Diplome PFE ENSAG

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Conception Soma-esthétique de l’Architecture Réhabilitation de l’Institut Polytechnique de Grenoble Laureen Gomez Gaël Chauvin Maxime Bonnefoy

Projet de fin d’étude - Session 2017 Architecture, Ambiances et Cultures Numériques

Digital RDL Research by design laboratory

École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble



Conception soma-esthétique de l’architecture Réhabilitation de l’Institut Polytechnique de Grenoble Laureen Gomez Gaël Chauvin Maxime Bonnefoy Projet de fin d’étude - Architecture, Ambiances et Cultures Numériques. Philippe Liveneau Architecte, Docteur SPI, (Digital RDL, Cresson), TPCAU - Responsable. Equipe d’encadrement : Grégoire Chelkoff Amal Abu Daya Magali Paris C. Bonico-Donato 0livier Baverel

Architecte, Docteur URB / HDR / (Cresson) - Professeur, HDR, STA Architecte, Doctorante (Cresson) - TPCAU, (MAA) Ingénieur Agronome, Docteur, (Cresson) - VT Philosophe, Docteur, (Cresson) - SHS Ingénieur, Docteur, HDR, (EPC Navier) - Professeur, HDR, STA

Jury de Soutenance du PFE : Directeur d’etude : Philippe Liveneau, Architecte, Docteur SPI, (RDL, Cresson), TPCAU Second Enseignant : Grégoire Chelkoff, Architecte, HDR / (Cresson) - Professeur, HDR, STA Amal Abudaya, Architcete, Doctorante (Cresson) - TPCAU, (MAA) Enseignant Ensag : Nicolas Dubus, Architecte, Doctorant (AE&CC) / TPCAU Enseignant Ensag : Remi Huneau, Architecte, Art et Technique de la Représentation Enseignant d’une autre école : Olivier Balay, Architecte, Docteur, HDR / TPCAU Ensa de Lyon

Personalités extérieures :

Jacques Schmitt, Directeur du Développement et des Projets Immobiliers Communauté Université Grenoble Alpes, Communauté d’universités et établissements

Eric Blanco, Docteur, HDR, Directeur adjoint Grenoble INP-Genie indus triel. Associate professor in Product design and development / G-SCOP lab, collaborative design team.

Personalités invitées : Martial Balland, Docteur, HDR, Laboratoire interdisciplinaire de Physique (UJF) Stan Borkowski, Docteur, INRIA, Chef de projet, Equipex Amiqual4Home. J. Maisonnasse, Docteur, LIG, Fablab manager, fabMSTIC. Equipe PIMLIG.

Projet de fin d’étude - Session 2017 Architecture, Ambiances et Cultures Numériques

Digital RDL Research by design laboratory

École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble


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REMERCIEMENTS Nous tenons à remercier tout particulièrement Philippe Liveneau, responsable du master architecambiances cultures numériques nous Ex nos con ad ture, perei fue ninvemur,etquost? Anumum modiemqqui uodica; a offert l’opportunité de chercher, Cateratiam nenati, conside pontiss oltudemus, consuld’expérimenter viriumum iaecture, nem mum dinatistuis forditali con tiae nemus verviri sultodurant hum et de concevoir par prototypage nos idées intelic ienatuam ad dicatuitu vessi publiu in te dem perfenam conficae cette année. Nous le remercions également pour in vemulum sala rendees sus. Nihilicae, conerum ocapere tatqui simuro chance qu’il nous offre avec le laboratoire RDL consulo catus,de nonfiri ium notes renat venartem ocres pouvoir utiliser un comnihi nombrecivenin incalculable d’outils fuit, factum, qua rem incus nost cae comnos conum eo, fore hor quideo numériques (workshop Ivy) et technologiques (atevideatui inat coterri ssenteritam senterma, condiu me firive, unt. Cas lier), nous offrant une formation complète.

C. Oximor licaes hucon vissigitius, menatimus id re, quam es consilicitis vis omnit, ne ina, C. Usatericae pat, nos haestis, viripiotoute nem pra ad CaNous remercions également l’équipe tum peri cons pédagogique hi, quam rebatus aecribem morbendium modiocduopublic master pour leur bonne entente terit; nihil hi, oc tatque manum is. Henati et leurs corrections qui ont su nous aider lorsque

nous avions des doutes. Nous remercions Eric Blanco pour sa disponibilité et ses renseignements sur le site de l’INP. Nous tenons à remercier les étudiants du master qui ont apporté une ambiance détendue, chaleureuse et joyeuse. Nous avons su nous entre-aider, partager et nous soutenir. Et pour finir nous tenons à remercier nos colocataires qui supportent ces longues nuit de travail à répétition .

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Avant-Propos En exprimant une approche commune de l’architecture bien qu’issue de sensibilités différentes, nous avons su mettre en synergie nos pensées singulières. C’est de cette manière que notre projet de Fin d’Étude entremêle un attachement à l’esthétique du quotidien, un attrait pour la chorégraphie des corps dans l’espace et une prédilection pour la poétique du vivant.

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SOMMAIRE 11

Introduction

17 18 20 22

0. Présentation du site Présentation Situation géographique Élévations et axonométrie

25 29 39 43 51

1.Trois observations successives Paroles expertes et sensibles Écoute des usagers Observation des mouvements Ce que nous tirons de ces observations

53 54 58 60 64 70

2. Une analyse soma-esthétique Soma-esthétique Trajectoires Rugosités Spatialités Mouvements in-situ Retranscription du mouvement Danse et chorégraphie : La notation Laban Architecture : Manhattan Transcripts Retranscription et classification des conduites sensori-motrices Identification des faiblesses du bâtiment

76 78 80 82

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85 86 88 90 93

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3. Réhabilitation Création de deux pôles Réarticulation des volumes Continuités et graduations Réhabilitation de l’aile Est : Pôle d’enseignement de l’ingénierie du futur Réhabilitation de l’aile Ouest : Pôle de vie 4. Expérimentations sur les notions d’affordance et de conduites des corps De la notion d’affordance Perception d’affordance d’une courbe tridimensionnelle et de l’inclinaison des parois Morphologie affordante Modélisations numériques et matérielles Concrétisation des expérimentations Synthèse

119 124 128 130 136 140

5. Spatialités : Projections détaillées des morphologies et ambiances Rez-de-chaussée Aspect technique Plan paysagé et cour Premier étage Deuxième et troisième étages

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Conclusion

152 153

Bibliographie Annexes

96 101 102 106

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INTRODUCTION


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«

«Je nomme « soma-esthétique » ce nouveau champ de recherche. Il explore l’expérience et les usages que quelqu’un peut faire de son corps comme lieu de jugement sensoriel-esthétique et de façonnement créatif de soi-même.» Richard Shusterman « Penser l’architecture, la conception d’un édifice exige de partir des impressions architecturales, c’est-à-dire, des impressions corporelles que les architectures sont susceptibles de produire. » Peter Zumthor

Introduction Cette présente notice retrace le parcours que nous avons fait pour aborder et étudier le site de Grenoble INP - génie industriel - puis l’attitude que nous avons eue pour concevoir ce projet de réhabilitation. Nous formulons alors l’hypothèse qu’une approche soma-esthétique peut être le point de départ pour concevoir une architecture attentive à ses usagers. Pour ce faire nous nous intéressons à la place de ces derniers dans l’architecture, aux expériences sensibles, esthétiques et sociales qu’ils en font. Nous présenterons dans un premier temps la manière, ou plutôt les manières dont nous avons abordé le site du projet, comment nous sommes allés rechercher, mesurer, comprendre son ambiance et ses usagers : nous donnerons les conclusions des trois observations que nous avons menées en ce sens. Elles seront les facteurs clés qui nous mèneront vers le champ de recherche de la soma-esthétique. 13


Nous présenterons alors, dans un second temps, notre analyse des mouvements repérés sur le site de l’Institut Polytechnique. Cette analyse décortique selon trois critères les mouvements des corps physiques des usagers ; nous nous appuierons sur diverses écoles de pensées autour de la notion de mouvement pour l’étayer et relier les trois critères aux notions de corps vécu, de corps percevant et expériençant. Nous esquisserons à la conclusion de cette analyse une typologie de situations décrivant les phénomènes sensori-moteurs. Cette analyse nous mènera dans un troisième temps à établir des stratégies de réhabilitation des bâtiments de l’Institut Polytechnique, nous verrons comment à partir de cette pensée du mouvement et à l’aide de cette typologie, nous avons distribué les corps et restructuré les bâtiments en deux pôles. D’un côté nous aurons les cinq plateformes d’enseignement de l’industrie du futur et de l’autre l’espace social de l’Institut Polytechnique où se créent spontanément des échanges entre tous les usagers. Nous qualifierons nos intentions de projet en termes de trajectoires, de rugosités et de spatialités. Dans un quatrième temps, nous mèneront une série d’études sur la conduite des corps par la perception d’affordance - phénomène que nous définirons plus en détail - afin d’établir la morphogenèse d’une nouvelle construction. Dans un cinquième et dernier temps, nous parcourrons le projet, l’Institut Polytechnique réhabilité, nous évoquerons les procédés de sa modélisation, aborderons les aspects techniques de sa construction mais surtout nous illustrerons les ambiances et espaces que nous avons générés et envisagerons les mouvements qui s’y déploirons, l’expérience somatique et esthétique qu’en feront les étudiants, les chercheurs, les enseignants, les personnels et les visiteurs. Le schéma ci-contre récapitule les étapes majeures que nous venons de décrire. Nous souhaitions présenter ce projet en étant clairs et didactiques. Cependant, il ne faut pas interpréter la méthode que nous présentons comme étant purement linéaire. Les étapes majeures se sont effectivement enchaînées dans cet ordre mais il s’agit d’un processus itératif, c’est-à-dire que nous faisons des allers-retours répétés au travers des différentes étapes.

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ÊTRE AU PLUS PRÈS DES USAGERS APPROCHE AMBIANTALE

TROIS OBSERVATIONS CONSTATS DES DYSFONCTIONNEMENTS

ANALYSE SOMAESTHÉTIQUE TYPOLOGIE DES PHÉNOMÈNES SENSORI-MOTEURS LECTURE D’UNE SÉMIOTIQUE DU MOUVEMENT

PROGRAMMATIQUE & ENJEUX STRATÉGIES DE RÉHABILITATION ET DE CONCEPTION

EXPÉRIMENTATIONS PLASTIQUES PROTOTYPAGE MORPHOLOGIQUE : STRUCTURATIONS ET EFFETS SOMAESTHÉTIQUES DE LA LIGNE ET DE LA COURBE

PROJECTIONS & RÉHABILITATION 15



0 .PRÉSENTATION DU SITE


PRÉSENTATION L’Institut polytechnique de Grenoble -Génie Industriel(INP), se trouve au coeur du centre ville de Grenoble. Situé à proximité de la gare et de l’isère, son emplacement est desservi par de nombreux transports en commun dont le bus et le tram. Cette dynamique d’emplacement propose une dialectique entre la vieille-ville, le passé technologique de Grenoble et son évolution. L’INP a su s’adapter et évoluer dans le temps par la technologie et l’enseignement de l’industrie. Aujourd’hui, il souhaiterait s’inscrire comme un pôle de l’enseignement de l’ingénierie du futur. La composition de l’ilot se traduit par un éclectisme architectural très présent ne favorisant pas la lecture de l’INP comme pôle technologique français de l’enseignement de l’industrie du futur. En effet, l’état actuel des bâtiments est issu de différents courants de pensée architecturaux étalonnés dans le temps. Nous remarquons des strates historiques ajoutées les unes aux autres, sans lien évident. De ce fait, cette composition architecturale fragmentée, provoque un manque d’interaction entre les usagers.Notre rôle en tant qu’architectes est de rétablir ces liens autant sociaux qu’architecturaux. Grenoble INP est pour nous un enjeu de réabilitation, afin de redonner une image forte et lisible à ce pôle de l’enseignement de l’industrie du futur. Notre projet se tournera vers une architecture adaptée aux usages et aux usagers.

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CARTO LOCALISATION

vue panoramique Nord de Genoble INP

Thème Réhabilitation et reconfiguration de l’Institut Polytechnique de Grenoble -Génie Industriel-

Site 46 Avenue Félix Viallet GRENOBLE 45° 11’ 16’’ N, 5° 43’ 37’’ E

Usagers - 600 étudiants - 80 étudiants étrangers -30 enseignants chercheurs - 23 employés administratives - Laboratoire de recherche GSCOP - Intervenants extérieurs

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SITUATION GÉOGRAPHIQUE L’institut Polytechnique de Grenoble - Génie Industriel- se situe dans le centre ville de Grenoble. Il est entouré par les rue Casimir Brenier et Barbillon ainsi que l’avenue Felix Viallet. La partie Est du site est adjacente à un îlot d’habitation. L’entrée principale de l’école se situe au sud, avenue Felix Viallet, une seconde se situe au nord, rue Casimir Brenier. Son emplacement offre un panorama au nord sur la Bastille et les montagnes de la Chartreuse.

IER

RUE BARBILLON

_Plan Masse Existant 1:500e.

ILOT VOISIN

10 m

N RUE CASIMIR BRE

AVENUE FELIX VIALLET

20


ISÈR

AV. AL SACE LO

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LIX AV. FE

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CHARTREUSE

BASTILLE

_Plan Cadastral Existant

R

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IR BR

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C RUE

10 0m

E


ÉLÉVATIONS ET AXONOMÉTRIE

_Aile Est - Façade intérieure

_Aile Nord - Façade intérieure

_Aile Ouest - Façade intérieure

_Aile Sud - Façade intérieure


PM-3D

Plan Masse 3D

I N STI TU T

POLY TEC H N I QU E

_Aile Nord - Façade extérieure rue Casimir Brenier

SEducationalVersion

_Aile Ouest - Façade extérieure rue Barbillon

_Aile Sud - Façade extérieure avenue Felix Viallet



I. TROIS OBSERVATIONS SUCCESSIVES


Approche immersive « L’approche ambiantale se situe au plus près du terrain : elle tient compte de la temporalité (durée, moments, séquences devenant récits), du contexte d’immersion (et pas seulement de la perception frontale du paysage, par exemple), ou encore des pratiques participatives à la situation. Elle intègre le mélange entre les éléments matériels et les ressentis individuels et collectifs. Elle devient matière imaginaire, au sens où habiter c’est aussi échanger des images avec le lieu et les autres. Elle ouvre enfin à la dimension artistique, lorsque l’art, facteur d’ambiances in situ, devient opérateur urbain. » Henry Torgue TORGUE H., Ambiance urbaine et ville sensorielle, Cresson, UMR, 2015

> Séquence narrative

PLACE DE LA GARE

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AVENUE FELIX VIALLET


TROIS OBSERVATIONS SUCCESSIVES La première volonté pour comprendre le site fût de s’imprégner de l’ambiance du lieu, aller sur le terrain et se mettre en immersion. Ce temps d’observation était essentiel pour comprendre les véritables enjeux de notre projet. Pour cela, afin d’appréhender la complexité de la situation, nous avons successivement mené trois observations. Trois approches du site, de ses environs et de ses usagers qui nous permettraient, une fois liées entre-elles, de faire émerger une direction projectuelle. Nous avons restitué nos premières observations par la parole, au travers d’un récit d’ambiances synthétisant, mêlant nos impressions subjectives à nos connaissances architecturales et urbaines. Cette première prise de parole nous a conduit par la suite, à entendre celles des usagers de l’INP et enfin, nous avons filmé leurs déplacements comme une manière d’objectiver leurs usages.

INTÉRIEUR DE L ‘ INP

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Paroles expertes et sensibles Protocole d’observation Notre première observation, restitutée par le récit d’ambiance, est experte et sensible au sens où elle concilie les données du réel perçues par l’architecte - à savoir l’inscription du bâtiment dans son contexte urbain, physique et humain (fréquentations et modalités de transport, luminosité, sources sonores, végétations et apports solaires, identité du quartier, statut du bâtiment, identité de Grenoble) - avec la restitution plus abstraite des ambiances relevées sur place (matérialités, luminosités à différentes heures). Cette forme de narration libre, nous a permis de mettre en évidence un réseau d’ambiances dans une séquence continue : de la place de la gare au bâtiment de l’INP, une mise en tension des différentes échelles que le projet convoque. Ce réseau d’ambiance, sera celui vécu par les étudiants et autres usagers de l’INP avant d’entrer et une fois entrés dans les bâtiments de l’INP. Pour cela, nous avons fait un relevé sonore, lumineux, chromatique et textural. Nous avons par la suite retranscrit par écrit les atmosphères qui ce dégagaient en ces lieux Cette démarche nous l’avons effectuée à trois reprises, une fois un mercredi à 12h, un jeudi matin à 9h et un vendredi soir à 18h au mois de mars 2017.

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ARRÊT DE TRAM « Il y a différents types de revêtements au sol, mais pas de végétation sinon quelques arbres plantés en des points bien précis. La minéralité du site le rend froid, sale et presque inconfortable. Les aciers et matériaux plastiques prédominent aussi, ce sont les éléments de base des différentes infrastructures ; bancs, abris, barrières, panneaux.... Il est 14h10, la lumière est intense, elle se reflète sur les matériaux, je suis presque ébloui. J’ai ce sentiment d’être cerné par les bâtiments qui se trouvent pourtant à plusieurs dizaines de mètres. Ils sont relativement hauts, et me donnent l’impression d’être au centre d’une arène, d’être observé, c’est inconfortable. Les gens passent, ils ne s’arrêtent pas, tout est circulation. Les trams s’enchaînent, deux lignes s’alternent. Ils génèrent une nuisance qui imprègnent les lieux, légère mais continue : des bruits électriques, des frottement d’acier qui crissent. L’ouverture de l’espace heureusement diffuse ces sons, ils ne résonnent pas. Le comportement des autres usagers est à l’image de cette diffusion : on bouge, on va vite, on va droit au but, on quitte ce lieu. Seuls quelques panneaux publicitaires bien placés parviennent à capter les regards fuyards des piétons. On note de nouvelles infrastructures. Il y a beaucoup de travaux, j’imagine que ces transformations sont faites pour rendre ce lieu plus agréable. Mais pour l’instant, les travaux ne font qu’ajouter de l’inconfort et cette ambiance ne me fera pas rester. »

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PLACE DE LA GARE « Toujours très minéral, un peu d’acier du côté des poteaux, des grilles au sol ou des bouches d’égouts. L’herbe fait son entrée au milieu de la place. Un espace lui est même dédié, quelle chance ! Il est surélevé, un banc continu comme pourtour, les gens peuvent s’y asseoir mais ne sont pas invités à pénétrer sur l’herbe. On me présente ce que je ne peux pas réellement avoir : un peu de nature, un cache misère. Une fois encore tout est en mouvement : les piétons, les cyclistes, le tram encore, et maintenant les voitures font une apparition discrète sur l’un des bords de la place. Peut on vraiment appeler ça une place, a-t-on vraiment envie de s’installer ici et de profiter du soleil ? Certains diront que c’est un lieu de rendez-vous idéal, où attendre quelques minutes son partenaire n’est pas désagréable. Moi j’appellerais ça un carrefour contemporain, la route pour les véhicules n’est pas prédominante, mais des flux en tout genre se croisent et se recroisent dans tous les sens. Je suis désorienté, je ne sais plus où est ma place. Les vélos m’évitent, j’évite le tram et me retrouve au milieu de la route. Paradoxalement les lieux où les gens s’installent le plus sont les terrasses en bord de route. Certes le soleil réchauffe l’ambiance, mais les nuisances sonores y sont à leurs paroxysmes. En levant les yeux on voit les tranches des premiers îlots de la ville qui nous font face. Baignés de lumière, ils semblent être les seuls à vraiment profiter de l’espace et du temps clément. Les rues et avenues tranchent le bâtis et offrent une perspective sur les montagnes : nous sommes à Grenoble. »

_Extraits du récit sensible _Documentation photographique des matériaux et ambiances du site

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RUE FÉLIX VIALLET On pénètre un tout autre lieu. Les espaces sont clairement définis. Les immeubles donnent le cadre général, ils structurent l’espace. D’ailleurs la lumière ne pénètre plus jusqu’au sol, la transition depuis la place est brutale. Le vent s’engouffre dans la rue. Le bruit des voitures résonne contre les façades, on les entend venir de loin, elles préviennent d’une certaine manière le désordre sonore qu’elles vont apporter. Goudron, pavés, béton, pierre, je n’ai pas quitté le monde minéral. Les arbres plantés au bord du trottoir tentent de nous protéger de la route. Je doute de leur efficacité. Ils parviennent seulement à me cacher la vue des montagnes. Je marche vers l’INP, mon œil est attiré au sommet des bâtiments. Là, le soleil souligne quelques belles architectures. Je m’aperçois que le quartier est un véritable patchwork, on y trouve de tout, j’ai même vu un bâtiment en ruine.


DEVANTURE ET ENTRÉE Il faut le savoir pour remarquer que l’on longe le bâtiment de l’INP car rien de sa façade ne laisse transparaître sa fonction. Elle est en béton, parfois teintée de couleurs désormais fades et se fond parfaitement dans le mélange architectural du quartier. J’arrive devant cette grande percée dans le bâtiment, c’est l’entrée. Elle est gardée par un imposant portail en fer gris. Il ne laisse pas deviner qu’en le traversant nous pénétrons dans un édifice scolaire. Quelques fleurs dans un pot peinent à animer l’ambiance. Quoiqu’il en soit, je passe la grille. Je suis sous le porche. L’espace est sombre et froid, on s’y sent confiné. Le vent y est plus fort, il s’engouffre sous le bâtiment traînant avec lui les bruits de la rue. Les pas résonnent fort ici. Cinq rayons de lumière osent s’aventurer sur un bout de mur côté rue. Le contraste est violent avec la lumière de la cour, une lumière diffuse et peu chaleureuse. Tous les flux se croisent : piétons, cyclistes et automobilistes. Je ne sais pas qu’elle est vraiment ma place. Aspiré depuis la rue et éjecté vers la cour en une respiration, je ne gênerai plus dans cet étroit passage.


UNE OU DEUX COUR(S) ? La cour est relativement froide, je n’arrive pas à avoir un contact direct avec le soleil ! Ce que je touche c’est du béton, de la pierre, du goudron et le métal des voitures. La végétation n’est encore une fois que peu présente. Quelques arbres ou pots de fleurs font de la résistance. Aucun risque qu’elles nous submergent : elles sont maintenues loin les unes des autres. L’espace, généreux au départ, se rétracte avec le poids des voitures et devient corridor. J’ai l’impression d’être dans une rue et non une cour. Je vois tout de même les hauteurs des bâtiments, eux ont du soleil sur leurs toîts. Cela me donne à voir un instant l’architecture décousue de L’INP, qui s’est construite avec le temps et les diverses révolutions industrielles. Je n’ai pas beaucoup d’opportunités de parcours : tout droit pour le hall et les salles de classes, à gauche pour aller dans un amphithéâtre et à droite pour un coin de cour qui semble désaffecté. Dans tous les cas, je ne m’attarde pas. Une fois passé sous la passerelle, j’ai l’impression qu’il s’agit d’une autre cour. Ou alors est-ce la cour ? Et jusqu’ici ce n’était encore que la rue ? Le bâtiment nord reçoit pleinement la lumière du soleil et la redistribue dans toute la cour. Et il y a des arbres. Ils sont bien plus présents ici que dans le reste de la cours. Une petite touche végétale au cœur du béton et du goudron... Les voitures occupent toujours toute la place, je ne fais pas un trajet sans les contourner.


SOUS LA PASSERELLE J’approche du hall et de l’espace situé sous la passerelle. Il n’est que 8h50, je peine à me faire une place entre les autres qui se retrouvent ici avant d’aller en cours. On se bouscule, on évite les voitures d’un côté, on se pousse pour laisser entrer les étudiants de l’autre. Ce petit moment agréable se transforme vite en corvée. Je n’ai rien pour m’asseoir, et me sens irrité par la promiscuité avec mes voisins. Je décide d’écourter mon calvaire et me dirige vers le hall. Une fois à l’intérieur, même combat, les gens s’entassent de partout, et particulièrement sur les trois canapés. Les discussions résonnent et se mélangent en un énorme brouhaha. L’ambiance devient inconfortable, j’essaye de me frayer un chemin. L’énorme hauteur du volume couplée à la lumière provenant de la verrière nous donne définitivement l’impression d’être au fond d’une abîme !

LA MONTÉE EN ASCENCEUR & HALL DE TRAVAIL Pour la première fois je suis amené à prendre cet ascenseur afin d’accéder aux bureaux situés au sommet du bâtiment Est. Cet engin entièrement vitré et fixé à l’extérieur du bâtiment semble sortir d’un vieux film de science fiction. La curiosité et l’excitation à l’idée de monter dedans laissent vite place à un soupçon d’inquiétude. Fonctionne-t-il vraiment ? Je dois d’abord rentrer dans un hall sombre afin d’accéder à l’entrée de l’ascenseur. J’appuie sur le bouton et j’attends. La porte s’ouvre et je rentre. Je suis d’abord surpris par le bruit des mécaniques qui ne me rassurent pas, mais mon attention finit par se fixer sur le spectacle qui se dévoile devant mes yeux. En même temps que je prends de la hauteur ma vision sur les édifices de l’INP s’élargit. Je n’avais jamais pu avoir une telle vue sur toute l’école. Je vois les montagnes et la Bastille ! La boite en verre me donne presque l’impression de survoler ce décor. D’ici, je distingue les raccords entre les bâtiments : la passerelle, l’accueil, l’administration, l’IUT. Mais le voyage est déjà fini, la voix électrique m’annonce l’arrivée au sommet. Je me retourne et me retrouve dans le bâtiment. Un petit hall donne accès à trois couloirs sinueux dont je ne vois pas le fond. C’est sombre et fade. Aucune fenêtre en vue, sinon une source de lumière zénithale sous laquelle a été installé un ficus qui tente de survivre. Aucune indication pour trouver le bureaux que je cherche, je me lance et me laisse porter dans ses bâtiments.


L’ACCUEIL Une fois passé la double porte, je salue le réceptionniste qui s’ennuie enfermé derrière le comptoir, je jette un coup d’œil aux trois plantes enfermées dans un patio de verre. Ou peut-être est-ce moi qui suis enfermé ? La salle est globalement très sombre, l’ambiance y est lugubre et on ne peut pas vraiment dire que ce soit accueillant. Heureusement qu’il y a le patio, aussi petit soit-il. Je traverse la pièce de bout en bout. Il y a des vélos qui encombrent le passage. Pourquoi des vélos ici ? Peut importe, j’arrive enfin à la porte qui donne sur le grand hall. LES MEZZANINES Après un long cheminement dans les méandres du bâtiments, j’approche enfin des salles de travaux pratiques où je rejoins mon groupe. Je monte un dernier escalier étroit, et me retrouve sur des mezzanines. Un long couloir ouvert distribue les petits espaces de travail plus intimes. La faible hauteur sous plafond me force inconsciemment à pencher ma tête. L’ambiance est ici particulière, la lumière naturelle diffuse se mélange à la lumière artificielle. Le calme est de mise bien que les gens travaillent ici en groupe, un certain respect s’impose. Je longe le couloir et scrute les groupes à chaque fois que je passe devant un espace de travail. Ils me scrutent à leur tour. J’arrive enfin à mon groupe, tout le monde est là, les ordinateurs sont sortis, le grand écran projette le travail en cours. Je suis en retard. ATELIERS Après m’être trompé une première fois de chemin j’entre dans l’atelier de fabrication additive de l’INP. Je n’ai pas encore mes habitudes ici, je n’étais pas au courant que j’y avais accès il y a de ça un mois. Je traverse donc dans un premier temps l’atelier, une véritable caverne d’Ali Baba, on y trouve de tout ! De tout sauf de l’espace. Les groupes présents se marchent sur les pieds pour pouvoir travailler ici. Les nombreuses machines ne laissent guère plus qu’un couloir pour circuler d’un bout à l’autre de la salle. J’accède à l’une des imprimante 3D et m’installe. Les différentes machines retentissent, mais étrangement le bruit ne me perturbe pas tant que ça, peut être parce que je m’y attendais. Mon attention est attirée par une grande façade vitrée qui donne accès sur l’arrière de la cour. La lumière peine à rentrer dans le volume tant le bâtiment d’en face est proche. Je note la présence d’une porte, qui, la prochaine fois m’évitera de me perdre dans les couloirs. Je lance une impression.


CONCLUSION DE CETTE APPROCHE

Cette première observation nous a permis de dégager l’atmosphère de ces lieux. Nous avons tout de suite remarqué une présence importante du minéral. Les nuances chromatiques du gris très présentes sur le site apportent une ambiance brutaliste et austère à cette école. La vitesse de déplacement des corps est rapide et le fond sonore des voitures de cette grande avenue l’accentue. L’environnement est stressant. Pensant que cette ambiance s’arrêterait lors du franchissement de l’entrée de l’INP, perpendiculaire à l’avenue principale, nous sommes surpris par cette continuité entre la rue et la cour intérieure. Le malaise s’accentue, nous sommes bousculés cette fois ci par les voitures et cyclistes qui pénètrent dans l’école. Même entrée, même trajectoire. À l’intérieur du site, le bruit stressant de la ville s’amoindrit, mais la grande hauteur des bâtiments qui nous encerclent devient oppressante. L’éclectisme architectural nous désoriente, nous ne savons pas où nous diriger. Ainsi nos premières impressions furent déroutantes, nous étions entre des bâtiments historiques mais pourtant l’atmosphère de ce lieu nous laissait perplexes.

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ÉCOUTE DES USAGERS PROTOCOLE D’OBSERVATION Notre seconde observation est une écoute, celle des usagers. Ce sont après tout les premiers concernés par notre projet. Ceux-ci ont des profils multiples ; nous avons recueilli les propos d’étudiants de plusieurs promotions, d’étudiants étrangers, d’enseignants, de chercheurs et de personnels administratifs. À l’aide d’une grille d’analyse, nous avons ordonné leurs propos et avons ainsi pu intégrer à notre reflexion leurs points de vue critiques sur les espaces, leurs sensibilités et leurs diagnostics quant aux dysfonctionnements du bâtiment. Les éléments les plus révélateurs sont utilisés dans la bande sonore de la vidéo en annexe. Par leur récit des lieux, nous avons pu comprendre les mouvements des usagers dans les bâtiments, comment se repèrent-ils ? Où se rendent-ils ? Quels sont leurs déplacements dans la journée ?

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Thèmes abordés > Fréquence à l’école - emplois du temps > Transports utilisés > Migration sur d’autre pôles de l‘INP > Travail hors temps scolaire à l’école > Liens entre profs - pratique - recherche > Utilisation des machines et robots > Déambulations et dysfonctionnements dans l’école > Connaissance des lieux de toute l’école > Où sont les lieux de rencontre et détente > Ambiance de l’école > Changements à proposer

« Desfois il y a du monde et on ne peut pas se poser. »

Individus intérrogés

« Il n’y a quasiment pas d’espace pour se retrouver tranquillement, ils sont trop petits et on est gêné par les gens qui passent »

> 3 étudiants en première année INP génie industriel > 1 étudiant en 3 ème année de licence pro en littérature jeunesse > 3 étudiants en 2 ème année ICL. Génie Industriel > 1 chercheur laboratoire de l’INP, partie Sud-Est du bâtiment > 5 étudiants érasmus Master 2 de recherche > 7 étudiants en 2 ème année INP génie industriel associatifs

« Quand on veut s’aérer on est obligé de redescendre dans la cour. Il n’y a aucun accès extérieur dans le bâtiment. » « Définitivement, la partie thermique : le confort dans le bâtiment, c’est catastrophique. L’été, c’est un grille-pain et l’hiver on se caille. » « Il y a déjà beaucoup d’ajout de bâtiments dans la cours, dur d’imaginer de venir rajouter un nouveau.

« j’aimerais bien voir ce que fond les autres promos, ca m’interesse mais c’est compliqué, on sait jamais où c’est » « Je savais même pas qu’on pouvait utiliser l’imprimante 3D, mince j’ai pris un abonnement au fablab»

« c’est triste, c’est tout gris, j’aimerais avoir plus de végétation »


Conclusion de cette approche Pour cette deuxième observation, la parole des usagers est venue compléter notre vision du site. D’après leurs témoignages, nous avons remarqué plusieurs dysfonctionnements, notamment sur le fait des lieux de rencontre. En effet, la composition architecturale complexe de ce lieu ne propose pas d’endroit pour favoriser les échanges entre les différentes promotions et les équipes enseignantes. Ceux ci sont trop dispersés, trops petits et mal situés. Un autre point qui est ressorti, c’est le manque d’espaces extérieurs, les étudiants sont alors obligés de descendre dans la cour. À cet endroit, il n’existe aucun aménagement paysager et urbain, les étudiants s’assoient sur quelques bornes de délimitations entre piétons et voitures. Dans cet espace attenant à l’entrée du hall, les étudiants se font déranger par les voitures qui essayent de se frayer un chemin. Nous avons remarqué également chez les étudiants, une envie de connaître le travail de leurs confrères, créer des liens verticaux entre les promotions. Ces remarques montrent une défaillance dans la communication, qui selon nous est dûe à un complexe architectural trop fragmenté. Ce grand labyrinthe possède également des problèmes thermiques, qui donnent de l’inconfort aux usagers. [Ainsi cette approche enrichissante nous à permis de soulever plusieurs faiblesses du site.]

41



OBSERVATION DES MOUVEMENTS PROTOCOLE D’OBSERVATION Notre troisième observation est celle des mouvements de ces usagers, non par leur récit, mais sous une forme plus objectivante, étudiés depuis le point de vu extérieur de caméras. En se rendant à plusieurs reprises sur le site de l’INP, équipés de caméras, nous avons observé la nature et la quantité des déplacements des usagers. Nous avons réalisé également des prise de vue fixe en vidéo couvrant a différent angles de vue les bâtiment du site de Grenoble INP sur un même temps donné. Ces données collectées, nous les avons assemblées dans une vidéo de synthèse (en annexe) et un ensemble de chronophotographies à partir desquelles nous avons ensuite identifié des situations particulières des déplacements des corps.

43


_Chronophotographies n°1 : agrégations Temps en minutes

Conclusions 0’

2’

8’

10’

16’

18’

24’

26’


4’

6’

12’

14’

20’

22’

28’

30’


_Chronophotographies n°2_ canalisation

0’’

20’’

1’20’’

1’40’’

2’40’’

3’

4’

4’20’’


40’’

1’

2’

2’20’’

3’20’’

3’40’’

4’40’’

5’


_Chronophotographies n°3 : confrontation , temps en seconde

0’’ 1’’

2’’ 3’’

4’’ 5’’

6’’ 7’’


Conclusion de cette approche Cette dernière observation, nous a permis de façon plus objective de comprendre le fonctionnement du site de l’INP. Par la chronophotographie nous avons pu mettre en exergue les différents rythmes de déplacements, les trajectoires. Nous avons également compris où se situaient les lieux de rassemblement avec leurs dysfonctionnements. Nous avons pu remarquer la superposition des piétons et des automobilistes, du dérangement qu’elle provoque. De plus, nous avons pris conscience de différentes temporalités de la présence des étudiants. Par exemple, nous voyons un système d’agrégation et de dispersion en seulement 30 minutes. Au-delà de l’impression de vitesse que l’on peut observer à l’oeil nu, la chronophotographie permet de mesurer quant à elle la valeur réelle d’une vitesse. Cette observation, nous a permis de répertorier et de retranscrire de manière précise et mesurée les différents phénomènes issus des mouvements des usagers


Retranscription de ces observations par vidéo

« Recit d’un lieu » , 3 minutes , https://vimeo.com/220211615.

50


CE QUE NOUS TIRONS DE CES OBSERVATIONS Ces trois modes d’observation, menés successivement sur le site du projet nous ont permis d’aborder sa complexité, en ayant une complémentarité des données analysées : notre compréhension du lieu, le vécu des usagers et la nature de leurs déplacements, en somme, la manière dont nous faisons l’expérience de l’espace. Reliés ensemble, ces éléments nous offrent un socle solide à partir duquel nous avons identifié les besoins sous-jacents des usagers, les incohérences de l’architecture actuelle et obtenu finalement un complément d’information sensible sur l’état des lieux. On remarque des difficultés dans les circulations, un manque de cohésion par les jonctions entre programmes et bâtiments, des situations spatiales peu commodes (murs hauts et aveugles, inconfort thermique, espaces communs réduits). Ainsi, nous sommes arrivés à un point clé de compréhension où la spatialité et l’ambiance des bâtiments de l’INP entravent et fragmentent le vécu des usagers, leur expérience de l’espace. En nous focalisant sur l’expression des mouvements des usagers, nous pouvons nous saisir de cette constation et en approfondissant une analyse somaesthétique de l’INP, nous pouvons projeter une architecture qui s’inscrit en complémentarité avec le mouvement des corps qu’elle héberge.


v


v

II. UNE ANALYSE SOMA-ESTHÉTIQUE


SOMA-ESTHÉTIQUE

La pensée soma-esthétique du philosophe américain Richard Shusterman est au plus proche du corps, celui qui perçoit et qui agit, celui qui vit consciemment. Nous nous intéressons en particulier à la notion de proprioception, un terme qu’il utilise et qui définit une perception sensible de la position des différentes parties du corps. Dans ses écrits, il place le corps comme sujet d’étude principal, il ne le considère non comme le « tombeau de l’âme », une enveloppe charnelle qui matérialiserait l’être humain et nous ferait dire « j’ai un corps », pensant celui-ci détaché du soi mais le définit comme un élément pensant, produisant ses propres actions et réactions avec sa propre perception de l’environnement, ce qui nous ferait dire « je suis un corps » et prendre conscience d’un tout. Le mouvement, la posture, l’effort ...etc. sont, en eux-mêmes des éléments générateurs de la compréhension de l’espace. Nous cherchons par notre architecture à s’adresser à ce corps que nous considérons, en formulant une approche soma-esthétique, être l’élément fondamental d’une analyse et projection architecturales faîtes au plus proche des usagers. Nous nous référons à la soma-esthétique en ce sens : «l’expérience directe d’une discipline corporelle centrée sur la compréhension somatique des actes moteurs et des postures, et l’étude d’une approche théorique foncièrement ancrée dans l’expérience sont donc des outils centraux pour la soma-esthétique. » Nous corrélons alors la pensée philosophique de la somaesthétique à celle du neurophysiologiste français Alain Berthoz. Ce dernier définit le mouvement comme l’un de nos champs de perception sensorielle. Ce mouvement sera notre objet d’analyse puisqu’il concrétise ces notions de corps percevant et de corps agissant en éléments observables. 54


« La visée explicite de l’ouvrage consiste à dépasser le cadre de l’analyse théorique pour proposer une méthode somatique permettant l’amélioration de notre expérience corporelle. [...] Le philosophe est avant tout un praticien réfléchissant sur sa propre expérience. Le corps est donc saisi non plus seulement à partir de son apparence mais aussi et surtout à partir de son vécu personnel et immédiat. [...] La soma-esthétique n’est pas une théorie somatique ni une esthétisation de l’expérience, mais une compréhension du corps où l’esthétique et la pratique ne font qu’un. [...] La soma-esthétique n’est donc pas une banale amélioration du corps centrée sur la représentation, mais plutôt une expérience du corps permettant le façonnement de soi, tant au niveau somatique qu’au point de vue de la conscience subjective. Ainsi, l’expérience directe d’une discipline corporelle centrée sur la compréhension somatique des actes moteurs et des postures, et l’étude d’une approche théorique foncièrement ancrée dans l’expérience sont donc des outils centraux pour la soma-esthétique. À partir de cette vision du corps, on ne s’étonnera pas que la « conscience », dont ce corps fait l’objet, ne puisse plus être considérée comme un état subjectif purement abstrait et intellectuel, mais au contraire comme un état de « prise de conscience » (awareness), comme une dimension du vécu qui peut à la fois être ressentie physiquement et analysée rationnellement. » FORMIS B, Richard Shusterman, Conscience du corps. Pour une somaesthétique, Mouvements, vol. 57, no. 1, 2009, pp. 155-157.


Ainsi, nous nous plaçons paradoxalement en situation d’observateurs extérieurs pour cette analyse mais nous en établissons les critères au prisme de cette approche théorique portant sur la conscience du corps, celui des usagers et sur leurs mouvements comme manifestations des phénomènes sensori-moteurs, c’est-à-dire de la corrélation entre un corps perceptif et un corps en mouvement. Berthoz considère que « la perception, qui est action simulée, doit trouver alentour des objets naturels ou artificiels qui évoquent l’action. » Nous corrélons cet énoncé et l’approche soma-esthétique du corps conscientisé de Shusterman aux propos du psychologue de la perception américain J.J Gibson. Ce dernier suggère ainsi que l’environnement dans lequel un individu est intégré dispose de qualités qui pourront stimuler ses perceptions et orienter ses actions. Il qualifie ces phénomènes perceptifs d’affordances. À cet égard, nous entremêlons à l’analyse des mouvements une étude des configurations matérielles et sensibles.

56


« Je propose qu’on revienne à une classification des sens qui correspondent à des fonctions perceptives. Ainsi, au sens du goût et de l’odorat, du toucher, de la vision, de l’audition, il faut ajouter, comme d’ailleurs le fait la langue commune, celui du mouvement, de l’espace, de l’équilibre, de l’effort, du soi, de la décision, de la responsabilité, de l’initiative, etc. » BERTHOZ A., Le sens du mouvement, éd. Odile Jacob, 1999. p.287 « La perception, qui est action simulée, doit trouver alentour des objets naturels ou artificiels qui évoquent l’action. » BERTHOZ A., Le sens du mouvement, éd. Odile Jacob, 1999. p.279

« Développée par Gibson à partir des années 50, cette approche propose une façon originale de considérer la perception visuelle et introduit de nombreux concepts, en restant focalisée sur l’idée que la perception et l’action sont indissociables. [...] Mais en parallèle, agir entraîne des modifications à la fois au niveau de l’organisme et de l’environnement, et en ce sens, l’action va influencer ce qui est perçu [...] Les affordances existent donc en tant que telles, même si elles ne sont pas concrétisées en actions. BOURGEOIS J., Représentations motrices et perception de l’espace péripersonnel, thèse en psychologie, sous la direction de COELLO Y., université Lille 3, 2012. p.48-49

« Aujourd’hui, certains architectes ont découvert un vieux compas dans leur tiroir et essaient de donner l’illusion du mouvement par des arcs de cercle, forme encore acceptable pour les calculs de rentabilité et les diagrammes Perthes qui régissent le déroulement d’un chantier. Mais quelle parodie de ce que des siècles d’intelligence et de finesse nous ont appris concernant les règles d’or conformément auxquelles les courbes plaisent au corps et à l’esprit de l’homme. » BERTHOZ A., Le sens du mouvement, éd. Odile Jacob, 1999. p.280


TRAJECTOIRES Cette cartographie doit nous permettre de comprendre les trajectoires des usagers. On en distingue tout d’abord trois types: les piétons, les cyclistes et les automobilistes. Respectivement les lignes représentent les traces des usagers nous permettant de comprendre les espaces plus ou moins fréquentés. Nous remarquons, au sud, avenue Felix Viallet que l’accès au site est identique pour les piétons, voitures et cyclistes. Il existe un axe principal très présent qui traverse le coeur d’îlot. Un point d’acroche s’en dégage au niveau du bâtiment pont. Nous remarquons des délimitations des trajectoires dans la cour, des espaces non fréquentés. Ainsi plusieurs phénomènes émergent dans ces parcours, nous visualisons des situations d’enroulement, des réunions, des séparations, etc...

noeuds contournements endiguements filtrations dispersions

58


Piétons

voitures

vélo

59

_ Cartographie des trajectoires, échelle 0

10 m


RUGOSITÉS Pour cette cartographie nous avons répertorié les rythmes de déplacement des corps dans les bâtiments: leur vitesse. Pour réaliser ces rythmes nous nous sommes référés à nos observations chronophotographiques effectuées au préalable. De ce fait, nous avons remarqué des différences de rythme de déplacement. Nous traduisons ces rythmes par un indice de rugosité, c’est à dire, le pourcentage d’accroche des corps avec le sol. Le rouge traduisant une importante rugosité, donc l’immobilité quasiment totale des corps en opposition au bleu représentant un espace plus lisse où les mouvements sont fluides. Nous remarquons en dessous du bâtiment pont en face, de l’entrée une rugosité maximale. Dans cet espace les étudiants s’immobilisent, c’est un point de transition dans leur vitesses de déplacement. A l’inverse, nous pouvons observer des espaces où les corps se déplacent de manière fluide, sans accroche. Cette cartographie relate des phénomènes d’attraction, de répulsion, de ralentissement, d’accélération et de stagnation.

attraction répulsion ralentissement accélération précipitation stagnation 60


rugueux

lisse

61

_ Cartographie des rugositĂŠs, ĂŠchelle 0

10 m


« Cette recherche questionne l’intéraction entre l’espace construit et les usagers [...] Nous faisons l’hypothèse que la qualité de mouvement des passants peut révéler les formes physiques et sensibles de l’espace. » Sarawut Preamachai

Lecture et retranscription sous forme de diagramme des modes de classification d’analyse des espaces urbains. 62


Conduites sensori-motrices dans les espaces publics intermédiaires Le travail de thèse effectue par Sarawut Preamechai analyse le comportement des usagers dans l’espace urbain, autrement dit les conduites sensori-motrices. Il établie une corrélation entre les configurations morphologique de l’espace et la perception que les usagers en ont. Cette thèse nous apporte système d’analyse sur les spatialités de l’institue polytechnique de Grenoble.

63


SPATIALITÉS Nous nous sommes approprié ces constats sur cette interrelation Corps-Espace pour en faire une grille d’analyse, un champs lexical : Obstacle, Limite, Seuil, Entre-deux. On constate que le grand volume de la cour est finalement encombré, fragmenté et contraint nos déplacement. Cela fabrique des micro-lieux, des imbrications de lieux, des lieux dans les lieux. Cela va impacter notre perception de l’environnement bâti, donc notre imaginaire, donc les affordances que nous sommes capables de formuler. Nous dégageons comme phénomènes spatiaux des couloirs, des encombrements, des imbrications, des confinements, des transitions , et des franchissements.

couloirs encombrements additions imbrications confinements franchissements transitions 64


10 m _ Cartographie des spatialités, échelle 0

Limites Seuils Entre-Deux Obstacles 1:500 0

Limites 10m Seuils Entre-Deux Obstacles

1:500 0

10m

65


Études de situations

> couloirs > encombrements > additions > imbrications > confinements > franchissements > transitions

Limites Seuils Entre-Deux Obstacles

66


67


Études de situations > couloirs > encombrements > additions > imbrications > confinements > franchissements > transitions

Limites Seuils Entre-Deux Obstacles

68


69


MOUVEMENTS IN-SITU A fin de comprendre dans son ensemble les mouvements des usagers dans l’école de l’INP, nous avons superposé les trois cartographies. Additionnées, les trajectoires, la rugosité et les spatialités font émerger des phénomènes sensori-moteurs multiples déclinés dans différentes situations.

Trajectoires + Rugosités + Spatialités

70


10 m _ Cartographie des spatialités, échelle 0

Limites Seuils Entre-Deux Obstacles 1:500 0

rugueux

Limites 10m Seuils Entre-Deux Obstacles

Piétons voitures

lisse

vélo 71


Maquette radicale Pour illustrer plastiquement nos assemblages de cartographie, nous avons réalisé une maquette radicale exprimant les mouvements des usagers dans l’INP. La mise en forme d’un voile blanc, durci à l’aide d’une colle à tissu, nous permet de fixer les trajectoires en leurs donnant plus ou moins d’ondulations, graduant ainsi leurs niveaux de rugosité.

72


73


74


Retranscripion du mouvement Suite à cette analyse nous avons ressenti le besoin de comprendre ces phénomènes de mouvement en tentant de créer un répertoire de situations et de moments issus du site de l’INP. Cette classification des conduites sensori-motrices nous permet d’enregistrer ces mouvements, de les retranscrire et d’en comprendre leurs sens. Pour cela, nous avons recherché des artistes, des architectes qui ont su réécrire les mouvements à travers un langage, une sémiologie. Nous faisons notamment référence à Rudolph Laban et sa notation dans le domaine de la danse : la « Labanotation», et à Bernard Tschumi dans la composition des séquences « Manhattan Transcripts ».

75


LA NOTATION LABAN Retranscripion du mouvement Danse et chorégraphie Laban a mis en place une notation de la lecture du mouvement qui est compréhensible par tous. Durant toute sa vie, Il a recherché un système d’analyse du mouvement afin que la danse soit reconnue comme « art majeur », comme la musique et les beaux-arts. En analysant les mouvements de l’être humain dans le volume qui l’entoure, la kinesphère, il a imaginé des « gammes référentielles » susceptibles de donner au danseur des outils pour s’entraîner et composer. Pour une lecture facile et universelle de cette notation, il utilise un signe de base qui à lui seul répertorie de nombreuses informations: la direction du mouvement, l’instant où il le commence et le termine, sa durée, la trajectoire et la vitesse. Reprenant la même typologie qu’une portée de musique, ce signe s’inscrit dans des colonnes où le début et la fin du mouvement, sa durée et sa répétition sont inscrits dans une portée segmentée par les mesures de la partition musicale. Les lignes verticales de la portée quant à elles permettent le suivi en continu du mouvement des différentes parties du corps. La ligne médiane représente l’axe de symétrie du corps permettant de savoir s’il s’agit des mouvements de la partie gauche ou droite en incluant chaque modification d’appui. Cette notation se lit alors de bas en haut. Pour la lecture horizontale, les pictogrammes permettent la lecture des parties du corps en mouvement et d’associer la combinaison de leurs actions. Le développement, longitudinal et latéral de la portée, permette de situer dans l’espace le corps et son avancée temporelle sur la musique. Un système de notation qui s’est très vite répandu dans le monde entier et a su inspirer de grands chorégraphes comme Pina Bausch.

76


_ Système de notation pour dÊcrire le mouvement de Rudolf Laban, 1928. 77


Retranscripion du mouvement Architecture Nous avons pu voir que dans le domaine de la danse il existait une notation, une sémiotique du mouvement afin de retranscrire une chorégraphie, un enchainements de mouvements dans le temps et l’espace. Nous nous sommes alors tournés vers des théoriciens, architectes, qui ont eu cette volonté d’enregistrer les mouvements des corps dans l’espace et de proposer une retranscription afin de pouvoir les analyser et les comprendre.

MANHATTAN TRANSCRIPTS Bernard Tschumi, dans ses ouvrages Manhattan Transcripts, tente de théoriser les mouvements en proposant une retranscription de ces derniers. Selon lui, l’architecture se caractérise par une fragmentation, une discontinuité des formes, des usages et des valeurs sociales. L’architecture n’est plus alors un tout mais plutôt une fragmentation de dispositifs qui se combinent : « Il n’y a jamais d’architecture sans espace, sans programme, sans mouvement mais aujourd’hui ces notions ne peuvent plus se rapporter à un système unificateur, à un langage unique». Par cette conviction, B.Tschumi remet en cause les moyens de représentation de l’architecture qui lui semble aujourd’hui limités et propose de ce fait une autre lecture de l’architecture. En effet, le vécu d’un espace architectural ne se comprend pas seulement à partir d’un plan, d’une coupe ou d’une perspective mais également par l’action, le mouvement, et l’évènement qu’un usager peut faire. Son système de notation se décompose en une succession complexe de cadrage qui confronte l’espace, le mouvement et l’action formant ainsi une séquence. Dans ces derniers il combine, «les représentations architecturales, des photographie d’évènements particuliers et des diagrammes fléchés de chorégraphies diverses» 78


79

_ Bernard Tschumi, manhattan transcripts, 1978.


Retranscription et classification des conduites sensori-motrices Nous avons retranscris des moments, des situations de mouvements répertoriés auparavant grâce à nos cartographies afin d’en comprendre leurs sens et de les qualifier. Pour cela nous avons retranscrit de manière schématique la décomposition des mouvements. Nous nous sommes rendus compte qu’il existait des mêmes situations de mouvement dans des spatialités différentes. Nous avons également remarqué qu’il existait des degrés d’intensité entre des types de mouvement similaires. Cette sémiologie nous permet d’apporter une lecture nouvelle sur la conception de notre projet. Ainsi, nous nous inscrivons dans une démarche où notre réflexion architecturale sera issue d’un séquençage de situations de mouvements.

2 14 13 12

9 6 1

8

5

11 7 4

3

80

10


1

COAGULATION

2 ENDIGUEMENT DIFFUSION

3

4

FILTRATION

5

CANALISATION

6

CONFUSION

7 HÉSITATION

8

9

10

UNION DIVISION

11

12

INTEGRATION ECHAPPEMENT

13

INSERTION DÉTACHEMENT

14

Gomez, Chauvin, Bonnefoy, Projet de fin d’étude, AACN, ENSAG, 2017.

INERTIE

81 75


IDENTIFICATION DES FAIBLESSES DU BÂTIMENT Lors de nos analyses nous avons remarqué une faiblesse dans la composition architecturale dans la partie Est des bâtiments de Genoble INP. En effet, par son histoire, ces derniers sont la résultantes d’une juxtaposition de volumes fragmentant l’espace. Cette composition impacte la qualité du vécu de l’espace des usagers. En effet, nous l’avons remarqué dans l’étude des mouvements de ces derniers. Le hall d’accueil qui devrait être le coeur de l’école est un espace étriqué au multiples fonctions. Il est cerné par deux grands murs aveugles de 12 mètres de haut. Les étudiants n’y restent pas, cet endroit devient un lieu de passage. Le bâtiment à redans quant à lui est désertique et replié sur lui-même.

1

UNION DIVISION

2

COAGULATION

3 HÉSITATION

4

5

CONFUSION

6

ÉVASION

82


PV90

PV90

> Manque de connection > Séparations

U 001

F'0

> Fragmentations

D 003 

C0

> Espaces étriqués REZ¬†DE¬†CHAUSSEE

4

2

5

6

1

3

83



III. RÉHABILITATION


Création de deux pôles La réhabilitation de Grenoble INP - Génie industriel met en tension divers enjeux programmatiques. D’une part l’école doit se réinventer pour faire échos à ses nouvelles formes de pédagogie, ainsi elle prévoit la mise en place de cinq plateformes d’enseignement de l’ingénierie du futur ; d’autre part, l’école recherche à communiquer avec l’extérieur quant à son activité, ses valeurs, elle souhaite donc améliorer sa lisibilité ; enfin, une école est en elle-même un lieu de rencontre et d’échange, un lieu de transmission du savoir, c’est pourquoi nous répondrons aux besoins « informels » de ses usagers, à ces enjeux qui sont en dehors des programmes pédagogiques mais par lesquels nous recherchons une qualité de vie. En réponse à ces enjeux et en accord avec les potentiels et faiblesses des bâtiments et de la cour identifiés lors de notre analyse, nous créons deux pôles, l’un sera le pôle d’enseignement de l’ingénierie du futur, il sera créé au travers de la réhabilitation de l’aile Est (PE), l’autre sera le pôle de vie, créé par la réhabilitation de l’aile Ouest (PV). La cour intérieure de l’INP et la passerelle assureront les continuités circulatoires au sein du projet, au rez-de-chaussée comme aux étages. La passerelle crée un lien direct entre le pôle de vie et le pôle d’enseignement. Elle assure la cohésion de tout l’INP grâce à cette réarticulation des volumes. 86


_identification des dysfonctionnements

_bilan des démolitions

PV

_création de deux pôles

PE

_réarticulation des volumes

_Schémas explicatifs des stratégies de réhabilitation, réutilisation, démolition et reconstruction. 87


RĂŠarticulation des volumes

88


Pôle de vie Hall et accueil Salle d’exposition Cafétériat Services cafétériat Espaces de détente Amphithéâtres Salles de classe Bibliothèque et archives Espace de travail en libre service Salle de réunion Bureaux Locaux associatifs Espaces enseignants Espaces doctorants et chercheurs Infirmerie Espaces intermédiaires Services, stockage Toilettes

Pôle d’enseignement de l’industrie du futur Plateforme de Fabrication Additive Espace libre-service Espace d’exposition Salle de réunion Ateliers Ateliers chercheurs Plateforme de CyberSécurité Mezzanine d’observation Salle informatique Atelier Plateforme de SuppliedChain Atelier Mezzanines d’observations Salle de réunion et classe Plateforme de Réalité Virtuelle Salles immersives Salle de réunion Plateforme d’Économie Expérimentale Salles de classes Mezzanine d’observation Bureaux chercheurs Services Toilettes

Administrations IUT

Classes

Passerelle

Cour

Terrasse extérieure Terrasse cafétériat couverte

Parc Accès plateforme techniques 89


Continuités et graduations Les deux pôles sont donc reliés par le bâtiment-pont au premier étage et par la cour intérieure de l’INP au sol. Dans l’intention d’alléger la barrière visuelle que forme le bâtiment-pont, de pallier aux problèmes thermiques qu’il soulève, de conserver son rôle de passerelle et d’offir des espaces extérieurs couverts, nous le réhabilitons en le dépeçant et en ôtant sa dalle supérieure. Le critère de légèreté est celui qui motive particulièrement cette intervention. Par la présence trop frontale et monumentale de ce bâtiment, aucune perspective visuelle vers l’aile Nord, la Bastille ou la Chartreuse n’est possible, il monopolise le champs visuel d’un usager dès son entrée dans la cour de l’INP. À l’inverse, la réhabilitation en passerelle permet de rétablir une porosité visuelle qui allège l’ensemble de la cour tout en maintenant le rôle majeur qu’elle joue dans l’articulation des deux polarités. La cour intérieure de l’INP est désencombrée. Tout en maintenant l’axe de symétrie historique qui relie les deux entrées, nous reconfigurons la cour en projetant, à l’aide de nos trois critères, les phénomènes sensori-moteurs qu’expérienceront les usagers, en particulier les situations de diffusion et d’échappement. Ainsi, la cour est un espace unitaire mais hétérogène, graduée en terme de rugosités et de trajectoires. Le schéma ci-contre témoigne des phénomènes d’attraction, de répulsion, de ralentissement, d’accélération et de temporisation que nous projetons sur cette cour. L’ensemble de ces paramètres correlés aux enjeux programmatiques du nouveau pôle de vie prédéfinissent sa projection au sol. 90


diffusion

ĂŠchappement diffusion endiguement

inertie

91


92


Réhabilitation de l’aile Est : Pôle d’enseignement de l’ingénierie du futur. Si les bâtiments de l’école sont historiquement si fragmentés, additionnés et agglomérés les uns aux autres, c’est parce que l’école elle-même s’est construite en écho avec les avancées scientifiques et industrielles de chaque époque. Ces transformations architecturales se succèdent depuis la création de l’institut électrotechnique en 1898 et son établissement sur les terrains offerts par Casimir Bremier en 1907. L’évolution de l’enseignement dispensé est le principal moteur de ces transformations. Si l’état actuel de l’enseignement du génie industriel motive une réhabilitation indispensable des bâtiments de l’INP, nous pouvons d’ores-et-déjà nous inscrire dans cette dynamique mouvante qu’est l’avancée des sciences et des industries, imaginer que l’enseignement sera de nouveau amené à évoluer et apporter une architecture souple et évolutive. Face à cette flexibilité requise et précieuse, nous proposons un principe fort et simple de libération des espaces au sol et d’offre maximale des volumes. Nous positionnons les cinq plateformes d’enseignement dans les volumes existants. Elles disposent ainsi d’un espace dégagé au sol qui sera conditionné, spatialisé et chorégraphié par la pratiques des outils et nouvelles technologies. Ce sont ces dernières, actuelles comme futures, qui organisent l’espace et les mouvements des usagers. L’enseignement du Génie Industriel à Grenoble INP est fondé sur une interdisciplinarité et une inclusion du domaine des sciences humaines et sociales. Nous comprenons qu’en lien avec cette forme de pédagogie, de nombreux moments d’enseignement sont forgés sur l’observation des activités. Ainsi nous 93


créons, pour chacune des plateformes, des situations de recul et d’observation : des mezzanines et salles suspendues dans lesquelles des cours théoriques peuvent être dispensés, dans lesquels nous avons une vue directe sur l’activité. Ainsi, la plateforme de Fabrication Additive (FA) occupe le bâtiment de couleur dans le schéma ci-contre, de par sa promixité et sa visibilité depuis la cour, elle instaure un dialogue avec tous les usagers de l’INP. Le deuxième étage de la plateforme est en connexion directe avec le bâtiment pont puis, de ce fait, avec le pôle de vie, ce qui permet de l’offir en partie en libre-service pour les étudiants. La plateforme de Cyber-Sécurité (CS) occupe le rez-dechaussée de l’aile Sud. La hauteur sous-plafond de ce volume offre la possibilité d’une mezzanine d’observation et d’ainsi faire une passerelle entre les enseignements logiciels et matériels. Sa proximité avec la plateforme FA permet d’instaurer un dialogue entre les divers outils et unités robotiques utilisés et d’éventuellement étendre cette passerelle logiciel - matériel aux deux plateformes. La plateforme de Supplied Chain (SC) occupe la partie centrale de l’aile Est. [CF ORGNGM]. La modularité de la plateforme permet d’envisager diverses organisations de la chaîne industrielle à expérimenter à échelle 1 et là encore des salles en mezzanines permettent de dispenser des cours dont l’objet est l’observation même de cette activité. La plateforme de Réalité Virtuelle (RV), lieu d’exploration des technologies immersives occupe l’emplacement central, partie de l’aile Est la moins lumineuse. Enfin, la plateforme d’Économie Expérimentale (EE), est composé d’un coeur fixe de salles de classe traditionnelle situé au premier étage, au dessus de la plateforme RV et d’une ramification directe avec les mezzanines des plateformes SC, CS et FA. En assurant l’accès aux plateformes par les espaces extérieurs et le bâtiment - pont, nous assurons la lisibilité et la cohésion des plateformes, vues à la fois comme entités indépendantes et comme réseau tout en réduisant le nombre de connexions transversales qui coupaient les activités et fragmentaient les espaces. 94


espaces de réunion espaces des chercheurs

laboratoires accès terrasse fabrication additive (libre-service, réunions)

économie expérimentale

supplied chain (mezzanine)

supplied chain (ateliers) fabrication additive (ateliers) cyber sécurité (atelier) cyber sécurité (mezzanine)

réalité virtuelle (ateliers)

95


Réhabilitation de l’aile Ouest : Pôle de vie La conception du pôle de vie est faite sous plusieurs modalités d’intervention répondant aux dysfonctionnements ou potentialités identifés dans une perspective de cohérence globale et de réarticulation des entités programmatiques. Le tableau ci-contre répertorie la quantité et le mode de modification des surfaces. Ainsi, nous réutilisons 664 m², c’est-à-dire que nous réinvestissons les pleins potentiels du bâtiment que ce soit en terme de structure, d’ambiance lumineuse ou de lisibilité des espaces. Cela concerne le petit amphithéâtre et les salles de classes. Nous réhabilitons ensuite 2 405 m² de surfaces, c’est-à-dire que nous conservons les enveloppes bâties dans leur ensemble pour leurs potentialités structurelles. Cela concerne le grand amphithéâtre dont la jauge est réduite, les volumes situés au-dessus des amphithéâtres et la partie du bâtiment-pont qui sera intérieure. Nous démolissons ensuite 2 396 m² de surfaces. Cela correspond au bâtiment de 1987 (le bâtiment à redans qui héberge aujourd’hui l’accueil), une partie annexe du bâtiment - pont, et l’actuel hall étudiant. Cette stratégie de démolition s’explique en conséquence des constats de dysfonctionnement que nous avons faits au travers de l’analyse et par les observations. En corrélant les enjeux du pôle de vie [LES RÉPÉTER ? ILS ONT étés dits ?] et l’état des bâtiments existants susnommés, nous ne pouvions proposer un projet cohérent. En effet, les éléments structurels ne pouvaient à la fois supporter des charges supplémentaires et subir des découpes partielles, ce qui était éminemment nécessaire pour offrir les espaces de rencontre et d’échange amples désirés. 96


médiathèque

salles de classes services

espace doctorants chercheurs

espace de coworking

terrasse extérieure non couverte espace enseignant

salles de classe

services salle informatique

services cafétériat cafétériat terrasse extérieure couverte cafétériat

espace de travail espace associatif étudiant salle de récéption infirmerie services local technique amphithéâtres

espace détente hall accueil

salle d’exposition

97


Enfin, nous reconstruisons 1 475 m² de surfaces. Nous remarquons alors que nous démolissons autant que nous réhabilitons mais que nous ne reconstruisons que la moitié des surfaces que nous démolissons. Nous avons en effet noté qu’il existait de nombreux espaces vacants dans l’INP et que l’enjeu de cette réhabilitation portait plus sur une reconfiguration et optimisation des circulations et spatialités plutôt que sur l’offre de nouvelles surfaces. Pour information, la page ci-contre récapitule en détail les surfaces modifiées et établit un comparatif entre surfaces projetées et surfaces existantes. Nous remarquons une plus grande variété des espaces dans la projection, le pôle de vie de l’INP sera un lieu social, il sera l’espace des intéractions entre les différents usagers et par conséquent le lieu de rencontre entre des programmes eux-même très divers. De cette manière, la nouvelle construction que nous proposons tire une force d’expression de sa fonction d’articulation et de sa qualité d’espace fédérateur : Articulation puisqu’elle lie l’accueil de l’INP, les amphithéâtres ou autres lieux d’enseignement théorique, les espaces d’étude autonome ou de travaux de groupe, les locaux associatifs ou enseignants et enfin les lieux de détente et de vie collective. Cette liaison des programmes se fait dans la clarté et la lisibilité des volumes et des espaces. Et fédératrice puisque qu’incluant ces programmme, elle sera l’espace social dans lequel se rejoignent et se rencontrent les 680 étudiants, les 30 enseignants et les autres membres de tout l’Institut Polytechnique.

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Récapitulation des surfaces modifiées 2396 m² Démolition 1756 m² Bâtiment de 1987 364 m² Volume annexe au bâtiment-pont 276 m² Hall étudiant 1475 m² Reconstruction

664 m² 142 m² 522 m²

Réutilisation Petit amphithéâtre Salles de classe

2405 m² Réhabilitation 291 m² Réduction de l’amphithéâtre 276 m² Administrations en RDC 1588 m² Administrations aux R+2 et 3 260 m² Passerelle intérieure

PROJETÉ

EXISTANT Rez-de-chaussée 276 m² Hall étudiant 480 m² Accueil et services (bâtiment de 1987) 288 m² Services (volume annexe au bâtiment-pont) 276 m² Administrations 291 m² Grand amphithéâtre 142 m² Petit amphithéâtre 1er étage Services (volume annexe au bâtiment-pont) 560 m² Services (bâtiment de 1987) 320 m² Locaux au dessus du petit amphithéâtre 76 m²

2ème étage 484 m² Services (bâtiment de 1987) 618 m² Administrations 261 m² Salles de classe 3ème étage 232 m² Services (bâtiment de 1987) 650 m² Administrations 261 m² Salles de classe

616 m² 177 m² 142 m² 110 m² 92 m² 51 m² 33 m²

Rez-de-chaussée Hall et accueil Amphithéâtre 1 Amphithéâtre 2 Salle d’exposition Salle de réunion Services et infirmeries Toilettes

1er étage 210 m² Cafétériat 50 m² Services cafétériat 450 m² Espace de travail en libre service 65 m² Locaux associatifs 35 m² Bureaux 136 m² Salles de classe 470 m² Espaces intermédiaires 46 m² Services, stockage 33 m² Toilettes 333 m² Passerelle extérieure 2ème étage 200 m² Espaces enseignants 350 m² Espaces doctorants et chercheurs 250 m² Espaces de détente 136 m² Salle de classe 550 m² Espaces intermédiaires 51 m² Services 33 m² Toilettes 333 m² Passerelle extérieure 3ème étage 250m² Bibliothèque et archives 99



IV. EXPÉRIMENTATIONS SUR LES NOTIONS D’AFFORDANCE ET DE CONDUITES DES CORPS


« The hypothesis that things have affordances, and that we perceive or learn to perceive them, is very promising, radical, but not yet elaborated » J. James Gibson

De la notion d’affordance Basés sur les conclusions de notre analyse somaesthétique, nous en avons extrait une typologie. Nous avons ensuite organisé les entités programmatiques, ne cherchant pas immédiatement à les formaliser, mais à comprendre et qualifier leur composition, leurs liaisons, leurs modes d’intéractions, entre espaces servis et servants, espaces de repli et espaces de convivialités. Nous obtenons de la sorte un double profilage certain, par la rugosité et les trajectoires et une esquisse des spatialités qui leur correspondent. À présent, nous cherchons à formuler, formaliser pleinement les morphologies qui offriraient ces critères de trajectoires, de rugosités et de spatialités. Nous nous sommes référés au physchologue J. James Gibson, en prenant appuis sur son ouvragre « Écologie de la perception visuelle ». En tant que psychologue de la perception, il se positionne par rapport aux courants scientifiques dominants de son époque : le behaviorisme (déterminisme du comportement sous l’angle purement physique et matériel du corps) et le cognitivisme (approche computationnelle et neurologique des comportements) pour définir les phénomènes perceptifs qu’il qualifie d’affordances. Il suggère ainsi que l’environnement dans lequel un individu est intégré dispose de qualités qui pour102


ront stimuler ses perceptions et orienter ses actions. En adoptant la définition de Gibson et présupposant que la perception de la spatialité et de la forme influencent bel et bien les conduites sensori-motrices des usagers, nous avons cherché quels seraient les situations spatiales qui offrent aux usagers une forme d’ergonomie du déplacement, une conduite des corps, une structuration de l’environnement spécifique. En effet nous nous sommes interrogés: Comment un geste continu, que nous avons radicalisé sous forme de ligne courbe, impacterait-elle les corps en mouvement qui lui font face ou qui la longent ? Comment une courbure rend-elle l’espace rugueux ou lisse ? Comment une paroi, un mur ou une façade, impactent-ils des trajectoires, appellent-ils le corps à s’engager ou au contraire le repoussent ? Afin d’étudier et de générer ces effets sur le corps, nous avons mené des expérimentations plastiques sur l’impact visuel et la perception d’affordance d’une courbe tridimensionnelle et de l’inclinaisons des parois. Nous précisons que le terme « affordance » est la traduction littérale du verbe « to afford » en anglais , signifie « offrir », « fournir » et qu’en ce sens, les effets recherchés sur la perception et la mobilisation des corps sont vécus non comme des prescriptions comportementales mais bel et bien comme des possiblités qui apportent une qualité potentielle d’usage, une sensibilité [offerte au corps conscient que décrit la somaesthétique.]

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RÉSERVÉ RÉSERVÉ état :état Élévation légère : Élévation légère effeteffet : tient: tient à distance le corps. à distance le corps.

CONDUCTEUR CONDUCTEUR état :état Élévation : Élévation régulière régulière depuis depuis le sol.le sol. effeteffet : conduit, : conduit, projette projette le regard, le regard, se se laisselaisse approcher approcher

DOMD état :ét é que lequ c effetef : sort du so

PASSIF PASSIF état :état Haut, : Haut, descendant, descendant, facesfaces convexes convexes effeteffet : Guide : Guide passivement passivement le corps. le corps.

INDIFFÉRENT INDIFFÉRENT état :état Haut, descendant, face basse : Haut, descendant, face basse verticale. verticale. effeteffet : Ignore le corps, abaisse le regard : Ignore le corps, abaisse le regard

ÉCRAÉ état :ét H effetef : regard re

BOMBÉ BOMBÉ état :état Ponctuellement : Ponctuellement sinueux sinueux effeteffet : Appuis : Appuis sur lesur corps, le corps, le repousse le repousse légèrement. légèrement.

ARQUÉ ARQUÉ état :état Ponctuellement sinueux : Ponctuellement sinueux effeteffet : Appuis sur lesur corps, le repousse : Appuis le corps, le repousse légèrement. légèrement.

CAMB C état :ét P effetef :

HÂTANT HÂTANT état :état élévation : élévation accélérée accélérée effeteffet : hâte: le hâte regard le regard et le corps et le corps

DISTANT DISTANT état :élévation régulière légère, proche état :élévation régulière légère, proche du soldu sol à distance le corps. effeteffet : tient: tient à distance le corps.

PROJP état :ét é effetef : gner gn

MALADROIT MALADROIT état :état Descendant : Descendant et légèrement et légèrement in- infléchi.fléchi. effeteffet : Précipite : Précipite le regard le regard au sol, auresol, repousse pousse le corps. le corps.

ASSOUPLI ASSOUPLI : hauteur régulière, légères état :état hauteur régulière, légères in- inflexions. flexions. : Indécision, ignore le corps. effeteffet : Indécision, ignore le corps.

INDÉC I état :ét h fle flexion effetef :

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e sol. se

DOMINANT DOMINANT état :état élévation : élévation régulière, régulière, plus haute plus haute que leque corps le corps en tout enpoint. tout point. effeteffet : accompagne : accompagne et domine et domine le corps, le corps, sort du sort champs du champs de vision de vision direct. direct.

INCOMBANT INCOMBANT : élévation minimale, depuis état :état élévation minimale, depuis le sol.le sol. à distance le corps effeteffet : tient: tient à distance le corps

e

degard

ÉCRASANT ÉCRASANT état :état Haut, : Haut, descendant, descendant, facesfaces concaves. concaves. effeteffet : Bouscule : Bouscule le corps, le corps, abaisse abaisse le le regard regard

AFFAISSÉ AFFAISSÉ : abaissé, concaves. état :état abaissé, facesfaces concaves. : affaissement, écrase le corps. effeteffet : affaissement, écrase le corps.

usse

CAMBRÉ CAMBRÉ état :état Ponctuellement : Ponctuellement infléchi infléchi effeteffet : Temporise : Temporise le corps le corps

GALBÉ GALBÉ état :état ponctuellement : ponctuellement infléchi infléchi effeteffet : accompagne : accompagne puis ralenti puis ralenti le re-le regard gard

eroche

PROJETANT PROJETANT état :état élévation : élévation régulière régulière effeteffet : dirige : dirige le corps, le corps, sans l’accompasans l’accompagner gner

DILIGENT DILIGENT état :état élévation régulière, depuis le sol.le sol. : élévation régulière, depuis effeteffet : Dirige et accompagne le corps. : Dirige et accompagne le corps.

n-

INDÉCIS INDÉCIS état :état hauteur : hauteur régulière, régulière, légères légères in- inflexions. flexions. effeteffet : indécision, : indécision, ignore ignore le corps. le corps.

SINUEUX SINUEUX état :état descendant, légères inflexions. : descendant, légères inflexions. effeteffet : accompagne le corps, s’affaisse. : accompagne le corps, s’affaisse.

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Perception d’affordance d’une courbe tridimensionnelle et de l’inclinaison des parois Sur la double page précédente, nous étudions la courbe : ascendante ou descendante, régulière ou sinueuse, haute ou basse. La projection au sol de cette ligne est d’ores-et-déjà définie par les critères de trajectoire, rugosités et spatialités mentionnés précédemment. Il s’agit d’explorer ses variations dans la hauteur. Ce tableau permet d’extraire les corrélations entre «l’état» de la ligne et des parois, « l’effet » produit sur le corps et la manière dont la surface sera perçue dans son ensemble. Nous retenons de cette série, deux affordances majeures que sont l’effet « conducteur » et celui de « galbe ». Ces deux situations ont en commun un accompagnement marqué du regard, la ligne est mise en exergue par le retrait simultané des deux parois, ce sont deux formes convexes.

La troisième série de forme exploite une ondulation dans la hauteur de cette curviligne. D’une proposition à l’autre, il s’agit INCOMBANT d’unétat décalage duminimale, momentdepuis d’inflexion. ute : élévation le sol. Ainsi, nous nommons la première proposition « corps bombée » car elle semble former un effet : tient à distance le corps, aplomb sur le corps. La seconde est nommée « arquée » car nous ressentons l’équivalent d’une déformation naturelle. La troisième est nommée « cambrée » car nous approchons d’une situation harmonieuse mais l’on ressent un effort sous-jacent, le regard accroche maladroitement. Enfin, nous nommons la dernière proposition de la série « galbée » car la courbure semble cetteAFFAISSÉ fois-ci naturellement harmonieuse. Le regard est accomcaves. état : abaissé, faces concaves. pagné, élevé puis ralenti et capturé. Le corps est temporisé. e effet : affaissement, écrase le corps.

GALBÉ état : ponctuellement infléchi effet : accompagne puis ralenti le regard

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10° 20° de Sur0° la double page suivante, nous étudions un ensemble configurations spatiales en faisant varier la hauteur d’un point d’inflexion et l’inclinaison de deux parois, sur le modèle de convexité extérieure que nous venons d’évoquer dans l’expérimentation précédente. La hauteur du point d’inflexion est définie par le corps, elle se situe au niveau de la taille (1/2 corps), au niveau des yeux (1 corps), à deux fois et quatre fois la taille moyenne d’un corps. L’inclinaison de la paroi inférieure varie entre la position verticale (0°) et une inclinaison forte (40°). Nous constatons que pour une paroi d’une hauteur de deux corps, la verticalité engendre une situation passive de co-présence avec le corps, elle n’est pas démesurée et se présente à lui frontalement, sans profondeur aucune. À l’inverse, elle devient pressante lorsqu’elle prend une inclinaison de 30° et même écrasante à 40°. Mais il existe une situation intermédiaire où une tension s’instaure et la paroi nous apparait devenir invitante. Effectivement, avec une inclinaison de 20°, la paroi semble se retenir, ce ne serait pas la gravité à la source de cette inclinaison mais la morphologie même de cet objet. Nous n’y voyons plus de pression sur le corps. Lorsque la paroi, toujours inclinée à 20°, prend de la hauteur, quatre corps voire plus, elle devient hébergeante. En effet, l’inclinaison est toujours perçue non comme un appui pesant sur le corps mais comme un équilibre et nous avons cette fois-ci suffisamment d’espace pour nous contenir tout entier en son dessous. C’est une affordance forte que d’offrir la possibilité d’un abri. La hauteur a un impact positif une nouvelle fois pour une inclinaison très forte, de 40°. Cette situation devient engageante car nous pouvons percevoir là aussi un « dessous » à l’inverse de la situation écrasante. Le dessous est vécu comme un lieu de transition d’un espace vers l’autre, d’une extériorité vers une intériorité. Nous concluons que l’expérience de l’inclinaison ne peut se détacher d’une perception des dimensions et proportions de l’objet incliné.

HÉBERGEANT

107


10°

20°

RÉSERVÉ

PASSIF

108

INDIFFÉRENT

INVITANT

DOMINANT

HÉBERGEANT


20°

30°

40°

INCOMBANT

ENCOMBRANT

INCIDENT

HEURTANT

PRESSANT

ÉCRASANT

ENGAGEANT

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CONTOURNEMENT

ENGLOBEMENT

RÉTENTION

ANGULATION

ÉCOULEMENT

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Morphologie affordante L’ensemble des situations étudiées quant à l’inclinaison des parois le sont à l’aide d’un corps statique. Si cela est approprié, car cette perception immédiate existe et que nous pouvons les expériencer ainsi, il est plus pertinent encore d’entrevoir ces perceptions par le biais du corps en mouvement que décrivent [Shustermann et Berthoz, corps tjr en mvt, ds le futur]. En réponse à cela, nous assemblons les solutions morphologiques issues de ces expérimentations plastiques et corporelles : les affordances de perception en mouvement de la curviligne, et celles de perception de la paroi proportionnée et inclinée.

GALBE

AFFAISSEMENT

CASSURE

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Cet assemblage morphologique est recherché par l’adéquation entre nos intentions programmatiques mentionnées précédemment, la manière dont nous nous insérons auprès de l’existant, les stratégies issues de nos recherches plastiques et leur impacts sur la perception d’affordance. Nous avons exploré plusieurs solutions tout en analysant rétroactivement l’effet global produit. Ainsi, la double page précédente présente ces diverses morphologies générées et explorées. Nous avons gardé l’appelation « galbé » en ce qu’elle décrit selon nous une forme naturellement harmonieuse. La courbe structure la perception de l’environnement, organise la conduite des corps et fabrique la volumétrie intérieure. Pour l’usager qui entre dans la cour depuis la rue Félix Viallet, elle élève et conduit le regard puis s’abaisse de telle sorte qu’elle le capte et le fixe. L’usager est amené à lire le volume de l’entrée, il lui est offert la possibilité de se glisser sous la paroi fortement inclinée et majestueuse. Dans un second temps la courbe frôle le sol, c’est l’occasion pour la paroi supérieure de se rendre plane et d’articuler la jonction avec la passerelle. La courbe se ré-élève du sol très rapidement, elle finit de souligner la passerelle et permet de lire le volume du pôle de vie à l’usager qui l’observerait depuis le parc. La courbe guide une nouvelle fois le regard vers l’entrée, celle du parc, cependant elle ne capte pas le regard, elle le conduit et l’attire vers l’intérieur puis se dérobe du champs de vision de l’usager, elle s’efface au contact du bâtiment historique.

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Modélisations numériques et matérielles

_Génération des trois rails à partir des dessins 2D puis balayages des surfaces

Grâce aux outils de modélisation paramétrique, nous avons pu produire en série les formes non-standard complexes que l’on souhaitait étudier au regard des affordances qu’elles génèrent. Les documents graphiques de cette page présentent la manière dont les surfaces courbes du volume sont générées. Elles les sont à partir d’un algorithme qui opère un balayage entre deux rails. Nous pouvons appréhender la complexité de ces surfaces et affiner leur dessin aisément grâce à la manipulation d’un tel script (outil de conception paramétrique, utilisation du plug-in Grasshopper pour Rhinoceros3D.) _Dessin des trois courbes en XY

_Dessin des trois courbes en Z 114


Ces surfaces et volumes, nous les avons matérialisées à l’aide de technologies additives et ainsi nous avons pu appréhender concrètement leurs morphologies et les comparer les unes aux autres. La maîtrise de ce processus de génération sérielle et de comparaisons nous permet d’affiner le résultat et de repérer précisément les paramètres de forme à retenir.

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Concrétisation des expérimentations

1

2

4

3

5

6

7

1 7 3

4 6 2

5

_Tomographie : situations-clés présentes dans la morphologie projetée 116


Synthèse

_Intentions en termes de trajectoires, rugosités et spatialités

_Affordances de la curviligne

_Affordances de l’inclinaison des parois

_Morphologie 117



V. SPATIALITÉS : PROJECTIONS DÉTAILLÉES DES MORPHOLOGIES ET AMBIANCES


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Spatialités : projections détaillées des morphologies et ambiances Ce chapitre à pour but de présenter le projet à une échelle de définition plus précise. Ainsi nous rendons compte des volontés d’ambiances, d’usages et de spatialités que nous souhaitons attribuer au projet. Nous exposerons au moyen de différentes méthodes de représentation ces espaces afin de permettre une meilleure compréhension de nos intentions. La conception de ces nouveaux espaces, intérieurs comme extérieurs, s’est faite en ré-empruntant la logique de la typologie obtenue par notre analyse et les principes de formalisation obtenue par notre démarche expérimentale.

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122


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Rez-de-chaussée Comme nous l’avons énoncé dans la présentation des enjeux programmatiques, le rez de chaussée se compose des amphithéâtres, d’une salle d’exposition, d’une salle polyvalente pour les réunions et les formations mais également d’un espace de vie généreux qui regroupe l’entrée, l’atrium et un espace de détente facilement appropriable par les usagers pour les moments de pauses et de vie commune. Au rez-de-chaussée, comme à chaque niveau de l’aile ouest, une dualité s’installe entre les salles existantes et nos nouveaux espaces de vie et de partage. En effet dans le premier cas la ligne droite est à l’honneur alors que dans l’autre c’est la courbe qui compose l’espace. Ce phénomène morphologique permet de mettre en exergue le rôle du nouveau pôle de vie. Celui-ci à pour fonction d’être à la fois un espace central qui articule les autres bâtiments de Grenoble INP entre eux, mais également le lieu de rencontre et de partage, que ce soit pour se détendre ou pour travailler. Le rez-de-chaussée se caractérise dans un premier temps par son aspect fluide et circulatoire. Les espaces sont en continuités les uns avec les autres mais pour autant ils se distinguent à travers des dispositifs architecturaux : variations du niveau des sols, de la luminosité, des hauteurs sous plafonds et de la matérialité. L’atrium est au cœur de ce pôle de vie et est un point de rencontre de nombreuses trajectoires, il joue ainsi un rôle distributif majeur. Il se définit par sa grande hauteur qui permet à la fois de garder en contact les différents étages, mais surtout d’apporter de la lumière dans tout le bâtiment. Cette lumière diffuse témoigne directement des variations de luminosité au cour de la journée, conférant ainsi une atmosphère changeante aux espaces intérieurs. Dans un second temps ce pôle de vie se définit aussi par ces espaces plus rugueux qui jouent un rôle attracteur en 124


_ Plan du rez-de-chaussĂŠe 0

10 m

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ralentissant les corps. On parle ici par exemple de l’espace de détente. Celui-ci légèrement surélevé par rapport au reste du rez-de-chaussée permet de nombreuses affordances pour les usagers. Son revêtement au sol en bois donne une atmosphère plus conviviale au lieu en réfléchissant une lumière de couleur chaude, invitant ainsi les usagers à s’y installer. Simplement aménagé par du mobilier, cet espace reste entièrement modulable et donc aisément appropriable. Il est contenu en grande partie par l’enveloppe extérieure à travers laquelle, au moyen de fenêtres panoramiques, nous pouvons apprécier la cour et les jardins par une diversité de cadrages. Le bloc central à une double fonction, d’une part il offre une circulation verticale par le biais d’un ascenseur et d’autre part il partitionne l’espace. Sa forme curviligne propose un espace convexe et un espace concave et offre ainsi deux expériences corporelles. Dans la partie convexe, coté atrium, les corps glissent et contournent le volume conférant de la fluidité dans les déplacements. En opposition, dans la partie concave se trouve l’espace d’exposition. Cette morphologie vient fabriquer une intériorité et un changement d’atmosphère impactant ainsi les mouvements des corps.

_Schéma des rugosités et trajectoires du rez-de-chaussée 126


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_ Coupe transversale nord-sud

0

10 m


Aspect technique Ce qui constitue la paroi du nouveau bâtiment est un complexe multicouche ayant un rôle structurel, thermique et intégrant dans son épaisseur une partie des fluxs techniques du bâtiment. Ce complexe se décompose en trois couches : une enveloppe extérieure, la structure et une enveloppe intérieure isolante. La structure primaire en métal assure la descente des charges des enveloppes et des planchers intérieurs, elle est ancrée au sol. Les enveloppes sont fixées sur des ossature métalliques fines, elles-mêmes rattachées à la structure primaire. Par endroit l’espace entre les deux enveloppes se dilate accueillant un local technique et les flux techniques du bâti, alors, l’ossature support de l’enveloppe extérieure se détache momentanément et devient auto-portante. Entre les deux enveloppes un volume d’air se forme, un espace tampon ventilé naturellement. Des bouches de sortie d’air en toiture génèrent naturellement un courant d’air thermique ascendant. Cette ventilation naturelle évite une surchauffe du volume d’air en été. L’enveloppe intérieure intègre l’isolation thermique et l’étanchéïté. Les ouvertures sont alignées au nu extérieur, les ouvrants donneront ainsi directement sur l’extérieur et non sur la lame d’air chaud, entre les deux enveloppes. 128


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_ Coupe longitudinale est-ouest

0

10 m


Plan paysagé et cour L’organisation de la cour s’est faite en s’inscrivant dans la même logique de conception que le reste du projet. Autrement dit, nous faisons appel aux trois critères de trajectoire, rugosité et spatialité pour créer des situations de mouvement et plus loin encore, des expériences - au sens où l’entend Shusterman : “[La soma-esthétique] explore l’expérience et les usages que quelqu’un peut faire de son corps comme lieu de jugement sensoriel-esthétique et façonner le créatif de soi-même”. Nous souhaitons donc offrir une variété d’espaces présentant diverses affordances à la perception des usagers leur permettant de se les approprier librement. Ainsi, ce sont les végétations, ambiances lumineuses, sonores et olfactives, mobiliers et matérialités des sols qui organisent la cours. L’espace au sud-est dessert trois plateformes, c’est un espace technique qui peut faire office d’espace de livraisons et autres échanges de matériel. Il ne subit pas d’importantes transformations. L’espace au sud-ouest se définit comme une place, doit permettre un déplacement fluide des usagers, ne pas générer de rugosité importante. Les interventions se résument à l’implantation d’assises, et de petits espaces végétalisés. La végétation est « basse » afin de ne pas obstruer le mouvement et la vue sur le pôle de vie depuis l’entrée. L’espace au nord quant à lui est à l’image d’un parc. La végétation y est plus présente et les assises plus nombreuses. C’est l’espace de rugosité le plus fort de la cour. Le design de la cour est généré par la projection au sol les lignes de profils du bâtiment. En fonction de nos volontés spatiales, ces lignes directrices ainsi obtenues sont densifiés par démultiplication. Ce processus nous permet de venir positionner ponctuellement des assises et des espaces végétalisés aux intensités variables. Les lignes aux sol se démarquent du reste de la cour dans leur matérialité de façon à rester subtilement visible. Elles apportent un rythme dans le déplacement des usagers qu’elles guident. Par ailleurs, en prenant localement de la hauteur, elles deviennent des supports d’assises, pour inviter les usagers à s’arrêter et profiter de la cour. 130


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Comme expliqué précédemment les espaces végétalisés se distinguent par leur diversité. Cela se traduit par une végération plus ou moins dense à la composition variée. Ainsi, certains jardins sont uniquement composés de petites pelouses. D’autres sont élaborés à partir d’une plus grande variété d’essences d’arbres et de plantes. Nous aménageons ainsi de part et d’autre de la cours de véritables petits oasis de verdure, où les étudiants et autres usagers de l’INP sauront venir s’y reposer le temps d’une pause. Nous proposons d’utiliser certaines essences d’arbres en cépées qui ont un feuillage poreux, créant une lumière diffuse et une ombre blanche. Nous pouvons citer par exemple le févier d’Amérique doré (gleditsia triacanthos sunburst) ou l’érable à feuille de frêne (acer negundo flamingo). Ces arbres en cépées (avec plusieurs troncs) participent à la perception de la rugosité en contrastant avec l’aspect rigide des anciens bâtiments de l’INP. Ils apportent un aspect indéterminé à l’ambiance du parc, quelques chose d’informel, plus facilement appropriable. Les usagers de ce parc profiteront d’une ambiance végétalisée, d’un espace oxygéné en plein cœur d’un îlot urbain.

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1er étage Le première étage est un espace clé faisant le lien, à l’aide du bâtiment-pont, entre ce pôle de vie et le pôle de l’enseignement de l’ingénierie du futur. Il accueille la cafétéria, des espaces dédiés aux étudiants associatifs, des espace de travail, et une salle informatique. L’espace associatif et la cafétéria se concentrent autour de l’atrium. Ils s’inscrivent dans la continuité des trajectoires et participent ainsi directement à la vie de l’école. Les espaces de travail et les salles informatiques sont disposés plus en retrait dans la partie existante de l’aile ouest. De ce fait ils s’extraient des trajectoires importantes, offrant alors des conditions de travail plus favorables. La cafétéria jouit d’un emplacement privilégié. En effet, elle est judicieusement disposée entre l’atrium, et donc cet espace de vie dynamique central, et la cour sur laquelle elle donne a voir. La cafétéria est par ailleurs en lien direct avec le bâtiment-pont ce qui permet lorsque le temps s’y prête d’investir les extérieurs. L’inclinaison de la paroi sur la partie nord de l’enveloppe permet de diversifier l’expérience corporelle que les usagers font de cet espace. L’expérience sensible que l’on fait de ce lieu est directement influencée par les effets lumineux. En effet la cafétéria profite de la lumière provenant de l’atrium ainsi que celle venant du nord. La lumière zénithale a la particularité de fluctuer, elle peut être directe ou indirecte. Du côté nord, la lumière est indirecte et plus douce. Ouverte et inscrite en continu, la cafétéria donne à voir autant qu’à être vue. De cette manière les usagers se positionnent comme observateurs autant que comme sujets d’observation. En plus de cela cet es136


_ Plan du premier ĂŠtage 0

10 m

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pace est irrégulière fréquenté au cour de la journée. L’usage que les étudiants en font varie en fonction des différentes temporalités. L’espace sera parfois vide et calme, et parfois vivant et investi de toute part, influençant directement l’atmosphère et l’ambiance de ce pôle de vie. L’espace associatif, bien que s’inscrivant comme la cafétéria dans la continuité de l’espace de vie est légèrement plus introverti. Il articule différentes spatialités. On y trouve un volume généreux et partiellement ouvert sur l’atrium, il joue le rôle d’espace de détente et de réunion. On y trouve également de plus petits espaces tels que des bureaux. L’orientation sud de ces salles permet aux usagers de profiter d’une lumière directe. Ces espaces à mis chemin entre le lieu de vie de l’INP et les espaces de travail s’isolent du brouhaha de l’atrium sans pour autant s’en affranchir, permettant ainsi d’investir ces espaces et d’en faire un meilleur usage récréatif ou plus sérieux.

_Schéma des rugosités et trajectoires du 1er étage 138


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2ème et 3ème étages Le deuxième étage offre un espace polyvalent de coworking, cet espace modulable peut s’adapter aux différentes utilisations que peuvent en faire les usagers de l’INP. On y trouve également l’espace enseignant qui se répartit entre une salle commune ouverte et des bureaux. Le deuxième étage dispose également d’une documentation ainsi qu’un espace dédié aux chercheurs et doctorants. Ces deux derniers espaces se poursuivent par ailleur sur l’étage supérieur. L’espace de co-working est l’espace majeur de cet étage. Sa position lui permet d’être baigné de lumière, à la fois par l’atrium, mais aussi grâce aux variétés de percement sur la façade. Il offre une vue sur l’ensemble de l’INP, et même au delà puisque l’on peut apercevoir la Bastille et les premiers sommets de la Chartreuse. En lien avec le bâtiment-pont, il fait la continuité avec le pôle d’enseignement. Le critère fondamental de cet espace est qu’il se définit comme étant un nouveau lieu d’échange et de partage des savoirs et des connaissances. Il s’affranchit des traditionnels quatre murs d’une salle de classe pour favoriser la rencontre, inviter au débat, susciter la curio-

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sité. Il se distingue par sa spatialité facilement appropriable et à sa modularité. Les usagers peuvent l’investir pour travailler individuellement ou en groupe, pour faire une présentation en petit comité ou pour engager un débat. Dans des occasions plus formelle cet espace peut devenir une salle de réception et de vernissage. Cet espace clé et le nouveau lieu qui permet les échanges entre les étudiants, les doctorants, les chercheurs, et les enseignants. De la même manière qu’au premier étage l’espace dédié aux enseignants reste en communication avec l’atrium mais est plus introverti. Son organisation permet d’offrir des espaces de bu-

_Schéma des rugosités et trajectoires du 2ème étage 142


_ Plan du deuxième étage 0

10 m

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reaux, plus intimes et plus tranquilles, favorisant le travail, tout comme un espace commun ouvert favorisant la rencontre et l’interaction social. La médiathèque ainsi que l’espace dédié aux chercheurs et doctorants restent également en continuité avec le lieu d’échange tout en s’isolant. Cela va de pair avec le fait que ce sont des entités pouvant fonctionner en autonomie. Ces espaces s’organisent sur deux étages. Ils se caractérisent par une double hauteur orientée à l’ouest, contre la verrière existante. De cet manière nous cherchons à apporter un esprit favorable aux situations de travail en reproduisant une spatialité dans un esprit d’atelier. Ceci permet entre autre de percevoir les rythmes des mouvements au sein même de ces entités. Par ailleurs cela nous permet de composer une variétés d’espaces, plus ou moins ouverts ou intimes, et accorder l’espace à divers usages. Du point de vue de la luminosité, ces espaces ont la caractéristique de profiter d’une double exposition Est et Ouest améliorant les qualités spatiales des espaces et favorisant de bonnes conditions de travail.

_Schéma des rugosités et trajectoires du 3ème étage 144


_ Plan du troisième étage 0

10 m

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CONCLUSION


Synthèse et critique Nous avons abordé les enjeux du projet de réhabilitation de l’Institut Polytechnique sous l’angle des usagers et de leur expérience de l’espace et de l’architecture. En s’intéressant à leurs usages, en les observant de l’extérieur et en les interrogeant sur la qualité de leurs vécus individuels et collectifs et leurs perceptions de l’architecture, nous avons pu initier la conception du projet et assurer sa cohérence. L’analyse, que nous avons axée sur une approche somaesthétique de l’architecture nous a permis de comprendre ces usagers et d’identifier leurs besoins par l’intermédiaire de la notion de corps sensible. Nous pensions que cette analyse menée à partir des trois critères que sont, pour rappel, trajectoires, rugosités et spatialités, nous apporterait les éléments d’un langage réutilisable pour la conception du projet. Or, ce qui résulte de cette analyse est un outil de compréhension du mouvement du corps dans l’architecture. La typologie des situations de mouvement que nous avons pu extraire ne nous présente pas ces situations comme des modules à réemployer sous forme projectuelle. En revanche, elle nous indique la nature de la corrélation qui existe entre la manifestation perceptible du mouvement du corps dans l’architecture et l’architecture elle-même en tant que configuration matérielle et sensible. C’est à partir de ce constat que nous pouvons envisager la composition du projet à l’aide des trois critères. Cette approche théorique et analytique du projet est couplée avec une démarche expérimentale en vue de faire émerger la forme de notre projet d’architecture. Les expériences que nous avons menées à partir de la notion d’affordance forment en quelques sortes un approfondissement de nos connais150


sances quant à cette corrélation qui existe entre le mouvement d’un corps et l’environnement dans lequel il se produit. Gibson nous renseigne sur le rôle prépondérant de la perception visuelle dans la structuration mentale de notre environnement et sur l’imaginaire des mouvements qui résultent de cette perception. En conséquence, nous ne nous fondons pas sur une hypothétique universalité de la perception pour générer une architecture autoritaire et déterministe mais nous prenons conscience que cette perception joue un rôle majeur et cherchons à générer un environnement riche de sens, une architecture attentionnée envers ses usagers. Grâce aux outils de modélisation paramétrique, nous avons pu produire en série les formes non-standard complexes que l’on souhaitait étudier au regard des affordances qu’elles génèrent. Nous les avons matérialisées à l’aide de technologies additives et ainsi nous avons pu appréhender concrètement leurs morphologies et les comparer les unes aux autres. La maîtrise de ce processus de génération sérielle et de comparaisons nous permet d’affiner le résultat et repérer précisément les paramètres de forme à retenir. Notre travail résulte d’un processus itératif qui oscille entre une recherche théorique et une démarche expérimentale mis au service du projet. D’une part la double approche nous permet par la théorie d’étayer nos propos en puisant dans les domaines de la psychologie, de la philosophie et des sciences cognitives en plus de l’architecture et d’autre part elle nous permet par l’expérimentation de s’approprier, de concrétiser et de vérifier la véracité de ces théories pour en tirer des éléments moteur dans le processus de projet.

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Bibliographie

BERTHOZ A., Le sens du mouvement, éd. Odile Jacob, 1999. BOURGEOIS J., Représentations motrices et perception de l’espace péripersonnel, thèse en psychologie, sous la direction de COELLO Y., université Lille 3, 2012. p.48-49 FORMIS B., « Richard Shusterman, Conscience du corps. Pour une soma-esthétique », Mouvements, 2009/1 (n° 57), p. 155157. URL : http://www.cairn.info/revue-mouvements-2009-1page-155.htm (consulté le 18.03.17) GIBSON J. J., Approche écologique de la perception visuelle, éd. Dehors, Bellevaux, 2014. PREAMECHAI Sarawut, Dispositifs architecturaux et mouvements qualifiés : recherche exploratoire sur les conduites sensori-motrices des passants dans les espaces publics intermédiaires, 2006. RAHM P., Architecture météorologique, éd. Archibooks, Paris, 2009. SHUSTERMAN R., Soma-esthétique et architecture : une alternative critique, éd. Haute école d’art et de design, Genève, 2010. SIMONDON G., L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information, éd. Millon, Grenoble 2013. TORGUE H. Ambiance urbaine et ville sensorielle, Cresson, UMR, 2015. ZUMTHOR P., Atmosphères : environnements architecturaux, ce qui m’entoure, éd. Birkhäuser, Bâles, 2008.

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Annexes

Nous avons réalisé une vidéo synthéthisant l’ensemble des conclusions tirées de nos observations. Cette vidéo est disponible sur internet, à l’adresse suivante : « Recit d’un lieu » , 3 minutes , https://vimeo.com/220211615.

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Nous cherchons par notre architecture à s’adresser à ce corps, celui qui perçoit et qui agit, celui qui vit consciemment. En formulant une approche soma-esthétique, nous le considérons comme l’élément fondamental d’une analyse et projection architecturales faîtes au plus proche des usagers. Nous nous référons à la soma-esthétique telle que la décrit son initiateur, Richard Shusterman : « L’expérience directe d’une discipline corporelle centrée sur la compréhension somatique des actes moteurs et des postures, et l’étude d’une approche théorique foncièrement ancrée dans l’expérience sont donc des outils centraux pour la soma-esthétique. »


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