaient incrustés de pierres précieuses, d‟autres étaient entièrement sculptés, et d‟autres encore étaient surmontés de cristaux et parfois d‟or. Grégoire pointa son bâton, qui était sculpté de plusieurs symboles magiques et surmonté d‟un globe lumineux, vers la porte et une boule lumineuse en partit répandant une multitude d‟étincelles sur son passage. Un panneau écrit « FERME » apparut. -Encore une illusion ? demanda Nicolas.

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-Non, on peut faire d‟autres choses que des illusions. Bon, avant tout, on va vous trouver un bâton. Vous allez saisir celui que vous préférez et… on verra. Les enfants se mirent alors à chercher dans tous les bâtons ceux qui leur correspondraient le plus. Ils ne mirent pas longtemps à trouver. -Comme je le pensais, les bâtons vous ont eux-mêmes appelé. Maintenant, vérifions que ce sont les bons. Chacun votre tour, vous allez les essayer. Cosme avait choisi un bâton de 1,2 mètre de long et de 4 cm de diamètre en bois de houx. Il n‟était pas sculpté mais il s‟élargissait à son sommet, terminé par un cristal solaire enchâssé dans le bois par des nœuds en spirale. Sa taille était régulière jusque à son extrémité qui était plate. Il le fit tourner entre ses doigts et le cristal se mit à briller. Marine avait porté son choix sur un bâton en ivoire de 1,9 mètre de longueur, de 3 cm de diamètre et qui était fini par un arrondi. Son sommet formait un énorme nœud très complexe finement taillé. Il était décoré par trois anneaux peints en noir représentant des symboles magiques. Elle le tendit devant elle et une multitude de lumières multicolores se mit à graviter autour de ce nœud. Rémi préféra un bâton de métal magique semblable à celui du vaisseau : de couleur indéfinie et dégageant une douce chaleur. Il mesurait 1,20 mètre de long et 3 cm de diamètre. Son extrémité ressemblait à un petit croissant de lune avec une bille lumineuse flottant en son centre. Lors de gestes rapides, la bille mettait toujours un petit temps d‟arrêt et courait se remettre à sa place. Rémi le brandit au dessus de lui. Le métal se mit à changer de couleur et la bille à briller. Nicolas opta pour un bâton en bois sculpté de 1,6 mètre de long et 4cm de diamètre. Il était fini par un disque taillé fin comme de la dentelle. Il le plaça devant son visage et de l‟énergie parcouru le disque. -Voila qui est parfait, chacun de vous à trouver son bâton du premier coup, dit Grégoire apparemment ravi. Maintenant, nous allons les camoufler à travers vos baguettes magiques. Posez baguettes et bâtons côte à côte. Les enfants s‟exécutèrent et Grégoire prit son bâton. Il entama une danse en tournant autour de la table. Le diamant du bâton brillait de plus en plus. Grégoire psalmodia une formule et, vers la fin, il s‟immobilisa son bâton audessus de ceux des enfants. A ce moment-là, les bâtons et les baguettes commencèrent à luire. Puis, ils se rassemblèrent par paire et une grande explosion de lumière força les enfants à fermer les yeux. Quand ils regardèrent de nouveau la table, seules leurs baguettes y étaient. -C‟est réussi, dit Grégoire visiblement fatigué par son enchantement. J‟ai fait fusionner vos baguettes et vos bâtons. Quand vous aurez besoin de votre bâton, appelez-le en pensée et il reprendra forme. Même sous forme de bâtons, vos baguettes peuvent lancer tous les sorts traditionnels. -Et les baguettes peuvent utiliser la magie des bâtons ? demanda Janis. -Non, je suis désolé mais ça ne marche que dans un sens. Par contre, sachez qu‟un enchantement vient du cœur. Si vous vous concentrez sur ce que vous 66


voulez faire et que vous dansez un petit peu en y mettant du votre, cela marchera à chaque fois. -Ok. De toute façon, je suppose qu‟on peut trouver des enchantements dans le Livre de l‟Etoile. -Dans quoi ? demanda Grégoire. -Rien, allez, on s‟en va. -Oui, ça m‟a fait plaisir de vous connaître. -Au revoir Jordan. J‟espère qu‟on pourra se revoir. -Oui bah pas moi. -Asmodée ! -Je serais très heureuse moi aussi, nia, nia, nia. Les enfants sortirent donc du magasin et se retrouvèrent en pleine rue. Par malchance, ils percutèrent trois Atlantes à l‟air farouche. -C‟est moi que tu bouscules ? demanda le plus grand. -Non, je voulais bousculer un fantôme mais je suis passé à travers lui et je t‟ai rentré dedans, s‟expliqua Cosme. -Ah ouais?... et bien tant pis pour toi. -Ouais, tant pis pour toi, renchérit un de ses potes. -Quelle chance on a, dit Cosme, une tribu de Franck version Atlante ! -Ca sera entre toi et moi, déclara celui qu‟avait bousculé Cosme. -Je t‟attends, déclara Cosme en sortant sa baguette magique. -En plus, c‟est un sorcier. Même pas besoin de carte, mon pouvoir suffira amplement. L‟Atlante se recula d‟un pas et tendit la main vers Cosme. Il projeta alors un flux magique violacé qui vint frapper Cosme avant que ce dernier ait le temps de réagir. Le flux magique qui enserré à présent Cosme se solidifia et Cosme fut emprisonné dans une énorme pierre d‟améthyste, privé de tout mouvement. Les enfants regardèrent horrifiés le corps de leur ami emprisonné. -Espèce de… -Arrête Martial, ça servirai à rien ! dit Rémi en retenant Martial qui s‟apprêtait à sauter sur l‟Atlante. -Peut être mais ça me soulagerai ! -Regardez ! Effectivement, tout ne se passait pas comme prévu, du point de vue des Atlantes en tout cas. Cosme, toujours prisonnier, était enveloppé dans un flux magique semblable à celui de l‟Atlante, mais de couleur bleue. Peu à peu, le flux s‟intensifia et l‟améthyste explosa. Cosme se mit à rire. -Je suis pas un Atlante mais un sorcier et, bizarrement, mon pouvoir est le même que le tien… Cosme pointa alors son doigt vers le groupe d‟Atlantes. Il projeta un flux de magie violet et le groupe fut enfermé dans une énorme pierre d‟améthyste. Cependant, l‟Atlante qui avait transmît son pouvoir à Cosme sans le savoir était déjà enveloppée d‟un flux bleu. 67


-Moi qui me demandais pourquoi c‟est toi qui as le plus de pouvoirs, intervint Marine, en fait c‟est juste que tu attires les ennuis. -Allez, le temps qu‟il brise la pierre on sera loin… -Ah, vous voilà ! coupa une voix dans leur dos. Les enfants se retournèrent et virent Gustave qui flottait à quelques centimètres d‟eux. -Ca va faire trois heures que je vous cherche ! M. Benignus vous attend pour aller au Palais du Conservatoire Sorcier (P.C.S) voir les Six. Vous allez être en retard. -Janis ? -Pas de problème ! Janis utilisa son pouvoir elfique et téléporta les enfants jusqu‟au vaisseau dans une intense lumière bleue. -Ils auraient pu m‟attendre ! rugit Gustave qui se transforma en esprit frappeur et se mit à tout dévaster sur son chemin. Les enfants se retrouvèrent dans le bureau de M. Benignus. Il paraissait anxieux. -Comme j‟ai eu peur ! J‟ai cru qu‟il vous était arrivé malheur ! Heureusement, tout va bien, alors on va partir avant que ça change. Il fit disparaître un morceau du mur avec sa baguette magique. Dehors, une énorme bulle d‟eau tenue par un champ de force magique les attendait tranquillement à quelques centimètres du sol. -Vous avez pensé à acheter vos maillots de bain magiques, j‟espère. -On n‟a pas vraiment eu le temps. Par contre, on est devenu des Enchanteurs. -Je suis vraiment enchanté de le savoir. Prenez un maillot sur mon bureau. Ils prendront automatiquement la bonne taille. Les enfants en prirent un chacun, dirent au revoir à Asmodée, Martial et Janis et entrèrent dans la bulle d‟eau. Ils étaient à peine installés avec M. Benignus que la bulle se mit à avancer : direction le Palais du Conservatoire Sorcier.

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VI Les Six Érudits

L

e voyage se passa très bizarrement. Le moyen de transport mettait mal à l‟aise les enfants qui n‟était pas habitués à voyager dans des bulles d‟eau, véhicule purement Atlante. L‟absorption de l‟eau dans les poumons provoquait une désagréable sensation d‟étouffement puis de noyade. Même une fois le moyen de transport assimilé, la vision et la perception des choses environnantes changeaient considérablement, voir radicalement. Un silence assourdissant écrasait les tympans. Seules les voix des personnes dans la bulle étaient perceptibles, mais déformées par l‟eau, comme une mélodie. La vision aussi était totalement bouleversée. Il s‟en dégageait une étrange impression de calme, de liberté et de sérénité. Malheureusement, le voyage fut trop court, le P.C.S. était déjà en vue. C‟était un bâtiment imposant couronné de quatre coupoles. Les formes arrondies et les demi-sphères étaient déclinées dans tout le bâtiment. Les enfants n‟eurent pas le temps d‟admirer d‟avantage cette œuvre architecturale car leur bulle s‟engouffra par la fenêtre d‟un balcon et s‟arrêta devant une table ronde. Six hommes y étaient installés : un noir, une asiatique, trois blancs dont un à la peau mate et un “rouge”. Tous étaient habillés de différentes robes et costumes. Celui qui portait une robe ressemblant à celle de M. Benignus se leva et prit la parole : -On ne vous attendez plus, fit-il remarquer. M. Benignus et les enfants sortirent, totalement secs, de la bulle qui garda toute son eau. -Excusez-nous, mais on obtenait des nouveaux pouvoirs, répliqua Nicolas. -Et puis de toute façon, vous nous avez attendus pendant plus de trois siècles… alors pour quelques heures, ajouta Cosme. M. Benignus leur fit signe de se taire et prit la parole à son tour. Ces gens ont l‟air plus ou moins respectable pour des Erudits, pensa Marine. -Je vous prie de bien vouloir nous excuser, dit-il en faisant une référence plus que ridicule (manifestement, elle lui coutait.) Il resta figé jusqu‟au moment où l‟assistance fit un signe de tête indiquant qu‟elle acceptait les excuses, bien que ses yeux disent le contraire. M. Benignus se redressa. Jamais les enfants n‟avaient vu M. Benignus baisser les yeux devant quelqu‟un. -Dites bonjour aux Erudits qui vous dirigent. Voici Maître Manuel, Erudit Européen et Erudit Principal ; M. Brisosky, Erudit slave ; M. Ouagadi, Erudit

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Africain ; Mmee Xi-Tu-Keo, Erudit D‟Asie ; Mme Taefa‟a, Erudit Océanien ; et Pluie Argentée, Erudit Américain. Vous remarquez que le continent de l‟Atlantide n‟est représenté par aucun érudit. Il est neutre et reçoit ainsi le siège du conseil. -Bonjour…dirent les enfants désinvoltes. -C‟est donc « ça » qui doit sauver le monde ? demanda Mme Taefa‟a en relevant la tête pour se donner un air supérieur. -En temps que psychologue et devin à mi-temps, j‟assimile cette déclaration comme un acte de rabaissement primaire par manque de confiance en soi, déclara Cosme très sérieux. -Vous avez déjà assimilé les pouvoirs des devins à ce que je vois, dit M. Ouagadi. Très impressionnant. -Tout le monde aurait pu le deviner facilement, fit remarquer Mme Xi-Tu-Keo. Mais concrètement, quels sont vos pouvoirs ? Les enfants se réunirent et décidèrent d‟essayer leur nouveau pouvoir d‟Enchanteur. Ils firent un pas en arrière, prirent leurs baguettes magiques et les mirent devant leurs visages. Elles se mirent alors à scintiller et à s‟allonger pour prendre leur forme de bâton d‟Enchanteur. -Impressionnant, avoua M. Brisos. -On vient juste de les avoir, expliqua Rémi. - Oui, on n‟a pas eu le temps de les essayer, dit Marine. -Alors ce sera une grande première. Intéressant. Allez-y. Les enfants s‟écartèrent les uns des autres par prudence, les Erudits et M. Benignus se rassemblèrent sous une cloche de protection magique. *

*

*

-C‟est long ! grogna Asmodée toujours de mauvaise humeur. -Mais ça fait que deux heures qu‟ils sont partis, la raisonna Janis. -Et si on retournait en ville en attendant ? proposa Martial. -Bonne idée ! déclara Janis. -Bon d‟accord, céda Asmodée. Le trio sortit donc du vaisseau avec la vague idée de flâner un peu. La ville était tout à fait surprenante. Des bâtiments aux formes indéfinissables, des avenues qui n‟en finissait pas et des ruelles étroites s‟entrelaçaient en un labyrinthe. Les Atlantes se servaient très souvent de leurs pouvoirs, colorant la ville par des centaines de flux magiques aux couleurs chantantes. Il y régnait le savoir vivre, la simplicité, la bonne entente. Bref, le bonheur. Les enfants ne remarquèrent pas un seul malade. Ce qui était normal, comme leur expliqua Asmodée, car les Atlantes avaient éliminé toutes les maladies du continent, aussi bien organique que génétique, et que de toute façon, les émanations du continent les protégeaient de tout mal. Ils firent une pause sur la terrasse d‟un

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glacier. Dès qu‟ils furent installés, un Atlante arriva et leur créa la glace de leur choix dans un flux de magie orange. -Bonjour les enfants, dit une voix dans leur dos. Les enfants se retournèrent et se trouvèrent face à un elfe. L‟elfe ne devait pas avoir plus de vingt ans, il était d‟une beauté admirable et d‟une musculature si parfaite que même Martial le contempla pendant plusieurs minutes. Il avait les cheveux du même bleu que ceux de Janis et de magnifiques yeux mordorés. Il portait une tunique bleue à la façon des romains. Il irradiait la perfection de corps et d‟âme, et il semblait tellement gentil et prévenant que seul un cœur de marbre ne serait tombé sous son charme. Ce fut Janis qui brisa ce moment de contemplation. -Papa ! s‟écria-t-elle en lui sautant dans les bras. -Ca fait si longtemps Janis. Trop longtemps. Sa voix cristalline semblait être un chant. -Les amis, je vous présente mon père, Berwën‟Al Felgund. Papa, voici Asmodée et Martial. -Bonjour les enfants. -Tu veux dire que tu te nomme Berwën‟Al Janis? demanda Martial amusé, qui eu pour toute réponse un sourire timide de son amie empourprée. -Bonjour monsieur, intervint Asmodée sans y prêter attention. -Oh, appelez-moi Felgund. Je vois que les Elus ne sont pas encore revenus du P.C.S. -Qui ? Quoi ? Comment ? demanda Martial surpris. -Ah, j‟ai compris. Vous êtes de mèche avec l‟oracle et l‟Enchanteur, intervint Asmodée. -Tout à fait. Tu es certes la plus intelligente et la plus rapide de votre petit groupe, admis Berwën‟Al Felgund, impressionné de la vitesse avec laquelle elle avait fait le lien entre les autres et lui. -Alors, c‟est vrai ? demanda Janis, tu vas nous aider ? -Je ne sais pas si je vais vous être utile mais je vais essayer. -Super ! Ca nous fait un elfe dans l‟équipe. -On fait quoi maintenant? demanda Martial. -Je pensais aller vous faire visiter… *

*

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-C‟est très joli, ces petites illusion et ces étincelles mais concrètement, quels sont vos pouvoirs d‟attaque ? -D‟accord, d‟accord, dit Cosme qui venait de renvoyer une boule de lumière que lui avait envoyé Marine en se servant de son bâton comme d‟une batte. -Tout de suite, répondit Nicolas en devenant invisible. -Pas de problème, déclara Marine en s‟envolant pour éviter la boule renvoyée par Cosme. 71


-Impossible, dit Rémi. -Et pourquoi ? demanda M. Brisosky. -Parce que si j‟utilise mon pouvoir de bloquer le temps, vous ne vous rendrez compte de rien. -Vous n‟avez qu‟à bloquer un seul d‟entre nous Rémi. Rémi s‟exécuta et bloqua M. Brisosky devant le regard stupéfait de ses collègues. Ils lui tournèrent autour en agitant vainement la main devant ses yeux. -Pourquoi c‟est lui que tu as bloqué ? demanda la voix de Nicolas à côté de Rémi. -Je déteste qu‟on me vouvoie, répondit-il tout simplement en le débloquant. M. Brisosky se remit à bouger. -Bon alors, vous le bloquez ce cobaye ? demanda-t-il. -Vous vous ne vous souvenez de rien? Vous venez d‟être bloqué pendant plusieurs secondes. -Qui, moi ? Ridicule. Après une discussion animée entre érudits, ils conclurent : -nous allons vous laissez repartir. Mais dès que vous aurez acquis de nouveaux pouvoirs, revenez nous voir. -Je sais enfermer les gens dans de l‟améthyste. J‟ai piqué ce pouvoir à un Atlante. Vous voulez voir ? -Non, non. Ca va allez, nous ne voudrions pas vous retenir. -Allez les enfants, notre carrosse est avancé. Les enfants dirent au revoir aux érudits et se dirigèrent dans la bulle d‟eau. -Bon, avant de parler de ce que nous venons de voir, je pense qu‟il faut en finir avec le cas Nicolas Hulot… Cosme fit volte face en entendant cela : -Vous avez dit « Nicolas Hulot » ? demanda Cosme amusé. -Oui, vous n‟avez pas idée de la foule d‟embêtements que cet individu nous apporte, soupira Mac Mocombo. A chacune de ses émissions, il croit débarquer à un endroit pour la première fois. Il n‟a aucune idée du travail que cela nécessite en amont pour qu‟il ait cette impression. -Vous vous souvenez de cette fois où l‟on a du camoufler toute une ville subaquatique et faire évacuer les sirènes et le peuple qui y vivait ? -Ne m‟en parle pas ! C‟est comme cette fois où on a du déloger tout un groupe de sylvestres et de petit peuple local qui vivait au fin fond de je ne sais plus quelle forêt équatoriale. Le calvaire ! Les forces spéciales de dissimulation n‟arrêtent pas un instant avec lui. Il a le don pour aller dans des eaux, des forêts ou des grottes où tout une faune et une flore magique prospèrent plus ou moins… -Les enfants, laissez les travailler, qui que soit ce M. Hulot il semble poser de véritables problèmes, alors on y va, intervint M. Benignus.

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Les enfants entrèrent enfin dans la bulle d‟eau. Cette dernière fila tout droit au vaisseau où un banquet les attendait. Le repas se passa sans le moindre problème et les enfants se racontèrent mutuellement leur fin d‟après-midi. Les Elus enviaient leurs amis qui semblaient avoir passé de meilleurs moments avec Berwën‟Al Felgund que eux même chez les Six. Seule Asmodée semblait passionnée par tout ce qui avait rapport avec les Erudits. Ils se dirent au revoir et se quittèrent pour retrouver leur Gallice respective. -Regardez, dit Rémi qui lisait le Livre de l‟Etoile depuis près d‟une heure. Il existe des nouvelles formules pour des Enchanteurs. Cosme était le seul présent car Marine venait de sortir et Nicolas dormait. Il s‟approcha tout doucement, se pencha sur l‟épaule de Rémi, lu quelques lignes et fit un pas en arrière. Il pointa sa baguette sur Rémi et… -Morphrupes ! Le fil d‟or du sortilège frappa Rémi qui se pétrifia sur place, toujours en train de lire de ses yeux de pierre. Cosme prit le livre et le relut. -Très intéressant… Il va falloir vérifier que ces enchantements fonctionnent. Rémi ne m‟en voudra pas d‟en essayer sur lui. Après tout, c‟est pour le bien de nous tous. Tu es d‟accord ?... Qui ne dit mot consent. Allez, j‟essaye ! Cosme tira la chaise avec Rémi dessus et il se mit à sautiller autour en psalmodiant une formule apprise dans le livre. Après quelques secondes, Rémi se mit à briller et il reprit son apparence normale. -Qu‟est-ce que tu as fait ?! s‟écria-t-il. -Rémi, Rémi, Rémi ! cria Cosme. Tout de suite, Rémi disparut dans un nuage de fumée, laissant apparaitre une toute petite créature. Elle avait la peau bleutée, une sorte de bonnet péruvien assez haut à deux bouts de couleur verdâtre plantée sur la tête. On aurait dit deux chapeaux pointus de sorcier cousus ensemble et trop grands pour une petite tête. La créature était habillée de vêtements très soignés, eux aussi verdâtres. Elle ne mesurait (sans compter le bonnet) pas plus d‟une vingtaine de centimètres : Rémi était devenu un lutin. Le lutin lança des regards à la fois hagards, effarés et apeurés devant les dimensions gigantesques que prenaient maintenant la pièce. Puis il lança un regard assassin à Cosme qui était mort de rire devant le spectacle qu‟offrait le lutin. Le lutin sauta de la chaise et se retrouva sur la table en un bond impressionnant. Il se mit à tourner frénétiquement les pages du Livre de l‟Etoile. Soudain il s‟arrêta, apparemment content de lui. Il lut quelques lignes et se tourna vers Cosme. Il ferma le poing à l‟exception de l‟index et du pouce (il n‟avait que quatre doigts à chaque main), il pointa l‟index vers Cosme et… Un fantastique éclaire vert jaillit de l‟index du lutin et frappa Cosme qui cessa tout mouvement. Seuls ses yeux ne semblaient pas tétanisés comme le 73


reste de son corps. Il lançait des regards affolé au lutin qui c‟était mis à faire des petits bonds autour de lui en psalmodiant quelque chose dans la langue des lutins. Au bout d‟un certain temps, Cosme se mit briller et il se remit à bouger. -Ne me dis pas que…commença-t-il. , , ! Cosme disparut instantanément dans un nuage de fumée laissant place à une étrange créature d‟une quarantaine de centimètre. Elle avait la peau violette, un bonnet en laine marron enfoncé sur la tête jusque milieu du visage dépourvu de nez, des vêtements marrons trop larges, et de magnifiques babouches vert foncé aux pieds. Cosme était devenu un gnome ! Le gnome regarda (du moins en donnait l‟air, étant donné que ses yeux étaient cachés par le bonnet) sa nouvelle tenue et sembla ravi. En particulier de sa peau violette et de ses trois doigts à chaque main. -

! s‟écria le gnome.

!répondit le lutin. -Tu as fait comme moi ? demanda le gnome (à partir d‟ici on vous traduira leur langage car je crois que ceux qui parlent couramment gnome ou lutin sont rares parmi vous). -Oui, j‟ai utilisé l‟enchantement des trois noms. Dès que quelqu‟un dira trois fois nos noms d‟affilée, on se transformera en ces créatures. -Il y a une chose qui me chiffonne… Comment as-tu pu lancer un sortilège des lutins ? Je sais que tu en es un maintenant, mais quand même. -Figure-toi qu‟au moment où tu m‟as transformé, je venais de faire une découverte : le Livre de l‟Etoile évolue comme nous. Dès que l‟on est arrivé sur l‟Atlantide, de nouveaux sorts sont apparus ainsi que de nouvelles pages consacrées aux pouvoirs atlantes. Puis, quand on est devenu Enchanteurs, des enchantements sont apparus. Et donc, quand je me suis transformé un lutin, des sortilèges lutins sont devenus visibles. Je les ai cherchés et je les ai trouvés. -Alors maintenant il doit y avoir des sortilèges gnomes dedans ?! demanda Cosme. Leur discussion fut coupée court par le cri que poussa Marine en entrant dans la pièce. Elle regarda les deux créatures puis le bâton d‟enchanteur de Cosme par terre. -Qu‟est ce que vous avez fait de mes amis ! rugit-elle en dégainant sa baguette de sorcière. Le gnome et le lutin essayèrent bien de s‟expliquer mais Marine n‟étendait un rien au langage gnome et encore moins à celui des lutins. Découragées, les créatures se dirent quelque chose dans leur langage et le gnome sauta sur la table. Il chercha dans le Livre de l‟Etoile et trouva. Il ferma le poing et le rouvrit en direction de Marine. -

! s‟écria-t-il en ouvrant le poing vers Marine. 74


De sa main, une sorte de voile bleuté, comme un bout de tissu très léger, apparut et fila droit vers Marine qui essaya en vain de lui échapper. Elle se changea en pierre dans la position de course à pied, stoppée en plein élan. Les deux créatures se firent un signe de la tête et se mirent à sauter en sens contraire l‟un de l‟autre autour de Marine en psalmodiant la formule, chacun dans sa langue. Au bout de quelques instants, Marine se mit à briller et elle trébucha sur le gnome en reprenant sa course où elle l‟avait arrêté. ! ! ! cria le gnome (Marine, Marine, Marine). Aussitôt, Marine disparut dans un panache de fumée, laissant la place à une petite bonne femme avec d‟immenses ailes de papillon. Elle avait les cheveux très longs et une robe qui descendait bien au-dessous des pieds. Contrairement au garçon, elle avait gardé son apparence humaine. -Mais, mais… dit elle. Elle leva la tête vers les garçons et d‟un coup d‟aile, se retrouva devant eux. Elle leur mit une claque magistrale en criant : -Vous êtes qui pour m‟avoir fait ca ? -Mais c‟est évident non ? -Rémi ? Cosme ? demanda-t-elle. -C‟est ça, dit le lutin. Et tout ça grâce au gnome. -Moi ça me plait bien d‟être un gnome. Je suis le plus grand ! -Qu‟est ce que vous avez fait de moi ? Un, un, un… -Une fée, finie le lutin. -Une fée ? Ouf, j‟ai eu peur d‟être devenue aussi ridicule que vous ! -Merci ça fait… -C‟est quoi ce bazar ! rugit Nicolas qui venait de se lever. Les créatures tournèrent la tête et virent Nicolas très fâché et mal réveillé. La seule chose qui semblait le gêner était le bruit, et pas du tout le fait que trois créatures magiques se promènent dans la communauté. Marine s‟envola jusqu'à lui. -Aide nous Nico ! Tu dois dire trois fois nos noms pour que nous redevenions normaux ! -Ca sert à rien, les humain ne nous comprennent pas, soupira le gnome. -Les trois de qui à la fin ? demanda Nicolas à la fée. -Tu me comprends ? -Bien sur. Mais pas eux. -Alors dit trois fois Marine, Cosme et Rémi. -Marine, Cosme et Rémi, Marine, Cosme et Rémi, Marine, Cosme et Rémi, récita Nicolas. -Non, l‟un à près l‟autre. -Marine, Marine, Marine… Marine reprit sa forme initiale. -Cosme, Cosme, Cosme… Cosme redevint le plus petit. 75


-Rémi, Rémi, Rémi. Rémi retrouva son aspect normal. Après des explications à Nicolas, ce dernier se moqua tellement d‟eux qu‟il passa toute la nuit sous la forme d‟un farfadet avant que quelqu‟un se décide à dire trois fois son nom. -C‟est bon, j‟avoue que c‟est pas drôle. J‟ai failli me perdre dans ma chambre tellement elle était grande. -De quoi vous parlez ? demanda Martial qui venait d‟entrer avec Asmodée. -De ce qui c‟est passé hier soir… -Et il s‟est passé quoi hier soir ? demanda Martial intéressé. -Il s‟est passé qu‟on est tous enchantés maintenant, et dès que quelqu‟un dira trois fois l‟un de nos noms d‟affilée, on se transformera. -C‟est vrai ? demanda Asmodée. -Il n‟y a qu‟une façon de vérifier ! -NON MARTIAL, NON !!!!!crièrent les enfants. -Marine, Marine, Marine. Cosme, Cosme, Cosme. Rémi, Rémi, Rémi. Nicolas, Nicolas, Nicolas ! récita Martial. Un nuage de fumée emplit alors la pièce et le gnome, le lutin, la fée et le farfadet apparurent. -C‟est pas vrai ! cria Asmodée avec un grand sourire. -Tu m‟étonnes, c‟est trop fort. -Mais c‟est génial ! Pensez un peut à la rédaction de six pages sur les créatures magiques à faire pour lundi ! dit Asmodée folle de joie. Et c‟est ainsi qu‟une semaine plus tard, les enfants reçurent la meilleure note de toute l‟histoire d‟Ultimécia en matière de créatures magies. M. Benignus, intrigué de cette soudaine prouesse se douta de quelque chose et les convoqua. Le jour du départ avait été avancé et les enfants voulaient profiter de cette dernière journée de temps libre pour saluer Jordan, mais c‟est précisément le moment que choisi M. Benignus pour les appeler. Ils se rendirent donc au bureau du directeur d‟un pas désinvolte. Arrivés devant la porte de son bureau, ils hésitèrent à faire demi-tours mais la voix de M. Benignus ne leur en laissa pas le temps. -Entrez, je vous attendais, dit-il. Les enfants firent donc un pas en avant et entrèrent dans le cabinet de leur directeur. La pièce était ronde et trois marches dessinaient un arc de cercle au milieu de la pièce, faisant ainsi une estrade où il avait mis son bureau. De grands portraits d‟anciens directeurs et de personnes célèbres étaient affichés un peu partout. Un grand miroir en guise de plafond et un immense mur bibliothèque conférait à l‟ensemble une impression de grandeur incroyable. Une multitude d‟objets de toutes formes et de toutes tailles emplissait ses armoires et ses étagères. M. Benignus était assis derrière son bureau, ses lunettes sur le bout du nez. Il s‟adressa aux enfants :

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-Je me doute de quelque chose. Comment avez-vous pu savoir de quelle façon se manifeste la magie des lutins, des gnomes, des fées et des farfadets ? -On peut tout vous dire ? se risqua Cosme. -Bien sûr, répondit M. Benignus apparemment curieux. -Ben voila, on a voulu tester nos nouveaux pouvoirs et, comment dire… -On s‟est enchanté mutuellement, finit Rémi. -Comment ça ? -Cosme, Cosme, Cosme. -Marine, Marine, Marine. -Nicolas, Nicolas, Nicolas. -Rémi, Rémi, Rémi. Un panache de fumé s‟éleva et les créatures magiques apparurent. M. Benignus regarda stupéfait du résultat. -Spectaculaire, avoua-t-il. Et vous gardez vos pouvoirs quand vous redevenez humains ? Les créatures firent oui de tête, puis la fée demanda à M. Benignus de leur rendre leur apparence normale. Il accepta et leur donna leur après-midi. -Ca a été moins long que je ne le redoutais, dit Nicolas une fois dehors. -C‟est vrai, en tout cas il ne nous a pas trop posé de questions. -Allez, on va dire au revoir à Jordan. Les enfants rejoignirent Asmodée et Martial qui les attendaient et partir en ville. Ils traversèrent la traversèrent au pas de course et arrivèrent au palais annexe. Ils se présentèrent et entrèrent sans aucun problème, comme s‟ils étaient attendus. Ils allèrent jusqu‟à la chambre du prince et furent stoppés par un groupe de quatre personnes. Il y avait l‟oracle, Berwën‟Al Felgund, Grégoire et ils reconnurent l‟étrange homme de la ruelle : Ludovic. -Qu‟est ce que vous faites tous là ? demanda Martial. -On est venu vous chercher, dit Ludovic. Onoximoustros a invoqué un démon et il nous faut votre pouvoir pour le détruire. -Quoi ? Mais nous ne pouvons rien faire sans notre grimoire, dit Rémi. -Oui et le temps qu‟on aille le chercher il se peut que le démon se déplace et qu‟on le perde. -Vous n‟avez pas remarqué que Janis n‟était pas avec vous ? demanda Berwën‟Al Felgund. -Si, mais je ne vois pas le rapport. -Je lui ai demandé de nous apporter le livre. Elle a beau être à moitié humaine, elle est quand même connectée aux elfes du continent par la pensée. -Mais, Jordan ? demanda Marine. -On n‟a pas le temps, intervint Grégoire. Il brandit son bâton, le fit tourner entre ses doigts. Ils se dispersèrent tous autant qu‟ils étaient en petite lumière et se reconstituèrent dans le champ d‟un petit village. Le village était ravagé comme après une tempête et des centaines de corps éventrés et à moitié dévorés gisaient un peu partout. Le sang éparpillé 77


et séché prouvait que la lutte avait fait rage et que les pouvoirs des habitants du village n‟avaient malheureusement pas suffit. Des enfants dans les bras de leur défunte mère donnaient à cette ambiance macabre une impression d‟horreur et de désolation, tel que Nicolas et Cosme ne purent retenir une larme. Une immonde odeur de chair en décomposition emplissait l‟air. Marine vomit, ce qui n‟arrangea en rien le moral des Elus. -Il va me le payer, déclara Cosme à voix basse. Tu m‟entends ? Je te jure que tu va regretter ce que tu à fait ! hurla-t-il. A ce moment, la lumière bleue caractéristique de la téléportation de Janis scintilla. Elle semblait déplacée au milieu de ce carnage et du ciel gris. Janis apparut et vomit presque aussitôt, étouffée par les vapeurs se dégageant des corps. Elle tendit d‟une main fébrile le livre à Rémi et se pelotonna dans les épaules de son père. Elle était devenue si pâle que le bleu pastel de ses cheveux faisait des zébrures fluo sur ses joues. Les enfants conçurent un plan : trois d‟entre eux détourneraient l‟attention du démon le temps que le quatrième cherche la formule adéquate dans le Livre de l‟Etoile. Les enfants se mirent à courir au milieu des cadavres pour retrouver au plus vite le monstre qu‟ils recherchaient. Soudain, au détour d‟une rue, ils se retrouvèrent nez à nez avec un répugnant démon. On aurait dit qu‟il était en pleine décomposition et qu‟il était dévoré de l‟intérieur par des monstres. Le sombre corps, recouvert d‟un manteau en lambeau, était animé de pulsations : d‟énormes créatures reptiliennes dotées d‟ailes et dépourvues de visages s‟accrochaient à une multitude de seins noirâtres et pendants. Un liquide visqueux de putréfaction dégoulinait. Ses yeux bougeaient rapidement, de manière complètement indépendante, et glissaient, allant jusqu‟à tomber sur l‟immonde viscosité pourrie qui constituait la surface de la tête bouffie et luisante du démon. Marine et Nicolas eurent un haut le cœur, mais sortirent courageusement leurs baguettes, les changeant instantanément en bâton. Cosme fit de même tandis que Rémi cherchait dans le livre de quelle sorte de démon il s‟agissait. -Assaut !!!!!!!!!!! hurla Nicolas en se jetant en avant. -Sus à l‟ennemi !!!!!!!!!!!!!! cria Marine. -Vengeance !!!!!!!!!!! hurla Cosme. Les enfants se jetèrent sur le démon qui fit sortir de son corps des dizaines de ses créatures reptiliennes. Elles fondirent sur les enfants à une vitesse folle. D‟un geste instinctif, ils croisèrent leurs bâtons de telle sorte qu‟un puissant champ de force désintégra toutes les créatures à son contact. Le démon lâcha alors une seconde vague de monstres. Cette fois, les enfants la jouèrent solo. Cosme plongea sur le côté et en électrocuta douze dans une puissante décharge qui surprit tout le monde : la colère semblait être à la base de son pouvoir. Marine abaissa violemment son bâton vers une bande de reptiles qui fut atteint de plein fouet par son sort : ils finirent sous forme de poussière. Nicolas, en un éclair vert, en tétanisa un grand nombre qui tombèrent lourdement sur le sol. 78


-Ca suffit maintenant ! cria Cosme pour se donner de la contenance. Il se concentra et un fantastique flux de magie violette enveloppa les monstres qui demeurèrent prisonniers d‟un cercueil d‟améthyste. Le démon, voyant que ses créatures ne viendraient pas à bout de ses trois-là, décida d‟intervenir personnellement. Il leva les bras au ciel, ce qui dévoila un peu plus son anatomie répugnante, et se mit à psalmodier d‟une voix d‟outre-tombe une incantation aux intonations lugubres. -J‟ai trouvé ! hurla alors Rémi. C‟est Yh-Cktul-Okfa ! -C‟est pas trop tôt. C‟est quoi la formule pour le détruire ? -Voilà, c‟est là. A trois : trois ! Que par les grandes poésies de l’ancien temps Le poète que la raison abandonna, A la cause de Yh-Cktul-Okfa, Surgisse en ce lieu et maintenant, Car tel est son châtiment, Pour que s’accomplisse sa vengeance, Sur celui qui le trompa sans créance ! Soudain, le démon tomba à terre, secoué de spasmes douloureux qui lui arrachèrent un cri effroyable. Il prit alors feu et, dans un grondement sourd, le sol s‟ouvrit sous le démon qui tomba directement dans les feux incessants de l‟enfer. Le cri persista longtemps, comme imprimé dans les tympans et dans les cœurs. Le ciel se découvrit et un magnifique ciel bleu réapparut. Les villageois étaient vengés. -Impressionnant, admit Berwën‟Al Felgund. -Fantastique, dit Grégoire. Si ça continue, ce sont eux qui vont devenir mes maîtres. -Je fatigue, dit l‟oracle. Rentrer il vaut mieux, avant que policiers n‟arrivent. -Elle a raison. *

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De retour à Dirulas, les enfants eurent à peine le temps de dire au revoir à Jordan avant de partir. Ils retrouvèrent tous les élèves dans la Grande Salle du vaisseau pour le départ. Ils dénichèrent une place et s‟installèrent. Le vaisseau se mit en mouvement et Dirulas commença à défiler sous lui. M. Benignus se leva et déclara : -Notre prochaine destination sera la citée de Polazac, près de la forêt aux fées. Nous y ferons une halte et nous visiterons cette forêt. Nous y serons dans une semaine. Mais en attendant, bon appétit ! *

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Trois jours plus tard, les enfants écoutaient leur professeur en cours de Magies Anciennes parler des autres dimensions. -Sachez qu‟il existe trois dimensions principales : le notre, Faërie et le monde Astrale. Le monde Astrale est très complexe, nous n‟en étudierons donc pour l‟instant qu‟une partie. La dimension la plus connue de l‟Astrale est évidemment le monde onirique -autrement dit, du rêve. Rares sont ceux, humains, à être allés un jour en Faërie. Comme son nom l‟indique, ce monde est un monde enchanté où vivent principalement les fées et les créatures magique comme les gnomes, les lutins ou les farfadets. Il parait qu‟il est très beau et qu‟une totale félicité pénètre ceux qui y entre. En revanche, tout le monde ici présent c‟est déjà rendu dans les Contrées du Rêve. Il est entièrement modulable, soit par le rêveur luimême, soit par ceux qui l‟entourent. La logique et les lois qui régissent ce monde sont totalement différentes. Un mendiant dans notre monde peut être un souverain dans les Contrées du Rêve et un président peut très bien être un cireur de botte. Ce monde possède des habitants continuels, comme les paresseux Zuopds ou les dangereux Wareos. Il y existe de nombreuse ville et les pouvoirs magiques que nous possédons sont inexistants. En général, on se souvient très rarement de nos rêves… -Mais madame, comment savez-vous tout ça sur les Contrées du Rêve et si peu sur la Faërie ? demanda Manuel. -Cependant, reprit Mme Frimenta, il est possible de faire des rêves que l‟on nomme éveillé. Ces songes sont souvent pratiqués par des rêveurs professionnels qui dorment d‟un songe quasi-artificiel. Mais ces rêves éveillés sont très dangereux. De plus, les Contrées du Rêve possèdent aussi le pays Cauchemardesque. Ce pays est habité par de nombreux et redoutables monstres : ceux de vos pires cauchemars sont originaires de là-bas. C‟est grâce à ces rêveurs que l‟on connaît tant de chose sur les Contrées du Rêve. Par contre, les créatures magiques sont tenues au silence professionnel en ce qui concerne Faërie. C‟est pour ça que l‟on connaît beaucoup de chose sur les Contrées du Rêve et si peu sur Faërie. Vous avez compris, Manuel ? Tou, tou, tou! Trille! « Bonjour, bonjour. Désolé de vous interrompre mais j‟aurais besoin de quatre de vos élèves : Marine, Nicolas, Cosme et Rémi. Merci de me les envoyer. » Tou, tou, tou! Trille! -Pas moyen de paraître normal, railla Nicolas sur le chemin du bureau, on peut même pas passer une semaine sans se faire convoquer ! -Surtout s‟il veut nous parler du carnage dans ce village... Cependant, les enfants allèrent droit à son bureau. Ils marchaient machinalement jusqu‟au moment où : -Qui va là ? hurla Cosme en se retournant et en sortant sa baguette de sa poche. Pour seule réponse, Cosme aperçu le rouge d‟une étoffe qui tournait dans une allée pas loin d‟eux. Cosme courut à la poursuite de l‟individu. Arrivé au bout du couloir, seul le bruissement de l‟étoffe signalait que l‟homme n‟était pas loin et qu‟il courait. Les enfants rejoignirent Cosme. 80


-C‟était qui ? demandèrent-ils inquiet. -Un espion peut être. En tout cas, s‟il avait été honnête il ne se serait pas enfuis. -De toute façon il est parti. M. Benignus nous attend. Allons-y, dit Rémi. Les enfants continuèrent donc leur route vers le bureau de M. Benignus. La porte s‟ouvrit toute grande devant eux et M. Benignus, baguette à la main, sortit sur le pas. -Mais il vous faut combien de temps pour venir jusque à mon bureau ! hurla-t-il. -Mais… balbutia Marine. -Je me faisais un sang d‟encre ! Savez-vous que je viens de découvrir qu‟il y avait un espion à bord ! Ne traînez plus dans les couloirs et ne vous déplacez jamais sans baguette. Allez entrez, il y a des choses plus graves dont je dois vous parler. Les enfants entrèrent dans le bureau devant M. Benignus. -Vous savez, se risqua Nicolas, on l‟a vu l‟espion tout à l‟heure… -Comment ? dit M. Benignus en fermant la porte. -Mais ne vous inquiétez pas, s‟il avait voulu nous tuer, il l‟aurait fait depuis longtemps déjà. -Oui et bien même, il suffit qu‟on change ses ordres „en tuez les tous !‟ et s‟en est fini de vous. M. Benignus se calma et alla s‟asseoir à son bureau. Il prit son air solennel et déclara à mis voix, comme s‟il avait peur d‟être épié : -Je suis très fier de ce que vous avez fait dans ce petit village. J‟ai vu des images du carnage à la télévision, sur canal Atlante… -Vous regardez la télé ? demanda Nicolas, admiratif devant le courage dont faisait preuve M. Benignus face à la technologie. -Je te demande de ne plus m‟interrompre, dit il sèchement. Je continue : voir tout ce carnage à vos âge a du être un terrible choc. Le démon, car je suppose qu‟il y en avait un, devait être votre principal souci et par votre intervention vous avez sauvé plusieurs bébés et villageois qui s‟étaient réfugiés dans des tunnels. Il faut que vous compreniez que les Atlantes ne sont pas habitués à un tel acte de barbarie. La criminalité est inexistante ici. Le seul avantage que l‟on tire de ce tragique événement, c‟est que nombre de gens se mettent à me croire à propos de la libération de Onoximustros et de votre existence. Des villageois ont témoigné d‟un violent combat entre le démon et quatre personnes. Ils n‟en savent cependant pas plus. Mais j‟ai une bien triste nouvelle : cette attaque n‟était qu‟une diversion. -Une diversion ? Une telle invocation de démon si puissant pour une simple diversion ! dit Cosme incrédule. -J‟en est bien peur hélas, soupira M. Benignus qui semblait bien las. Un des cristaux qui protègent le continent des intrus, des saléttites… -Satellites, corrigea Marine. -Euh oui, des satellites et qui la rendent invisible a été détruit pendant votre combat. Il en existe dix, si cinq d‟entre eux sont détruits, alors l‟Atlantide 81


redeviendra visible et se serait la fin du secret de la magie. On serait étudié comme des bêtes par la technologie, les Atlantes et toutes les créatures magiques seraient disséqués. Vous devez impérativement empêcher ça. -Mais s‟il envoie d‟autres démons pendant ce temps là ? -Vous vous séparerez. Le ton de M. Benignus était résolu et sans appel. Pas la peine de discuter. De toute façon, ils seraient bientôt à Polazac.

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VII La forêt aux fées

L

a fin du voyage se passa sans encombres. Tout le monde parlait à présent des Elus et de la destruction du cristal : il faudrait près de trois siècles pour le refaire. Le vaisseau était en pleine effervescence quand M. Benignus annonça dans les haut-parleurs que Polazac était en vue. Les élèves sortirent en criant des classes et se jetèrent sur les murs invisibles du vaisseau. Ceux qui se trouvaient dans le centre mirent plus longtemps que les autres avant de voir cette ville historique. En environ une demi heure, tout le monde était réuni du même côté du vaisseau, ce qui était un record. La magnifique ville historique de Polazac était construite autour d‟un orgueilleux temple qui étincelait d‟or, de marbre et de fragnote sous un soleil de plomb. Il était de type gréco-romain avec des colonnes et un fronton. Les quatre colonnes principales représentaient les quatre dieux majeurs. La ville s‟étendait tout autour en ruelles étroites et sinueuses, si caractéristiques des vieilles villes des pays chauds. La cité présentait deux visages distincts : le vieux Polazac et le nouveau Polazac. Le vieux Polazac semblait assoupi tandis que le nouveau grouillait de vie. Le vieux était basé sur la magie alors que le nouveau était complètement tourné vers la technologie. La ville était cependant beaucoup moins grande que Dirulas : elle ne dépassait pas les quatre cent mille habitants. Le vaisseau stoppa à l‟extérieur de la ville, au dessus d‟un grand pré longé par une route. Les enfants ne purent s‟empêcher de remarquer la forêt qui se trouvait non loin de là. Une grande forêt très dense, par moment agitée de spasmes, abritait une pluie intérieure d‟étincelles. Les élèves, dès l‟immobilisation du vaisseau, remarquèrent les petites lumières de la forêt se dirigeant vers eux en volant. Elles tournaient autour du vaisseau comme intriguées d‟une telle apparition. -Les enfants, retournez en classe ! Nous sortirons en ville cet après-midi et nous irons voir les fées demain lors d‟une sortie organisée. -Ces lumières, ce sont des fées ? demanda Marine qui ne se transformait jamais en lumière quand elle-même était une fée et qu‟elle volait. -Oui Marine, ce sont des fées. Si vous voulez bien tous retourner en classe, je pourrais vous expliquer toutes les différences entres les nombreuses fées de ce monde. Et si vous ne le faites pas je vous colle pendant trois mois ! Devant ce dernier argument, tous les élèves de la classe de Mme Maurisse retournèrent en classe. Marine se déplaça au premier rang, sortit de quoi prendre des notes et écouta Mme Maurisse qui commença son cour sur les fées :

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-Il existe trois grandes familles de fées dans se monde : les fées qui sont de taille humaine et qui se servent de baguettes magiques particulières. Elles sont souvent très élégantes et portent de très hauts chapeaux pointus surmontés de voiles légers. Il y a aussi les fées beaucoup plus petites avec de longues robes, les cheveux longs et des magnifiques ailes de papillons. Elles, elles se servent de poudres qu‟elles créent pour faire de la magie. La dernière des grandes familles est celle qui vit ici, dans la « Forêt aux 10 000 fées » comme l‟appelle les gens de la région (bien qu‟il y en est minimum le triple dans la forêt). Elles sont encore plus petites et elles n‟ont pas de vêtements. Elles tirent leur magie de la lumière : c‟est donc par de la lumière que se caractérisent leurs sorts. Elles possèdent aussi la particularité de se changer en lumière lorsqu‟elles volent... La fin de la matinée se passa calmement et sans encombre. Seuls quelques imbéciles trouvaient des réflexions à faire sur le déroulement de leur visite dans la forêt et sur la nudité des fées. L‟après-midi arriva rapidement et la Grande Porte s‟ouvrit enfin sur la ville. Les enfants dévalèrent le pont magique et coururent vers la vieille ville. Les ruelles étaient toutes pavées et il y avait de nombreux bars. Les enfants se dirigèrent vers le temple des Quatre où ils retrouvèrent beaucoup de leurs copains d‟Ultimécia. Le bâtiment était imposant et d‟une majesté sans égale. Il en émanait une impression d‟immortalité. Ce qui, rappela Asmodée, n‟était pas tout à fait faux car il était le plus ancien des temples dédiés aux Quatre. « Puisqu‟il faut savoir, rajouta-t-elle, que le culte des Quatre n‟est pas un culte très vieux. Il date à peine de deux mille ans. Avant, les Atlantes n‟avaient pas de dieux bien particuliers. Il y avait de tout, mais uniquement des religions déjà existantes dans le reste du monde. Puis, le culte des Quatre s‟est développé et les saisons sont devenues quasi perpétuelles. -Merci pour ce petit cours d‟histoire, dit Martial. Et si on entrait maintenant ? -Bonne idée, avoua Cosme qui commençait à s‟endormir. Les enfants montèrent les marches de l‟édifice et se retrouvèrent face à une queue d‟attente phénoménale. -Il faut payer pour entrer ? demanda Marine. -Non, expliqua une vielle Atlante, ils font la queue pour voir les Empreintes. -Quelles sont ces empreintes? demanda Rémi. -On raconte que celui, ou celle, dont l‟empreinte de main correspond à l‟une des quatre gravées dans la roche rencontrerait les Quatre en personne. Alors forcement, tout le monde essaye. -Ouais ba je sais pas vous, mais je vais voir à l‟intérieur. Ce n‟est pas que je ne crois pas à l‟existence des Quatre mais presque… -Je suis d‟accord, je vais pas aller faire la queue pendant trois heures pour rien alors qu‟on a toute la ville à visiter. Et c‟est ainsi que les enfants pénétrèrent au centre du temple. Il était fait de marbre blanc, richement décoré de nombreuses dorures. Les quatre grandes statues représentant les Quatre Dieux était réalisées en fragnote, peintes par endroit avec de l‟or, et recouvert d‟une multitude de pierres précieuses. 84


-Ca doit coûter cher tous ces bijoux. -Pas tant que ça en fait. Surtout depuis que l‟on sait créer des atomes… -Créer des atomes ? demanda Nicolas incrédule. Je suis pas très doué pour ce genre de chose mais je croyais que personne n‟avait réussi à créer des atomes. -Oui, dans le reste du monde. C‟est en neuf mille trois cent quatre qu‟Anatole Théodore créa pour la première fois un atome d‟hydrogène. Depuis, on sait créer n‟importe lequel atome pour recréer n‟importe quelle matière. Avant, seuls des pouvoirs spécifiques le pouvaient mais plus maintenant. -Cool. C‟est quoi ça ? La journée se poursuivit sans complications et les enfants s‟endormirent vers trois heures, la tête pleine de souvenir. Le lendemain, les professeurs, pour leur première sortie organisée avec les élèves, les réunirent tous dans la Grande Salle. -Pour simplifier les choses, on se rendra à la forêt aux fées par niveau. Les premiers à y aller seront les élèves de troisième année… Des cris de joie explosèrent dans les rangs de Cosme et de ses amis. Ils allaient être les premiers à voir et à visiter la mystérieuse forêt aux fées ! -Nous partirons dans dix minutes alors les élèves concernés, allez vous préparer pendant que je finir de donner les ordres de passage. Les enfants se levèrent et se précipitèrent dans leur Gallice pour se changer. Ils réapparurent cinq minutes plus tard, tous beaux de la tête aux pieds, un sac à dos contenant un T-shirt de rechange par personne, leurs baguettes magiques, de l‟eau et un pique-nique. Ils se dirigèrent vers la porte de sortie où ils retrouvèrent dans la foule d‟élèves Asmodée, Martial et Janis. Asmodée, sa robe à corset ressortie pour l‟occasion, un livre sur les fées à la main, se tourna vers Marine : -Tu sais, j‟avais raison, tu as des pouvoirs féeriques toi aussi. Tu dois pouvoir créer de la Poudre de Fée, toi aussi. -Je sais mais je n‟ai pas eu le temps d‟essayer, murmura Marine. -Les enfants ! En route ! cria Mme Contortine pour se faire entendre. La lourde porte se rouvrit et les enfants descendirent en rang du vaisseau. Après une marche dans la ville où, la honte de l‟école, Cyril fit un rot magistral tellement amplifié grâce à la magie qu‟il brisa une vitre, les élèves arrivèrent dans la campagne et se dirigèrent vers la forêt aux fées par un large chemin de terre battue. Au début de la rangée, Mme Contortine récitait des cours sur les fées, radotait les manières à adopter avec eux et se consternait de la bêtise phénoménale de Cyril et Franck. Asmodée, elle, ne quittait pas son livre des yeux et ne cessait de répéter à qui voulait l‟entendre des trucs inutiles sur les fées comme leur système de digestion. Marine et Janis discutaient un peu à l‟écart du groupe de choses et d‟autres tandis qui les garçons parlaient stratégie pour le Lotus. -Nous voilà arrivés, déclara Mme Contortine à quelques mètres de la forêt.

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La forêt était très touffue, ce qui empêchait d‟en voir l‟intérieur. Une chose cependant assez bizarre attirait l‟œil : des centaines de lumières de toutes les couleurs jaillissaient de part et d‟autre de la forêt et y replongeaient avant de réapparaitre. La forêt semblait en fête et pleine de vie. Les enfants émerveillés regardaient cette danse de lumières et de couleurs avec des grands yeux écarquillés. Ils furent surpris de découvrir à l‟entrée de la forêt un long chemin de terre battue qui se séparait plus loin en multitude de petites allées. De l‟intérieur, la forêt n‟avait plus du tout l‟air touffue mais très bien ordonnée et entretenue. Les fées voletaient partout autour des familles Atlantes venues se promener et ne tardèrent pas à s‟intéresser aux nouveaux venus. De nombreuses lumières dansaient à présent autour des élèves. A cette distance, ils distinguaient de petites ailes de libellules. Une lumière de couleur bleue vint se stopper devant Mme Contortine qui l‟accueillit dans sa main. Soudainement, l‟intense lumière bleuté disparut et laissa place à une magnifique femme totalement nue et glabre. Elle avait la peau bleutée et de longs cheveux violets. Elle rivalisait de grâce avec les elfes et ses longues ailes de libellule aux couleurs de l‟arc en ciel battaient de temps en temps. Elle s‟adressa à Mmee Contortine : -Vous nous honorez de votre visite Dame Contortine, dit-elle d‟une toute petite voix cristalline. -Mais de rien Dame, Dame… -Erika mais ne m‟appelait pas Dame, c‟est trop d‟honneur que vous me faites, dit Erika en rougissant (enfin en « violétant » étant donné qu‟elle était bleue). -Merci à vous de nous recevoir Erika, reprit Mme Contortine. La fée parue déçue de ne plus se faire appeler « Dame Erika ». Elle allait se remettre à parler mais fut interrompue par un cri suraigu. Tout le monde se retourna et resta choqué devant l‟odieux spectacle qu‟offrait Cyril et Franck : ils s‟étaient emparés de force d‟une fée. Mme Contortine, le visage transformé par la rage se précipita vers eux. Cependant, Erika la stoppa. Elle avait le regard dur et sévère, le visage fermé. Mme Contortine, qui ne comprenait pas l‟intervention de la fée, la regarda d‟un air indigné. Elle ne pu rien faire d‟autre, car au moment où elle ouvrait la bouche, une vingtaine de fées mâles et femelles (mais surtout mâles) descendirent des hauteurs de la forêt. Ils formèrent un cercle autour de Cyril et Franck. Eux, de peur, se mirent dos à dos. Les fées n‟étaient plus lumineuses mais elles battaient frénétiquement des ailes. Elles tendirent les bras vers eux et, paumes en avant, commencèrent à se concentrer. Petit à petit, des toutes petites particules de lumières vinrent se concentrer au niveau de leur main. Puis les particules devinrent plus grosses et plus brillantes. A tel point que les élèves, qui c‟étaient réunis autour des perturbateurs, durent plisser les yeux. Un flash aveuglant blanchit la forêt quelques fractions de secondes. Les enfants rouvrirent les yeux. Là, entre les fées qui retournaient à la cime des arbres, deux piles de vêtements fumants, l‟une à Cyril et l‟autre à Franck, étaient les seuls restes des deux voyous. Les élèves étaient inquiets, où étaient-ils passés ? -Que… ? demanda Mme Contortine. 86


- Ne vous inquiétez pas, nous les avons juste téléporté dans votre vaisseau, dit Erika. -Sans leurs vêtements ? -Oui. Mais assez parlé de ces deux imbéciles, déclara Erika de nouveau de très bonne humeur. -Cool, dit Cosme qui regardait le tas de vêtements. En ce moment même, Cyril et Franck sont en train de courir à poil dans les couloirs du vaisseau… et je vais pas voir ça ! Je suis dégoûté ! -J‟aurais aimé voir leur tête quand ils sont apparus nus comme des vers au plein milieu de la Grande Salle ! s‟écria Nicolas en explosant de rire. Le groupe reprit sa marche derrière Erika qui faisait de son mieux pour se faire entendre de tout le monde et ne pas voler trop vite. Marine et Janis, elles, regardaient le haut des arbres, scrutant les moindres bouts de feuille pour voir des fées mâles. Elles marchaient lentement et furent bientôt à l‟écart du groupe. Elles étaient en train de plaisanter quand une voix douce et chaude les interpella : -Bonjour, vous êtes des sorcières ? demanda la voix. Les filles se stoppèrent et se retrouvèrent devant une magnifique fée. Elle avait la peau jaune d‟or, des longs cheveux verts tombant en cascade sur ses reins, de splendides ailes de libellule. -Oui, répondirent-elles. -Enchantée de vous rencontrer, je suis la fée Candilia. Et vous, c‟est comment ? -Moi c‟est Marine et elle c‟est Janis. -Enchanté, dit Janis dans un murmure de timidité. -Vous cherchiez quoi en l‟air tout à l‟heure ? demanda Candilia. - Des fées mâles… -Oh les vicieuses ! dit Candilia avec un air choqué. -Quoi ! Mais pas du tout ! commencèrent à se défendre Marine et Janis. -Je rigole ! dit la fée en explosant de rire. Si vous aviez vu vos têtes ! Malgré leur gêne, les filles se mirent aussi à rire aux éclats. Les passants les regardaient si bizarrement qu‟elles durent s‟arrêter. -Vous n‟êtes pas comme les Atlantes, vous êtes beaucoup mieux ! s‟écria Candilia folle de joie. -Merci. J‟avoue que j‟ai eu peur que tu appelles les fées mâles pour qu‟ils nous renvoient toutes nues chez nous ! -Encore les fées « mâle » comme vous les appelez… Puisque c‟est comme ça, je vais vous en présenter un. Et avant que les filles n‟aient eu le temps de réagir, Candilia s‟était déjà envolée dans un rayon de lumière dorée. Les filles attendirent anxieuses le retour de Candilia. Un moment, elles repérèrent une lumière dorée suivit de près par une lumière verte. Elles s‟arrêtèrent devant les filles. Candilia reprit sa forme de fée et la lumière verte devint un magnifique homme. Il était très musclé, sa

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peau verte faisant ressortir sa musculature, et il portait des cheveux turquoise. Il avait, bien sûr, des grandes ailes de libellule. -Les filles je vous présente Steve. Steve, je te présente deux amis : Marine et Janis. -Bonjour les filles, dit Steve mal à l‟aise. -Bonjour, répondirent les filles fixant son petit visage, n‟osant baisser les yeux. Un silence gêné s‟installa, ce qui semblait beaucoup amusé Candilia qui ne cessait de regarder où se dirigeait le regard des filles. Ce fut Steve qui rompit le silence : -Bon, j‟ai était très content de vous rencontrer et de voir que vous n‟êtes pas tous comme ces deux sorcier de tout à l‟heure. -Ne vous inquiétez pas, personne est aussi bête que ces deux la, déclara Janis. -Si, il y a peut être le frère de Cosme, dit Marine songeuse. -Qui ça ? demanda Janis. -Tu ne le connais pas (chanceuse), de toute façon ce n‟est pas un sorcier. -Il faut que j‟y aille, continua Steve. Au revoir. -Au revoir. La tension redescendit à son départ. -Il vous a plu ? demanda Candilia. Il est beau, hein ? -Ca c‟est clair ! -Et puis vous avez vu, il n‟est pas tout à fait imberbe lui ! -Quoi ! Heu, je ne sais pas, je n‟ai pas fait attention, dit Marine. -C‟est vrai, ce n‟est pas ça le plus important, continua Janis. -Allez, j‟arrête de vous ennuyer avec ça… -Candilia ! Les filles se remirent à rire et discutèrent pendant une dizaine de minutes. -Au fait, je crois que vous avez perdu votre groupe. Les filles regardèrent partout autour d‟eux. Elles ne voyaient plus personne d‟Ultimécia et commencèrent à s‟affoler. -Je crois savoir où ils sont, déclara Candilia, suivez moi ! La petite fée se mit à voler à tir d‟aile à travers les promeneurs. Heureusement, les gens se poussaient devant la petite lumière d‟or, ce qui laissait le temps et la place aux filles de la suivre. Elles finirent par arriver à bout de souffle dans une clairière. Les arbres y étaient clairsemés et troués. De petits escaliers en bois tournaient autour des arbres et débouchaient sur des perrons très décorés. Ca et là, se trouvaient de petites passerelles, elles aussi en bois, qui reliaient des arbres entre eux. Le feuillage, beaucoup moins touffu et beaucoup plus haut sur les troncs, filtrait les rayons de soleil. Ils zébraient ce décor merveilleux dans lequel évoluait en désordre plusieurs dizaines de lumières de couleurs très différentes. Il y avait un sacré remue-ménage : les fées ne cessaient d‟entrer et de sortir des troncs très décorés. -Dis, Candilia, pourquoi cette fée ne devient pas lumineuse quand elle vole ? demanda Janis qui venait d‟apercevoir une fée volant avec allégresse. 88


-Vous avez sûrement remarqué que toutes les couleurs de l‟arc-en-ciel sont représentées ? Et bien sa couleur à elle est l‟ultraviolet. C‟est pour ça que vous ne voyez rien, mais nous, nous l‟a voyons bien sous forme de couleur. -C‟est quelle couleur l‟ultraviolet ? demanda Marine. -C‟est couleur…ultraviolet ! Mais c‟est tout à fait différent de celle-là qui se transforme en lumière infrarouge, et de celle-là… -On a compris ! Merci, l‟interrompit Marine. -Salut les filles ! interpella une voix. Elles firent volte face et se retrouvèrent devant leurs amis. -Salut, je vous présente Candi…Marine se tut en remarquant que la petite fée (environ dix centimètre, taille standard des fées) était partie. -Qui ça ? demanda Rémi soupçonneux. -Candilia, c‟est une fée que nous avons rencontrée… -N‟importe quoi, intervint Asmodée, les fées ne parlent pas aux étrangers avant plusieurs heures d‟observation. -Mais si, renchérit Janis en venant au secours de Marine. Même qu‟elle nous a présenté une fée mâle : Steve. -Re, n‟importe quoi ! Les fées mâles ne descendent presque jamais des cimes des arbres. Et si ça leur arrive, ils gardent leur apparence de lumière pour ne pas se faire remarquer. -Mais c‟est la vérité ! -Bon, on va discuter toute la journée de vos affabulations, intervint Cosme pour séparer les trois filles. -CE NE SONT PAS DES AFFABULATIONS ! hurla Marine. -Je voulais dire, de votre amie Candilia, rajouta-t-il rapidement. -D‟accord, admis Janis. On n‟en parle plus. -Je suis d‟accord aussi. -Et toi Asmodée ? -Oui…même si c‟est pas vrai ! marmonna-t-elle. -Je t‟ai entendu ! cria Janis, en apprenant par cœur tes livres, tu aurais du savoir que les elfes ont une ouï très fine ! Asmodée parut choquée par ce dernier argument. C‟est vrai, elle ne devait commencer à apprendre un livre sur les elfes que le soir même ! Leur amitié entre filles venait d‟être détruite à cause d‟une fée… -Bon, bon, bon… Allons voir Mme Contortine, elle veut nous présenter à la fée dite « mère » de la forêt, intervint Cosme pour mettre fin au massacre. Les enfants se dirigèrent vers Mme Contortine en slalomant entre les regards meurtriers des deux ex-amies. Arrivés devant elle, cette dernière prit la parole : -La fée mère de la forêt est la plus vieille des fées de cette forêt. Par conséquent, nous irons la voir par groupe de quatre. Vous vous dirigerez vers la fontaine derrière se buissons, c‟est là-bas qu‟elle vous attend. Pour commencer, Rémi, Marine, Cosme et Nicolas. Allez-y. 89


Quelqu‟un lâcha un « chouchou » à leur passage mais personne d‟autre ne vint s‟en plaindre. Il faut dire que l‟image d‟une vieille grand-mère totalement nue n‟enchantait personne. Les enfants dirent au revoir à leurs amis et se dirigèrent à pas lent vers le buisson. Plus ils s‟en approchaient, plus le buisson semblait terrifiant. Arrivés devant, ils firent une pose. Ils prirent une profonde inspiration et se résolurent enfin à passer de l‟autre côté. Ils y allèrent en accéléré pour ne plus avoir à attendre. Après tout, plus vite ils auraient commencé, plus vite ils auraient fini. Cosme se griffa légèrement la joue à cause d‟une branche mais, à la vue de la fée mère, il oublia son éraflure. La fée qui était assise devant eux était tout simplement splendide. Rien que le lieu semblait venir tout droit de Faërie. L‟endroit, tout petit, était encerclé d‟arbres très anciens tellement touffus qu‟une fois dans ce lieu clos et restreint, aucun bruit du petit village ne venait le perturber. Ce petit espace était recouvert d‟une épaisse mousse verte et luisante si épaisse que les enfants avaient l‟impression de marcher sur des plumes ou du coton. Il y régnait une humidité ambiante très dense provenant de la source. Adossée à un arbre, d‟un rocher en parti recouvert de mousse, jaillissait une source à l‟eau claire et limpide. Elle formait aux pieds du rocher une petite flaque d‟une pureté incomparable sur laquelle était penchée une petite fée toute rouge à l‟air triste et préoccupé. La rare lumière qui parvenait jusqu‟ici dessinait dans l‟humidité ambiante des rayons, faisant miroiter l‟eau vaporisée par la source et les gouttes déposées un peu partout. Toutes ces gouttelettes d‟eau répandues sur les feuilles et la mousse alentour étaient alors illuminées des couleurs de l‟arc en ciel. La source était animée de couleurs, de mouvements et de lumière. La mousse ayant amortit leur pas, la fée mère ne s‟était pas aperçue de leur arrivée. Les enfants n‟osaient pas faire le moindre geste de peur de rompre l‟équilibre de l‟endroit et ils attendirent un bon moment dans l‟extase et le silence. La fée mère se rendit soudain compte de leur présence grâce à leur reflet dans la flaque où, le regard perdu, elle traînait la main. Les enfants virent enfin son visage. La peau rouge pastel de son corps parfait donnait à ses magnifiques cheveux blonds un éclat doré. Ses cheveux, qui descendaient jusqu‟aux reins, semblaient flotter derrière elle. Elle ouvrit des yeux ronds. Des yeux d‟un bleu presque choquant sur ce visage rouge pastel. Elle était d‟une irréalité angélique. Elle s‟adressa aux enfants d‟une voix fluette qui ondulait dans l‟air, comme un chant porté le vent, en faisant frémir ses longues ailes de libellule : -Bonjour. Je voix bien qui vous êtes : vous êtes les Élus. ‫ غضكل‬۶‫گقףשﻷﷲצ ﻹ لني‬ ‫! ﻶﻳﻱقﻘﻚ ﻑﻚﻌﻬ ﺺﺜﺞﻈﻊ פמּﭻﮊﭖﮓ‬ -Pardon ? demanda Marine qui n‟avait rien compris. -Comment ? Tu m‟as entendu en quelle langue ? demanda la fée mère. -Je sais pas, on aurait dit une sorte d‟arabe ou une langue dans ce genre. Une langue presque chantée. -Moi j‟ai entendu du français, se risqua Nicolas. -Moi aussi, dit Cosme. 90


-Idem, finit Rémi. Un lourd silence s‟installa pendant lequel la fée mère sembla réfléchir intensément. Elle finit par dire : -Je suppose que depuis que vous êtes arrivés en Atlantide, vous avez entendu parler français à longueur de temps. Je me trompe ? -Non, c‟est vrai. Les Atlantes n‟on pas une langue propre ? -Si, laissez-moi-vous expliquer. Les Atlantes, par transmission magique et génétique, parle depuis leur naissance plus de mille langues différentes, vivantes ou non. Le français en fait évidemment parti. Mais pour les fées c‟est différent. Nous avons un charme que nous ne contrôlons pas. Dès que nous parlons, notre interlocuteur nous comprend dans sa langue natale, qu‟il soit humain ou autre. En ce moment, je parle notre langue et je vous entends dans notre langue, car le charme opère dans les deux sens. Personne, à part les fées, ne connait notre langage. Il est le langage le plus secret du monde. La seule possibilité de vous le faire entendre serait de l‟écrire, mais elle ne s‟écrit pas. De plus, il serait possible que le charme opère aussi sur les écrits. -Dans ce cas-là, comment Marine a t‟elle pu vous entendre dans la langue des fées ? demanda Nicolas. -Je crois que je sais, intervint Rémi. Marine est une fée depuis l‟enchantement des trois noms, donc elle entend parfois dans la langue des fées… -Et c‟est pour ça que c‟est la seule qui puisse nous comprendre quand on est en créature magique, et à pouvoir continuer de parler aux humains. -Oui, c‟est sûrement pour ça, reprit la fée mère. Vous êtes vraiment les Élus. Je suis honorée par votre présence. Je sens une puissante aura émaner de vous. Je ressens aussi un très bon karma. Aucun doute sur vos dons. -Merci… -Etes-vous déjà allés au temple de la ville ? demanda la fée mère. -Oui pourquoi ? demanda à son tour Cosme. -Avez-vous essayé de mettre vos mains dans les empreintes du mur ? - Non, on n‟avait pas le temps… -Alors allez-y dès cette nuit ! les interrompit-elle. -Mais pourquoi ? se renseigna Nicolas. -Vous verrez ! Allez dire à Mme Contortine que j‟attends le prochain groupe. La fée mère, malgré sa taille (pas plus de vingt centimètres), les impressionnait tellement qu‟ils n‟ajoutèrent qu‟un timide « Ce fut un plaisir » avant de partir en marche arrière vers la petite citée des fées. Le retour à la fantastique fourmilière qu‟était la forêt fut un véritable choc. A peine sortis du bosquet enchanté, ils furent assaillis par les couleurs miroitantes des fées, par le vacarme qu‟ils n‟avaient même pas remarqué auparavant. A peine furent-ils aperçus de Mme Contortine qu‟elle cria le nom de quatre autres personnes. Les enfants, après s‟être remis de leur visite, mirent le reste de leur temps à échafauder un plan. Ils devaient se rendre au temple pendant la nuit. Leur 91


visite dans la forêt aux fées finit très tard, après des kilomètres à tourner en rond pour visiter chaque recoin de la forêt. Ils se retrouvèrent enfin dans la petite cité du départ. -Il est temps de rentrer maintenant, annonça Mme Contortine. Au revoir et merci de votre accueil à toutes ! cria-t-elle vers les fées qui étaient là. -C‟est nous qui vous remercions, dit l‟une d‟entre elle. Pour vous prouvez notre gratitude, nous allons vous téléporter dans votre château. -Sans façon… -Avec tous vos vêtements, bien entendus. -Dans ce cas, nous acceptons avec plaisir. La fée sourit et aussitôt une multitude de fées, aussi bien mâles que femelles, descendirent des cimes des arbres de la forêt et les encerclèrent. Chacune se stabilisa à hauteur de la taille humaine, brandit les bras vers la foule d‟élèves, paumes en avant. Des petites étincelles de lumière commencèrent à se rassembler sur leurs paumes, jusqu'à ce que la concentration de lumière soit telle que les élèves, au centre, furent obliger de plisser les yeux. Janis crut apercevoir Steve la petite fée mâle qui se mit à rougir (ce qui était marronir chez lui étant donné qu‟il était vert) et baisser la tête pendant que Candilia, qui se trouvait à côté, se mettait à rire. Soudain, en un flash, les fées libérèrent l‟énergie qu‟elles avaient canalisée. Puis la Grande Salle fut là, autour d‟eux. Les élèves regardèrent la pièce comme si c‟était la première fois qu‟ils la voyaient. Le choc passé, ils s‟éparpillèrent dans tout le vaisseau. Une fois dans leur Gallice, les enfants répétèrent leur sortie du soir pour se rendre dans le temple, comme leur avait conseillé la fée mère. La nuit, par ailleurs, arriva très vite et quand l‟heure fut venue, les enfants étaient fins prêts. Ils sortirent de la Gallice, avec Ahuri sur leur talon, laissant Asmodée, Martial et Janis qui devaient couvrir leur arrière au cas où. Tout le monde jeta un coup d‟œil à Ahuri : son diamant était rouge, aucun risque en vue. Les enfants, leur baguette à la main, avancèrent doucement dans les allées sombres du vaisseau. Trois heures sonnèrent à l‟horloge de la Grande Salle. Jusque là, aucun problème. Ils n‟avaient croisés personne… enfin si, un chat. Encore quelques mètres et ils atteindraient les téléporteurs. Soudain, Ahuri se mit à décrire des cercles et pousser des petits cris. Son diamant devint brillant, signe de danger. Les enfants, comme le plan le prévoyait, réagirent très vite. Rémi bloqua Ahuri qui faisait un bruit d‟enfer, Marine s‟envola dans un sot impressionnant pour attraper Ahuri en vol, Cosme utilisa son pouvoir pour les ramener tous les deux à lui et ils s‟accrochèrent tous à Nicolas qui les fit devenir invisible. En quelques secondes, le grand Hall redevint vide. Du moins en apparence. Les enfants étaient sur les nerfs, personne n‟osait bouger. Ils restèrent un long moment comme ça, ne sachant si le diamant d‟Ahuri était redevenu rouge car lui aussi était invisible. Soudain, une voix se fit entendre. Une voix que les enfants connaissaient mais ne remettaient pas. 92


-Il me faut trouver leurs points faibles. Ce ne sont que des enfants à la fin! Le maître veut que je lui retrouve un livre en plus. Un puissant grimoire d‟après lui. Ce serait la seule explication valable, sinon comment auraient-ils pu anéantir un démon comme Yh-Cktul-Okfa si facilement? La voix se faisait plus nette. Elle approchait. Le traître parlait à quelqu‟un, mais qui ? -Je sais tout ça, répondit une voix étrangement familière. -Tu sais, tu sais… Je sais que tu sais ! Je ne suis pas un abruti ! Il faut trouver quelque chose. Et vite. Les voix se rapprochaient de plus en plus. Bientôt, les deux interlocuteurs seraient visibles. Un froissement de tissu se fit entendre, les bruits se rapprochèrent… -Arrêtez, ordonna la seconde voix. C‟est une mauvaise idée. Vous ne pouvez pas débarquer dans Polazac comme ça et tuer des centaines de gens pour forcer les Elus à se montrer. Les enfants retenaient leur souffle. La seconde personne venait de passer devant la première et, par la même occasion, de se dévoiler aux yeux stupéfiés des enfants. C‟était Gustave. Pas le Gustave de d‟habitude. Mais un autre Gustave. Les enfants avaient eu à faire à lui une seule fois l‟année précédente et ils en avaient gardé un très mauvais souvenir. Gustave n‟est pas un fantôme comme les autres. Sa mort est due à un puissant sortilège. Un si puissant sortilège qu‟il dédoubla dans la mort l‟âme de Gustave : un Gustave gentil, qui est le vrai Gustave et l‟ami des enfants. Mais un Gustave qu‟il ne faut jamais énerver, car alors il se transforme en esprit frappeur et torturé, cruel et sans pitié. Le problème, c‟est que le bon Gustave ne savait rien de tout ça. Plusieurs personnes, y compris Martin Benignus, n‟avaient jamais réussi à le lui faire admettre. Or, ce mauvais côté était donc à la solde d‟Onoximustros. -Et pourquoi ? demanda l‟homme dont on n‟apercevait qu‟un bout de robe déchiré. -Mais parce que les élus vont se méfier, forcément. En plus, il y aura toujours M. Benignus pour les éclairer s‟ils ne comprennent pas. Laisse-moi faire, mon bon côté ne sait pas que j‟existe mais, moi, je connais tous ses pensées. Un jour, ces morveux lui diront bien où se cache ce grimoire, et à ce moment-la, on agira. -Bien, d‟accord. Mais tu n‟as que deux mois. -Aucun problème. A bientôt. Gustave s‟envola et passa au travers du plafond tandis que l‟homme faisait demi-tour. Les enfants restèrent sans bouger un certain temps avant de redevenir visibles. Le diamant d‟Ahuri était redevenu rouge. -Vous avez entendu ? demanda Marine comme pour se rassurer. -Oui, il ne faudra plus rien dire à Gustave et prévenir M. Benignus de ne rien lui dévoiler non plus. -Pas de problème de ce point de vue, mais, dit Rémi, d‟après Asmodée… -On s‟en fiche d‟elle, coupa Marine. On y va ? On n‟a pas toute la nuit. 93


-Marine a raison, on a déjà perdu beaucoup de temps, dit Cosme. -Allons-y ! conclut Nicolas. Les enfants se dirigèrent vers les téléporteurs, se mirent en position et « décandrenbah ! ». La lumière bleue se fit intense et les enfants se retrouvèrent sous le vaisseau avec Ahuri. Sans dire un mot, toujours attentifs au diamant d‟Ahuri, ils partirent vers le temple. La ville dormait. Seuls quelques bar étaient encore allumés et quelques Atlantes s‟amusaient à faire des concours : celui qui éclairait le plus loin grâce à son pouvoir gagnait. Le temple était illuminé par des puits de lumière magique qui faisaient danser les ombres sur le temple. Les coupoles miroitaient et l‟entrée était grande ouverte. La vue du temple illuminé la nuit les ralentit un peut. Ils gravirent une à une les marches le cœur battant et entrèrent. Il y avait une petite queue devant le mur aux empreintes mais rien de comparable à celle de la veille. Ils se mirent dans la queue et attendirent, toujours en silence. Plus la queue diminuait, plus le cœur des enfants battait vite. Leur tour arriva. Ils se mirent chacun devant une empreinte, se jetèrent un regard inquiet, prirent une profonde inspiration, et, simultanément, placèrent leur main sur les empreintes qui luisaient dans le noir. Elles se mirent alors à briller avec intensité, les enfants avaient la main comme soudée au mur. Soudain, ils se mirent à tomber. Une longue chute qui se termina par un choc épouvantable sur un sol humide et chaud. Les enfants se frottèrent vigoureusement le crâne. -On est où ? demanda Cosme. -Je ne sais pas moi, ça ne de devait pas se passer comme sa ! On mettait nos mains et une porte s‟ouvrait tout bêtement. -Je suis d‟accord avec Nicolas, intervint Rémi, tout cela n‟est pas clair. Peu importe le sort que contiennent ces empreintes mais il nous a transportés ici… -Où est Ahuri ! s‟écria soudain Marine. AHURI ! AHURI ! -Calme-toi Marine, c‟est normal qu‟il ne soit pas là, il n‟a pas touché d‟empreinte. Il doit encore être dans le temple. -Tout ça ne nous dit pas où nous sommes tombé. -Euh…regarde au plafond, se risqua Nicolas. -D‟accord, si tu veux. Je regarde le plafond et…Mais, qu‟est-ce que c‟est ces gens qui marchent au plafond ! -Je dirais…nous. -Nous ? -Bah oui, regardez, là c‟est la queue devant l‟empreinte, là c‟est la porte de sortie et le tout petit point blanc, je dirais que c‟est Ahuri. -AHURI ! JE SUIS LA, REGA RDE AU SOL ! s‟étrangla Marine. AHURIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII !! -Arrête de hurler ! cria Cosme devenu complètement sourd. A mon avis, ils sont tous bloqués… -C‟est pas moi, intervint Rémi, j‟ai rien fait ! 94


-On ce calme et… -On prend la porte qui est au fond, le coupa Nicolas. -Quoi ? dirent les enfants d‟une voix. -Oui, il y a une porte là-bas, s‟expliqua Nicolas. Les enfants se turent et allèrent vers ce qu‟ils avaient pris pour une porte. Arrivés devant, ils virent que ce n‟était pas une porte mais un sceau mystérieux semblable à ceux qu‟ils étudiaient en Runes et Symboles magiques. -On fait quoi maintenant ? interrogea Rémi. -On … Mais avant que quiconque n‟ait le temps de répondre, Marine effleura le sceau. Il se mit alors à luire et un trou béant s‟ouvrit. Il donnât place à ce que Rémi qualifia de « distorsion espace temps technomagique » avant de disparaître avec tous ses amis, aspiré. Le mur se referma. La distorsion se rouvrit quelque part et éjecta les quatre voyageurs. Les enfants, projetés sur le sol, se relevèrent doucement en massant leurs membres endoloris. Ils se trouvaient dans une pièce démesurément grande. Derrière eux, un mur avec un sceau magique, et, devant eux, une corniche qui reliait les deux extrémités d‟un ravin apparemment sans fond. De l‟autre côté, s‟élevait une porte qui avoisinait les cent dix mètres de large et le double en hauteur. Le reste n‟était qu‟un mur totalement nu et dépourvu de sol, plongeant dans les ténèbres du gouffre. -Je suis contente de savoir voler ! s‟écria Marine soulagée. -D‟ailleurs, tu vas tous nous amener de l‟autre côté s‟il te plait. -Tous ! Mais je n‟ai jamais porté un poids aussi lourd ! -Pas tous ensemble ! L‟un après l‟autre, soupira Cosme. -Oui ba, si t‟es pas content tu traverses à pieds ! -Désolé, je retire tête de pioche. -Mais tu n‟as pas dit tête de pioche, dit Marine. -Ah bon ? Alors je l‟ai pensé très fort… -Espèce de … ! -On attend ! les interrompis Nicolas. Marine soupira et s‟envola. Elle transporta d‟abord Rémi, puis Nicolas et enfin Cosme, contrainte par les autres exaspérés qui la menaçaient de leurs baguettes. Ils franchirent la porte le pas lent. La nouvelle salle était aussi grande que la précédente mais elle était dallée. En revanche, les murs n‟étaient pas nus du tout. Ils portaient des milliers de petits trous qui lançaient des multitudes de petites flèches dans toutes les directions. Rémi laissa échapper un « facile » avant de bloquer de toute la pièce. Cependant, elle était toujours infranchissable. Des millions de flèches la quadrillaient encore. Impossible de passer au travers. Cosme montra ses talents. Il se mit à éjecter les flèches de simple geste du bras. Dans ce fracas de flèches, les enfants se mirent en route. La nouvelle porte était aussi grande. Ils la franchirent. La pièce qui s‟étalait devant eux était immense. Les enfants auraient jurés être à l‟extérieur. Une fois de plus, la salle était sans plancher et sans plafond. Elle n‟avait ni murs ni porte de l‟autre côté. Seule une 95


fine corniche sinueuse filait en zigzagant vers les ténèbres. Le fond de la salle était plongé dans une brume bleuâtre peu rassurante et luminescente. Les enfants, silencieux, se mirent en route, baguette à la main. Plus, ils s‟enfonçaient, moins ils étaient rassurés. Bientôt, plus aucun mur ne fut visible. Le chemin continuait. Au bout d‟une heure et demie de marche difficile, les enfants stoppèrent, bloqués dans leur progression par le vide. Le chemin finissait en cul de sac. A peine avaient-ils monté les dernières marches donnant sur l‟estrade finale que l‟espace se remplit de lumière. C‟est alors que quatre humains firent leur apparition. Ils étaient immensément grands et ils flottaient dans le vide, les pieds dans la brume épaisse. Les enfants les reconnurent tout de suite. C‟étaient les Quatre Dieux atlantes. Ils scintillaient étrangement dans la pénombre et dans la brume tandis que de multiples lumières tournaient autour d‟eux. Leurs visages flamboyants respiraient une parfaite maîtrise, une confiance en soi et une impression d‟invincibilité. Ce fut l‟homme habillé d‟un marcel bleu qui parla en premier : -Bien le bonjour. Cela fait bien longtemps que l‟on vous attend. Je suis le dieu Aloubax. Si vous avez pu arriver jusqu‟ici, c‟est que vous êtes les Élus. -Alors, vous êtes… des dieux ? demanda Nicolas avec timidité. -Oui, répondit la femme vêtue tout de vert. Nous avions prévu votre venue depuis très longtemps déjà. Je suis Salisha, bien sûr. La voix de Salisha rappelait étrangement celle des fées : elle était douce et apaisante. Ce fut ensuite le tour de l‟homme aux cheveux mi-longs de parler. Sa voix était très féminine mais sa légèreté dans les mouvements s‟accordait parfaitement avec : -Nous sommes très heureux de vous rencontrer enfin. N‟est ce pas Valtor ? demanda t‟il à l‟homme torse nu. -Tagage Wundiro, répondit ce dernier sans desserrer les dents. Aloubax expliqua devant le regard interrogateur des enfants : -Tagage est un mot de chez nous. C‟est un mélange entre « ta gueu… » enfin, tais toi et « dégage ». -Alors, vous êtes vraiment des dieux ? demanda Marine incrédule. Un silence gêné s‟installa. Les dieux se regardèrent avec un air de profonde réflexion et se fut finalement Salisha qui prit la parole : -Vous êtes les Élus et nous vous devons donc la vérité. Toute la vérité nous concernant, vous concernant et nous concernant tous. Les enfants, inquiets de cette réponse, resserrèrent involontairement la main sur leur baguette. Les dieux se mirent à briller à la façon des fées. La luminosité devint telle que les enfants durent se protéger les yeux de leurs mains et tourner le dos aux divinités. Le temps de jeter un sortilège « pare soleil », l‟endroit se refit aussi sombre qu‟au début. Les yeux éblouis des enfants mirent un certain temps à distinguer quoi que se soit. Une fois leurs yeux habitués, la vision qui s‟offrait à eux les épouvanta. Quatre immenses créatures dont on ne voyait que la tête et les épaules dépassaient de la brume et se tenaient devant 96


eux. Ils avaient des yeux ovales qui prenaient la majeure partie du visage et des espèces de plaque comme des bosses sur leur peau. Elles étaient lisses et luisantes, comme si elles avaient été mouillées. Sous leurs cous, se trouvaient des membranes les reliant aux torses. Un dos voûté et des épaules en avant donnaient à ses créatures l‟air étaient assises ou allongées comme des animaux avec une grande épine dorsale. Chacun d‟eux avait une couleur différente : l‟un avaient la peau bleu clair, les plaque de sa peau et son épine dorsale violet ainsi que son étrange membrane ; un autre avait la peau vert poMmee avec les membranes, les plaques et l‟épine dorsale vert foncé ; un troisième, en retrait, avait une peau marron et le reste était ocre. Enfin, la dernière créature était rose et orange. Les enfants étaient pétrifiés. Aucun de n‟avait pensé que des dieux puisse ressembler à ça naturellement. Plus aucune lumière ne gravitait autour de ces êtres. Une voix, celle d‟Aloubax probablement, résonna dans l‟espace comme en écho : -N‟ayez pas peur. Vous vouliez savoir la vérité. Alors voila à quoi nous ressemblons à l‟état naturel. Et pour une bonne raison, nous sommes ce que vous appelez des aliens. Sur cet aveu, les enfants ne surent que dire. Ils restaient interdits, comme paralysé. -Si ce que l‟on vient de dire vous choque, la suite risque d‟être dure, dit celui qui devait être Wundiro. -Mais, balbutia Nicolas, si vous êtes des aliens, comment se fait-il que vous soyez des dieux ? -Nous ne sommes pas des dieux, nous sommes des usurpateurs. -Du calme Valtor, ce ne sont que des humain après tout. -Ca veut dire quoi ça ? demanda Marine. -Rien. Je vous explique : chez nous, n‟importe qui possède ce que vous appelez « pouvoirs ». La seule différence, c‟est que les notre sont totalement illimités. Nous pouvons même avoir des filets de vision du futur et du passé. C‟est ainsi qu‟un jour, l‟un d‟entre nous eut la vision de notre monde dévasté par une puissante magie venant d‟une autre planète, pourtant très éloignée. Quatre d‟entre nous furent désignés pour se rendre sur cette planète et empêcher cette guerre. Quand nous sommes arrivés ici, les Atlantes nous ont pris pour des dieux. -Ce ne fut pas très compliqué de soutenir cette croyance grâce à nos pouvoirs, se vanta Valtor. Il a suffit qu‟on installe des saisons quasi perpétuelles sur leur continent et ils nous ont construis des centaines de temples sur tout le continent. -Nous ne sommes pas fiers de cette usurpation, ajouta Wundiro. -Je ne comprends pas, vous vous êtes fait passer pour des dieux dans le seul but de surveiller la magie de ce monde ? demanda Rémi. -Oui, répondit Salisha. Sachez que la guerre que vous menez aura pour conséquence de déterminer l‟avenir de l‟univers tout entier. Onoximustros est devenu immortel. Si vous perdez la guerre, il aura toute l‟éternité pour 97


augmenter ses pouvoirs, conquérir votre monde puis le système solaire et enfin tout l‟univers ! -A ce point-là ! s‟étonna Nicolas. -Notre devoir est accompli, nous devions vous mettre au courant. C‟était notre mission à tous les quatre. -Mais nous voulons faire plus : nous vous confions nos pouvoirs. Toi Cosme, tu auras mes pouvoirs : l‟eau et la foudre. Mais je crois que tu en possèdes déjà une partie, dit Aloubax. -Toi Marine, je te donne mes pouvoirs, déclara Wundiro. Le vent et l‟ombre. Fais en bon usage. -Moi, c‟est à Rémi que je confie mes pouvoirs, grogna Valtor. Le feu et la mort. J‟ai confiance p‟tit gars. -Quand à toi Nicolas, tu auras mes pouvoirs, dit enfin Salisha. La terre et la vie. A vous quatre, vous possédez les quatre éléments et leur complément. C‟est alors que les aliens se mirent à briller. Une aura lumineuse d‟une couleur différente pour chacun les enveloppa. Puis, celles-ci explosèrent et filèrent vers le ciel avant de retomber en chandelle comme une fusée de feu d‟artifice vers la petite plate forme sur laquelle se trouvaient les enfants. La magie des aliens les frappa si violemment qu‟ils tombèrent sur le sol, évanouis. *

*

*

-Alors ! cria un homme. Vous voyez bien qu‟il ne se passe rien, laissez la place maintenant ! Les enfants sursautèrent, comme réveillés d‟un profond sommeil. Ils étaient là, dans le temple, la main collée contre le mur froid, sur les empreintes. Les enfants, surpris, eurent un mouvement de recul qui sembla affoler Ahuri. Il se mit à tourner autour d‟eux en couinant. L‟homme qui attendait ne fut pas si patient. Il les poussa hors de la queue violemment. -Vous croyez que ce n‟était qu‟une illusion ? demanda Cosme perplexe quand ils furent dehors, sur le chemin de retour. -Je sais pas mais je pense qu‟on y verra plus clair demain, dit Nicolas. -Oui, je suis d‟accord. Illusion ou non, je suis exténué ! -Et toi Rémi, tu en penses quoi ? demanda Cosme. Rémi ? Rémi ! -Hein ? Quoi ? dit-il en relevant la tête. -Je suis désolé de t‟arracher à tes pensées mais on se demandait... -« montéabord ». La lumière du téléporteur les inonda et ils réapparurent dans le vaisseau encore endormi, enfin presque … -Où étiez-vous ? rugit M. Benignus en se jetant sur eux en pyjama. -Nous étions… commença Cosme. -Je m‟en fiche ! Pendant que vous vous amusiez un autre cristal d‟invisibilité du continent a été détruit ! 98


-Quoi ?!

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VIII Les Contrées du Rêve

L

es enfants ne surent que dire pour leur défense. Tout le long du chemin qui menait au bureau de M. Benignus ils se turent, épuisées par une nuit qui allait être totalement blanche. Ils passèrent les lourdes portes du bureau puis se figèrent. M. Benignus, fou de rage, s‟installa derrière son bureau. -Je vous repose la question : où étiez-vous cette nuit ? -On… -Vous vous rendez compte de vos actes ? Si vous aviez été dans vos lits, on aurait pu éviter la destruction d‟un cristal d‟invisibilité. -Mais… -Votre tache vous interdit ces petites flâneries nocturnes. Les peuples de magie vont douter de votre existence et si c‟est le cas… -ONTÉTAITAVECLESDIEUXATLANTES ! hurla Cosme qui n‟en pouvait plus de se faire rabattre les oreilles. - Que…quoi ? Vous avez quoi ? Ne me dites pas que vous… ? Non ! Si ? - Si. Les empreintes sur le mur du temple étaient les nôtres. - Racontez-moi tout. Je veux tout les détails. La voix de M. Benignus était redevenue calme et douce. Il écouta attentivement le récit des enfants qui se relayaient pour la raconter le plus fidèlement possible. Au bout d‟une demi-heure, ils se turent enfin. Après un silence où M. Benignus sembla réfléchir intensément, il dit enfin : - Je comprends. Je trouve juste dommage que ça soit tombé cette nuit. On aurait pu éviter ces pertes. Je connaissais cette histoire de livre. Je dois avouer que l‟idée que ma vie et mes actions soient dictées par un narrateur me dépasse. Ca voudrait dire que même ce que je dis en ce moment est écrit dans un livre quelconque dont vous êtes les héros. Imaginez : nous sommes là pour sauver des millions de vie pendant que des hommes lisent tranquillement cette histoire dans leur lit sans rien craindre. Il marqua une pause et reprit : Pour Gustave, je vais faire le nécessaire. Maintenant allez dormir, il n‟y a pas cours ce matin. Les enfants, exténués, dirent au revoir à M. Benignus et allèrent directement dans leur Gallice. Trop épuisés pour parler, ils se couchèrent tout de suite et s‟endormirent aussi sec. Le lendemain matin, Nicolas se réveilla plus tôt qu‟il ne l‟avait prévu. Il était à peine dix heures et les cours ne reprendraient qu‟à une heure de l‟aprèsmidi. Il s‟étira pendant de longues minutes, et ne retrouvant pas le sommeil, se leva. Il sortit de son lit en caleçon, les cheveux en pagaille, le lit encore plus. Il

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n‟avait presque pas dormi de la nuit. Il avait fait d‟affreux cauchemars et avait passé son temps à s‟éveiller. Pas réveillé du tout, il resta quelques temps assis au bord de son lit, et comme le sommeil ne revenait toujours pas, il se leva vraiment. Il contourna le lit, s‟arrêta devant la glace où il fit quelques exercices de musculation pour s‟admirer dans son adolescence et alla à sa coMmeode. Il s‟habilla et sortit. A sa grande surprise, tout le monde était déjà levé et à leurs yeux à demi clos, il en déduisit qu‟ils n‟avaient pas du beaucoup dormir non plus. -Toi aussi ? demanda Cosme avec la voix d‟un dinosaure. -Oui, vous croyez qu‟on nous a jeté un mauvais sort pour nous empêcher de dormir ? -C‟est peut être à cause du vaisseau, on est reparti ce matin. On va à Onylor, la ville de la pluie perpétuelle, dit Marine. -Tant mieux, ça commençait à être déprimant autant de soleil, dit Cosme avant de s‟écrouler sur un siège, mort de fatigue. -C‟est impossible, intervint Rémi, le vaisseau est pressurisé. Aucun risque que se soit lui la cause de cette mauvaise nuit… La matinée se passa lentement, tous comataient et firent le moins de mouvements possibles pour économiser leur énergie. Hélas, l‟heure d‟aller en cours sonna. Les enfants se mirent en route. Le chemin qui menait à leur salle de cours paraissait interminable tellement ils traînaient leur masse avec peine. Ils poussèrent enfin la porte de leur classe. Ils ne furent que moyennement surpris quand ils virent les autres élèves dans le même état qu‟eux. Même le professeur était totalement amorphe. Au tableau était écrit « étude, ne pas faire de bruit. » Les élèves, tous allongés sur leur table, passaient leur temps à se réveiller dans des soubresauts ridicules. Les enfants s‟installèrent. Cette première heure de cours de la journée fut le précurseur du reste de la journée. Seule Mme Camélia s‟épuisa à faire cours alors que tous les autres professeurs y renoncèrent. Même les fantômes semblaient touchés par ce fléau. Inquiets, les enfants allèrent trouver M. Benignus en fin de journée dans un effort surhumain. La porte était entr‟ouverte. Les enfants ne purent entrés, stoppés par une discussion qu‟ils écoutèrent malgré eux. Une première voix disait : -Si ça continue comme ça, on va tous mourir d‟épuisement. -Et même si une attaque survient, on sera trop faible pour la combattre, dit une seconde voix. -Nous n‟avons pas le choix ! dit encore une autre voix. Même les élus ne pourraient rien faire. Ils faux les envoyer dans les Contrées du Rêve pour qu‟ils permettent aux gens de dormir tranquillement sans être réveillés par d‟affreux cauchemars. -Je suis quand même embêté de les envoyer là bas, dit M. Benignus. Ca peut être dangereux quand même.

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-Nous n‟avons qu‟à le leur demander, déclara une nouvelle voix. Entrez les enfants. Les enfants, étonnés, s‟exécutèrent. Ils poussèrent la porte et se retrouvèrent dans le bureau. Ils reconnurent tout de suite l‟Erudit Manuel, un Elfe qui n‟était autre que Berwën‟Al Felgund, le père de Janis, Grégoire l‟Enchanteur ainsi que l‟espion Ludovic qui était caché dans l‟ombre et ne disait pas un mot. M. Benignus les regarda intensément. Il finit par dire : -Vous avez entendu n‟est ce pas ? demanda-t-il. Se rendre dans les Contrées du Rêve sans préparation ni initiation peut être dangereux. De plus, vous ne savez pas comment fonctionne la magie là-bas. Vous voulez y aller quand même ? -On n‟a pas trop le choix je crois ? dit Rémi en baillant. Pardon. -De toute façon, il ne peut rien nous arriver, ce ne sera qu‟un rêve, déclara Cosme. -Sache que si tu meurs dans un rêve comme celui là, tu te réveille tout de suite dans un état de choc tel que tu perds la raison à jamais. -Finalement… - Vous n‟avez pas le choix. Si vous ne le faites pas, intervint Ludovic, Onoximustros pourra alors attaquer le monde magique puis toute la planète… -Puis l‟univers, rajouta Marine d‟un air sombre. -Quoi ? Marine ne répondit rien. Grégoire s‟approcha des enfants et se mit à genoux. Il leur dit d‟un air conciliant comme s‟il parlait à des tout-petits : -Vous savez, vous n‟êtes pas obligés. On trouvera bien quelques personnes expérimentées pour y aller. Certes, ils risquent de se faire tuer d‟une horrible façon, car ils ne posséderont pas vos pouvoirs et… -Je suis peut être endormi mais je ne suis pas totalement abruti. Si tu essaies de nous faire culpabiliser ça ne sert à rien. Moi je suis du voyage, déclara Rémi. -Moi aussi, répliquèrent Marine et Cosme d‟une seule voix. Tous les regards se tournèrent vers Nicolas qui n‟avait pas dit un mot. Comptait-il abandonner ses amis et renier son destin ? -Non, il s‟est seulement endormit, rassura Marine en rigolant. -Nico ? tenta Rémi. -HE ! hurla Cosme. Nicolas se réveilla en sursaut. Il regarda autour de lui et déclara : -J‟ai fait un affreux cauchemar ! Si le truc dont vous parliez et dont je n‟ai entendu que la moitié est la seule solution, alors pas de problème ! Tout le monde poussa un soupir de soulagement devant cette déclaration. Les Élus étaient d‟attaque, prêts à se rendre dans les Contrées du Rêve. M. Benignus leur expliqua les choses. En fait, leur tache était minime. Eux, ils avaient juste à se coucher et à s‟endormir tandis que les autres s‟acharneraient dans des incantations compliquées et autres monologues et petites danses ridicules. Les enfants apprirent aussi que la magie dans les Contrées du Rêve n‟était pas la même que celle du monde éveillé. La seule magie existante était 102


celle de l‟esprit, de la volonté et de l‟imagination. Les baguettes ou les bâtons ne servaient pas à grand-chose. M. Benignus leur fit aussi promettre de ne jamais se fié à se qu‟ils verraient. Le moment était venu, M. Benignus les fient tous entrer dans une salle de son bureau camouflé derrière un panneau de sa bibliothèque. Les enfants s‟installèrent au centre d‟un cercle tracé sur le sol. Ils ne surent pas ce qui se passa après, à peine allongeaient, ils ‟endormirent comme sous l‟emprise d‟un puissant somnifère. *

*

*

- Où sommes-nous ? demanda Cosme qui se trouvait debout auprès de ses amis. -Je ne sais pas, en plus il fait plus noir que dans un four ici, râla Rémi. -Je me souviens qu‟on se trouvait dans cette salle. On s‟est allongé et… on est là, dit Marine en fronçant les sourcils, signe d‟une intense réflexion. -Je pense qu‟on doit être en train de rêver, dit Nicolas. C‟est la seule explication plausible. -Oui mais on fait quoi maintenant ? Soudain, comme pour répondre à la question posée, une lumière tamisée éclaircie l‟endroit et quatre énormes projecteurs venus d‟on ne sait où les éclaira. Les enfants clignèrent des yeux. L‟endroit où ils se trouvaient leur donnait le vertige. Ils se tenaient dans un escalier interminable qui semblait descendre vers le centre de la terre. Ni en haut, ni en bas on n‟en voyait le bout. L‟escalier était posé sur le vide, ou plutôt le néant. D‟étranges nuages effilochés de couleur variant du bleu nuit à l‟indigo flottaient paresseusement autour de l‟escalier dans un néant bleu marine qui rappelait par endroit une aurore boréale. Les enfants regardaient l‟étrange paysage avec attention. -On dirait des lambeaux d‟un brouillard arctique dans un coucher de soleil ! dit Nicolas qui se sentait l‟âme d‟un poète. -Je dirais plutôt des lambeaux de rêves moi, dit Cosme. -Bon, on fait quoi, on descend ou on monte ? demanda Marine. -On suit la pancarte, déclara Rémi on montrant un bout de bois qui flottait un peut plus loin. C‟est écrit : Contrées du Rêve, au bout de l’escalier. -Alors, on descend ! La petite troupe se mit en route, Marine en volant pour moins se fatiguer et les autres en marchant. La descente était interminable, après cinq heures de marche ininterrompue, les enfants aperçurent la fin de l‟escalier, encore quelques minutes de marche et ils y seraient. Ils accélérèrent presque involontairement le pas. Les enfants ralentirent devant deux imposantes masses sombres qui se découpaient dans le décor. Ils s‟approchèrent prudeMmeent jusqu'à se retrouver nez à nez avec deux imposantes créatures. Elles avaient les mains et le visage verts tandis que le reste de leurs corps était recouvert d‟une armure. Chacun d‟eux mesurait pas loin de quatre mètres et leur largeur était largement proportionnelle. Ils discutaient entres eux, appuyés sur une 103


gigantesque épée pour l‟un et une imposante massue pour l‟autre. Rémi du crier pour se faire entendre : -HÉHO ! hurla-t-il. Les créatures tournèrent leur hideuse tête vers eux. Malgré le dégoût physique qu‟ils dégageaient, ils n‟avaient pas l‟air méchant et même joueurs. -Oui ? demanda celui à l‟épée. Nous sommes les Gardiens des Rêves, que voulez-vous ? -Nous souhaiterions aller dans les Contrées du Rêve, dit Rémi. -Et pourquoi cela ? Vous devez pourtant s‟avoir que c‟est la guerre là bas, hein Marcel ? -Tu l‟as dit Henri ! C‟est un sacré foutoir là bas ! s‟écria celui à la massue -Justement, on nous a envoyés ici pour régler le problème… -Ah, ah, ah ! C‟est ça les secours ? T‟as vu Marcel ? -Ouais j‟ai vu Henri ! Plutôt maigrichons les renforts ! -Hé, faites gaffe à ce que vous dites gros plein soupe ! Nous sommes les élus nous monsieur ! Pas des stupides primates verts gardant une stupide porte, des Rêves en plus ! s‟écria Cosme bien réveillé. Les créatures se figèrent, elles semblaient réfléchir intensément. Tellement que les enfants finirent par avoir des doutes. -Tu y es pour quelque chose ? demanda Cosme en se penchant sur Rémi qui eut du mal à comprendre ces mots tellement il parlait tout bas. Il répondit de la même voie : -Je n‟y suis pour rien, je t‟assure ! Le silence revint un bref instant. Les statues-créatures reprirent mouvement : -Petits prétentieux, vous pouvez passer, adieux. "Henri" ne rigolait plus du tout, sa voix était devenue de glace. Les deux créatures s‟écartèrent en laissant la voie libre. Les enfants avancèrent prudemment sur le chemin, craignant à tout instant de recevoir un coup de d‟épée ou de massue. Les deux Gardiens dépassés, les enfants se retrouvèrent devant une grande arche de lumière. Ils se regardèrent perplexe. Avant même de considérer l‟arche lumineuse comme un passage potentiel, la massue du Gardien les projeta violemment dans le passage d‟un coup dans le dos. Les enfants poussèrent un cri de douleur. Ils se retournèrent pour faire face à leur agresseur, mais la seule chose qu‟ils virent ce fut une arche lumineuse. Plus aucune trace de l‟escalier. Ils se trouvaient à présent dans une grande plaine entourée de forêts. Au loin se découpaient des montagnes effilées -presque aiguisées- qui semblaient protéger de leurs obscures murailles un monde sombre et torturé. Derrière siégeait sûrement le Plateau de l‟Ungrie, territoire des cauchemars et de l‟horrible. Les enfants voyaient devant, sur une bute, une ville fortifiée entourée d‟une haute muraille. Elle était si lointaine qu‟elle semblait toute petite. -On y va ? demanda Cosme.

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-Mais il doit y avoir plusieurs jours de marche pour aller là bas ! se plaignit Marine. -On n‟a rien d‟autre à faire, et de toute façon, une semaine ici équivaut à peine une heure dans le monde réel alors… -Je vois que tout le monde est contre moi ! déclara Marine visiblement indignait. Elle se mit à marcher droit devant d‟un pas décidé pour semer ses examis. La colère l‟aveuglait tellement qu‟elle trébucha et s‟écroula de tout son long sur le sol. Les enfants accoururent. -Ca va ? demandèrent-ils. -Oui, le sol est aussi doux qu‟un matelas, c‟est…surprenant. Mais je ne comprends toujours pas pourquoi j‟ai trébuché… - Je ne sais pas mais c‟était rigolo ! dit Nicolas en pouffant de rire. Aïe ! Pourquoi tu m‟as frappé ! -Regardez ! s‟exclama soudain Cosme. La ville a disparu ! Les enfants levèrent les yeux vers l‟horizon, plus rien ne ressemblait à une ville. Devant eux s‟étendait une forêt à perte de vue, sans le moindre signe d‟habitation quel qu‟il soit. Ils se retournèrent est virent avec stupeur que la colline et la ville fortifié était au loin, derrière l‟arche de lumière. Rémi fut prit d‟un terrible doute. Il s‟agenouilla et se mit à marcher à quatre pattes. -Tu fais quoi Rémi ? Tu compte aller jusqu‟à la ville à quatre pattes ? se moquèrent Cosme et Nicolas pendant que Marine les regardait de travers. -Ne dites rien et avancez doucement en regardant par terre. Tout de suite ! Les enfants s‟exécutèrent et se retrouvèrent par hasard devant une toute petite butte sur lequel se trouvait la fameuse ville fortifiée. -C‟est sa taille qui nous donnait l‟impression qu‟elle était loin, en faite, c‟est Marine qui la trouvée en trébuchant dessus. -Je l‟ai fait exprès, se vanta-t-elle. Soudain, la ville se mit à grandir, grandir ! Les murs qui s‟élevaient à une vitesse folle donnèrent le tournis à Nicolas qui recula d‟un pas. La ville, en quelques secondes avait repris sa taille normale –à moins que ce ne soient les enfants qui aient rétréci– et montrait de hautes murailles. La seule chose qui en dépassée était un formidable donjon médiéval. La lourde porte devant laquelle ils se trouvaient était une porte en bois grossièrement taillée qui était a priori la seule porte pour entrer. Un homme en armes, sûrement un chevalier, apparut. Il regarda inquiet Rémi qui avait son nez au niveau de ses bottes, toujours à quatre pattes. Il se releva et frotta ses habit d‟un air digne. Le chevalier pris la parole : -Vous désirez entrer ? -Oui, nous sommes confus et… -N‟êtes vous point des monstres ? demanda-t-il soudainement. -Quoi ? Qui ? Nous ? Non, nous sommes des humains…Juste un peu sorcier en fait.

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-Cela suffit, vous pouvez entrer, les pressa-t-il. Quatre nouveaux sorciers ne seront point de trop pour protéger notre cité. Vous ne devez point savoir à quel désarroi la populace est collationnée. -Euh… je ne suis pas sûr… dit prudemment Rémi. -Les monstres ont quittés le Plateau de l‟Ungrie et maintenant ils contrôlent toute la Contrée du Rêve. Nous subodorons que cela ne durera point. Cela ne se peut ! Que Dame la Mort vienne me prendre si je faiblis !... Mille donjons ! Ils arrivent ! cria le soldat en regardant l‟horizon. Entrez vite ! Les enfants eurent à peine le temps de jeter un coup d‟œil en arrière avant d‟être propulsé avec force dans la ville. Le garde se précipita sur une énorme poulie autour de laquelle était entourée une lourde chaîne. Il coupa la fine corde qui la retenait et en quelques secondes la poulie s‟emballa relâchant toute la chaîne qui ferma une lourde grille qui tomba de la muraille et se planta dans le sol de plusieurs centimètres. -Mille dragons ! cria le chevalier, j‟ai omis de fermer la première porte ! Son regard se tourna soudain vers les enfants. -Vous êtes sorciers ! Enclosez les portes avec vos pouvoirs ! Je vous en conjure ! -C‟est que… nous ne sommes que des apprentis et… -Cela n‟est point important, essayez ! Les enfants, devant l‟insistance du chevalier se dirigèrent vers la grille. Ils prirent une profonde inspiration et ils se dirent à voix basse : -Tout ce qu‟il faut faire c‟est faire marcher son imagination. Si on se concentre suffisamment sur une image fictive de notre imagination, celle-là apparaîtra. Il ne faut pas oublier que ce n‟est qu‟un rêve, comme tous les rêves on le modifie et le crée à sa guise. Une fois ce petit cours terminé, les enfants se tournèrent vers la porte. Déjà le panache de fumée crée par les monstres sortant de la forêt se rapprochait et n‟était plus très loin. Les enfants, chacun en silence, se concentrèrent sur la porte grande ouverte. D‟abord se fut un vent faible puis se fut un vent plein de couleurs et d‟étincelles qui se mit à tourner autour des enfants les cheveux dans le vent. Puis, un mur se créa derrière les grilles. Le mur était bien évidemment de quatre épaisseurs. La première était celle de Nicolas. Un imposant mur composé de plantes étroitement mêlées les unes aux autres avait poussé, le rendant très solide et à toutes épreuves (sauf le feu peut-être). La seconde, celle de Cosme, était composée d‟un petit cocktail de plusieurs sorts, rendant son mur translucide et piégé. Le traverser serait synonyme de recevoir sur soi des sortilèges fulgurants. Il faudrait plusieurs heures à M. Benignus pour tous les briser. Le troisième était celui de Rémi. C‟était simplement une seconde grille qui avait en plus des pointes empoisonnées et qui était d‟une solidité à toute épreuve. Le dernier était celui de Marine. Il était fait d‟un métal semblable à celui du vaisseau. En voyant le résulta, le chevalier tomba à genou et se mit à pleurer de joie. Il dit d‟une voix entrecoupée de sanglots : 106


-Merci. Je vous suis reconnaissant. Sans votre intervention fortuite les monstres seraient déjà entrés et la moitié de la ville serait rasée. Le chevalier était encore à des pleurnicheries et autres remerciements quand, attiré par la foule qui s‟était formée autour d‟eux, le Maire arriva. -Que se passe-t-il ici ? Quelles sont ces nouvelles fortifications? Avant que quiconque n‟ait le temps de répondre, il devina que c‟était les enfants qui en étaient l‟origine. Il leur ordonna de le suivre d‟une voix autoritaire et parti à grand pas. Les enfants durent courir pour le rattraper. La ville et ses habitants étaient semble-t-il du moyen âge. L‟iMmeense agglomération avait de nombreuses terrasses baignées d‟un soleil de plomb, de larges avenues ensoleillées et de grandes maisons bourgeoises. Les enfants eurent à peine le temps de contempler le fabuleux marché qui s‟étendait sur plusieurs pâtés de maisons au centre même de la ville. Une telle folie et une telle confusion régnaient dans ce lieu en pleine effervescence que les enfants faillirent perdre l‟homme qui s‟était présenté comme le Maire. Soudain, sans que rien ne puisse le prévoir, les enfants se retrouvèrent devant un si grand et si blanc palais qu‟ils ne pouvaient le voir en entier d‟un seul coup d‟œil alors qu‟ils étaient encore à plus de six cents mètres. Il était tout de marbre blanc avec des dorures très minutieuses et de statues colossales. Le "Maire" prit enfin la parole : -Ceci est le Palais Céléphin. Il fut édifié avec des pierres provenant des rêves de Zanarkane. Le plus grand rêveur que l‟on ait jamais connu ! s‟empressa-t-il de rajouter. -Quand je pense qu‟il y a un tordu qui a écrit et imaginé tout ça ! dit Cosme pour lui-même. -Quoi ? demanda le Maire. -Hein ? Non, rien… Pourquoi on va là ? -C‟est ici que règne le Roy de notre pays : Bidane. -Le roi Bidane ? demanda Nicolas le sourire aux lèvres. -Oui, il nous attend. Faites attention à ne point choir à cause de cette vilaine marchette, dit il en leur montrant une petite marche à l‟entré d‟un passage secret. Les enfants suivirent le Maire jusqu‟à une étroite porte. Il l‟ouvrit et entra suivi des enfants. Ils se retrouvèrent dans une immense chambre royale meublé d‟un lit tout bleu et d‟un papier peint orange qui rendaient l‟ensemble tout simplement hideux. Les meubles étaient richement décorés et sculptés avec une infinie précision. Au milieu de la pièce, ils virent un homme richement habillé avec une gigantesque couronne sur la tête, tellement grande qu‟elle semblait tasser la tête du roi sur son corps, supprimant ainsi son cou. Par terre, les enfants aperçurent un jeune garçon en barboteuse rose la tête baissée en signe de résignation devant son roi, avec à la main un grand biberon. Le roi s‟énerva contre le pauvre malheureux : -Tu ne me distrais plus du tout bouffon. Pour cela je vais te châtier. Ton châtiment sera de marcher entièrement nu dans les orties que voila ! 107


Le roi brandit son doigt vers un bout de forêt où se trouvait un tapis impressionnant d‟orties. Les enfants retournèrent la tête vers le roi et son bouffon qui avait relevé le visage avec un air de supplication, les larmes aux yeux. Les enfants ne purent camoufler leur stupeur : là, devant eux, se trouvait Cyril en barboteuse rose bonbon avec un biberon. Les enfants n‟eurent pas le temps de réagir que déjà Cyril était nu en train d‟avancer vers les orties. Au premier pas, il se mit à sautiller en poussant des petits cris de douleur. -Silence pouilleux ! rugit le roi. Aussitôt, Cyril se tut comme un petit chiot obéissant et soumis. Devant le ridicule de la scène, les enfants se mirent à rire aux éclats. Cyril releva sa tête devenue livide et se rendit enfin compte de la présence des enfants. Il disparut soudain. -Ca a du être un réveil pénible, murmura Marine. -Il s‟est éveillé, exact. A vous, dit le roi en se tournant vers les enfants. On dit que vous êtes de puissants thaumaturges. On avait bien besoin de vous. On ne peut plus dissimuler la situation à la populace. Cette situation ne nous sied plus. La guerre doit finir. - Je ne suis pas sûr que se soit une bonne idée… -Que nenni ! Vous partirez en montgolfière vers la forêt, aux pieds des montagnes. C‟est là-bas que quelqu‟un a planté les Plantes Cauchemars. Ces plantes permettent aux monstres de quitter le Plateau d‟Ungrie. Elles se développent si vite que la forêt est en train d‟être asphyxiée. Il faut que vous les abattiez ! -Mais comment ? demanda Rémi. -Il vous faut les saupoudrer de Lumière d‟étoile. -C‟est tout ? demanda Cosme incrédule. -Oui. Présentement partez. Le roi tourna les talons et passa à travers le mur voisin. Les enfants se retournèrent pour discuter entre eux et ils se retrouvèrent d‟un coup sur une montgolfière qui était déjà bien loin du la fière citée. -Je déteste la logique des rêves, bougonna Nicolas. -Quelle logique ? demanda Marine résignée. Plus le ballon s‟enfonçait au dessus de la forêt, plus les nuages se faisaient menaçants et le ciel s‟assombrissait. Nicolas fut parcouru de frissons. Sous leurs pieds, la forêt était devenue sombre et infestée de monstres hideux et de plantes carnivores d‟où sortaient encore plus de monstres. Soudain, Marine poussa un cri suraigu qui vrilla les tympans des enfants. Le sweat-shirt de Nicolas c‟était transformé sous leurs yeux horrifiés en une répugnante créature de la même texture que le démon qu‟ils avaient tué. Nicolas se mit à tituber, brûlé par les sucs de la créature entourée autour de lui. Rémi bloqua la scène. La créature ne bougeait plus, privant Nicolas qui était toujours libre de tous ses gestes. Il se mit à gesticuler en poussant des cris.

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-De toute façon on ne peut rien faire tant que cette chose est bloquée. Vous êtes prêts ? Un, deux, trois ! A toi Rémi ! Rémi fit le geste naturel pour la débloquée mais il ne se passa rien de tel. La créature poussa un cri étouffé et se transforma en cendre, comme ça, sans même avoir était brûlée. Les enfants restèrent un moment à regarder le torse maintenant nu de Nicolas, comme sous le choc. -C‟est quoi tes pouvoirs divins déjà ? demanda Cosme. -Le feu et la mort. -Et bien tu lui as ôté la vie d‟un coup, conclut Marine qui avait compris à son tour. -Tiens Nicolas, prends mon pull, tu va attraper froid à rester torse nu. Nicolas prit le pull de Rémi et l‟enfila. Le ciel fut alors zébré par d‟étranges éclairs venant du bas. -Ce sont les monstres qui nous tirent dessus ! s‟écria Marine. Prenez les sacs de Lumière d‟étoile et ouvrez les, il faut les verser sur la forêt vite ! Les enfants se ruèrent sur les petits sacs qu‟ils trouvèrent et se mirent à en déverser le contenu sur la forêt. Il en tombait une douce lumière ambrée et tamisée comme si une myriade d‟étoiles tombait sur terre dans la nuit d‟un noir profond et sans lune. C‟est alors qu‟un grand bruit éclata : un projectile des monstres avait finalement eut raison de la montgolfière. Les enfants se mirent à tomber comme des pierres lâchées à plus de deux cents mètre du sol. Cependant, la chute ne dura pas plus de quelques secondes. Ils s‟écrasèrent sans encombre dans une clairière de la forêt avec un bruit sourd. -Je croyais qu‟on était plus haut que ça, s‟étonna Cosme. -Mais on était plus haut. La logique onirique a encore frappé, expliqua Rémi. -Et cette fois j‟en suis content ! déclara Nicolas. -Ne restons pas ici ! s‟écria Marine qui voletait à quelques mètres du sol. Les monstres arrivent. Les enfants, pris de panique, se mirent à courir dans la forêt. Comme dans un cauchemar, ils avaient la désagréable sensation que la lisière de la clairière s‟éloignait au fur et à mesure qu‟ils s‟en approchaient. Ils enfants se mirent à courir plus vite tandis que les monstres avançaient à grands pas : ils couraient au ralenti tandis que leurs poursuivants allaient les rattraper ! Nicolas trébucha sur le nœud d‟une racine et s‟étala par terre de tout son long. Les monstres arrivaient sur lui, lorsque que la pluie inespérée de Lumière d‟étoile leur tomba dessus. Cosme se réveilla en nage et moite. Il s‟était redressé d‟un coup sec comme s‟il émergeait d‟un terrible cauchemar. Il tourna la tête encore tout essoufflé et vit ces trois amis dans le même état que lui. Dans un coin, Asmodée, Marial et Janis attendaient leur retour dans le monde réel. Tout ceux qui les avait endormis était là aussi, le visage fermé. M. Benignus remua à peine les lèvres pour dire dans un murmure : -C‟était une diversion… un autre cristal a été détruit. Plus que deux et le continent sera visible du monde entier. 109


Les enfants restèrent choqués. Toutefois, leurs amis s‟était endormis paisiblement dans le coin de la pièce. Leur mission avait été un succès, les humains pouvaient désormais dormir comme des bébés. *

*

*

Après avoir raconté en détail leur aventure, les enfants purent enfin dormir en paix. Ils se promirent de retourner aux Contrées du Rêve un jour, quand tout serait fini. Ils se réveillèrent bien plus tard dans la journée, en même temps que tous leurs compagnons qui étaient bien trop fatigués pour s‟être rendu compte de leur absence. Juste à ce moment la déclaration de M. Benignus retentit dans les hautparleurs magiques du vaisseau. Tou, tou, tou ! Trille ! « Bonjour les enfants. Comme vous avez pu le constater, nous avons brisé le maléfice qu‟un petit malin nous avait jeté. Vous pouvez dormir tranquille à présent. Pour fêter ça, nous allons faire une halte à la ville Carmone. Cette ville-cascade est sur notre route pour Onylor. Par conséquent on n‟aura pas plus d‟une journée de retard sur le planning. Nous y serons juste pour voir le spectacle de sons et lumière qui aura lieu sur les ponts qui enjambent les fleuves. J‟espère que ça vous plaira. » Tou, tou, tou ! Trille !

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IX Déclaration

L

e reste du voyage se passa sans soucis. Tout semblait être rentré dans l‟ordre. Pourtant, les enfants ne pouvaient sortir de leur tête l‟impression d‟avoir échoué. Ils avaient certes empêchés que le monde ne soit à jamais insomniaque mais cette épreuve avait causé la perte d‟un cristal, vital pour la survie du monde magique. -Ce n‟est pas de votre faute, essayait de leur faire comprendre Janis, vous ne pouviez pas deviner. -Mais si ! C‟était trop facile, on aurait dû se douter de quelque chose ! Asmodée, Janis et Martial avait beau faire tout ce qu‟ils pouvaient pour leur remonter le moral, les enfants déprimaient. Le vaisseau fit alors un mouvement de retournement que les enfants ressentirent. -C‟est pas normal, dit Asmodée songeuse, le vaisseau fait sans cesse des manœuvres et nous ne ressentons jamais rien… -Ce qui veut dire… commença Nicolas. -Qu‟on est arrivé à Carmone ! finit Martial enthousiaste. Les enfants se précipitèrent vers les murs transparents du vaisseau où une foule d‟élèves perspicace était déjà agglutinée. Les enfants se trouvèrent une place de choix et regardèrent la ville-cascade de Carmone. La ville avait été construite sur les fleuves Bidan et Gienne à l‟endroit même où ils se rassemblaient pour donner naissance au fleuve Danoa qui était un affluent de la Mer Intérieure (sorte de grand lac au centre de l‟Atlantide). Leur rencontre avait donné lieu à une fantastique suite de cascades plus grandes encore que les chutes du Niagara. Une ville s‟était posée là, sur de gigantesques ponts ou dans les airs. La ville était haute en couleurs, tout de bleu océan et de rose corail. Les reflets miroitants de l‟eau donnaient du mouvement à la ville qui étincelait de mille feux. Les enfants descendirent et à peine la porte du vaisseau ouvert, une avalanche de gouttelette d‟eau vaporisée par les cascades vinrent leur fouetter le visage en créant de somptueux arc-en-ciel. La ville était magnifique, les grandes avenues étaient de gigantesques ponts transparents par endroit. Chaque grand pont était relié par de plus petits ponts qui ne soutenaient que quelques maisons. Tout le monde avait l‟air heureux et aucun stress ni aucune voiture ne circulaient dans cette ville entièrement piétonne. De nombreuses villas bordaient les riches avenues et flottaient dans le ciel projetant sur la ville de petites ombres

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mouvantes. Tout prenait dans ce petit havre de paix une teinte bleutée à cause du soleil reflété sur les cascades qui crée de toute part de fantastiques arcs-en-ciel. -Regardez moi ces écharpes de Vénus ! s‟écria M. Benignus. Remarquez, on peut aussi dire « écharpes d‟Iris » ou encore « arcs-en-ciel », bien sûr. -Monsieur, intervint Mme Contortine, il faut les envoyer se préparer pour ce soir. C‟est à peine dans trois heures… -C‟est vrai ! J‟allais le dire, merci Mme Contortine. Les enfants, dit-il d‟une voix forte pour se faire entendre de tous les élèves, ce soir ça va être la fête ici, par conséquent, je vous donne le reste de la journée pour vous préparez. Habillez-vous bien, en gacème ou pas, mais habillez-vous bien. Faites honneur à notre école ! Les élèves explosèrent de joie et tout de suite, ils se séparèrent aussi vite que si leur vie en dépendait. Les enfants se regardèrent perplexe. -On fait quoi ? demanda Cosme. -Je sais pas pour vous mais nous on va faire les boutiques ! Asmodée, Janis et Marine s‟éloignèrent bras dessus bras dessous en gloussant. Les garçons les regardèrent partir avec étonnement. Jamais elles n‟avaient porté le moindre intérêt à se genre de chose. Un silence s‟installa. -On retourne au vaisseau ? finit par dire Cosme. -C‟est la meilleure solution, confirma Nicolas. Les garçons se mirent donc en route pour retourner à leur Gallice. Ils entrèrent sans bruit mais déjà la gaîté avait repris le dessus et ils oublièrent tous leurs problèmes. Martial alla chercher ses affaires qui se trouvaient dans sa propre Gallice et revint en faisant voler à quelques mètres du sol un petit tas d‟affaires. Il le fit s‟écraser au centre de la pièce et ferma la porte. -Je vais vous montrez comment les sorciers savent être chic ! dit-il. -Et nous on va te montrer comment les gacèmes savent être séduisant ! Les garçons se retrouvèrent vite en sous vêtements en train de crapahuter dans tout les coins à la recherche du vêtement qui leur irait le mieux. Au bout de deux heures et demie, les garçons étaient fins prêts. Martial avait mit une robe de sorcier vert émeraude aux étranges reflets bleus qui mettait en valeur ses cheveux blonds et qui s‟accordait parfaitement avec ses yeux verts, un sourire charmeur aux lèvres. Rémi portait un jean moulant délavé avec une fine ceinture de cuir noir à boucle argentée, une chemise noire prêt du corps légèrement ouverte avec de petits motifs blancs, une chaîne autour du cou, ses cheveux bouclés avaient même été coiffés avec du gel à Cosme. Ce dernier avait mit un jean large, un t-shirt serré pourpre à manches longues avec sur l‟épaule tigre noir stylisé. Il avait coiffé ses cheveux en brosse avec du gel et il avait aussi mit sa gourmette où son nom était fièrement gravé ainsi que l‟anneau runique qu‟il avait reçu à Noël. Nicolas avait mit un pantalon en toile, un polo bleu sur un tshirt blanc nacré et lui aussi avait mit sa gourmette. -Alors, qui c‟est le plus beau ? demanda Martial arrogant.

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Les garçons se regardèrent en passant à côté de Martial et en sortant déclarèrent : -C‟est nous, désolé vieux. -C‟est pas vrai ! dit Martial indigné en les rattrapant. -Pense ce que tu veux, mais tu vois ces filles que l‟on vient de croiser ? dit Cosme en montrant un groupe de fille qui c‟était mit à glousser sur leur passage. -Oui… -Et bah tu as ta réponse ! C‟est nous qu‟elles regardaient, pas toi. -On va voir ça…Bonjour, dit-il à un autre groupe de jeunes filles qui était sur leur chemin. Celles-ci répondirent un petit « bonjour » en pouffant de rire et en rougissant. Martial regarda ses amis avec un sourire triomphant : -Que voulez-vous, c‟est le charme des blonds aux yeux verts ! Les garçons étaient toujours à parler de qui était le plus séduisant lorsqu‟en sortant du vaisseau ils tombèrent nez à nez avec leurs amies. Ils mirent un certain temps à réagir devant les filles qui s‟étaient faites somptueuses. Asmodée avait une robe de sorcière rosée serrée à la taille sans manche et avec un petit décolleté, et son épaisse tresse qui était habituellement grossière avait été refaite. Elle était plus fine, plus légère et elle prenait naissance sur le dessus du crâne. Marine avait mis un débardeur moulant et un jeans tout aussi moulant. Janis portait une superbe robe de soirée bleue à paillettes. Toutes les trois s‟étaient maquillées et Janis avait fait de son mieux pour arranger ses cheveux turquoise et faire ressortir ses yeux rose. Marine avait eu recourt à de la magie pour se faire pousser les cheveux qu‟elle avait habituellement au carré. Elle les portait maintenant aux épaules et légèrement ondulés et s‟était faite quelques mèches plus claires. -Alors ? Vous en dites quoi ? demandèrent-elles. -Splendide, dit Martial en prenant Marine par la main. Tu m‟accompagnes ? -Oui, répondit Marine en rougissant légèrement. Avec joie. Marine et Martial s‟éloignèrent donc ensemble vers les ponts où devaient se trouver le spectacle de sons et lumières. -Et vous ma douce Janis, dit Cosme, seriez ma cavalière pour ce soir ? -Bien sûr, répondit elle en rougissant légèrement. -Tu vas rendre toutes les autres jalouses, c‟est sûr, lui dit Cosme en s‟éloignant à son tour. -Asmodée, je suis content que la plus belle soit restée. Veux-tu venir avec moi ? - Avec plaisir Rémi, répondit-elle un sourire aux lèvres qu‟elle ne pouvait réprimer. -Et moi alors ! dit Nicolas en voyant partir le dernier couple. C‟est malin… *

*

*

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Le spectacle allait bientôt commencer. Marine avait emmené Martial dans un petit coin qu‟elle avait découvert lorsqu‟elle cherchait des magasins de vêtements. C‟était un tout petit pont qui n‟était plus en service et interdit à la circulation pour la soirée, craignant que trop de monde ne le fasse s‟écrouler. Ils avaient passé les barrières magiques en volant par-dessus grâce à Marine et s‟étaient retrouvé comme seuls au monde, perdus dans un décor de rêve. De là où ils étaient ils pouvaient voir les magnifiques et spectaculaires chutes de Danoa d‟où allait être tiré le feu d‟artifice. En dessous d‟eux se trouvaient le fleuve qui était secoué de violents tourbillons à cause des chutes. Cependant la magie faisait que le vacarme qu‟elles auraient dû faire était presque inexistant. Aucune installation atlante n‟avait été faite à cet endroit et la vue n‟était qu‟améliorée de voir la ville illuminée pour l‟occasion au loin derrière les cascades. Le spectacle commença. Une musique se fit, puis les premiers feux d‟artifices furent tirés. Martial ne retint pas grand-chose du spectacle car il le suivit émerveillé dans les yeux de Marine qui le reflétaient. Le spectacle fut pourtant impressionnant, des fusés étaient mêmes tirées sous l‟eau qui se mettait alors à briller de mille feux. Une fusée partit de sous l‟eau prit la forme d‟un dragon d‟étincelles qui jaillit dans un gerbe d‟eau et s‟envola haut dans le ciel avant d‟exploser une dernière fois d‟ans une myriade de couleurs. Martial ne s‟en rendit même pas compte, comme hypnotisé par le moindre geste de Marine. Le spectacle était commencé depuis presque une heure quand Marine se rendit compte de l'attention que lui portait Martial. -Qu‟y a-t-il? demanda-t-elle. -Je ne m‟étais jamais rendu compte à quel point tu étais belle. -Moi, répondit elle en baissant la tête, ça fait longtemps que je me suis surpris à rêver de tes grands yeux verts. -C'est vrai? demanda ce dernier. -Ca ne fait pas longtemps en fait, mais assez pour faire ce que je vais faire. Marine, sans laisser le temps à Martial de réagir, avança le cou et l'embrassa. Martial ne mit pas longtemps à le lui rendre. Marine ne vit pas non plus grand-chose de la fin du spectacle. Même le bouquet final qu'on pouvait pourtant voir à plusieurs kilomètres à la ronde lui parut bien fade devant ce qu'elle vivait. Jamais elle n'avait ressentit une telle passion pour quelqu'un. Elle aurait voulu que cet instant dure toujours. Le feu d'artifice se finit en une apothéose de sons et de couleurs et le couple du prendre la direction du vaisseau. En chemin ils retrouvèrent leurs amis qui avaient encore les yeux emplis du feu d'artifice qu'ils venaient de voir. -Où étiez vous passés ? demanda Cosme en les voyant. -C'est vrai, dit Nicolas, on vous a longtemps cherchés avant d'abandonner. -On avait trouvé un petit coin sympa alors on s'y est installé. Les enfants comprirent en remarquant qu'ils se tenaient par la main. Ils commencèrent à les asticoter durant tout le chemin qui menait au vaisseau puis ils les félicitèrent. Ils allèrent directement dans leur Gallice respective une fois 114


arrivé. Rémi dut utiliser le sortilège de la langue plombée pour empêcher Marine de chantonner de bonheur. La nuit se passa sans encombre mais elle fut bien courte. La fête continua dehors dans la ville pendant toute la nuit ce qui en empêcha plus d'un de dormir. Ahuri, que les garçons avaient emmené voir le spectacle de sons et lumières avec la permission d‟Asmodée, ne cessa de couiner en dansant dans les airs durant toute la nuit, faisant luire son diamant projetant sur les murs de magnifiques variantes de rouge. A leur réveil, le vaisseau était déjà parti vers Onylor. -Saviez-vous que Onylor est une ville importante de l'Atlantide? déclara M. Lignol lors du cours de Géogamagie. Cette ville est une ville « élément ». Vous ne trouverez là-bas que des temples en l'honneur d‟Aloubax, dieu des eaux et de la foudre. Une pluie sans fin tombe en permanence sur la ville. Plus ou moins orageuse, chaude ou encore drue. Les Atlantes y vivant depuis plusieurs générations ont évolué jusqu'à avoir une peau imperméable et luisante. Cependant, l'arrivée d'un si gros vaisseau comme le notre dans l'écosystème d‟Onylor –aussi appelé Onyloroise– risque d'être perturbé. Il est possible que la pluie s'arrête de tomber pendant quelques heures environ. Cette ville a joué un rôle très important dans la révolution culturelle de -1 365 (date européenne). Cette ville a servi comme tête dans leur révolution aux partisans du NC (Nouveau Culte). Puis, c'est la ville d‟Awrante qui fut utilisée par les évolutionnistes. Effectivement, cette ville est perdue dans la plus grande forêt de continent, (1 250 Hectares environ). Cette forêt, en une nuit, s'est divisée en quatre parties. Un quart de la forêt est perpétuellement en hiver, un autre en été, un autre en automne et le dernier au printemps. Au centre se trouve un arbre qui se trouve au centre de la ville et qui représente les quatre saisons en même temps. Cet arbre est magique et parle. Il réclame des offrandes aux nouveaux venus. La ville, qui est un important site de pèlerinage, a connu un grand essor qui fait d'elle l‟une des plus grandes villes du continent. Nous visiterons la "Forêt des saisons perpétuelle" et Awrante juste après Onylor. C'est depuis cet événement du 4 avril -365 (14 feloras 4 170 pour les Atlantes) que la religion des Quatre fut adoptée par l'ensemble des Atlantes. Le premier temple fut bâti à Polazac…. La cloche sonna la fin des cours. Les enfants rangèrent leurs affaires et sortirent en se bousculant et en riant. -N'oubliez pas de regarder notre arrivée à Onylor ce soir à dix-neuf heures ! cria M. Lignol que plus personne n‟écoutait. Cependant, les enfants et tous les élèves ne purent louper l'arrivée à Onylor tellement M. Lignol hurlait dans les haut-parleurs (d'excitation mais aussi car il croyait que sinon personne ne l'entendrait). De loin, on aurait dit qu'un épais brouillard enveloppait la ville. En réalité c'était la pluie qui tombait de l'unique nuage du ciel atlante qui rendait la ville trouble.

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X Mort Sanglante

L'

imposant nuage qui flottait au dessus de Onylor pleuvait drue sur la ville. Elle semblait triste mais plus ils s'approchaient, plus ils sentaient que cette ville était gaie derrière cette tristesse apparente. La pluie aussi diminuait en même temps que le vaisseau approchait. Comme l'avait dit M.Lignol, la pluie s'arrêta dès leur arrivée. Le nuage était pourtant bien là, mais un temps orageux s'était installé. Les enfants sortirent du vaisseau comme à leur habitude. La ville était toute grise, les ruelles toutes petites et les maisons si proches que les toits se touchaient à certains endroits. La pluie ruisselait encore sur les murs et les trottoirs. A leur grand étonnement, l'air était lourd et ils eurent vite chaud. Les enfants se mirent à vadrouiller dans la ville quand un jeune Atlante les aborda. - Bonjour, dit-il. Vous êtes les Français? Moi je m'appelle Brice. L'Atlante devait avoir leur âge. Il avait la peau grise et luisante, un peu argentée, de profonds yeux gris et des cheveux jaune paille presque gris. Il était –ô grande surprise!– habillé tout de gris. Il avait un sourire radieux et accueillant. -Oui, nous sommes les Français, répondit Cosme. Tu es d'ici ?... Question stupide, dit il à lui-même. Moi je m'appelle Cosme. -Moi c'est Janis. -Moi je suis Rémi. -Et moi Nicolas et le couple là c'est Marine et Martial. -Quant à moi je suis Asmodée. -Enchanté! dit Brice apparemment très content. Comment vous trouvez la ville ? -Très intéressante, déclara Asmodée. Les techniques que vous avez développées pour vous protéger de la pluie sont très intéressantes. -Oui, c'est ça, dit Brice perplexe. Bon bah, il faut que j'y aille. A plus… -Je suis entièrement d'accord! déclara Nicolas…COURS ! Les enfants se mirent à courir le plus vite possible pour semer Asmodée qui leur courait après en leur lançant des sortilèges. Elle mettait un point d'honneur à ne jamais utiliser deux fois le même sort. Malheureusement, elle connaissait tellement de sorts qu'elle immobilisa tout le monde au bout de dix minutes de course. Leur course poursuite les avait menés devant ce qui ressemblait à un cinéma. -On y va? demanda Brice.

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-On a quatre heures de libre devant nous alors je pense qu'on a le temps, dit Rémi. - Je ne suis pas sûr que se soit une bonne idée, dit Martial, ça marche avec de la science je crois… Asmodée eu un frisson: -Ne prononce pas ce mot: "science". C'est choquant. Je préfère dire, heu… phénomène de magie naturelle ou expérience para-magique. -Ca ne va pas dans ce cas. A la limite, tu pourrais dire phénomène de mécanique non-magique. Le cinéma n'est pas naturel… -Je sais pas… -Allez Asmodée! dit Martial. Je ne suis jamais allé au cénéma… -Cinéma. -… au cinéma et j'aimerais bien le faire au moins une fois avant ma mort! De toute façon tu ne risques rien. -Bon d'accord, fini par accepter Asmodée à bout d'argument. -Ouais ! crièrent les enfants d'une même voix. Les enfants sortirent du cinéma deux heures et demie plus tard. Ils furent sidérés par le film. -Je n‟ai jamais rien vu de tel. C'est mieux fait que Matrix ton truc! s'extasièrent les enfants. - Je ne sais pas ce que c'est "Matrix", dit Martial. Mais je crois que je vais y aller plus souvent au cinéma moi. -Je suis d'accord, toutes les choses qu'on dit sur les films et le cinéma sont fausses. C'est trop, trop bien. -Content de te l'entendre dire Asmodée, dit Cosme. - On ne voie même pas les effets spéciaux, c'est trop bien fait! -C'est normal Nicolas, dit Brice, il n'y en a pas. -Ouah. Ils font vraiment tout ça? demanda Rémi. -Bien sûr… - Attendez-moi là, dit Martial. Je vais nous chercher des glaces, j'ai vu une boutique qui en vendait un peu plus loin. -Ne me laisse pas, se plaignit Marine en le retenant par la main. -Je n'ai pas l'intention de mourir ou de me perdre, déclara Martial. Allez, à tout de suite, je t'aime. Martial partit en courant et disparut au coin de la rue. L'orage grondait, les enfants étaient moites à cause de la lourdeur du temps et aucune goutte ne semblait vouloir venir. -Il va bientôt pleuvoir ? demanda Janis, ce temps me fatigue comme ce n'est pas permis. -Non, ça ne devrait plus tarder, moi aussi je commence à fatiguer. Je suis en train de me dessécher sans pluie moi, se plaignit Brice. -Il en met du temps pour aller chercher quelques glaces, dit Marine qui ne suivait pas la conversation. 117


-Ne crains rien, il va bientôt arriver. Assura Rémi. -Et si on allait à sa rencontre, proposa Asmodée, ça nous rapprochera du vaisseau. Les enfants acceptèrent et se mirent en route tout en plaisantant. Pourtant, le spectacle qui s'offrit à eux au coin de la rue n'avait rien de drôle. Au milieu de la route, un corps mutilé étalait ses entrailles à ciel ouvert. Ils reconnurent les vêtements de Martial. Marine se mit à courir, suivie de ses amis en murmurant pour elle-même des faible "non" comme pour se rassurer. Elle tomba à genoux. Elle regardait le corps de son ami. De grosses larmes qui coulaient le long de sa joue. On aurait dit qu'elle se retenait de pleurer. Elle avait aimé Martial d'un amour vrai, d'un amour passionné et admiratif. Elle aurait voulu l'embrasser, déposer un dernier baisé sur ses lèvres de mort mais, aussi sordide soit-il, il n'avait plus de tête. Cosme s'approcha et s'agenouilla près d'elle. Il mit sa main sur son épaule en signe de compassion. -Oh, Cosme! s'écria-t-elle en plongeant dans l'épaule de son ami. C'est là que Marine craqua. Elle se mit à pleurer comme une enfant. Ses larmes ne tardèrent pas à traverser le fin tissu du t-shirt de Cosme. Il lui frottait le dos en signe de réconfort. Il souriait. Un sourire plein de tristesse et de compassion pour Marine qui pleurait la mort de son petit ami. Elle, elle ne cessait de répéter que ce n'était pas juste, de demander pourquoi. De temps en temps elle frappait la poitrine de Cosme. Elle était en colère contre le destin, contre la vie. Rémi s'approcha d'eux. Lui aussi avait l'air abattu, triste. -S'il te plait, va chercher les autorités locales et M. Benignus. Rémi accepta et s'éloigna avec Nicolas, Asmodée, Brice et Janis. Sûrement pour laisser Cosme et Marine seuls. A peine avaient ils tournés au coin de la rue que l'orage pour éclata enfin. Cosme et Marine ne tardèrent pas à être trempés jusqu'aux os. *

*

*

Cela faisait maintenant une heure que le corps de Martial avait été découvert. Cosme et Marine étaient toujours là, au côté du corps. Marine pleurait. La police atlante était arrivé il y avait une demi-heure. A peine arrivés, ils avaient installé un anneau de sécurité autour d'eux. Une centaine d'Atlantes venus des quatre coins du continent était agglutinée autour d'eux, derrière l'anneau. C'est alors que Mme Contortine arriva. Elle criait et ne cessait de parler pour arriver à l'anneau. Quand enfin elle y arriva, elle ne se tut que quand M. Benignus qui l'avait suivie ne lui fasse signe de se taire. Il regarda la scène. Marine pleurait, Cosme la réconfortait tout en ayant les yeux rouges de larmes retenues, Martial mort. La tête écrasée, piétinait par on ne savait quoi, son cerveau emporté dans les caniveaux par l'eau qui tombait drue devenue rouge sang sur la route. Deux entailles coniques s'enfonçaient profondément dans ses entrailles au niveau du thorax. M. Benignus s'avança et traversa l'anneau de 118


sécurité magique qui flottait à un mètre de sol, laissant Mme Contortine seule. Il se dirigea vers le policer atlante le plus proche. - Excusez-moi, je suis le responsable de ces enfants. Que c'est il passé ? -On a était prévenu il y a une heure. Ce sont des amis de la victime qui l'on découvert. Ils disent qu'ils s'appelaient Martial. -Qui ça "ils"? demanda M. Benignus. -Les gamins là, répondit le policer atlante en montrant le reste de la bande qui était revenu. -Bien, dites-leur de retourner au vaisseau. Merci. M. Benignus se retourna et s'approcha du couple agenouillé près de leur ami. -Ils n'ont pas bougé depuis une heure et quart parait-il, lui glissa à l'oreille le policer Atlante avant de s'éloigner. M. Benignus posa sa main sur l'épaule de Cosme qui releva la tête. -Vous avez subi un choc ce soir, leur dit-il. Rentrez avec moi au vaisseau. Vous irez à l'infirmerie vous reposez. Vous y resterez quelques temps. -Non! s'écria Marine. M. Benignus n'avait jamais vu un regard aussi frappant. Ses yeux étaient pleins de larmes, de tristesse. Ils semblaient noyés sous des tonnes d'eau. Ses beaux yeux d'habitude d'un beau bleu pur étincelant et pétillant étaient devenus d'un bleu marine foncé comme celui d'un ciel d'orage. Ses sourcils étaient légèrement froncés donnaient une impression de volonté à toute épreuve. -Non, reprit elle. On luttera et on découvrira qui a fait cela. On ne loupera pas des cours, on ne loupera pas de sorties. Vous savez qui on est tout de même. -Bien, répondit tout simplement M. Benignus admiratif devant cette enfant. Je rentre au vaisseau prévenir ses parents. Ne tardez pas trop à rentrer. M. Benignus s'éloigna en compagnie de Mme Contortine et du reste de la bande qui l'avait attendu. -Allez Marine. Faut y allé. Désolé mais je ne sais pas voler. Je ne vais pas pouvoir te ramener au vaisseau en volant tel Superman avec Loïs. De plus, c'est une chance qu'il n'y ait plus de maladie sur l'Atlantide, sinon on aurait déjà une grippe carabinée. C'est là que le miracle se produisit : Marine sourit. La première fois depuis la découverte du corps de Martial. Ils se levèrent lentement. A se moment, tout le monde se tut. L'anneau de sécurité magique s'ouvrit pour les laisser passer comme s‟il comprenait la douleur qui les rongeait. Les Atlantes s'écartèrent pour les laissaient passer, même les éclairs ne tonnaient plus. Le seul bruit qui existait encore dans cette rue était le clapotis de la pluie qui tombait serrée. Quand ils tournèrent au coin de la rue en direction du vaisseau, le bruit sourd du tonnerre retentit de nouveau. Ils marchaient côte à côte sans oser se parler, de peur de ne pouvoir retenir des flots de larme. Quelquefois, Marine laissait échapper un sanglot qu'elle ravalait aussitôt. Cosme était admiratif

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devant cette force de caractère. Jamais il n'aurait pu imaginer la force de son amie. Elle faisait preuve d'un courage exemplaire. Arrivés au vaisseau, personne ne leur parla : leurs amis devaient être à l'infirmerie pour la nuit et les autres élèves n'osaient pas leur parler (ce qui arrangeait bien Cosme et Marine qui n'auraient pas supporté une avalanche de mots de compassion). Même les Fiolem semblaient désolés de ce qui leur arrivait. Seuls Cyril et Franck semblaient indifférents à leur malheur. Le chemin qui menait à leur Gallice sembla interminable. Quand enfin ils y parvinrent, ils se dirigèrent tous deux dans leur chambre respective sans dire un mot. Cosme commença à se mettre en pyjama. Il retira ses chaussettes, son t-shirt et s'écroula sur son lit. Il était trop fatigué pour continuer. Il n'avait même plus le courage d'enlever son jean. Il se glissa sous la couverture de son lit et éteignit la lumière avec un éclair. Il resta plusieurs longues heures les yeux grands ouverts. Il ne pouvait trouver le sommeil. De l'autre côté du mur, il entendait les sanglots de Marine qui les ravalait tout de suite. Il entendait sa respiration saccadée, parfois vive, parfois lente. Soudain, il n'entendit plus rien. Marine vient sûrement de s'endormir pensa Cosme. Quelqu'un frappa à sa porte. Cosme compris: -Entre Marine, dit il. La porte s'ouvrit et Marine apparut en robe de nuit. Elle avait toujours les yeux rouges mais ne pleurait plus. -Est-ce que je peux passer la nuit ici? demanda-t-elle. C'est par ce que je… -Bien sûr, la coupa Cosme qui comprenait parfaitement les raisons de cette visite nocturne. Marine s'approcha à tâtons et se glissa sous la couverture de Cosme. Puis, elle se blottit entre ses bras. Elle s'endormit enfin, terrassée par la tristesse et la fatigue. Le lendemain matin, Cosme se réveilla avant Marine. Il la laissa dormir encore quelques minutes et la réveilla. Marine se leva sans bruit et quitta la chambre de son ami. Le soleil était déjà haut dans le ciel bien que l'épais nuage qui recouvrait toute la ville le cacha et Marine partie directement s'habiller après avoir déclaré haut et fort : "Nous allons être en retard en cours, dépêchons nous!". Cosme suivit son exemple et alla tout de suite sous la douche, armé d'une serviette. Il passa devant la chambre de Marine où il vit qu'elle était déjà prête. Elle sortit. Cosme mit l'eau à couler et dit d'une voix forte pour se faire entendre: -Si tu veux je laisse la porte ouverte pour qu'on parle. -Si tu veux, répondit Marine. -De toute façon j'ai confiance en toi, tu ne regarderas pas. N'est-ce pas? -Exact et de toute façon, de là où je suis-je ne vois rien. Marine entendit la porte de la douche coulisser et le bruit de l'eau fut plus fort pendant le cour laps de temps où Cosme entrait sous l'eau. Il la referma. -Alors, dit il, tu as une idée sur celui qui a fait le coup?

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-Non, répondit Marine. Je suis justement en train de regarder dans le Livre de l'Etoile et il n'y a rien au sujet de … quelqu'un ou quelque chose qui… piétine la tête de ses victimes. -C'est vraiment bizarre… Marine était perdue dans ses pensés, la tête toujours perdue dans les limbes de la tristesse, se retenant de pleurer tant bien que mal. Qui pouvait bien être l'auteur d'un crime aussi atroce? Elle avait beau réfléchir, aucun nom ne lui venait en tête. Soudain, elle se rendit compte que Cosme lui parlait. Une folle idée lui traversa l'esprit: et si elle se penchait pour jeter un coup d'œil sous la douche ? Non, Marine reprit l'entière possession d'elle et répondit à Cosme quelque chose qui n'avait rien avoir avec ce qu'il disait depuis plusieurs minutes. L'eau s'arrêta et Cosme sortit de la salle de bain avec la serviette enroulé autour de la taille, encore tout ruisselant. C'est ce moment que choisi Nicolas pour entrer. Il regarda la scène et analysa de travers: -Je vois ! s'énerva-t-il. Pendant que nous on est à l'infirmerie, il y en a qui prenne du bon temps! -Mais pas du tout ! dit Marine avec un air de surprise mêlé à la colère. On était juste… -Ouais, je vois ça d'ici! Vous êtes tout les deux, tous seuls, il se promène à moitié à poil en étalant son corps à la dieu grec et te console. Et je ne dirais pas la fin… c'est ça hein ? C'est ça ! -Mais tu vas pas bien ma parole! dit Cosme qui commençait à s'énerver. -Oui, Monsieur Cosme a toujours raison! déclara Nicolas qui c'était mis à hurler avec de grands gestes ridicule. -Je ne te permets pas! … commença Cosme qui s'énervait de plus en plus. -Je vais me gêner ! C'est toujours Monsieur Cosme qu'on suit, le maître des Elus! -Je te préviens, si tu continues… hurla Cosme à bout de nerf. -Tu quoi? Tu m'envoies contre un mur? C'est sûr ça arrangerait les choses mais trois élus au lieu de quatre ça fait mauvais genre!... Cosme ne put contenir l'énergie qu'il avait emmagasinée grâce à sa colère plus longtemps. D'un geste violent du bras, il projeta la lourde table de métal imitation bouleau contre le mur avec une telle violence qu'elle se brisa net en petit morceau en faisant une profonde entaille dans le mur également de métal. Cosme respirait vite et fort tandis que Marine s'était réfugiée dans un coin de la pièce derrière une bulle de protection pour se protéger des éclats de métal. Nicolas, lui, changea radicalement d'attitude. Il affichait désormais un large sourire et un air réjoui. Cosme se calma devant le visage de son ami qui prit la parole: -J'ai réussi, dit il. Et toi aussi ! -De quoi tu parles, répondit Cosme soupçonneux et encore en colère.

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-Tu as réussi à canaliser ton énergie suffisamment pour dessouder et projeter en l'air une table de métal de plusieurs kilos. En plus tu as même réussi à faire une entaille dans un métal incassable et inusable. -Tu veux dire… que tu as fait tout ça pour m'aider? demanda Cosme incrédule. -Oui. Tu sais, ma chambre est voisine à la tienne et le soir je t'entends t'exercer à ton pouvoir. Tu vocifères même des fois. Tu te plains car tu n'arrives pas à te concentrer suffisamment à ton goût et tu as peur de ne pas pouvoir nous protéger. -Oui mais… -Ne me remercie pas, va t'habiller. Cosme se dirigeait au ralenti vers sa chambre quand, pour le faire accélérer, Nicolas lui arracha sa serviette d'un sortilège bien placé. Il couru dans sa chambre et s'habilla en vitesse. Ils descendirent dans la Grande Salle où ils retrouvèrent les autres. Marine ne dit pas grand-chose de la journée qu'ils passèrent sous la pluie à arpenter les rues de la ville. L'orage avait laissé place à une lourde pluie toujours aussi drue mais avec un léger vent rafraîchissant. -Ca fait du bien un peut de pluie, dit Cosme. -Un peu ?! Mais t'es dingue ! On est trempé jusqu'aux os ! -Oui mais je n‟aime pas quand il y a trop de soleil… -Je me demande s‟il y a un rapport avec les dons que les "Dieux" vous ont donnés. Après tout, tu as eu ceux d‟Aloubax et il contrôle l'eau, donc la pluie. -Asmodée n'a pas tort, moi je supporte de moins en moins le froid et la pluie alors qu'avant c'était pas le cas. J'ai les pouvoirs de Valtor, c'est peut être normal… -Je ne sais pas ce qui se passe mais c'est admirable, je me sens bien !... -Regardez ! dit Marine stupéfaite. Cosme s'était arrêté dans une flaque d'eau et quelque chose se passait. L'eau dans laquelle il se trouvait s'était mise à bouillonner et à onduler. Elle s'élevait et tournait autour des jambes de Cosme sous la forme de filament ondoyant comme si elles étaient vivantes ou dans l'espace, en apesanteur. Elle monta en tournant autour de Cosme jusqu‟à ses épaules. Ses jambes jusqu'à la hauteur de ses genoux étaient devenues de l'eau, comme s‟il faisait partie intégrante de la flaque avec laquelle il fusionnait. Ses cheveux et ses yeux prirent une teinte bleutée. Il tendit la main et de sa paume sortie des écharpes d'eau qui s'accouplèrent pour former une sphère d'eau qui flottait à quelques millimètres de sa main. Soudain, il poussa un cri et l'eau qui l'entourait s'éleva autour de lui en un véritable mur d'eau. Puis, plus rien. La flaque reprit son aspect normal. Seulement Cosme n'était plus là. Les autres élèves qui étaient loin devant n'avait rien vu et rien entendu. La flaque se remit en mouvement et s‟éleva, prenant la forme du corps de Cosme. Elle se solidifia et Cosme réapparut. -C'est incroyable, dit celui-ci. Je suis le maître de l'eau! Je peux en faire tout ce que je veux ! 122


Cosme, pour montrer ses nouveau pouvoirs, mit ses mains l'une au dessus de l'autre. Un siphon y apparut. Les enfants le firent arrêter. -Ca va pas non? demanda Janis. Un monde fou aurait pus te voir. -Je suis vraiment désolé mais je n'ai rien contrôlé. Toute cette eau a du déclencher quelque chose et a réveillé mes nouveaux pouvoirs divins. -Remarque, ça peut être utile. Mais tu ne joues plus à ça avant ce soir. Ok? -Ok, promis Cosme dans un soupir de déception. *

*

*

Le soir venu, les enfants firent un feu dans la cheminée pour sécher leurs vêtements. Ils étaient tous rassemblés autour du feu, y compris Asmodée et Janis qui rejoindraient leur Gallice plus tard. Ils feuilletaient le Livre de l'Étoile à la recherche de démon et de nouveaux sorts. -Il n'y a rien sur les pouvoirs divins, conclu Nicolas en fermant le Livre. -C'est très étrange car normalement il évolue avec nous, dit Rémi. Il devrait être apparu au moins des informations sur les pouvoirs de Cosme puisqu'ils se sont manifestés. -Je pense que c'est parce que le Livre ne détecte pas ces pouvoirs comme les votre, contrairement aux pouvoirs du petit peuple, dit Asmodée. -Pourtant des choses sont apparues à propos des pouvoirs atlante quand ils en ont eues et ils ne sont pas vraiment à eux en fin de compte. Alors pourquoi là ce serait différent ? demanda Janis. -Tout simplement parce qu'ils ont copié les pouvoirs Atlantes alors que là on les leur a données. Une partie des dieux atlantes est en eux. Ils utilisent les pouvoirs divins à travers cette partie de leurs dieux respectifs. Je pense que c'est pour ça. -Moi je pense que tu penses trop Asmodée, dit Nicolas qui avait mal à la tête. Tu vas avoir une crampe de cerveau un jour à force de t'en servir comme ça. -On a des crampes que quand on est pas échauffé, fit elle remarquer. C'est toi qui devrais faire attention. -Pour ma part, dit Rémi qui s'était levé, je vais me coucher. -Dis moi, entama Cosme, tu as hérité de quels pouvoirs ? -De celui du feu et de la mort pourquoi ? -Pour ça ! Cosme projeta Rémi d'un geste de la main dans les flaMmees de la cheminée. Marine poussa un cri d'effroi. Rémi était en train de prendre feu! -Ca brûle! cria Rémi, ça…brûle ? C'est bizarre, je ne sens rien. C'est même plutôt agréable. Les flammes n'étaient pas chaudes du tout. Elles le caressaient d'une douce tiédeur. Il se sentait bien dans ces flammes qui l'accueillaient à bras ouvert. Soudain, il ne contrôla plus rien. Ces cheveux prirent une teinte rouge, les flammes s'élevèrent dans la cheminée et se mirent à se tordre comme dans une danse macabre. Rémi baissa la main dans les flammes et en "cueillit" une 123


boule. Tout comme l'avait fait Cosme avec l'eau, il éteignit la boule de feu qu'il tenait au creux de sa main et poussa un cri. Les flammes virèrent au vert et s'élevèrent jusqu'à dissimuler complètement Rémi. Elles reprirent leur taille et leur couleur normale. Rémi n'était plus dans la cheminée. Tout le monde retenait son souffle. Puis, une flamme s'éleva plus haute que les autres et prit la forme d'un humain. Rémi redevint de chair et de sang et sortit de la cheminé un peu dans les vaps. -Ca va ? demanda Marine affolée. Tu aurais pus le tuer! dit elle à Cosme. -Tout de suite les grands mots! dit Cosme en haussant les épaules. -Comment savais-tu ce qui se passerait ? demanda Asmodée. -Je ne le savais pas et si ça avait mal tourné Janis aurait pu le soigner et moi éteindre le feu. -Dites, à votre avis, je vais devoir faire quoi pour déclencher mes pouvoirs liés au vent ? demanda Marine. -Et moi ? La nature ? demanda Nicolas. -Je n'en ai pas la moindre idée…dit Cosme en se frottant le menton, signe d'intense réflexion. -Ce n'est pas tout ça mais il est tard, alors, si ça ne vous dérange pas, je vous mets dehors ! dit Nicolas. -On a compris, dit Asmodée vexée en partant dans les couloirs. -Mais attends ! Il disait ça pour rire ! Attends-moi ! Il ne voulait pas te vexer ! Attends ! cria Janis qui lui emboîta le pas. Les enfants se mirent à rire et regagnèrent leur chambre, épuisés. Ils dormirent sans rêve, à part Marine qui fit un rêve étrange où elle retrouvait Martial dans une grande plaine où le ciel était rose. Ils furent réveillés le lendemain par la voix de M. Benignus dans les haut-parleurs: Tou, tou, tou! Trille! « Bonjour tout le monde. Je m'excuse de ce réveil matinal mais nous allons partir pour Awrante dans quelques minutes. Nous y serons dans deux jours. Dites au revoir à Onylor. » Tout, tou, tou! Trille! Les enfants se levèrent lentement et sortir dehors pour aller voir par les fenêtres la ville de Onylor pour la dernière fois. Seule Marine resta dans sa chambre, les larmes aux yeux, essayant de se souvenir du sourire que Martial arborait dans son rêve. Les enfants dirent au revoir à la ville de la pluie qui s'éloignait, toujours noyait dans un flot incessant d'eau. Tous les élèves, comme chaque jour après un départ, avait le reste de la journée de libre. Soudain, Nicolas pensa à Brice, à qui ils n'avaient pas dit au revoir et se jura de lui envoyer une lettre dès son arrivée à Awrante. Les deux jours qui séparaient leur arrivée à Awrante s'écoulèrent paisiblement dans une ambiance quelque peu tendue. Dès qu'un des enfants arrivait quelque part, le silence se faisait et des chuchotements suivaient. Marine surtout vivait très mal cette situation et se surprenait elle-même à pleurer dans son sommeil. Mais bientôt cette ambiance fut brisée par la découverte de

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l'immortelle "Forêt des Saisons Perpétuelles". Cette forêt était peuplée de bien des créatures, dont les sauvages Amazones…

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XI Forêt des saisons et d‟amour

L'

immense forêt des saisons perpétuelles avait un aspect irréelle. Elle était divisée en quatre quarts qui se voyaient très bien des airs. Toute une partie de la forêt était en fleur ce qui lui donnait des couleurs incroyables dominées par le rose et le blanc. Une autre était toute de nuance de orange et marron des arbres d'automne qui perdaient leurs feuilles au gré du vent. Une autre encore était morte, sans vie et sans la moindre couleur, hormis peut être le blanc de la neige et le marron des troncs d‟arbres. La dernière partie était verdoyante comme le sont les arbres en été. On distinguait aussi au centre de cette étrange forêt une ville construite en rond autour d'une grande place. Le vaisseau s'approchait à grande vitesse. Il arriva par le côté automne de la forêt. Son passage fit tomber plusieurs milliers de feuille morte et le vaisseau ralenti et se figea enfin à un peu plus de cent mètres de la ville. Tous les élèves étaient collés aux murs transparents du vaisseau pour voir la ville. M. Benignus fit son discourt habituel et les lourdes portes s'ouvrirent sur Awrante. Les élèves sortirent dans une anarchie totale du vaisseau et se ruèrent en ville, poursuivis par les professeurs qui criaient on ne sait quel cours du genre: "Awrante est la ville des magiciens, leurs pouvoirs sont oniriques et ne ressemblent pas du tout à la sorcellerie. Ils se basent sur l'imagination et n'utilisent pas d'artéfact pour être pratiqué contrairement à nous qui avons besoin de baguette magique…" Personne ne les écoutait et ils voulaient tous être les premiers à voir l'arbre sacré qui représentait les quatre saisons à la fois. La ville avait un avantage : elle était construite en rond autour de l'Arbre et il était donc impossible de se perdre. Les enfants débarquèrent sur la place (tout aussi sacrée que l'Arbre d'ailleurs) et restèrent scotchés au sol à sa vue. L'Arbre était un imposant saule pleureur au tronc noueux. Ses branches étaient elles aussi divisées en quatre. Une partie était toute blanche et couverte de gel avec de magnifiques stalactites qui brillaient sous le soleil de plomb qui recouvrait cette partie de la ville totalement neutre aux saisons perpétuelles. Une autre partie était couverte de fleurs roses, chose étrange étant donné que les saules ne fleurissent pas, qui dégageaient un parfum doux aux narines humaines. La troisième partie était couverte de belles feuilles vertes alors que celles d'à côté étaient rousses et sèches. Le plus étrange était les présents accumulés à sa base et les deux yeux ainsi que la large bouche en forme

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de trous "d'écureuils". L'Arbre s'aperçut de leur arrivée et se tourna vers eux, sourcils froncés : -Alors? Vous ne m'avez pas apporté de présent? Si c'est le cas je peux ne pas vous laisser séjourner ici, c'est la coutume… La voix du vieil arbre était enrouée comme s‟il était millénaire et fatigué. Il prenait manifestement son rôle de gardien de la forêt très au sérieux et il n'avait pas l'air commode. Brusquement, il se dérida et s'esclaffa: -Mais…! Mais si! Vous m'avez fait le plus précieux des présents ici réunis. Tellement grand qu'il suffit pour vous tous réunis ! Les enfants regardèrent étonnés leurs professeurs qui n'avaient pas l'air de comprendre mieux que leurs élèves quel était ce précieux présent. Personne n'avait pensé emmener le moindre présent (sauf M. Lignol qui connaissait toute les coutumes atlantes et Asmodée qui l'avait lu dans un livre). -Les Élus! Vous m'avez amené les Élus! cria l'Arbre. Tous les passants s'arrêtèrent et le silence se fit comme si Rémi avait bloqué le temps. Tous les regards se tournèrent vers le groupe d'élèves tous aussi surpris que les autres de savoir que les élus étaient en leur compagnie. L'Arbre reprit: -Les Élus ! Enfin vous venez à moi ! Les rumeurs et les conversations à voix basse allaient maintenant bon train autour des élèves. Personne ne bougeait jusqu'à ce que M. Benignus fasse son apparition les bras remplis de présents. Il regarda la scène pendant quelques secondes puis éclata de rire: -Que ce passe t-il ici, on dirait que vous avez vu un fantôme ! Personne ne parla, ce fut Mme Contortine qui prit la parole: -L'arbre sacrée affirme que les Élus sont parmi nos élèves. C'est absurde, n'est ce pas? demanda-t-elle plus pour se rassurer elle-même. -Je ne sais pas…Rémi…? Rémi avait entendu son nom être murmuré mais personne ne semblait l'avoir entendu. Il comprit, prit sa respiration et, d'un geste des deux mains, enflamma un présent de l'arbre. Des cris de surprise résonnèrent mais personne ne fut blessé. L'Arbre reprit de plus belle: -Ils sont là ! C'est leur pouvoir!!!!! criait-il hors d'haleine. M. Benignus lança un regard assassin à Rémi qui recommença et réussit cette fois à bloquer un grand nombre de personnes. M. Benignus se lança vers l'Arbre qui continuait de crier au miracle. -Du calme Arbre sacré, dit il, leur présence doit rester secrète. -Mais pourquoi ? C'est une grande nouvelle ! Il faut que le peuple sache ! -Vous êtes sage et il est inutile de créer des émeutes. Cela diminuerait nos chances de battre un jour Onoximoustros. -Je comprends…Mais il faut l'annoncer ! M. Benignus demanda aux enfants de s'écarter et se mit à discuter tout bas avec l'Arbre. Les enfants pendant ce temps là visitèrent la place et ne virent 127


qu'une boutique de sorcellerie et une autre de cartes atlantes du Lotus. Tout les autres magasins étaient des magasins de magie destinés aux magiciens. Nicolas enviait les magiciens en regardant les sorts des vitrines. -Tu crois qu'on sera des magiciens un jour? demanda-t-il. -Je suppose, répondit Marine. -Hé, venez voir ce qu'on a trouvé avec Rémi! les appela Cosme. Regardez, c'est une sorte de jeu de rôle : "Les Trois Magiciens" lut-il sur le paquet d'accessoire. -D'après ce qui est écrit à côté, ce jeu se joue à deux… -Pourquoi ça s'appelle les Trois Magiciens s‟ils ne sont que deux? demanda Nicolas surpris. -Car ils doivent libérer le troisième, lut Cosme. Ils devront combattre de terribles monstres comme l' "Homme Chat" ou la "Femme Vipère". -Ca à l'air sympa comme jeu, commenta Marine. -Les enfants ! interpella M. Benignus. Venez voir ! Les enfants s'approchèrent de l'Arbre où M. Benignus était en train de parler. L'Arbre paraissait très content et regardait les enfants avec un large sourire. -Les enfants, reprit M. Benignus, je vous présente l'Arbre sacré d‟Awrante. -Bonjour, nos respects, dit Marine. L'Arbre sembla frétillait et déclara : -C'est trop d'honneur que vous me faites! -On s'est mis d'accord avec l'Arbre. Il gardera votre anonymat et votre présence secrète. Il acceptera les présents que j'ai amenés. Normalement avec ce que j'ai tout le monde ne serait pas autorisé à rester mais votre présence comblera les trous pour lui. C'est d'accord? Bon, allez vous remettre à votre place. C'est bon? Vas-y Rémi! (Le temps reprit son cours). Arbre Sacré! Acceptez nos modestes présents pour laisser tous nos élèves qui rêvent de s'instruire demeurer dans cette glorieuse et grande cité ! -Ah bon ? Pas les autres ? demanda l'Arbre étonné. -Si, si, ceux qui veulent s'instruire et les autres, dit M. Benignus agacé. Alors? -Bien sûr, qu'il en soit ainsi ! Tous les élèves applaudirent. L'Arbre ajouta: -Les Élus ne sont pas parmi vous, je vous prie de m'excuser mais l'espérance de les voir un jour me joue parfois des tours… M. Benignus sourit visiblement ravi. Il se tourna vers les élèves et leur donna le champ libre. Une fois de plus, les professeurs s'apprêtèrent à se mettre à courir dans toute la ville, Mme Contortine s'apprêtait à passer un savon à M. Benignus qui allait éclater de rire, comme d'habitude. Mais cette certaine monotonie fut rompue par l‟arrivé soudaine et précipitée d'une créature qui ne sort d'habitude jamais de la profonde forêt d'automne. Un dragon, gigantesque, plein de dent un peu partout, des écailles aussi et des pattes, des cornes et plein d'autres trucs comme plusieurs poumons, crachant respectivement du feu, de la glace, de l'acide et de l'air nauséabond. Un dragon tout ce qu‟il y a de plus banal 128


en fin de compte. Et il s'apprêtait à attaquer la ville! Il prit une profonde inspiration et, de sa gueule béante jaillit une puissante flamme qui déferla sur la place où les passants affolés essayaient désespérément de fuir la fureur apocalyptique du dragon. La place s'embrasa en un éclair. La vague de feu passée, les élèves eurent la surprise d'être en vie. Des magiciens avaient pris place devant eux et, joignant leurs mains en triangle, ils avaient créé une bulle de protection orangée solide, parcourue par des runes circulaires plus ou moins grandes reliées entre elles par de fines bandes runiques semblables à des veines. Le dragon, énervé de n'avoir rien détruit, donna un coup de patte rageur sur la bulle. Celle-ci se fissura sous le choc et éclata. Les magiciens commençaient à réagir à l'attaque et à lancer des sorts sur le dragon. M.Edouard commenta la scène: -La magie n'a rien de comparable à la sorcellerie. Dans sa pratique en tout cas. La magie est mentale et elle puise son énergie dans l'imagination et la puissance mentale du magicien. Elle s'exprime par les mains ou la tête et elle n'utilise pas de formules magiques seulement quelques rares incantations. Leur magie est extrêmement puissante… La bataille faisait rage. La magie fusait dans tout les sens, aidée par les professeurs qui lançaient des sortilèges à tout va. Le dragon battit finalement en retraite et retourna dans sa dimension aidée par un collectif de magiciens en colère. Tout le monde était en parfaite santé et la ville n'avait subit aucun dommage. L'Arbre remercia les Awrantois et la vie repris son cours. -Nous commencerons par la visite de la forêt, déclara M. Benignus. Allons y! M. Benignus traversa la place et sortit de la ville. Ils se retrouvèrent dans une forêt printanière et bourgeonnante où leurs narines se remplirent de parfums doux et délicats. Ils croisèrent quelques créatures magiques et passèrent d'un pas dans la forêt hivernale. Les arbres étaient couverts de givre et le sol de neige, les rares plantes étaient comme fossilisées dans de la glace. La clarté et la luminosité de la forêt forçaient les élèves à cligner rapidement des yeux et à froncer les sourcils. Le froid était aussi de la partie et il gelait les élèves et les professeurs qui étaient habillés en affaires d'été, car l'été était quasi perpétuel sur le reste du continent, englouti ou pas. Ils la traversèrent vite fait le quart d‟hiver et arrivèrent dans la partie de l'automne. Elle était toute de nuances d‟orange, passant de l'ocre à l‟orange vif. Les feuilles tombaient régulièrement et Asmodée retrouva enfin Ahuri qui s'était caché dans la blancheur de la neige où il passait inaperçu avec sa fourrure immaculée. Les feuilles craquaient sous leur pas et ils purent apercevoir de nouvelles créatures dont des gnomes qui regardèrent bizarrement Cosme, comme s‟ils ressentaient qu'il en était un dans un certain sens. Il échangea discrètement quelques mots avec eux avant de repartir avec son groupe. Ils passèrent à la partie de l'été. La chaleur devint soudain accablante. Seule une brise bien venue semblait braver le soleil qui brillait haut dans le ciel. Ils croisèrent un dahut forestier ("dahutus foestanimus. Le dahut forestier est, certes beaucoup plus petit que le dahut montagnard, mais il est 129


surtout beaucoup plus dur de l'observer. Effectivement, le dahut forestier ne quitte quasiment jamais sa forêt natale et il vit à la cime des arbres. Ce pendant, son existence est prouvée par les nids qu'il fait au sommet des arbres. En tout point identique à celui d'un oiseau. Seule la couleur des œufs nous permet de les différencier des nids ordinaires des oiseaux. Les œufs du dahut forestier sont d'un vert émeraude poignant, contrairement à ceux du dahut montagnard qui sont flamboyant. Ce qui nous permet d'affirmer que cet animal maMmeifère est un dahut c'est qu'il pond des œufs mais surtout qu'il a des cornes orientables selon son désir. Ses cornes sont nettement moins recourbées que ceux du dahut montagnard mais cela s'explique une fois de plus par la science : le dahut forestier mène une vie paisible dans ses forêts et ne se bat que rarement. De plus il est végétarien. Le dahut montagnard, lui doit chasser et se mesurer avec des boucs et autres créatures aux cornes recourbées. Voilà. Et on dit quoi? Merci la science! D'après les gravures retrouvées par nos soins et les témoignages obtenus en interrogeant les habitants des régions forestières, le dahut aurait deux têtes pourvus chacune d'une unique corne. Sur ses têtes de taupes serait deux yeux au bout d'antenne à la manière des escargots. Il serait un peut plus petit qu'un chien, ses pattes seraient de puissantes ventouses lui permettant de grimper aux arbres et, chose remarquable, il aurait une fine peau reliant ses pattes latéralement entre elles. Cela lui permettrait de faire des bons d'arbre en arbre de plusieurs mètres en s'appuyant sur l'air. C'est pourquoi rares sont ceux qui ont pu observer le dahut forestier car, se déplaçant aux cimes des arbres, le temps de tourner la tête ou de regarder en l'air, le dahut a déjà filé de peut-être plusieurs centaines de mètres. Les nids de dahut forestier étant regroupés en un à trois points bien distincts, nous pouvons penser que les dahut forestiers vivent en communauté allant de six spécimens à une trentaine de spécimens. Le dahut forestier reste l'un des dahut les plus craintifs et les plus peureux: au moindre bruit suspect, il est capable en quelque bonds de se retrouver hors de vue et hors d'atteinte. Certains, sous l'effet de la peur, peuvent parcourir toute la forêt jusqu'à sa lisière. Là, terrifiés à l'idée de se retrouver sans la protection de la forêt, ils font demi-tour et retraversent toute la forêt jusqu'à la lisière opposée. Là, terrifiés…Certains spécimens particulièrement peureux peuvent passer leur vie à faire ces allers et retours dans toute la forêt jusqu'à dépérir." Ce fut un cours passionnant du au professeur Mme Camélia qui enseignait la zoologie magique à Ultimécia, et l'une des rares à utiliser le mot tabou "science".) et continuèrent leur route dans la forêt. Ils allaient prendre le chemin du retour quand ils tombèrent nez à nez avec une étrange tribu. Que des femmes, toutes habillées en guerrière et armées jusqu'aux dents. Les deux groupes s'arrêtèrent face à face. M. Benignus s'avança et une grande et imposante femme fit de même de l'autre côté. M. Benignus déclara d'une voix forte, comme pour montrer son importance: 130


-Nous sommes le Collège Ultimécia de France. Je suis son directeur et représentant. Qui est la votre? La femme guerrière s'écarta et une jeune fille d'à peine quinze ans s'avança. Elle avait les cheveux hirsutes, un regard droit et fier, de hauts talons, beaucoup de maquillage, un air niais et supérieur, habillée avec une mini jupe et un mini haut en peau. Elle leva la tête vers M. Benignus et déclara: -Nous sommes la tribu des Sajufuls. Je suis sa princesse et je cherche un époux. Vous êtes trop vieux, dit elle en passant à côté de M. Benignus en le bousculant. Voyons voir ça… Vous six, avancez d'un pas vers l'avant. -Mais vous… -Tutut! dit la princesse, laissez moi choisir. Toi le moche, va-t-en. Toi tu es trop gros, dégage, trop petit, pareil. Il en reste quatre…Quel sont vos noms? -Cyril, majesté, pour vous servir. -Ca je n'en doute pas. Toi? -Manuel madame. -hum…et toi? -Je ne vois pas en quoi ça te regarde! Est-ce que je te demande si ta grand-mère fait de la chasse au Dahut Royal sur un tricycle moi. -Je le veux, dit-elle. GARDES !!!!!!!!! Emmenez-le et préparez le pour la cérémonie de mariage. Qu'il soit prêt dans deux heures. -Je n'ai pas l'intention de me marier avec une face de cafard enfariné. Je ne marierai pas avec toi, désolé. Mais les gardes l'avaient déjà saisi aux épaules. Cosme se dégagea et se servit de ses pouvoirs pour envoyer les deux guerrières au tapis. Le reste de la garde se précipita vers Cosme qui se servit de la formule du Livre de l'Etoile qu‟il avait utilisé pour connaître parfaitement les arts martiaux avec son don d‟assimilation. Il les envoya au tapis l'une après l'autre dans un combat à la Matrix qui fascina tout le monde, personne ne lui connaissant de tels talents. Cosme, à bout de souffle, sortie sa baguette magique. Les sortilèges fusèrent dans une véritable hécatombe de guerrière. M. Benignus qui avait mis les élèves en lieu sûr revint sur ses pas et calma Cosme. -Reste calme, ce sont des Amazones, rien ne les fera lâcher prise. -Vous avez dit des Amazones ?! Mais elles tuent les hommes après…après…enfin vous voyez ! -Essayons avant tout de gagner du temps. M. Benignus ne pu rien dire d'autre car il fut séparé de Cosme qui était enlevé par les Amazones. Il demanda à la princesse s‟ils pouvaient tous venir au mariage et elle accepta, même les garçons, ce qui était magnanime. Ils les suivirent donc à travers la forêt et arrivèrent à leur village. Il était tout petit et rempli de femmes guerrières. Ils n'eurent pas le temps de voir grand-chose du village car ils furent tous conduits dans une immense salle où se dressait fièrement un hôtel décoré de fleurs plus sublimes les unes que les autres. Pendant ce temps là, Cosme était conduit dans une salle toute petite où des 131


femmes s'affairaient déjà. Il était traité comme un chien et fut assis sur un siège bancal dans un coin de la pièce. On venait parfois prendre quelques mesures sur lui et elles revinrent enfin vers lui au bout de deux heures de travail acharné. Elles le déshabillèrent entièrement et lui mirent un drap sombre grossièrement taillé sur le dos et lui cachèrent la tête avec une capuche trop grande. Elles firent des trous dans le drap aux ciseaux pour y passer ses bras et cousurent le devant pour transformer le drap en robe. Elles accrochèrent ensuite des manches trop grandes qui cachaient les mains de Cosme qui serait fort sa baguette. "Une chance que l'on soit dans la partie de l'été, je n'ai rien d'autre que ce drap sur le dos" se dit il pour se remonter le moral. La princesse fit irruption dans la pièce. Elle était toute de blanc vêtue avec des bijoux dorés qui tintaient à chacun de ses mouvements. -Comment trouves-tu ta tenue de cérémonie? demanda-t-elle. -Immonde, tout simplement immonde. -Et moi ? poursuivit-elle comme si de rien n'était. -On croirait une danseuse des mille et uns nuits qui aurait pris du poids. -C'est gentil, je prends ça pour un compliment étant donné que je ne sais pas ce que c'est que les "mille et une nuits". -Je me disais aussi que cela aurait été étonnant que tu saches lire. Laisse-moi partir s'il te plait! -Mais mon poussin, je te veux ! Même si tu n‟es pas terrible, je te veux ! -Mais pas moi! Et si tu m'aimes tu devrais me laisser partir. Une fois la lune de miel consommée, ton peuple va me tuer, je ne suis qu'un homme après tout! -Tu sais que tu es mignon quand tu as peur? Moi je t'aime et cela est amplement suffisant. Maintenant arrête de dire des bêtises, suis moi, la cérémonie va commencer. -Je trouve que la situation ne manque pas de piquant, dit Cosme en regardant les Amazones le menacer avec des lances. Cosme suivit la princesse et ils firent irruption dans une grande salle devant un somptueux hôtel de cérémonie. Il reconnut dans la foule des Amazones les élèves d'Ultimécia dont les garçons étaient regardés d'un sale œil. Une prêtresse se mit à parler et demanda à a princesse : -Princesse Alixia, futur reine de la tribu Amazone de Sajufuls, acceptes-tu la main de…lui ? -Oh, Oui! déclara Alixia qui fit tinter ses bijoux. -Par les pouvoir qui me son conféré je vous déclare chose et femme ! La foule applaudit à tout rompre, même les élèves qui n'avaient pas vraiment le choix. -Du calme, vous avez oublié un passage! Vous savez, du genre : Cosme acceptez de prendre Alixia comme épouse, ou encore: si quelqu'un désire s'opposer à ce mariage qu'il le dise maintenant ou se taise à jamais. Vous voyez ce que je veux dire…non?

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-Qu'il est drôle! déclara Alixia en sautant de joie. Nos enfants seront magnifiques! -Mais je ne veux pas d'enfants, je suis trop jeune pour ça! -Gardes! Emmenez le dans la suite nuptiale! ordonna Alixia qui s'énervait. -Ca suffit, j'en ai marre ! Je m'en vais ! Cosme sortit sa baguette magique qu'il avait cachée dans les plis du drap. Elle se transforma dans sa main en bâton d'enchanteur. Il la brandit avec rage au dessus de sa tête. Le cristal solaire de son bâton se mit à briller de milles feux. Cosme commença à devenir livide, puis il devint progressivement transparent. Des multitudes de petites lumières multicolores se détachaient de lui et s'envolèrent dans toute la salle, l'illuminant d'une myriade de couleurs. Bientôt, Cosme fut entièrement transformé en lumière et son drap tomba par terre, vide. Toute la salle était stupéfaite, il restait encore quelques fragments de lumière dans la pièce puis tout revint calme. Alixia se tourna vers M. Benignus: -Je croyais que c'était un sorcier! Pas un enchanteur! hurla-t-elle. M. Benignus allait inventer quelque chose mais la princesse ne lui en laissa pas le loisir et les mit tous à la porte du village. M. Benignus envoya discrètement Asmodée, Marine, Rémi et Nicolas à la recherche de Cosme dans la forêt et raccompagna les autres au vaisseau, gardant Janis auprès de lui pour une raison mystérieuse. Les lumières se regroupèrent non loin en pleine forêt. De celles-ci on vit réapparaître Cosme. Ce dernier était essoufflé et nu. Il utilisa son bâton pour se fabriquer de nouveaux vêtements et se cacha dans la forêt. Il entendit des bruits de pas qui venaient dans sa direction. C'était les enfants qui le cherchaient. Il alla à leur rencontre: -Je l'ai échappé belle ! déclara celui-ci soulagé. -Ce que j'ai le plus apprécié de ton mariage c'est le moment où tu t'es volatilisé grâce à un enchantement, dit Asmodée en le foudroyant du regard. -Oui je sais, en plus M. Benignus doit être en train de raconter des mensonges aux autres à l'heure qu'il est pour leur expliquer que je ne suis pas un enchanteur. -Le pauvre, gémit Marine. -On fait quoi maintenant ? demanda Nicolas. Pour seule réponse, il reçut un hochement d'épaule général. Ils décidèrent de continuer de voyager dans la forêt de l'été perpétuel. Ils croisèrent quelques gnomes et quelques lutins qui les accompagnèrent un peu, étonnés de voir des humains parler leur langue. Une brise légère se leva et les enfants se figèrent et tendirent l'oreille: -Vous avez senti? demanda Nicolas. -Oui, comme si on venait d'atterrir dans un endroit… différent, dit Cosme. -Je suis d'accord, et vous entendez ? demanda Marine. Il n'y a plus un bruit, plus un mouvement. -On dirait que le temps c'est arrêté, commenta Rémi. -Les amis? demanda Asmodée qui était restée en retrait. Où êtes-vous? Nicolas, redevient visible s'il te plait! 133


-Mais on est là, dit Marine, elle ne nous voie plus ? Sa voix parait lointaine… -On dirait qu'on est déphasé, déclara Rémi. Qu'elle ne se trouve plus sur le même plan, comme si elle n'était plus dans le même espace temps. Nicolas s'approcha de la silhouette trouble d'Asmodée et lui posa la main sur l'épaule. Instantanément, Asmodée redevint nette et sa voix claire. Elle écarquilla les yeux surprise: -Ce n'est pas très drôle de vous rendre invisible tous ensemble!...Quelque chose a changé là non? -Oui, mais on ne sait pas ce que c'est…commença Rémi. -Vous entendez? le coupa Marine qui était un peu plus loin. -Oui, on dirait une chanson…non, une mélopée plutôt… -Qu'elle est douce…et tellement triste! dit Cosme. Comme ensorcelés par la douce mélopée montant du bois, les enfants s'enfoncèrent dans cette forêt cachée au reste du monde derrière un voile magique infranchissable qui la séparait du reste de la forêt. La mélopée était de plus en plus poignante et forte au fur et à mesure qu'ils avançaient. Ils débouchèrent soudain sur les iMmeenses ruines d'une gigantesque cité ravagée par le temps et une catastrophe quelconque. Les ruines étaient très étendues et très diverses. Ici et là on voyait des marques d'explosions, des iMmeeubles et des maisons en ruines, des bâtiments délabrés et des parcs dévastés. Les enfants se faufilèrent à travers les ruines et se retrouvèrent sur une grande avenue défoncée et éclatée de toute part, encombrés par endroits par des morceaux de métal et de pierres perdues par un édifice effondré. Les lampadaires étaient tordus ou totalement arrachés. Aucune carcasse de voitures, aucuns corps n'étaient dans cette ville fantôme perdue dans les brumes de la forêt de l'été. La mélopée paraissait émaner de la ville elle-même comme une plainte mélancolique venant de la nuit des temps. -Je ne comprends pas, dit Asmodée à voix basse comme pour ne pas réveiller les esprits et ne pas briser la magie des lieux. Il n'y a aucune ruine sur tout l'Atlantide tellement ce peuple est brillant. Pourtant, il y a cette citée, elle contredit toute nos connaissance sur l'Atlantide et remet en cause l'idée même d'une civilisation parfaite et immortelle. Ce serait toutes les échelles de valeur magique qu‟il faudrait revoir. -Regardez, dit Cosme, quel est ce bâtiment? On dirait une demi sphère posée à même le sol. -J'ai déjà vu des bâtiments de ce genre dans les croquis d'anciens livres. Mais c'est tout simplement impossible… -C'est quoi Rémi ? Dis le nous, allez ! -C'est serait une basilique d'Atalanta… -C'est impossible, il ne reste rien de ce culte sur l'Atlantide, dit Asmodée butée. -C'est quoi ce culte ? demanda Nicolas. -Le culte d'Atalanta était le plus répandu sur l'Atlantide avant l'arrivé des Quatre dieux. C‟était un dieu et une déesse à la fois, le ciel créateur et la terre mère. Il 134


était le dieu unique semblable au Dieu chrétien ou musulman. Il était miséricordieux, dieu d'amour et de pardon. Son culte fut abandonné et ses églises transformées en temples pour les Quatre. Depuis plus personne n'a trouvé quoi que ce soit sur ce culte. Il a disparu jusque dans les archives atlantes. C'est pourquoi c'est tout simplement impossible qu'un tel édifice existe ici. -De toute façon je crois qu'on est plus vraiment sur l'Atlantide. Une seule chose est sûre, ils nous attendaient, dit Cosme. -Qui? demanda Nicolas. -Je ne sais pas mais tu as bien vu, si tu n'avais pas touché Asmodée, elle serait restée de l'autre côté. Seuls les Elus que nous sommes devaient pouvoir venir ici. -Et si on entrait? demanda Marine. -Oui mais restez proche, cette brume qui englobe la ville aurait vite fait de nous séparer.

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XII Révélation

L

es enfants se dirigèrent donc vers l'église délabrée, Ahuri sur leurs talons. Ils étaient en train d'escalader une vieille bâtisse effondrée quand un cri résonna dans les ruines. Ce fut un cri strident, emplie de terreur et rendu suraigu par la crainte. Les enfants sursautèrent et écoutèrent horrifiés l'épouvantable cri. Une fois remis de leurs émotions, ils se mirent à courir vers l'endroit du cri, baguette à la main. Ils se retrouvèrent face à un quartier intact où les lampadaires brillaient dans la nuit qui venait magiquement de tomber sur les ruines. Tout le monde courait et fuyait un danger quelconque sauf une femme qui se tenait sur le trottoir, fixant une chose dans le ciel et s'époumonant dans un cri strident, lugubre et sans fin. Les enfants suivirent son regard et virent dans le ciel une ombre chevauchant un dragon. Il ricanait. Il braqua son doigt sur la jeune femme et une étincelle explosa au bout de celui-ci. Sans que rien ne soit lancé, quelques secondes plus tard le quartier disparut dans une formidable explosion qui souffla tout sur son passage et qui provoqua un fracas épouvantable. Une fois la fumée engendrée par l'explosion dissipée, le quartier offrit un triste spectacle aux enfants qui n'avaient rien pu faire. Marine avait les larmes aux yeux. -Pourquoi! Qui a fait ça! cria-t-elle en regardant le ciel qui était devenu vide et d'un bleu d'encre. -Ne t'inquiète pas, dit Rémi qui était descendu dans les nouvelles ruines. Ce n'était qu'une illusion. -Quoi? demanda Cosme incrédule. Une si vaste scène? -Il dit pourtant la vérité, déclara Asmodée. Vue la poussière qui recouvre le site cette explosion a eu lieu il y a longtemps. -Mais pourquoi on nous fait voir tout ça? demanda Nicolas. La mélopée repris et les enfants se calmèrent. Ils se remirent en chemin vers l'église d'Atalanta, bâton magique à la main. Ils suivirent Marine qui ouvrait la marche en volant loin devant et plus haut, cherchant une autre illusion quelconque. Brusquement, Rémi se stoppa et tourna la tête à droite. Là, dans les décombres, entre un immeuble et une vieille battisse, se tenait totalement immobile, les cheveux et la robe au vent, une enfant. Celle-ci, aussi froide et aussi pâle que certains fantômes qui hantaient désormais le vaisseau, remarquant que Rémi l'avait vue, disparut en courant dans les brumes nocturnes des ruines. Rémi se mit à la poursuivre, laissant ses amis derrière lui. Cosme, qui n'avait

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rien vu, l'appela en le suppliant de revenir sous peine de se perdre. Mais déjà Rémi était loin et ne l'entendait plus. Asmodée poussa à son tour un cri. Cosme quitta des yeux l'endroit où avait disparu son ami et reporta son attention vers Asmodée. Nicolas s'était approché d'elle: -Que ce passe-t-il? demanda Nicolas affolé. -Pourquoi as-tu crié? demanda à son tour Cosme. -Là! Dans le ciel! gémit-elle. -Mais, quoi? Il n'y a rien dans le ciel… -Marine! dirent Nicolas et Cosme d'une même voix. Les enfants se mirent à crier et à appeler Marine désespérément dans le ciel sombre des ruines. Au bout de quelques minutes, ils conclurent: -Quelqu'un ou quelque chose cherche à nous séparer. D'abord Rémi, puis Marine. Le prochain est sûrement l'un d'entre nous… Mais Nicolas n'écoutait plus. Toute son attention était retenue par une vielle femme. Elle était blessée à la tête et marchait difficilement avec une canne et une jambe apparemment fracturée. Elle s'enfonça et disparu dans la brume. Nicolas jeta un coup d'œil à Cosme et Asmodée qui parlaient toujours et se mit à courir presque malgré lui après la vieille femme boitant. Les enfants n'eurent pas le temps de l'en empêcher, Nicolas avait disparu à son tour. -Nicolas! Reviens! cria Cosme en faisant quelques pas dans la direction du lieu où il avait disparu. On est plus que deux, dit il enfin résigné en se tournant vers Asmodée restée derrière. Asmodée? Asmodée! cria Cosme. Où es-tu! Cosme se retrouvait tout seul dans ces ruines étranges qui les avaient bien malgré eux séparé. Il regarda affolé autour de lui puis se calma. Il ne lui restait plus qu'une chose à faire: aller seul à l'église d'Atalanta, s‟il y survivait. Il se mit à marcher dans le noir car la lumière que diffusait son bâton était réfléchie par la brume et créait un véritable mur de lumière autour de lui. A chaque bruit suspect il marquait une pause et repartait quelques minutes plus tard. Il s'approcha de l'église démesurément grande. Quelque chose le gênait. Il se sentait épié, observé et suivi. Il marqua une nouvelle pause, quelque chose avait bougé devant lui, il en était sûr. Il y avait du mouvement dans la brume et pourtant, les panaches de brume ne bougeaient pas. Une silhouette se détacha. Une silhouette élancée, féminine. Mais il ne put distinguer rien d'autre que cette silhouette qui s'éloigna en courant jusqu'à disparaître entièrement dans le brouillard. Cosme, qui se savait désormais seul, se mit à courir vers la silhouette qui avait prit de l'avance. Elle courait vers l'église. Une chance pensa Cosme, s‟il la perdait il pourrait continuer sa marche vers l'église. Mais la silhouette semblait l'attendre, comme si elle voulait être suivie. Finalement, Cosme la vit gravir les hautes marches de l'église en courant et disparaître à l'intérieur. Il reprit son souffle et entreprit l'ascension de l‟escalier. Les marches étaient bancales et défoncées. Cosme trébucha plusieurs fois avant d'atteindre la porte principale. Il se mit dos à la porte pour pouvoir admirer les ruines de cette puissante cité détruite longtemps auparavant. Elles étaient toujours noyées dans le brouillard mais à 137


cette hauteur on pouvait distinguait les ruelles, les avenues, les immeubles et les maisons. La forêt l'encerclait de toute part mais au loin, derrière les arbres, Cosme apercevait les hautes tours d'une autre ville prospère construite autour d'un unique arbre : Awrante était là, si proche et si lointaine à la fois. La mélopée se fit pressante, Cosme entra. La première salle dans laquelle il entra était ronde, posé sous un énorme dôme qui touchait terre. Une somptueuse mosaïque était dessinée au sol représentant des symboles et des runes sacrés de leur religion. Tout autour de la pièce, se trouvaient des statues de taille réelle représentant des saints atlantes ayant fait des miracles ou de grandes choses. Certains étaient mêmes communs aux saints catholiques. Néanmoins les statues gardaient un air irréel et toutes regardaient le même endroit : le fond de la pièce. Il s‟y trouvait encore un escalier qui menait à une porte ouverte richement décoré. Il traversa la pièce bariolée par la lumière de lune à travers les nombreux vitraux dessinant ombres et lumières mouvantes dans des tons bleutés. Cosme avait la curieuse impression de flotter et de glisser sur ce sol rendu fantomatique. Il gravit les quelques marches de ce nouvel escalier et pénétra dans une autre pièce. Celle-ci était plus étroite et remplie de bancs tous alignés devant un hôtel où se tenaient quatre personnes. Cosme les reconnut instantanément: -Rémi! Marine! Nicolas! Asmodée! Les enfants se retournèrent et virent Cosme courir vers eux les larmes aux yeux. -Que faites vous tous là? demanda-t-il. -Nous avons tous suivis quelqu'un et nous sommes arrivés là, dit Rémi. -Mais qui nous a fait ça? demanda Marine à bout de nerf. -C'est nous. La voix venait de derrière les enfants. Ils se retournèrent et à leur grande stupéfaction ils découvrirent que tous les bancs étaient occupés et encombrés. Des hommes, des femmes, des enfants et même des personnes âgées. Tous étaient blêmes, blafards, presque incolores. Ils n'étaient pas argentés comme le sont les fantômes mais laiteux, comme s‟ils n'étaient pas vraiment mort, comme s‟ils étaient là sans vraiment l'être. Mais une chose était sûre, ils psalmodiaient sans fin. C'était leur chant de tristesse qui résonnait dans toutes les ruines de la ville, cette mélopée qui avait accompagné les enfants tout au long de leur traversé de la cité. Une femme était debout au milieu de l'allée centrale. Elle s'avança d'un pas vers les enfants qui étaient tétanisés : -Nous sommes vraiment désolés pour cet accueil mais nous avons une triste nouvelle a vous annoncer, Élus. Cependant l'une d'entre vous n'est pas… -Vous pouvez parler sans crainte devant elle, la rassura Rémi. -Si vous le dites… Ce que nous avons à vous dire est grave : vous ne devez sous aucun prétexte tuer Onoximoustros. La nouvelle tomba comme un couperet. Les enfants restèrent immobiles et perplexes. La nouvelle sonnait tellement faux que les enfants crurent d'abord à une blague douteuse faites par un peuple de mort. 138


-Qu'est ce qui vous fait dire ça? demanda Rémi. -Je vais vous conter la destruction de notre ville. Il y a de cela plusieurs millénaires, l'Atlantide vivait encore aux yeux de tous, le continent était prospère et commerçait avec de nombreux peuples comme les Grecs et les Romains, les peuples de l'Amérique, en particulier les Mayas et les Aztèques. Notre économie était florissante. Nous étions la première puissance mondiale connue. Mais un funeste jour, surgit des profondeurs des enfers une créature ni humaine, ni démoniaque. Elle se fit appelé Vialmondtia. Elle se mit à tout détruire. Elle ne voulait pas conquérir, elle voulait amener le chaos sur terre. C'est elle qui a détruit notre ville de Jalhim aussi simplement que l'on détruit une statue faites de cure-dents. Sa puissance était phénoménale mais nous réussîmes à la vaincre en réunissant l'essence vitale de tous les humains de la Terre. Seulement notre erreur fut grande. En la tuant nous avons déséquilibré la balance du bien et du mal, laissant ainsi un vide qu'une créature plus puissante encore pourrait combler. Nous connûmes néanmoins une félicitée, un laps de temps où tout alla pour le mieux, nous vivions en parfaite harmonie, en paix. Mais nous, habitants de Jalhim nous avons refusé la mort et nous avons caché les ruines de notre glorieuse ville dans la brume à l‟abri du temps et des regards. Notre but était de prévenir les hommes quand le moment serait advenu du remplacement de Vialmondtia. Onoximoustros naquit et nous échouâmes. Malgré cela, la chance fut de notre côté et Onoximoustros ne fut pas tué mais emprisonné. C'est alors que nous parvint la prophétie selon laquelle des Elus viendraient un jour pour libérer et tuer une fois pour toute Onoximustros. Depuis ce jour nous attendons votre venue pour vous prévenir, il ne faut sous aucun prétexte tuer Onoximoustros. Sinon le vide créé par sa mort sera comblé par une créature encore plus puissante. Un lourd silence s'installa entre la femme et les enfants. Ceux-ci essayaient d'assimiler le discours de la femme tandis que celle-ci attendait une réponse positive à sa requête. -Comprenez notre situation, dit Rémi, notre existence est basée sur la destruction d‟Onoximoustros. Ce que vous nous demandez est impossible. Des murmures commencèrent à secouer l'assemblée. -Vous ne devez pas le tuer, répéta la femme. -Construire quelque chose de semblable à l'Envers d'Ultimécia est tout bonnement impossible. De plus Onoximoustros ne se laissera jamais duper deux fois. Les murmures de l'assemblée s'étaient changés en protestations. -Vous ne devez pas tuer Onoximoustros, répéta butée la femme. Si vous refusez de nous écouter nous devrons vous empêcher de partir d'ici…vivants en tout cas. La femme venait de dire ces paroles quand les portes massives de la salle se refermèrent piégeant les enfants à l'intérieur. Des êtres de l'assemblée s'étaient levés et bloquaient le passage en s'avançant d'un air menaçant vers les enfants. Ils étaient pris au piège. 139


-Rémi! dit Asmodée paniquée, fait quelque chose! -Je ne peux rien faire, elle l'a dit: le temps n'a pas d'emprise ici, par conséquent je ne peux pas le bloquer! -Cosme! répéta celle-ci. -Ils n'ont pas de corps, mes pouvoirs sont inutiles. -Nicolas!… -Ils sont ni morts, ni vivants, ils pourront quand même nous voir si on est invisible! -Marine…?! -Je peux toujours voler mais ils peuvent en faire autant! Les enfants fléchirent et se retrouvèrent dos à l'hôtel: ils ne pouvaient plus reculer. -On fait quoi? demanda Marine. On prie? -Je ne crois pas que nos pouvoirs "divins" nous servent à quelque chose, fit remarquer Nicolas. -Je sais! dit Asmodée. Comme l‟a fait remarquer Cosme, ils n'ont pas de corps. Qu'est ce qui nous empêche de foncer tête baissée dans le tas ? On leur passera à travers. Vous en pensez quoi? -J'en pense que ça pourrait marcher si ils ne tenaient pas à la main des armes bien dures, répondit Nicolas. Sinon ça pourrait marcher. -On n'a pas le choix! A trois on fonce, vous êtes prêts? Trois! Les enfants se jetèrent en avant. Leur attaque surprit leurs assaillants qui s'arrêtèrent net. Ils traversèrent sans difficultés la femme puis les premiers rangs. Mais les autres réagirent enfin et commencèrent à donner des coups dans tout les sens. Cosme qui était passé devant éjecta leurs armes petit à petit tandis que Rémi les bloquaient au moment où ils les abaissaient: les armes restaient en l'air et leurs mains passaient à travers. Ils arrivèrent finalement devant la porte qui c'était refermée. -Rémi, dit Cosme, tu possèdes le pouvoir de tout transformer en cendre, transforme la porte! -Mais je ne l'ai fait qu'une fois et ce n'était pas fait exprès! -je m'en fiche, on les retient et toi tu ouvre cette ****** de porte! Rémi s'exécuta: il se tourna vers la porte et se mit à faire son mouvement habituel. Les enfants avaient sorti leur bâton (sauf Asmodée qui n'avait qu'une baguette) et s'étaient mis à lancer des sorts en visant bien soigneusement les armes qui y étaient sensibles. Une fois sur deux, les armes restaient bloquées dans l'air grâce à Rémi qui ne le faisait pas du tout exprès. Cela laissait du temps aux enfants pour les viser et les expédier le plus loin possible. Malgré cela, les spectres se rapprochaient inexorablement. -Je n'y arrive pas! cria Rémi qui leur tournait le dos. -Continue! ordonna Cosme. Aïe! Cosme tomba à genoux sous la douleur. Un spectre venait de le couper avec une lance faisant une profonde entaille dans son bras dont perlait un sang 140


rouge vif. Sous l'émotion, Rémi réussit l'impossible: il y eut un souffle glacé qui traversa leurs entrailles et un bruit sourd. La porte se transforma instantanément en cendre et s'écroula. Les enfants se mirent à courir tant bien que mal et dévalèrent les escaliers. Ils ne se retournèrent à aucun moment se doutant de ce qui se passait dans leur dos: ils étaient poursuivis. Ils ne s'arrêtèrent qu'une fois de retour dans la forêt et la lumière du jour retrouvée. Ils se retournèrent à bout de souffle. Dans la brume sombre ils voyaient des ombres bouger et protester ; ils ne pouvaient quitter la brume. La voix de la femme leur parvint, de loin et étouffée : "Ne le tuez pas ou vous vous mordrez les doigts!" hurlait elle. Mais au bout de quelques secondes, sa voix s'évanouit totalement. Les enfants reprirent leur souffle et repartirent en direction du vaisseau. En chemin ils croisèrent quelques Amazones qu'ils évitèrent soigneusement et arrivèrent enfin en ville. Ils ne croisèrent personne de connu est allèrent directement au vaisseau. Ils entrèrent par un téléporteur isolé et filèrent au bureau de M. Benignus qui les attendaient. Ils frappèrent à la porte. Mais une fois de plus, on se disputait dans le bureau et les enfants écoutèrent avant de frapper: -Je vous dis moi qu'ils doivent avant tout développer leurs pouvoirs de magicien! -Cessez de dire des bêtises madame, les enfants reconnurent cette fois la voix de Grégoire, ils doivent auparavant étudier leurs pouvoirs d'Enchanteur. -N'importe quoi! -C'est pourtant ces même pouvoirs qui ont sauvé la vie de Cosme face aux Amazones! -Cette bassesse est révoltante! C'est facile de dire ça, ils ne savent même pas encore qu'ils ont les pouvoirs des magiciens. Ce n'est certainement pas vos illusions ridicules qui feraient le poids face à la magie! -Oh! Mais c'est un duel que vous me proposez là! -Mais pas du tout, néanmoins si c'est la seule façon de vous faire entendre raison, allons y! En garde! -Allons, allons, messieurs dames. Vous ne voudriez tout de même pas que j'allie la sorcellerie à votre magie et à vos enchantements! Calmez-vous, dit M. Benignus. -Certes mais j'attends qu'elle me fasse des excuses, déclara Grégoire. -Des excuses?! C'est vous qui devriez m'en faire! -Cessez de me postillonner dessus je vous prie! -Quoi!... -Entrez les enfants! dit soudain M. Benignus. Si vous attendez que c'est deux la ce calme vous allez rester à la porte pendant encore longtemps. Les enfants poussèrent la porte et entrèrent enfin. Dans le bureau se trouvait effectivement Grégoire ainsi que M. Benignus et il y avait une femme que les enfants n'avaient jamais vue. Elle était élancée et avait une cape de couleur pourpre avec une robe, semblable à celle des sorciers, de couleur bleu nuit. Par contre elle n'avait pas de chapeau pointu semblable aux uniformes 141


classique des sorciers ou encore à celui de M. Benignus assis derrière son bureau. Elle avait seulement la trentaine et un air sûr d'elle, des cheveux noirs particulièrement longs et des yeux d‟un bleu acier à vous glacer le sang derrière de strictes petites lunettes carrées. M. Benignus prit la parole: -Les enfants, je vous présente Mme Lapislazuli. Elle sera votre professeur particulier de magie. -Quoi?! Mais… comme la pierre?... euh, je disais: mais c'est impossible! Avec les cours d'enchantements que nous suivons un soir par semaine plus nos devoirs ça va être dur de rajouter un cours de plus. -Et voilà, ils ont choisi, dit Grégoire. Au revoir Madame. -Non, intervint Marine, j'adorerais devenir une puissante magicienne moi! -Et toc! dit Mme Lapislazuli. -Traîtresse, lâcha Grégoire entre ses dents. -Je suis d'accord avec Marine, devenir des magiciens c'est cool, déclara Nicolas. - Calmez-vous pour l'amour du ciel! dit M. Benignus exaspéré. D'abord, racontez nous comment ça se fait que vous ayez mi autant de temps pour revenir. Ce n'est quand même pas si dur d'échapper à des Amazones, surtout quand on peut devenir invisible quand on le désire. -En fait, on a eu un petit problème… entama Rémi. *

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Après quelques explications, les enfants se turent enfin. Les trois représentants ne dire rien pendant un bon moment. C'est M. Benignus assis derrière son bureau qui rompit le silence: -Bien… Je cois que nous avons un problème… -Je cois bien… renchérie Grégoire. -C'est sûr… confirma Mme Lapislazuli. Les enfants restèrent muets. M. Benignus se leva de son bureau et en fit le tour. Il dit aux enfants: -Vous aurez cours de magie une semaine sur deux en alternance avec vos cours d'enchantement le vendredi soir après la classe dans une salle vide. Maintenant, rejoignez vos camarades en cour, ils doivent être en arts-magiques. Je leur ai raconté que tu avais utilisé un sortilège d'illusion majeur, maintenant partez. Et c'est ainsi que les enfants se retrouvèrent à la porte dans les couloirs presque vides du vaisseau. Ils se dirigeaient vers leur salle de cours quand Gustave (le bon) vint les croiser. -Bonjour les enfants, dit-il. Belle journée n'est ce pas? -Désolé Gustave mais nous sommes très en retard à notre cour d'arts-magiques. -Je comprends, les études c'est important. Allez-y mes amis! -Pourquoi tu l'as envoyé boulé comme ça? demanda Marine à Rémi un peu plus loin. -Tu ne te rappelles pas? Il ne faut plus rien lui dire. 142


-Je sais mais on aurait pu rester un peu avec lui sans rien lui dire, en plus les professeurs acceptent les retards quand c'est lui que l'on croise. -Marine a raison, dit Nicolas. Ils ont peur que si on le vexe en partant il ne se "transforme". Alors ils laissent couler. -Trop tard, dit Asmodée. Nous sommes arrivés. Elle poussa la porte et tous les regards se tournèrent vers eux. Plus un mot ne fut prononcé. Le choc passé, les élèves se ruèrent sur Cosme et lui posèrent une foule de questions. Ce fut le professeur qui vint à leur aide: -Laissez le respirer. Allez, tous à vos places! Maintenant Cosme, vient devant pour nous raconter comment tu as réussi ce tour de force. Cosme traversa la classe et se mit sur l'estrade, dos au tableau. Il réfléchit à ce que M. Benignus lui avait dit sur sa disparition et commença: -En fait, j'avais appris le sortilège d'illusion majeur pour pouvoir sécher un cours en faisant croire à ma présence sans y être. Quand j'étais devant l'hôtel, j'ai levé ma baguette bien haut et j'ai lancé le sort. Il y a eu une sorte de dédoublement. Pendant que tout le monde fixait mon illusion qui s'évanouissait dans le néant à la façon des enchanteurs, moi je filais par derrière. Je me suis réfugié dans la forêt. Je fuyais une troupe d'Amazones quand Nicolas, Marine, Asmodée et Rémi mon retrouvaient. Ils m'ont appris que M. Benignus n'avait pas été dupe et qu'il les envoyait pour venir me chercher. Alors, après un accord entre nous, nous sommes restés cachés le plus longtemps possible dans la forêt pour louper un maximum de cours. C'est tout. Cosme retourna s'asseoir à sa place et le cours repris: -Vos vitraux sont prêts et finis, déclara M. Humulus à la fin de l‟heure, vous pouvez les emporter. Le cours est fini pour aujourd'hui. Les enfants rangèrent leur objet magique et sortirent. Chacun partit dans différents endroits du vaisseau pour tester son vitrail. Mais les enfants ne purent le faire, Janis, qu'ils n'avaient pas vue depuis la cérémonie vint les trouver, suivie de son père. -Que ce passe-t-il? demanda Marine, pourquoi pleures-tu? -Je m'en vais, dit-elle tout simplement. -Quoi?! demandèrent les enfants incrédules. -Je vais vivre dans une ville elfique avec mon père. Je ne peux pas refuser. Désolée mes amis. -Mais, c'est impossible! D'abord Martial, puis toi… -Je suis vraiment désolée, dit Janis les larmes aux yeux. Promets-moi Cosme que quand tu te téléporteras grâce au mon pouvoir que tu as copié, tu penseras à moi. -Je ne te l'ai pas piqué! dit Cosme. Quand je l'ai assimilé, personne ne savait encore en quoi consistait notre pouvoir d'assimilation. Janis se mit à rire tout en pleurant. Son père qui était resté derrière s'avança d'un pas et mit sa main sur son épaule. Celle-ci s'arrêta de rire. Soudain tout les deux furent enveloppés par une lumière bleue et ils disparurent sans plus d'explications, laissant les enfants avec une amie en moins. 143


-D'abord Martial, puis Janis, répéta Marine avant de fondre en larmes. Elle se réfugia dans l'épaule de Cosme qui les téléporta dans la lumière bleue des elfes dans la Gallice. A peine arrivée elle demanda à Cosme de la réveiller demain matin, qu'elle allait dormir. Nicolas, Asmodée et Rémi arrivèrent par la porte en courant. Dans ces moments-là, Marine était bien trop agitée pour dormir. Depuis la mort de Martial, elle cherchait inlassablement la paix intérieure. Les enfants n'étaient pas dupes mais la laissèrent faire sans rien dire. De plus, il était encore tôt et ils ne se couchaient généralement pas avant plusieurs heures encore. Il y a des soirées comme ça, où tout va mal.

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XIII Vers Limba

L

es enfants connurent un long moment sans la moindre inquiétude. Noël finit même par arriver bien qu'il fasse vingt-cinq degrés à l'ombre. Cosme eut un pendentif ciselé représentant un pentacle élémentaire en argent et un pot de gel par sa mère, introuvable dans le monde sorcier: "Ton frère m’a dit que c'était la mode pour les jeunes. Je ne sais pas si c'est pareil chez les sorciers mais j'espère que cela te fera plaisir. Ici tout ce passe bien et tu nous manques beaucoup. PS: J'ai trouvé le crayon magique que tu avais donné à ton frère. Je le trouve sensationnel! Je lui ai interdit pour les dictées mais il en garde l'usage à la maison. Mais ne t'avise plus de lui faire ce genre de cadeau ! Ta mère et toute la famille." Il reçut aussi plusieurs autres cadeaux, magiques cette fois, de la part de tous ses amis, même de Janis qui leur rendait parfois visite. Le vaisseau passa ces vacances à conduire les enfants à travers tout l'Atlantide: dans les montagne de le ville de Pisca, dans les villes-ports de Link-Rock, dans le golfe de Tamoy, dans les îles paradisiaques de l'Archipel d'Opale (bien qu'elles soient près du Canada et du Groenland), dans la ville de Gursal au bord du désert du Menjadourt, à Dolem, à Bouir, à Jouline et à Zola. Toutes ces visites se firent en quelques semaines seulement mais toutes les merveilles vues resteraient à jamais gravées dans leur mémoire. M. Benignus ne voulait pas s'arrêter là. Un soir, pendant le repas, il annonça à tous les élèves qui étaient déjà en train de manger le désert: -Chers enfants, commença-t-il. Je vous annonce que nous n'allons pas en rester là. Certes nous avons fait une grande partie de l'Atlantide mais une partie reste encore à visiter: l'Atlantide submergée ! La nouvelle semblait ravir une grande partie de l'assemblée bien qu'une autre partie détesta l'idée de vivre sous l'eau pendant ne serait ce qu'un jour entier. M. Benignus fit revenir le silence et continua: -Cela se passera comme ça: le vaisseau volera au dessus de l'océan et dès que nous serons au dessus d'une ville on se stoppera et on plongera. Par ailleurs… dit M. Benignus en haussant le ton pour se faire entendre. Par ailleurs, avant de faire quoi que se soit nous passerons à Limba pour faire quelques préparatifs comme les fameux maillots de bains permettant aux non atlantes de respirer sous

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l'eau. Pendants que j'y pense, des épreuves vous seront demandées pour savoir si vous savez bien nager. Nous verrons aussi à Limba un troupeau de bicornes. Maintenant, bonne nuit, nous partirons dès demain matin Des exclamations de joie et des applaudissements retentirent dans la Grande Salle. Les enfants se levèrent fous de joie et se dirigèrent vers leurs chambres. Cependant l'euphorie ne pouvait leur enlever l‟idée de la tête qu'ils ne devaient pas tuer Onoximoustros. De retour dans leur Gallice, comme chaque soir depuis qu'ils avaient découvert la vérité, ils travaillèrent tard dans la nuit pour mettre au point un moyen de se débarrasser d'Onoximoustros sans le tuer. La tache était hardie et malgré leur documentation et le Livre de l'Étoile ils ne trouvèrent rien d'autre comme idée qu'une banale formule peu convaincante: Que les vies antérieures nous écoutent Que les victimes innocentes nous soutiennent Que l'Être qui vous a fait du tort, Qui est la cause vous empêchant de trouver le repos Que par notre alliance nous le bannissions, Nous sommes à l’unisson, Nous te rendons au néant, ni au royaume d’en bas ni a celui d’en haut L’Ennemi qui nous empoisonne la vie comme la mort. Et grâce à nos pouvoirs unis nous mettons fin à ton règne, L’oubli sera ta dernière route. Jamais tu ne reviendras nous hanter Le néant et ta dernière demeure d'où tu ne pourras t’échapper. -C'est peine perdue, soupira Cosme. Jamais une banale incantation n'en viendra à bout. -Il a raison, dit Nicolas, on a beau avoir les pouvoirs des dieux, nous n'en sommes pas! -Nous avons retourné le problème dans tout les sens, dit Rémi, à part la potion et l'arme du Livre de l'Étoile qui le détruirait, nous n'avons aucune chance. -Vous n'avez pas honte? s'écria Marine. Nous sommes les Elus, nous nous devons de le mettre hors d'état de nuire. Vous avez vu se qu'il a fait sur le petit village que nous avons sauvé? Et toutes les attaques répétées qu'il nous envoie ? Et notre voyage dans les Contrées du Rêve? Tout ça n'a pas était vain! Nous l'empêcherons de détruire les cristaux d'invisibilités et nous le vaincrons. Dès que nous serons prêts, nous le localiserons et nous le vaincrons! -Je crois que tu te répètes… -QUOI! Qu'est ce que tu dis ? -Que tu à tout a fait raison… t'ai-je dit que tu étais très en beauté ce soir? -Bonne nuit, dit elle en reprenant son calme -Mais… -Bonne nuit j'ai dit, ce n'est pas assez clair? 146


-Bonne nuit! -Bonne nuit. -Bonne nuit… Marine partit encore folle de rage et claqua la porte de sa chambre. De peur qu'elle ne ressorte et ne les couche à coups de sortilèges et de baguettes magiques, les enfants allèrent tous se coucher sans plus attendre. Chacun dans leur coin ils trouvèrent des centaines de solution plus folles les unes que les autres pour en finir avec Onoximoustros. Ils finirent par tomber de sommeil et se réveillèrent le lendemain assez tard car il était samedi et qu'ils n'avaient pas cours. Ce fut Asmodée qui vint les réveiller. Depuis la mort de Martial et le départ de Janis, Asmodée était seule dans sa Gallice et passait le plus clair de son temps dans celle de ses amis. Elle entra bruyamment et ouvrit toute les fenêtres d'un coup de baguette magique. -Quoi? On est attaqué? demanda Nicolas à moitié endormi. -Questcequisepasseicionoximoustrosattaquemaisjetiensàdirequejeveuxencore dormirpendantquejenesuispasentièrementréveilléalorsbonnenuit, marmonna Cosme en se replongeant sous sa couette. -Rien de tout ça, répondit Asmodée enjouée en voyant Rémi et Marine se lever, sans rien dire. Les épreuves vont commencer! -Quoi? Quelles épreuves? demandèrent les enfants en s'habillant. -Voyons on en a parlé hier pendant le dîner: les épreuves pour savoir si on est apte à faire de la plongée sous-marine. Et puis il va falloir aussi se préparer à atterrir. -Mais, je croyais que les épreuves commençaient à deux heures de l'après midi, pas du matin, dit Nicolas en sortant de sa chambre et se dirigeant vers la salle de bain à moitié à reculons. -Il est deux heures. -Quoi! s'écrièrent les enfants paniqués. Mais pourquoi on n‟était pas réveillé! Ce n'est pas vrai! -Vous deviez avoir du sommeil en retard, cela fait presque trois semaines que vous vous couchez à minuit largement passé et que vous vous levez à six heures pour aller en cours. En plus hier on était vendredi, vous avez dus travailler encore tard avec Mme Lapislazulis. -Mais on est en retard! -Ce n'est pas si grave, déclara Asmodée serein pendant que ses amis tournaient autour d'elle à la recherche de leurs affaires dont leur maillot de bain qu'ils n'avaient pas utilisé depuis la rentré. -Mais dit moi, entama Rémi soupçonneux, toi qui est toujours en avance et qui panique dès que tu as une nanoseconde de retard, pourquoi tu paniques pas là? -En fait, avoua-t-elle, il n'est que deux heures moins cinq. -Et moi je te rappelle que ta magik-montre à dix minutes de retards.

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Soudain, Asmodée changea littéralement d'attitude: elle passa par toutes les couleurs du spectre coloré (à part les couleurs invisible comme l'infrarouge ou l'ultraviolets par exemple), elle se mit à trembler et ses yeux s‟exorbitèrent. -On dirait Gustave quand il devient un esprit frappeur, remarque Cosme. A ces paroles l'assemblée frémit. Puis, étant enfin prêts, les enfants s'engouffrèrent dans le couloir et coururent le plus vite possible jusqu'à la piscine olympique du vaisseau où ils avaient rendez-vous. Il y avait une foule considérable. L'immense piscine était entourée de hauts gradins carrelés bleu azur, ce qui allait parfaitement avec la couleur vert clair de la piscine. Les gradins étaient remplis de tous les élèves d'Ultimécia en maillot de bain ainsi que quelques fantômes et les professeurs, tous en maillot. Il y avait dans l'eau des endroits troubles et plus ou moins profonds, signe de sortilèges aquatiques. M. Benignus était installé dans les gradins mais n'était pas en maillot de bain. Mme Contortine, elle en maillot une pièce façon "abeille", tenait une liste à la main et appelait les élèves de sa section pour qu'ils viennent passer les tests. Il y en avait justement un dans l'eau qui semblait se débattre avec difficulté d'une quelconque chose invisible. A leur arrivée, Mme Contortine s'écria de sa voix tonitruante: -Cosme Antigny! Avec un nom pareille vous auriez du prévoir que vous passeriez dans les premiers et arriver en avance. Cela fait cinq minutes que je vous attends. -Je suis vraiment navré, dit Cosme faussement, si pendant que vous m'attendiez un essaim d'abeille vous a prit pour sa reine et vous a gênée, je suis prêt à en prendre toutes les responsabilités. -Pour votre insolence, répondit-elle en rougissant, vous aurez le parcours le plus dur : vous partirez d'ici et vous finirez là. -Entre de là où je commence et de là où je finis il y à peine un mètre, fit remarquer Cosme. -Oui mais vous devez faire le tour de la piscine pour l'atteindre en respirant le moins possible. Vous avez uniquement droit à votre baguette magique. -Et un caleçon de bain j'espère? - Bien sûr, dit-elle en devenant de plus en plus rouge. Maintenant vous vous déshabillez et vous entrez dans l'eau. -Tu n‟aurais pas du l'énerver, dit Rémi à mi-voix. -T'inquiètes, je le fais facile son truc. -Forcément mais rappelle toi, la dernière fois que j'ai voulu te réveiller avec un verre d'eau tu t'es littéralement liquéfié dans ton lit et ça ne t'a même pas réveillé! -C'est vrai mais moi je prends pas feu quand je fais un cauchemar. -Ce que je veux dire c'est qu'on a pas eu le temps d'explorer l'étendue de tes pouvoirs "divins". -Il n'y aura pas de problème, trancha Cosme en finissant de se déshabiller.

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Cosme se redressa et sentit tous les regards se tourner vers lui. A part les sorciers pratiquant le Flagour (un jeu typiquement sorcier), les sorciers ont banni le sport de l'éducation. C'est pour cela que les sorciers musclés sont très rares et que Cosme faisait forte impression chaque fois qu'il se mettait torse nu. Il remarqua cependant dans l'assemblée plusieurs joueurs de Flagour qui n'avaient rien à lui envier, au contraire. Il se dirigea vers le bort de la piscine quand Cyril passa à côté d‟eux. Les enfants ne l'avaient jamais vu torse nu à part dans les Contrées du Rêve, et en plus un il ne portait pas un short de bain mais un maillot trop petit. Les enfants le regardèrent dubitatifs avec son air humble et son corps glabre et squelettique. -C'était toi dans la piscine?! -Oui, Cyril a demandé à s‟entraîner pendant que nous vous attendions, intervint Mme Contortine. Son évaluation aura lieu sous la surveillance de M.Tisseran avec le reste de sa section. Les enfants ne purent réprimer un éclat de rire sonore qui se répercuta en échos dans la salle et qui, par la force des choses, devint vite collectif. Cyril cependant garda la tête haute et son teint pâle prit des couleurs rosées. -Mme Contortine, je trouve cela inadmissible, dit-il d‟une voix glaciale. -M. Antigny, je trouve cela inadmissible! reprit-elle. Pour votre insolence et votre mépris du respect, vous et tous vos amis êtes collés! -Si vous voulez mais on veut une photo de lui avec nous! dit Nicolas à court de souffle. Pour qu'on repense à ce que l'on a fait! Mme Contortine semblait prête à éclater et des veines palpitantes étaient apparues sur son front et sur son cou. Cosme se déplaça encore hilare et entra dans l'eau. Aussitôt, il sentit une agréable sensation le pénétrer. Se rendant compte qu'il était devenu translucide, il dut faire un effort pour ne pas se liquéfier et reprendre son apparence normale. Mme Contortine siffla (avec sa baguette magique) et Cosme plongea. Il se senti soudainement libre et se mit à nager avec agilité sans avoir le moindre mouvement à faire. Puis, au bout de quelques mètres Cosme se senti freiner et se stoppa sans pouvoir bouger. Il attira dans un courant sa baguette magique qui était resté accrochée à son short. Elle se déplaça lentement dans l'eau pour arriver dans la main qui l'appelée. Une fois en main il murmura une formule de dégagement mais bizarrement il comprit ce qu'il dit et aucune bulle d'air ne s'échappa de sa gorge. Il put de nouveau bouger et se projeta en avant. Il continua et fut pris juste au-dessus d'un trou béant dans un tourbillon qui fit de l'écume à la surface de la piscine. Etant aspiré de plus en plus profondément sans aucun espoir d‟échapper au siphon et profitant du rideau d'écume à la surface, il se liquéfia et se reforma hors de porté du siphon qui s'arrêta presque aussitôt. L'écran d'écumes disparut et tout le monde le vit à quelques mètres du siphon. Il continua, brisa une barrière avec un sort gnome et continua sa progression. Brusquement, Cosme sentit une main osseuse se refermer sur sa cheville et le tirer en arrière. Il se retourna et reconnut d‟après le Livre de L‟Étoile un Ydracile, démon des eaux trop dangereux pour faire partie 149


du test. Le démon le projeta dans le fond de la piscine. Avec le recul, Cosme put bien le voir. Il avait la peau verte et luisante, pas de nez, une bouche garnie de dents de phacochère, un corps nu squelettique terminé par une queue de sirène. Il fonça sur lui bouche béante et referma les crocs dans le vide juste à deux centimètres du cou de Cosme qui s'était dégagé. Rémi vit le démon en premier dans l'eau et s'empressa de bloquer le temps. Ces amis, affolés par son blocage regardèrent partout sauf dans l'eau. Rémi le leur dit et ils réprimèrent un cri d'horreur : il ne pouvait bloquer le temps que s'il était lui-même dans l'eau. Cosme se débattait sous l'emprise du démon qui l'avait de nouveau attrapé. Nicolas n'hésita pas, dans un réflexe héroïque et d'une intelligence certaine, il poussa Rémi dans l'eau. Le démon le vit et se précipita sur lui, voyant que lui ne pouvait se déplacé aisément dans l'eau en faisant une proie facile. Rémi le bloqua enfin, le visage à quelques millimètres de ses dents monstrueuses. Il ressorti de l'eau suivi de Cosme. -Non mais ça va pas?! hurla Rémi. J'ai failli y rester! -Oui, répondit Nicolas en se glissant imperceptiblement derrière Marine. Mais grâce à toi et à moi vous êtes tous les deux vivants. -Je te jure que je vais te dévisser la tête! -Attendez, dit Marine en repoussant Nicolas caché derrière elle. Il faut d'abor éliminer ce démon. C'est toi qui as étudié tous les démons de l'élément eau. Tu dois bien savoir quelque chose. -Ba euh… réfléchit Cosme. Les Ydraciles sont des sirènes maudites… Ils…ils… -Tu ne sais plus comment le détruire? le coupa Nicolas affolé en regardant l'affreux corps du démon. -Si!... non. Désolé. -Ca ne sert à rien d'être désolé. Comment on va faire? demanda Marine. -Vous savez, dit Cosme, ils sont très courants dans l'océan et l‟incantation pour les invoquer est très simple… -Où veux tu en venir? demanda Rémi. -Et bien, on débloque la salle et les professeurs s‟en occupent, croyant à une mauvaise blague. -Non mais ça va pas bien toi, dit Marine navrée. -C'est une super bonne idée! s'esclaffa Nicolas. -Oui enfin moi je dis ça mais je dis rien. -C'est pas si bête, faut voir, dit Rémi. -On ne va rien voir du tout! dit Marine. -C'est moi qui choisit de débloquer le temps, dit Rémi, je ferai donc ce qui me plait. Va dans l'eau Cosme. Cosme sauta dans l'eau et alla le plus loin possible du démon au moment où Rémi débloquait le temps. La foule se leva voyant le démon poursuivre Cosme qui filait à toute allure sans faire le moindre mouvement, comme s‟il volait, sauf que c'était dans l'eau. Les enfants évitèrent le regard furieux de M.

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Benignus qu'ils sentaient dans leur dos et regardèrent les professeurs encercler la piscine. -Un, deux, trois! Meherucle recantatum! Les sortilèges fusèrent de toutes les baguettes magiques des professeurs et frappèrent le démon qui devint alors une superbe sirène à l'air hagard. -Il suffisait d'un sortilège de "Libération magique"?! dit Marine ahurie. -En fait, dit Rémi, il suffisait de briser la malédiction de la sirène pour qu'elle redevienne elle-même. -Dès que Cosme est sorti je le tue, déclara Marine. Un simple sort de "Libération magique"! Je n'en reviens pas! -Oui mais si on l'avait fait nous même on se serait retrouvé avec une sirène sur les bras et elle aurait était dure à cacher, dit Nicolas. -C'est vrai ça! dit Marine comme si elle venait d'avoir une vision. Les professeurs aidèrent Cosme à sortir de l'eau, épuisé d'avoir gaspillé tant d'énergie à fuir le démon. Il fut tout de suite conduit à l'infirmerie et reçu la meilleure note par Mme Contortine qui se croyait responsable de tout. Les enfants demandèrent à passer leur test en priorité pour pouvoir aller rejoindre Cosme à l'infirmerie. Mme Contortine ne le leur refusa pas et ils eurent tous des très bonnes notes alors qu'ils avaient les parcours les plus simples. Ils partirent presque aussitôt et allèrent dans les couloirs déserts rejoindre Cosme. En arrivant ils eurent la surprise d'y trouver M. Benignus qui, sourcils froncés, semblait les attendre. Les enfants pénétrèrent dans la salle de l'infirmerie et virent Cosme en parfaite santé couché dans un lit. A peine entrés, M. Benignus se tourna vers eux: -Je peux savoir ce qui vous a pris? Vous auriez du "bloquer" toute l'assemblée et détruire ce démon tous seuls. Il y aurait put y avoir des blessés. -Oui, nous. -Ecoutez, dit Marine. Ce démon des eaux et classique et son incantation banale. Son apparition pouvait passer pour un incident technique…enfin, magique. De plus, on avait oublié la façon de s'en débarrasser. En fin de compte, même si on avait fait le nécessaire on aurait eu une sirène à cacher alors… -C'est juste, finit par dire M. Benignus au bout d'un long silence pesant. Ca va pour cette fois mais ne recommencez plus… Cosme manqué d'énergie magique, Melle Lène lui en a donné une bonne dose. Il peut partir quand il veut. Mais maintenant allez vous préparer pendant que je l'annonce aux autres, on arrive à Limba plus tôt que prévu et nous pourrons débarquer tout de suite après déjeuner. Les enfants sortirent de l'infirmerie et allèrent directement à leur Gallice en faisant juste un détour pour déposer Asmodée à la sienne. Ils poussèrent la porte de leur Gallice et soudain Rémi s'écria: -Le Livre de l'Étoile n'est plus là!

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XIV Faërie

-Q

uoi?! dit Cosme qui n'en croyait pas ses oreilles. -Le Livre de l'Étoile a été volé, tu sais le gros grimoire avec pleins de gravures représentant des créatures immonde qu'on appelle démons avec un texte à côté qui dit comment les détruire. -On sait tous ce qu'est le Livre de l'Étoile, trancha Marine. -Mais c'est impossible, paniqua Nicolas. Personne ne sait qu'il existe! -Si, le complice de Gustave l'esprit frappeur, dit Rémi. -Il faut aller le chercher, sans lui on n'a aucune chance! dit Marine en se précipitant vers la porte. -Attends! l'interpella Rémi. Il est déjà sûrement très loin ou de retour à la piscine où il passe désormais inaperçu. Il faut dire à M. Benignus mais d'abord, il faut surtout se préparer à atterrir à Limba. -D'accord, admit Marine déçue et déboussolée. Rémi se réfugia près de la cheminé qui flambait, Marine se mit à écrire des formules compliquées contre les démons, Cosme alla prendre une douche pour être dans son élément et seul, Nicolas se coucha sur le canapé la tête perdue dans ses pensées. L'eau était brûlante mais Cosme s'en accommodait très bien. La buée recouvrait les vitres et les miroirs. Cosme respira profondément. Etaient-ils réellement perdus sans le grimoire? Onoximoustros n'allait sûrement pas tarder à les attaquer. Sûrement en ville. Tout le monde comptait sur eux sans même les connaître. Et s'ils venaient à mourir? Qui se débarrasserait d'Onoximoustros? Et il ne fallait surtout pas le tuer de peur de déséquilibrer la balance du bien et du mal. Brusquement, Cosme ferma l'arrivée d'eau et sortit. D'abord sous la forme d'une étrange impression, puis sous l'aspect d'une certitude, il sentat qu'il été arrivé quelque chose d‟anormal. Il appela ses amis mais personne ne répondit. Sans prendre le temps de se sécher, il prit son pantalon en toile et l‟enfila rapidement avant de saisir sa chemise qu‟il ne boutonna pas. Il attrapa sa baguette et ouvrit la porte lentement en appelant doucement. Une étrange brume flottait à quelques centimètres du sol avec une infecte odeur de soufre. Il ouvrit toutes les portes des chambres d'un coup de baguette mais il se rendit à l'évidence: ses amis avaient disparu. Il ouvrit la porte de sa Gallice à grande volée d'un geste brusque du bras et se précipita dehors. La brume et l'odeur de soufre régnait partout où Cosme posait les yeux. Se laissant guider par son instinct, il se mit à courir dans les couloirs déserts, comme si le temps était

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arrêté et que seule cette brume bougeait sous les pieds de Cosme qui martelait le sol. Tout en courant il transforma sa baguette en bâton et arriva aux escaliers centraux qui donnaient sur le grand hall. Ils étaient là, il en était sûr. Il enjamba la rambarde et sauta dans la cage d'escalier dont la profondeur atteignait plusieurs vingtaines de mètres avant de se trouver au rez-de-chaussée. Il eut alors la vision de ce qu'il craignait : là, en bas, mesurant près d'une dizaine de mètres de hauteur, avec huit tentacule, une énorme mâchoire avec trois rangées de dents, un corps vert qui laissait échapper des spores à l'odeur de soufre : un démon de type plante carnivore assez grand et gros pour avaler dans sa bouche, tous les élèves d'Ultimécia en seulement quatre gorgées. En chute libre, Cosme atteignit rapidement le bas et s'arrêta dans un puissant rayon de magie grâce à son bâton et atterrit sans encombre devant l'hideux démon. Alors il vit l'inimaginable: sur son ventre grassouillet qui luisait d'un liquide visqueux s'échappant de cloques blanchâtre, les bras, les jambes et les têtes de ses amis comme s‟ils ne formaient plus qu'un avec le démon. Ils étaient visiblement empoisonnés par le pus du monstre et ne donnaient aucun signe de vie. Cosme sentait la colère l'envahir. Il commença à faire tournoyer son bâton de plus en plus vite créant un bouclier magique protecteur. Il ne savait quoi faire sans le Livre de l‟Étoile devant ce démon. Mais étrangement celui-ci ne bougeait pas non plus. Soudain, ses amis disparurent dans le corps du démon qui se mit à gonfler et à briller. Cosme entendit alors quelqu'un derrière lui. -Tien? Tu es retour? lui demanda l'homme. Cosme reconnut aussitôt le roi Bidane, roi de la ville de Céléphin dans les Contrées du Rêve. -Mais, dit Cosme abasourdi, je suis dans les Contrées des Rêves? -Cosme! Cooosme! La voix de Nicolas parvenait à lui voilait comme si elle était très lointaine, étouffé par des milliers de kilomètres. Cosme respira profondément. Il était sous la douche où l'eau était devenue brûlante. Il se passa les mains dans les cheveux et redressa la tête. Il regarda son reflet dans le miroir fasse à la douche. Son reflet était brouillé par la vapeur d'eau qui envahissait la salle de bain. Il avait rêvé. Il tourna le robinet d'eau chaude pour couper l'eau et sortit d'un pas lent de la douche, encore sous le choc de son rêve. Il prit une serviette qu'il enroula autour de sa taille et essuya avec la main le miroir qui se trouvait au dessus des lavabos. Il prit une profonde inspiration. La voix de Nicolas retentit de nouveau derrière la porte: -Cosme! Cosme jeta un regard d'horreur à la porte. Brusquement, dans un nuage de couleur, Cosme laissa place au gnome qu'il devenait chaque fois que son nom était prononcé trois fois d'affilée. Il bondit jusqu'à la porte et cria une formule en langage gnome. Aussitôt la porte disparut et Nicolas fut inondé de vapeur d'eau. -Cosme? Tu es là? C'est un vrai sauna la dedans! On a atterri tout le monde t'attend. 153


Nicolas fini par baisser les yeux et vit le gnome violet complètement nu avec une serviette ridiculement petite autour de la taille devenir bleu de colère. Alors un voile violet quitta la main du gnome et frappa Nicolas qui se transforma en statue de granit. Rémi accourut ainsi que Marine. -Cosme, Cosme, Cosme! Rend lui son apparence. Tout de suite! Cosme rendit donc à Nicolas son apparence normale après quelques minutes de combat acharné par ce que Cosme voulait le laisser comme ça toute la journée. -Que t'arrive-t-il? demanda Marine. Tu as l'air de mauvaise humeur. -C'est que…, commença Cosme. J'ai fait un rêve et vous étiez tous capturés par un monstre et je n'arrivais pas à vous sauver… -Ce n'est qu'un rêve… -Non! Vous ne comprenez pas. Sans le Livre de l'Étoile on n'est rien. On ne connaît pas assez la sorcellerie, ni la magie et encore moi les illusions pour se débrouiller seuls face aux démons. - Calme-toi, dit Rémi. Pour le moment on va aller rejoindre les autres à la Grande Porte et visiter la ville de Limba. Après on en parlera à M. Benignus. D'accord? -D'accord, fini par dire Cosme résigné qui suivait la discussion de sa chambre où il s‟habillait. On est à quelle distance de la ville? -On est accosté à son port. -Accosté? -Oui Limba possède un port très important car il donne sur l'Atlantide immergée. Sans dire un mot de plus, les enfants partirent en direction de la Grande Porte. Une foule se tenait déjà devant la porte du Grand Hall et les enfants ne purent descendre les escaliers jusqu'en bas. M. Benignus venait de finir son discours d'avant chaque débarquement et les portes commençaient à s'ouvrir. Devant eux s'étendait un océan bleu azur qui reflétait le soleil de plomb faisant luire les vagues comme des diamants. Les enfants descendirent en dernier le pont magique et furent éblouis par le soleil. Arrivés en bas, tout le monde restait là, les yeux mi-clos, face à M. Benignus et à Mme Contortine ainsi que tous les autres professeurs. M. Benignus prit la parole: -Nous allons faire des groupes qui alternativement vont : s'acheter leur maillot de bain magique qui vous permettront de respirer sous l'eau, aller voir les licornes puis les bicornes, visiter la ville, acheter quelques affaires si vous le voulez et enfin rentrer au vaisseau. Très bien alors, les trente premiers avec moi, les trente suivants avec Mme Contortine, et ainsi de suite jusqu'à M. Humulus qui prendra le dernier groupe. Bonne après midi à tous! -Oh non pas lui! gémit Marine qui ne s'était pas remise de leur histoire du début d‟année sur leur Gallice mixte. -Où vas-tu? demanda Nicolas en la voyant partir. -Je vais devant pour être dans un autre groupe, souffla-t-elle affolée. 154


-Bonjour Marine, tu es dans mon groupe je crois? Marine leva la tête et vit M.Humulus devant elle avec un grand sourire. Elle confirma de la tête sans rien dire et alla se cacher tout au fond de la rangée. -Voila le programme, annonça-t-il d'un air enjoué. Nous allons commencer par aller acheter nos maillots de bain, puis nous en profiterons pour faire un tour en ville et on finira par aller voir les licornes et les bicornes. On y va? Les enfants ne purent dire non et ils suivirent tous M. Humulus qui les mena sur la plage. Sur la côte s'alignaient à perte de vue des magasins de maillots atlantes avec tout autant d'étalages portant les tailles et les formes des plus extravagantes. M.Humulus huma le parfum de la mer et dit: -Voici tout ce dont vous avez besoin. Allez et faites votre achat de maillot de bain pour ceux qui ne l‟ont pas fait à Dirulas. Aucune restriction de taille, de forme ou de couleur. Revenez ici pour les tester. S‟ils ne fonctionnent pas, on veut le savoir tout de suite et pas en pleine mer sous plusieurs tonnes d'eau. Aussitôt les élèves se séparèrent par petit groupe et disparurent dans la foule des touristes. Les enfants restèrent naturellement ensemble mais ils préférèrent se séparer rapidement quand le passage aux essayages commença, les filles partirent d'un côté et les garçons de l'autres. Ils essayèrent des tas de maillots dans des tonnes de boutiques différentes: les zébrés, les écossés, les léopards, les profilés, les moulants, les pouffants, les larges, les longs, les minuscules, les amples, les bariolés, les changeants de couleurs, les transparents, les unijambistes, les trijambistes, les kangourous, les fluorescents, les en laines, les rigides, les invisibles, les holographiques, les magiques, les élémentaires qui sont parfois très chaud et parfois très froid, les magnétiques et enfin les rembourrés. Enfin de compte ils optèrent tous pour un short de bain (ou caleçon de bain), classique avec juste un motif pour les différencier car ils étaient tous dans les tons pastels .Ils redoutaient de ne pas les reconnaître dans la Gallice: Rémi avait un symbole chinois, Nicolas un dragon, et Cosme une rune elfique. Les garçons les mirent sous leur vêtement et se rendirent sur la plage où la moitié du groupe était réuni. Ils cherchèrent les filles du regard mais ne les trouvèrent pas. Ils allèrent donc s'asseoir au soleil pour les attendre. Ils se mirent en maillots et s'allongèrent sur le sable brûlant sous ce soleil perpétuel. Cosme avait excessivement chaud sûrement à cause de son pouvoir sur l'eau, Nicolas bronza en quelques minutes grâce à son pouvoir sur les plantes : sa mélanine avait surgi de la même façon que la photosynthèse d‟une plante. Rémi, lui, supportait admirablement la chaleur par son pouvoir du feu. Ils étaient là à bronzer quand une ombre vint se mettre sur leur visage. Il s'agissait de Marine et d'Asmodée. Celles-ci étaient vêtues de paréos et les garçons ne purent voir leur maillot de bain. Ils ne voulurent pas se lever et quitter le sable chaud pour se remettre debout et leur parler. Les filles restèrent immobile un instant et dirent en soupirant légèrement: -Il faut se réunir. Tout le monde ou presque est de retour. 155


-Déjà? dit Rémi surpris. -Oui et ils vont nous attendre si on ne se dépêche pas. Les garçons se levèrent enfin et suivirent des filles. Ils rejoignirent le groupe d'élève qui s'était rassemblé autour de M. Humulus. Il avait revêtu un maillot de bain une pièce très proche de la grenouillère, bleu et vert. Les enfants ne connaissaient pas tout le monde dans leur groupe et il n'y avait ni Cyril ni Franck mais il y avait des élèves de première année comme de dernière. Les enfants étaient considérés comme encore jeunes mais ils étaient dans l'adolescence. M. Humulus prit la parole: -Tout le monde est de retour nous allons donc pouvoir commencer. Tout le monde dans ce groupe sait nager sauf toi, dit il en montrant un élève de première année qui se tassa sur lui-même. Tu resteras donc avec moi. Mais avant, je les accompagnerais puis je reviendrais te voir. Cette plage descend très abrupte. Au bout de quelques mètres elle atteint presque les deux mètres cinquante, puis il y a un cassement et vous vous trouvez dans un canyon. Alors surtout, si vous n'avez plus pieds, plongez et inspirez profondément. Au début vous aurez l'impression de suffoquer mais ça passera très rapidement et vous pourrez alors respirer normalement. Pour cette première sortie vous n'aurez droit qu'à un quart d'heure. Après je viens vous chercher à coup de baguette magique. C'est clair? -Oui, répondit le petit groupe avant de se précipiter vers l'océan. Les filles enlevèrent leur pagne et se dirigèrent vers l'océan avec les garçons qui crépitait d'excitation devant cette future liberté que représentait l'océan. Ils partirent d'ailleurs devant les filles en courant et en se jetant de l'eau, qui grâce à leur maillot magique, ne paraissait pas du tout froide sous ce soleil de plomb. Ils perdirent vite pieds et plongèrent sous l'eau d'une clarté incroyable. Rémi plongea plus profond que ses amis et, toujours en apnée, vit Cosme qui respirait déjà à plein poumons et filait comme un poisson sans faire le moindre geste. Il se concentra, ferma les yeux et prit une profonde inspiration. L'eau s'engouffra dans ses poumons dans une douleur aiguë qui lui arracha un cri qui fut étouffé par l'eau mais qui fit fuir tous les poissons. Il se tortillait dans l'eau et la douleur devint plus intense encore. Il avait l'impression d'être dévoré de l'intérieur par des vers qui se trouvait dans ses poumons et sa gorge. Finalement, la douleur se radoucit pour presque disparaître. Il respirait quasiment normalement mais chaque inspiration lui était douloureuse. Il pensa d'abord à un disfonctionnement de son maillot mais la réponse lui vint d'ellemême: l'incompatibilité entre ses pouvoirs liés au feu et la magie des maillots liée à l'eau. Cependant, il pouvait après un certain temps d'adaptation respirer sous l'eau comme tout le monde mais la simple idée de subir cette torture à chaque arrêt lui sembla insupportable. C'est alors que Cosme vint à lui: -Ca ne va pas? dit-il avec presqu‟aucun changement dans la voix. Je t'ai entendu crier. -Comment tu as pu m'entendre vu que l'on est sous l'eau? dit Rémi avec douleur en s'étonnant lui-même de la netteté de sa voix. 156


-Nos maillots nous permettent d'entendre et de parler sous l'eau et puis, j'ai quelques pouvoirs… Alors, pourquoi? -Toute cette eau est incompatible avec mes pouvoirs à moi et j'ai eu l'impression que mes poumons prenaient feu quand l'eau y est entrée. -C'est pas très logique ça… quand on a pris l'espèce de bulle d'eau pour aller voir les Erudits ça ne t'as pas dérangé? -Je n'avais pas encore de pouvoirs divins sur le feu je te rappelle. Je crois que je ne pourrais pas visiter l'Atlantide engloutie. Ca me fait trop mal. Sur ce, Rémi remonta à la surface et retourna sur la plage. Cosme le regarda s‟éloigner en nageant difficilement et le laissa partir sans rien faire. Il ne lui restait plus que dix minutes de liberté et il ne comptait pas les passer auprès de son ami. L'eau qui l'entourait le rendait totalement euphorique. Le temps n'avait plus d'importance pour lui. Le silence de l'océan était presque écrasant mais il aimait ça et il plongea vers le fond au plus profond possible. Cependant l'océan n'était pas très profond à ce niveau la et il atteignit vite le fond. Il vit des algues et des poissons multicolores, quelques Atlantes et ce qu'il prit pour une sirène vue de loin. Il continua s'éloignant toujours plus des côtes. Soudain un atroce mal de crâne le força à s'arrêter dans sa fougue. Une douleur violente et aigue qui lui arracha des bulles de douleur. Il remonta à la surface le plus rapidement possible et retrouva l'air libre non sans tristesse. Il souffrait atrocement et la douleur le poussait vers la côte. Il replongea à quelques mètres et se dissous dans l'eau pour regagner la plage en quelques secondes. Il jaillit littéralement de l'eau dans un saut de plusieurs mètres en reprenant forme humaine et retomba sur la plage à genoux. La douleur disparut alors aussi vite qu'elle était apparue. Cosme releva la tête. Il se trouvait au milieu des élèves de son groupe qui étaient tous de retour et M. Humulus qui avait sorti sa baguette, le regard brillant d‟une étrange lueur. -Vous voyez les enfants, ce sort ce nomme Le Mal Foudroyant. Il produit chez la victime un violent mal de crâne insupportable. Quand je dis: retour dans un quart d'heure cela veut dire retour dans un quart d'heure M. Antigny. Cosme regarda M. Humulus les yeux vagues encore troublés par la douleur. Pour oublier tout ça, M. Humulus conduisit tout les élèves manger une glace succulente chez un Atlante dont le pouvoir était de donner à de la glace d'eau n'importe quel goût. Puis ce fut la visite intégrale de la ville avec son port de pêche et ils se dirigèrent tous vers le zoo municipal où ils retrouvèrent le reste des élèves d‟Ultimécia. Ils y virent les licornes et les bicornes dans deux enclos. Ces créatures étaient d'un blanc argenté avec une crinière plus blanche que la neige et leur sabot d'un noir de jais plus solide que des diamants. Ils avaient une corne (ou deux) pointue et effilée tout aussi blanche que le reste de leur corps. Les enfants se postèrent devant l'enclos des licornes et restèrent là à contempler cette créature qui inspirait le bonheur et la sérénité. Mme Jacqueline, qui était une professeur de biologie magique, aidée de Mme Camélia qui enseignait la zoologie magique, déblatérait de choses et d'autres sur les licornes et les 157


bicornes et le fait que son rêve serait de donner son nom à une espèce d'animaux encore inconnue (les Jacquilinus par exemple). A ce moment-là, un Atlante du zoo emmena une licorne dans un enclos à part. Les enfants la suivirent dans son trajet majestueux comme hypnotisés. Asmodée demanda à un élève qui passait: -Que ce passe-t-il? -Un élève a demandé si on pouvait prendre une photo magique d'une licorne et d'une bicorne l'une à côté de l'autre. Le zoo n'en a jamais eu l'idée et la trouve tellement géniale qu'il en veut une aussi. Les enfants haussèrent les épaules et suivirent la foule d'élève qui se dirigeait vers l'enclos où la rencontre allait se faire. Cet enclos, où se trouvait déjà la licorne, était entouré d'une barrière magique au cas où quelqu'un voudrait perturber la rencontre. La bicorne tout de blan vêtu avec ses deux cornes l'une au dessus de l'autre s'avança vers l'enclos. Elle entra et la porte se referma sur elle. C'est alors que l'incroyable se produit: après une brève observation, on ressentit chez la licorne des signes de panique. De l'autre côté de l'enclos la bicorne avait perdu toute sa beauté, ses yeux était devenus rouge sang, son pelage argenté s'était noirci comme couvert d'une ombre malsaine, elle s'était mis à hennir de la vapeur d'eau, son museau était devenu squelettique et son sabot grattait le sol comme un taureau. Le splendide animal était devenu une bête en furie dangereuse. La licorne fit quelques tours de l'enclos où on l'avait emprisonnée par mégarde et elle comprit qu'elle ne pouvait pas fuir. Elle se résigna au combat et fit face à la bicorne qui la chargeait déjà, toutes cornes en avant. La licorne contra l'attaque et le duel commença. Il se déroula comme un combat d'épées entre les cornes des créatures. Le spectacle des deux animaux s'entretuant figea de terreur les spectateurs qui ne bougèrent pas d'un pouce. Elles se griffèrent, se donnèrent des coups de cornes sanglantes, le pelage immaculé de la licorne se couvrait de tache de sang rouge vif tandis que celui sombre de la bicorne se tachait d'un sang brunâtre et impur. Le combat dura à peine dix minutes et la bicorne chargea une dernière fois la licorne qui s'écroula sur le sol, le flan comportant deux entailles conique s'enfonçant profondément dans sa chaire. La mort de la licorne ne laissa personne indifférent et la bicorne retrouva son apparence d'avant, belle et majestueuse. Marine, les yeux rivés sur les plaies béantes de la licorne sentit le monde autour d'elle se dissiper. Les images de la mort de Martial revinrent à sa mémoire ; les mêmes plaies, les mêmes entailles coniques. Les larmes lui montèrent aux yeux. Elle ne dit rien, elle avait compris : ce jour là, une bicorne avait blessé à mort son ami. Le choc la plongea en état de choc et elle ne reprit ses esprits que le soir venu dans sa Gallice où ses amis l'avaient conduite. -La mort de la licorne était horrible presque tout le monde a pleuré mais de là à être comme elle est maintenant, c'est abuser je trouve, déclara Nicolas qui en avait assez de ne pas la voir retrouver ses esprits. 158


-Elles l'ont tué, dit Marine à voix basse. C'était le premier mot qu'elle prononçait depuis le mort de la licorne et tous ses amis se rapprochèrent d'elle. Elle semblait de nouveau normale, comme si rien ne s'était passé. -Martial c'est fait tuer par une bicorne, reprit elle avec calme. -Je crois que tu délires Marine, dit calmement Rémi. Rassois-toi. -Mais non! dit Marine en sautant sur ses pieds. Ma vision n'a jamais été aussi claire! Quelqu'un ou quelque chose doit pouvoir déclencher chez les bicornes la même réaction qu'elles ont envers les licornes. Si semblables et pourtant totalement opposées ! Il ou elle l'envoie à la charge de Martial, qui, surpris n'a ni le temps d'appeler à l'aide ni de dégainer sa baguette. Puis, pendant que le commanditaire devait rire au éclat, prise de furie, la bicorne a piétiné la tête de Martial. Leurs sabots sont plus durs que des diamants alors ça n'a pas du être trop dure pour elle. C'est logique! finit Marine avec un grand sourire comme si tout était évident. -Mais…, commença Nicolas. -Je suis d'accord avec elle, trancha Asmodée. Mais je pense qu'il y a une autre raison que la folie qui ait poussé la bicorne à piétiner la tête de Martial. Les atlantes possèdent le pouvoir de projeter la dernière image qu'a vue le mort, donc son assassin. Mais sans yeux ni cerveau, cela devient impossible. -Mais…, commença Nicolas. C'est alors que la porte s'ouvrit brutalement. Entrant, rouge de rage, leurs professeurs de magie et d'enchantement se disputaient : -Je vous dis que c'est mon soir! hurlait Grégoire. -Moi je vous dis que ce soir ils ont cours de magie! Pas d'enchantement! cria Mme Lapislazuli. -Et si vous continuez à crier comme ça il n‟y aura plus aucun cours de rien, intervint Asmodée. Allez, je vous laisse, bonne nuit. -Asmodée a raison si vous continuez on va tous se faire remarquer. -Ecoutez les enfants et allez vous en dans vos grottes! hurla Mme Lapislazuli. -Je ne vous permets pas vieille chouette! -Quoi?! Comment osez-vous? cria Mme Lapislazuli d'une voix aigue. Ils criaient de plus en plus fort et les enfants entendaient remuer dans les Gallices voisines. Cosme claqua la porte d‟où il était d'un geste de la main et les enfants essayèrent de les calmer. Ils finirent par abandonner et se réfugièrent dans un coin de la pièce: -On ne peut pas les laisser crier comme ça. Quelqu'un va finir par aller voir un professeur. Déjà que c'est dur de ne pas faire remarquer qu'une fille occupe une Gallice de garçon. Si un professeur entre et nous voie tout les quatre avec ces deux-là M. Benignus ne pourra pas nous couvrir. -Je sais bien mais je n'ai pas d'idée. On fait quoi? -Et si on les changeait en statues?

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-Ca ne servirait à rien une fois défossilisés ils reprendront leur dispute sans s'être rendu compte qu'ils ont passé un laps de temps immobilisé. -On fait quoi alors? -Je n'en sais trop rien… -Je sais, on a qu'à les téléporter avec nous loin d'ici! -Bonne idée, surtout que maintenant tout le monde sait se téléporter. -On fait ça alors? -Bah je ne vois pas d'autre solution… -Allez on y va! Les enfants se dirigèrent résolus vers les deux professeurs. Marine attrapa Mme Lapislazuli par le bras et toutes deux se mirent a attirer la lumière en rayon lumineux et une fois devenues éblouissantes elles explosèrent en myriade d'étincelles dans un éclair aveuglant. Pendant ce temps, Nicolas avait saisit Grégoire qui se débattait et tout deux furent recouverts de lianes et de feuilles qui poussèrent sous leur pieds en un instant. Les lianes retournèrent dans le sol emportant Nicolas et Grégoire. La pièce retrouva son calme, laissant là Rémi et Cosme. Ils poussèrent un soupir et sortirent leur baguette magique. Rémi ouvrit la porte. Devant celle-ci se trouvaient ceux des Gallices voisines qui, alertés par les cris de la dispute, étaient venus voir ce qui se passait. Rémi et Cosme expliquèrent une dispute sur l'utilisation d'un sort et renvoyèrent tout le monde. Ils refermèrent la porte. -Allez courage on va retrouver les deux furies. -Oui surtout que l'on ne sait toujours pas qui a raison sur le cours que l'on doit avoir… Cosme soupira de nouveau. Il s'enveloppa d'une lumière bleue et disparut dans les airs. Rémi secoua la tête et le suivit. Il devint progressivement translucide puis transparent pour s'évaporer complètement. La Gallice se trouva vide et silencieuse. Rémi réapparut de la même façon dont il était partit et retrouva tout les autres en pleine dispute: -C'est inamissible! Comment osez-vous téléporter vos professeurs comme ça? En pleine discussion qui plus est! -Il a entièrement raison. Vous devriez avoir honte! Maintenant je vous prierez de ramenez "Grégoire" au vaisseau que l'on puisse commencer notre cours de Magie… -Comment ça?! C'est vous qui devez partir! C'est mon jour! -C'est le mien! -Le mien! -Le mien! -Mais non c'est le mien! -Vous pourriez pas faire un cours commun par hasard? demanda timidement Marine. 160


-C'est une idée…avoua Mme Lapislazuli. -Oui c'est possible, vous avez les pouvoirs de nos dieux je crois? -C'est exact, répondit Rémi. -Dans ce cas que dites vous cher consœur de leur apprendre à les invoquer? Sans votre "magie" je ne peux leur apprendre à invoquer des Gardiens. -Oui et moi sans vous je ne peux pas non plus leur apprendre. -Je suis content que vous soyez d'accord mais c'est quoi les Gardiens? -Les Gardiens sont des créatures magiques que seul un magicien et un enchanteur en parfaite union peuvent invoquer. Etant donné que vous êtes les deux à la fois vous devriez y arriver… C'est ainsi que leur cours d'invoqueur commença au sommet d'une colline perdue dans la forêt et autour d'un feu de camp que Rémi alluma sans peine. Mais s'ils avaient fait plus attention, ils auraient sûrement vu les deux yeux qui les observaient tapis dans les bois…

Le matin pointait son nez à l'horizon quand le cours prit finalement fin après une nuit éreintante. Les enfants arrivaient maintenant à invoquer des Gardiens mineurs mais ils n'avaient toujours pas réussis à invoquer les dieux qui leur étaient pourtant attachés. Epuisés, leurs professeurs communs leur dirent bonne nuit et s'en allèrent sans demander leur reste, ravis du travail accompli. Les enfants, seuls, allaient repartirent quant une lumière vint tournoyer autour d'eux. Marine la reconnut tout de suite: -Candilia! cria-t-elle folle de joie. Dommage qu‟Asmodée ne soit pas là elle ne croie pas que je connais une fée. -Moi aussi ça me fait plaisir de te revoir mais je suis là en mission en fait… -Quoi comme mission? demanda Nicolas qui s'était rapproché de la fée qui faisait du sur place à présent. -La doyenne des fées vous offre une invitation pour vous rendre en Faërie afin de vous remettre…hum mignon toi… -Candilia! l'interpella Marine, pour nous remettre quoi? -C'est un secret… tu es libre? -Candilia! la rappela à l'ordre Marine. Je croyais que les humains ne pouvaient y entrer. -Oui mais vous savez… Cosme, Cosme, Cosme! Marine, Marine, Marine! Nicolas, Nicolas, Nicolas! Rémi, Rémi, Rémi! Un nuage opaque de couleur multiple apparut pour laisser place à une fée, un gnome, un lutin et un farfadet. -C'est malin ça! grommela Cosme. Mais… Comment tu es au courant pour cet enchantement ? demanda-t-il surpris. -On a nos source, et c‟est pour vous la seule façon d'entrer en Faërie. C'est dommage que tu ne te transformes pas en fée mâle comme dit Marine… -Candilia! Et maintenant? s'impatienta Marine. 161


-C'est simple, nous ouvrons une brèche entre nos deux monde et vous entrez. Suivez-moi. Candilia voleta devant eux et elle ouvrit les paumes. Aussitôt le tronc qui se trouvait devant elle se fendit en deux laissant apparaître un autre paysage. Les créatures magiques s'engouffrèrent dans le passage pas plus haut que cinquante centimètres et il se referma derrière eux. A peine entrée ils reprirent leur forme humaine. Ils restèrent stupéfait de ce qu'ils voyaient. Ils se trouvaient dans une forêt luxuriante jalonnée de ruines d'anciens temples, de grands arbres aux racines noueuses, aux feuillages touffus et aux branches entremêlées. Il pendait jusqu'au sol de grandes lianes et toute la forêt, aussi dense soit elle, était verte et parfois même en fleurs. Alors qu'ils étaient encore à contempler toute la grandeur de la nature et toute sa féerie, un cri de nouveau-née attira leur attention et, ayant perdu de vue Candilia, avancèrent malgré tout facilement dans l'épaisse forêt qui semblait se faire moins dense à chaque pas. Les enfants entendaient dans leur dos des bruits de pas et de battements d'ailes mais ils continuèrent comme si de rien n'était. Soudain ils se retrouvèrent devant une petite rivière magnifique d'une couleur azur et d'un transparent sans pareil orné de nénuphars magnifique avec au loin des colonnes romaines. Là, dans l'eau, coincé dans les racines des arbres, se trouvait un berceau doré qui rayonnait. Les enfants s'approchaient du berceau quand une fée richement vêtue apparut devant eux. Aussitôt des centaines de fées en mouvement emplirent la forêt de lumières colorées et changeantes, des créatures magiques apparurent de tout côté. Il s'agissait pour la plupart de nymphes, de créatures à l'image de femme avec des cornes, des ailes ou encore avec une queue et des sabots, qui sont généralement vêtues de fleur, de lianes ou de voiles et de tissus légers. Mais il y avait aussi des créatures à forme de bête, des centaures, des farfadets, des gnomes, des lutins, des faunes, des satyres, des sylvains (petites créatures translucides ou bleu fluo assis ou marchant tranquillement dans la mousse, d'une dizaine de centimètre et qui disparaissaient et apparaissait comme des fantômes en faisant des bruits bizarre) avec même quelques dryades. -Bonjour, dit la fée en inclinant la tête. Nous sommes fières de vous avoir parmi nous. Vous nous faites honneur. -C'es tout naturel. On ne peut refuser une invitation dans le monde si magique et si secret qu'est Faërie, déclara Rémi tout aussi respectueusement. -Malheureusement notre invitation n'a rien d‟agréable, votre venue est strictement professionnelle… -C'était trop beau soupira Cosme. -En effet, depuis quelques temps Onoximoustros essaye de capturer une créature magique susceptible de lui ouvrir la voie menant jusqu'ici. Toutes les créatures ayant le pouvoir de venir ici ont été rappelées à revenir en Faërie, y comprit les fées de « la Forêt aux 10 000 fées » comme vous l‟appelez. Mais s'il trouve une autre façon d'entrer nous serions tous en danger, votre monde comme le notre.

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-Pourquoi? demanda naïvement Marine qui essayait d'attraper Ahuri qui les suivait depuis le départ d'Asmodée. -C'ess simple, ce sont nous qui possédons et régulons les Eléments. -Quoi?! -Hein! -Comment?! -J'ai attrapé Ahuri! -Euh… c'est bien Marine. -Merci! -Oui, donc vous disiez que vous contrôliez les éléments? demanda Nicolas. -Quoi!! -C'est bon Marine… -En faite le terme de "Gardiennes" serait plus juste. Nous les protégions depuis des milliers d'années, avec la menace d‟Onoximoustros de retour on ne peut les garder… -Vous voulez dire… commença Cosme. -Que nous voudrions vous les confier, termina la fée. C'est alors que le lit de la petite rivière se remplit de lumières colorées et douces qui étaient tellement apaisantes et chantantes que les enfants en furent ébahit et même Ahuri arrêta de se débattre de l'emprise de Marine. Les enfants mirent un certain temps avant de chercher leurs origines. Ils repèrent alors quatre créatures (une nymphe, un faune, une troupe de sylvains et un satyre) qui avaient apporté chacun une énorme sphère lumineuse. Une rouge qui irradiait presque, une jaune qui semblait vibrer, une blanche glacée l'air d'un souffle et une d'un bleu aquatique qui brillait de bienveillance. La fée reprit la parole: -Ces sphères sont les quatre éléments, dit elle en se dirigeant vers le berceau d'or devenu silencieux. Elle l'effleura et il se transforma en une sphère d'une incroyable beauté de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Se tournant vers eux elle reprit: -Ceci est le cinquième élément, la Magie, ou la Vie selon d'autres. L‟élément qui les relit les uns aux autres Nous voulons vous les confier pour que vous les mettiez en sécurité. Etes-vous d'accord? demanda la fée -Je ne suis pas contre, dit Cosme, chacun s'occupera de son propre élément. -Je ne vois pas non plus le problème… dit Nicolas hésitant. -Moi je suis d'accord, déclara Marine avec un large sourire en caressant Ahuri. -Moi je veux bien mais où va-t-on cacher des sphères brillantes d'une cinquantaine de centimètres de diamètre? demanda Rémi. -Ne vous inquiétez pas de cela, répondit la fée calment. Une fois dans votre monde elles prendront l'apparence de billes inoffensives. -Dans ce cas… je ne voie pas ce qui nous empêche dans les prendre… Aussitôt que cette phrase fut prononcée, les enfants se sentirent happés en arrière et ils se retrouvèrent dehors dans leur monde. Ils étaient de retour dans la forêt et le soleil était déjà bien haut dans le ciel, ils allaient être en retard pour le 163


premier cours de la journée. C'est alors qu'ils remarquèrent à leurs pieds cinq billes tout ce qu‟il y a de plus banal. Ils les ramassèrent le plus vite possible et se téléportèrent dans leur Gallice pour se préparer à leur cours.

"C'est alors qu'ils remarquèrent à leurs pieds cinq billes tout ce qui a de plus banal des couleurs des éléments."

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XV Soulèvement atlante

L

es enfants sortirent en catastrophe de leur Gallice mais s'arrêtèrent net : tout le monde dans le couloir semblait les attendre et fit silence en les fixant dès qu'ils apparurent dans le couloir. Les enfants se regardèrent perplexes. Asmodée les attendaient et leur sauta dessus. Elle ne remarqua même pas Ahuri qui lui sautait dans les bras et qui fut rejeté comme une vulgaire mouche. Elle paraissait très agitée et nerveuse. Elle dit d'une traite: -C'est une catastrophe, un Atlante vous a vu cette nuit et a prévenu tout le continent et maintenant ils sont tous aux portes du vaisseau. Tout le monde se pose des questions et harcèle M. Benignus qui tente de les contenir. Il va y avoir une émeute si ça continue comme ça, vous devez repartir vite! Asmodée fut coupé dans son élan par un grand fracas. Les enfants se précipitèrent en face du couloir car celui-ci donnait d'un côté aux Gallices et de l'autre était en balcon. Ils se penchèrent pour regarder ce qui se passait en bas. Une foule d'Atlantes était regroupée en bas et semblait s'engouffrer dans le vaisseau par la porte principale. Ils criaient des slogans sur la vie du monde, qu'ils avaient le droit de savoir. Certains parlaient même de tuer les Elus. Sans que les enfants n'eurent le temps de réagir, des Atlantes accouraient déjà dans le couloir. Sans réfléchir, les enfants se mirent à fuir devant la masse atlante qui déferlait sur eux. Mais bientôt la route leur fut coupée par une autre vague d'Atlante qui arrivait en criant et en utilisant leur pouvoir à tout va sur les élèves terrorisés qui s'enfuyaient. -On fait quoi maintenant cria Cosme qui avait dégainé sa baguette magique. -On va sur les toits, c'est notre seule chance! cria Marine. -Mais si on s'envole par le balcon ils n'auront plus aucun doute! -Je m'en fiche! cria Marine. Elle agrippa ses amis et ils s'envolèrent par le balcon sous les yeux écarquillés des élèves qui n'en revenait pas. Marine les fit voler jusqu'au toit principal du vaisseau: une énorme coupole qui dominait l'ensemble du vaisseau et qui donnait sur la tour centrale. Jamais ils n‟avaient vus d‟aussi prêt le disque runique qui tournait lentement sur lui-même. De là les enfants virent tous les Atlantes se regrouper en bas. Certains ayant le don de voler voulurent les atteindre par les airs mais les enfants les firent renoncer à coup de sortilège et d'enchantement. -On fait quoi maintenant? demanda Cosme affolé. -On organise une conférence de presse? suggéra Marine.

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-Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, dit Rémi. -Attendez, vous n'entendez rien? demanda Nicolas. C'est alors que les enfants se mirent à entendre des voix. Ils les reconnurent: c'étaient les dieux atlantes. Leurs baguettes prirent alors la forme de bâton devant les yeux ébahis des atlantes et des élèves. Les enfants avaient compris: ils devaient les invoquer. Ils ne comprirent pas ce qui se passa après: ils se mirent en croix et commencèrent a danser sans contrôler leurs gestes. Ils étaient parfaitement en rythme et synchro les uns sur les autres. Leurs bâtons qui virevoltaient au dessus de leur tête émettaient de la lumière et une douce mélopée s'élevait. Petit à petit, le rythme s'accéléra et les lumières dansèrent autour d'eux dans des couleurs et des sens multiples. Les billes éléments qu‟ils n‟avaient pourtant pas sur eux s‟élevèrent de nulle part et se mêlèrent à la danse. Le ciel s'obscurcit dans un dernier pas de danse et ils envoyèrent des lumières au travers des nuages. Fatigués, les enfants virent alors descendre des nuages quatre silhouettes majestueuses dans un spectacle de sons et lumières intense. Les quatre dieux se stoppèrent à quelques mètres du sol et regardèrent la foule médusée. La voie des dieux résonna dans tout le continent: -Nous sommes vos dieux! Nous protégeons les Elus! Vos pouvoirs ne peuvent les toucher! Essayez, c'est un ordre! -Quoi! cria Cosme. Mais non ce n'est pas vrai! Ne les croyez pas! Mais c'était trop tard, tous les Atlantes présents envoyèrent leur pouvoir sur les enfants qui furent baignés dans un flux incroyablement dense de magie atlante. Un mal de tête terrible les frappa et ils tombèrent à genoux dans un tumulte de lumières et de formes, leur vision se brouilla. Mais bien vite, grâce aux pouvoirs des dieux ils se relevèrent sans le moindre dommage. Au contraire, grâce à cela ils avaient assimilés plusieurs dizaines de pouvoirs atlantes en même temps. Les dieux reprirent d'une même voix: -Et maintenant, que l'oubli fasse son œuvre! Alors tout devint blanc et en quelques minutes, quand les couleurs réapparurent, les enfants se retrouvèrent médusés dans leur Gallice, comme si rien ne s'était passé. Un calme presque trop parfait régnait dans le vaisseau comme si tout le monde vivait au ralenti. Ils sortirent de leur Gallice prudemment et virent le calme régner en maître absolue. Ils prirent alors le chemin des cours mais le répit fut de courte durée quand au détour d'un couloir ils tombèrent nez à nez avec Mme Contortine qui courait dans les couloirs en criant qu'une nouvelle attaque avait lieu dans une bourgade tranquille du sud de l'Atlantide par une chose qui ne portait, d'après elle, pas de nom. Les enfants, affolés firent demi tour pour regagner leur Gallice. A l'intérieur se trouvaient déjà toutes les personnes importantes dans la lutte contre le mal et M. Benignus se trouvait au centre. Dès qu‟ils les virent, ils se jetèrent sur eux l'air surexcité. -Vite! Il vous faut réagir! Nous sommes arrivés à une conclusion: il s'agit sans nul doute d'une autre diversion. Il faut que vous vous sépareriez pour que deux d‟entre vous partent défendre le village attaqué et que les deux autres aillent voir 166


lequel des cristaux va être attaqué. Allez! Qu'est ce que vous faites encore là?! Vite! Vite! Les enfants furent chassés de leur propre Gallice et propulsés en dehors du vaisseau. Ils n'eurent pas le temps de comprendre ce qui était arrivé que déjà Gustave les rejoignait pour leur donner leur ordre comme de bons petits soldats aux pouvoirs surpuissants. Avec un sentiment d'être manipulés, les enfants écoutèrent Gustave en sentant la colère qu'ils partageaient augmenté au moment où ils apprirent qu'ils ne pouvaient même pas choisir avec qui ils faisaient le groupe de deux. -Qu'avez vous? Vous m'avez l'air un tantinet coléreux… Mais nous n'avons pas le temps d'en parler, ajouta-t-il avant que de la bouche ouverte des enfants puisse sortir le moindre mot, nous sommes pressés. Maintenant que les équipes sont faites, allez y et battez vous. Les enfants indignés ne purent rien ajouter et durent se téléporter au lieu qu'on leur avait ordonné. De nouveau seuls, Nicolas et Marine étaient réapparus dans le centre d'une ville plutôt jolie et assez grande. Ses maisons étaient d'un marron pâle aux reflets de couleurs multiples sous le soleil perpétuel. Au centre de la place se trouvait une fontaine magique avec une statue en son centre représentant les fondateurs de la ville, deux vieux sorciers et une sorcière plus jeune. Elles étaient de cet étrange métal atlante d'un magnifique vert et d'or, elles projetaient de l'eau dans un grand bassin remplit de grulmos, ces étranges créatures d'eau douce. Il y avait un silence oppressant à glacer le sang dans les rues comme si tout était mort, comme si le temps avait était suspendu d'une façon malsaine. Ils avançaient d'un pas lent, la main crispé sur leur baguette, l'oreille aux aguets prêts à réagir au moindre bruit suspect. Ils remontèrent la rue déserte qui menait à une autre place à la végétation luxuriante. Ils s'avançaient prudemment vert le centre de la place qui était un rond point où poussaient nombre d'arbres multicolores aux feuillages denses et touffus. Un bruissement de feuilles attira leur attention, ils se rendirent soudain compte que dans leur colère ils avaient oublié qu'ils n'avaient plus le Livre de L'Étoile. *

*

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Rémi et Cosme se cachaient à présent dans un buisson de buis chatouilleur et utilisaient toute leur énergie à ne pas rire aux éclats sous ses attaques incessantes et n'ouvraient pas la bouche de peur de craquer. La baguette à la main ils surveillaient le Cristal d'Invisibilité. Il était parfaitement lisse, plus grand que la Tour Eiffel, avec des reflets étincelants au soleil d'un éclat aveuglant. Sa base était très différente. Le cristal semblait fiché dans un carcan électronique de haute technologie qui s‟élevait jusqu‟à six mètres. Puis sur encore quelques mètres, des câbles parcouraient le cristal comme des veines. Il était tellement majestueux et tellement hors d'atteinte, comme irréel et impressionnant avec ses mètres de largeur et de hauteur, qu'ils se demandaient si 167


jamais un sortilège ou une magie quelconque pouvait l'atteindre. Mais déjà plusieurs avaient été détruits et Onoximoustros semblait ne reculer devant rien. Bien qu'ils aient une envie irrésistible de rire à cause des buis chatouilleurs, ils redoutaient la venue d'un sbire d‟Onoximoustros capable de détruire une telle merveille. Serrés l'un contre l'autre, les deux amis attendaient. C'est alors que les enfants virent avec horreur le cristal vaciller et se craqueler de toute part sans qu'il n'ait subi aucune attaque directe. Ils surgirent du buisson la baguette à la main prêts à défendre le cristal contre n'importe qui ou n'importe quoi. Le cristal se stabilisa et, plantés devant, les enfants firent les cents pas autour de lui pour s'avoir d'où provenait l'attaque. Le cristal vacilla de nouveau et se craquela encore plus sous le choc. Cosme résolu se tourna vers le cristal et le fixa d'un regard profond. Il projeta alors un flux de magie qui l'enveloppa tout entier et se dirigea vers les fissures. Le flux magique de couleur violet se solidifia et créa autour du cristal un bloc d'améthyste d'une vingtaine de mètres seulement mais suffisant pour éviter au cristal une destruction prématurée. Cosme s'écroula épuisé quand un homme sortit de la terre dans une grande explosion de terres et d'herbes. Les enfants sentirent leurs entrailles se broyer tandis que leur cœur leur remontait dans la gorge. Onoximoustros lui-même venait d'apparaître devant eux. Il flottait à quelques centimètres du sol, couvert d'un longue robe noir en haillons, deux mains dépassant de sous sa robe. Ses mains semblaient être en décomposition, recouvertes de croûtes, verdâtres, avec des bouts de peaux en lambeaux qui pendaient affreusement, des ongles noirs de crasse et de longs doigts squelettiques et difformes. Une grande capuche qui semblait sans fond couvrait le vide semblable à un trou noir qui se trouvait à l'emplacement de son visage. Les enfants se souvenaient de leur première rencontre dans un cachot de l'Envers d'Ultimécia, d'où après un long combat et de nombreuses épreuves ils l'avaient libéré par erreur. Les malédictions qu'il leur avait lancées ce jour-là résonnaient encore à leurs oreilles. Sa terrible voix grave monocorde à l'intonation rauque, comme s'il avait perdu l'habitude de parler, résonna de nouveau dans toute la vallée comme si elle venait de partout à la fois: -Vous êtes encore là à vous dresser contre moi pauvres cloportes? rugit il. -Mille donjons hantés! s'écria quelqu'un derrière eux. Je vous remercie d'avoir délivré mon maître et… -SILENCE! cria Onoximoustros en le foudroyant. Maintenant que nous ne sommes plus que tous les trois… D'ailleurs où sont les deux autres? Je suis étonnés que vous soyez là alors qu'un pauvre village se fait attaquer en se moment même! ricana Onoximoustros d'un rire froid et sans vie qui les fit frissonnait. -C'est sa, appelez nous jambon aussi, railla Cosme. Les autres sont à ce fameux village en train de réduire en poudre votre envoyé. -COMMENT! rugit il.

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-Et vu que vous êtes venu vous-même, je suppose que l'on a du faire de gros dégâts dans votre armée pour que vous soyez obligé de venir faire le sale travail… continua Rémi. -Moi j'essayais de l'agacer un peu pas de le mettre fou de rage, souffla Cosme à l'oreille de Rémi. -Désolé, murmura Rémi. -Ce n'est pas grave, reprit Onoximoustros d'une voix calme en épelant chaque syllabe comme s'il voulait être sûr d'être compris. Je vais m'occuper de vous deux, puis je briserai ce cristal et enfin j'irai voir comment se sort mon golem face à vos amis. -Donc c'est un golem qu'ils vont affronter? C'est tout? grogna Rémi. -Schuuuuuuut, murmura Cosme. -Non mais c'est vrai! Nous on va affronter le Seigneur des Ténèbres, râla-t-il en faisait des grands gestes théâtraux, et vont juste se battre contre un petit golem! Un tas de boue ambulant! -En fait ce que tu décris serait un Golgotha, intervint Onoximoustros. -Oh vous la ferme! Ne jouez pas sur les mots! De toute façon… Rémi plongea par terre avant d'avoir pu terminer sa phrase, évitant un éclair rouge projeté par Onoximoustros. Le ciel s'assombrit soudainement et le sol trembla quand Onoximoustros hurla: -JAMAIS ON NE M‟A TRAITE DE LA SORTE! COMMENT OSEZ-VOUS PAUVRES CREATURES MINABLES! JE VOUS FERAI ENDURER MILLE DEUX CENTS QUARANTE SIX MORTS AVANT DE VOUS ACHEVER! -Il est rudement précis, remarqua Cosme accroupi. -Ca doit être liée au nombre de sortilèges qu'il connaît, il ne peut pas en inventer plus en seulement un an… -RIEZ TANT QUE VOUS VOUDREZ MISERABLES CLOPORTES, JE VOUS ECRASEREZ JUSQU‟AU DERNIER!!!!! Les cris d'Onoximoustros résonnèrent dans les ténèbres qui s'étaient abattus sur la région, faisant fuir troupeaux et oiseaux, hommes et bêtes. Chacun fuyait comme il le pouvait la colère d'Onoximoustros le Terrible. La Grande Peur semblait réapparaître à cet instant sur l'Atlantide. Onoximoustros semblait irradier de rage, un vent puissant s'était levé et les enfants s'agrippèrent grâce au sortilège d'encordage pour ne pas être soufflés. Onoximoustros sembla reprendre son calme mais le ciel ne s'éclaircit pas. -Misérables morpions, où vous cachez vous? Vous ne faites que retarder l'inéluctable. Le cristal sera brisé et le chao régnera. Alors ma vengeance pourra commencer. Ahahahahahah! Les enfants sentaient la rage bouillir dans leurs veines. Cet être ignoble qui se tenait devant eux ne s'en tirerait pas aussi facilement que la première fois. *

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Nicolas et Marine se figèrent, l'oreille aux aguets, fouillant les arbres pour savoir ce qui avait bougé. Le silence revint et plus rien ne bougeait dans les feuillages. Ils s'approchèrent de quelques pas et s'arrêtèrent de nouveau, quelque chose bougeait dans les arbres. Plus rien de bougea puis les mouvements réapparurent. C'est alors que sortit du bois une créature difforme et immonde qui semblait faite en boue et en terre. Elle poussa un rugissement rauque et chargea les enfants qui plongèrent pour l'éviter. La créature qui avait vaguement la forme humaine fit quelques pas sur un pied comme pour éviter de tomber et se retourna. Il chercha pitoyablement les enfants des yeux qui se trouvaient toujours par terre. Ils se rejoignirent à quatre pattes en regardant la créature de boue du coin de l'œil. -C'est quoi ce truc? demanda Marine à Nicolas. Il est répugnant! ajouta-t-elle dans une grimace de dégoût. -Ca ressemble à un golem, il en est question dans le Livre de l'Étoile seulement je me souviens plus de comment on les détruit… -Je te conseille de trouver vite Nicolas car il commence à regarder en l'air donc quand il aura fini il regardera par terre… du moins je suppose. -Ce sont… attends je m'en souviens! Ce sont des créatures artificielles à qui on a insufflé un Souffle de Vie grâce à un enchantement puissant. -Et…? -Je ne sais plus comment on les désenchante… -Si je te suis bien c'est juste un enchantement, nan? Donc si je fais une libération magique c'est fini, nan? -Ce n'est pas si simple… commença Nicolas mais trop tard. -Recantatum! cria Marine en se relevant dans un bond qui fit sursauter le golem. Le sortilège le frappa en pleine poitrine et le golem s'effondra en un tas de pierre et de boue sans forme et sans vie. -Tu vois, dit Marine rayonnante, ce n'était pas si dur que ça. -Je n'en suis pas si sûr, déclara Nicolas en regardant le tas de boue inerte qui était parcouru d'étincelles semblables à des électrochocs. Les enfants le regardèrent perplexe. Une étincelle fila alors droit du tas de boue et frappa un rocher qui fut à son tour parcouru d'étincelles tandis que le tas de boue ne l'était plus. Le rocher commença à bouger et prit la forme du golem. -Je me souviens, dit Nicolas, le Souffle de Vie qui les fait vivre peut changer d'enveloppe corporelle. -A bon? Recantatum! C'est vrai? demanda Marine qui fit s'écrouler le golem tandis que le rocher reprenait sa forme initiale. -Oui, répondit il lorsqu'un arbre entier commencer à bouger. Il faut trouver un moyen d'arrêter ça… -Pas de problème, recanta… -NAN! la coupa Nicolas. Recantatum! Chacun son tour s'il plait. De nouveau l'arbre redevint immobile. -Il faut l'empêcher de, recantatum, faire ça à l'infini, déclara Marine. 170


-Je sais bien mais je ne me souviens, recantatum, pas comment on fait. -Puisque c'est comme ça on à cas intercepterle Souffle de Vie pendant qu'il passe d'un objet à l'autre. Recantatum! -C'est une mauvaise idée, de plus je pense que faire ce qu'on fait à la longue ne nous sera pas favorable… -Dans ce cas dépêche toi de trouver une solution, recantatum! Ca va finir par devenir ennuyeux. -Je cherche, je cherche. Heu… -Tiens il recule vers l'autre place avec les fontaines… Recantatum! -Je me souviens! s'écria soudain Nicolas alors qu'ils avaient atteint les fontaines. Il faut leur graver des runes dessus! Je crois savoir lesquelles… -Chouette, tiens il a prit le contrôle de la statue en or, au moins cette fois il ressemble à un humain. Recantatum! Le sortilège fusa mais il ricocha sur l'or et frappa l'horloge de la mairie qui s'arrêta de fonctionner. -C'est malin, les sortilèges ne pénètre pas l'or! Et comme tu dois t‟en douter, graver quelque chose dans de la boue c'est nettement plus facile que dans de l'or! On fait comment maintenant? -Je ne sais pas, souffla Marine qui venait de faire un bond de côté pour éviter le golem. Moi je vote pour la fuite. -Nan on ne peut pas faire ça! s'indigna Nicolas. -Je rigole Nicolas, je rigole, soupira Marine. -Ouais très drôle. Alors comment on fait maintenant? cria Nicolas pour couvrir les grognements du golem. -Je ne sais pas. Et si on faisait fondre l'or? -Je te rappelle que c'est Rémi qui sait faire ça, pas nous. -Moi je le sais, dit une voix dans leur dos. Les enfants firent volte face et virent devant eux une vieille Atlante aux cheveux blanc, aux rides profondes et à l'air très doux. Elle se tenait devant eux avec une expression de défi, comme si elle voulait se prouver à elle-même qu'elle pouvait encore servir. -Vous savez madame, dit poliment Nicolas, c'est dangereux ici je ne crois pas vous pouvez nous aider, sauf votre respect. -Je ne compte pas me mêler au combat je veux seulement vous aider, reprit elle. -Mais pour nous aider il faudrait que vous utilisiez votre pouvoir sur le golem et pour ça il faudrait que vous vous en approchiez et c'est très dangereux… -Qui a dit que c'est moi qui m'en approcherais? demanda la vieille Atlante avec une pointe de malice dans la voix. C'est alors qu'un flux de magie or fut projeté par ses mains et frappa Nicolas sans le moindre effet. L'Atlante lui sourit et partit. -Pendant que tu t'amuses, souffla Marine à bout de souffle, moi je distrais la bête donc tu trouve vite une solution à ce rythme je ne vais pas tenir très longtemps. -T'inquiète pas, j'ai trouvé, dit Nicolas en s'avançant vers le golem. 171


Ce fut fini en quelques secondes: Nicolas fit fondre le golem jusqu'à la limite du possible pour ne pas le tuer et grava les runes dans l'or fondu. Le golem poussa un cri de douleur et disparut. *

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Rémi et Cosme étaient toujours cachés en cherchant un plan pour sortir de ce mauvais pas. Lors de leur dernière rencontre leurs sortilèges n'avaient presque aucun effet sur Onoximoustros. De plus, il avait des sorts très puissants et n'avait pas besoin de baguette pour s'en servir, le désarmer ne servirait donc à rien. -Je vais tenter quelque chose, dit soudain Rémi. Il se leva d'un bond et bloqua Onoximoustros. Enfin c'est ce qu'il voulait faire car au lieu de l'immobiliser dans le temps, Rémi provoqua ses pouvoirs du feu et Onoximoustros pris soudain feu dans une explosion terrible. Il flamba pendant quelques minutes. Ses hurlements de douleurs se transformèrent petit à petit en rire sadique. D'un geste du bras il souffla les flammes comme si ça n'avait été qu'une vulgaire mouche. Son rire se transforma en grincement et dit: -Tu croyais me faire mal avec c'est quelques flammèches? railla-t-il. Ultima umbra! cria-t-il. Cette fois la magie opéra convenablement et le sortilège mortel se bloqua dans les aires. Dans geste rapide de la main Cosme envoya le sortilège vers Onoximoustros mais celui-ci l'évita largement. -C'est de cette façon que vous m'avez forcé à fuir l'année dernière, vous ne pensiez pas que cela marcherait de nouveau? Princeps! -Mehercule redeo stregone! crièrent les enfants d'une même voix. Le sortilège de vénération rebondit sur le sortilège du boomerang renforcé par le sort booster et vint frapper Onoximoustros en pleine poitrine. C'est alors que, le sortilège Notre Majesté faisant effet, Onoximoustros dit d'une voix calme et mièvre: -Je dois admettre, vos Grandeurs, que je ne pensais vraiment que de tels Rois comme vous puissent renvoyer mon modeste sort. Vos Excellences vont le regretter, recantatum! Et maintenant petits cloportes on ne joue plus. -Vite vite! murmura Rémi, un Sanctuaire! Les enfants se pressèrent l'un contre l'autre et murmurèrent en tournant dos à dos: Fanum lumen, fanum lumen, fanum lum... -Trop tard! s'écria Onoximoustros. Religonis! Mais cette fois encore le sortilège n'atteignit pas sa cible. Il s'écrasa contre la zone de sanctuaire dessinée par les enfants faisant onduler le mur de lumière qui les entourait. -Je vois... Un sortilège plus puissant dans ce cas. C'EN EST FINI DE VOUS! ULTIMA UMBRA! Le sortilège mortel fonça en direstion des enfants, s'apprétant à pérforer leur sanctuaire. Mais Cosme leva haut sa baguette: 172


-Illabefactus! rugit il. Le sortilège frappa le sort d'Onoximoustros qui se mit à tomber comme une flêche et se planta tel un pic de glace aux pieds des enfants. -Mais pourquoi tu as utilisé le sortilège de solidité! Il n'est même pas au programme de cette année! s'étonna Rémi en fixant le sortiège qui ressemblait à une éticelle de glace d'une lueur argentée. Mais avant que Cosme puisse répondre le sortilège de solidité s'arrêta et le sortilège d'Onoximoustros explosa littéralement au contact du sol. L'explosion produit un nuage de poussières en projetant dans l'air des morceaux de terre. Pofitant de ce mur éphémère, ils plongèrent sur le côté en lançant tous les sorts qu'ils connaissaient. Mais pour toute réponse, ils entendirent les ricannenement d'Onoximoustros: -Je n'ai plus le temps de m'occuper de vous. A plus tard. Profitez de vos derniers jours car bientôt le chaos reignera de nouveau. Puis un grand silence s'abatit sur eux, le ciel redevint bleu, l'air redevint doux et la vie sembla de nouveau éveillée. Les enfants se relevèrent dubitatifs et faisant signe aux Atlantes pour qu'ils viennent voir l‟état des cristaux, ils s'enfuirent vite et se téléportèrent sur le vaisseau où ils retrouvèrent Nicolas, Marine et Asmodée dans le bureau de M. Benignus qui étaient maintenant seul. -Les autres sont repartis, expliqua-t-il en voyant le regard interrogateur des enfants. Le cristal n'a pas été détruit mais il a était suffisement fêlé pour que ce continent apparaisse pendant quelques temps sur tout les écrans radars, satellites et autres. L'enchantement qui protège l'Atlantide n'est pas composé uniquement des cristaux et celui-ci a été affaibli. L'heure est grave. C'est pourquoi nous partons tout de suite pour la ville de Zango afin de nous rendre le plus vite possible à Bulotia, la capitale annexe de l'Atlantide submergée. Maintenant laissez moi je ne veux plus être dérangé. Et d'un geste de sa baguette il mis les enfants à la porte. Les enfants, qui se sentaient de nouveau envahis de colère, regagnèrent leur Gallice en fulminant et en vociférant, faisant de grands gestes avec leur baguette, manquant d'éborgner d'autres élèves au passage. Ils claquèrent la porte de leur Gallice d'un coup sec. -Ce n'est pas possible de continuer comme ça! fulminait Nicolas. Il nous concidère comme de bons petits soldats! -C'est clair, il claque des doigts et on accourt. Dès qu'on n'a plus besoin de nous on nous met à l'écart! rajouta Cosme. -Et puis comment veux-tu qu'on se fasse des amis si on passe notre temps à risquer notre vie! Y en a marre! cria Marine. -Tu ne dis rien Rémi? demanda Asmodée en se penchant sur Rémi qui avait l'air perdu dans une profonde réflexion. -Hum? Euh si, ce n'est pas bien la façon dont ils nous traitent... -Bien essayé mais ça manquait de conviction, railla Cosme. -Alors qu'est-ce qui t'arrive? demanda Nicolas. 173


-Et bien voila: nous allons partir d'un instant à l'autre pour une visite rapide de l'Atlantide submergée. Nous y passerons la fin de l'année, plus que deux mois avant les vacances je vous rappelle. -Où est le problème? demanda Marine. -Je ne suporte pas la magie des shorts de bain pour réspirer sous l'eau. C'est incompatible avec mon pouvoir du feu. Je vais faire quoi moi si je ne peux pas plonger? -Tu pourras toujours utiliser un sortilège de scaphandre, proposa Cosme. -Moi je suis doué en potion pas en sortilège, je n'arriverai pas à l'utiliser. -Dans ce cas je voix pas trop comment faire... -Et puisque Môssieur Benignus ne veux plus être dérangé! -C'est bon calmez vous, dit Asmodée d'une voix posée. Tout ceci n'est pas si grave... -Comment ce n'est pas si grave! On nous envoit au casse pipe pendant qu‟il reste tranquille dans son bureau! -Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, tu le sais très bien... -NON JE NE SAIS PAS CE QUE TU AS VOULU DIRE! s'emporta Cosme. Je suis devin pas voyant! -En fait tu es un élu... intervint Nicolas. -Ne joue pas sur les mots toi! Vous m'avez tous compris! -En réalité les devins, les voyants et les élus sont des choses très différentes, dit Rémi le nez dans un livre. -Que monsieur l'érudit veuille bien m'excuser, dit Cosme en s‟inclinant d'une manière ridicule. -Ce n'est pas grave, assura Rémi sans lever la tête, ne remarquant pas le geste ridicule. -Je ne trouve pas ça normal comment il nous dirrige; dit Nicolas. Mais ce n'est pas une raison pour se mettre dans des états pareils. -Vous avez raison, dit Cosme. Je n'aurais pas du m'énerver... Les enfants titubèrent sous l'accélération du vaisseau qui étaiet de nouveau en route pour une autre ville. Cette fois c'était la ville de Zango qu'ils allaient visiter, leur première ville atlante immergée.

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XVI Plongeon en eau claire

L

e vaisseau survolait à présent le bout d'océan Atlantique, que les atlantes appelaient la mer atlantidéenne depuis qu'elle recouvrait une moitié de leur continent. La ville sous-marine de Zango n'était pas très loin de la côte. Elle se trouvait tout près de l'endroit où le grand désert du Menjadourt se transforme petit à petit en plage jusqu'à la hauteur de Nitesque en passant par la plage de Limba que le vaisseau venait de quitter. La mer était calme et d'un bleu profond, comme illuminé par le fond autant que par le soleil. Quand le vaisseau passait au dessus de petites villes ou de petits villages, l'eau brillait d'un éclat magnifique, même quand le vaisseau lui cachait le soleil, elle illuminait le vaisseau d'une lumière bleue aquatique et ondulante, dessinant des vagues sur les fenêtres et sur la coque du vaisseau. Au début les enfants regardaient fascinés les lumières et les formes bleus sur les fenêtres. Mais le troisième jour cela leur semblait beau mais habituel, n‟y prêtaient désormais attention que les poète à l'âme rêveuse. La voix de Mme Contortine s'éleva des haut-parleurs le quatrième jour de voyage. Jusqu'à maintenant seul M. Benignus s'en était servi et cela s'entendait dans la voix chancelante de Mme Contortine peut rassurée par ce moyen de communication. Tou, tou, tou! Trille! « Je… je vous informe que… (Mme Contortine déglutit bruyamment et reprit:)… que nous sommes en vol stationnaire au dessus de Zango. Les cours seront donc momentanément interrompus à la fin de l'heure en cours. Vous irez enfiler vos maillots de bain magique et on se retrouve dans le Grand Hall tout de suite après.›› Tou, tou, tou! Trille! Tous les élèves bondirent de joie et pendant le dernier quart d'heure les professeurs abandonnèrent l'idée de finir leur cours. Finalement tout le monde couru dans sa Gallice respective et enfila son maillot. -A votre avis on met quelque chose d'autre sur le maillot ou on reste uniquement en maillot sans d'autre habit, demanda Marine soucieuse. -Je ne sais pas, dit Nicolas en devenant invisible. Je vais voir. La porte sembla s'ouvrir d'elle-même et se referma sur un Nicolas totalement invisible. Les enfants restèrent à l'attendre dans la Gallice en se demandant si oui ou non il fallait être habillé par dessus son maillot. Au bout de quelques minutes la porte se rouvrit et Nicolas réapparut une fois la porte fermée. Il paraissait essoufflé mais parvint a dire:

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-Tout le monde ne porte rien d'autre que son maillot de bain ou que son short de bain. Quelques filles ont des pagnes ou des serviettes autour de la taille mais c'est tout. D'ailleurs si on ne se dépêche pas on va être les derniers à y aller. -Allez-y, leur dit Rémi en les voyant se tourner vers lui. Je vais aller à l'infirmerie et dire que je suis allergique à la magie des maillots magiques atlantes. Ne vous en faites pas pour moi. -Mais si on se fait attaquer on devra être ensemble tout les quatre pour qu'une formule fonctionne. Et je ne sais pas si on peut se téléporter de l'eau à la surface. Et même si on peut venir te chercher, il faudra quand même que tu plonges avec nous pour réciter la formule. On fera comment? -Vous ne vous ferrez pas attaquer dès la première plongée. Moi je vais aller voir l'infirmière qui me dira s‟il y a un autre moyen. Maintenant allez-y! Les enfants partir à contre cœur et quand ils arrivèrent devant la porte du Grand Hall ouverte béante sur l'océan, les enfants virent qu'ils n'étaient plus que trois à sauter puis s'était fini. Ils coururent pour prévenir qu'ils restaient encore eux à passer et qu'il ne fallait pas encore fermer la porte. Ils s'excusèrent auprès de la sorcière qui surveillait le départ des élèves. Et au moment de plonger des quelques mètres qui les séparaient de l'eau, des voix s'élevèrent derrière eux. Les enfants tournèrent la tête et virent derrière eux Franck et Cyril, tout les deux vêtus de petits maillots de bain aux couleurs criardes. Ils regardèrent leur maillot de bain sans y croire tandis qu'eux regardaient les shorts de bain des enfants. Les regards de Cyril et Franck s'attardèrent sur Marine et Asmodée et leur deuxpièces. Celles-ci explosèrent de rire suivis par les garçons. De plus, Cyril qui était tout petit et tout blanc, semblait ridicule à côté de la masse musculaire imposante de Franck. Il était tout maigre et semblait presque malade. Il n'avait pas du tout l'air content d'être dans cette tenue, bien qu‟il paraisse malgré tout fier de son horrible maillot de bain. Ces oreilles se tintèrent de rouge ainsi que ses joues et suivi de Franck bouscula les enfants toujours hilare pour plonger. Arrivé devant la porte, Cyril sembla hésiter un moment. Nicolas lâcha entre deux rires: -Tu n'as pas peur de déteindre? J'espère pour toi que le colorant que tu utilises ne part pas à l'eau! Cyril se retourna vivement, cette fois rouge de rage et pas de honte. Mais avant qu'il n'ait pu dire quoi que se soit, Cosme d'un geste discret l'éjecta hors du vaisseau. Il tomba dans un cri aigu et Franck plongea à sa suite sans comprendre ce qui venait de se passer, persuader que la couleur de cheveux de son ami était naturelle et due à une haute lignée de sorcier, tout comme lui. La sorcière fit presser les enfants qui rigolaient encore. Ils finirent par plonger. L'eau était tiède et lumineuse, dès le premier contact avec l'océan les enfants prirent une bouffée d'eau pour déclencher le pouvoir de leur maillot. Tout en nageant les enfants continuèrent de discuter de la scène qui venait de se passer. Cosme était en tête, n'étant pas obligé au moindre geste pour se mouvoir dans l'eau tout comme Marine dans les airs. Ils nageaient, guidés par les 176


lumières de la ville en contrebas qui mouvaient avec les courants, silhouette trouble d'une ville inondée à la lumière chatoyante et aux habitants aquatiques. La descente fut rapide car la ville n'était pas à une très grande profondeur. Posée sur un ban de sable venant probablement du désert, la ville paraissait encore petite vue d'haut dessus. Il n'y avait aucun relief à part quelques récifs plus éloignés. Elle semblait grouiller de monde, nageant vite entre les bâtiments dans des rues étroites. Mais l'avantage d'être sous l'eau est que l'on peut nager au dessus des bâtiments, à différentes hauteurs dans la rue etc. C'est pourquoi la ville paraissait deux fois plus grande avec toutes les personnes qui gravité autour pour gagner du temps dans leur déplacement. Plus on s'éloigné du quartier des affaires plus la circulation relative à la ville s'amenuisait. Finalement ils nagèrent jusqu'à une petite place isolée pour ne pas trop gêner le trafic aquatique de la ville. Ils avaient amerri dans la partie historique de la ville et le fait de ne pas toucher le sol était quelque peu perturbant. Comme l'expliqua M.Pignon qui nageait devant, professeur d'architecture magique à Ultimécia, cette partie de la ville avait été crée pour la surface comme le montraient différentes choses, mais le reste de la ville avait prospéré et c'était construite directement sur le sable sans prendre la peine de daller les rues car c'était devenu inutile. Puis M. Benignus, dans une combinaison bleue nuit, expliqua que les courants d'eaux chaudes qu'ils traversaient parfois n'étaient autres que des atlantes s'étant liquéfiés pour nager plus vite. Les atlantes avaient en effet, en plus de se liquéfier à volonté, la possibilité de le faire automatiquement à chaque fois que quelque chose ou quelqu'un s'apprêtait à les heurter. Les enfants croisèrent aussi quelques sirènes avec le haut d'un tailleur qui remuaient frénétiquement leur queue de poisson pour aller plus vite, les yeux fixés sur leur montre, tenant fermement un attaché-case de l'autre main. La sirène avait de sublimes cheveux blonds, un visage cristallin aux lignes courbes et surtout une queue d'un magnifique vert qui scintillait sous les rayons du soleil filtrés par l'océan. On leur expliqua que les sirènes nues coiffées de coquillages et de perles étaient seulement présentes dans quelques bancs qui refusaient de perdre leur tradition, ou dans les camps de vacances pour touristes continentaux. Finalement les professeurs laissèrent les élèves libres de faire ce qu'ils voulaient à condition de ne pas trop s'éloigner de la ville. Même si leur maillot de bain leur permettait de parler aux requins, il n'est pas dit qu'ils les écouteraient s‟ils étaient trop loin d'une ville. -Par où commençons nous? demanda soudain Cosme très excité de visiter une ville complètement aquatique où il aurait un pouvoir sur presque tout. -Nous pourrions commencer par visiter… La journée passa rapidement et la fin de la visite seuls de la ville s'annonçait. Les enfants avaient parcouru la ville historique et toute la ville moderne, visité les palaces où, tout comme à la surface tout se trouvait au sol, si 177


bien que l'on pouvait nageait au plafond. Ils firent halte dans un bar qui cette fois utilisait aussi le plafond pour y recevoir ses clients. Les enfants s'étaient donc retrouvés la tête en bas assis à une table fixée au plafond sans en être incommoder. Ils s'étaient amusés à créer quelques accidents pour vérifier que les atlantes se liquéfiaient bien automatiquement. Cela ce trouva exact car même en lançant une pierre dans le dos de quelqu'un celui-ci se liquéfiait sans y prêter le moindre intérêt et réapparaissait comme si de rien n‟était quelques secondes plus tard. Ce qui les amusait le plus était de pousser un rocher entier dans une rue et voir les atlantes se liquéfier avant l'obstacle sans lever les yeux de leur journal et de réapparaître derrière le rocher toujours en lisant leur journal. Seules les sirènes étaient mécontentes car elles ne pouvaient pas se liquéfier à volonté et devaient contourner l'obstacle. Finalement les enfants furent traînés dans le seul musée de la ville par une Asmodée déterminée. Ils entrèrent dans le musée qui servait aussi de bibliothèque municipale. A en déduire par la couche d'algues (poussière aquatique dans les maisons atlantes) les deux ne devaient pas être très fréquentés. Cependant il y régnait une certaine agitation due à la présence de sirènes mâles (les tritons) et d'atlantes en uniforme de policier. Devant les portes de l'imposant bâtiment stationnait des hippocampes géants, prenant alors tout le sens de cheval de mer. Ils nagèrent un peu jusque dans une pièce d'où venait le mouvement. Une salle banale richement décorée était remplie d'étagères avec au centre un piédestal qui se trouvait encerclé par les policiers. Le socle qui reposé sur le piédestal était vide, parsemé de bout de verre. La conclusion était rapide : il y avait eu un vol. Les enfants se rapprochèrent et virent un vieil atlante qui semblait être en larme (on ne voyait pas de larme mais les grimaces qu'il faisait le trahissait). -Que c'est il passé? demanda Asmodée apparemment très concernée. -On, on, on nous à volé le Vénissas! gémit l'homme. -Mais c'est horrible! gémit à son tour Asmodée. -Comment ça? demanda Nicolas à voix basse. C'est quoi un Vénissas? -Je n'en sais rien mais vous ne vous rendez pas compte! -Nan, répondirent les enfants d'une même voix. -Il y a eut un vol! Ici en Atlantide! Toute forme de criminalité y a disparu. Ca doit être le premier vol depuis trois cents ans! -Oui c'est gênant, effectivement, dit Marine qui semblait comprendre l'ampleur de la chose. -Excusez moi monsieur, dit Cosme, c'est quoi un vénissas? -Le vénissas est en théorie un résidu d'énergie pure créé par la terre elle-même à l'emplacement d'une grande blessure. - Expliquez-vous, demanda Asmodée mais l'homme hurlait à la mort un objet oublié de tous depuis des générations et des générations.

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Les enfants regagnèrent le vaisseau sans en apprendre plus sur le Vénissas. Ils retrouvèrent Rémi et lui racontèrent leur journée. Mais Asmodée semblait troublée par ce vol: -Vous ne comprenez pas, si le vénissas est vraiment le résidu de l'énergie de la planète, elle doit contenir une immense réserve de pouvoir. Et qui cherche du pouvoir en ce moment? -Onoximoustros. -Exact, et le vol aurait été commis le jour de l'attaque simultanée du village et du cristal. -Donc les attaques par des démons seraient des diversions pour une diversion? -Oui c'est ça, dit Asmodée. -Cela ne tient pas debout, pourquoi tant d'attaques de village et de cristaux pour un seul vol? -Mais justement! C'est ce qui est ingénieux. Ils provoquent des attaques sur des villages et des cristaux pour nous y habituer, et au milieu de plusieurs attaques il vole le vénissas, ce qui passe inaperçu à coté des attaques à répétition. Il possède alors une source de magie très puissante. -Il faudrait quand même en savoir plus sur le Vénissas, on ne sait ni quelle forme il a, ni quelle taille, quelle couleur et encore moins ses pouvoirs. -C'est donc décidé : on passera le reste du séjour à Zango à la bibliothèque pour chercher des informations dans les livres et au près du conservateur. -Quoi? s'exclama Cosme. On est dans une ville entièrement sous l'eau et on va passer tout notre temps dans une bibliothèque algueuse que plus personne ne fréquente? -Nous n'avons pas le choix, trancha Asmodée d'un ton sans réplique. -Bien, bonne nuit alors… La nuit des enfants fut perturbée. Ils étaient nerveux et dormirent d'un sommeil entrecoupé de réveils. Cosme partit en pleine mer pour se détendre tandis que Marine s'envola aussi haut que possible dans le silence de la nuit. Finalement, leur semaine à Zango leur parut très courte et ils partirent sans rien savoir de plus sur le vénissas, à part qu'il avait été découvert pas Sir Dolivier en trois mille trois cents sept (année Atlante), il y avait donc plus de trois mille deux cents ans. Mais il manquait une grande partie du texte qui expliquait sa découverte et la théorie de son existence. D'après le conservateur, l'original se trouvait dans les archives de la bibliothèque de Bulotia. Les enfants remercièrent le conservateur et le vaisseau repartit pour aller cette fois à Bulotia où ils devaient passer trois semaines. Le problème de Rémi n‟était toujours pas résolu et les enfants se demandaient quand leur ami pourrait plonger avec eux dans ce monde aquatique. La traversée vers Bulotia devait durer deux semaines et demi, laissant pas mal de temps aux élèves pour reprendre les cours qu'ils interrompaient à chaque escale. Ils étaient tous très en retard sur le programme et les professeurs faisaient 179


du bourrage de crâne pour rattraper le retard. Ils avaient, tout niveau confondu, commençaient à apprendre ou à réviser les créatures marines. Et tous sans exception apprenaient l'histoire de Bulotia, avant puis après son immersion, son importance et sa culture, ses bâtiments et ils apprenaient des sorts pour se diriger sur une carte au cas où ils se perdraient. Asmodée repéra tout de suite l'immense bibliothèque de Bulotia et en inscrivit le chemin avec un sort indélébile qui le marquait en rose fluo. De plus la ville semblait être construite en hauteur avec différents niveau ce qui ne facilitait pas la lecture de la carte. Bulotia était aussi vaste et variée que Dirulas. Elle était la capitale annexe de Dirulas pour toute la partie du continent immergé. Le voyage fut néanmoins moins divertissant que les voyages sur le continent. Sur la terre on voyait le paysage changer, des villages. Mais là, en plein océan, bien qu'ils étaient conscients de survoler des dizaines de village sous marins, le paysage restait le même : de l'eau, de l'eau et encore de l'eau. Le voyage prit fin un soir et le vaisseau se stabilisa au dessus d'une grande étendue lumineuse sous marine, une grande partie de la mer éclairée sous le ciel pourtant sombre et étoilé de la nuit. Les élèves se penchèrent de toute part du vaisseau pour voir la tache lumineuse que produisait la ville en surface. Cosme du résister toute la nuit à l‟envie de plonger pour découvrir la ville en avant première. Finalement il fut le dernier réveillé dans la Gallice quand Marine surgit comme une furie dans sa chambre, une serviette autour de la taille, criant et cherchant son maillot de bain. Elle retrouva le haut dans la salle de bain et le bas se trouvait dans sa chambre. Les enfants sortirent finalement tous en maillot vers midi, allèrent manger puis sortirent quelques temps après. Ce jour-là la porte du Grand Hall resterait ouverte toute la journée sans horaire ni contrainte. Rémi les quitta et retourna à l‟infirmerie où Melle Lène travaillait durement pour résoudre son problème d‟incompatibilité. Mais les pouvoirs de Rémi semblaient les plus forts. Les enfants plongèrent sans lui dans les eaux claires de l'Atlantique et nagèrent parmi d'autres élèves qui étaient partis en même temps qu'eux. La descente devait être plus longue que pour atteindre Zango car la capitale sous marine était plus profonde, tout près d'un abysse. Cosme nageait devant comme d'habitude quand Sébastien, un élève de Mandrad'or, parut étonné de la façon dont il nageait: -C'est marrant, dit il soudain, on croirait presque que tu avances tout seul dans l'eau sans nager, à la façon des atlantes! Comment ça se fait? -C'est que… je me laisse couler, je nage pas vraiment, dit maladroitement Cosme. -Mais alors comment tu fais pour faire tout ces mouvements si tu te laisses couler?! -Je me débrouille, bon cette fois je vais nager un peu… Et pour fuir le curieux il se mit à faire de grands gestes de brasse ridicules et disparut aux yeux des enfants que n'allaient pas aussi vite. 180


-Bah dit donc, dit Sébastien avant de s'éloigner. Les enfants retrouvèrent Cosme plus profondément, en pleine contemplation de la ville de Bulotia. La ville était tout bonnement immense. Elle rayonnait d'une lumière taciturne d'un bleu reposant. Les maisons étaient de formes sphériques ou alors difformes avec soit beaucoup d'angles soit aucun. Il y avait quelques immeubles semblables à de grandes pyramides translucides ou à de minis montagnes acérées. La ville avait la forme d'un cercle qui mesuré facilement une trentaine de kilomètres de diamètre. La ville était partagée en son centre par une grande crevasse qui s'enfonçait profondément dans le sol. L'abysse était entièrement recouvert de bâtiments reliés à aucune route mais on y accédait par voie marine en nageant. De là où ils étaient, les enfants ne voyaient pas le fond de l'abysse et ils commençaient à approcher de la ville pour la visiter. Ils nagèrent dans la ville au niveau des fenêtres et finirent par atteindre l'abysse qui s'enfonçait profondément sous leurs pieds, tout illuminé de la ville qui continuait tout son long. Au fond on apercevait les toits de bâtiments illuminés. Les enfants étaient encore là à scruter le profond abysse quand un couple s'approcha d'eux. Elle était une sirène, c'était la première chose que l'on remarquait: sa queue de poisson d'un vert émeraude aux reflets de l'arc-en-ciel. Elle avait des cheveux rouges aux reflets d'or ondulant dans l'eau, de grands yeux bleu très clair, un petit nez plat, un grand front et portait un débardeur semblable à ceux de Marine. Lui avait les cheveux bruns et longs, légèrement ondulés, deux jambes vêtues d'un pantalon, était pieds nus, avait une chemise qu'il portait ouverte, un tatouage qui ondulait au niveau du biceps du bras gauche comme s‟il était vivant, un visage bronzé qui faisait ressortir ses yeux verts émeraudes, un nez fort. Il s'agissait à toute première vue d'un atlante. Tout deux devaient être à peine plus vieux que les enfants. -Bonjour les touristes! dit d'une voix enjouée la sirène. -Pardon? demanda Nicolas qui croyait avoir mal entendu. -J'ai dis: Bonjour les touristes! reprit elle. -Et pourquoi les "touristes"? demanda Asmodée visiblement choquée après tous les préparatifs qu'elle avait fait pour trouver la bibliothèque et le reste. -Bien oui, seuls les touristes se promène en maillot de bain en plein centre ville en général, intervint l'atlante. Je m'appelle Aymeric. Aymeric Galadion. -Et moi je m'appelle … -Arielle? demanda Asmodée qui ne leur avait toujours pas pardonnés. -Non, Laura Maraline, répondit elle sans voir son allusion. -Moi c'est Nicolas. -Cosme. -Je m'appelle Marine. -…dée… -Pardon? dit la sirène toujours sur son ton enjoué avec un grand sourire qu'elle semblait de jamais quitter. -…modée… 181


-Quoi? Je suis vraiment navrée mais je ne comprends pas… -ASMODÉE! Je m'appelle Asmodée, reprit-elle en prenant une grande bouffée d'eau. -Je suis vraiment ravie, c'est un très beau nom vous savez? -Non je ne sais pas. -Que faites vous dans notre belle capitale? demanda Aymeric que la situation semblait amuser. -Nous venons la visiter, nous sommes ici en voyage scolaire… -Ah oui l'école française de sorcellerie Ultimécia. J'en est entendu parler à la télévision. Vous étudiez notre ville? -Oui c'est cela, répondit Nicolas. -Et puis on voudrait faire des recherches à la bibliothèque aussi, intervint Asmodée. -C'est vrai? s'étonna Aymeric. C'est un endroit ennuyeux à mourir où il ne se passe jamais rien. -Ah ba ça! admit Cosme. -Mais on ne compte pas faire que ça, ajouta Nicolas qui regardait le précipice sous leurs pieds. -Vous voulez que l'on vous fasse visiter? proposa Laura. -Pourquoi pas? répondit il. -Je ne vois pas de problème tant que l'on est rentré avant la nuit à Ultimécia, précisa Cosme. -Pas de problème, dit Laura en prenant la main d'Aymeric, c'est parti! Le couple partit à toute allure dans l'abysse et les enfants eurent du mal à les rattraper. Au second niveau, une ville deux fois plus grande qu'à l'entrée de l'abysse était construite sous la voûte d'une immense grotte, avec en plus de l'abysse de nombreux petits puits permettant l'accès à la ville supérieure. Jamais les enfants n'avaient vue une ville aussi grande, les plus grandes villes des mégalopoles paraissaient ridicule à côté de ce chef d'œuvre de l'architecture atlante. La ville comportait plusieurs milliards d'habitants vivants tous ensemble sans distinction. Devant tant de grandeur les enfants ne purent que penser qu'ils n'auraient jamais le temps de visiter les deux étages de la ville. Rien que visiter un seul étage paraissait impossible. Avant de commencer leur visite, Laura et Aymeric leur signala que la bibliothèque municipale était la grande pyramide qu'ils voyaient un peu plus loin. Puis la visite commença. La fin de la journée arriva vite et les enfants durent se séparer, épuisés mais heureux. Même Asmodée avait fait la paix avec Laura lors d'une heure shopping où Laura s‟était dite triste de pas avoir de jambes pour essayer des pantalons. Ils mangèrent dans la Grande Salle avec une grande partie des élèves où ils retrouvèrent Rémi. Il leur raconta que les expériences de Melle Lène semblait la passionner et que malgré ses progrès il n‟y avait encore rien de concluant. Le repas se passa bien et quand la salle fut entièrement remplit d'élèves, M. Benignus se leva et le silence se fit. 182


-Les enfants, comme vous devez le savoir nos nombreuses excursions ont ralenti l'avancée des travaux scolaires. C'est pourquoi je suis dans l'obligation de vous annoncer que tout les matins vous aurez cours de huit heure dix à midi dix. Puis vous aurez le reste de la journée pour visiter la ville. Des exclamations de colère retentirent dans la salle mais M. Benignus ne revint pas sur sa décision. Les enfants allèrent se coucher. Le lendemain, ils durent se lever tôt pour aller au premier cours de la matinée. Ils étaient avec Mme Arnaud pour un cours de mentologie. Cette matière qu'ils avaient une semaine sur deux était assez compliquée. Ils apprenaient à se protéger mentalement contre certain sort d'emprise, à lire dans les pensées, infliger un mal de crâne à quelqu'un rien quand le regardant fixement, etc. Les enfants étaient assez doués par nature et ne redoutaient pas particulièrement ce cours. Ils arrivèrent juste à temps et entrèrent en classe parmi les autres élèves arrivés bien plus tôt. Mme Arnaud était une sorcière à l'air espiègle et fouineuse qui savait toujours tout ce que pensaient ses élèves en lisant leurs pensées à tout moment sans interruption. "Pour vous habituez à ne relâcher jamais votre concentration mentale et à vous battre contre mon entreprise" aimait elle à répéter. Dès qu'un élève lui montrer une résistance alors qu'elle passait à côté de lui pour savoir à quoi il pensait, elle se stoppait à côté de l'élève qui finissait toujours par céder dans une expression de joie sur le visage de Mme Arnaud qui s'en félicitait. Elle avait un nez crochu et ressemblait tout à fait au stéréotype des sorcières. Cependant, les enfants, bien qu'ils ne craignissent pas ce cours devaient rester constamment concentrés afin que Mme Arnaud ne découvre pas leur secret. Ce jour là, ils se retrouvèrent tout devant pour être arrivés les derniers dans la classe. Comme à son habitude Mme Arnaud lança un regard perçant à l'assemblée pour savoir si leur "Bonjour Mme Arnaud" était sincère. De si bon matin nombreux furent ceux qui pensèrent que c'était une vieille chouette et qu'elle devrait avoir honte de les faire lever si tôt. Mme Arnaud râla que même tôt le matin il fallait savoir masquer ses pensés puis commença son cours. Elle semblait particulièrement de mauvaise humeur. -Nous allons commencer un nouveau chapitre particulièrement dur qui nous prendra tout le temps jusqu'à la fin de l'année. Nous apprendrons à masquer votre aura en le rendant le plus faible possible et en dispersant le reste. Puis après, au contraire, nous apprendrons à la développer le plus possible afin d'intimider l'adversaire. Je vous apprends que M. Benignus peut ainsi déclencher de violents vents proches de la tempête. En conclusion votre aura magique indique toujours votre niveau et votre puissance, donnant un certain avantage à l'ennemi si vous ne savez ni le masquer ni l'amplifier. Par exemple je peux vous dire que les auras de Marine, Nicolas, Cosme et Rémi on particulièrement augmenté depuis le début de l'année alors que certains d'entre vous dont je ne citerai pas les noms ont stagné. D'autres ont normalement augmenté de façon régulière. Sachez tout de même que l'aura, même s'elle irradie très peu en temps 183


normal, ne veux pas dire que la personne est faible. Il a été prouvé que certaines personnes à l'aura très faible étaient de dangereux adversaires. Néanmoins tout ceci est important et nous allons commencer par nous entraîné à détecter un aura, le sentir puis l'évaluer. Enfin vous, pas moi. Je suis assez doué comme ça! Ahahahah! Le rire de la prof se jetant des fleurs était très snob et il énervait toujours ses élèves. Cependant tous les élèves de la classe l'avaient écouté passionnés, pressés de s'entraîner. Mme Arnaud commença son cours par expliquer en détail ce que c'était que l'aura puis voulut faire une démonstration en évaluant la puissance de chaque élève. De nombreux élèves protestèrent, aidés des enfants qui ne voulaient sans savoir avant comment le masquer ou le diminuer. Finalement Mme Arnaud renonça et son cours reprit. Les enfants se rendirent compte qu'ils manipulaient leur aura assez facilement et ils furent pressés de retourner en cours en mentologie quand celui-ci se finit. Les autres cours de la matinée leur parurent bien fades mais ils écoutèrent de bon cœur sachant que dans l‟après-midi ils reverraient Laura et Aymeric pour continuer de visiter la ville. Ils mangèrent tôt et allèrent enfiler leur short de bain (sauf Marine et Asmodée, cela va de soi). Puis, au moment de plonger, Nicolas s'arrêta et déclara: -Depuis quelques temps tu plonges avec nous Rémi, comment tu fais? Cosme aussi paraissait surpris de ne pas l'avoir remarqué mais Marine sembla tout à fait courant. -C'est une idée de Marine, expliqua Rémi. Comme vous le savez mon pouvoir du feu ne me permet pas de respirer sous l'eau car il me blesse. C'est pourquoi Marine a eu une idée… -Oui, reprit celle-ci, je me suis dit qui si son pouvoir donné par Valtor le pénalisait tant, ceux d'un autre dieu pourrait l'aider. Mon pouvoir est sur le vent mais aussi sur la vie. C'est pourquoi une fois dans l'eau, j'utilise mes pouvoirs pour le soigner en permanence. -Désormais je ne ressens qu'un léger picotis dans les poumons tout à fait supportable. -Ah d'accord! dit Nicolas. Bon on y va alors! Les enfants plongèrent et allèrent rejoindre leurs nouveaux amis aquatiques. Mais Asmodée veillait: -Bon, aujourd'hui c'est direction bibliothèque! -Quoi! lâchèrent les enfants pressés de continuer la visite dans la ville. -Vous n'avez pas le choix, répliqua Asmodée. Je vous rappelle que l'avenir de l'univers est en jeux! dit elle d'un ton impérial. -De quoi elle parle? demanda Aymeric. Rémi se retourna vers eux et les bloqua d'un geste de la main. Il se retourna vers ses amis: -Ca ne va pas de parler de ça devant eux! dit Rémi l'air indigné. -Je suis désolée mais c'est la seule façon d'attirer votre intention. 184


-Peut être mais c'est aussi très dangereux! -C'es bon j'ai fais une erreur d'accord mais il faut quand même y aller à cette bibliothèque. La première semaine est déjà finie je vous rappelle. -Ok on va y aller, soupira Marine déçue. -Mais c‟est ma première plongée et j‟espérais que ma douleur même faible, serait récompensée par une visite ! se plaignit Rémi. -Ce sera pour une prochaine fois, trancha Asmodée d‟un ton sans appel. Rémi se résigna et débloqua Laura et Aymeric et prétextant un devoir important ils se rendirent seuls à l'immense bibliothèque. Elle était immense sur plusieurs niveaux et la technologie était partout présente. Elle ne ressemblait en rien à la grande bibliothèque en bois et poussiéreuse d'Ultimécia. Il y avait ici des ordinateurs et tout était en métal, il y avait de nombreux ascenseurs et des affiches indiquaient à chaque rayon où on se trouvait et se qu'ils contenaient. Ils commencèrent par chercher à "V" comme Vénissas et trouvèrent seulement son nom nommé parmi les invraisemblances de la magie. Ils partirent donc vers la section des objets magiques, dans une partie reculer de la bibliothèque, au trente-troisième étage. Cette partie de la bibliothèque était algueuse et après plusieurs heures de recherches, ils se dirigèrent vers l'aile intitulée "objets mystiques et oubliés" qui se trouvait tout au fond de la section "objets magiques". Ce n'est pas pour autant que leurs recherches allèrent plus vite: cette partie était très mal rangée et désorganisée. Plus aucun livre ne se trouvait à sa place. Les enfants persistaient car ils avaient vu dans l'index qu'il y avait quelque part dans un livre un chapitre ancien consacré au Vénissas. Mais la nuit tombait et les enfants commençaient à avoir des crampes à nager en rond dans cette bibliothèque. Ils regagnèrent péniblement le vaisseau grâce au courant créé par Cosme et allèrent se coucher le plus vite possible à peine après avoir mangé. Les jours se suivirent et même avec l'aide de Laura et Aymeric qui étaient venus les aider, les recherches ne donnèrent rien. Jusqu'au jour où Laura, toujours joyeuse, trouva sur le dessus d'une étagère un épais grimoire. Elle le descendit et ils lurent : Vénissas Les Vénissas sont des résidus d'énergie terrestre, énergie "Gaïa" comme on l'appelle aussi. "Gaïa" est l'esprit de la Terre. Chaque chose à une énergie propre qui retourne à la terre à la mort de celui-ci. Quand cette énergie est contrôlée on l'utilise sous le nom de "magie" ou "sorcellerie". La Terre se guérie elle-même des blessure qu'elle reçoit en rassemblant son énergie en se point. Cela se traduit par un afflux important de magie. Quand la blessure est grande, comme la météorite qui détruisit les dinosaures, il arrive que la plaie ait du mal à guérir. La plaie coagule et l'énergie de la terre se densifie. Parfois un tel phénomène donne naissance à un Vénissas. C'est un résidu de cette magie d'une grande densité, de l’énergie brute. On ne sait pas pourquoi parfois un Vénissas est crée ni pourquoi parfois il n'y en a pas. On sait seulement qu'ils apparaissent à l'endroit de grands cataclysmes… 185


-Voila, coupa Asmodée. Nous avons tout ce que nous cherchions. -Ah bon? Tu sais le texte continut… -Je sais mais on sait maintenant qu'il n'existe pas qu'un seul Vénissas! -De quoi vous parlez? l'interrompit Laura. En quoi cela vous intéresse? -En rien, tu as raison, dit Asmodée l'air décidé en refermant le grimoire qui fit un nuage d'algue en signe de protestation. "Je vous raconterais mon idée ce soir", ajouta-t-elle par la pensée à ses amis qui ne réussirent pas à lui répondre, moins doués qu'elle en mentologie. Ils finirent la journée à visiter la ville comme si de rien n‟était. Une fois la journée finie les enfants regagnèrent le vaisseau puis leur Gallice sans passer par la Grande Salle car ils avaient mangé en ville. Asmodée, qui ne vivait pas avec eux mais dans une autre Gallice, les avait suivis comme à l'habitude. Cela faisait déjà plusieurs soirs que les enfants passaient à écrire de nouvelles formules pour remplacer le Livre de l'Étoile qu'ils n'avaient toujours pas retrouvé. Finalement Asmodée leur dit: -Vous vous souvenez de ce qui était écrit dans le grimoire? "On sait seulement qu'ils apparaissent à l'endroit de grands cataclysmes." -Et alors? demanda Cosme. -Et alors? répéta Asmodée. Tu crois qu'il y a eu un seul cataclysme dans toute l'histoire du monde? -Tu veux dire que… commença Rémi qui commençait à comprendre. -Il y a sûrement plusieurs Vénissas, conclut Asmodée. -Un par attaque… dit Marine pensive. -Dans ce cas il doit en avoir trois, compta Nicolas. -Cela explique pourquoi il nous a laissé alors qu'il allait gagné, dit Cosme. Il devait avoir le Vénissas et nous tuer maintenant ne lui servait plus à rien. -Il faut prévenir M. Benignus, conclus Asmodée. -D'accord, admit Cosme. -D'ailleurs il va falloir lui dire que l'on a perdu le Livre de l'Étoile… -C'est vrai qu'avec tout ce qui c'est passé on n‟a pas eu le temps de lui en parler. -Et si on envoyait Ahuri le lui annoncer par courrier, on attache une lettre à sa patte et pendant qu'il va lui apporter, on s'éclipse en Faërie. -Nicolas! dirent les enfants d'une même voix sur un ton de reproche. -D'accord ce n'est pas une bonne idée mais qui va le lui annoncer? -Vous verrez sur place, maintenant allez-y, dit Asmodée. -Comment "vous"? Tu ne viens pas avec nous? Après tout ce sont tes découvertes, dit Marine. -C'est que voyez-vous, commença Asmodée maladroitement en se grattant le derrière de la tête, vous allez rire c'est tout bête! Ah! Ah!...euh… les filles de ma Gallice n'aiment pas que je rentre trop tard pour ne pas les réveiller. Oui c'est sa, c'est à cause des filles de ma Gallice. Vous savez comment sont les filles!... Bon

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je dois y aller! déclara-t-elle en partant devant les regards appuyés de ses amis lourds de sens. Les enfants se dirigèrent donc vers le bureau de M. Benignus en silence pour ne pas se faire repérer car il faisait maintenant bien nuit. Ils surveillaient du coin de l'œil le diamant rouge d'Ahuri pour savoir si un quelconque danger approchait. Mais le diamant ne se mit pas à briller et les enfants atteignirent le bureau de M.Benginus qui était encore éclairé. Ils hésitèrent un peu. Le vaisseau n'était pas très rassurant la nuit: les murs ne diffusaient plus leur tiédeur et leur lumière, ils avaient une couleur bleu nuit parfois même noir et les globes de verre lumineux étaient éteints, plongeant le vaisseau dans une obscurité presque totale brisée par endroit par la lune qui brillait au travers des fenêtres. Malheureusement cette lumière était loin du couloir où ils se trouvaient. Alors qu'ils s'apprêtaient à entrer, Ahuri s'affola et son diamant se mit à briller de mille feux. Cela ne pouvait signifier qu'une chose: un danger approchait. Dans un réflexe, les enfants se plaquèrent contre le mur laissant Nicolas les rendre invisibles, fixant les extrémités des couloirs. Mais au bout de dix minute dans un silence assourdissant les enfants commencèrent à s'impatienter et regardèrent Ahuri dont le diamant redevint finalement sans vie. Ils se décollèrent du mur en redevenant visible et avant qu'ils puissent discuter de ce qui venait de se passer une porte secrète s'anima et M. Benignus en surgit. Elle se trouvait à côté de la porte habituelle et les enfants ne l‟avaient jamais remarquée auparavant. -Que faites vous là? demanda-t-il surpris à mi voix. -On venait vous voir… commença Marine. -Et bien entrez alors! dit M. Benignus avec un sourire bien veillant en les pressant dans le couloir tout en regardant autour visiblement préoccupé. Les enfants entrèrent dans le couloir en passant au travers d‟une paroi secrète du vaisseau. A peine eurent-ils fais quelques pas que le sol se mit à bouger comme un tapis roulant jusqu'au bout du couloir où le parquet redevint immobile devant la grande porte de bois sculpté du bureau de M. Benignus . Ils étaient passés devant différentes portes tout le long du couloir sans pouvoir s'arrêter (Nicolas en compta cinq) entourés de tableaux et de tentures accrochés sur un mur de pierre taillées bien lisses semblable aux murs d'Ultimécia. Les enfants n'y avaient pas prêté attention lors de leurs venues précédentes: -C'est le même couloir que celui d'Ultimécia! s'aperçut soudain Rémi. M. Benignus sourit avec l'expression de quelqu'un d'attendri: -Je suis heureux que vous vous en rendiez compte. J'ai enchanté ce mur pour qu'il nous transporte au château. Le bureau réservé au directeur était trop petit pour déménager l‟intégralité de mes affaires. Alors comme ça je peux retourner à loisir chercher ce qui me manque. Ils entrèrent dans le bureau dont la porte s'ouvrit toute seul après un hochement de tête de M. Benignus comme pour dire que c'était bien lui et qu'elle pouvait s'ouvrir. Les enfants retrouvèrent le bureau et allèrent s'asseoir comme leur fit signe M. Benignus qui faisait le tour de sa table. Ils restèrent tout les cinq 187


immobiles à s'observer en silence pendant quelques instants. Puis M. Benignus, les fixant par-dessus ses lunettes rondes, leur dit: -Vous devriez étudiez plus durement la mentologie. Les enfants, pris au dépourvu, sursautèrent devant cette affirmation. Ils n'avaient même pas sentit M. Benignus s'immiscer dans leurs esprits malgré leur résistance aux essais d'intrusions qu'ils arrivaient désormais toujours à contrecarrer. -Comment cela ce fait-il que je n'ai pas été prévenu tout de suite de la disparition du Livre de l'Étoile? demanda-t-il en perdant son sourire. Contrairement à ce que vous pensez, vous avez tout le temps de venir me prévenir, au lieu de ça vous nous avez laissé vous envoyer au combat sans arme! -Là c'est vous et pas nous qui vous voilait la face… dit seulement Cosme d'un ton méprisant sentant de nouveau bouillir en lui cette colère à être traité comme un soldat-objet. Et sur ce, il se téléporta dans une intense lumière bleue. Marine regarda le siège désormais vide où s‟était trouvé Cosme. -Je vais le chercher, ajouta-t-elle en disparaissant dans une explosion de lumière semblable à un flash qui laissa dans l'air quelques étincelles. M. Benignus soupira mais semblait troublé par les paroles de Cosme. Il ajouta à Rémi et Nicolas: -C'est quoi cette histoire de Vénissas? Ce n'est pas très clair dans vos esprits… *

*

*

La brise nocturne était douce et un vent du sud soufflait légèrement sur l'océan Atlantique transportant les parfums de la mer et de la côte. Cosme regardait l'immensité vide qui l'entourait, de l'eau, son élément, à perte de vue. Il prit une profonde inspiration. -Que fais-tu là sur le toit? demanda Marine qui venait d'apparaître à côté de lui. -Rien, répondit Cosme sans quitter l'océan des yeux. Ca ne t'est jamais arrivé d'avoir envie de tout plaquer? De partir loin, de rentrer en France et de reprendre l'éducation gacème, le lycée, l'université et tout. De laisser la sorcellerie là où elle est? Marine ne répondit pas tout de suite. Elle le regarda pendant un instant et reporta son regard sur l'océan en se plaçant au côté de Cosme. - Si, dit-elle enfin sur un ton compatissant, presque brisé. Le silence revint troublé seulement du bruit du vent et des vagues. Marine reprit: -Quand Martial est mort j'ai voulu tout arrêter et oublier. Mais l'idée que si je ne faisais rien, d'autres personnes risqu aient de mourir m‟a motivé pour continuer l'aventure et venger par-dessus tout la mort de Martial.

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Cosme ne répondit rien. Il plaça sa main droite légèrement ouverte dans un geste circulaire à quelques centimètres de son œil droit comme on le lui avait appris. -Désolé, dit il, j'ai besoin de prendre du recul. -Je sais. Des lambeaux de magie s'élevèrent autour de lui en tournoyant légèrement et d'un geste rapide et circulaire il mit sa main grande ouverte devant lui comme si il jetait quelque chose. Il y eut un bruit semblable au tonnerre et le ciel pur étoilé se déchira à plusieurs centaines de mètres d'eux au dessus de l'océan. Dans cette faille d'un noir d'encre sur le ciel illuminé d'étoile jaillit une étrange créature. Pareille à un point tout d'abord, elle volait droit sur eux en battant des ses immenses ailes. Elle se rapprochait à grande vitesse et on distinguait maintenant un grand cheval noir aux allures de dragon aux immenses ailes de plumes noires. Ce cheval noir atterrit à quelques pas des enfants et galopant dans son élan fit demi-tour en rabattant ses puissantes ailes sur ses flans en martelant le toit de ses sabots. Il s'approcha docilement de Cosme qui le caressa. Sans jeter un regard à Marine il enfourcha l'étrange cheval qui s'éleva aussitôt dans les airs en battant des ailes, provoquant un violant coup de vents qui manqua de faire tomber Marine. Le cheval vola quelques instants et dans un coup de tonnerre la déchirure noire réapparut en face d'eux. Au moment où ils allaient pénétrer dans le gouffre, une chose inattendue se passa. Un gigantesque tentacule jaillit de l'eau telle une lance tranchante et fondit sur le cheval et son écuyer avec une célérité formidable et transperça d'un rien le cheval et Cosme dans une éclaboussure de sang rouge et vert. De là où elle, était Marine vit le tentacule retourner dans l'eau tandis que le cheval et Cosme tombaient dans l'Atlantique dans une chute vertigineuse. De cette hauteur l'eau est identique à un mur de béton. Marine poussa un "non" désespéré en voyant ainsi son second ami mourir sous ses yeux. Le cheval se volatilisa dans l'air en se désagrège en cendres noires tandis Cosme allait bientôt frapper l'eau de plein fouet. Dans un réflexe misérable mais salutaire, les yeux troublés par des larmes, Marine brandit sa baguette et lança un sortilège Enflamatoir sur Cosme en espérant qu'à son contact il se liquéfierait automatiquement même s'il était inconscient et ainsi qu'il puisse entrer dans l'eau sans dommage. Le sortilège fusa et une explosion retentit à moins d'un mètre de l'eau. Une fois la fumée dissipée Marine put enfin voir l'endroit où Cosme était tombé, ne sachant si à cette distance le sortilège l'avait touché. Les vagues se calmèrent petit à petit mais Marine ne voyait rien. *

*

*

Rémi se tut, il avait fini de raconter l'histoire du Livre ainsi que leur hypothèse sur les Vénissas. M. Benignus restait silencieux les yeux perdus dans le vide, comme si son cerveau tentait d'assimiler tout d'un coup et d'en extraire le 189


meilleur. C'est alors qu'un flash le fit revenir à la réalité. Marine était de retour mais elle tremblait, la main crispée sur sa baguette, le visage noyé sous des larmes incessantes. Les enfants bondirent de leur siège et M. Benignus se jeta sur elle pour lui demander ce qui c'était passé et pourquoi elle pleurait. Au milieu des sanglots M. Benignus comprit l'essentiel du message : Cosme avait été attaqué et il gisait quelque part dans l'océan peut être mort. Il sortit de son bureau en courant et les enfants coururent à sa suite. M. Benignus utilisait des passages secrets qu'ils ne connaissaient pas et ils faillirent le perdre à plusieurs reprises. Sans crier gare ils jaillirent de derrière une tapisserie devant l'infirmerie en dix minutes de moins qu'il en aurait fallu par le chemin normal. M. Benignus bondit dans l'infirmerie et en ressortit quelques minutes plus tard suivit pas de nombreux migs qui aidaient à l'infirmerie quand ils ne nettoyaient pas le vaisseau. Ils se précipitèrent vers le téléporteur et disparurent tour à tour pour se retrouver dehors dans l'eau fraîche de la nuit. Les recherches durèrent un certain temps mais ils finirent par tous réapparaître trempés, M. Benignus en tête ruisselant d'eau, portant en lévitation Cosme devant lui. Il était d'une pâleur épouvantable et deux trous béants ruisselant de sang indiquaient par où était entré puis ressortit le tentacule. M. Benignus entra dans l'infirmerie où Melle Lène en robe de chambre les attendait depuis peu. Cosme fut installé sur un lit, sans vie. Melle Lène se pencha sur lui, lança quelques sortilèges et se releva l'air consterné: -Il est vivant mais il se trouve désormais dans un profond coma et je ne sais pas s'il en sortira un jour, se serait un miracle. -Faites le maximum, répondit M. Benignus.

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XVII Vénissas et examens

L'

annonce de l'accident de Cosme fit très vite le tour de l'école. Habituellement, les élèves sont soignés très vite par l'infirmière et il était rare qu'un élève reste plus de trois semaines à l'infirmerie. Le coma de Cosme était profond et ses blessures ne cicatrisaient pas, imbibés d'un poison qui le faisait de jour en jour tomber plus malade. Cependant le sang vert de son étrange monture semblait l'apaiser et l'infirmière veillait à ne pas en perdre une goutte. Pendant que Cosme luttait contre la mort, ses amis chercher le monstre qui l'avait si méchamment blessé. En conséquence, toutes les plongées vers la capitale étaient abandonnées tant que la menace du monstre marin n‟était pas écartée. Tous les jours les enfants allaient rendre visite à Cosme en espérant une amélioration. -Les enfants, finit par leur dire l'infirmière. Cela ne sert à rien de venir aussi régulièrement ici, s‟il y a du nouveau vous serez les premiers au courant, assurat-elle. De plus il n'y a rien que je puisse faire et M. Benignus a décidé de quitter Bulotia pour rejoindre Addalin au plus vite. Ils ont une clinique réputée dans tout le continent et ils s'en occuperont très bien, maintenant dehors. Et sans pouvoir ajouter un mot les enfants se retrouvèrent sur le pas de la porte de l'infirmerie. Ils étaient sur le point de râler quand la cloche sonna le début des cours de l'après midi. Ils n'avaient que deux matière cet après midi là mais c'était deux heures doubles. Ils commençaient par la mentologie puis finissait la journée avec la matière qu'ils détestaient le plus, l'étude des Runes avec le détestable professeur Sylague. Le cours de mentologie débutât par une heure libre où les élèves faisaient ce qu‟ils voulaient. La logique voulue qu‟ils s‟entraînèrent tous à développer au maximum leur aura. Les enfants restèrent discrets sur ce sujet car ils avaient toujours peur de déclencher quelque chose de grave ou de trop impressionnant pour leur âge. Par contre ils excellaient dans l‟art de disperser et de masquer leur aura. Ils savaient pertinemment que le moment viendrait où ils devraient être notés devant toute la classe. La classe était mouvementée, toute l‟énergie déployée par les élèves comme ils l‟avaient appris rendait l‟air ambiant chargée de magie et les cerveaux commençaient à s‟embrumer. Il se passait le phénomène inverse que celui qui se produit quand une salle est surchargée de sortilèges: l‟effet des sortilèges provoque malaise et ambiance lourde. Les élèves étaient en effervescence quand Mme Arnaud leur dit s‟asseoir afin qu‟elle

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commence à les interroger un par un. Les élèvent regagnèrent tous leur place respective et tournèrent leur regard vers Mme Arnaud assise à son bureau. Certains étaient très stressés et, la tête baissées, faisaient tout leur possible pour que Mme Arnaud ne s‟en rende pas compte. C‟est ceux-là qu‟elle interrogeait en priorité laissant ceux sûrs d‟eux pour la fin. Malheureusement, les enfants, particulièrement stressés, cherchaient un moyen pour sortir, en priant pour que M. Benignus leur fasse un de ses appels dont il avait le secret. Mais rien, pas un appel à la radio, pas une urgence, pas une attaque, rien venant perturber se moment pendant lequel Mme Arnaud parcourait la salle à la recherche de volontaires. Son regard s‟arrêta sur Pascal, un élève du premier rang. Elle lui dit de venir devant l‟estrade sur laquelle était son bureau puis le fit rejoindre par Alexandra. Elle leur expliqua qu‟ils devaient développer leur aura au maximum et celui qui avait la meilleure note était celui qui réussissait à faire abandonner son adversaire. L‟élève qui perdait était aussi noté sur le développement de son aura. Pascal et Alexandra se firent face. Ils paraissaient tendus mais décidés. Alexandra fit un pas vers Pascal, mais celui-ci était déjà concentré sur son aura. La tête rentrée dans ses épaules, les yeux fermés, le dos voûté, les bras pendants, il semblait décontracté et sa respiration était lente. Soudain, il se redressa de toute sa hauteur rejetant les épaules en arrière. Il semblait mesurer près de deux mètres cinquante à présent et il regardait Alexandra d‟un regard méprisant, la regardant de haut comme le font si naturellement Cyril et Franck. Alexandra sembla frappée de stupeur mais après une expiration, elle se mit à gonfler et à grandir en inspirant l‟air dans ses poumons. Elle dépassa en hauteur et en largeur Pascal de seulement quelques centimètres déclenchant un léger courant d‟air dans la classe qui semblait émaner de son aura. Pascal gonfla son aura au maximum et atteignit la même taille qu‟elle. Tout deux se lançait des éclairs du regard quand Pascal reprit son apparence normale à bout de souffle, son aura affaiblie au point qu‟il vacilla. Mme Arnaud le fit conduire à l‟infirmerie en le notant ainsi qu‟Alexandra qui avait reprit sa place seulement essoufflée. Elle posa sa plume et regarda de nouveau l‟assistance de ses élèves à la recherche de nouveaux volontaires. Marine la sentit frôler son esprit et pria de plus belle pour une attaque. Son nom claqua dans l‟air comme un coup de fouet quand Mme Arnaud le prononça. Marine respira profondément et s‟avança d‟un pas lent vers le devant de la classe, bien décidée à ne pas montrer son aura. De toute façon, elle n‟était pas sûre de pouvoir le faire même s‟elle le voulait car elle n‟avait jamais pris le risque d‟apprendre à le faire. Convaincue de ça, elle s‟approcha, déjà plus confiante de son incompétence. Elle n‟aurait qu‟à déclarer forfait dès que l‟autre commencerait son numéro, ses notes en Potion étaient suffisantes pour lui permettre un zéro en Mentologie. Elle arriva devant l‟estrade résolue. Mme Arnaud fixait de nouveau la classe. Elle ne prendrait pas un ami de Marine car elle voulait qu‟ils se donnent à fond. Elle se décida pour Théodore 192


Brandie, un élève avec une grande sous-estime de soi. Il se leva maladroitement de sa chaise et s‟avança vers Marine déjà prête. Marine faisait déjà une bonne dizaine de centimètres de plus que lui sans rien de magique et il semblait déjà impressionné. Il trembla légèrement quand Mme Arnaud leur dit de commencer. Marine ne voulait pas commencer et ne bougea pas d‟un cil tandis que Théodore semblait attendre l‟attaque. -Et bien allez-y! Qu‟est ce que vous attendez? demanda Mme Arnaud. Théodore fit un pas en avant pour en faire deux en arrière. Marine commençait à en avoir marre et soupira, les sourcils froncés, en fixant Théodore qui tressaillit. Porté par l‟adrénaline et la peur il mit une jambe en avant et il se mit à dominer Marine surprise mais pas du tout impressionnée. Elle le regardait indifférente voir amusée. Soudain elle remarqua que tout le monde la fixait en attendant sa réplique. Marine hésita trente seconde et dans un grand geste théâtral… -Je ne puis, devant tant de magie, que m‟incliner! Je… je… j‟ai peur!!!!!!!! criat-elle trop bien pour être honnête. Elle en avait trop fait et elle en était consciente. D‟abord surprise, Mme Arnaud n‟avait pas réagi mais elle était devenue toute rouge et elle se leva lentement infligeant un violent mal de tête à Marine qui se roula par terre de douleur, pendant quelques secondes seulement. Le temps qu‟elle se remette de la surprise et elle repoussa l‟attaque. -Vous n‟avez pas le droit, les sévices corporels et magiques sont interdits! s‟exclama Nicolas en se levant de sa chaise. -C‟était un test Nicolas pour vérifier quelque chose. Marine a repoussé mon attaque mentale facilement, elle est très capable de réussir un tel exercice. Pourquoi avoir fait cela? demanda Mme Arnaud penchée sur Marine qui se relevait mine de rien en dépoussiérant sa robe. -Pourquoi n‟as-tu pas réagi? reprit-elle. -Il m‟a fait trop peur, déclara Marine. -Certes mais encore? -Rien, c‟est tout, c‟est vrai. Puis Marine commença à regagner sa place. -Tu ne sais pas comment faire c‟est ça? insista Mme Arnaud. -C‟est cela même, répondit Marine avec un ton théâtral. -Pas de problème, je vais t‟apprendre maintenant… -Maintenant? sursauta Marine. -Parfaitement, maintenant. Mets-toi en place. Marine semblait vaciller, elle cherchait par tous les moyens à échapper à l‟exercice que désormais toute la classe suivait avec attention. Elle se laissa placer sans réagir face à Mme Arnaud. -En réalité… je suis malade, tenta Marine. -Ca ne marche pas. Bon maintenant écoutes moi, ferme les yeux et tout ira bien. Marine inquiète s‟exécuta. Elle sentait Mme Arnaud s‟infiltrer dans son esprit. Elle résista mais la voix de Mme Arnaud se faisait douce et rassurante, 193


mais tellement loin en même temps… Elle se sentait calme, reposée, loin de tous soucis, et elle se sentait puissante, tellement puissante! Elle laissait ce sentiment s‟emparer d‟elle petit a petit, elle sentait que ça allait exploser, mais une petite voix lui chuchotait dans la tête qu‟il ne fallait pas, qu‟elle était en classe. Mais la classe était tellement loin à présent, elle était seule, seule avec elle-même, ne sentant même plus le sol sur lequel elle reposait. Soudain elle se sentit submergée, submergée par sa propre puissance, par une rage qu‟elle ne connaissait pas. Elle ouvrit les yeux et elle laissa éclater sa puissance aux yeux de tous, comme invincible! Les élèves fixaient Marine depuis quelques minutes, elle était immobile devant toute la classe faisant face aux élèves, Mme Arnaud s‟était déplacé derrière elle et avec sa baguette magique psalmodiait une formule en fixant sa nuque. Marine semblait s‟être assoupi equand soudain elle ouvrit grand les yeux. Elle se déploya de toute sa hauteur, le dos droit, la tête haute. Elle paraissait toucher le plafond. Ses yeux étaient devenus de braise et ont les voyaient luire du fond de la salle. La classe était devenue sombre comme pendant un orage quand le soleil est caché par les nuages, un vent puissant balayait la salle, tel que tout s‟envolait, les élèves se retrouvaient accrochés à leur table lançant des sortilèges de glu sur leur siège pour qu‟ils ne s‟envolent pas. Marine, le visage plein d‟ombres dominait la scène de toute sa hauteur, sa robe de sorcier foutée par le vent qui semblait émaner d‟elle-même. Mme Arnaud regardait terrifiée l‟effrayant visage de Marine sans savoir quoi faire, plaquée au mur par d‟impressionnantes bourrasques, prise au dépourvu devant un tel déchaînement de pouvoirs qu‟elle n‟imaginait pas chez un élève, rendu presque aussi puissant à Martin Benignus lui même. La fenêtre claqua et les vitre se brisèrent avec force, le ciel au dehors s‟obscurcit de nuages noirs et les flots commencèrent a se soulever, des éclairs zébrèrent avec violence le ciel. L‟orage semblait s‟être installé bien qu‟aucune goutte de pluie ne vienne à tomber. La colère et la haine déformaient le visage de Marine d‟habitude si gracieux, ses cheveux paraissaient doués de vie pareils à des serpents ondulants. Elle regardait d‟un air méprisant ses camarades de classe, presque dégoûtée. Elle se mit à cracher des immondices comme du venin sur les élèves terrifiés à présent et tétanisés de terreur. La voix de Marine était rauque, éraillé et rogue, elle semblait venir de toutes les directions à la fois à la manière d‟Onoximoustros. Cosme, Rémi et Nicolas ne savaient pas comment réagir et même s‟ils savaient pertinemment que Marine était d‟une grande puissance magique ils ne s‟imaginaient pas que sa puissance était si phénoménale. Et même eux avaient peur d‟elle en cet instant car même à eux trois, bien que plus puissants que la plupart de leurs professeurs, ils doutaient pouvoir la contenir. Le vaisseau commença même à tanguer légèrement et le bruit de l‟orage combiné avec celui des élèves paniqués qui criaient de peur assourdissait. 194


A cet instant le temps sembla suspendu et plusieurs minutes s‟écoulèrent dans le chaos le plus total. Soudain, la porte s‟ouvrit avec fracas et on vit dans l‟embrasure de la porte M.Beningus, la baguette magique à la main, rouge de colère, il semblait émaner de lui une aura brûlante, on aurait dit qu‟il voulait faire exploser son aura tout comme Marine et qu‟en même temps il voulait la masquer. Il en résultait une aura proche de lui d‟une densité incroyable qui irradiit d‟une grande puissance. Il paraissait furieux. D‟un coup d‟œil rapide il fusilla Mme Arnaud du regard puis se fraya tant bien que mal un chemin jusqu‟à Marine qui lui ricanait au nez. Il leva haut sa baguette et d‟un geste sans équivoque il se mit à dessiner de petits signes dans l‟air en psalmodiant une formule. Un nuage argenté s‟éleva autour de lui comme un brouillard et enveloppa petit à petit le corps de Marine qui regardait maintenant M. Benignus avec effroi. Le brouillard perdit sa substance gazeuse et prit une consistance à la fois liquide et gazeuse, gazeuse et solide. Elle apparaissait gluante mais d‟un fluidité incroyable, elle paraissait lourde et dense et pourtant elle flottait tel un nuage, ses reflets argentés miroitaient dans l‟espace noir et sombre de la classe. Brusquement, le sortilège argenté s‟engouffra dans les narines de Marine qui se mit à vaciller. Elle s‟écroula sur le sol tout en reprenant sa taille normale. Aussitôt la tempête se calma et la lumière revint éclairer le vaisseau. M. Benignus, lançant sur Marine inconsciente un sortilège de lévitation, s‟approcha de Mme Arnaud en état de choc : -Vous êtes folle d‟utiliser le sortilège de Rusteflusk sur une élève, vous devriez savoir à quel point il peut être dangereux ! Voyez vous-même: vous avez déclencher une réaction en chaîne qui a eu comme effet que cette pauvre élève a attiré et ébranlé toute la magie ambiante déployée par vos autres élèves ! -A…alors ça ne venait pas d‟elle ? balbutia Mme Arnaud encore tremblante. -Bien sûr que non! jubila M. Benignus. Comment pouvez-vous croire qu‟une élève puisse avoir autant de pouvoir?! Reprenant son air sérieux et accusateur il ajouta: -Mme Arnaud, je vous attends dans mon bureau à huit heure se soir. -Bi…bien monsieur le directeur… répondit Mme Arnaud toujours tremblante. -Et puis j‟emmène avec moi Nicolas et Rémi, ajouta-t-il en faisant flotter Marine jusqu‟à la porte. -Mais, pourquoi ? demanda Mme Arnaud. -Ce sont ses amis, ils l‟aideront à se calmer à son réveil. Ca a du être dur pour elle. -Oui, bien sûr… je comprends. Encore désolé. M. Benignus emboîta le pas aux enfants, Marine toujours inconsciente. Presque tous les élèves des classes voisines regardaient stupéfait le cortège. Les élèves ainsi que les professeurs restaient silencieux, les yeux ronds et le cœur battant, Nicolas aurait juré les entendre. Dans tout le vaisseau les courses des élèves et des professeurs cherchant le pourquoi de cette tempête se stoppaient, arrêtées par le mur d‟élèves qui faisaient place au cortège. On aurait dit que tout 195


Ultimécia était descendu dans les couloirs et à chaque tournant le cortège revoyait toujours la même foule d‟élèves. La porte du bureau de M. Benignus fut enfin franchie. M. Benignus coucha Marine sur des coussins soyeux et moelleux qu‟il avait fait apparaître et alla s‟asseoir à son bureau. Les enfants s‟assirent en face de lui. M. Benignus pris une profonde inspiration et ferma les yeux. Il semblait plongé dans ses pensées. Après quelques minutes de silence, alors que les enfants craignaient d‟être oubliés, M. Benignus dit sans ouvrir les yeux: -Que savez-vous sur l‟aura? La question paraissait simple mais personne ne parla. -Alors? répéta M. Benignus en posant ses lunettes rondes sur son bureau. -Bien… Nous savons que l‟aura est le reflet de notre magie, de notre Pouvoir, dit Rémi. -Et puis, notre aura évolue au fur et à mesure que notre magie et nos connaissances augmentent, conclut Rémi. -C‟est tout? demanda M. Benignus en les fixant. -Euh… oui, répondit Rémi pris au dépourvu par cette question car il croyait qu‟ils avaient tout dit. -Bon, laissez moi compléter vos connaissances… M. Benignus se leva et se mit à marcher dans son bureau, passant derrière les enfants. Il reprit : -L‟aura est le reflet magique du sorcier. Il indique la puissance du Pouvoir contenue par le corps. La manifestation du Pouvoir contenu dans le corps déborde sous forme de rayonnement pour former l‟aura, c‟est normal. Même les gacèmes ont une aura. Bien sûr la leur n‟a rien de magique. Si dans l‟aura du sorcier il est impossible de savoir s‟il est bon ou mauvais, ce n‟est pas le cas chez les gacèmes. Pour eux, l‟aura reflète leur comportement et leurs actions, bonnes ou mauvaises un peu comme le Karma. Pour un sorcier il est simple de décrypter et de capter cette aura. Les gacèmes eux même le ressentent quand celui-ci est particulièrement dense. Ils appellent ça une impression ou sensation. Cela ce traduis par un frisson, un sentiment. Ils disent que celui-ci « envoie de bonnes ondes », que celui-la « respire la bonté et la gentillesse, la joie de vivre » ou encore « qu‟il n‟inspire pas confiance ». Toutes ses expressions sont en réalité la traduction qu‟ils font du rayonnement de l‟aura sans trop savoir pourquoi ils ressentent pour une personne de la méfiance ou de la confiance. Si dans les prisons de haute sécurité gacèmes ils disent « que l‟ambiance y est pesante » ou bien « écrasante » c‟est par ce que toutes les aura des prisonniers finissent par être tellement proches, comme mélangées, qu‟elles deviennent comme palpables, même pour les gacèmes. C‟est ce qu‟ils appellent le sixième sens, cette capacité de ressentir les choses au travers de sensation. Ils lisent l‟aura des personnes sans s‟en rendre compte. Pour les sorciers c‟est plus complexe. L‟aura réagit aux variations du Pouvoir du sorcier mais aussi à son physique et à son mental. Un sorcier qui 196


déprime voit son aura plus faible tout comme un malade, et quelqu‟un d‟heureux ou en pleine forme voit son aura plus forte. L‟aura s‟adapte aussi au physique du sorcier : si vous échangiez l‟aura d‟un petit gros avec un grand mince ils se sentiraientt mal à l‟aise et l‟aura s‟adapterait au bout de quelques jours aux nouveaux corps. Cela, même si vous ne le saviez pas, doit s‟inscrire dans la logique de vos cours. Ce que vous devez ignorez par contre c‟est que l‟aura agit aussi sur le physique. Vous devez avoir remarqué que, même si vous ne faîtes par de sport intensif, depuis quelques temps vos corps ont grandi, ils se sont musclés même. Bien sûr pas autant que celui de Cosme, mais lui utilise une formule pour donc c‟est normal. Mais quand même. Vous avez du remarquer aussi que, surtout Marine car c‟est une fille, que vous vous êtes embellis, vos gestes sont devenus plus fermes, plus virils même, pour vous, et plus gracieux chez Marine. Vous avez tous pris quelques centimètres aussi. Tous ces phénomènes ne sont pas dus à l‟adolescence. Chez les sorciers l‟aura grandi et s‟intensifie avec l‟âge. Quand un sorcier augmente son aura, par des études de magie poussées et des exercices, l‟aura devient trop grande pour le corps qui est obligé de changer pour la contenir. C‟est comme ça que, vos aura ayant largement augmenté depuis le début de l‟année, vous avez subi toutes ses modifications. Mais cela peut s‟avérer dangereux, Marine en est un exemple mais il y en a d‟autre. Il est rarissime, mais ça arrive, que des enfants sorciers soit précoces, surdoués en quelque sorte, en magie. Leur aura augmente trop et leur corps n‟a pas le temps d‟évoluer en conséquence et doit compenser le manque des années. C‟est comme cela que l‟on se retrouve avec des enfants de neuf ans obèses, carrés ou autres alors qu‟ils ne l‟étaient pas à la naissance. Leur corps est obligé de prendre du poids que se soit de la masse graisseuse, de la masse musculaire ou de la masse osseuse. Notre professeur en archéomagie en fait partie: il fait un mètre treize pour cent cinq kilogrammes. -Ah oui ! s‟exclama Nicolas. J‟en ai entendu parler, il a une barbe et il est presque chauve! On raconte qu‟il est à moitié nain… M. Benignus soupira et se frotta les yeux, toujours debout derrière les enfants assis au bureau. -Cela n‟explique pas ce qui c‟est passé avec Marine, intervint Rémi. -Oui, je vais vous expliquer. Depuis quelques temps vous avez réuni beaucoup de Pouvoirs. Surtout grâce aux Dieux Atlantes. Mais vous avez du remarquée que vous n‟aviez accès qu‟à une toute petite partie de ces pouvoirs, tout comme pour vos pouvoirs atlantes ou de magicien et d‟enchanteur. Mais vous n‟êtes pas des personnes normales. Quelqu‟un de normal aurait vu son aura augmenter tellement vite et tellement fort que son corps n‟aurait pas supporté et il serait sous doute tombé dans un coma magidolmique et la seule façon pour le réveiller aurait été d‟extraire de son Pouvoir. Mais chez vous, tout se Pouvoir a été enfoui au fond de votre âme de telle sorte qu‟il ne est pas accessible, par conséquent votre aura n‟a pas trop grandi. Votre Pouvoir se révèle petit à petit pour ne pas vous étouffer. Le sortilège Rusteflusk serre à révéler le Pouvoir de la victime. 197


Chez vous, plutôt chez Marine, cela a activé son Pouvoir en entier, même celui refoulé, d‟où la tempête. -Mais pourquoi est-elle devenue méchante? demanda Rémi. -Ca c‟était le but de votre exercice non? Intimider l‟adversaire. -Oui mais quand même… Un bruit sourd, comme une plainte interrompit la discussion : Marine se réveillait. Les enfants s‟approchèrent des coussins où Marine se trouvait. Elle remua et essaya de se lever. M. Benignus l‟en empêcha et l‟installa le plus confortablement sur les coussins. Elle avait le regard trouble et donnait l‟impression d‟être perdu. Elle réussi tout de même à articuler : -Vous…? Je n‟ai blessé personne? - Non, rassure-toi Marine, lui dit M. Benignus. Personne n‟a été blessé par ta tempête. -Alors, c‟est moi qui aie déclenché cette tempête? -Oui, répondit M. Benignus en riant. Il manquait juste la pluie et on aurait cru que c‟était celle que je déclenche que je fais cet exercice! Les enfants le regardèrent de travers et il se reprit, toujours amusé. -Ca prouve que je suis toujours plus puissant que vous! Voila tout! -Je vais faire comment maintenant? gémit Marine, tout le monde va avoir peur de moi ! -Non, ne t‟inquiète pas, la rassura M. Benignus. J‟ai tout arrangé, des migs sont déjà en train de passer dans les classes pour expliquer ce qu‟il s‟est passé, enfin la version officielle. -Monsieur, dit Rémi, dans combien de temps arriverons nous à Addalin? -Nous devrions arriver dans la nuit, répondit M. Benignus. Pourquoi est-tu si pressé? -Je n‟ai pas encore eu le temps d‟en parler aux autres mais, Asmodée et moi avons découvert qu‟en 1223 (année Française et non Atlante), il y avait eu un terrible cataclysme près de cette ville, une météorite. C‟est dans l‟immense cratère qu‟a fait la météorite au fond de l‟océan que s‟est construit la ville d‟Addalin… On pense qu‟il est possible qu‟une Vénissas s‟y soit formée. -Bien, très bien… marmonna M. Benignus. Allez dans vos chambres… -Monsieur, nous avons cours de Rune maintenant et… -Non, n‟ajoutez rien, allez dans vos chambres, les migs ont dit que Marine avait besoin d‟un soutien moral et qu‟elle était trop fatiguée pour reprendre les cours. Donc vous allez tous les trois dans votre Gallice, immédiatement, ça vous empêchera de croiser les élèves qui sont encore en cours pendant quinze minutes. Dépêchez-vous ! Oust ! Les enfants se retrouvèrent dans les couloirs déserts du vaisseau une fois de plus. Marine les suivait en flottant car elle était trop faible pour marcher. Ils arrivèrent néanmoins assez rapidement à leur Gallice où les attendait un mig, chargé de surveiller l‟entrée de leur Gallice et de donner toutes les explications nécessaires aux curieux. Ils entrèrent. Marine vola jusqu‟au petit canapé et s‟y 198


installa tandis que les autres se répartissait dans les différentes chambres ou dans la communauté. Ils discutèrent peu puis finir par aller se coucher assez tôt. Personne n‟en parlait mais si Marine ne se remettait pas vite, ils ne serraient que deux pour la prochaine attaque d‟Onoximoustros. Ils se rassurèrent quand ils virent que Marine reprenait relativement vite des couleurs et du poil de bête. Demain, tout serait redevenu normal. Le lendemain, le vaisseau se réveilla immobile: il avait atteint Addalin durant la nuit. Ils n‟y faisaient qu‟une halte pour étudier cette ville-bulle, seconde forme de ville atlante sous l‟océan. Ils y passeraient trois jours puis repartiraient pour le désert sans vie du Menjadourt pour une courte halte avant de retourner à Dirulas pour finir l‟année. Enfin ils regagneraient la France, à Ultimécia, pour y passer une nuit. Après quoi, l‟année scolaire sera finie. Les enfants se réveillèrent comme à leur habitude, assez tôt pour ne pas arriver en retard à la première heure cours de la journée. Ils se levèrent, firent leur toilette et partir prendre leur petit déjeuner dans la Grande Salle. Comme à chaque arrêt, le vaisseau était en effervescence. Marine allait très bien est personne ne la regardait de travers, l‟explication de l‟accident répété par les migs semblait convenir à tout le monde. La première heure de cours se passa dans toutes les classes de manière identique : le ou la professeur dit ce qui concernait Addalin. Pour la classe des enfants, c‟était M. Sylague, professeur de Runes qui le faisait: -Bon, on m‟a demandé de vous faire un cours préparatoire à la visite d‟Addalin. Ca ne m‟intéresse pas du tout donc je vais être bref: c‟est une ville moche, sans intérêt aucun et sans charme quel qu‟il soit. Je trouve le passage dans cette ville futile mais M. Benignus trouve que le fait que se soit une ville-corail et une ville-bulle fait d‟elle un passage obligatoire. -Qu‟est qu‟une ville-corail et une ville-bulle monsieur? demanda une élève au premiers rang. -Si vous m‟interrompez encore une fois Clotilde je vous colle pour trois ans. Une ville-corail est une ville construite en corail, près ou sur une barrière de corail. La barrière de corail d‟Addalin n‟est en rien intéressante car elle ne comporte aucune rune contrairement aux très riches grottes de coraux du village-corail de Curcuital situé sur les coraux près de Trollan, village jugé trop petit pour figurer sur une carte générale de l‟Atlantide. Enfin bon, soupira-t-il, une ville-bulle est une ville construite sous un dôme d‟air nommé bulle. Cette bulle créait l‟air qu‟elle contient à partir de l‟oxygène contenu dans l‟eau. C‟est un champ de force magique qui soutient l‟eau de l‟océan tout autour blablabla, blablabla. Maintenant, si vous le permettez, je vais continuez mon cours sur les runes chtubls… L‟heure se finit et tous les élèves furent conviés à la descente dans l‟océan pour rejoindre à quelques kilomètres sous l‟eau la ville d‟Addalin. Il leur avait été recommandé de contourner la bulle et de la franchir au niveau du sol, pour 199


ne pas tomber comme une pierre du sommet de la bulle une fois de nouveau dans l‟air. Les élèves plongèrent par groupe de cent. Les enfants eurent le temps de voir que Cyril s‟était procuré un boxer de bain, ce qu‟ils traduisirent par un bon début. Leur tour arriva et les enfants plongèrent dans des sauts artistiques, en particulier Marine qui utilisa discrètement son pouvoir de voler pour faire ses figures. A fur et à mesure qu‟ils prenaient de la profondeur, la barrière de corail qu‟ils suivaient de loin semblait perdre ses couleurs. Nicolas se doutait que la barrière n‟était pas entièrement naturelle car le corail ne se développait pas à ces relativement grandes profondeurs, préférant les eaux chaudes et claires non loin de la surface. Cependant, le récif de corail s‟enfonçait dans l‟eau pour finalement atteindre le fond quelques kilomètres plus bas. Le corail semblait luire et diffuser une pâle lumière. Lors de leur descente, les enfants aperçurent quelques sirènes se promenant dans le récif mais aucune ne s‟approcha. Finalement, ils commencèrent à voir une forme arrondie posée sur le fond de l‟océan. A cette distance ils ne voyaient pas ce qu‟il y avait à l‟intérieur, mais les miroitements de la forme laissaient penser qu‟elle avait une grande surface, assez pour abriter une ville. Ils continuèrent leur approche et finirent par distinguer des formes vagues sous la bulle. Finalement ils finirent par en atteindre la surface. Les enfants s‟arrêtèrent et regardèrent les autres élèves descendre à la base de la bulle. Eux étaient bien décidés à faire le grand saut. Ils regardèrent la ville sous leurs pieds et le sol à plusieurs centaines de mètres. La ville avait des teintes roses provenant du corail dont elle était faite. Marine, dans le prolongement de ses gestes, passant en nageant au travers de la bulle et tomba en piquet vers le sol où elle se posa en volant sans égratignures. Nicolas jaillit hors de l‟eau et une magnifique plante qui poussa instantanément le rattrapa et le posa sur le sol avant de faner et de disparaître. Rémi se laissa tomber et dans un éclair vert qui jaillit de son index atterrit sans problème. -Le lutin a encore frappé, ironisa Marine. -Que madame marraine la bonne fée m‟excuse mais c‟était pour moi la seul façon. -En tout cas on a atterri loin de tout, il n‟y a pas âme qui vive ici, remarqua Nicolas. -Nous sommes tombés sur les champs de la ville… -Oui, dit Marine, et regardez la ville là bas, comme cette bulle est belle! La ville s‟élevait à quelques mètres de là aux couleurs les plus variées du corail. L‟eau qui entourait partout la ville filtrait les quelques rayons du soleil qui atteignait la bulle pour la disperser sur la ville qui se mettait à scintiller de lumière bleue jurant magnifiquement avec le teint rose de des façades. Les enfants avancèrent vers le point de rendez-vous en regardant au dessus de leur tête les poissons qui nageaient au dehors de la bulle. D‟ici le soleil était une lueur lointaine à la surface, un disque lumineux posé sur l‟eau, se déformant avec le courant, jetant ses lumières sur les poissons et les bâtiments qui 200


s‟embrasaient de mille feux. Finalement, les enfants retrouvèrent les élèves déjà arrivés à l‟entrée de la ville. Ils y pénétrèrent tous ensemble. Les bâtiments avaient un aspect bizarre, le corail n‟était pas du tout régulier et les bâtiments étaient biscornus aux murs hérissés de coraux. Certaines maisons se trouvaient construites dans les branchages d‟un corail géant. Une partie de la ville était adossé au récif et était composée des bâtiments troglodytes. Seul le pavage des routes était lisse dans cette ville où l‟irrégularité du corail brut était maître. Mais les enfants n‟oubliaient pas Cosme, la venue dans cette ville était aussi due à leur clinique, l‟une des meilleurs du monde, magique ou non. Les enfants se mirent donc à la recherche de la clinique. Ils longeaient le récif à l‟endroit où la ville est troglodyte quand une gigantesque façade taillée dans le corail offrit à leur yeux l‟insigne: Saint Edouard Augustyn, Clinique scienmagique d’Addalin. Le bâtiment était écrasant avec ses proportions titanesques, ses colonnes et ses arcs aux allures de temple latin. Cependant, l‟architecture très stricte, anguleuse et rectiligne de la bâtisse ne ressemblait en rien aux temples atlantes très arrondis et bombés. La façade en elle-même était plutôt sobre et avait été polie, rendant les murs en coraux lisses et brillants, tranchant avec les autres constructions. Le professeur qui faisait visiter la ville au groupe ne dit que quelques mots sur l‟importante technomagie de pointe dont était pourvue la clinique, mais ne s‟arrêta pas. Asmodée pressa les enfants qui s‟attardaient devant la clinique: -Ca ne sert à rien de rester devant, nous irons une fois que Cosme y aura été transporté. En attendant continuons la visite, cette ville est admirable vous en trouvez pas? -Ton optimisme m‟étonnera toujours Asmodée… soupira Nicolas. -Je ne suis pas optimiste, rétorqua Asmodée, je suis réaliste, voila tout. Maintenant allons y. Les enfants suivirent donc le groupe d‟élève qui tournait au coin de la rue. Ils passèrent par l‟hôtel de ville, la basilique des Quatre, un vieux château, une carrière de coraux d‟où on extrayait le corail magique destiné entre autre aux baguettes magiques de sorciers. Ils se dirigeaient vers les fantastiques jardins immergés aux fontaines grandioses quand les enfants s‟offrirent une peur bleue: Gustave venait de surgirent du sol sans crier gare, les faisant sursauter. -Qu‟y a-t-il Gustave? demanda poliment Marine. -M. Benignus vous fait savoir que Cosme est en se moment même transféré à la clinique Saint Edouard Augustyn et que vous pouvez vous y rendre pour prendre des nouvelles. -Merci Gustave, répondit Rémi. -M. Benignus a été très étonné de ne point vous voir à la clinique et il eût peur que malheur vous soit arrivé ou que tout simplement vous ne l‟ayez point trouvé… -Si si, nous savons où elle se trouve mais nous nous sommes laissés dire que c‟était inutile d‟attendre devant, dit Asmodée d‟une voix douce. 201


-Et bien ce n‟était pas très malin… remarqua Gustave, cela a fait peur à M. Benignus et l‟a beaucoup déçu que vous n‟attendiez pas la venu de votre ami… -On ne vous le fait pas dire! déclara Rémi en regardant Asmodée. -Oui et bien ne nous attardons pas, assura Asmodée en partant en courant dans la rue. -Tu ne t‟en tireras pas comme ça! crièrent les enfants en partant à sa poursuite en riant. Attrapez-la! Leur course poursuite les mena à la clinique où ils trouvèrent Mme Contortine attendant à la porte. A leur arrivée, elle se précipita vers eux avec le plus de dignité possible et, en les poussant à l‟intérieur, leur indiqua le numéro de la chambre où était Cosme. Sans ajouter un mot, elle s‟en alla dans la ville. De l‟intérieur, la clinique était spacieuse et d‟une blancheur éblouissante. Sur les murs s‟étalait quelques tableaux mais l‟ensemble était plutôt vide. Il n‟y avait que peu de meuble. Le hall d‟accueil était vaste: au fond se trouvait un guichet où une femme en blanc d‟un certain âge répondait le plus calmement possible aux questions de la file d‟attente. D‟un coté de la porte se trouvaient étalés sur une centaine de mètres carré des canapés et des fauteuils moelleux et d‟un blanc immaculé, des tables basses en osier et corail où se trouver des revues et des bandes dessinées, quelques distributeurs en tout genre et des prospectus accrochés aux murs. De l‟autre côté de la porte se trouvait un espace aux mêmes dimensions que la salle d‟attente mais qui ne comportait rien qu‟une piste où les soucieux pouvaient déambuler et tourner en rond sans gêner les autres. En face de la porte se trouvait un couloir qui s‟enfonçait profondément dans le récif, bien qu‟il soit toujours blanc. Le guichet le guichet au coin entre le couloir et la grande salle. De chaque côté de cette grande salle se trouvaient deux escaliers et des ascenseurs pour atteindre les étages supérieurs. Les enfants se dirigèrent vers le plan de la clinique pour rechercher où se trouvait la chambre de Cosme. Mais la clinique était grande et avait une dizaine d‟étages, atteignant le haut du récif, et chaque étage avait une spécialité. Le problème était qu‟à chaque étage se trouvait une chambre portant le numéro de celle de Cosme. - Les faire toutes nous prendra trop de temps, remarqua Marine pleine de sagesse. -Je suis d‟accord, comment fait-on? demanda Nicolas. -Allons voir à l‟accueil, il doit y avoir un registre des entrées et des sorties, proposa Asmodée. Les enfants acquiescèrent et se mirent dans la file d‟attente. Celle-ci avançait vite grâce au pouvoir de l‟infirmière qui s‟occupait de l‟accueil. Ce fut le tour des enfants: - Bonjour, dirent-ils. -Bonjour, répondit-elle souriante. -Nous recherchons un ami… 202


-Nous en cherchons tous un! répondit l‟infirmière en donnant une tape amicale sur l‟épaule de Rémi avant de rire. -Heu, oui. Donc, nous cherchons un… une personne qui a été amenée ici car elle est gravement blessée… -C‟est normal, si on nous amenait ici toutes les personnes allant bien on ne servirait pas à grand-chose n‟est ce pas! Ahahahah! Pardon, comme se nommet-il? -Cosme Antigny, répondit Nicolas. -Ah oui! dit-elle aussitôt, le petit sorcier? Je me souviens, il est dans la chambre numéro 359 au sixième étage: infection grave. -Merci madame… -Si j‟avais eu une pièce à chaque fois que j‟avais entendus sa… Ahahahahahahahahahahah! Les enfants laissèrent l‟infirmière rire aux éclats, se dirigèrent vers l‟escalier et prirent finalement l‟ascenseur. Celui-ci, bien que faisant les dimensions d‟une pièce, était bondé. Les enfants se firent une place et descendirent non sans mal au sixième étage. Arrivés devant la porte de la fameuse chambre, ils trouvèrent M. Benignus en pleine conversation avec un médecin: -Son état est critique, si seulement nous savions ce qui lui a infligé cette blessure, cela nous aiderait. -Non désolé, répondit M. Benignus, tout ce que nous savons c‟est qu‟il s‟agirait d‟un monstre aquatique, et que la blessure a été faite avec un tentacule. -De toute façon nous avons dans cette clinique des Atlantes dont le pouvoir est de synthétiser n‟importe quoi, nous allons nous en servirent pour reproduire le liquide vert que votre infirmière a précieusement gardé. Nous allons l‟étudier et en extraire ce qui soulage votre élève. Puis nous le concentrerons pour le soigner complètement. -D‟accord, j‟ai confiance en vous docteur. Je vais vous laisser. Au revoir docteur. -Au revoir Monsieur le Directeur. Les enfants rejoignirent M. Benignus qui était maintenant seul. Il leur fit comprendre que désormais ils ne pouvaient rien faire et qu‟il fallait mieux qu‟ils s‟en aillent tous, même lui. Les enfants, déçus d‟être venus pour rien, quittèrent la clinique. Une fois sur le trottoir, M. Benignus leur dit: -Ecoutez, je me suis renseigné : la clinique est construite ici parce qu‟on a constaté que les personnes proches de ce flanc de récif guérissaient tous seuls de certaine maladie. -Comment ça? -Et bien c‟est comme si le récif, à cet endroit, rayonnait d‟ondes magiques guérisseuses. -Comme… comme pourrait le faire un Vénissas? demanda Marine.

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-C‟est possible, répondit Asmodée. Après tout, les Vénissas sont de l‟énergie magique, résidu de l‟énergie dont se sert la planète pour se soigner elle-même. Cette même énergie pourrait très bien soigner aussi les humains par simple radiation. -Tout à fait, conclut M. Benignus. Je pense que la nuit vous pourrez vous introduire sans trop de mal dans la clinique. En attendant, allez rejoindre votre groupe pour finir la visite. Les enfants s‟exécutèrent et retournèrent dans la ville. Ils recherchèrent leur groupe et le trouvèrent assez vite grâce à Gustave. Une fois dans leur groupe, ils discutèrent de la meilleure tactique pour entrer dans la clinique puis rechercher le Vénissas, si Vénissas il y avait. Bien sûr, Ahuri serait de sortie. La fin de la journée se passa sans encombre et sans qu‟aucun plan ne soit fait. Les enfants repartirent avec les autres élèves de la base de la bulle, et remontèrent au vaisseau. Ils mangèrent avec les autres et allèrent se coucher. Mais à trois heures, au plein milieu de la nuit, leur réveil sonna. Ils se levèrent péniblement et finirent par s‟habiller. Ils prirent leur baguette et ils partirent. Rémi, qui était prêt en premier, alla chercher Asmodée dans sa chambre en se téléportant. Puis, tous ensemble, ils se téléportèrent directement dans Addalin. La ville était lumineuse avec ses lampadaires magiques semblables aux boules lumineuses du vaisseau. Ils se dirigèrent vers la clinique en se tenant la main de façon à ce que, grâce à Nicolas, ils soient invisibles. Seul Ahuri volait devant aux yeux de tous. Son rubis ne brilla pas. Les enfants arrivèrent enfin devant la clinique. Apparemment elle restait ouverte la nuit et, toujours invisibles, les enfants entrèrent sans bruit. L‟infirmière de garde ne prêta pas attention à Ahuri et les enfants montèrent au première étage qui était plongé dans le noir et redevinrent visible. Ils regardèrent tout autour d‟eux, le couloir était immense avec beaucoup de bifurcations. Ils échangèrent un regard. -On cherche où? demanda Rémi. -Je n‟en sais rien, déclara Marine en regardant le couloir. C‟est marrant, quand je me concentre je vois tout vert et super bien… -Cool, tu as une vision nocturne, tu es nyctalope maintenant… -Je t‟en pris Asmodée, reste polie! -Nyctalope veut dire que tu peux voir dans la nuit, comme les félins, expliqua Asmodée en soupirant. -Et comment ça se fait? -Je n‟en sais rien, ça doit être tes pouvoirs qui se développent, un pouvoir atlante peut être. Peut être que vous finirez tous nyctalopes… -Dites, quand vous aurez fini de discuter, on pourra commencer à chercher le Vénissas, intervint la voix de Nicolas qui était resté invisible. -Je pense, dit Rémi qui avait le nez collé sur le plan de l‟hôpital accroché au mur, que nous devrions commencer dans ce secteur: Guérisons bénignes miraculeuses. 204


-Et pourquoi on commencerait par là? demanda Nicolas. -C‟est simple, nous savons que le Vénissas guérit miraculeusement ceux qui en sont proches. Par conséquent, si les administrateurs ont créé un lieu spécial pour les guérisons de ce type, ils ont dû le placer à l‟endroit où ces fameuses radiations sont les plus fortes, donc, le Vénissas se trouve là bas. De plus, c‟est proche et plutôt petit donc c‟est moins casse pieds à fouiller. Voilà. -Mouais, ça se tient, dit Marine convaincue. Les enfants suivirent donc le plan pour se rendre dans la zone en question. Ils ne durent se rendre invisible que deux fois afin qu‟un médecin et une infirmière ne les remarquent pas. La zone de guérisons miraculeuses n‟avait pas besoin de soins particulier et peu de médecin y allait. Seules des chambres et des lits s‟y trouvaient, sans personne pour surveiller. -Et maintenant? chuchota Asmodée. -C‟est ton plan je te rappelle, râla Marine. -Nous devrions chercher où se trouve le point d‟émission le plus fort, dit Rémi. -On fait comment? questionna Nicolas. -Euh… je n‟en sais rien, avoua-t-il. -Je suis fatigué, dit Nicolas en baillant. On fait quoi alors? -Moi je vote pour aller la chercher et la ramener à Cosme pour le faire guérir, proposa Marine. -Très bonne idée, dit Asmodée. Et je sais comment détecter le Vénissas. Ahuri suivra les ondes magiques jusqu‟à sa source. -Il peut faire ça? demanda Rémi. -Bien sur, Ahuri est un animal magique, et la magie appela la magie. Donc il va nous servir de chien détective. Asmodée grata son animal derrière l‟oreille et lui chuchota quelques mots. Aussitôt, Ahuri s‟éleva dans les airs et se mit à renifler. Son rubis vira au bordeaux et Ahuri s‟élança dans les couloirs. -Plus son rubis se rapprochera de sa couleur initial, plus nous serons près du Vénissas, expliqua Asmodée en courant après Ahuri. -Au fait, qui t‟a dis qu‟il s‟agissait d‟un rubis et pas d‟une pierre comme d‟un grenat par exemple? demanda Marine a bout de souffle en courant à ses côtés. -Et toi, pourquoi tu cours au lieu de voler? trancha Asmodée visiblement vexée par la question. -C‟est vrai ça. Aussitôt Marine se mit à voler dans les couloirs, semant ses amis en rejoignant Ahuri en tête. -Son rubis s‟éclaircit ! s‟écria Marine. -Fais moins de bruit je t‟en pris! souffla Rémi qui venait de bloquer une infirmière qui sortait d‟une pièce alarmé par le bruit. -Désolée, dit Marine. Mais son rubis devient de plus en plus rouge.

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Ahuri s‟arrêta net, pointant vers le mur, le rubis presque de nouveau de sa couleur originale. Marine se stoppa et sortit sa baguette qu‟elle changea en bâton. Ses amis la rejoignirent et regardèrent le mur. -Nous sommes à l‟extrémité du bâtiment, il n‟y a plus rien derrière, juste le récif, expliqua Marine qui avait posé une main sur le mur. -Comment tu le sais? demanda Rémi. -Je peux voler, j‟ai un sens de l‟orientation très aigu. Et je te dis que nous sommes au bout de la clinique. Le Vénissas est derrière cette paroi. -Oui mais à combien de mètre? Nous ne pouvons pas faire un trou dans ce mur trop profond, en plus ça va faire du bruit. -Je n‟en sais rien, avoua Marine. Et vous? Personne ne répondit. Chacun semblait réfléchir. -Le Vénissas ne peut pas être prisonnier de la roche, sinon il ne pourrait pas rayonner, par conséquent il doit se trouver dans une grotte ou une cavité en tout cas. -Et? demanda Nicolas. -Il suffirait que l‟on se téléporte de l‟autre côté, proposa Marine. -Et si on se loupe et qu‟il n‟y a pas de cavité? s‟inquiéta Rémi. -Nous nous retrouverons… enfin… ne serons mort quoi! -Et ça ne t‟affole pas plus que ça? dit Rémi exaspéré. -Non, répondit Marine. J‟ai confiance en nous. -Ah… Et c‟est tout? -Bien oui, moi ça me suffit. Et aussitôt, Marine se mit à se couvrir de particules lumineuses, puis elle explosa dans un flash de lumière. -Elle est partie… soupira Nicolas. -Soit elle a trouvé le Vénissas soit elle est morte, dit Rémi. -Allons-y! dit Asmodée en s‟accrochant à Nicolas. Et dans un dernier soupir ils se téléportèrent à leur tour à quelques mètres derrière le mur, espérant trouver une cavité quelconque. *

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Au même moment dans le vaisseau, M. Benignus discutait : -Je dis juste que ce n‟est pas prudent. -Je suis tout à fait d‟accord avec Mme Lapislazuli, intervint l‟elfe Berwën‟Al Felgund. -Mais la question n‟est pas là, dit Grégoire. -Ca se voit bien que votre fille n‟est pas là-bas! râla Felgund. -La tienne non plus je te rappelle. Tu as emmené Janis bien que sachant que ses pouvoirs elfiques étaient d‟un grand secours aux enfants. -Peut être mais je considère Asmodée comme ma propre fille et…

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-Du calme vous tous! Du calme! intervint M. Benignus. La situation est grave et nous n‟avons aucun moyen de prévenir les Elus. Mais tout n‟est pas perdu… -Comment ça tout n‟est pas perdu! Ils ne sont que trois Elus et une sorcière! Leur pouvoir ne peut être total que s‟ils sont quatre Elus. Ils n‟ont aucune chance! s‟époumona Mme Lapislazuli. -Et encore, dit Ludovic, l‟espion. Que fera-t-Il quand il l‟aura? Je vous ai averti, maintenant je dois y aller si je ne veux pas être découvert. Que les Quatre vous protègent. Et sur ceux, Ludovic disparut dans l‟ombre de la pièce. Chacun se dispersa et M. Benignus resta seul. -J‟espère que tout ira bien… *

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-Au secouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuurs! hurla Marine dans un cri déchirant qui résonna en échos dans les ténèbres. -Par pitié Marine, silence je vais devenir sourd! -C‟est… c‟est toi Nicolas? chuchota Marine. -Oui, moi et Asmodée. -On est mort? demanda-t-elle. Je ne vois plus rien, tout est noir. -Non on est pas mort, en tout cas si c‟est le Paradis c‟est moins plaisant que ce que l‟on m‟avait promis. -Et moins lumineux… -Rémi! cria Marine. Alors tout le monde est là! J‟ai eu si peur d‟être la seule survivante… -Et tu n‟as pas pensé à allumer ton bâton? demanda Asmodée. Lux ! dit elle suivit de tout le monde. Aussitôt quatre lumières s‟allumèrent dans les ténèbres, projetant sur les visages et les murs des ombres mouvantes et effrayantes. -Vu les stalactites et les stalagmites en corail et les coraux qui craque sous nos pieds quand nous marchons, nous sommes dans une grotte située dans le récif. -On peut rien te cacher Marine…. -C‟est ça moque toi, n‟empêche c‟est grâce à moi que l‟on est ici, répondit Marine en éteignant son bâton. -Et pourquoi as-tu éteint ton bâton? demanda Rémi. -Parce qu‟il faut bien que nous yeux s‟habitue au noir si on veut se diriger à la lumière du Vénissas. -Pardon? -Oui, si le Vénissas irradie, il brille forcément. Donc quand tout sera éteint, nos yeux s‟habitueront au noir et nous verront une lueur, qui nous conduira au Vénissas. -Pas bête, dit Asmodée. -Surtout que tu es nyctalope maintenant, dit Nicolas. 207


-Si j‟ai crié parce que j‟avais peur d‟être seule tout à l‟heure c‟est pourquoi à ton avis ? -Par ce que tu ne nous voyais pas dans ces ténèbres, répondit Nicolas. -Donc si je ne vous voyais pas c‟est que je ne voyais plus dans le noir. Je ne suis plus nyctalope. -Comment ça se fait? demanda Rémi. -Je n‟est sais rien. Finalement tout le monde éteignit ses bâtons et baguette. Au bout de quelques minutes, ils distinguèrent une légère lueur dans le fond de la caverne. Surpris, ils s‟y dirigèrent. Plus ils avançaient (plus ils se faisaient mal en se cognant) plus la lueur devenait forte. Elle devint une lumière quand soudain au détour d‟une allée ils se retrouvèrent dans une salle. Ils clignèrent des yeux éblouis avant de pouvoir distinguer où ils se trouvaient. Ils étaient dans une petite salle ronde où ils tenaient à peine tous ensemble et debout. Les murs et le sol étaient de coraux bruts. Au centre de cette alcôve s‟élevait une stalagmite de corail surmontée par un globe rose et lumineux qui semblait à la fois solide et liquide, de la même taille qu‟une boule de cristal sauf que là, l‟étrange matière n‟avait pas de récipient et avait cette forme naturellement, sans cesse en mouvement et roulant, faisait comme des vagues. -Vous vous rendez compte, dit Marine, que nous sommes à quelques vingtaines de mètres de l‟hôpital? A la distance où nous nous trouvons on doit être indestructible. A peine blessé que hop! Le Vénissas nous guérit. - Ramenons-le, dit Rémi. Téléportons nous directement dans la chambre de Cosme pour le faire guérir puis allons au vaisseau. Sur ceux, Rémi saisi le Vénissas. Il était tiède ey il le sentait bougeait dans sa paume comme un serpent alors qu‟il restait là dans sa main sans bouger. La matière qui composait le Vénissas était en mouvement continuel mais toujours de façon à garder la même forme et en gardant le même point de gravité. Ils la contemplèrent en silence avant de se décider à se téléporter. Ils se retrouvèrent dans la chambre de Cosme. A peine étaient ils arrivés que Cosme fut secoué de spasme et les enfants virent sa plaie commencer à se refermer. Les enfants jubilaient, encore quelques minutes et Cosme serait sur pieds. Mais c‟est alors que la porte de la chambre s‟ouvrit à la volée. -Protégez le Vénissas! cria Rémi. -Pas de problème… Si seulement on l‟avait encore! -Quoi! dirent les enfants d‟une même voix en se tournant vers Nicolas. -Ne me regardez pas comme ça, je n‟y suis pour rien. Il a disparut. -Comment a-t-il pu disparaître? s‟étonna Asmodée. -Je n‟en sais rien, la porte c‟est ouverte et le Vénissas a disparu. -Rentrons, dit Marine, le bruit va alerter les médecins et les infirmières de garde. -D‟accord… Les enfants firent la chaîne avec Nicolas et ils sortirent dans le couloir au bout du quel se précipitaient déjà trois Atlantes. 208


-On ne peut pas se téléporter dans le vaisseau d‟ici, on ne pourra que de la surface. En attendant il faut atteindre la sortie de la bulle. -Pas de problème, dit Marine qui se trouvait en tête de la file. Ils firent un détour pour éviter les médecins et à la première fenêtre qu‟ils croisèrent Marine s‟envola en entraînant les autres. Leur envolée fut courte et ils atteignirent la bulle. Ils nagèrent sans encombre jusqu‟à la surface d‟où ils se téléportèrent jusqu‟au bureau de M. Benignus qui devaient les attendre. A peine se matérialisèrent-ils dans le bureau qu‟ils furent assaillis de questions. -Laissez les respirer! ordonna M. Benignus. Ils sont vivants alors ne les achevez pas! -Avez-vous vu le démon Tytpe? demanda Grégoire soucieux. -Nous n‟avons vu personne mais nous avons perdu la Vénissas… -Quelque chose d‟invisible et de rapide vous la pris? demanda Mme Lapislasuli. -Exact… répondit Asmodée intriguée. -Ludovic avait raison, ils vous étaient impossible de le voir! -Mais qui? demanda Marine. Même Ahuri n‟a rien détecté. Son rubis n‟a pas brillé… -C‟est normal, dit calmement M. Benignus qui n‟avait encore rien dit. Votre agresseur était un démon du nom de Tytpe. La seule façon que vous aviez de le voir était une formule mais nous avons su trop tard qu‟il devait venir vous attaquer… -Il ne nous a pas attaqués, il a pris le Vénissas et il a disparu… -Sans vous attaquez? demanda Berwën‟Al Felgund surpris. -Tout à fait, approuva Rémi. Un coup de vent, pas plus. -C‟est bizarre, vous étiez à sa merci pourtant… -Onoximoustros doit vouloir les garder pour lui, suggéra Mme Lapislasuli. -Donc il doit avoir tous les Vénissas qu‟il voulait... -Non, répondit Felgund. Le peuple elfique en a un en sa possession. -Oui et de plus j‟ai découvert qu‟il en resté un à Dirulas, dit Grégoire. -D‟accord, nous irons dès que Cosme sera remis, dit M. Benignus. Vous pouvez y aller. Pas vous les enfants, j‟ai à vu parler. Tout le monde quitta de bureau. M. Benignus se plaça devant les enfants : -J‟ai eu une idée pendant une de mes insomnies… -Vous dormez mal monsieur? demanda Marine. Si vous voulez je peux vous fournir du sable de fée pour dormir… -Il ne s‟agit pas ça mais j‟y penserais, merci. Je me disais : et si vous produisiez une formule capable de retourner la puissance des Vénissas contre Onoximoustros? Il veut s‟en servir pour détruire l‟Atlantide où quelques chose comme ça. Mais si vous disiez une formule pour rendre les Vénissas à la Terre, il ne pourra plus rien faire. -Ce n‟est pas bête, avoua Rémi. Mais il nous faudrait Cosme… 209


-Pas de problème, dit Marine, le peu de temps que le Vénissas a passé dans sa chambre a déclenché sa cicatrisation, c‟est une question de jours. -Exact, Marine a raison, dit Asmodée. Dans deux ou trois jours maximum il sera sur pieds. -Dans ce cas, on pourra peut être atteindre Dirulas à temps, conclut M. Benignus. Maintenant retournez dans vos chambres dormir un peu, vous avez encore deux heures avant votre premier cours. Les enfants quittèrent le bureau et se dirigèrent vers leur Gallice. Avant de se coucher ils décidèrent de sécher les cours et d‟aller voir Cosme à l‟hôpital dès la première heure. Le temps libre dans la ville étant seulement l‟après-midi ils n‟avaient pas la patience d‟attendre. Les enfants allèrent se coucher et s‟endormirent comme des masses. Ils se levèrent une heure à peine après s‟être couchés. Ils voulaient avoir le temps d‟enchanter complètement leur Gallice avant de s‟échapper. Leur plan était simple : chacun d‟eux enchanta sa chambre de façon à ce que la personne qui se trouve dedans la voie comme il l‟imagine, et surtout, de façon à créer une illusion les représentants malades et au lit. Puis ils enchantèrent la communauté de façon à ce que leurs illusions s‟y continuent. Aidés par quelques sortilèges, de magie gnome et lutine, ils rendirent leur illusion capable de répondre à quelques questions, principalement par oui ou non. Leur illusion générale permettait aux doubles des enfants de voyager dans toute la Gallice. Les enfants constatèrent le résultat et décidèrent d‟attendre que les cours commencent avant de s‟aventurer dans les couloirs. La sonnerie retentit. Les enfants n‟avaient pas prévenus Asmodée mais ils étaient sûrs qu‟elle comprendrait. De toute façon ils étaient sûrs qu‟elle leur aurait fait la morale. Quelques minutes après que la sonnerie aie retenti, les enfants risquèrent un nez dehors. Le couloir était désert. Le risque n‟était pas ici, ce couloir desservait uniquement des Gallice et n‟était pas un axe central du vaisseau. Ils devraient faire attention dans l‟allée centrale qui conduisait à toutes les parties de cet étage et ils comptaient éviter l‟escalier principale en empruntant des passages secrets et en espérant ne croiser aucun élève perdu. Ils sortirent. A peine eurent-ils fait quelques pas que Ahuri surgit devant eux, l‟air heureux d‟avoir accomplis sa mission. En effet, sur son dos était accroché un parchemin. Marine le prit: Où êtes-vous? Pourquoi n’êtes-vous pas en cours? Vous allez faire une bêtise, venez vite en cours!!! Asmodée. Rémi pris sa baguette et s‟en servit pour écrire à l‟encre magique: Désolé mais on est malade, on reste dans notre Gallice. Préviens le professeur, merci. Si Melle Lène vient dans notre Gallice, empêche la par tout 210


les moyen de nous toucher, prétexte une maladie contagieuse et dit que tu nous feras prendre les médicaments toi-même. Merci. Nicolas fixa le parchemin sur le dos d‟Ahuri et celui-ci s‟envola tout de suite, disparaissant au bout du couloir. Les enfants repartirent dans les couloirs déserts.

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XVIII De ci de là

L

es enfants suivirent les passages secrets étroits et sombres, parfois lumineux et larges, mais toujours déserts car tous les élèves étaient en cours. Arrivés devant la Grande Porte du hall, ils se dirigèrent silencieusement vers les téléporteurs. Ils s‟étaient rendus invisibles pour ce passage à découvert de haut risque. Finalement ils se retrouvèrent dans l‟eau de l‟océan atlantique et s‟enfoncèrent vers les profondeurs, en direction d‟Addalin. Ils atteignirent la bulle et décidèrent de passer par le bas pour ne pas se faire remarquer. Ils passèrent la bulle à pieds et se mirent à courir vers la ville puis vers l‟hôpital. Une fois à l‟intérieur, ils se remirent à marcher. Ils passèrent devant l‟infirmière de l‟accueil et allèrent directement à la chambre de Cosme. Personne ne se trouvait devant, tant mieux se dirent les enfants. Ils poussèrent la porte et restèrent stupéfait devant ce qu‟ils virent : le lit était vide et avait été fait, prêt pour un nouveau patient. Les enfants regardèrent dans la chambre mais aucune trace de lutte n‟était présente. Il devait encore être inconscient quand le démon l‟a enlevé, pensèrent les enfants. Affolés, ils se précipitèrent à la maintenance de l‟étage. Ils y trouvèrent un médecin assoupi. -Vite! Réveillez-vous! cria Marine. -Notre ami a disparu! Il s‟est fait enlevé pendant la nuit! ajouta Nicolas. -Où est passé Cosme Antigny?? cria Rémi à son tour. -Du calme les enfants! dit le médecin. Cosme Antigny vous dites? Je vais regarder… -Ca ne sert à rien! Il s‟est fait kidnapper on vous dit! -Antigny Cosme, sorcier hospitalisé en soin intensif, transféré ce matin salle 135B au second étage: Infection magique bénigne. -Impossible, il était gravement malade, dans le coma et il ne devait pas se remettre avant plusieurs jours! -Faut croire que cela a changé. Maintenant excusez moi mais j‟ai du travail… Les enfants s‟élancèrent et dévalèrent les escaliers jusqu‟au second étage. Ils cavalèrent dans les couloirs à la recherche de la bonne chambre. Soudain, ils ralentirent et se mirent à marcher. Tout en marchant, ils fixaient la grande silhouette qui se trouvait à quelques mètres de là, leur tournant le dos. C‟était un homme presque chauve, vêtu d‟une longue robe de sorcier pourpre aux étranges reflets bleu nuit, décorée de motif de fils d‟or et d‟argent, de longues manches dont la bordure était toute de fils d‟or tombant largement au dessus de mains ridées. Une robe pareille refermait elles même des pouvoirs et seuls de puissants

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sorciers pouvaient en porter. Les enfants connaissaient cette robe, le doute les avait fuis. Ils firent quelques pas et l‟homme se retourna. Les enfants étaient face-à-face avec le visage souriant de leur directeur, M. Benignus. Celui-ci les salua et continua de parler avec le médecin. Les enfants attendaient et sentaient monter en eux la peur de la punition. M. Benignus salua le médecin qui s‟éloigna et se tournait vers les enfants: -Vous loupez Cosme de peu, il vient d‟être transporté au vaisseau, votre escapade n‟a servi à rien. M. Benignus souriait mais devant tant de déception, tous les risques qu‟ils avaient pris pour rien, la peur de leur sanction, les enfants ni dirent mot. -Cosme se porte mieux grâce au Vénissas je suppose. Il peut désormais parler mais il reste faible. Le laboratoire a transmis à Melle Lène suffisamment de sérum pour que Cosme finisse sa guérison à bord du vaisseau. Maintenant rentrons, il voulait vous voir. Les enfants emboîtèrent le pas à M. Benignus mais ils ne disaient toujours rien. La situation semblait follement amuser M. Benignus que les enfants voyaient sourire. -Votre illusion était très impressionnante avoua M. Benignus alors qu‟ils remontaient la rue Guirmo. Melle Lène a était complètement bernée, à tel point que malgré les recommandations d‟Asmodée, quand elle a touché Rémi, elle la vraiment senti sous ses doigts. Bien sûr, Asmodée et moi passions au travers de vous, sachant qu‟il ne s‟agissait pas vous. J‟ai été tellement stupéfait par votre réalisation que j‟ai fait porter un message à Grégoire pour qu‟il vienne voir votre œuvre. Il doit y être en ce moment… Un nouveau silence s‟installa. Les enfants étaient gênés par leur supercherie et pourtant ils ne pouvaient s‟empêcher d‟en être fiers. -Désolé, marmonna Nicolas. -Désolé? répéta M. Benignus en éclatant de rire. Il ne faut pas, vous avez été brillants, même si cela était largement inutile. Vous n‟aurez aucune punition, de toute façon je ne pourrais pas vous punir même si je le voulais: un de vos professeur et Melle Lène vous ont vu malades dans votre Gallice, pour quel motif je pourrais vous punir? Malades en période de cours? M. Benignus rit encore un peu. Les enfants se posaient une question: comment allaient-ils remonter à la surface? Ils s‟imaginaient mal M. Benignus en train de nager. Comme toujours, M. Benignus sembla lire en eux: -Nous emprunterons l‟ascenseur pour atteindre la surface. -L‟ascenseur? Je ne savais pas qu‟il y avait un ascenseur pour atteindre la surface, dit Rémi. -Si, il a était creusé dans le corail, il traverse le récif. -Mais le récif n‟atteint pas la surface, remarqua Marine. -Non exact mais il se trouve suffisamment près de la surface pour que le vaisseau nous téléporte à son bord. -Ah d‟accord! dit Nicolas. 213


Ils marchèrent encore un peu et M. Benignus s‟arrêta au pied du récif, sur une partie abrupt. Un espace rectangulaire assez grand avait été poncé dans le corail brut. M. Benignus sortit sa baguette magique et tapota la paroi lisse. Celle-ci se fendit en deux, laissant apparaître une petite pièce rectangulaire. Le petit groupe entra et les portes se refermèrent. Le sol trembla légèrement et la cabine commença son ascension. Celle-ci fut de courte durée et M. Benignus dit une fois la cabine immobilisée: montéabord ! Une fois dans le hall, le groupe se dirigea vers l‟infirmerie à grand pas. Ils entrèrent tous ensembles. -Mais, dit Melle Lène en voyant les enfants entrer. Il faut que vous retourniez vous couchez! Que faîtes-vous debout? M. Benignus? -Ne vous inquiétez pas Victoria, répondit M. Benignus. Je les ai emmenés en bas et ils ont été guéris en moins de deux dans la clinique. -Ah j‟aime mieux ça, soupira Melle Lène. Mais il y a un autre problème: un Enchanteur est venu ici et il fait je ne sais quoi sur Cosme. Je n‟ai pas pu m‟interposer. Je suis désolée. -Ne le soyez pas. C‟est Grégoire, un ami. Je les faits mandé ici pour qu‟il aide Cosme à guérir plus vite. -A bon, je suis soulagé. Il est ici. Les enfants furent stupéfaits de la facilité qu‟avait M. Benignus pour mentir et cela les mit quelque peut mal à l‟aise. Melle Lène montra un lit entouré d‟un rideau. Le groupe s‟y dirigea et passa derrière. Là, Grégoire était assis et attendait. A leur entrée il se leva d‟un bond. -J‟ai fait ce que j‟ai pu, dans deux jours au minimum il sera guéri. Et vous les enfants! Quelle illusion! J‟ai été très impressionné! Elle était même tactile! Félicitations! J‟ai été bluffé! Vous faites de gros progrès, il m‟a fallu plusieurs années avant de rendre mes illusions interactives. Bravo! -On s‟est aidé avec de la magie et de la sorcellerie aussi… -C‟est encore plus grandiose! Vous avez mêlé à merveille! -Modérez-vous Grégoire, dit M. Benignus. Je pense que nous avons compris, merci. Maintenant, laissons les enfants entre eux, j‟ai à vous parler. Et sur ceux, M. Benignus sortit de la pièce en emmenant Grégoire. Les enfants s‟approchèrent du lit où se trouvait Cosme. Il dormait encore mais il avait reprit des couleurs. Il avait l‟air serein et respirait calment. Ses yeux s‟entrouvrirent. Les enfants restèrent stupéfaits: ses yeux avaient pris une profonde teinte bleu clair d‟une pureté incroyable, semblable au bleu de l‟océan. Ils se regardèrent entre eux. Ceux de Cosme auraient du être marron, tout comme les leurs. -Qu‟est ce qu‟il y a? demanda Cosme d‟une voix faible. -Rien, rien. On s‟étonnait seulement de te voir avec les yeux bleus. -J‟ai les yeux bleus? demanda Cosme sans grande conviction comme épuisé. -Oui, ils sont très beaux, dit Marine. 214


-Parce que avant mes yeux était moches? dit Cosme en fronçant les sourcils. Puis il rigola dans un rire timide qui se finit dans une toux. Melle Lène arriva: -Il est encore très faible les enfants, laissez le se reposer maintenant. Allez, du balai! Les enfants dirent au revoir à Cosme et sortirent de l‟infirmerie. Ils regardèrent l‟horloge magique du hall. Il restait une demi-heure de cours, après c‟était midi. Leur escapade avait duré plus longtemps qu‟ils ne l‟avaient prévue et ils ne s‟étaient pas rendus compte de l‟heure. Ils se dirigèrent dans leur Gallice pour passer le temps jusqu'à midi et pour briser leurs illusions. -Et alors? demanda Asmodée visiblement très en colère assise dans leur Gallice les bras croisés. -Que… que fait tu ici? demanda Marine. -J‟ai eu la permission de vous veillé. Et je vous assure que veiller des illusions c‟est ennuyeux. ET ALORS? QU‟AVEZ-VOUS FAIT? -Nous sommes allés à… et puis… enfin je veux dire que… bredouillait Nicolas. -Cosme a reprit connaissance et se trouve à l‟infirmerie, dit Rémi. -C‟est vrai? cria Asmodée que la joie semblait avoir remplacée la colère. -Oui, tu peux aller le voir je pense… -J‟y vais! Ajoutant le geste à la parole, Asmodée se leva et partit en direction de l‟infirmerie laissant les enfants seuls dans leur Gallice. Ils fermèrent la porte et changèrent leur baguette en bâton. Ils commencèrent à briser leurs illusions. La demi-heure passa vite ainsi que la journée. Le soir, lors du dîner, M. Benignus déclara devant tous les élèves qu‟il ne restait plus que deux jours à passer ici et qu‟il fallait en profiter car c‟était la dernière ville sous marine qu‟ils voyaient et que par conséquent, jusqu‟au départ pour Dirulas ils avaient tous carte blanche et que les cours était annulés. Des cris de joie avaient retenti pendant dix bonnes minutes avant de s‟estomper. Le repas se finit et tous les élèves regagnèrent leur Gallice. Pendant cette nuit certains firent discrètement des fêtes dans leur Gallice et des boums bien que cela soit interdit, d‟autres lurent jusqu‟à pas d‟heure, la plupart s‟endormirent pas trop tard. Mais si la Gallice de nos héros restait allumée c‟était pour une autre raison: -Je ne trouve rien dans les livres que nous avons pris à la bibliothèque, dit Nicolas en fermant un épais livre relié de cuir. -Sans le Livre de l‟Étoile nous n‟arriverons à rien, grommela Rémi. -Et encore, dit Marine, ce n‟est pas vous qui devez écrire une poésie pouvant servir de formule magique. Je dois manier les mots avec précaution, la moindre erreur ou imprécision et c‟est la catastrophe, se lamenta Marine. -Ne t‟inquiète pas, comme cela semble être notre dernière chance on va s‟y mettre tout les trois… C‟est comme ça que les enfants passèrent une partie de la nuit éveillés, cherchant la bonne formule pour rendre les Vénissas à la Terre en emmenant si 215


possible avec eux Onoximoustros. Vers une heure du matin, ils n‟avaient rien obtenu de convainquant et décidèrent d‟arrêter. La nuit fut courte et dès qu‟ils eurent mangés et fait leur toilette, ils allèrent directement à l‟infirmerie. Ils réussirent à avoir une discussion complète avant que Melle Lène ne s‟aperçoive de leur présence et ne les chasse, prétextant un repos absolu pour Cosme. Les enfants profitèrent alors de la journée pour faire une plongée à Addalin et faire les boutiques. La journée passa vite et la soirée arriva de nouveau. Les enfants se replongèrent dans la confection de la formule. Nicolas s‟était mis à préparer et à rassembler des ingrédients pour donner plus de force à la formule. Mais il ne savait pas trop quoi faire et la seule potion qu‟il fit cette nuit là ne se révéla qu‟être une sorte de super acide capable de ronger tous les métaux, même celui dont était fait le vaisseau réputé indestructible. Finalement, les enfants abandonnèrent une fois de plus. Le lendemain était leur dernière journée au dessus d‟Addalin. Ils allèrent voir Cosme, puis ils partirent nager dans le récif, entre les poissons clowns, les poissons globes et toutes sortes d‟espèces magiques. Ils croisèrent même quelques sirènes qu‟ils saluèrent aimablement. Le soir, Cosme, qui écoutait avec envie leur nage dans le récif, se sentait déjà mieux et tenait assis dans sont lit. Le départ pour Dirulas fut donné le lendemain matin. Le vaisseau devait faire une halte dans le désert du Menjadourt à l‟oasis Kydno, le seul de tout le désert, accessible seulement par les airs. Les vols audessus de l‟eau étant plus lents que ceux au dessus de la terre, le vaisseau mit quelques jours à atteindre l‟Oasis. Cosme se sentait mieux et avait pu regagner sa Gallice sans pour autant reprendre les cours. La formule avançait à petit pas: Que soit rendu ce qui n’a jamais était pris La magie prend la magie Que le mal soit vaincu et rendu à qui de droit Ahribouknolak zougoumalorad xylaoboug -Euh, c‟est quoi ça? demanda Rémi. -Ben, j‟ai pensé que ça rajoutait du mystique à la formule, dit Nicolas. -Mais tu as rajouté cette dernière phrase quand? demanda Marine. -Quand vous parliez avec Cosme, vous n‟aimez pas?... -Mais, ça veut dire quelque chose? demanda Cosme depuis sa chambre. -Euh… nan je ne crois pas… Mais ça fait plus mystérieux! -Nicolas, tu peux rajouter des phrases dans n‟importe quelle langue du moment que ça veut dire quelque chose, enlève moi ça. -Mais… -Bon, nous on va manger, toi tu effaces ça, à tout de suite, dirent les enfants en partant de la Gallice laissant Nicolas seul avec Cosme. -Mais, Cosme… -Ah non, moi je dors… -Mais… 216


Nicolas se retrouva seul devant la formule. Il effaça à contre cœur la dernière ligne de la formule et sortit abattu. Il se sentait seul, incompris. Une fois dehors, devant la tête de Nicolas, ses amis qui l‟attendaient éclatèrent de rire. Finalement Nicolas éclata de rire aussi. Tou, tou, tou! Trille! « Allo, ici votre directeur bien aimé. Je vous signale l‟approche de l‟Oasis. Nous ne sortirons que demain. En attendant des migs vous livrerons dans la journée de la crème solaire magique, il fait plus de 106°C à l‟ombre donc ne l‟oubliez surtout pas! A bientôt et bon appétit à ceux qui mangent! » -Bon, allons manger. Les enfants se dirigèrent vers la Grande Salle où ils mangèrent. Ils avaient leur quatre heures de cours cet après-midi là. Ceux de mentologie étaient devenus calmes, très calmes même. Mme Arnaud avait maintenant peur de faire quelque chose de travers et ne faisait plus rien sans en référer à M. Benignus en personne. Ils purent donc rejoindre leur Gallice et raconter à Cosme leurs heures de cours. Celui-ci semblait être très affecté par le fait qu‟ils n‟étaient plus au dessus de l‟océan et qu‟il ne nagerait plus dans les grandes eaux. M. Benignus craignait qu‟une fois les portes ouvertes la température augmente avec le nouveau climat du désert, et ne gêne Cosme. Il reçut donc l‟interdiction de sortir dehors tant que le vaisseau serait au dessus du désert, même s‟il pouvait courir, sauter et faire des cabrioles. Ils se préparaient à aller déjeuner quand on frappa à la porte. C‟était le mig avec la crème solaire magique. Cette fois l‟étrange peluche était un petit dalmatien à l‟air rieur. Marine le caressa longuement, les enfants le remercièrent et allèrent manger. Le lendemain, les portes devaient s‟ouvrir vers neuf heures. Les élèves étaient tous par groupe de dix accompagnés par un professeur. Les enfants quittèrent Cosme et partirent rejoindre les autres élèves. Au préalable ils s‟étaient recouverts de crème solaire magique et ils avaient remis leur maillot de bain car la chaleur devait être intense dehors. Une chance pour eux, grâce à la crème ils n‟avaient pas besoin de vêtements pour se protéger du soleil qui, sinon, leur aurait brûlé la peau. En chemin ils rejoignirent plusieurs autres élèves aussi en maillot de bain et quand ils arrivèrent devant la porte principale, ils crurent que c‟était une sortie pour une ville sous marine. Tous les élèves étaient en maillot comme ils avaient prit l‟habitude de l‟être pendant leurs sorties en Atlantide immergée. Mais ils avaient tous en plus leur paire de chaussure pour marcher dans le sable chaud. Dehors tout était différent. Le soleil éblouissait par les fenêtres d‟une clarté intenable, cette lumière vive éclairait franchement le vaisseau qui, par réaction, avait bruni tout ses murs internes pour que le soleil ne se reflète pas trop. Les fenêtres s‟étaient aussi teintées et pourtant la clarté du vaisseau n‟en était en rien affectée. La température interne n‟avait pas subi de variation pour le moment. Tous les élèves étaient impatients de sortir dans le désert. Les enfants en virent plusieurs 217


avec des lunettes de soleil. Marine avait pris les siennes mais Rémi et Nicolas n‟en avait pas, de toute façon ils ne pensaient pas en avoir besoin. La porte s‟ouvrit. Toutes les personnes présentes eurent le même réflexe: se protéger les yeux. La lumière intense était reflétée par le sable blanc du désert et tout le monde fut ébloui, même ceux avec des lunettes. D‟un seul coup la température s‟éleva et tout le monde se mit à avoir très chaud malgré la crème solaire magique. Rémi fut pris de tournis instantanément. Il n‟avait pas mis de crème solaire se croyant protéger par son pouvoir du feu, mais même pour lui la chaleur était trop intense. Alors que n‟importe qui se serait évanoui sous le coup de chaleur et aurait suffoqué, lui eut seulement la tête qui tournait. -Ben dites donc, dit M. Benignus devant la porte. Cette chaleur est tout bonnement incroyable, malgré ma crème solaire magique j‟ai un sacré cou de chaud! Ahah! Je comprends que malgré l‟oasis aucun Atlante ne soit venu ici! Sans protection personne ne survit! -Monsieur, intervint Mme Contortine à voix basse. Vous ne croyez pas que se soit trop dangereux? Vous-même venez de dire qu‟il fait très chaud, mais là nous sommes encore protégés par le vaisseau, une fois éloignés de quelques mètres nous n‟auront plus de protection et la chaleur augmentera encore… -Mais non! Allez tout le monde! Direction l‟oasis! Et tous les élèves furent séparés en groupes petit à petit. Rémi, Marine et Nicolas furent dans le groupe de M.Humulus, une fois de plus. Rémi se sentait mieux et commençait même à apprécier cette chaleur étouffante. Le groupe partit dans les derniers. Ils descendirent par le pont magique qui menait de la grande porte au sol. Nicolas et Marine regardaient Rémi avec attention: il marchait lentement mais semblait apprécier la chaleur et ils se retrouvèrent bientôt tout les trois à la traîne. -Allez Rémi fais un effort avance plus vite! gémit Marine. -Oui, nous allons perdre notre groupe, dit Nicolas, fais un effort. -Oui si vous voul… Arg ! Rémi tomba à genoux. Nicolas et Marine l‟avait sentie aussi: la chaleur venait de monter d‟une dizaine de degrés encore. Pour eux, cela les essouffla comme un coup de poing dans l‟estomac, mais s‟était encore supportable. Pour Rémi ces degrés de plus signifiaient une chaleur intenable même pour lui. Il c‟était écroulé de douleur, la peau brûlée par le soleil. Il se roulait dans le sable brûlant en hurlant. Marine, prise de panique, s‟éleva dans les airs et étendit les bras. Aussitôt une tempête de sable se leva secouée par des vents violents. Le mur de sable créé, les enfants étaient cachés au cœur de la tempête, protégés par les pouvoirs de Marine. Elle se posa en douceur près de Nicolas accroupi au près de Rémi. Celui-ci hurlait de plus belle. Il était secoué de spasmes et se griffait le corps comme pour s‟arracher la peau, semblable à un dément. Il hurlait et se tordait sur le sol, les yeux révulsés, le corps couvert de griffures au sang. Nicolas et Marine lui saisir les mains et Nicolas fit pousser des lianes pour le 218


maintenir tranquille. Ils ne savaient pas quoi faire et sans le pouvoir de l‟eau de Cosme ils ne pouvaient pas le rafraîchir. Ils se mirent à lui crier des encouragements pour qu‟il tienne bon, qu‟ils allaient trouver une solution. Mais soudain, Rémi se convulsa une dernière fois et il ne bougea plus, il resta étendu sur le sable, les yeux fermés. -Non… souffla Marine les larmes aux yeux. Nicolas plaça ses mains sur la poitrine de Rémi. Celui-ci se mit à luire faiblement d‟une lueur verte: Rémi respirait à nouveau. -Comment…? demanda Marine sans quitter Rémi des yeux. -Mon pouvoir, la terre, les plantes et la vie. Mais je n‟ai rien fait, son cœur battait encore faiblement, je l‟ai seulement un peu poussé. Rémi était toujours étendu sur le dos. Marine, absorbée par la survie ou non de Rémi, s‟était déconcentrée et la tempête faiblissait à vue d‟oeil. -Marine?... -Ah oui, pardon. Et la tempête reprit de plus belle. Tout deux s‟assirent à coté de Rémi. Ils ne pouvaient rien faire et ils en étaient conscients. Rémi devait s‟en sortir par lui-même. Sa chair avait bruni et s‟était recouverte de cloque, il commençait à peler. Sa peau brûlée faisait peine à voir et Marine détourna les yeux du corps de son ami, les larmes aux yeux. *

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Dans sa chambre, Cosme avait très chaud. Les portes étaient maintenant ouvertes depuis une heure et la température le fatiguait. Mais cela n‟était rien en comparaison de l‟inquiétude qui l‟avait envahi depuis une demi-heure: une tempête de sable s‟était brusquement levée sur le désert. Il était dans son lit quand soudain un bruit sourd l‟avait surpris dans sa somnolence. Il se leva tant bien que mal et gagna la salle de bain. Il fit alors une pause devant le miroir en découvrant la couleur bleue de ses yeux. Etonné, il en oublia sur le moment le bruit qui venait de dehors et contempla ses yeux d‟un incroyable bleu, lui qui les avait toujours eu marron depuis sa naissance. Il découvrit qu‟en se concentrant sur son reflet il arrivait à faire varier le bleu de ses yeux, du bleu foncé au bleu le plus clair. Mais dès qu‟il cessait de se concentrer ils reprenaient leur couleur bleue légèrement cerclée de noir maintenant naturelle. Le bruit avait faiblie et il l‟avait presque oublié quand soudain il reprit de plus belle. Intrigué, voir même inquiet, il se dirigea vers la fenêtre la plus proche. Ce qu‟il vit le cloua sur place. Une tempête de sable s‟était levée sur tout le désert et on ne voyait plus rien que le sable secoué par des vents violents. Cosme distinguait des étincelles jaillirent de différents endroits parmi le sable, appel des professeurs pour signaler leur position. Cosme comprit soudain: un démon était à l‟attaque et ils n‟étaient que trois Elus, leur chance de vaincre était faible. Cosme voulut se lever et aller les rejoindre mais il était trop faible, beaucoup 219


trop faible. Il retourna dans la communauté en utilisant toute la force qu‟il lui restait et s‟assit sur un siège, face à la table. Il poussa un grognement, sa plaie s‟était rouverte et une tache rouge souillait déjà son haut. Il attira à lui des bougies grâce à son pouvoir et les alluma. Il tenta de prendre contact par télépathie mais tous ses cours de mentologie ne lui servirent à rien, il n‟y arriva pas. Il était fatigué par tous ses efforts. Il ferma les yeux et se concentra une dernière fois. Son esprit s‟embruma, il tombait de fatigue. Sans s‟en rendre compte, Cosme glissa dans le sommeil. *

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Marine passait ses nerfs sur la tempête. Celle-ci gagnait en intensité à chaque minute. Rémi était toujours inconscient et Nicolas regardait le mur de sable créé par la tempête, les yeux dans le vide. -Calme toi Marine il faut juste qu‟elle soit assez dense pour nous cacher, pas pour tuer des gens. -Désolée, répondit Marine. Et la tempête se calma un peu. Les minutes s‟écoulèrent encore. De longues minutes d‟attente. Nicolas pensa à Cosme dans sa chambre qui devait sûrement s‟attendre au pire avec une tempête pareille, tout comme M. Benignus. Mais si l‟un ou l‟autre tentait de les contacter se serait peine perdue, la tempête faisait écran à toute magie, rien de pouvait les atteindre. D‟autres minutes s‟écoulèrent en silence. D‟abord, se fut un doigt, puis un autre, un bras bougea. -Nicolas! Regarde! Il bouge! s‟écria Marine. Nicolas s‟approcha à quatre pattes de Rémi. Celui-ci avait la peau plus foncée mais elle ne comportait plus aucune marque de la morsure du soleil. Rémi tenta de se s‟asseoir mais Marine l‟empêcha. Il avait les yeux froncés, et grognait un peu. Il se rallongea et entrouvrit lentement les yeux puis cligna rapidement avant de les garder mis clos. -Tu as vus ce que j‟ai vu? demanda Nicolas. -Je n‟en suis pas sûre, répondit Marine. -Rémi, ouvre grand les yeux s‟il te plait… -Ou… oui d‟accord, qu‟est ce qu‟il y à, que s‟est il passé? -Mon Dieu, ses yeux, souffla Marine. -Quoi? Quoi? demanda Rémi affolé en essayant de se lever. Ils ont quoi mes yeux! -Ils sont jaunes… dit Nicolas. -Je dirais plutôt ambre moi, dit Marine. -Mais yeux sont… jaunes? -Et bien oui, tout comme ceux de Cosme sont devenus bleus, les tiens sont devenus ambre. -Mais que s‟est-il passé? C‟est quoi cette tempête? -Ce n‟est que moi, répondit Marine en souriant. 220


-Ah d‟accord… et pourquoi tu as fait une tempête? Pourquoi je suis par terre? -Tu ne te souviens pas? demanda Nicolas. -Ba si je te le demande… Nicolas et Marine échangèrent un regard soucieux et commencèrent leur récit. Ils étaient tous les trois par terre au centre de la tempête qui faiblissait de plus en plus. Le récit ne dura guère longtemps et fut vite fini. Rémi était étonné d‟avoir agi de la sorte et ne se souvenait pas avoir eu si chaud. Il trouvait la température tellement bonne et agréable qu‟il l‟imaginait mal le brûler. -Marine, tu va pouvoir arrêter la tempête je crois maintenant, je vais bien. -Pas de problème. Aussitôt dit, la tempête se calma et ils purent de nouveau voir le vaisseau et l‟oasis au loin. A peine la visibilité fut rétablie que M.Humulus se précipita vers eux: -Ca va vous? demanda-t-il en plongeant à terre pour se mettre à leur niveau. Vous n‟avez rien? -Euh… non, tout va bien monsieur, répondit Rémi. -Mais comment avez-vous fait pour vous protéger de la tempête? demanda M.Humulus visiblement inquiet. -Nous… nous avons fait un sanctuaire! déclara Nicolas. -Un sanctuaire? Mais cela ne protège que des attaques magiques… -Justement monsieur, la tempête de sable devait être causé par des êtres du désert, répondit Marine. -Oui, répondit M.Humulus en réfléchissant, les trolls du désert on ce pouvoir, c‟est vrai… Vous avez eu un bon réflexe, je suis très fier de vous! *

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Cosme se réveilla en sursaut et son geste brusque lui arracha de nouveau une grimace accompagnée d‟un grognement. Il baissa les yeux et contempla la tache de sang. Conscient qu‟il risquait gros, il décida d‟enlever son t-shirt pour qu‟il se ne coince pas dans la plaie quand celle-ci coagulerait. Il se retrouva torse nu et découvrit sa blessure. Elle n‟avait pas fini de se cicatriser et à force de tirer dessus il l‟avait rouverte. Il était rassuré, le sang était clair et fluide, aucune infection. Puis il se souvint de la tempête de sable, du démon, de ses amis. Cette fois, pas question de marcher. Il se téléporta dans la salle de bain, juste devant la fenêtre. La tempête s‟était calmée et Cosme était rassuré. Soudain, elle s‟arrêta aussi rapidement qu‟elle était apparue. Le désert était redevenu calme. Cosme fut de nouveau ébloui par le sable blanc. Il put voir le magnifique oasis, semblable à un champ de saphir et de diamant étincelant de mille feux sous le soleil de plomb. Cosme ne distinguait rien de ce qui se passait dans le désert à cause de l‟altitude du vaisseau et de son éloignement. Il crut apercevoir un groupe de personne. Il concentra son regard sur eux. Brusquement, Cosme se sentit plonger, plonger tellement vite qu‟il en eu le 221


vertige. Sa chute se stoppa soudain quand il pu voir ses amis aussi distinctement que s‟il se trouvait à quelques mètres seulement. Surpris, il cligna des yeux. Sa vision redevint normale et ne distingua plus qu‟un point dans le désert. Etonné, il reporta son regard sur le point. Et sans faire le moindre effort, il put de nouveau distinguer après sa pseudo chute ses amis. Ils avaient été rejoints par M.Humulus, et bien qu‟étant tout les trois par terre, ils paraissaient en pleine forme. Cosme fut rassuré et il cligna des yeux pour remettre sa vision normale. -Pratique de voir aussi loin mais ça donne mal au cœur, dit-il pour lui-même. Il se téléporta dans sa chambre où, après avoir pis de la pommade sur sa plaie, il s‟endormit. Cependant il avait perdu beaucoup de sang… *

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Les enfants étaient debout face à M.Humulus qui s‟était aussi redressé. Il leur expliqua que le reste du groupe était tout près de l‟oasis et ils se mirent en route. Rémi gambadait joyeusement sous le soleil tandis que Marine et Nicolas suivait. C‟est alors que Rémi s‟arrêta, la tête en l‟air. -C‟est incroyable, je peux regarder le soleil en face sans me brûler la rétine! -Félicitation, dit Nicolas. Marine peut voir dans la nuit et toi une lumière intense. Peut être que Cosme et moi aussi pouvons faire des trucs du même genre… -Je te rappelle que Marine n‟a pu voir dans la nuit qu‟une seule fois. Moi il semble que je puisse le faire quand je le veux. -Oui c‟est vrai, mais contrairement à toi elle n‟a pas frôlé la mort, ses yeux sont toujours marron, tout comme moi. -C‟est vrai ça, Cosme et moi avons frôlé la mort et nos yeux on changé de couleur et apparemment nos pouvoirs sur l‟élément que l‟on représente ont augmenté. -Oui, et vous avez failli mourir tout les deux dans votre propre élément. -Peut être que Marine et toi devraient passer par là aussi? dit Rémi. -J‟espère pas, tu en penses quoi Marine? Tu ne dis rien depuis tout à l‟heure, dit Nicolas inquiet. -Vous avez remarquez? dit-elle à voix basse en regardant le sol devant eux. -Remarquez quoi? demanda Rémi de plus en plus inquiet. -M.Humulus… -Ben oui, qu‟est ce qu‟il a M.Humulus? -Il ne fait pas d‟empreinte dans le sable… Rémi et Nicolas regardèrent le sol. Devant eux à quelques pas, M.Humulus marchait tranquillement. Dans le sable, aucune empreinte de pas ne laissait voir son passage, comme s‟il était trop léger pour s‟enfoncer dans le sable. Derrière les enfants, trois paires d‟empreintes les suivaient. Les enfants ralentirent leur allure, soudain pris d‟un doute.

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-Janis ne s‟enfonçait pas non plus dans la neige quand nous visitions Pisca. Peut être que M. Humulus a du sang d‟elfe… chuchota Rémi. -Tu n‟es pas très convainquant Rémi, répondit Marine à voix basse. -Nous n‟avons qu‟une manière de le savoir dit Nicolas. Monsieur! l‟interpella-til. Avez-vous du sang d‟elfe? -Bien sûr que non! répondit M.Humulus en riant sans même se retourner. Les enfants se stoppèrent. M.Humulus fit encore quelques pas puis s‟arrêta à son tour. Il pivota lentement sans faire le moindre geste vers les enfants qui s‟étaient resserrés. Il ne souriait plus du tout et avait le visage fermé, un visage que les enfants ne lui connaissaient pas. -Ainsi vous avez percé mon petit secret, dit-il d‟une voix froide et sans émotion. Mais peu importe, ma mission est finie. -Votre mission? demanda Rémi qui cherchait des mains sa baguette dans la poche arrière de son pantalon. -J‟ai découvert qui étaient les Elus et leur point faible… -Ca, ça m‟étonnerait, dit Nicolas d‟un rire crispé pour se rassurer lui même. Nous n‟en n‟avons pas! -Oh si, et il s‟appelle le Livre de l‟Étoile. Les enfants tombèrent des nues. C‟était lui l‟espion à la solde d‟Onoximoustros qui avait fouillé leur Gallice et qui avait pris le Livre. Sans leur grimoire ils étaient devenus vulnérables et avait causé de gros dégâts en combattant des démons, comme avec le golem où leur attaque avait détruit tout une place avant qu‟ils puissent trouver un moyen d‟en finir avec lui. -Vous n‟avez plus aucune chance de détruire mon maître sans lui. -Oui mais toi on n‟a pas besoin de Livre pour te mettre la raclée, s‟écria Rémi soudain en colère, provoquant autour de lui une augmentation de la chaleur ambiante. -Pour ça il faudrait que vous m‟attrapiez! ricana M. Humulus. Personne ne peut survivre dans les brasiers des lignes Fantasques. -Personne ne peut les utiliser surtout, dit une voix dans le dos de M.Humulus. A la grande surprise des enfants, c‟était Asmodée qui, partie à leur recherche après M. Humulus, venait de les atteindre et avait apparemment tout entendu. -Petite sotte, bien sûr qu‟elles peuvent être utilisées. -Je répète que c‟est impossible, répéta Asmodée les sourcils froncés. Les lignes Fantasques sont des chemins à travers l‟espace et le temps beaucoup trop instables et irrégulières pour être utilisées. De plus les températures passent de – 273,15°C (le zéro absolu) à des températures dépassant les +2 000°C en quelques secondes. Rien n‟y survit. M. Humulus éclata d‟un rire sans vie. -Certes, rien n‟y survit, tout à fait. Et c‟est bien pour ça que je peux m‟en servir : je ne vis pas.

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Cette déclaration dite d‟un ton lugubre laissa les enfants interdits. Sans ajouter un mot M. Humulus se mit à courir dans le désert dans la direction opposée à l‟oasis. Les enfants se mirent à sa poursuite en sortant leurs bâtons. Asmodée était avec eux et lançait des sorts tous différents et tous plus difficiles les uns que les autres. M. Humulus se stoppa devant une dune. Il jeta un coup d‟œil rieur aux enfants par-dessus son épaule. Puis, face à la dune il plongea comme s‟il s‟agissait d‟une piscine. A la surprise des enfants, celle-ci disparut en projetant du sable et en ondulant. L'onde sphérique se propagea puis disparut. Les enfants regardèrent sans bouger. -Comment il a fait ça? demanda Nicolas sans quitter la dune des yeux à l‟endroit ou avait disparu M. Humulus. -Je n‟en sais rien, dit Asmodée. Je crois qu‟il a pénétré dans les lignes Fantasques… - Alors suivons-le! s‟exclama Rémi. -Impossible, dit Marine. -Exact, renchérit Asmodée. Les lignes Fantasques sont instables, il est quasiment impossibles de prévoir où elles vont apparaître. -Lui apparemment il y arrive… dit Marine. -Nous n‟allons pas rester toute la journée à contempler cette dune, retournons à l‟oasis, non parlerons de tout ça à M. Benignus quand nous rentrerons. Les enfants regagnèrent donc l‟oasis à pied sans dire un mot, sans un regard. Ils rejoignirent leur groupe qui leur demanda où était passé M. Humulus. Ils répondirent qu‟il était parti voir si aucun élève ne s‟était perdu pendant la tempête. Le groupe parut soulagé et ne posa plus de question. Les discussions et les jeux reprirent rapidement mais ils furent vite interrompus. Une sonnerie retentit et la voix de M. Benignus se fit entendre dans le haut parleur: -La sortie est annulée, la tempête de sable a été provoquée par des trolls du désert, ils peuvent attaquer de nouveau, nous devons nous trouver sur leur territoire. Les élèves affolés regagnèrent le vaisseau en courant dans un panache de nuage. Les enfants participèrent à la crise d‟hystérie générale pour ne pas se faire remarquer. Tous les élèves à bord, le vaisseau décolla illico. Le groupe des enfants s‟agitait dans tout les sens en criant qu‟ils avaient oublié M.Humulus et qu‟il fallait retourner le chercher. Sans que les enfants ne puissent contacter M. Benignus pour leur raconter la trahison de M.Humulus et sa fuite, celui-ci réunit tous les élèves dans la Grande Salle. Une fois installés à la table des Mandrad‟or, les enfants se tournèrent vers la table des professeurs. Tous les professeurs semblaient étonnés de la tournure des événements et semblaient se demander ce qu‟ils faisaient là en plein milieu d‟une sortie. M. Benignus se leva pour dominer l‟assemblée. Son air était grave. -Chers élèves, chers professeurs. J‟ai une nouvelle très grave à vous annoncer: Albert Humulus nous a quitté.

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Un frisson parcourut l‟assemblée qui fut alors secoué de rumeurs et d‟exclamations des élèves comme des professeurs. Personne ne s‟était attendu à ça. M. Benignus observa un silence. -Il est mort alors qu‟il tentait de repousser des trolls du désert qui allait en direction des élèves. Il est mort en héros… Les enfants sentaient leurs entrailles bouillir en entendant cet infâme traître même pas humain élevé au rang de héros. Mais ils ne dirent même rien, se contentèrent d‟afficher une mine la plus triste possible, très mal réussie d‟ailleurs. Ca y était, c‟était fini. Plus d‟espion à bord du vaisseau, M.Humulus était sûrement véritablement mort en se moment, ou alors il devait se faire torturer par Onoximoustros lui-même pour s‟être fait démasquer. De plus il avait dit qu‟il n‟était pas humain, il devait être encore plus simple de s‟en débarrasser dans ce cas. M. Benignus poursuivit: -Son courage et sa loyauté resteront à jamais gravés dans nos mémoires. Les hauts faits qu‟il a accompli seront célébrés comme il se doit ainsi que… -Ma mort est un peu prématurée, dit une voix forte au fond de la salle. Dans un même élan toutes les têtes se retournèrent vers sa provenance. A la surprise générale, M.Humulus, droit comme un i, le sourire aux lèvres, s‟y trouvait. C‟est lui qui venait de parler, contredisant ainsi sa prétendue mort héroïque. Il avança dans l‟allée principale droit vers l‟estrade où se trouvait la table des professeurs. A son passage au niveau des enfants, il leur lança un sourire et un regard mauvais. Il s‟immobilisa au pied de l‟estrade, devant M. Benignus qui donnait l‟impression d‟avoir reçu un coup de poing dans le ventre. Il leva la tête vers lui et dit: -Monsieur le directeur, je suis désolé de vous avoir faut peur, mais mon combat contre les trolls c‟est bien fini, j‟en suis sorti indemne et j‟ai pu regagner le vaisseau à temps. -A….euh, bien… très bien, répondit M. Benignus pris de court. C‟est une très bonne nouvelle! Bienvenu à la maison mon cher Albert! Et désolé à vous tous pour vous avoir fait cette peur! Des acclamations de joie s‟élevèrent dans la foule tandis que M.Humulus regagnait sa place à la table des professeurs. -Quoi qu‟il en soit, reprit M. Benignus. Le vaisseau est reparti pour Dirulas, arrivée prévue dans quatre jours. Les enfants n‟apprécièrent guère la fin de la matinée et encore moins le déjeuner. Ils se retirèrent dans leur Gallice avec Asmodée où ils trouvèrent Cosme endormit, sa plaie ouverte mais déjà sur le point de guérir. Ils ne voulurent pas le réveiller et s‟installèrent sans bruit. Sans dire un mot, ils nettoyèrent le sang sans se poser de question tellement ils étaient abattus. Finalement Cosme se réveilla de lui-même et s‟étonna de voir ses amis si accablés. Il commença par leur demander ce qui c‟était passé dans le désert et pourquoi le vaisseau était déjà reparti. Ils lui expliquèrent la trahison de M.Humulus et sa réapparition malgré le fait qu‟il ait été découvert. 225


-Quoi! s‟écria Cosme. Je ne m‟y attendais vraiment pas… -Moi non plus, dit Marine abattue. -Pareil… soupira Nicolas. -C‟est la plus mauvaise surprise qu‟on m‟est faite, dit Rémi. Le silence s‟imposa. C‟est alors que Nicolas déclara: -Tu n‟as rien dit Asmodée! -Oui c‟est vrai ça, tu n‟as rien dis du tout! Les enfants fixaient leur amie. Celle-ci paraissait anxieuse, coupable même. Elle regardait ses chaussures depuis le début de la conversation et n‟avait pas dit un mot. -Alors? demanda Cosme. -Explique toi, dit Rémi. Pourquoi tu ne dis rien? -Je le savais, murmura Asmodée en ne bougeant presque pas les lèvres. -Pardon? demanda Nicolas. -Je le savais! fini par crier Asmodée dont les nerfs lâchaient. -PARDON! s‟écria Nicolas. -JE LE SAVAIS!!!!!!! -ET POURQUOI TU NE NOUS AS RIEN DIT?! -Je lui avais demandé de ne rien vous dire. Les enfants se retournèrent et virent M. Benignus sur le pas de la porte accompagné de Gustave. Il avait quitté sa robe traditionnelle et avait mis une robe vert émeraude en velours aux étranges reflets bleus et il avait enlevé son chapeau pointu de sorcier découvrant ainsi une calvitie bien avancée, sont front dégarni. Il avait l‟air grave et Gustave n‟en menait pas large derrière lui. -C‟est… vous? demanda Nicolas. Comment ça? M. Benignus s‟avança dans la Gallice et ferma la porte. Il fit quelques pas puis s‟arrêta. -Asmodée et moi avions démasqué M.Humulus depuis quelques mois déjà. -Et pourquoi n‟avez-vous rien dit? s‟indigna Nicolas plus déçu qu‟en colère. -Il fallait qu‟il vous croie encore sous contrôle, c‟était la seule façon de le prendre en flagrant délit. -Mais comment avez-vous fait pour savoir que c‟était lui? demanda Cosme curieux et méfiant. -C‟est une idée d‟Asmodée en réalité. Les quatre amis tournèrent leur regard sur Asmodée qui avait rougi et vite détourné son regard. -Explique leur, demanda M. Benignus. -En fait, commença Asmodée en fixant ses pieds, c‟était il y a environ deux mois. J‟étais dans ma chambre dans ma Gallice. Je lisais "l‟encyclopédie anarchique du monde magique" quand j‟ai renversé mon encrier par terre. En utilisant un sort de nettoyage, je suis tombée sur notre vitrail de vérité, on l‟avait fait au début d‟année et je l‟avais complètement oublié. Vous devez vous souvenir qu‟il permet entre autre de voir les ennemis et le futur de ceux qui l‟ont 226


fait. En me penchant dessus j‟ai bien sûr vu Onoximoustros mais derrière lui j‟y est vu une ombre plus proche que les autres. Je suis donc allée demander à M. Benignus comment faire pour avoir une image plus nette. Quand nous l‟avons obtenue nous avons vu M. Humulus nous trahir. -Et j‟ai demandé à Asmodée de ne rien vous dire, conclut M. Benignus. -Mais pourquoi? s‟indigna Marine. -C‟est très simple, d‟après vous il ne laissait pas d‟empreinte dans le sable et il a dit qu‟il n‟était pas vivant, c‟est cela? -Oui, que voulait-il dire? s‟empressa de demander Rémi. -Que ce n‟était pas un humain mais un chihowa, dit M. Benignus. -Et je suppose que sans le Livre de l‟Étoile…? dit Nicolas sur un ton désemparé. -Nous ne pouvons pas le détruire, exact. Le silence tomba sur l‟assemblée. Tout le monde respectait ce silence presque religieux. -Mais vous venez de nous dire de quoi il s‟agissait. Comment le savez-vous puisque nous n‟avons plus le Livre de l‟Étoile? demanda Cosme en se redressant un peu. -Votre Livre est loin d‟être le seul grimoire d‟exception à bord de ce vaisseau. J‟ai dans ma bibliothèque personnelle des grimoires très puissants. Et dans l‟un d‟eux j‟ai trouvé Léonard, un grand maître de la magie noire. C‟est un démon qui a une forme de bouc noir géant à trois cornes. -Oui je crois que j‟ai vu une illustration de lui dans le Livre de l‟Étoile… -Oui, et il a le pouvoir de créer des êtres sans âme et sans consistance, les chihowas. Ce sont des pantins sans volonté mais à qui son créateur donne la personnalité de son choix selon sa mission. -Ca veut dire que Léonard et Onoximoustros ont fait un pacte, nan? demanda Asmodée. -Pas nécessairement, répondit M. Benignus, Onoximoustros a très bien pu acheter les services des Léonard. Quoi qu‟il en soit, je ne peux pas le renvoyer… -Pourquoi? demanda Rémi. -Car il n‟a commis aucunes fautes professionnelles et je me vois mal expliquer devant le conseil d‟éducation que M.Humulus est un espion à la solde d‟Onoximoustros… -Mais…? demanda Cosme. -Mais, poursuivit M. Benignus, vous, vous pouvez le détruire. -Comment? Nous n‟avons plus le Livre de l‟Étoile, dit Nicolas. -Les chihowas sont des créatures vaporeuses, et comme toutes les créatures sans consistance, il est possible de l‟enfermer dans un talisman. -Comment? -Il faut l‟obliger à reprendre son apparence première puis lui ordonner d‟entrer dans le talisman grâce à une formule toute simple. -Si vous le dites… -Bon, il est l‟heure de se coucher, déclara M. Benignus. 227


M. Benignus partit, Gustave sur ses talons. Les enfants restèrent seuls. Asmodée partit à son tour et les enfants allèrent se coucher aussi après une courte discussion. Le reste du voyage vers Dirulas se passa sans encombre, malgré le fait que les enfants boycottaient les cours de M.Humulus, ce qui leur valut plusieurs heures de retenues. Cosme était maintenant parfaitement guéri et il adhérait avec fidélité au boycot. Cependant le vaisseau arriva à bon port et tout le monde fut content et soulagé. Ils apprirent que leur retour à Dirulas commencerait par la visite du grand musée de l‟Homme Atlante, un musée retraçant l‟histoire Atlante par rapport au monde. Lors de ce dernier passage dans la capitale et en l‟Atlantide, les enfants devaient trouver Onoximoustros et l‟empêcher de nuire. -Et bien on n‟est pas dans la… -Nicolas! On va le trouver, ne t‟inquiète pas. -Oui, nous allons suivre la classe lors de la visite de ce musée, puis on avisera! -C‟est écoeurant, on a presque l‟air que ça te fait plaisir Asmodée! -Ba oui, c‟est un musée que je voulais faire à notre premier passage… -Asmodée à raison, dit Rémi, je suis pressé de voir se musée il parait que c‟est l‟un des plus beau et des plus moderne au monde. -Mais nous avons la meilleure excuse du monde pour ne pas y aller! se lamenta Nicolas en faisait une grimace. -Peut être que le musée se fera attaquer, dit Cosme en soupirant pour se remonter le moral. -Nous avons jusqu'à demain, dit Marine, profitons de la journée pour rendre visite à Jordan. -Bonne idée, ça me détendra. Les enfants quittèrent le vaisseau et se dirigèrent vers le Palais du roi. Arrivés à mi chemin à peine, qu‟ils tombèrent nez à nez avec lui au détour d‟une rue. La journée se passa tranquillement dans la grande capitale. Ils furent invités à manger à palais mais durent refuser pour cause de sécurité. Ils mangèrent donc en ville. Finalement ils quittèrent le prince Jordan tard dans la soirée et rentrèrent en catimini dans leur Gallice. Ils dormirent rapidement, fatigués par leur journée passait à piétiner, ce qui leur avait donné mal aux jambes. Le lendemain matin, le départ pour la visite fut donné. Les enfants suivirent leur classe et prirent le bus pour rejoindre le musée qui se trouvait dans un autre quartier de la ville. -Ca fait du bien d‟être de nouveau habillé, dit Nicolas. -C‟est vrai qu‟être en maillot de bain tout les jours sa devenait agaçant, dit Marine, je n‟ai aucun choix en maillot de bain! Maintenant je vais pouvoir me changer tout les jours et mélanger plein d‟ensembles! -Regardez! s‟écria Asmodée après un quart d‟heure de trajet. Le musée! Le musée était un bâtiment ne ressemblant pas à l‟architecture Atlante. Déjà, la matière n‟était ni du métal ni d‟une autre matière atlante, mais de la pierre: le musée ressemblait étonnamment à un immense palais de Touraine, 228


plus grand que Versailles, plus prestigieux que le Louvre, aux allures de Chambord avec sa myriade de cheminée, aussi élégant que Rigny-Ussé. La propriété était entourée de haies et une immense grille donnait sur une allée toute aussi vaste qui menait à la petite place devant le monument. Le bus s‟arrêta et tous les élèves se répandirent sur le trottoir. L‟allée de graviers blancs se finissait dans un cercle du même gravier d'environ cinq hectares au centre duquel se trouvait une fontaine ridiculement petite pour l'ensemble mais néanmoins majestueuse et d‟une grande beauté. Cette place se trouvait devant l'imposant château dont deux ailes plus grandes formaient un U avec le bâtiment principal. Le château était si vaste et démesuré que les enfants ne pouvaient le voir en entier d'un seul regard. Avec ses hautes tours et ses nombreuses cheminées plus belles les unes que les autres, il jouissait d'un parc à la mesure du château, véritable écrin d'émeraude, parc à la végétation luxuriante et variée. Le travail des sculpteurs étaient remarquable sur toute la façade: statues grandeurs natures, fenêtres ouvragées, fioritures en tous genre. Le groupe remarqua que l'une des cheminées fumait de panaches de nuages blancs denses et visibles de loin. M. Benignus les pressa d'entrer et les arracha à la contemplation du château. Les élèves entrèrent aisément dans l'immense hall assez vaste pour les accueillir tous. M. Benignus et plusieurs professeurs se dirigèrent vers le guichet où une Atlante souriante les attendait, pas du tout inquiète par le nombre considérable d'élèves que représentaient tous les élèves d'Ultimécia réunis. Ils s'entretinrent quelques instants puis M. Benignus revint vers les élèves tandis que les professeurs commençaient déjà à faire des groupes par niveau d'étude et par âge. -Cher élèves, nous allons faire différents groupes car le musée est trop vaste pour visiter tout, par conséquent, les groupe seront fait par niveau d'étude afin que vous visitiez ce qui vous concerne le plus dans votre section. Bonne visite à tous. La classe des amis se retrouva avec la moitié d‟une autre classe sous la surveillance de M. Rubogue, un professeur de S.V.T (Science Vital Tertiaire, une matière dont M. Sonny Rubogue était un spécialiste). Il était d‟origine jamaïquaine, les cheveux noirs et frisés à la Jackson Five, de petite taille pour un noir, les yeux noirs et les sourcils souvent froncés, constamment avec une blouse blanche qu‟il ne quittait jamais. Ce professeur était l‟un des plus marrants d‟Ultimécia avec M. Dioz, professeur d‟écriture, dont les colères célèbres provoquaient des fous rires parmi ses élèves. -Nous allons commencer notre visite par le Chemin de la Découverte, dit M. Rubogue au groupe d‟élève. Asmodée laissa échapper un “génial” et prit la tête du groupe au côté de M. Rubogue. Les enfants eux se trouvait à la fin et suivaient les yeux en l‟air à contempler le palais. Ils entrèrent par une sublime porte en bois dans un couloir aussi large que deux Galerie des Glaces de Versailles.

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-Ils appellent ça un couloir? s‟étonna Rémi, je me demande ce qu‟ils appellent une galerie dans ce cas! Tout dans le couloir était démesuré et tout le groupe, même les blasés et les rebelles restèrent en admiration et marquèrent une pose. -Pas de repos, dit M. Rubogue que personne n‟écoutait. Toutes les salles que vous allez voir aujourd‟hui sont aussi somptueuses, si nous perdons dix minutes dans chaque salle on n‟est pas arrivé! On se retrouve de l‟autre côté du couloir dans quinze minutes. Débrouillez vous comme vous voulez mais il faut que vous ayez retenus le plus de choses possible des huit cents mètres du couloir d‟ici la fin de ce délai. M. Rubogue tourna les talons et disparut derrière un des nombreux présentoirs qui se trouvait sur trois rangés de chaque côté du couloir. Des objets de tout genre se trouvaient exposés dans des cubes en une sorte de plexiglas magique. Les enfants se promenaient dans le couloir à une allure régulière entre les présentoirs, ayant perdus depuis longtemps Asmodée qui courait d‟un présentoir à l‟autre à toute allure. Soudain, Cosme se figea d‟horreur. La devant ses yeux, sur un présentoir, debout, immobile, un gnome. -Quelle horreur! Ils ont empaillé un gnome! -Mais non, dit Nicolas qui s‟était approché du présentoir, c‟est une reproduction. -C‟est écris « gnomon », lut Marine. « Appareil antique qui utilisait des gnomes pour donner l‟heure. Plus tard ce nom sera reprit par les Hommes pour nommé un ancêtre d‟un cadran solaire, sans le moindre gnome. Cela reste encore un mystère… » -C‟est ridicule, du Cosme à peine rassuré en scrutant le petit corps du gnome pour vérifier qu‟il n‟y avait pas de couture. -Je crois qu‟on a étudié les gnomons quand on était au collège normal, dit Rémi. -Ouais ba même allons plus loin, dit Cosme en partant à grand pas dans la direction opposée au gnomon. Nicolas restait immobile. Figé devant une photo en noir et blanc du musée datant de sa construction. -Qu‟est ce qu‟il y a? demanda Marine. -Ba, je ne sais pas vous mais moi cette photo me parait un peu bizarre. -C‟est une photo du musée nan? -Ca je le sais mais je trouve qu‟il y a un truc qui cloche pas toi ? Les quatre amis restèrent à regarder la photo du musée qui prenait une grande partie du mur. Au bout de quelques minutes passées à fixer les yeux vides la photo, Marine finit par dire : -Dis, on regarde quoi là? -En fait je trouve qu‟il y a quelque chose qui ne colle pas… -Pour ça, dit Cosme, il suffit de trouver Asmodée, elle a sur elle un livre qui raconte l‟histoire du musée de la monarchie à maintenant. -Et comment on la retrouve? Je ne vois plus les trois quarts des élèves de notre groupe! dit Marine. 230


-C‟est simple, répondit Rémi, elle doit se trouver en dessous d‟Ahuri. -En dessous d‟Ahuri… commenta Cosme pensif qui tentait de comprendre. -Regarde, répondit-il en regardant dans la direction du plafond de la salle. Cosme leva les yeux et vit qu‟Ahuri décrivait des cercles haut sous la voûte de la pièce. -Asmodée se trouve sûrement en dessous, rajouta Rémi. -Je vais la chercher! déclara Marine qui ne semblait pas apprécier la contemplation de photo en noir en blanc vieille de plusieurs siècles. Elle disparut rapidement entre les présentoirs. Cosme et Rémi se regardèrent, soupirèrent, et rentrèrent de nouveau dans un faux-semblant de contemplation de la photo. Au bout de cinq minutes, Marine arriva avec Asmodée sur ses talons, déjà plongée dans un livre sur le musée, probablement mise au courant de la situation par Marine. Ahuri les suivait de loin en flânant dans les airs. -Elle cherche une photo plus récente du musée pour comparer, souffla Marine comme si elle ne voulait la déranger dans ses recherches. Asmodée s‟arrêta sur une page l‟air satisfait. Elle regarda vite fait la légende de la photo sur le mur et dit: -La photo du livre à deux cents cinquante trois ans de plus que celle-ci. -On va pouvoir comparer? s‟empressa de demander Nicolas qui pourtant n‟avait pas bougé depuis qu‟il avait vu le tableau. -Bien sûr, les photos plus récentes comme celles de mon livre, en plus d‟être en couleur, sont orientables: on peut les faire tourner dans tout les sens de façon à l‟avoir sous toutes les coutures. Suffit de mettre la même orientation que celle du tableau… Asmodée sortit sa baguette magique, et après quelques moulinets au dessus de la photo elle frappa du bout de sa baguette la photo pour la figer. Les amis se regroupèrent derrière d‟Asmodée en passant leur regard d‟une photo à l‟autre comme s‟ils jouaient au jeu des sept erreurs. C‟est Nicolas qui la trouva.

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XIX Face-à-faces mortels

-L

à! s‟extasia-t-il. Là! -Oui, eh bien quoi là! -Vous ne voyez pas? demanda-t-il tout excité. -Je n‟en sais rien… dit Marine. -Une cheminée… ? -Tu disais Asmodée? demanda Rémi. -J‟ai l‟impression que sur la photo du livre il y a une… -Une cheminée en plus! la coupa Nicolas. -Et tu vois ça comme ça ? Je te signale qu‟il y a plus de mille cheminées sur les toits de ce château, comment tu peux voir qu‟il y a une cheminée en plus sur la photo du musé que sur le livre d‟Asmodée? -Je n‟en sais rien, ça se vois nan? -Pas vraiment… -Mais si, là, regarde! insista Nicolas en montrant du doigt un bout de toit. -Ouais, c‟est possible, finit par admettre Cosme. -C‟est sûr! -Bon, on passe à la suite? demanda Rémi qui commençait à se diriger vers la sortie suivit peu après par les autres. -Quoi? On part comme ça? Sans se renseigner sur cette cheminée en plus? répliqua Nicolas. -Bien non, ils l‟ont construite plus tard, c‟est tout, y à aucun mystère là dedans. -Mon intuition me dit qu‟il faudrait aller voir ça de plus près… -C‟est sûrement ça l‟intuition féminine, dit Marine en rigolant. -… -Désolée… -Alors on n‟enquête pas? demanda Nicolas sur un ton suppliant. -Je n‟en vois vraiment pas l‟intérêt. Bon on doit y aller sinon Rubogue va taper une crise. Ce dernier argument propulsa littéralement Asmodée à l‟autre bout de la salle pour ne pas louper la suite de la visite. Le Château était immense et les groupes d‟élèves finirent leur journée sur les rotules, complément anéantis par la marche forcée de la visite et par le nombre de choses qu‟il avait vues, plus extraordinaire les unes que les autres bien qu‟aucun groupe n‟est pu faire ne serai-ce qu‟un dixième de ce château. Nicolas n‟avait presque rien dit de la

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visite, plongeait dans une intense réflexion. Le soir venu, après le dîner et de retour dans leur Gallice, au bout d‟une heure, Nicolas sortit de sa chambre et étala sur la table une grande carte magique semblable à celle qu‟ils avaient reçue en début d‟année pour se repérer dans le vaisseau. -C‟est quoi cette carte? demanda Asmodée. -C‟est une carte du musée qui en représente la moindre petite parcelle. Et grâce à cette loupe de vision qui permet de voir sur une carte ce qui se passe dans cet endroit en temps réel, je vais savoir la fin de cette histoire… -C‟est du voyeurisme! Et je te signale que cette loupe a été interdite de vente, seules les autorités ont le droit d‟en posséder… -Je sais, coupa Nicolas qui commençait à déballer son paquet. -Mais comment… ? -Je parie qu‟il s‟est téléporté grâce à ses pouvoir de farfadet dans un commissariat, puis il s‟est rendu invisible et il l‟a volée, non? dit Rémi. -Emprunter, pas voler, répliqua Nicolas irrité. C‟est ce qu‟il s‟est passé à quelques trucs près… -Comme quoi par exemple? demanda Marine inquiète. -Bon vous allez arrêter de poser toutes ces questions? demanda Nicolas en relevant la tête, visiblement énervé. « woooo! » Les enfants reculèrent instantanément d‟un pas. Ils fixaient les yeux de Nicolas qui perdit son air agressif et avait prit une tête interrogatrice. -Quoi? demanda celui-ci visiblement inquiet. -Tu as eut un accident lors de ton escapade? demanda Cosme sans bouger pour autant. -Euh… un tout petit, pourquoi? -Tes yeux, dit Marine, ils ont changé… -Quoi?? Tu veux dire, comme Rémi et Cosme? -Ou...i. -Ils sont de quelle couleur maintenant? questionna Nicolas tout excité à présent en se dirigeant vers la glace la plus près. Vert? Bleu? Jaune? Rouge? Violet?... Oh. Je vois ce que c‟est, dit Nicolas coupé net dans son élan par son propre reflet dans le miroir. Noir. -Oui, un beau noir d‟ébène, dit Cosme qui ne voulait pas aggraver les choses. -On ne distingue même plus mes pupilles… -Mais tu sais, c‟est très jolis des… gros yeux noir sans pupilles, ajouta maladroitement Marine. -Tu as fait ça comment? demanda Rémi. -Alors que j‟allais partir, un chien policier a senti ma présence malgré mon invisibilité, dit Nicolas sans quitter son reflet des yeux. Je ne pouvais pas me téléporter sans me faire remarquer. Je me suis enfui. Il m‟avait pris au piège et même si les Atlantes ne me voyaient pas, ils connaissent l‟invisibilité et ils étaient en train de brasser l‟air. Et finalement, j‟ai fait la seule chose qui pouvait me sauver, j‟ai sauté par la fenêtre… du cinquante quatrième étage… 233


-Et il s‟est passé quoi? demanda Marine inquiète. -Je n‟en sais rien, je me suis réveillé par terre vingt minutes plus tard, la loupe entre les mains. Je me suis vite téléporté dans ma chambre sans prendre le temps de comprendre. En réalité, la chute de Nicolas avait était extrêmement violente. Il était tombé à une vitesse folle, et quand son corps avait heurté le sol, celui-ci s‟était changé en sable dans une grande explosion, comme s‟il voulait amortir la collision. Mais à cette vitesse là, même le sable le plus doux est mortel comme de la pierre. Tous les os de Nicolas s‟étaient brisés dans un atroce craquement. Alors qu‟il allait mourir, la cage thoracique enfoncé et les membres broyés, le sable se mit à l‟engloutir tel des sables mouvant. C‟est au cœur de la terre que Nicolas fut régénéré. Et une fois son corps réparé, le sable le rapporta à la surface et reprit son apparence initiale. -Et moi qui croyais que cela faisait une heure que tu étais couché, dit Rémi. -Oui bah ce n‟est pas tout ça, dit Nicolas en retournant s‟asseoir devant la carte avec la loupe à la main, je veux savoir où mène ce conduit de cheminé. Nicolas se plongea dans la recherche de la mystérieuse cheminée. Les enfants finirent par aller se coucher en laissant Nicolas à ses recherches. Le lendemain matin ils retrouvèrent Nicolas assoupi sur la carte. Les enfants le réveillèrent en douceur mais malgré tout Nicolas sursauta violemment. Le temps de remettre sa tête à l‟endroit, il arborait un sourire radieux. -Alors tes recherches? demanda Cosme. On appelle Asmodée? -En tout cas vous ne devinerez jamais ce que j‟ai surpris entre un des vigiles et une femme de ménage… répondit Nicolas souriant. -Je pense que si… -C‟est vraiment aussi précis que ça? demanda Rémi en s‟approchant, son bol de céréales entre les mains. -Oui, on voit absolument tout, même les conduits de cheminée… -Donc tu as trouvé ta fameuse cheminée? conclut Marine qui mangeait des tartines de confiture. -Regardez, dit Nicolas en mettant la loupe au dessus de la carte. Les enfants se penchèrent pour regarder dans la loupe. Ils voyaient au travers le conduit étroit et sombre d‟une cheminée. Nicolas le suivit et la loupe révéla, où il n‟y avait qu‟un rectangle en noir et blanc sur la carte, une pièce richement meublée, en couleur, où se promenaient déjà des visiteurs. -C‟est incroyable on se croirait sur le plateau de jeux du Cluedo! s‟émerveilla Cosme. -Tu ne peux pas avoir une image plus grosse pour que l‟on distingue les visages, demanda Marine, ils ont la taille d‟haricot! -Non désolé, répondit Nicolas. -Alors pour ta cheminée? Tu vois bien qu‟elle menait à quelque part, dit Rémi satisfait. 234


-Ce n‟est pas ma cheminée, je vous montrais juste que l‟on pouvait facilement suivre les conduits de n‟importe quelle cheminée. La mienne c‟est celle-là… Accompagnant le geste à la parole Nicolas plaça la loupe sur une autre cheminée, sur son conduit. -Et alors? demanda Rémi. -Regarde. Nicolas baissa la loupe et le conduit de cheminé disparut de sur la carte. -Bah? Elle est passée où? demanda Cosme. -Je n‟en sais rien, tout ce que je sais c‟est que cette cheminée n‟existe pas sur les plans d‟origines et qu‟elle est protégée par un sortilège de camouflage. -C‟est louche, lâcha Marine. -Bon, soupira Rémi, nous irons y faire un tour cette nuit! La matinée passa relativement vite. M. Rubogue avait fait passer une note à tous les professeurs leur disant de demander aux élèves de faire un dossier sur leur sortie, de façon à ce que les meilleurs soient distribués aux autres élèves afin que tous aient un dossier sur ce qu‟ils n‟avaient pas eu le temps de faire. L‟après midi passa plus lentement. La nuit enfin tomba, les enfants se préparèrent et se téléportèrent dans le parc du château. -Je vous assure, c‟est drôlement pratique d‟être nyctalope, dit Marine. -Je veux bien te croire, répondit Rémi qui s‟était écorché pour la troisième fois sur les branches des arbres et des buissons qu‟il ne voyait pas. -Saleté de bestioles, lâcha Nicolas en se donnant une tape dans le dos. -Qu‟est ce qui t‟arrive? demanda Rémi. -Rien, j‟ai un truc qui s‟était accroché a mes vêtements, c‟est bon, je l‟ai fait partir. -Il y a un garde qui arrive, le musée est fermé, ils doivent surveiller les intrus, dit Cosme. -Il est où ? dit Marine, je ne le vois pas. -Juste là, au… pardon, il est à l‟autre bout du parc j‟avais pas fait attention, nous ne risquons rien. -Et tu l‟a vu comment dans le noir? demanda Marine avec une pointe de jalousie. -Grâce à sa torche, répondit Cosme. -Au fait, dit Rémi bougon, tu fais quoi toi avec tes nouveau yeux? -Je n‟en sais rien, répondit Nicolas qui avançait à tâtons. -Et comment on retrouve ta fameuse cheminée? demanda Rémi. -Pour commencer il faudrait aller sur les toits, répondit il. Aussitôt, Marine acquiesça et s‟envola laissant ses amis derrières elle. Elle s‟arrêta stupéfaite à plusieurs mètres du sol. -Vous ne venez pas? demanda celle-ci. -Je te rappelle, tendre Marine, que tu es la seule à savoir voler, répondit Cosme. -Oui c‟est vrai… et bien téléportez-vous directement sur les toits! 235


-On ne peut se téléporter que dans des endroits que l‟on connaît, que l‟on visualise. Les toits on n‟a jamais vu, dit Rémi. -J‟ai l‟impression que tu va devoir rester avec nous et emprunter les escaliers! Les enfants se faufilèrent jusqu‟aux murs épais du musée où ils s‟accroupirent pour faire une pause. Jusque là c‟était facile et les enfants en étaient conscients. Ils savaient que les gardiens de nuit avaient des pouvoirs particuliers de façon à repérer les intrus. Cependant leur plus grande faiblesse était qu‟ils n‟étaient pas attentifs à ce qui se passait car le crime ayant disparu du continent, seuls des étrangers pouvaient avoir l‟idée de voler ce musée. En clair, il n‟y avait pas eu de tentative de vol depuis trente-deux ans. -Comment monte-on là haut? demanda Rémi qui était complètement aveugle dans la nuit pourtant peu sombre. -On peut lancer un sortilège d‟escalade non? demanda Cosme. -Tu sais faire ça toi? l‟interrogea Rémi. -Ben oui, c‟est… -Shuuut! souffla Nicolas en coupant net la conversation. Y a un gardien qui approche! -C‟est une bonne idée de passer par le sol, je me sens comme Amanda dans l’Immortelle ! jubila Marine. -Shuuuuuuuuut! soufflèrent d‟une seule voix les garçons. Marine se tut et les enfants attendirent dans le silence troublé seulement par le bruit du vent dans les feuilles. Un vent violent venait de se lever et balayer le parc du musé de violentes bourrasques. Malgré ce vent qui faisait voler ses cheveux, Marine gardait une coiffure impeccable comme si le vent faisait tout pour qu‟avoir les cheveux dans le vent l‟embellisse. -Je ne vois vraiment rien, dit Marine, tu es sûr qu‟il y a un garde quelque part? -Oui il était là, dit Nicolas qui regardait le mur, mais il s‟est éloigné c‟est bon. -Par ce que tu vois à travers les murs maintenant? dit Cosme étonné. -Bien sûr que non, je l‟ai vu au travers de la fenêtre, répondit Nicolas. -Il n‟y a pas de fenêtre. -Bien sûr que si, répliqua Nicolas, juste là… Ah tien, rajouta-t-il le nez collé contre la pierre froide du mur, non… Pourtant j‟aurais juré que si. -C‟est toujours ça de gagné, va juste falloir apprendre à t‟en servir, après tout l‟invisibilité c‟est ton truc. -C‟est pas tout ça, intervint Rémi, on ne sait toujours pas comment atteindre les toits. -Je tente mon sortilège d‟escalade? proposa timidement Cosme. -On a rien à y perdre, dit Nicolas. Les enfants se déplacèrent donc le long du mur pour arriver à un coin. Ils jetèrent un rapide coup d‟œil derrière le mur et Cosme se plaça au niveau au niveau de l‟arrête du mur. -Je vous garantie rien je ne l‟ai jamais essayé. Ascendo paries obviam!

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La baguette magique cracha quelques étincelles mais rien ne se produisit. Cosme évita le regard de ses amis qu‟il imaginait moqueur. Il se concentra et repris. -Je suis un Elu, ça doit marcher! se dit-il à lui-même. Il prit une profonde inspiration et marqua une pause. Il avait les yeux fermés et serrait la baguette dans ses mains jointes. Il sentit la magie monter en lui et dit d‟une traite en ouvrant des yeux lumineux : -Transcendo pteron creavi meaculum ! Aussitôt, le formidable fil d‟or frappa la paroi du mur. Celui-ci s‟ébranla et dans un bruit sourd une pierre d‟angle sur deux se décala de façon à créer une échelle dans la pierre. -Tu n‟aurais pas pu trouver plus discret? Tu as entendu tout le bruit que tu as fait? râla Rémi tandis qu‟il commençait son ascension sans attendre. Les autres suivirent Rémi en silence, les nerfs tendus. Leurs escapades nocturnes étaient devenues une habitude et maquiller leurs sorties un réflexe. Cependant, tandis qu‟ils montaient le long du mur, ils sentaient l‟angoisse monter. Aucun ne savait pourquoi et s‟interrogeait en silence. C‟était une sortie banale, de routine presque. Et pourtant quelque chose n‟allait pas. Les nerfs à vif, ils atteignirent finalement les toits, et les grosses pierres d‟angle reprirent leur place dans un bruit qui passa inaperçu dans le vent qui balayé la région dans le fracas digne d‟une tempête. Les enfants avancèrent en file indienne derrière Nicolas qui regardait au travers de toutes les cheminées pour savoir laquelle était magique. Nicolas, qui n‟était pas habitué à sa vision magique eut vite mal à la tête. Il poursuivit malgré la douleur intense qui envahissait ses yeux et ne dit rien à ses amis. Soudain, il s‟écroula dans un cri déchirant et plaqua ses mains sur ses yeux. Ses amis se rassemblèrent autour de lui. -Mes yeux! gémit-il. Ca brûle! - Montre-nous ça, dit Marine d‟un ton apaisant. Ils écartèrent ses mains et virent des yeux sans pupilles, injectés de sang. -Je ne vois plus rien! hurla Nicolas. Je suis aveugle!! Devant ce fait, les enfants pensèrent tout de suite à rebrousser chemin et aller voir l‟infirmière d‟urgence. Mais Nicolas leur interdit. -Non, il faut continuer, la cheminée, c‟est celle-là, j‟ai eu le temps de la voir. Il faut continuer! dit-il en se relevant douloureusement. Et sans ajouter un mot, il se dirigea, les bras en avant, vers la cheminée en question. Il se buta dessus, et à tâtons il y mit une jambe. A califourchon, il tourna la tête en direction de ses amis qui ne disaient pas un mot mais qui regardaient leur ami avec les yeux de la pitié. -Allons y, je ne sais pas ce qu‟il y a au bout de ce tunnel mais je sais qu‟il faut y aller. Nicolas disparut dans un saut dans la cheminée. Les enfants accoururent à la cheminée et regardèrent dans le conduit. Celui-ci était noir et ils ne voyaient

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ni n‟entendaient Nicolas. Marine sauta à sa suite, puis Rémi. Cosme jeta un coup d‟œil alentour, soupira, et s‟engouffra à son tour dans l‟étroite cheminée. *

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Asmodée fut parcourue d‟un frisson. Cette fois elle en avait marre, marre d‟être celle qui reste sur le carreau à chaque fois que ça devient intéressant. Elle faisait toutes les recherches avec ses amis, les aidait dans leurs énigmes, et à chaque fois ils partaient sans elle. Cette nuit, elle l‟avait décidé, ce serait différent. Elle s‟était glissée dans les couloirs déserts du vaisseau et elle avait suivi ses amis en silence. Et au moment où ils se téléportèrent, elle lança rapidement un sortilège d‟Hameçon et fut emportée avec eux dans la plus grande discrétion. Malheureusement elle s‟était matérialisée dans un arbre et ne voyait pas ses amis. Elle avait bien été téléportée mais la téléportation avait dévié son sortilège d‟Hameçon et elle s‟était retrouvée toute seule. Elle descendit de l‟arbre balayé par le vent et entreprit de retrouver ses amis. Elle lança un sortilège de détection pour les retrouver mais le vent embrouilla son sortilège. Elle marcha dans la forêt en se dirigeant sur les hautes tours du musée. C‟est alors qu‟elle tomba nez à nez avec un grand Atlante avec une matraque et une lampe torche. Ils se cognèrent et le gardien laissa tomber sa lampe sous le choc. Asmodée réagit en un éclair et brandit sa baguette qu‟elle avait en main: « Morphrupes ! ». Et le garde se figea, transformé en statue de pierre. Asmodée s‟affola et prit peur qu‟il soit découvert. Elle lança un second sort sur le gardien pour qu‟il devienne mou et flasque (Facceo !), de façon à ce qu‟il ne se voit pas trop. En effet, sous le coup du sortilège il se mit à fondre et devint comme une marre de caramel mou au milieu du parc. Elle reprit son chemin toute tremblante en serrant fort sa baguette dans ses mains. Sa longue tresse était fouettée dans le vent et sa robe de sorcier l‟empêchait de marcher convenablement. Elle avançait à pas de loup et seul le vent paraissait la hanter. C‟est alors qu‟un bruit rauque et sonore s‟éleva à la droite d‟Asmodée qui sursauta en pointant l‟obscurité de sa baguette menaçante. Elle avança à pas feutrés vers la provenance du bruit en fixant sa direction. Elle finit par sortir des bosquets du parc et vit quatre silhouettes familières escalader le musée à un angle de la muraille. C‟est alors que son regard croisa une lumière, puis deux, et enfin trois! Trois gardiens alertés par le vacarme se dirigeaient vers l‟angle de mur où escaladaient ses amis. Asmodée ne réfléchit qu‟une seconde et s‟élança sur le gardien le plus proche en brandissant sa baguette. «Animo linquor ! » rugit-elle. Aussitôt une étincelle rouge vif fusa de la baguette d‟Asmodée et le sortilège d‟Evanouissement frappa le gardien en pleine poitrine. Il s‟écroula aussitôt. Les faisceaux de lumières des lampes torches des deux autres gardiens se tournèrent vers Asmodée qui se retrouva éblouie. « Morphrupes ! » le sortilège jaillit mais il manqua les gardiens. En réponse deux flux de magies illuminants la nuit de 238


bleu et de rouge jaillirent de derrière les lampes torches. Asmodée plongea sur le côté pour éviter la magie atlante des gardiens et elle disparut dans l‟épais buisson où elle atterrit malgré elle. Elle vit entre les branches les deux gardiens se pencher sur le corps inerte de leur collègue toujours dans les pommes. Ils se relevèrent en fouillant de leur lampe les buissons. L‟un deux dit : -Sort de ces buissons sorciers! Nous avons reconnu un de vos sortilèges! Rendez vous sans faire d‟histoire et lancez votre baguette magique vers nous. Mais sans ajouter un mot, ils propulsèrent de nouveau leur flux magique en direction des buissons. Asmodée roula sur le côté ce qui lui permit d‟éviter le second flux de magie. Elle se releva et se mit à courir dans la forêt en lançant des sorts pardessus son épaule en espérant toucher l‟un des deux. Mais aucun ne sembla les toucher. Elle essayait de gagner du temps pour ses amis mais elle réfléchissait aussi à une façon de s‟en sortir. Les flux de magie la frôlaient de plus en plus alors que les gardiens se rapprochaient. C‟est alors qu‟Asmodée tourna les talons et fonça droit vers les gardiens en se baissant pour éviter un nouveau flux de magie. Elle passa entre les deux gardiens surpris qui firent aussitôt demi-tour à sa poursuite. "Dommage, pensa Asmodée, j’aurais espéré qu’ils fassent comme dans les films et qu’au moment où je passe entre les deux ils se neutralisent l’un l’autre. Les films c’est vraiment n’importe quoi !! " Asmodée arriva bientôt de nouveau à la sortie des bosquets et des arbres. Elle se retrouva coincée au pied du mur. Elle leva la tête et vit le dernier de ses amis atteindre les toits et les pierres reprendre leur place. Mais le soulagement d‟Asmodée ne dura guère car de nouveau les lumières des lampes torches l‟éblouissaient. Elle ne pouvait toujours pas viser les gardiens. -Allez, rendez-vous, soyez raisonnable! cria un des gardiens tandis qu‟ils se rapprocher. Vous ne pourrez jamais nous abattre tout les deux! Cette dernière phrase rappela à Asmodée un sortilège de niveau huit que lui avait appris Mme Contortine lors d‟un cours privé. "C’est quoi la formule déjà!" réfléchit Asmodée tandis que la distance entre elle et les gardiens devenaient critique. " Allez, un drôle de mot comme les protéines… Je l’ai sur le bout de la langue... " C‟était un sortilège de Pétrification de niveau supérieur au simple Morphrupes, celui-là attaquait touts les ennemis à la fois en les visant automatiquement. Deux flux de magie tirèrent Asmodée de sa réflexion qui sursautât. « Lapidositas! » hurla Asmodée dont la formule venait de lui revenir. Deux étincelles argentées fusèrent de sa baguette et se dirigèrent droit sur les gardiens dans une courbe qui leur donna de la vitesse. Asmodée plongea de nouveau sur le côté pour éviter les flux de magie sans savoir si son sortilège avait fait mouche. *

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Nicolas fit une chute qui lui parut d‟autant plus interminable que ses yeux lui refusaient la moindre image, toujours brûlés par sa nouvelle magie qu‟il avait poussée à l‟extrême sans savoir vraiment comment elle marchait. Sa chute le terrifia au plus haut point et il s‟attendait à tout moment à se briser les jambes en se fracassant sur le sol qui apparemment se trouvait très profondément, très loin de la plus profonde des caves du musée. C‟est alors que sa chute se ralentit et qu‟il ne se sentit plus tomber, mais glisser, une sensation qui lui fit pensait à une scène d‟ « Alice au pays des Merveilles ». Il espérait juste ne pas tomber nez à nez avec un gros chat ou une reine complètement barjo. Finalement il sentit le contact du sol sous ses pieds et atterrit doucement. Il fit quelques pas à tâtons et se buta violemment dans un rocher. Ca lui arracha un petit cri de douleur tandis qu‟il poussait des jurons en se frottant énergiquement le tibia. Il avait froid et il sentait les morsures d‟un vent glacial. Une chose était sûre, il était bien sous le Musée, dans une grotte qui communiquait avec l‟extérieur, d‟où le courant d‟air glacial, et il s‟était probablement cogné contre une stalagmite. Malheureusement ses yeux le faisaient toujours souffrir et il ne voyait pas la grandeur de la grotte. Ce qui était étrange c‟est qu‟il ne marchait pas sur un sol dur mais sur un sol meuble. C‟est alors qu‟il entendit des bruits de pas derrière lui, il se retourna. - Où sommes-nous? entendit-il dire la voix de Marine. -Je n‟en sais vraiment rien, lui répondit la voix de Rémi. -Y fait trop froid ici, regardait on fait de la buée! dit la voix de Cosme. -Vous m‟avez tous suivis! s‟exclama Nicolas. -Oui mais où ? dit Rémi. -Je pense que l‟on se trouve dans une grotte sous le Musée, dit Nicolas. Un silence pesant s‟installa seulement troublé par le bruit du vent. Les enfants regardaient Nicolas plein de tristesse. Nicolas s‟inquiéta de ce silence, ne voyant pas l‟expression défaite de ses amis. Il demanda ce qu‟il se passait. -Nous ne sommes pas dans une grotte, dit Rémi désolé. -Mais où sommes-nous alors? demanda Nicolas incrédule et inquiet. -A l‟extérieur, dans un cimetière pour être précis, ajouta Cosme. -Un cimetière des plus lugubres, commenta tristement Marine. C‟est super original… -Alors… dit Nicolas, c‟est contre une pierre tombale que je me suis cogné? -Sûrement, répondit Rémi. Désolé. -C‟est pas grave, répondit Nicolas en essayant d‟afficher un visage serein le mieux qu‟il le pouvait malgré un mélange de frustration et de tristesse intense qui l‟envahissait. Un nouveau silence s‟installa mais la tempête qui se préparait le fit rompre: -Comment se fait-il que l‟on ait atterrit dans un cimetière alors que l‟on est descendu dans un conduit de cheminée? demanda Marine. -Je n‟en sais rien du tout, avoua Cosme, avançons nous verrons bien. 240


La nuit était noire et le vent soufflait de plus belle. Le ciel était de nuages menaçants. Le vent faisant voler les feuilles arrachées des arbres dans une danse macabre, tourbillonnant autour des tombes délabrées de ce cimetière délaissé. Les tombes étaient fendues, brisées, recouvertes de mousses. Des cercueils émergeaient de la terre par endroit. Au loin, derrière les enfants, se trouvait une petite chapelle recouverte de lierre, au toit calciné par un ancien feu et aux murs fissurés de toute part, sorte de vestige qui du haut de la petite colline où se trouvait le cimetière lançait un avertissement. Des nappes de brouillard flottaient mollement comme déprimées recouvrant de leur brume laiteuse les pierres tombales jusqu‟aux genoux des enfants. Chaque pas provoquait des tourbillons et des panaches dans les embruns de brume mettant en mouvement les ombres faibles déjà mouvantes des stèles. Les nuages se faisaient de plus en plus menaçants et le temps de plus en plus froid. La brise glaciale ne faiblissait pas et les enfants frissonnaient. De temps à autre les rayons de la lune perçaient les épais nuages et les filaments de brouillard se mettaient à luire telle la poudre d‟argent opaline. Mais le ciel se faisait plus noir de seconde en seconde et les ombres ne mirent pas longtemps à disparaître. Le vent fouettait les enfants les transperçant d‟un froid glacial. Soudain le ciel se zébra d‟un éclair et une douce bruine se mit à tomber sur le cimetière alors que les enfants n‟avaient fait que quelques pas. L‟étrange brouillard se dissipa et les enfants furent vite trempés par la bruine projetée avec violence par vagues successives à cause du vent. Ils avançaient péniblement. Ils ralentirent le pas en se rendant compte qu‟à quelques mètres d‟eux ils ne voyaient le plus sol sur une bande d‟une quinzaine de mètres. De chaque côté, la pente de la colline restait en vue. C‟était dû à un glissement de terrain qui avait eu lieu il y avait de cela une bonne dizaine d‟années. Sous la pluie battante, la terre meuble du cimetière avait glissé pour donner naissante à une sorte de rift, le sol s‟était fendu et un mur abrupt donnait maintenant sur le sol situé huit mètres plus bas. Le sol à cet endroit était plat, jusqu‟à ce qu‟il regagne la pente douce naturelle de la colline. D‟où se trouvait les enfants ils ne voyaient pas le sol en dessous, et ils avancèrent prudemment jusqu‟au bord du gouffre. Là, sous la pluie battante, ils regardèrent horrifiés… *

*

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Asmodée se releva péniblement, touchée au bras gauche par le flux de magie d‟un des Atlantes. Elle regarda ses poursuivants: les deux étaient toujours débout mais ils étaient devenus de granit. Elle se dirigea vers les gardiens en se frottant vigoureusement son bras meurtri. Elle arracha une des lampes torches des gardiens et regarda le mur de grosses pierres redevenu lisse, impossible a escalader. Elle se rendit à l‟évidence: elle allait devoir entrer pas effraction pour 241


atteindre les toits. Asmodée se dirigea d‟un pas résolu vers la fenêtre la plus près. Elle regarda à l‟intérieur, scrutant le moindre mouvement. Jugeant que la lampe torche la rendrait trop repérable, elle estima finalement bon de la laisser dehors. Elle posa la lampe par terre et l‟éteignit d‟un petit coup de baguette. Entrer ne devrait pas être difficile, pensa-t-elle, étant donné que le crime avait complètement disparu du continent atlante. -Recantatum, lança Asmodée pour briser une protection magique quelconque au cas où. Mëmaleph djimiotaié, ajouta-t-elle. Un carreau vola en morceau dans un bruit cristallin et Asmodée passa sa main à l‟intérieur pour déverrouiller la fenêtre. Le loquet s‟ouvrit sans résistance et Asmodée poussa la fenêtre en retenant son souffle. Celle-ci crissa dans un grincement qu‟Asmodée entendit résonner encore quelques secondes après que le grincement se soit tu. Paniquée à l‟idée qu‟un garde ait entendu, Asmodée entra par la fenêtre et se dirigea à semi baissée vers la porte la plus proche. Elle jeta un cou d‟œil rapide dans la pièce, vide. Asmodée se faufila jusqu‟à la salle suivante, encore vide. Dans le silence étouffant du musée, Asmodée qui n‟avait encore vue personne, s‟était redressée sans vraiment s‟en rendre compte, prenant confiance en elle. C‟est alors que dans la pièce qu‟elle venait de quitter il vit un faisceau de lampe torche, un gardien approchait. Affolée, elle pressa le pas et trébucha sur une vieille armure qui s‟écroula dans un boucan épouvantable de métal. Elle entendit épouvantée les pas du gardien qui lui indiquaient qu‟il c‟était mis à courir. Asmodée se releva et reconnut la pièce où se trouvait la photo du musée et le gnomon. Le hall se trouvait juste après avec son immense escalier. Elle n‟hésita pas : elle déchira sa robe sur le côté pour plus d‟aisance et elle se mit à courir dans la salle pour rejoindre la porte. C‟est alors qu‟elle vit sa silhouette se dessiner sur le mur devant elle dans le rayon de lumière de la lampe torche. Elle entendit le gardien crier quelque chose mais le sang qui battait à ses tempes l‟empêcha de le comprendre. Elle tourna pour se perdre entre les présentoirs en courant le plus vite possible, son épaisse tresse flottant derrière elle. La lumière de la lampe torche la suivait bougeant avec les pas saccadés du gardien. Ne pouvant utiliser son pouvoir dans le musée il saisit un appareil à sa ceinture et aussitôt une alarme tonitruante éclata des murs mêmes du musée. Asmodée entra dans le hall et s‟arrêta dans une glissade sur le sol ciré quand elle vit dans le couloir d‟en face un autre gardien se précipiter vers elle. Elle ne réfléchit pas et lança un sortilège dans sa direction en reprenant sa course vers l‟escalier. Dans la pénombre elle se prit les pieds dans un tapis et s‟écroula sur la première marche. Dans un geste de la tête pour regarder derrière son épaule qui projeta sa tresse dans son dos, elle vit le second gardien entrer dans le hall. Elle se releva le plus vite possible et avala les marches deux par deux pour monter le plus vite possible. Arrivée au premier étage à bout de souffle, elle eut à peine le temps de s‟arrêter que trois autres gardiens surgirent de différentes salles criant dans leur drôle d‟objet à la façon des talkies-walkies qu‟ils avaient 242


repéré la voleuse. C‟est alors que deux statues encadrant une porte représentant des lions de chine (drôles de chien du folklore chinois) se mirent à bouger et sautèrent de leur socle. Les lions de chine, elle le savait, sont les gardiens de sanctuaire ou de sépulture, sous forme de statue prenant vie pour détruire les pilleurs. Asmodée se précipita vers l‟escalier pour aller au troisième. Son endurance était mise à rude épreuve et arrivée au palier entre le premier et le deuxième étage, elle entendit des gardiens en haut de l‟escalier et en bas. Elle n‟allait pas tarder à être rattrapée. Elle était encerclée et ne pouvais pas fuir et elle incapable d‟affronter au moins sept Atlantes et quatre lions de chine. Dans un réflexe stupide elle se cacha derrière la première chose qu‟elle vit: une tenture accrochée là, en plein milieu du mur du palier. Elle la souleva et se glissa derrière. Terrorisé, son cerveau refusait de fonctionner normalement. Elle entendit les pas des gardiens et dans un geste de panique se plaqua au mur pour qu‟on ne la remarque pas en se faisant la plus fine possible entre la tenture et le mur. Mais là, elle tomba en arrière. Sans comprendre, elle se cogna la tête contre la pierre dure. Elle se la frotta, ne comprenant pas ce qui venait de se passer, elle n‟était pas si loin du mur pourtant, pourquoi était elle tombée en arrière ? Soudain elle se rendit compte qu‟elle n‟était plus derrière la tenture et elle releva la tête, se la recognant. Elle n‟était plus sur le palier mais dans un étroit passage, entre deux murs de pierres. Elle tendit une main tremblante en avant et au contact du mur, sa main passa au travers et elle sentit le tissu de la tenture derrière. Elle retira sa main comme si elle s‟était brûlée. Elle regarda en bas puis en haut. Elle se trouvait en réalité dans un petit escalier en colimaçon en pierres brut taillés dans l‟épaisseur du mur. Asmodée se demanda pourquoi un escalier se trouvait caché la, dissimulé derrière une tenture qui elle-même cachait un mur franchissable. Elle ne réfléchit pas plus longtemps à ce coup de chance et se mit à monter les petites marches de l‟escalier le plus vite possible. L‟escalier était vraiment étroit, elle s‟aidait de ses mains contre les parois du mur pour ne pas s‟y cogner. L‟escalier n‟avait aucune ouverture, cependant lors de sa montée sa main passa quelques fois au travers la muraille, la faisant trébucher. La première fois, surprise elle était tombée et avait surgi dans une pièce du musée, derrière les cordelettes de sécurité. Asmodée eut à peine le temps de remarquer qu‟elle se trouvait au cinquième étage avant qu‟une alarme la fasse remarquer. Elle coura vers le mur et le traversa de nouveau se cognant encore une fois sur l‟autre mur de l‟escalier. Régulièrement, Asmodée s‟arrêtait non pas pour reprendre mon souffle mais car elle était prise de vertige et de tournis à tourner ainsi dans l‟escalier en colimaçon, tellement petit et étroit qu‟il donnait l‟impression de tourner sur lui même. Après plusieurs mètres et plusieurs étages, Asmodée atteignit un petit palier, le premier qu‟elle voyait. Même lorsque qu‟une sortie était possible en traversant le mur, elle se trouvait directement sur les marches et il n‟y avait pas de palier. Intriguée, Asmodée passa la tête et vit avec stupéfaction qu‟elle venait 243


de surgir dans la chambre qui était autrefois celle du roi. Asmodée remarqua le riche mobilier et tous les merveilleux objets qui se trouvaient ici. Cette pièce ne se visitait même pas et Asmodée comprit pourquoi. Cependant ses amis revinrent la hanter et elle repassa derrière le mur. Tout en continuant son ascension, elle déduisit que l‟escalier devait servir au roi et uniquement à lui pour aller discrètement d‟un étage à un autre, d‟une chambre à une autre. Mais cela devait aussi lui servir de fuite en cas de besoin. Asmodée fut rassurée à l‟idée que tout en bas il y avait probablement une sortie vers l‟extérieur. Elle s‟arrêta de nouveau un moment à cause du tournis. Puis elle repartit rapidement vers les toits. Elle avait mal au cœur à force de tourner et ne se sentait vraiment pas bien quand elle traversa la paroi de l‟escalier qui se finissait en cul de sac. Elle surgit d‟une petite tour sur les toits battus par les vents. Asmodée fit quelques pas et tomba à genoux pour vomir. Elle se releva et resta quelques instants sans bouger pour que la terre autour d‟elle en fasse de même. Finalement, elle repartit d‟un pas hésitant et chancelant. Elle n‟avait plus le tournis mais le mal de cœur résistait. Elle regarda autour d‟elle à la recherche d‟une trace de ses amis mais les toits étaient immenses et vides. Asmodée pensa d‟abord à lancer un sortilège pour révéler la magie et ainsi découvrir la cheminée magique, mais elle se ravisa vite car ici tout était traité magiquement pour ne pas se dégrader et tout le toit menaçait de se mettre à luire pour signaler la présence de magie. Ca ne serait ni très discret ni très utile. Asmodée ne connaissait aucun sortilège susceptible de l‟aider et commença à désespérer. Elle avait tout risqué pour suivre ses amis dans l‟une de leurs aventures et après s‟être faite remarquer par les gardiens du musée elle les avait finalement perdus. Des larmes coulèrent le long des ses joues mais Asmodée se reprit, elle n‟allait pas se laisser abattre si facilement! C‟est alors qu‟il se mit à pleuvoir. Asmodée ne comprenait pas: le temps était pourtant immuable grâce aux dieux atlantes, alors pourquoi une tempête? *

*

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En contrebas, les enfants remarquèrent un silhouette qu‟ils ne connaissaient que trop bien accompagné d‟une bicorne à l‟air lugubre. A cette vision Marine se raidit repensant douloureusement à Martial. Mais ce qui intriguait le plus les enfants étaient l‟immense cercle recouvert d‟inscriptions qui se trouvait au centre. Il était d‟un noir absolu, composé de plusieurs cercles concentriques, de symboles et de formes géométriques plus ou moins compliqués. Ses traits étaient épais et ils luisaient, comme vivant, ondulant presque, tel un serpent plat d‟un noir profond. Le plus grand des cercles était assez vaste pour contenir plusieurs centaines de personnes. Il était parcouru de sept gros symboles. Le reste des symboles, plus complexes les uns des autres étaient plus petits au fur et à mesure qu‟ils approchaient du centre. Sur deux des

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sept symboles principaux, les enfants distinguèrent deux silhouettes étendues tout du long, immobile. Rémi ne reconnut pas les symboles mais en déduisit un rituel de grande envergure. Ils regardèrent un instant sans bouger les silhouettes, sans deviner si c‟était des personnes ou des animaux. Cosme ne bougeait plus, les yeux exorbités il fixait les formes inertes. Nicolas s‟en rendit compte et lui demanda ce qu‟il se passait. Cosme ne répondit pas. Ses trois amis commencèrent à s‟inquiéter devant son mutisme. -Qu‟est ce qui t‟arrive? chuchota Rémi. -Les corps, souffla Cosme. -Tu vois qui c‟est? demanda Nicolas. Cosme ne répondit rien, soudain son expression changea du tout au tout. Il saisit sa baguette et tout en la changeant en bâton il sauta dans le vide en direction d‟Onoximoustros. Les enfants restèrent le souffle coupé en regardant leur ami tomber dans le vide. Cependant, Cosme atterrit accroupi sur le sol pour amortir le choc, un bras entre les jambes, et l‟autre bras dans son dos tenant son bâton. Il se releva doucement et regarda Onoximoustros qui l‟avait observé dans sa chute. Les deux se fixèrent un instant. Soudain, sans que Cosme fasse le moindre geste, Onoximoustros fut projeté avec violence dans les airs et fit plusieurs vrilles avant de retomber face contre terre. La bicorne se cabra et souffla bruyamment. D‟en haut, les trois amis sautèrent à leur tour. Marine atterrit avec toute l‟élégance que le lui permettait son pouvoir de voler, Rémi atterrit en roulade sur la terre qui sécha à son contact et que la pluie détrempa de nouveau dès qu‟il fut debout, et Nicolas atterrit tout en douceur porté par des lianes sorties de terre. Les enfants comprirent la réaction de Cosme quand ils découvrirent que l‟un des corps était celui de Martial en train de se putréfier. Marine réagit très mal à cette vision mais essaya néanmoins de garder son calme en fixant son attention sur Onoximoustros qui s‟était relevé semblable à un spectre. Les quatre amis se tenaient en rangs serrés, les bâtons sortis. Onoximoustros les regarda un par un en caressant sa bicorne. Il portait toujours son horrible robe noir en lambeau munie de cette étrange capuche qui recouvrait on ne sait quoi, la tête d‟Onoximoustros semblait n‟être que néant, et seul un gouffre béant se trouvait dans sa capuche. Un gouffre sans fond d‟une noirceur terrifiante et pourtant cette noirceur paraissait presque solide, brume noirâtre entre le liquide et le gazeux. Les enfants évitaient de regarder ce qu‟il y avait sous la capuche, de peur de s‟y perdre. Ses mains étaient constamment cachées dans les plis de sa robe et lorsque Onoximoustros en découvrit une pour caresser la bicorne, celleci n‟était que lambeau de peau en putréfaction, main désincarnée aux os apparents par endroit. Onoximoustros ne touchait pas le sol mais flottait à une vingtaine de centimètres de lui dans un froissement tel un spectre.

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Seul l‟immense symbole les séparait les uns de l‟autre. Onoximoustros éclata de rire, un de ses rires qui semblent venir de partout sauf de lui, un de ses rires gutturaux et sadique qui vous pétrifie. -Je vous attendais, dit-il d‟une voix éraillée et rauque comme s‟il avait perdu l‟habitude de parler depuis longtemps. Ses paroles résonnaient de toute part, se répercutant en écho même dans les plaines sans le moindre relief. Les enfants tressaillirent à cette voix, un frisson leur parcourut l‟échine sans qu‟ils puissent le réprimer. L‟odeur que dégageaient les deux cadavres étaient écœurante, fétide senteur nauséeuse de la chaire en décomposition qu‟il prenait les enfants aux tripes, méphitique à l‟image de l‟hideux spectacle qui accompagnait. Cosme dû faire des efforts pour ne pas se laisser aller à vomir mais la rage était plus forte. Onoximoustros restait là tranquillement à caresser sa bicorne qui dégageait de la vapeur par les narines, les yeux injectés de sang. Un silence pesant s‟installa où les adversaires se fixèrent de longues minutes qui paraissèrent des heures. -Comment trouvez-vous mes créations? demanda enfin Onoximoustros en tournant son regard vers sa bicorne. Marine tressaillit de rage et de dégoût. Cette créature damnée lui donnait envie de vomir encore plus que les cadavres en décomposition. Elle se demandait comment toute une section d‟Ultimécia pouvait porter ce nom atroce. Quand à Nicolas il cracha par terre d‟aversion et avança d‟un pas, décidait à en découdre. Rémi tendit le bras pour lui barrer le passage, le regard empli de haine. Cosme tremblait de la tête aux pieds, non pas cause du froid et de la pluie mais de colère, colère qui était le moteur de son pouvoir, il le savait et il comptait bien s‟en servir. Onoximoustros, d‟un geste lent et théâtral plongea sa main qui n‟était pas sur la bicorne dans les plis de sa robe en lambeau. Il en ressorti une carte. Les enfants se tenaient sur leur garde et regardaient le petit rectangle de papier qui luisait sous la pluie. Onoximoustros la tenait face à lui à hauteur de sa capuche. Il ricana doucement et tourna la carte vers les enfants. Les enfants eurent un mouvement de surprise en découvrant la carte. C‟était une carte toute simple du jeu Lotus, une carte que les enfants connaissaient. La carte « Corne de Licorne ». Les enfants ne comprirent pas pourquoi il avait sur lui en permanence une vieille carte élimée de ce jeu atlante. « Corne de Licorne » n‟avait aucun pouvoir et ne pouvait donc lui servir à rien. Devant la surprise des enfants, il ricana de nouveau. -C‟est avec cette carte que tout commencé. Je me trouvais en Afrique lorsqu‟on ma demandé si je voulais co-diriger une école de sorcellerie. A cette époque Ultimécia n‟existait que sur plan. Ca devait être un château tout confort, à la mode de l‟époque avec d‟épais murs et des tours, il ne manquait que les douves. Il allait être superbe ce château. J‟ai évidemment accepté avec joie, j‟étais encore parmi les gentils. Mais lors de mon voyage pour retourner en France, j‟ai 246


découvert ceci, dit-il en sortant un globe brillant de sa robe. Vous devez savoir ce que c‟est, continua-t-il. Un Vénissas, mon premier. Je suis tombé ivre de son pouvoir. Je me suis dépêché de rejoindre l‟Atlantide pour faire des recherches et trouvais ce que c‟était. Je me suis servi de son pouvoir sur cette carte de jeu, et j‟ai découvert que je pouvais doter les licornes d‟une seconde corne moyennant leur âme. Elles devenaient mes esclaves soumises et dévoués à faire mes plus basses besognes… -Sale … , articula Marine. -Du calme ma douce enfant, coupa-t-il avec un ton méprisable. J‟ai donc créé tout un troupeau de "bicornes" et je me suis débrouillé pour qu‟il soit découvert par ce stupide Forest Dimitrus de naturaliste qui s‟empressa de le dévoiler au monde entier. Cet imbécile donna même le nom de bicorne à sa section à Ultimécia ! Tout en parlant, Onoximoustros se déplaçait autour du l‟étrange symbole sur le sol, tout en restant à une distance respectable des enfants. Les enfants étaient sur les nerfs et chacun de ses gestes provoquait un sursaut chez eux. Ils se crispaient davantage sur leur bâton. - Voyez-vous, mes recherches me firent "basculer" vers le mal, comme ils disaient. Mais ces stupides ignorants se trompaient, ce crétin de Gontran de Chaumon était persuadé avoir tout compris. Petit prétentieux… Il n‟avait rien compris à l‟époque et maintenant vous, leur pseudo-réincarnation soit disant, vous ne comprenez rien non plus. Pauvres petites choses affolées… Regardezvous, vous êtes pitoyables. Joignez vous à moi, vos pouvoirs seront décuplés, je ferai de vous les sorciers les plus puissants que le monde ait connu. Nous régnerons sur le monde, vous serez mes émissaires, mes gouverneurs. Si vous venez avec moi, je ferai de vous les régents de mon empire, chacun de vous sur un continent. Vous serez adulé, adorez comme des dieux… -Ca ne nous intéresse pas! cria Marine dans le vacarme de l‟orage. -Remballez vos grands discours et battez vous! ajouta Nicolas avec rage. Onoximoustros ne semblait pas pressé et il fit encore quelques mètres autour de l‟immense symbole. Il se dirigeait doucement vers les cadavres les plus près de lui. -Dans ce cas, dit il de la voix la plus douce et détachée dont il était capable, vous mourrez. Vous me serez d‟ailleurs plus utile morts. Les enfants retenaient leur souffle, prêt à défendre chèrement leur vie à tout instant. - Connaissez-vous ces symboles? demanda Onoximoustros. A votre silence j‟en déduis que non… Chacun des sept symboles représentes l‟un des signes de l‟obatrazodium. Comme vous m‟avez l‟air particulièrement ignorants je vais vous éclaircir. Obatrazodium et la contraction des deux anciens mots latins: Obatratus zodiaci. Ce qui signifie… -Zodiaque noire, le coupa Nicolas dans un souffle.

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-Exact, ce sont les sept signes du zodiaque noir, un zodiaque bien plus puissant que l‟original car il voit sa source dans l‟ombre du premier. Il se nourrit du mal et de la peur qui se trouve en chacun de nous. Chacun possède cette part d‟ombre en lui qui le pousse à faire le mal. C‟est cette part que symbolise le zodiaque noir dans ses sept signes, chacun définit les traits de caractères principaux de la personne, et tous réunis, il donne le mal brut. Onoximoustros déballait son savoir sur un ton qui rappelait ceux de certains enseignants, sur un ton supérieur, vous rappelant sans cesse que vous ne connaissez rien, et que lui, il connaît tout. Ce ton méprisant, Onoximoustros le maîtrisait parfaitement et il semblait fier de son œuvre. -Grâce à ce symbole, il m‟est possible d‟invoquer le mal brut, de lui donner un corps, de le rendre bien réel. Mais pas seulement. Ce symbole ouvre en plus une porte directe sur l‟enfer, une bouche qui permettra au royaume des ombres de vomir sur terre ses maux et ses démons créant un monde de chaos et ravageant tout sur son passage. Mais ce n‟est pas fini, il y a un effet secondaire : celui qui ouvre la porte se voit recevoir le savoir absolu, il devient omniscient. Imaginez, vous avez réponse à toutes les questions, même à celles que vous ne vous êtes jamais posées ! La compréhension de n‟importe quelle théorie mathématique, la connaissance ultime sur le cosmos, le moyen de ce déplacer dans l‟hyperespace, connaître les origines de l‟humanité, savoir ce qui se passe après la mort! Je deviendrai un dieu! A ces mots, les enfants se remémorèrent les paroles des dieux atlantes sur le fait qu‟Onoximoustros finirait par gouverner l‟univers, galaxies après galaxies, par la destruction et le chaos. Tout devait commencer sur Terre par la libération de ce mal. Les enfants comprenaient enfin l‟ampleur de sa folie et de son terrible projet: il allait déclencher l‟apocalypse. Onoximoustros continuait de parler, sa voix résonnait plus fort que jamais dans les alentours et ses mots tambourinaient dans le crâne des enfants comme des coups de tonnerre cent fois plus puissants que ceux de l‟orage qui ne cessait de s‟intensifier. Onoximoustros semblait être complètement absorbé par son envolée lyrique. Les enfants écoutaient terrifiés ses terribles paroles. Ils regardèrent avec les yeux de la panique Onoximoustros sur qui l‟eau glissait sans le toucher, comme repoussé, tandis que les gouttes d‟eau traversaient et ruisselaient sur Cosme comme une douce caresse. Rémi semblait amoindri par ce temps et Onoximoustros sembla s‟en rendre compte. Sans crier gare, dans un geste rapide du bras, il désigna Rémi de son doigt putréfié en lançant un « Attaque! » retentissant. Avant même que les enfants ne puissent faire quoique se soit, la bicorne s‟élança et d‟un bon gigantesque elle passa par dessus l‟immonde symbole et avec une rapidité foudroyante, elle chargea Rémi de ses cornes. Dans un bruit effroyable de chair déchiré et d‟os qui casse, les deux cornes s‟enfoncèrent profondément dans la poitrine de Rémi qui fut projeté par le second coup de tête de la bête en furie. Rémi paru surpris et s‟écroula en poussant un soupir, sans que le moindre cri de douleur soit émis. 248


Les enfants regardèrent tétanisés la scène. Quand la tête de Rémi roula sur le coté, les yeux grands ouvert maintenant vitreux et un filet de sang coulant de sa bouche entre ouverte, Marine poussa un grand cri alors que Cosme criait un non sonore de toutes ses forces. -Voyez vous, commença Onoximoustros très calme, pour chaque symbole il me faut un sacrifice humain correspondant au zodiaque noir. Or vous êtes tous d‟un signe différent. J‟ai du sacrifier votre ami Martial plus tôt car je savais que vous ne l‟amèneriez pas avec vous, de peur de le blesser. Quant à ce cher professeur Humulus, il avait beau être une créature artificielle, il avait néanmoins un signe noir. Il a été fidèle jusqu‟au bout. Avec vous quatre, il ne me restera plus qu‟à verser mon sang pour le dernier symbole, une chance que je sois immortel, je pourrais fournir tout le sang nécessaire sans mourir pour autant. Grâce aux différents Vénissas que j‟ai récoltés, je dispose d‟assez de puissance pour ouvrir le sceau. Il marqua une pose : Et maintenant, au sacrifice suivant! Aussitôt, la bicorne fit face à Marine et s‟élança de toutes ses forces. Cosme d‟un geste brutal propulsa la bête qui fit un vol plané tandis que son flan s‟ouvrait d‟une profonde blessure. Cosme ne s‟était jamais senti aussi puissant qu‟à cet instant et avoir provoqué une blessure profonde lui procura une grande jouissance. Dans son dos, Onoximoustros vociféra d‟une voix étouffée contre le jeune homme qui avait osé blesser sa création. -Ultima umbra!! cria-t-il. Et alors, sans même le voir venir, Cosme s‟écroula face contre terre, le visage dans la boue. Le terrible sortilège l‟avait frappé dans le dos alors qu‟il contemplait les dégâts qu‟il avait provoqués sur la bicorne. La mort l‟avait emporté subitement, sans la moindre douleur, avec seulement une impression de froid qui ne dura qu‟une fraction de seconde, sans qu‟il ait même le temps de se demander d‟où elle provenait. Il était mort s‟en vraiment l‟avoir compris, le sourire aux lèvres. La bicorne se releva. Elle gratta le sol de son sabot à la façon des taureaux et de ses naseaux sortirent de la fumée. Elle courba la tête vers Marine dont le visage s‟était fermé, comme si elle était maintenant prête à tout, même à mourir, du moment qu‟elle infligeait le plus de dégâts possible à cette horrible bête qui avait pris la vie à deux de ses meilleurs amis. Alors que la bicorne s‟élançait,, Nicolas qui depuis la mort de Rémi n‟avait rien dit, brandit son bâton bien haut. Depuis le début du combat, il concentrait ses forces et psalmodiait la plus terrible des invocations qu‟il connaissait. C‟est alors que devant la bicorne, le paysage se déforma et se déchira. Un trou béant était apparu dans un fracas épouvantable. Une énorme main griffue sortit du gouffre béant, elle attrapa la bicorne comme s‟il s‟agissait d‟un minuscule cheval de plomb et l‟emporta avec elle de l‟autre côté de la brèche qui se referma aussitôt sur la bicorne qui hennissait de terreur. Marine poussa un soupir tandis que Nicolas mettait un genou à terre, épuisé par son invocation.

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-Ghlpmib‟ehc, invocation du cinquième cercle comportant la création d‟une brèche dimensionnelle. Vraiment impressionnant, déclara Onoximoustros d‟une voix pleine de mépris. Tu mérites une récompense… Et d‟un coup il disparut et se rematérialisa derrière Nicolas. Sans que ce dernier puisse faire quoi que se soit, Onoximoustros lui planta un poignard entre les omoplates. Nicolas poussa un cri de douleur déchirant et s‟effondra à son tour comme une pierre. Marine regardait affolée autour d‟elle les cadavres de ses amis et recula de quelques pas devant Onoximoustros qui s‟approchait d‟elle en ricanant, le poignard sanglant à la main. Marine se renfrogna et fit face à Onoximoustros. Désormais elle ne reculerait plus. Dans sa main, son bâton redevint une baguette magique et Onoximoustros ricana de plus belle. -Sic siqua tremebundus mâlum!!!!! hurla-t-elle en brandissant sa baguette de toutes ses forces. Ce sortilège de torture, interdit par la convention de 1984, sensé provoquer une intense et insoutenable douleur fusa vers Onoximoustros qui se figea de stupeur. Le sortilège le frappa en pleine poitrine et la violence du coup le projeta à terre. Il se contracta parcouru de terribles tremblements, comme si chaque nerf de son corps explosait. Marine risqua un pas vers sa victime pour le dominer. Mais c‟est alors qu‟Onoximoustros se releva comme un spectre et se dressa devant Marine terrifiée. -De si vilains mots ne devraient jamais sortir de la bouche d‟une aussi jolie fille. Pour que ce sort marche il faut vouloir de toute son âme faire mal, je ne t‟en pensais pas capable. Et sans rien ajouter, il prit la tête de Marine dans ses mains décomposées, et dans un geste précis, le cou de Marine fit un bruit sec, et elle s‟écroula, la nuque brisée. Le dernier des élus s‟écroula dans la boue alors qu‟un éclair déchira le ciel dans un grand coup de tonnerre. Onoximoustros ricana doucement. C‟est alors que du haut de la corniche, un grand cri effroyable résonna dans les aigus. Surpris, Onoximoustros tourna ce qui lui servait de tête vers la provenance du cri. Et là, tout là haut, parmi les tombes éventrées, il discerna Asmodée…

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XX Tombés du ciel

A

bsolument tout était blanc. D‟un blanc éclatant éblouissant. Par endroit, cette tiède et humide vapeur se teintait de bleu, de rose ou d‟orange. Tout bougeait, des volutes se formaient, d‟autre disparaissaient avalées par un plus gros amas. C‟était un décor vaporeux et éthéré, étrange et immense. Il rayonnait en ce lieux une douce chaleur enveloppante et berçante, entraînant toujours plus loin dans ce tableau impressionniste, aquarelle d‟une incroyable douceur aux couleurs pastelles et changeantes. D‟abord un léger froncement de sourcil, puis une moue des paupières qui se contractent difficilement. L‟iris d‟ambre apparaît timide, sa rétine se contracte et sa pupille se referme sur elle-même, agressée par tant de lumière, pour ne former qu‟un minuscule point laissant entrer le minimum de lumière. Malgré la capacité de ses yeux à regarder le soleil en face, Rémi fut contraint de cligner plusieurs fois des yeux avant de les laisser finalement plissés. Il se sentait bien, baigné de chaleur, bercé par une étrange moiteur. Il ne sentait plus son propre poids et encore moins le sol. Son regard se porta sur l‟infinie blancheur qui l‟entourait. Il essaya de discerner quelque chose mais rien ne lui apparut. Au moment où il se rendit compte qu‟il était en train de partir à la dérive, tournant doucement sur lui-même et ne suivant aucune trajectoire bien définie, il fut soudain pris de vertige. Partout où se portait son regard il ne voyait que se décor duveteux qui semblait endormir ses sens. Puis aussi vite qu‟elle était venue, cette impression disparue, remplacée par une sensation de confiance et de félicité. Il était dans une béatitude et une sérénité inattendue. Il n‟arrivait pas à lutter et se laissa bercer, s‟enivrant dans cette sensation de bien-être. C‟est alors qu‟il vit comme des silhouettes flottant elles aussi dans ce décor incroyable. Elles se rapprochaient, il en était certain, pourtant elles mettaient un temps considérable à le rejoindre et cette lenteur l‟exaspéra. Parvenu à quelques mètres, il reconnut Cosme, puis Nicolas et enfin Marine. Cosme commençait doucement à se réveiller alors que les deux autres semblaient encore en léthargie. -Eho ! articula Rémi en direction de ses amis. Sa voix se répercuta en écho dans le vide des masses vaporeuses et parvint à Cosme atténuée et très lointaine. Cosme cligna des yeux et regarda un moment d‟un air ahuri, le regard fixe, l‟étrange décor. Ses yeux clairs avaient du mal à s‟habituer à l‟intense luminosité des lieux. Au deuxième appel de Rémi, celui-ci le vit lever la tête vers lui. Tous les quatre allaient dans la même direction, la

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tête en avant, et la communication n‟était pas évidente, le plus haut était obligé de baisser la tête pour parler à celui qui se trouvait dessous. Enfin c‟était ce que pensait Rémi, car ils pouvaient très bien descendre ou encor se déplacer verticalement. A ce niveau, le haut, le bas, la droite et la gauche se confondaient dans leur esprit. Cosme regarda Rémi un instant, puis baissa la tête pour voir Nicolas, suivit de près par Marine. -Ca va? demanda Rémi. Sa voix raisonna dans l‟infini et Cosme l‟entendit comme dans un rêve. Il marqua une nouvelle pose comme s‟il avait du mal à émerger d‟un profond sommeil. -Ca va… répondit Cosme. On est tous là ? demanda-t-il comme pour vérifier qu‟il ne rêvait pas. -Je suis bien là moi, répondit Nicolas la tête en l‟air, ses yeux noir plein de surprise. -Mais c‟est où là? La voix de Marine était plus claire que d‟habitude et les trois garçons regardèrent dans sa direction légèrement déviée l‟espace d‟un instant. Rémi, qui se trouvait pourtant à plusieurs dizaines de mètres d‟elle arrivait parfaitement à voir le vert des yeux interrogateurs. En la regardant, il remarqua que leurs vêtements à tous semblaient émettre une douce lueur. Sans doute reflétaient-ils la blancheur lumineuse des lieux. Mais la question était posée : où étaient-ils, et surtout, pourquoi y étaient-ils. Les souvenirs de Nicolas étaient vagues et il avait du mal à les remettre à leur place dans sa tête. C‟est alors que tout lui revint brusquement, la tempête, la rencontre avec Onoximoustros, la découverte du symbole et de l‟obatrazodium, leur bataille et… leur mort ! -Nous sommes morts ! cria-t-il. A cette déclaration, ce fut comme s‟ils avaient tous reçu un électrochoc. Le souvenir de leur propre mort était quelque chose de très étrange. Instinctivement Rémi se palpa le ventre et Marine se massa la nuque. Chacun regardait l‟autre avec étonnement, mais aucune peine ne les envahissait, même pas un peu de tristesse, rien. Ils restaient tout les quatre suspendus là, ne pouvant éprouver que de la compassion et des sentiments positifs. -Nous sommes au Paradis? demanda timidement Cosme. -Je dirais dans les limbes, rectifia Rémi. -Des nuages, nous sommes dans les nuages depuis le début, dit Marine. -Oui, ça m‟étonnait des limbes aussi, c‟était trop… lumineux, répondit Rémi. -Ca n‟explique pas tout, intervint Nicolas, qu‟est ce que c‟est ? Effectivement, à leur droite (ou était-ce le haut ?) ils pouvaient distinguer une sorte d‟immense cône ouvert, semblable à un tunnel de nuages compacts et tourbillonnants. La base de cet immense tunnel se perdait dans les sortes de nuages, tandis que le haut s‟évasait pour offrir une large ouverture de plusieurs centaines de kilomètres. Les enfants, sans vraiment le vouloir, s‟approchaient de ce gigantesque tunnel brumeux et pourtant presque solide, comme une barrière, 252


en se dirigeant vers le haut qui semblait en être la sortie. Plus ils s‟approchaient, moins l‟étrange tunnel ne tenait dans leur champ de vision. Cependant, grâce à sa vue, Cosme aperçut bientôt de petits points lumineux s‟échapper du tunnel et aller à toute vitesse dans différentes directions cachées par les immenses nuages qui les entouraient depuis qu‟ils avaient reprit connaissance. Ils continuaient à avancer quand ils remarquèrent au dessus de leur tête les immenses nuages former une gigantesque trouée et laissaient maintenant voir où allaient les points lumineux. Les enfants n‟en revenaient pas, juste au dessus de leur tête, ils semblaient face à l‟infini. L‟espace entre les nuages était colossal et au dessus il y avait ce qui ressemblait au vide. A l‟infini s‟étendait cette espace sombre et variant, comme parcourut ici et là d‟aurores boréales étrangement scintillantes. Les enfants furent pris de vertige devant ce spectacle, ils semblaient soudain perdus au milieu de nulle part, perdus dans le néant, comme noyés par tant de vide, par ce vide absolu. Cependant une fois cette impression passée et la stupéfaction atténuée, elle laissa place à une peur panique qui envahit rapidement les enfants. Le tunnel démesuré continuait de cracher ses points lumineux avec constance et les enfants voulurent en suivre un des yeux sans même s‟en rendre compte, comme anesthésiés à présent, car les nuages étaient désormais bien loin d‟eux et ils se sentaient complètement impuissant face à cette inéluctable dérive. Un des points lumineux les frôla de peu à une vitesse faramineuse mais ils eurent le temps de bien le voir et ils furent parcourus d‟un frisson d‟horreur : ce que le tunnel recrachait, ces étranges points brillants, n‟étaient autre que des personnes. Ils étaient nus et leur corps s‟emblait mort, pâle à l‟extrême et irradiant cette inquiétante lumière qui les enveloppait. Leur visage n‟exprimait rien mais conservait leurs yeux ouverts de terreur face à ce qu‟il leur arrivait. Les enfants ne purent détacher leurs yeux de ce spectacle. C‟est alors qu‟ils remarquèrent quelque chose qu‟ils n‟avaient pas vu jusqu‟alors. Perdues, isolées et comme suspendues dans le vide, d‟immenses sphères brillant avec éclat. Ils y avaient une centaine de ces sphères plus ou moins grosses éparpillées dans le vide, plus ou moins éloignées les unes des autres. Leurs corps se dirigèrent à toute allure vers un ensemble de ses sphères, formé par trois grosses sphères gravitant lentement les unes autour des autres avec autour d‟elles d‟autres petites sphères (mesurant quand même plusieurs milliards de kilomètres cubes) semblables à des lunes. Toutes les sphères paraissaient être reliées les unes aux autres par d‟infimes passerelles éthérées par lesquelles les enfants voyaient passer des lueurs d‟une sphère à l‟autre. Le corps qu‟ils suivaient des yeux s‟engouffra et disparut dans la masse de la plus grosse des sphères sans que les enfants ne puissent l‟en empêcher. Le silence qui s‟était installé entre les enfants depuis qu‟ils étaient passés au dessus des nuages sembla s‟épaissir et un étrange malaise s‟installa. D‟autre corps, tout aussi mort et pâle, entrèrent encore dans les nombreuses sphères quand Marine brisa le silence devenu insoutenable. 253


-Regardez, dit-elle pas sûre d‟elle, ce… ce corps semble faire demi –tour. Les enfants regardèrent intrigués dans la direction qu‟indiquait Marine du doigt. Là, effectivement, ils remarquèrent un corps qui semblait se débattre, se déplacer, aller de corps en corps, les accompagner quelques temps puis repartir. Les enfants en remarquèrent une dizaine, peut être même une centaine en y regardant de plus près. Ils étaient tous gracieux, leur vol étaient majestueux et la lumière qu‟ils dégageaient était moins dense, plus aérienne que celle qu‟émettaient les corps inertes. -Ils sont vivants! s‟écria Rémi. -Ils cherchent de l‟aide on dirait, remarqua Cosme inquiet. -EHO! hurla Nicolas le plus fort possible, en espérant que sa voix porte assez loin. La vision de ces êtres encore en vie leur avait soudain redonnait espoir et ils se mirent tous à criée en direction des silhouettes. Un des êtres en blanc les aperçut et se précipita vers eux en volant. De près, ils ne ressemblaient pas vraiment à un humain. Il était certes en blanc, mais ce n‟était pas une tenue ou une tunique. C‟était tout simplement son corps. Son corps paraissait élastique, comme s‟il ne s‟agissait que d‟une membrane translucide. Il était d‟une pâleur incroyable, son corps était étonnamment laiteux et pourtant il rayonnait d‟une aura incroyable. Les enfants avaient suivi des cours pour distinguer l‟aura, la développer et la masquer, mais là, c‟était quelque chose de différent, c‟était l‟être qui était lumineux, son aura ne ressemblait à aucune des auras qu‟ils avaient pu étudier. Le fait que leurs cheveux faisaient partie intégrante de leur étrange enveloppe-membrane rendait ces êtres irréels. Celui qui s‟était approché d‟eux était une femme. Ca ne se voyait pas à son visage dont les traits étaient extrêmement lisses composés de cette étrange matière élastique et transparente, mais parce qu‟elle était nue, et même si elle n‟avait pas d‟organes sexuels, ses courbes et sa poitrine ne pouvait être que ceux d‟une femme. Elle s‟arrêta près d‟eux et prit la parole. Cependant, le son ne semblait pas venir de sa bouche. A y regarder de plus près, l‟intérieur de sa bouche était lui aussi tout lisse, ses dents ne se distinguaient les unes des autres que par de sillons profonds dans une masse translucide et blanchâtre qui formait la couronne dentaire, comme si la membrane entourait des dents ayants existées autrefois. De plus, derrière sa glotte, la membrane se refermait, bouchant l‟endroit où aurait dû commencer la trachée. Le tout était très harmonieux et l‟être blanc renvoyait un sentiment de confiance et de bienveillance. -Depuis votre mort c‟est un vrai capharnaüm ici, déclara-t-elle d‟un ton stressé si éloigné du ton apaisant et serein qu‟ils s‟attendaient à entendre que les enfants eurent un instant de doute. -Euh… -Nous sommes où là ? coupa Cosme à Rémi. -Vous ne le savez pas ? demanda l‟être blanc étonné. -Euh… 254


-Je me nomme Salomé et je suis l‟un des anges blancs du Portail. -Nous sommes au purgatoire? demanda Marine soudain affolée. -Non rassurez vous, répondit-elle soudain paisible. Les âmes qui sont ici ont déjà été jugées. Vous vous trouvez dans l‟ "espace céleste". Rares sont les âmes qui se rendent compte d‟être passées par là lors de leur distribution. -Des âmes? répéta Marine incrédule. Mais pourtant ils ont l‟air tellement… mort et triste. -Ils sont dans un état de latence. Il passe à une cercle supérieur, ils quittent une fois pour toute les sphères physiques, c‟est pour ça qu‟ils ont cet air, cependant ils ne se souviendront pas d‟être passés par là après le Siphon. -Le siphon? demanda Rémi. Les cercles? Les sphères? C‟est quoi tout ça? Salomé soupira puis sourit. L‟ignorance des enfants paraissait à la fois l‟agacer et l‟amuser. -Bon, c‟est assez compliqué alors je vais simplifier au maximum. L‟univers se décompose en plusieurs cercles, eux même ce décomposant en plusieurs niveaux. Chacun des êtres de ces cercles a un niveau vibratoire différent, ce qui fait que passer de l‟un à l‟autre de façon non naturelle est extrêmement dur et risqué. Les cercles sont concentriques et plus on monte, plus il y a de niveaux pour passer à la sphère suivante. Les sphères regroupent un ensemble de cercle du même type. A la base, les premiers cercles sont des niveaux éthérés et peut stable, ils forment la sphère éthérée. Ensuite il y a les cercles physiques, d‟où vous venez et qui forme les sphères matérielles. Puis viennent quelques cercles de transitions pour mener l‟âme des sphères matérielles aux sphères dites spirituelles. Elles mêmes comportent dans les niveaux suivants les sphères paradisiaques, aux dessus desquelles nous nous trouvons en ce moment. -Effectivement, dit Cosme après un silence, c‟est un peu trop compliqué pour moi… -C‟est pas si compliqué. Les âmes passent progressivement d‟un cercle à un autre, pour ensuite changer de sphère, de plan d‟existence si vous préférez, où ils doivent gravir une fois de plus les différents niveaux, pour passer aux différents cercles qui compose la sphère. -Mais vous dites, les sphères matérielles. Pourquoi? Je croyais que… -C‟est compliqué, il y a effectivement plusieurs sphères qui existent pour les même type de cercles. C‟est ce que vous appelez des mondes parallèles je crois, des autres dimensions, des versions différentes alternées des mêmes cercles. -Et, combien il y a de cercles? demanda Rémi. Salomé eut un sourire, comme si la réponse était évidente mais que d‟y répondre était une sorte d‟extase. -Il y en a sept, évidemment. -Sept, le nombre magique le plus vieux du monde, soupira Nicolas dans un sourire. C‟était assez évident en effet. -Et des niveaux? Combien y en a-t-il? demanda Cosme.

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-Ils sont le carré du numéro du cercle qui les comporte. Par exemple, pour passer du cercle 1 au second, il n‟y a que quatre niveaux. Mais pour passer du 6 au 7, il y en a quarante-neuf. -Ca fait beaucoup, remarqua Marine inquiète. -Et là, à quel niveau sommes-nous? demanda Cosme. -Nous nous trouvons dans l‟espace qui abrite les sphères paradisiaques, qui se trouvent dans les cercles supérieurs, au 7eme ciel. -Mais, les cercles supérieurs, si j‟ai bien compris, ce qui est loin d‟être le cas, ne sont pas contenus dans ce que vous appelé les sphères spirituelles? -Non, les sphères paradisiaques se trouvent au-dessus, à la limite du 7em cercle. C‟est très complexe, même plus complexe que les espaces non-commutatifs. Sur ceux, Salomé éclata de rire. D‟un rire qui semblait provenir de tout son corps, un rire cristallin et angélique. -Désolée, dit-elle en reprenant son calme, cette blague agace particulièrement les mathématiciens… Les enfants se regardèrent interrogateur et une nouvel âme les manqua de peut. -A la mort du corps physique, après avoir cheminés dans les cercles spirituels, ce qui peut être assez long quand même… mais jamais déplaisant, il s‟agit plutôt d‟un parcours initiatique, rajouta Salomé avant que Marine ait le temps de la couper, les âmes arrivent à ce que l‟on appelle le Siphon. C‟est ce que vous voyez en bas, qui recrache les âmes de ce côté. Le Siphon est la dernière épreuve, la dernière phase de l‟élévation de l‟âme quand son cycle est terminé dans les différents niveaux de la vie. En réalité il s‟agit d‟un portail qui mène les âmes des niveaux inférieurs à ici, et donne accès aux Paradis. C‟est dans le Siphon que s‟effectue le Jugement Dernier et qu‟il est décidé si elle doit revenir en arrière dans son cycle, ou si elle peut enfin atteindre le Paradis qui lui est destiné. -Aux Paradis? Donc toutes ces sphères sont des Paradis différents? -Exacte, répondit Salomé. Les plus grandes sphères qui forment l‟agglomération principale sont formées par les sphères Divinisés. C'est-à-dire par les sphères qui abrite un Dieu ou un Panthéon de Dieux. Tous les anges blancs que vous voyez sont des âmes de défunts qui ont décidé de s‟engager auprès de leur Dieu pour guider les âmes vers leur Paradis respectif. Moi par exemple je viens de cette sphère, déclara Salomé en montrant du doigt une des plus grosses sphères de l‟agglomérat. C‟est la Sphère Monothéiste. Bon, je vous l‟accorde c‟est une peu prétentieux car ce ne sont pas les seules religions monothéistes. Cette sphère est la plus grosse car elle comporte le Paradis de l‟Islam, du Judaïsme et du Christianisme. -Euh… vous êtes au courant que sur Terre ils se font la guerre. -Oui, mais réfléchissez bien, au fond, ils adorent le même Dieu Unique. Il y a de très grosses différences entre les trois, mais une fois ici, c‟est le même Dieu qui les accueille tous, chacun avec ses propres convictions. 256


-Et il n‟y a pas de frictions? demanda Nicolas. -Bien sûr que non, ils sont au Paradis, répondit Salomé avec un sourire bienveillant. -Et toutes les autres sphères? demanda Marine intrigué. -Les autres sphères qui sont tout proche sont donc les Sphères Divinisées. Il y a là par exemple les Champs Elysées et l‟Olympe… -Ah oui? Il y a une avenue des Champs Elysées Célestes? intervint Marine toute excitée à l‟idée de faire des courses dans une avenue sans fin, avec des boutiques de marque hors de prix où tout serait gratuit : son Paradis à elle. Les garçons soupirèrent devant cette question et Salomé pouffa de rire sans retenue. -Quoi? Qu‟est ce que j‟ai dit? -Les Champs Elysées sont le Paradis des Grecs et des Latins. D‟où la présence dans la sphère du mont Olympe, où vivent les Dieux. - Ah d‟accord, dit Marine, c‟est vrai qu‟ils avaient des noms différents mais que c‟étaient les mêmes Dieux pour les deux. -Exact, dit Salomé. Il y a la Sphère Egyptienne, Inca comprenant les Mayas et les Aztèques, Hindouiste, Bouddhiste, Taoïste, Celte, Viking, Indienne (d‟Amérique bien sûr), Australienne (tribal), etc. -Beaucoup sont éteintes, remarqua Rémi. -Oui mais leur Dieux et leur Paradis subsistent malgré tout. -Et pour les athées, s‟inquiéta soudain Cosme. -Les âmes athées ne vont pas dans la Mégalosphaera formée évidemment par les différentes Mégasphae, nom que l‟on donne aux Sphères de plus de deux milliards de kilomètres de diamètre… -On se croirait en géographie, remarqua Nicolas en baillant. -Bref, reprit Salomé, toutes les autres sphères sont des sphères Paradisiaques indépendantes, sans Dieux. Elles sont assez variées et chaque âme y trouve largement son compte, car elle est envoyée vers le Paradis qui lui correspond lors de la pesée des âmes. -Dites, interrogea Marine, qu‟est ce que c‟est que cette constellation là bas? Salomé tourna la tête et regarda dans la direction qu‟indiquait Marine. Effectivement, une petite constellation semblable à des étoiles brillait au loin. Salomé parut perplexe pendant quelques secondes et finit par dire : -Nous n‟en savons rien. Ni les anges, ni Dieu. -Je croyais que Dieu était omniscient? remarqua Nicolas dont la famille était très croyante. Salomé soupira et posa son étrange regard sur Nicolas. -Dieu est omniscient de ce qui se passe sur la Terre et dans les sphères matérielles, cependant il ne connaît pas tout sur ce qui est du même niveau que lui. Il est tout puissant, mais il a des limites. Il y a plusieurs hypothèses, la plus vraisemblable, étant donné que si vous regardez bien vous verrez d‟autre amas de sphères paradisiaques, correspondant aux autres systèmes habitées de notre 257


galaxie, il est fort possible que ces étoiles soient en fait des sphère paradisiaques d‟une autre galaxie, évidemment très éloignée. -Il y a d‟autres espèces intelligentes dans notre galaxie? répéta Cosme abasourdi. -Il y a d‟autres espèces intelligentes dans d‟autres galaxies? répéta à son tour Rémi. -Ce ne sont que des suppositions, et Dieu garde certains secrets que lui seul et quelques autres dieux connaissent. Même les ailés les plus hauts gradés ne les connaissent pas. -Qui ça? Salomé soupira comme si elle s‟apprêtait de nouveau à entrer dans de longues explications. -Il y a deux sortes d‟anges. Les anges que l‟on appelle des Ames Blanches, et les anges que l‟on appelle les Ailés. Les Ames Blanches, comme moi, sont des humains qui ont décidé une fois arrivé ici de devenir un ange et de se mettre au service des autres. Les Ames Blanches comportent par exemple les Etre de Lumières, les Anges Gardiens, les Anges blanc du Portail, etc. Pour les Ailés c‟est plus compliqué. Ce sont des êtres créés par Dieu, parfaits et en partie asexués. On les distingue des hommes grâce à leurs ailes, tout bêtement. La encore il y a toute une hiérarchie, je vais résumer: il y a d‟abord les Anges, tous simples si on peut dire, qui ont des ailes blanches de colombes. Ce sont en quelque sorte les fonctionnaires du Paradis. Ils font la paperasse et travaillent dans les bureaux, ils sont vraiment en bas de l‟échelle hiérarchique angélique mais leur rôle est primordial. Au dessus il y a ceux que vous appelez communément les Archanges. En fait c‟est plus compliqué, huit races d‟anges autres que les "Angelis" (que j‟ai nommé tout à l‟heure Anges). Il y a les Chérubins, les Séraphins, les Tronis, les Dominationes, les Archangelis, les Principatus, les Potestates et enfin les Virtitas. Ce sont ceux-là que vous regroupez tous sous le nom d‟archanges, ils ont des grandes et de puissantes ailes d‟à peu près tout les oiseaux qui existent sur Terre. Chacune des races à une fonction et une place différente dans la hiérarchie angélique, certains forment la cour céleste et d‟autre forme l‟armée céleste par exemple, mais leur tâches sont diverses et variées. Il y a bien sûr autre chose au dessus d‟eux, formé par un élu de chaque race, ils forment le Conseil Angélique. Et enfin au dessus il y a Dieu qui est tout puissant, qui préside. La hiérarchie est un peu complexe et je n‟ai pas vraiment envie de vous l‟expliquer, finit par dire Salomé dans un sourire. -Il n‟y a pas d‟enfer? demande soudain Rémi. Une sorte d‟antithèse de tout ça. -Bien sûr que si, les Sphères Infernales se trouvent à un autre état vibratoire qu‟ici bien que géographiquement les deux se trouvent dans le même cercle et presque aux mêmes niveaux : les Sphères Infernales sont un peu plus basses ceci dit. Il y a des Dieux Infernaux bien sûr et sûrement une hiérarchie démonique, mais je ne suis pas une experte, il faudrait demander aux espions de Dieu si ça vous intéresse vraiment. 258


-Dieu a des espions en enfer? demanda Nicolas incrédule. -Oui et il y a eut de grandes guerres entre les démons et les archanges ici, dans les espaces inter sphériques. D‟ailleurs … C‟est alors que Salomé se tut et tourna brusquement la tête vers la grande Sphère. Elle la regarda durant plusieurs secondes sans rien dire puis se retourna vers les enfants. -Je suis désolée, à cause de moi vous avez perdu beaucoup de temps, on vous attend là haut, dit Salomé. -Mais pourquoi ne sommes nous pas passé par tous les cercles d‟élévation pour mériter d‟être là? Nous n‟avons même pas pris le "Siphon", remarqua Cosme. -Vous demanderez à Joachim, moi je dois y aller alors je vous conduis à lui et je vous dis au revoir. Salomé se mit à voler vers la grande sphère, entraînant les enfants dans sa course. Ils virent la sphère se rapprocher d‟eux à toute allure et bientôt elle occupa tout leur champ de vision. Salomé se stoppa à la périphérie de la sphère, effleura des bouts des doigts sa surface qui se mit à onduler et se retourna vers les enfants. -Vous allez maintenant attendre ici Joachim, il ne devrait pas tarder étant donné que… -… tu es en retard, finit un homme ailé qui venait de traverser la surface argenté et miroitante de la sphère. Il était brun et avait les cheveux mi-longs, lisses et brillants de reflets bleutés avec deux mèches lui tombant devant les yeux qu‟il avait noisette, le visage étroit avec un grand front, un nez pincé, les oreilles collées dont l‟une était percée d‟un bijoux représentant une petite croix dorée, un petit bouc brun qui prenait naissance dans le creux dessous sa lèvre inférieur Son visage était celui d‟un jeune homme entre la vingtaine et la trentaine à l‟air rieur, avec seulement quelques petites rides d‟expressions à peine visibles qui creusaient de petites fossettes. Il portait une chemise blanche qu‟il portait rentrée dans son pantalon et fermée entièrement mais cependant il avait roulé les manches de sa chemise au dessus de ses coudes, découvrant des bras relativement musclés assez pâles. Son pantalon était un pantalon de costume en lin blanc muni d‟une ceinture en cuir blanc. Ses chaussures aussi étaient blanches, des mocassins. Mais il avait surtout dans son dos, sortant par deux fentes prévues à cet effet au niveau des omoplates, deux grandes ailes blanches, semblable à celle de certaines colombes. Même repliées, elles restaient relativement grandes et elles dépassaient largement au dessus des épaules de l‟ange. -Tu devrais t‟exposer un peu plus aux soleils du Paradis, remarqua Salomé. -Tu es encore là? N‟as-tu pas d‟autres âmes à escorter? répondit Joachim avec un petit sourire taquin. Salomé fit une moue rendue très étrange à cause de son apparence, puis s‟éloigna en saluant les enfants: -Ce fut un vrai plaisir! leur cria-t-elle déjà loin. 259


L‟ange nommé Joachim se tourna vers eux avec une grâce infinie qui lui était innée, leur sourit affectueusement comme un ami et leur dit: -Comme vous l‟avez sûrement compris je m‟appelle Joachim. J‟étais chargé par mon boss de répondre à vos questions mais il semble que Salomé ne m‟ait pas laissé grand-chose à faire, il faut dire que vous êtes tombés sur l‟Ange Blanc la plus bavarde de sa catégorie, mais poser vos questions si vous en avez encore. -Qui est votre boss? demanda Nicolas soucieux de savoir enfin la vérité. -Pourquoi sommes nous là? demanda Cosme. -Qu‟elle est le bonnet de Marine? - Où sommes-nous précisément? demanda Marine. -Un Ange qui siège au Conseil Angélique et qui tient ses ordres de Dieu, car vous êtes morts, 95B, à la périphérie de le Sphère Monothéiste, répondit dans l‟ordre l‟ange Joachim en souriant. Il y eut un bref silence pendant lequel Joachim se contenta de sourire. -Mais, je voulais savoir, si oui ou non, Jésus est le fils de Dieu, demanda Nicolas. -Mais voyons, nous sommes tous les fils et les filles de Dieu. -Oui mais techniquement parlant, insista Nicolas, Jésus est le Messie? -Tu sais Nicolas, nous sommes tous le messie, chacun à notre façon nous faisons évoluer les choses vers ce qui nous semble le meilleur. Non ? -Je suppose… répondit Nicolas songeur, peu convaincu. -Bref, intervint Cosme, pourquoi ne sommes pas passés par toutes les étapes normales pour venir ici? -Tout bêtement par ce que vous ne restez pas, répondit simplement Joachim dont les ailes frémir apparemment de façon tout à fait fortuite. -Comment ça "on ne reste pas", demanda Rémi qui se voyait déjà explorer toutes les Sphères. -Vous ne faite que passer et je pense d‟ailleurs que Salomé vous en a trop dit. -Mais alors, on va retourner sur Terre? demanda Nicolas. -Oui c‟est ça. -Mais Onoximoustros doit déjà avoir ouvert une brèche vers l‟Enfer (une Sphère Infernale ?) et si on retourne sur Terre on devra combattre des hordes de démons de toute sorte, et Satan lui-même! s‟exclama Marine inquiète à cette idée. -Ne vous inquiétez pas, le temps ici n‟a plus de sens. Depuis que vous êtes là il peut s‟être passé des années ou à peine une fraction de seconde. -Renvoyez nous sur Terre, mais ça ne changera rien, remarqua Cosme. -Oui, il faudrait que l‟on soit plus puissant, dit Rémi. Joachim fixa Rémi dans les yeux pendant plusieurs minutes durant lesquels Rémi ne cilla pas, le fixant en retour de ses yeux ambrés. Finalement Joachim reporta son regard sur l‟ensemble du groupe et poursuivit. -Vous souvenez vous de la page dans le Livre de l‟Etoile qui expliquait comment vaincre Onoximoustros? demanda-t-il alors. -Vaguement, avoua Cosme. 260


-Si, il fallait des ailes d‟Ange! s‟écria Nicolas dont le visage s‟illumina comme s‟il venait de comprendre quelque chose. -C‟est pour ça que nous sommes là, dit Marine, c‟est pour obtenir des ailes d‟Ange… Mais je croyais que ça devait être un sacrifice pour que cela fonctionne. Or si vous nous en donnez une paire et qu‟une fois en bas on les utilise comme ingrédient à part entière, cela ne sera pas un sacrifice personnel, donc moins d‟effet, voir pas du tout, sur Onoximoustros. Nan ? Les enfants et Joachim regardèrent Marine admiratifs. Ils trouvaient incroyable cette facilité qu‟elle avait pour parfois être plus perspicace et plus adulte qu‟eux. Joachim lui fit son plus beau sourire et Marine rougit légèrement. Cependant elle semblait de marbre face au charme du bel ange, et ne cessait de jeter des coups d‟œil vers la surface de la Sphère. -Marine a tout à fait raison, c‟est pour ça que l‟on va faire de vous des anges. La nouvelle leur fit comme un coup de poing dans l‟estomac bien qu‟il s‟agissait plutôt d‟un honneur. -Ne vous faites pas de soucis, vous ne serez pas de vrais anges. Enfin si, mais vous resterez humain. Vous allez être des humains avec des ailes, voilà tout. -Donc, rien d‟angélique en nous, demanda Rémi, pas de révélations, pas d‟élévation ni quoi que se soit? -Non, juste des ailes d‟anges, qui vous pourrez utilisez à loisir pour voler, mais c‟est tout, rien de plus, même pas d‟effets secondaires je pense… A ce moment, Marine prit sa décision avant même que la question ne vienne à l‟esprit de ses amis : c‟est elle qui sacrifierait ses ailes. Elle n‟en avait pas besoin pour voler, et elle était prête à tous les sacrifices pour venger Martial. A cette pensée, son regard se dirigea de nouveau vers la grande sphère lumineuse qui devait probablement l‟abriter. Elle savait que c‟était stupide mais elle s‟attendait à tout instant à le voir traverser la surface de la sphère et la prendre dans ses bras. Elle le serrerait si fort… -Et comment fait-on pour les obtenir? demanda Nicolas. A cette question, Joachim sourit. A ce moment, quatre faisceaux d‟une intense lumière percèrent la surface de la Sphère et chacun vint envelopper l‟un des enfants. Ils entrèrent dans une sorte de transe, la tête rejetée en arrière et les yeux devenus blancs n‟exprimaient plus rien, au contraire de leur bouche grande ouverte. C‟est alors que dans leur dos, deux fentes apparurent dans leur vêtement. Et délicatement, deux grandes ailes poussèrent de leur dos pour se déployer dans un geste ample et majestueux. Les étranges faisceaux de lumières disparurent et les enfants reprirent leur esprit, encore étourdis. C‟est alors qu‟ils s‟observèrent les uns les autres, sans prêter attention à l‟expression perplexe de Joachim. Ils essayèrent de battre des ailes et l‟exercice se présenta comme extrêmement facile et chacun se mit à faire des cercles. Nicolas avait de grandes ailes d‟un noir intense semblable à celles des corbeaux. Elles étaient légères mais peu gracieuses et son vol était plutôt lourd. Cosme avait les grandes et puissantes ailes marron et noir des aigles. Son vol 261


était majestueux, stable mais pas toujours rapide, sauf dans les descentes en piqué. Marine avait de sublimes ailes blanches de colombe qu‟elle portait avec grâce dans un vol parfait: elle avait toujours été la meilleure pour voler, aussi bien sur balais, que sur skate, ou même sans rien. Rémi quant à lui avait des grandes ailes de chouette d‟un roux-brun magnifique. Il volait avec rapidité de façon très stable et agressive. Chacun d‟eux était très content de ses ailes, mais Marine parut aux yeux de ses amis mélancoliques. Aucun d‟eux n‟osa cependant lui demander pourquoi. Joachim lui demeurait perplexe : les enfants étaient censés recevoir des ailes d‟anges de base, même les ailes de Marine qui étaient des ailes de colombe étaient beaucoup trop grandes pour être des ailes d‟anges basiques. Joachim ne dit rien et s‟avança vers Marine qui restait à l‟écart des ses amis qui apprenaient à manier leurs ailes. -Il pense à toi, lui dit-il d‟une voix douce. Marine tourna la tête sans vraiment comprendre de quoi parler Joachim, puis, tout en fixant le visage rayonnant de Joachim exprimait une profonde tristesse et un sentiment de forte compassion, les yeux de Marine s‟ouvrirent tout grand, comme si elle venait de comprendre. -Martial… lâcha-t-elle dans un souffle. -Oui, répondit tout aussi doucement Joachim. Il voulait venir vous accueillir, mais il n‟en a pas le pouvoir, seuls les anges peuvent quitter la dimension paradisiaque. -Mais j‟en suis une maintenant, répondit Marine avec force, je peux y entrer! Je vais le voir, et je reviens aussitôt! Il y avait dans la voix de Marine une sorte de supplication, d‟appel à l‟aide. -Je suis désolé, je vous l‟ai dit. Vous possédez des ailes d‟anges mais vous n‟en êtes pas. De plus, une fois que tu auras connu le Paradis, tu ne voudras plus en partir. -Mais… commença Marine les larmes aux yeux. -Qu‟est ce qu‟il y a? demanda Cosme qui venait d‟arriver suivi de peu par Nicolas et Rémi. -Rien, répondit Marine en ravalant un sanglot. Il est temps que l‟on retourne sur Terre arrêter ce monstre. -Mais il y a un problème, lequel d‟entre nous va sacrifier ses ailes? demanda Nicolas. -Moi, dit Marine déterminée, le regard dur. Je n‟en ai pas besoin pour voler après tout. -On ne peut pas te laisser faire ça, intervint Cosme, tu ne le mérite pas, tu as déjà trop souffert à cause de Lui. -Je dois le faire, de plus un sacrifice d‟amour sera d‟autant plus puissant, répondit Marine sans regarder ses amis, de peur de craquer. Je suis déterminée, finissons en! 262


Ses amis étaient désolés pour elle mais ils comprirent que rien de ce qu‟ils diraient ne pourrait la faire changer d‟avis. Nicolas ne paraissait vraiment pas presser de retourner sur Terre et il repartit voler nonchalamment. Cosme se tourna vers Joachim. -Comment on redescend? Cosme eut juste le temps de voir Joachim lui sourire et il sentit un froid intense le mordre. Il avait mal partout, son cerveau était embrumé et il ne savait pas où il était, si ce qu‟il venait de vivre était réel ou non. Ca lui semblait si vague, si loin. Il essaya de remuer la main. Son cerveau lui donnait l‟impression d‟être noyé dans du coton. Il essaya de respirer et toussa à cause de la boue dans laquelle il était tombé. Il sentait tomber sur lui des trombes d‟eau et malgré le froid qu‟elles engendraient, elles permirent à Cosme de reprendre des forces. Sa main se contracta sur de la boue épaisse. Il fit une tentative pour se relever mais son corps était tout endolori. Il abandonna sur l‟instant, essayant de rassembler ses esprits. Où était-il, et pourquoi avait-il si mal. C‟est alors qu‟il entendit quelqu‟un crier un « noooon ! » déchirant, dans des notes aigues que Cosme avait déjà entendues. Asmodée. Cosme retrouva alors le courage de se lever. Il se mit difficilement à quatre pattes et reprit son souffle. Chaque centimètre de son corps lui faisait mal, comme si chacun de ses muscles étaient en proie à de terribles courbatures. Il dégoulinait de boue, et la respiration haletante, il releva doucement la tête et vit un corps inerte, posait au centre d‟un cercle noir. C‟est alors que tout lui revint en mémoires dans un puissant mal de crâne, semblable à des électrochocs. Il vit alors tout les symboles du rituel, les corps de ses amis commençaient à bouger à leur tour, sauf Rémi qui, lui, ne bougeait pas du tout, mais Cosme remarqua qu‟il respirait. Les yeux toujours dans le vague, il se releva doucement dans une grimace de douleur. Un cri retentit à nouveau, suivit d‟un éclair mauve. Cosme fit volte face, et tout en haut, il vit la silhouette d‟Onoximoustros sortir de son champ de vision, s‟avançant vers la provenance des éclairs de couleurs. Cosme était affolé, la seule façon de les rejoindre c‟était de faire le tour et de remonter la pente boueuse. La seule à pouvoir aller les rejoindre en haut assez vite c‟était Marine… à moins que… Cosme fit un effort de mémoire et des bribes de souvenir lui revinrent, d‟un endroit lumineux et… des ailes. Cosme se souvenait avoir reçu des ailes d‟anges et l‟espoir reprit le dessus. Un nouvel éclair de couleur lui attira l‟œil. Il se concentra de toutes ses forces en se demandant comment faire sortir ses ailes. Pendant ce temps ses amis se relevaient petit à petit, apparemment le corps tout aussi douloureux que le sien. Marine était déjà debout et son regard aussi était attiré par les éclairs et les étincelles des sortilèges que lançaient Asmodée. Cosme ferma les yeux et prit une profonde inspiration, il fallait que ses ailes sortent, c‟était une question de vie ou de mort. D‟abord se furent deux bosses grosses comme un point qui déformèrent sans trop de douleur son dos. 263


Puis, c‟est alors qu‟une douleur fulgurante lui transperça les omoplates au l‟endroit où ses ailes déchiraient sa peau pour sortir. Les ailes se déployèrent de toute leur envergure en déchirant les vêtements de Cosme qui se retrouva en jean et la douleur cessa aussitôt car sa chair se cicatrisa, ne laissant pas transparaître de quelle façon les ailes s‟étaient déployées. Cosme se dit qu‟après tout, s‟il devait se déchirer le dos à chaque fois, même si la douleur ne durait pas, il n‟utiliserait pas aussi souvent ses ailes qu‟il l‟avait d‟abord cru. Cosme eut un moment d‟hésitation durant lequel il croisa le regard de Marine qui lui fit un signe de tête pour lui faire comprendre qu‟il devait y aller. Le corps fouetté par la pluie, Cosme battit des ailes. D‟abord se fut un battement lourd, mais enfin ses pieds quittèrent le sol. Cet effort parut aussi beaucoup plus dur à Cosme qu‟il ne l‟avait été dans son souvenir. Cependant il tint bon et s‟envola vers Onoximoustros et Asmodée…

Asmodée était terrifiée, juste devant elle se dressait la grande silhouette d‟Onoximoustros qui ricanait tandis qu‟elle lui lançait tous les sorts qu‟elle connaissait. Elle venait de voir ses amis se faire tuer, et maintenant elle se retrouvait face à Onoximoustros. Elle n‟aurait jamais dû suivre ses amis cette nuit, se disait-elle. C‟est alors qu‟une grande silhouette se découpa dans le ciel juste derrière Onoximoustros qui ne s‟était rendu compte de rien. Asmodée n‟arrivait pas à distinguer nettement qui c‟était, mais de grandes ailes battaient l‟air et lui permettaient de rester en vol stationnaire, et elle su que c‟était un ange venu pour guider son âme son Paradis. L‟ange de la mort probablement. Dans sa main un grand bâton se développa. Asmodée écarquilla les yeux et resta immobile, comme bloquée. Onoximoustros le remarqua et fit volte face. Cosme ne lui laissa pas le temps de réagir et lui lança un violent sortilège de son bâton qui le propulsa tout en bas où il s‟écrasa au milieu de Nicolas, Marine et Rémi qui formaient un cercle, les garçons rendus torse nu par le déploiement respectif de leurs ailes qu‟ils tenaient bien ouvertes pour faire un mur à Onoximoustros. Cosme atterrit entre Rémi et Marine pour compléter le cercle. Marine n‟avait pas déployé ses ailes, et pour cause. Onoximoustros parut déstabiliser et il tourna et retourna la tête dans tout les sens en regardant les quatre anges qui le cernaient. L‟incompréhension la plus totale se devinait dans son attitude. L‟impossible, il ne l‟avait pas prévue. -La résurrection des Elus sous forme d‟anges était impossible! cria-t-il de rage. Ce n‟est pas possible, je vous ai tué! Les enfants restaient stoïques, le visage fermé, à regarder Onoximoustros se débattre dans son propre esprit. Il était tellement paniqué qu‟il n‟attaquait pas les enfants. Marine avança alors d‟un pas et Onoximoustros se figea en face d‟elle et lui fit face, comme pétrifié par la peur. Pour lui, il était face à des anges, des êtres immortels venu sur Terre pour le juger et lutter ne servait plus à rien. Marine resta un moment à le jauger. Les garçons savaient qu‟aucune 264


formule n‟était nécessaire et seule leur présence était suffisante. C‟était entre Marine et Onoximoustros. C‟est alors que Marine se mit à irradier une intense et éclatante lumière. Même Rémi dû plisser les yeux pour continuer à la regarder tellement elle était devenue éblouissante. Les pieds de Marine quittèrent le sol et elle s‟éleva d‟environ un mètre dans les airs. Elle semblait en transe, ses yeux n‟étaient que lumière et pourtant, une larme qu‟aucun des spectateurs présents ne put voir coula sur la joue de Marine et tel un diamant il tomba de son menton. C‟est alors que ses deux ailes de colombe apparurent derrière elle, comme des hologrammes de lumière, sans vraiment être là physiquement. Ils restèrent comme en suspens durant pendant quelques secondes qui parurent passer au ralenti, puis ils explosèrent en étincelles de lumière semblables à des étoiles, et comme des comètes aux queues arc-en-ciel, elles foncèrent sur Onoximoustros qui fut à son tour enveloppé de lumière. Une boule lumineuse se dessina sous son vêtement, révélant un Vénissas qui paraissait se retourner contre lui. Il poussa un terrible hurlement qui dura plusieurs minutes puis il disparut, comme happé. Son cri resta en suspend dans l‟atmosphère humide de la nuit tandis que Marine réatterrissait doucement. Une fois au sol, la lumière disparut et elle tomba à genoux. Les enfants se précipitèrent pour l‟appuyer et l‟aider. La soutenant par les épaules, ils virent l‟immense œuvre d‟Onoximoustros disparaître, absorbée par la boue. Plus de symboles noirs ondulants et malsains, seuls les corps restaient là. Les enfants virent les Vénissas s‟envoler d‟une cachette et disparaître dans le ciel. Alors les ailes des garçons s‟évaporèrent d‟elles même, laissant les enfants seuls et épuisés, Asmodée se précipitant vers eux. *

*

*

Dans l‟ombre, une haute silhouette inquiétante possédant deux cornes de bouc avait tout suivi… Une fois les enfants partis, il avança jusqu‟aux cadavres. Il se dirigea vers celui de M. Humulus et se baissa. Une main se referma sur l‟épaule du cadavre et tous deux disparurent dans un nuage de fumée noire laissant derrière eux une forte odeur de soufre. La fumée qui avait laissé transparaître la silhouette n‟avait été présente que quelques instants mais elle aurait glacé le sang de n‟importe qui : deux yeux rouges cruels brillant dans la fumée au milieu d‟une tête de forme étrange surplombée de deux grosses cornes de bouc. Et la main qui été sortie de la fumée pour happer M. Humulus était couverte d‟une étrange fourrure noire et ses ongles pointus noirs de crasses et éméchés ressemblaient plus à des griffes. Léonard, le démon maître sorcier avait repris son bien.

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XXI Futur incertain

R

Acontez-moi encore une fois, dit M. Benignus assis derrière son bureau en face des cinq enfants qui, une fois de plus, avaient fait une escapade nocturne. Cependant, cette fois cela semblait différent, M. Benignus l‟avait tout de suite devinée en voyant les enfants couverts de boue, balafrés par endroit, l‟air exténué et le teint livide. Il n‟arrivait pas à croire ce qu‟ils lui racontaient : la fin d‟Onoximoustros, les bribes de souvenir d‟un hypothétique passage dans l‟au-delà. Cependant il fallait se rendre à l‟évidence, leur récit correspondait à la tentative de cambriolage au musée et à l‟étrange orage dont toute l‟Atlantide parlait malgré l‟heure avancée de la nuit. Les enfants étaient rentrés dans un état pitoyable et sans la moindre discrétion vingt minutes plus tôt, au beau milieu de la Grande Salle où se trouvait le professeur Mme Arnaud. Celle-ci avait répondu à l‟appel mental d‟un des fantômes du vaisseau, souffrant d‟un manque (les pierres froides du château qui l‟avait vu mourir, loin d‟ici en France) et qui lui procurait en cette fin d‟année un grand malaise. Mme Arnaud avait failli faire une attaque en voyant les enfants apparaître, l‟un à la façon des Elfes, l‟autre sortant de terre porté par du lierre, l‟une à la manière des fées et les derniers à la façon des lutins. Le fantôme disparut aussitôt prévenir M. Benignus croyant que c‟était une attaque. Asmodée s‟occupait de Mme Arnaud qui s‟était évanouie et les enfants s‟affalaient sur les chaises au bord de la perte de conscience, épuisés par leur téléportation qui avait englouti leurs dernières forces. M. Benignus était apparu quelques minutes plus tard dans une robe de chambre de velours rouge, la baguette brandit, avec sur le visage une expression de rage, prêt à défendre son école jusqu‟au bout. Quand il vit les enfants, il sortit de la pièce aussi vite qu‟il en était entré pour dire aux professeurs qu‟il avait convoqué dans le cadre d‟une attaque, que c‟était une fausse alerte et qu‟ils pouvaient tous aller se coucher, que le fantôme s‟était trompé, sans doute à cause du stress. Une fois tous partis, M. Benignus rentra de nouveau dans la Grande Salle et son regard se posa alternativement sur les quatre enfants puis sur Asmodée qui faisait de l‟air à Mme Arnaud qui recouvrait ses esprits. L‟état des enfants parut l‟alerter et il les transporta le plus discrètement possible dans son bureau avec Mme Arnaud, puis il y convoqua Melle Lène qui les rejoignit quelques minutes plus tard. L‟infirmière, qui était drapée dans une tunique bariolée africaine qui accentuait son côté "mama", entra dans le bureau de M. Benignus l‟air pas réveillé avec à la main une trousse de premiers secours

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magique. Sans poser de questions, elle passa d‟un enfant à l‟autre et avec quelques baumes et des passages de baguettes magiques au dessus de leurs plaies ouvertes elle parvint à les fermer, laissant néanmoins de profondes marques. Une fois qu‟elle eut fini elle se tourna vers M. Benignus le visage fermé. -Je ne sais pas ce qui c‟est passé M. Le Directeur mais pour qu‟il y ait de telles blessures ils ont du être exposés à de puissants sortilèges de magie noirs. Ils sont particulièrement résistants mais il n‟est pas garanti que toutes les cicatrices disparaissent. -Merci, répondit M. Benignus en hochant la tête. Melle Lène fit une triste moue et passa devant les enfants sans les regarder, avec un visage de marbre, comme si elle voulait en savoir le moins possible sur ce qui c‟était passé et qu‟elle se refusait de compatir, de peur de se faire submerger par ses sentiments. Elle était sortie en silence. M. Benignus fit apparaître trois polaires pour couvrir les garçons qui, torses nus et mouillés de la tête aux pieds, grelottaient de froid. Marine elle, était étrangement sèche. Il leur avait ensuite demandé de tout lui raconter. Mm Arnaud écoutait à la fois terrifier le récit des enfants et aussi passionné. Durant leur troisième récit, Cosme sentit même Mme Arnaud s‟infiltrer doucement dans son esprit, signe qu‟elle allait mieux. Cosme la laissa faire pour qu‟elle sache qu‟ils ne mentaient pas et il la sentit partir au bout d‟un moment. M. Benignus les avaient encore une fois écoutés avec une grande attention. Il resta alors silencieux pendant plusieurs minutes qui passèrent très lentement tandis que la nuit touchait à sa fin dehors. Dans leur dos Mme Arnaud semblait plongé dans une grande agitation intérieure, comme si elle venait de comprendre différents phénomènes qui s‟étaient déroulés tout au long de l‟année. M. Benignus allait semble-t-il sortir de ses réflexions quand la porte s‟ouvrit et que Ludovic entra comme une furie dans le bureau. Mme Arnaud sursauta en poussant un petit cri d‟animal effrayé. M. Benignus se leva pour aller l‟accueillir comme s‟il avait frappé à la porte le plus naturellement du monde. -Mon chère Ludovic, mon espion préféré, dit M. Benignus en le saluant d‟une tape sur l‟épaule qui se voulait rassurante vu dans quel état de panique il semblait se trouver. Son regard balaya les enfants sans parvenir à se fixer. -Que c‟est il passé? demanda-t-il d‟un ton brusque. Le Grand Maître serait mort et il aurait entraîné les Elus aussi dans la mort. Mais vous êtes là, pas sains et sauf, mais bien là, s‟empressa-t-il de rajouter. Ca veut dire que Lui aussi est vivant ? Vous pouvez me dire la vérité vous savez ! Ses nombreux mois en infiltration l‟avaient rendu maigre, à la musculature saillante, à l‟aspect malade et son attitude était très nerveuse, comme chez les gens tout le temps sur leur garde ou en fuite. Ses cheveux étaient sales et son teint était cireux, ses yeux étaient profondément enfoncés dans leur orbite et ses joues étaient particulièrement creuses. 267


-Ne vous inquiétez pas mon ami, votre venue a fini de me convaincre, répondit M. Benignus rassurant. Onoximoustros a bien été éliminé. Asseyez-vous les enfants vont vous raconter… C‟est ainsi que les enfants reprirent leur discours avec Mme Arnaud qui trépignait derrière eux, M. Benignus plongeait en pleine réflexion, et Ludovic qui les fixait et buvait la moindre de leur parole. La pièce était maintenant baignée d‟une lumière rougeâtre qui venait du soleil qui se levait derrière les grandes vitres du bureau. Déjà on pouvait entendre les petits migs travailler dans les couloirs à préparer le réveil des élèves insouciants qui ne savait rien des terribles événements de la nuit… Tou, tou, tou! Trille! « Bonjour tout le monde, ici le directeur. Je vous annonce que le retour à Ultimécia n‟est plus imminent. Le vaisseau partira finalement pour la France dans deux jours. Tous les cours sont annulés et profitez de ses deux jours pour préparer votre départ et dire adieux à ce merveilleux contient !» Tou, tou, tou ! Trille ! Une fois que M. Benignus eut fini son annonce il congédia les enfants qui avaient bien l‟intention de passer les quelques jours de vacances à dormir et à éviter tout contact avec le monde extérieur. Ils ne se firens donc pas prier pour rejoindre leur Gallice. *

*

*

Les enfants dormirent un jour et demi et se réveillèrent en pleine forme, soufrant juste de violentes courbatures ici et là, avec quelques cicatrices fines qui disparaîtraient avec le temps pour la plupart. Cosme se réveillait lentement et s‟étirait tranquillement quand un grand bruit retentit dans la chambre d‟à côté, celle de Nicolas. Cosme se précipita comme Rémi, Marine et Asmodée qui était aussi en train de se lever. Ils ouvrirent la porte à la volée, baguette à la main. Mais ce qu‟ils virent les laissa sans voix: Nicolas torse nu, debout au milieu de sa chambre, était enseveli sous un tas de vêtements, ses grandes ailes noires déployées. -Qu‟est ce que tu as fais? demanda Rémi qui se retenait de rire. -J‟ai voulu voir mes ailes et… sans faire exprès elles ont percuté mon étagère, répondit il d‟un aire navré. Les enfants éclatèrent de rire et d‟un coup de baguette ils réparèrent l‟armoire et y rangèrent les vêtements de Nicolas. -Ce n‟est pas drôle, dit ce dernier qui riait aussi en se frottant l‟aile gauche, je me suis fait mal en me cognant ! Nicolas avait été le plus rapide à cicatriser grâce à son pouvoir de régénération et il n‟avait plus aucune marque visible des sortilèges d‟Onoximoustros. Les enfants sortirent toujours hilares de la chambre et chacun retourna à ce qu‟il faisait. Cosme se précipita dans la salle de bain avant Marine 268


et s‟enferma à clef aussi vite qu‟il put s‟en prêter attention à ses protestations. Dès qu‟il se retrouva devant le miroir il put voir sur son torse une mince cicatrice d‟une vingtaine de centimètres sur le flanc droit. Cosme y passa le doigt étonné, sans arriver à se souvenir à quel moment un sortilège l‟avait frappé à cette endroit mais se souvenant parfaitement de la douleur qui en avait résulté. Il regarda son reflet dans le miroir quelques instants immobile en promenant son regard sur son torse puis en fixant son visage. Il semblait bien plus vieux qu‟au début d‟année, les mois écoulés avait durci ses traits d‟enfant remarqua-t-il. Ils commençaient à s‟habituer à ses yeux bleus et se dit qu‟il devrait bientôt expliquer à sa famille qu‟il s‟agissait de lentilles de couleur. Il poussa un soupir et d‟un geste négligé sans même le regarder, il ouvrit le robinet d‟eau de la baignoire tout en fermant la bonde. Il enleva son short qui lui servait de pyjama et entra dans l‟eau tiède. Rémi et Nicolas aidaient Marine à convaincre Asmodée de ne pas tester ses sorts sur un pauvre mig qui passait quand la porte de la Gallice s‟ouvrit et que Ludovic entra. Il faisait toujours peine à voir mais maintenant son visage irradiait de bonheur et on pouvait lire l‟allégresse dans ses yeux. Les enfants furent surpris quand ils remarquèrent qu‟il avait à la main six verres et une bouteille de champagne. -Je viens fêter ça! dit-il. J‟ai su que vous étiez réveillé, Grégoire la sentit ou un truc du genre, ils sont tous là-haut plongés dans des conversations sans fin. Alors, depuis votre retour j‟attends ça : personne veut le fêter ou alors personne n‟en à le temps! ajouta-t-il en déposant les verres sur la table sans demander aux enfants qui n‟avaient même pas eut le temps de faire leur toilette leur avis. Il déboucha la bouteille et en remplit les verres. Les enfants s‟assirent bien volontiers autour de la table et commencèrent à discuter. Le soleil brillait déjà haut dans le ciel, il devait être midi passé et le vaisseau repartait le soir même pour la France. Alors qu‟ils allaient de nouveau raconter à Ludovic comment tout s‟était passé, Rémi demanda à Asmodée comment tout s‟était passé pour elle. Son histoire fut ponctuée d‟éclat de rire tandis que d‟une main discrète, Rémi attrapa la sienne, se remémorant la soirée à Carmone, la ville cascade. Après deux bonnes heures, Ludovic prit congé et laissa les enfants qui voulaient profiter une dernière fois de l‟Atlantide, car ils savaient qu‟ils ne pourraient pas y revenir avant longtemps. Nicolas décida donc d‟aller sortir Cosme. Il n‟avait pas participé à leur festivité. D‟un sortilège il déverrouilla la porte et entra. L‟avantage des bains c‟est que ça n‟inonde pas de vapeur toute la pièce. Il s‟approcha de la baignoire qu‟il trouva vide, seulement remplie d‟une eau encore chaude. Cosme devait s‟être dissous dans l‟eau pour mieux décompresser. Nicolas se mit donc à brasser l‟eau du bain énergiquement, espérant lui secouer les tripes et le réveiller car il devait sûrement dormir.

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Cosme regardait au-dessus de sa tête toujours aussi fasciné. Depuis qu‟il avait découvert ce lieu, il était toujours émerveillé. Il se trouvait dans une immense mer qui semblait ne pas avoir de fin. De part et d‟autre, aussi bien sur les côté qu‟au dessous de lui, une mer sombre s‟étendait dans toute les directions à l‟infini. Seule au dessus se trouver une sorte de croûte noire qui fermait cette mer telle une banquise. C‟est sur cette croûte que luisait une myriade de lumières étincelantes comme des étoiles de taille variable de lumière bleue. Parfois c‟était de longes traîné qui zébraient la paroi, d‟autre fois c‟était d‟étranges taches rectangulaires de différentes tailles mais toujours du même bleu lumineux qui illuminer cette étrange mer. A certains endroits cette voûte était parsemée par des étincelles. Cosme avait fini par comprendre qu‟il s‟agissait du sol et que tout ce qu‟il voyait était chaque goutte d‟eau, chaque flaque, chaque piscine et chaque lac qui se trouver sur la surface, comme si chacune d‟elle donnait accès à cette mer souterraine qui parcourait toute la planète. Ce que préférait Cosme, c‟était d‟aller nager vers la Mer Intérieure non loin de là. Il n‟y avait aucune barrière visible entre la Mer et l‟eau froide et silencieuse dans laquelle il nageait, l‟eau prenait juste des couleurs azurs et regorgeait de poissons de toutes sortes. Cosme passa de l‟une des eaux à l‟autre et regarda derrière lui. Il n‟y vit plus l‟infinie mer mais juste la rocaille et les coquillages qui formait la paroi de la mer. Cosme comprenait pourquoi les deux eaux ne se mélangeaient pas, en réalité il y avait de la roche là où s‟étendait auparavant la mer sans fin. Cette étrange mer devait se trouver déphasée par rapport à la mer normale. Cosme nagea quelques instants parmi les poissons et l‟eau clair de la Mer Intérieurs puis fonça vers la paroi rocheuse qu‟il traversa sans difficulté et se retrouva de nouveau dans l‟immensité froide et immobile de la mer souterraine. Le soudain silence, la fraîcheur et l‟obscurité le surprirent. Le silence était tel qu‟il en fut assourdi et il lui fallut quelques instants pour la supporter de nouveau. Il ne s‟éloignait jamais trop de la croûte noire qui se trouvait au dessus de sa tête de peur de se perdre, mais il en était désormais sûr : s‟il partait tout en bas, en perpendiculaire de la croûte il arriverait de l‟autre côté du monde. D‟ici il pouvait aller partout et surgir d‟une flaque d‟eau n‟importe où dans le monde en quelques minutes car une fois dissous dans l‟eau il pouvait se déplacer à une rapidité invraisemblable. Il voulait parcourir le plus vite possible la croûte mais il avait peur de ne jamais retrouver l‟endroit d‟où il était parti tant tout était semblable d‟ici. Même les fleuves et les rivières étaient tous identiques de là. Cosme vérifiait justement l‟emplacement de sa baignoire quand il vit une main qui semblait venir de nulle part brasser l‟eau claire de son bain. Il fonça vers elle.

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Nicolas sursauta quand Cosme surgit brutalement de son bain en passant au travers du fond de celle-ci comme un fantôme. Il recula d‟un pas contemplant ses vêtements trempés. -Merci, merci beaucoup. D‟habitude quand tu te reformes tu fais à peine quelques remous, c‟était quoi çà ? -J‟étais parti en fait et c‟est en… -Je ne veux pas le savoir en fait, l‟interrompit Nicolas. Maintenant tu sors de l‟eau et tu laisses la place aux autres. Une fois qu‟on aura tous fait notre toilette on sortira pour profiter de notre dernière journée ici. -… -Et tu as loupé Ludovic, il nous a apporté une bouteille c‟était sympa. -… -Bon tu sors oui ou non ! -En faite ça fait dix minutes que j‟attends que tu partes pour sortir de l‟eau. -Ah oui pardon, dit Nicolas en sortant, si je te dérange tu le dis! ajouta-t-il en fermant la porte l‟air agacé. -Oui tu me déranges! cria Cosme, amusé, pour se faire entendre. Puis il sortit de l‟eau, se sécha rapidement, enfila son short et laissa enfin la place. Une demi-heure plus tard, tout le monde était prêt et ils se préparaient à sortir. A ce moment Gustave passa négligemment à travers le mur et entra. Les enfants sursautèrent légèrement en le voyant ce qui leur valut un mauvais coup d‟œil. A cet instant ils eurent une idée: ils devaient mettre les choses au clair avec le mauvais Gustave. -Pourquoi tu entres toujours comme ça sans frapper? s‟emporta Rémi. -Oui tu es très énervant et en plus tu sers à rien, je me demande pourquoi M. Benignus te garde, à sa place ça ferait longtemps que je me serais débarrassé de toi ! -Quoi ?? commençait à s‟énerver Gustave. -Tu es vraiment la honte des fantômes, toute l‟école le dit. -Et puis tu as vu comment tu es ? Moi à ta place j‟aurais honte… -On ne veut même plus te parler, va t‟en ! -Mais… !! -Oui et la première année où on était là, si tu avais bien fais ton travail de gardien et que tu n‟avais laissé entrer personne dans l‟aile Ouest d‟Ultimécia comme M. Benignus te l‟avais demandé, jamais personne n‟aurait rouvert l‟Envers et Onoximoustros serait encore prisonnier et bien des gens seraient encore vivant ! -C‟en est trop ! hurla Gustave hors de lui. C‟était suffisant. Gustave, qui avait d‟habitude la voix douce et grave, l‟allure noble du gentleman du XVIIIème siècle avec sa petite queue de cheval, commençait sa transformation en esprit frappeur. Une énorme veine venait d‟apparaître sur son front. Des veines dans ses yeux éclatèrent lui rendant les 271


yeux argentés étant donné qu‟il n‟avait plus sang. Ses yeux sortirent de leurs orbites et il se mit à baver comme s‟il avait la rage. Les enfants avaient déjà assisté de nombreuses fois à cette transformation mais c‟était chaque fois aussi impressionnant. Gustave-l‟esprit-frappeur commença par s‟étirer largement avant de ricaner. -Merci mes braves, dit-il moqueur. Il se précipita sur le premier objet qu‟il vit et le lança de toutes ses forces sur les enfants. Dans un réflexe Rémi bloqua l‟objet qui resta en suspend dans l‟air. -Tu as fait des progrès, remarquas Gustave cynique. La dernière fois, tu m‟avais bloqué aussi. Maintenant tu arrives à ne pas bloquer toute une pièce mais seulement ce que tu veux. Bravo ! Et tandis que Gustave applaudissait de façon grotesque avec une expression qui se voulait sérieuse Cosme attira l‟objet à lui et le reposa. Nicolas reprit : -Alors dis-nous Gustave, maintenant que Onoximoustros est mort et que son espion est porté disparu tu comptes faire quoi ? Le fantôme parut pris au dépourvu par le fait que les enfants sachant son rôle d‟informateur mais il tenta de ne pas le montrer. Malheureusement pour lui il était piètre acteur. -Je ne sais pas de quoi vous parlez, répondit il d‟un air hautain qu‟il voulait dégagé. Vous me dites qu‟Onoximoustros est mort ? J‟en suis fort aise, s‟il était revenu au pouvoir il y aurait eu beaucoup de trop de concurrence avec tout les morts mécontents qu‟il aurait provoqué. Les enfants virent à ses mots passer un éclair dans ses yeux, comme si au contraire cette idée le réjouissait au plus haut point. -Nous savons très bien que tu es tout a fait conscient de ce qui se passe quand tu es en bon Gustave, intervint Marine. A ces mots Gustave changea d‟attitude et ce fit encore plus menaçant qu‟habituellement, comme si soudain il développait son aura le plus possible, une aura noire et mauvaise où la bonté de l‟autre Gustave transparaissait à peine. -Vous croyez avoir tout compris n‟est ce pas ? Vous vous croyez puissants mais vous n‟êtes que des pantins manipulés depuis le début. Cet abruti de Humulus n‟était là que pour vous distraire, ce n‟était pas lui mon contact, pour vous dire a quel point il était ridicule, c‟était moi son supérieur. Et je vous signale que votre précieux Livre de l‟Étoile n‟était pas avec Onoximoustros et qu‟il avait mis en place tout un réseau souterrain et que même si avec sa mort celui-ci s‟est quelque peu effrité, il a encore beaucoup de lieutenants qui vont se battre pour sa place et votre précieux Grimoire est aux mains de l‟un d‟eux. Evidement aucun d‟eux n‟arrive ne serait-ce qu‟à la cheville de Notre Seigneur à Tous, mais quelqu‟un viendra le remplacer, et ce jour là, vous pleurerez. Gustave éclata d‟un rire sadique à glacer le sang et disparut par le plafond, son ricanement résonnant encore longtemps dans l‟air. Les enfants eux ne 272


disaient plus rien. Aucun d‟eux n‟osa intervenir sur ce que venait de leur dire Gustave et d‟un accord tacite ils firent mine de rien avoir entendu, ne voulant gâcher leur dernier jour atlante sous aucun prétexte. Même la menace d‟un futur, où ils sauraient encore à combattre un être malfaisant, certes moins puissant qu‟Onoximoustros, ne les assombrit pas. Un dernier soupir balaya l‟ombre et aucun ne laissa transparaître son inquiétude. Finalement ils se dirigèrent vers la Grande Porte le pas léger. Au détour d‟un couloir ils tombèrent sur M. Benignus, apparemment agacé, qui était suivi par Mme Contortine. -Vous ne vous rendez pas compte, disait-elle, nous avons pris un retard considérable par rapport au programme. Je dirais même qu‟au niveau des études les élèves viennent de perdre une année ! -Ma chère, vous faîtes pour cette école un travaille fabuleux et sans vous comme directrice adjointe je ne sais pas où j‟en serais, je vous remercie de tout cœur. -Mais… commençait à protester Mme Contortine qui avait pris une teinte rosée. -Tiens, les enfants ! s‟exclama M. Benignus en les voyant. Comment allezvous ? Tout va pour le mieux de notre côté à par quelques problèmes administratif… -Monsieur, je ne pense pas qu‟il soit bien venu de parler de cela avec des élèves, intervint Mme Contortine. -C‟est exact, je m‟excuse, reprit M. Benignus. Bon je vous laisse j‟ai à faire. Et sur ceux M. Benignus faussa compagnie à Mme Contortine et aux enfants, apparemment soulagé. Mme Contortine soupira et partit vers son bureau. Les enfants échangèrent des sourires et reprirent leur chemin en discutant et en rigolant. Cela faisait longtemps qu‟ils ne s‟étaient pas sentis aussi libres et heureux et c‟est pour ça que leur dernière journée passa très vite, partagée entre éclats de rire et farces en tout genre. De plus Janis était venue les rejoindre assez vite car elle avait appris ce qui c‟était passé par son père. Elle était encore plus belle qu‟auparavant avec ses vêtements elfiques d‟une grande beauté et ses bijoux ciselés, comme un magnifique collier qui entourait son cou ou les quelques bagues qu‟elle portait, dont une articulée qui lui prenait tout un doigt, révélant tout le talent des elfes. Les trois filles firent une coalition contre les garçons qui finirent en être du petit peuple au milieu de nouveaux éclats de rire des deux côtés car les garçons maîtrisaient maintenant leurs pouvoirs quand ils étaient sous cette forme. Finalement la journée puis la soirée se finit et ils sortirent d‟un bar aux alentours de minuit pour se rendre au Palais royal où devait se tenir à minuit la cérémonie d‟adieu du lycée au roi atlante. Les enfants ne voulaient le manquer pour rien au monde car cela devait se finir par une grande fête au palais qui durerait jusqu‟au petit matin, après laquelle ils repartiraient vers la France dans l‟heure. La cérémonie que se déroulait dans une vaste cour intérieure du palais était pompeuse à souhait et devait durer une heure. M. Benignus et le roi, tout les deux en costume d‟apparat pour l‟occasion, donnaient des discours. C‟est alors qu‟un épais brouillard se leva sur le palais tout entier. Un brouillard dense 273


et inquiétant qui s‟infiltrait partout. Toute l‟assemblée avait senti ce changement de température soudain, l‟ambiance devint glaciale, le silence soudain et les tours du palais perdues dans les brumes. Personne ne savait ce qui se passait sauf les enfants et Asmodée qui furent parcourus d‟un frisson. -Je croyais qu‟ils ne pouvaient pas quitter les brumes de leur ville, souffla Marine. -Que se passe-t-il, demanda Janis à voix basse. -Tu étais encore avec nous, souviens toi de cette fois où on vous a raconté notre aventure dans des ruines fantômes… chuchota Cosme. Cette phrase suffit à faire pâlir Janis qui se redressa, se souvenant apparemment très bien de leur histoire. Les enfants jetèrent un coup d‟œil à M. Benignus qui se trouvait sur l‟estrade puis à Grégoire, Mme Lapislazulis et à Berwën‟Al Felgund qui représentait les elfes. Tout les trois étaient assis derrière, parmi les invités. Il paraissait clair qu‟ils n‟avaient pas fait le lien et sans les enfants pour le leur rappeler cela n‟arriverait pas tout seul. Aucun d‟eux ne leur jeta un regard comme si l‟idée que les élus puissent être impliqués dans se changement de temps n‟était pas évidente. C‟est alors qu‟un peu partout dans la brume des silhouettes apparurent, d‟abord une par une, puis tout le palais fut investi. Les étranges spectres laiteux se trouvaient debout sur les toits, sur les tours, sur les balcons, parmi la foule affolée qui se tassait pour être le moins proche possible de ces êtres pâles dont on ne pouvait dire s‟ils étaient vivants ou morts. Ils regardaient tous les gens avec curiosité mais leur visage restait inexpressif, sans vie. Les enfants se tassaient eux aussi parmi les autres élèves et les invitées pour ne pas se faire remarquer des âmes en peines qu‟ils avaient connus beaucoup moins passives et inexpressives. Ce qui était étonnant c‟est que personne n‟essayaient de fuir ou de lançait des attaques contre eux, tout le monde était apeuré mais étonnamment calme. Soudain tous les êtres tournèrent leur regard vers un des toits et tout le monde les imita se demandant ce qui pouvait bien se passer. Sur le toit une nouvelle silhouette se dessina et sortit de la brume: une femme svelte et élancée habillée d‟une longue robe bleu nuit, un visage d‟une extrême pâleur qui reflétait un terrible tristesse, des cheveux longs noirs tombant sans forme et sans le moindre volume sur ses épaules et ses reins, les yeux d‟un noir profond que tout le monde pouvait distinguer clairement même à l‟autre bout de la grande cour intérieure où se déroulait la cérémonie. Celle-ci ne prêta aucune attention à l‟assemblée et son regard se planta directement sur les enfants qui pourtant se cachaient du mieux qu‟ils pouvaient. Sa voix était la même que dans leur souvenir, à la fois dure et posée mais d‟une grande noblesse. -Nous vous avions prévenus, dit-elle, il ne fallait pas détruire Onoximoustros. Sa mort est une catastrophe pour cette terre et toutes les personnes vivantes dans cette époque doivent maintenant se préparer au pire.

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Tout le monde l‟écoutait religieusement et ses paroles eurent pour effet de plonger l‟assemblée dans un profond malaise et tous furent parcourus d‟un frisson qui leur glaça le sang. -Désormais votre monde est en danger et en n‟écoutant pas nos conseils, vous venez de placer une épée de Damoclès au dessus de la tête de la planète toute entière. Préparez vous à de terribles batailles et à ne nombreuses pertes. Je vous le prédits, les années à venir seront meurtrières et le sang coulera de nouveau à flot. Vous venez, élus, de signer la mort de milliards d‟innocents par votre inconscience. Je vous le prédits, un sort terrible vous attends ! Et sur cette terrible prédiction qui résonna quelques instants, les silhouettes disparurent dans la brume qui se dissipa à son tour en peu de temps. Les bruits nocturnes se firent de nouveau entendre et la fraîche nuit d‟été reprit ses droits sur le palais. Personne ne bougea, personne ne dit rien, paralysé par ce dont ils venaient d‟être témoin. C‟est alors que le roi réagit enfin après plusieurs minutes de flottement. Il s‟avança du micro magique qu‟il tapota légèrement pour attirer l‟attention. -Chers concitoyens, chers amis. Ce que nous venons de voir ne doit vous inquiéter en rien et nous devons seulement en retenir qu‟Onoximoustros est mort. Maintenant mes amis, que la fête commence ! A ses mots une musique entraînante retentit et un buffet avec des serveurs apparut couvert de boissons et de nourritures en tout genre. Cependant personne ne semblait avoir la tête à faire la fête quand soudain, quelque part un éclat de rire retentit. Ce fut comme si cet éclat de rire avait brisé la glace et petit à petit les conversations reprirent, puis s‟animèrent, et s‟enflammèrent. Une piste de danse s‟improvisa et au bout d‟une quinzaine de minutes la fête battait son plein. Les enfants étaient étonnés que l‟ambiance soit revenue si vite et jetèrent un coup d‟œil en direction des professeurs. Ils découvrirent pourquoi tout le monde était de bonne humeur: chacun des professeurs et des éminents invités lançaient des sorts de bonne humeur et tous les magiciens s‟étaient mis à irradier d‟ondes positives la foule. Les enfants qui devaient être moins perméables que les autres à ces ondes en sentirent les effets un peu plus tard. Ils se mirent à leur tour presque instinctivement à irradier d‟ondes positives. Ce fut finalement la meilleure fête de toute l‟année et elle dura jusqu‟au petit matin sans nouveaux incidents dans une ambiance qui ne redescendait pas. Tous les enfants durent à contre cœur regagner le vaisseau pour le retour en France et la séparation avec Janis fut déchirante, arrachant même quelques larmes aux plus sensibles. Elle promit de les voir souvent, et les enfants menacèrent de venir eux même maintenant qu‟ils pouvaient tous se téléporter tous seuls. Durant toute la journée les élèves dormirent exténués pour se réveiller vers neuve heures du soir, sortis de leur sommeil par la faim. Petit à petit le vaisseau se réveilla et déjà il volait au dessus de l‟océan et aucune terre n‟était en vue, les plus jeunes étaient déjà nostalgiques et les plus vieux avaient trop mal au crâne pour l‟être à cause des cocktails atlantes servis durant la fête. Les 275


enfants qui avaient droit à l‟alcool pour la première année avaient un mal de crâne terrible. Tous les élèves se dirigèrent instinctivement vers la Grande Salle où les attendait un repas. Déjà les meilleurs élèves en potion revendaient des élixirs plus ou moins efficaces contre la gueule de bois. Le repas se passa dans le silence car on avait fait comprendre aux élèves de premières années qu‟il en allait de leur avenir de ne pas parler trop fort. Le repas se finit et la plupart des élèves allaient mieux grâce à la nourriture que M. Benignus avait lui-même largement badigeonnait d‟élixir. -Cyril n‟est pas là ? demanda Nicolas durant le repas. -Non d‟après ce que j‟ai entendu dire il ne supporte pas l‟alcool et il aurait passé sa journée à vomir dans les toilettes du vaisseau, répondit Marine. Les idées jaillirent et l‟imagination des enfants s‟enflamma en évoquant Cyril dans tout un tas de postures et de situations. Les enfants éclatèrent de rire ce qui leur valut un regard noir de la part des élèves pas encore remis. Les rires s‟essoufflèrent et le silence s‟installa de nouveau. Ils savaient pertinemment qu‟il faudrait à un moment ou à un autre qu‟ils parlent de la journée d‟hier, de ce que leur avait dit Gustave puis de la prédiction de la Dame des Brumes comme ils l‟avaient surnommée. Ce fut finalement Asmodée qui creva l‟abcès : -Vous croyez que Gustave bluffait? demanda-t-elle soudain. -Je ne sais pas, répondit Cosme qui était redevenu sérieux. J‟espère pas en tout cas. -Ca serait étonnant ceci dit, pourquoi il dirait quelque chose comme ça si c‟était faux? s‟interrogea Rémi. -Pour nous faire peur, répondit Marine. Après tout, s‟il ment c‟était la seule façon qui lui restait pour avoir une influence sur nous. Une sorte de réflexe pour ne pas s‟avouer vaincu. -Oui mais s‟il dit la vérité c‟est un problème, renchérit Nicolas. Et encore s‟il n‟y avait que ça ce serait pas trop gênant, mais la "prédiction" de la Dame… -Oui c‟est limite si elle ne nous a pas maudis! intervint Cosme. -J‟en ai froid dans le dos, dit Asmodée, j‟entends encore ses paroles… -Et elle, nous pouvons êtres sûrs qu‟elle ne bluffe pas, soupira Rémi. A se moment M. Benignus se leva et le silence se fit presque immédiatement dans la Grande Salle. -Mes élèves, je sais que tout le monde est très perturbé par ce qui s‟est passé durant la fête de fin d‟année au Palais Royal. Cependant il ne faut pas paniquer. Il est vrai que ces étranges fantômes ont sûrement dit la vérité… A ces mots un murmure de peur s‟éleva dans la salle auquel M. Benignus mit fin d‟un geste. - Ecoutez-moi, ces gens sont morts dans d‟atroces douleurs, il y a extrêmement longtemps et ils ont exagéré. Cependant je vous recommande d‟être prudent malgré tout, mais je pense qu‟il n‟y a pas de quoi s‟en faire. Et maintenant la nuit tombe et je pense que vous n‟avez pas sommeil. Ceci dit ne veillez pas trop

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tard, il faut que vous repreniez un rythme de sommeil normal. Et maintenant, rompez ! Le bruit des chaises raclant le sol remplit bientôt la salle et les élèves se dispersèrent. Certains partir pour le cinéma, d‟autre pour barboter dans la piscine olympique, ou encore d‟autres activités quelconque. Les enfants se dirigeaient vers la porte quand Gustave les interpella et leur demanda poliment d‟aller attendre M. Benignus dans son bureau. Comme à son habitude le bon Gustave ne se souvenait jamais de ses phases esprit frappeur et il ne se souvenait jamais non plus de ce qu‟on lui disait pour le mettre dans cet état. Les enfants partir donc encore une fois pour le bureau de M. Benignus où ils y retrouvèrent Grégoire et Mme Lapislazuli en train de se disputer comme à leur habitude. Quand les enfants entrèrent ils se turent et leur visage devint grave. Ils regardèrent les enfants s‟asseoir sans rien dire et restèrent debout de chaque côté du bureau de M. Benignus. Un silence pesant s‟installa jusqu'à ce que M. Benignus entre enfin. Il avait la mine réjouit de quelqu‟un à qui tout réussi. Il parut étonné par ce silence mais alla d‟une grande enjambée à son bureau où il s‟assit en chantonnant. Il rangea quelques feuilles distraitement et finalement il regarda les enfants. -Je vous avoue que j‟ai plutôt été pris au dépourvu quand le brouillard c‟est levé et que tout ses… ses quoi au fait? Ce ne sont ni des fantômes, ni des spectres ni des esprits si je ne me trompe pas. -Je dirais que ce sont juste des âmes en peine, des âmes errantes peut être, dit Mme Lapislazuli. -Non les âmes errantes errent dans les limbes voyons, intervint Grégoire. -Bref, reprit M. Benignus qui ne voulait pas qu‟ils recommencent leurs disputes stériles. Je ne savais pas ce que c‟était jusqu‟à ce qu‟elle parle de votre "erreur" puis ça m‟est revenu à l‟esprit. Je dois avouer que je suis content de ne pas m‟être perdu dans ces ruines, rien que là ils m‟ont donné la chair de poule! Quoi qu‟il en soit je veux que vous sachiez que tout est pour le mieux et qu‟il ne faut pas vous en faire. Les enfants virent à cet instant leurs deux professeurs se jeter un regard plus que révélateur. -Il y aura sûrement plusieurs siècles de félicité avant que quelqu‟un ou quelque chose reviennent et on ne sera plus là depuis longtemps, dit M. Benignus en souriant. -Je ne trouve pas ça très rassurant, répondit Nicolas. -Je me sens quand même coupable, dit Marine. Tout ces gens qui mourront à cause de nous dans le futur… -Oui mais si nous n‟avions rien fait il n‟y aurait plus eu personne à tuer dans le futur, dit Cosme. Ce n‟est pas comme si nous avions eu le choix… -Cosme a raison, vous n‟aviez aucun autre choix à votre disposition, reprit M. Benignus, et d‟ailleurs le retour en France marque la fin d‟une époque. Nous arriverons dans quelques jours, et sous l‟insistance et les constants efforts de 277


Minaella les cours vont reprendre dès demain et ce jusqu'à la fin de l‟année, c'est-à-dire une semaine après notre arrivée. Je ne sais vraiment pas comment annoncer aux élèves qu‟ils doivent reprendre les cours demain, soupira M. Benignus pour lui-même. Bon allez maintenant tout le monde dehors ! Oui même vous, ajouta-t-il à l‟égard de Mme Lapislazuli et de Grégoire.

Et effectivement, dès le lendemain, à huit heures et quart la sonnerie retentit dans les couloirs. Les élèves bougonnèrent et regagnèrent tant bien que mal leur classe dans un état guère reluisant. Même parmi les professeurs on pouvait sentir qu‟ils auraient eux aussi voulu profiter d‟un jour de repos supplémentaire, sauf Mme Contortine qui rayonnait de bonheur en enseignant de nouveau de façon régulière. Les enfants essayèrent de suivre tant bien que mal les cours de la journée et allèrent s‟écrouler dans leur Gallice juste après déjeuner. Il leur fallut deux jours pour reprendre un rythme normal d‟étude et durant la nuit de ce jour-là, le vaisseau se stabilisa au dessus d‟Ultimécia, l‟antique château. Le matin servit au grand déménagement .Chacun rangea sa Gallice et fit ses bagages la mort dans l‟âme : c‟était bien la fin d‟une époque et tout le monde le ressentait dans le vaisseau. Marine en rangeant eut la surprise de retrouver les billes-éléments que leur avait confiées le Petit Peuple. Elle les rangea précieusement dans son coffre à bijoux. Finalement la longue file d‟élèves descendit par le Portail Magique et se répondit dans le parc qui s‟étendait devant le château, magnifiquement entretenu durant l‟année par le garde chasse d‟Ultimécia. La vision du château redonna du baume au cœur aux enfants qui adoraient ce gigantesque château, ses secrets et ses mystères encore à percer, ses épais murs de pierre, ses passages secrets, ses magnifiques tentures et ses quelques vitraux. Ce qui frappa le plus les enfants se fut la température. Eux qui avaient passé toute l‟année sur un continent où les seules saisons étaient le printemps et l‟été, les températures encore fraîches de vieux continent en ce début de printemps les fit frissonner. Petit à petit les élèves regagnèrent l‟intérieur du château qui sembla se réveiller de sa torpeur. Les enfants retrouvèrent bien vite leurs habitudes et la semaine se passa admirablement bien, surtout grâce à l‟absence des cours que tenait M.Humulus et à la bonne humeur générale. Néanmoins un coup de cafard général planait parfois dans l‟air, et chacun y mettait du sien pour ne pas y sombrer. Un après midi, alors que les enfants profitaient d‟une demi-journée libre consacrée normalement à des recherches documentaires et autre travaux en autonomie, Nicolas fit irruption dans une salle vide qu‟ils avaient repérée. Les enfants ne supportaient pas la bibliothèque, trop silencieuse, ni les salles communes où il leur était impossible de parler librement de leurs pouvoirs. Cosme, Marine, Asmodée et Rémi étaient donc dans une salle de cour qui n‟était pas utilisée, quand Nicolas entra brusquement : 278


-Hé ! Vous ne devinerez jamais ce que j‟arrive à faire ! s‟exclama-t-il. Remontant la manche de son t-shirt sur son épaule, puis, en montrant son bras à ses amis, il sera le point. -Tu sais, si tu veux nous montrer tes muscles il faut plus plier le bras, là il est encore trop tendu, fit remarquer Cosme tendis que les autres étaient hilares. -Ce n‟est pas ça ! Regardez ! Les rires cessèrent, et Rémi s‟approcha de Nicolas en fixant son avant bras. -C‟est bizarre, dit-il, on dirait que ta peau a changé de texture. -Oui c‟est vrai, dit à son tour Asmodée, on dirait qu‟elle est plus… granuleuse. -De quoi vous parlez ? demanda Cosme qui était resté à sa place, un sourire au coin des lèvres et les sourcils légèrement froncés. -Sa peau ! s‟éclaffa Rémi, elle s‟est changé en pierre ! Rémi frappait maintenant allègrement sur l‟avant-bras de Nicolas qui semblait ne rien sentir. -Et puis j‟ai remarqué que j‟ai pris au niveau des épaules. J‟ai l‟impression que ma cage thoracique a doublé de volume ! Et j‟ai du mal à fermer mes pantalons maintenant ! -C‟est vrai que tu es plus trapu qu‟avant… remarqua Marine. C‟est bien, toi qui étais tout en longueur, ça te va bien ! -Enfin je suis quand même dégouté, j‟ai beau devenir mastoc et pouvoir développer une puissance incroyable… enfin j‟ai beau être plus fort que Cosme… enfin je n‟ai pas de muscles bien dessiné moi ! -Ho mais tu sais c‟est un travail de longue haleine ! répondit Cosme en bombant le torse. C‟est beaucoup d‟exercices et une pratique assidue des arts martiaux ! -C‟est surtout un bon cocktail de sortilèges, rectifia Asmodée. -Qui me permettent de faire beaucoup d‟exercices et de pratiquer des arts martiaux ! Rien à voir avec mon pouvoir sur l‟eau… Ceci dit, j‟ai remarqué que mes mouvements étaient plus fluides et que j‟étais plus rapide. -Je suis plus vif aussi et mes réflexes se sont améliorés, ajouta Rémi. En fait nos pouvoirs ont tous augmenté certaines aptitudes. Quand j‟y pense, toi Nicolas tu peux te solidifier, Cosme tu peux te liquéfier, moi je peux m‟enflammer, et Marine… euh… -Je peux m‟aérer ? demanda-t-elle en lançant un regard glacial à Rémi. -Quoi ? euh non non… -T‟inquèt‟ , c‟est une bonne idée. Marine tourna les talons et sortit en claquant la porte. Elle sortit dans le parc, et là, elle leva les yeux vers un ciel d‟un bleu étincelant, un rayon de soleil vint caresser son visage. Elle resta là, immobile sur les marches de pierre, les yeux clos, à respirer lentement l‟air printanier. Elle se sentait sereine. Un sourire se dessina sur son visage. Et lorsque que le vent vint faire virevolter ses cheveux, elle se demanda si ses amis si chers à son cœur l‟avait prise au sérieux.

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Les derniers jours passèrent sans que personne ne parle de l‟incident ce qui amusa beaucoup Marine. Ils apprirent encore quelques sortilèges et quelques dates d‟histoire puis la semaine se finit et ils durent refaire leur bagage pour cette fois retourner chez eux. Le dépaysement avait été total pour tout le monde et tous gardèrent longtemps dans les yeux les lumières de l‟Atlantide. Durant le voyage de retour, les enfants prévurent de multiplier les sorties et chacun s‟en retourna chez lui pour quelques mois seulement.

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