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ANNEE 2016
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WROCLAW EUROPEAN CAPITAL of CULTURE
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EDITO (A) Spaces for Architects ? Oubliez tout ce qu’on vous a dit, ou plutôt ce qu’on vous a vendu, sur Wroclaw et son titre de Capitale Européenne de la Culture. Ou presque…
Ce numéro de lancement mettra à jour des contradictions que comprennent la candidature et le programme de Wroclaw pour 2016. En partant du WuWa et de sa rénovation par façadisme, nous vous emmènerons dans l’histoire tumultueuse de cette ville, témoin de beaucoup de drames européens et surtout humains. Pour finir par l’exploration plus actuelle de l’abandon à l’ouverture des frontières et aux lois de l’attraction et de propriétés qui transforment et projettent de transformer profondément la ville, son utilisation et ceux à qui elle s’adresse. On aurait pu croire que les années 1980 et le Solidarnosc, mouvement citoyen et ouvrier qui a libéré la population polonaise du joug du Communisme, aurait pu ouvrir les voies afin de donner le pouvoir au peuple. Au lieu de ça, elles ont permis la mise en place d’une démocratie représentative à l’image de celle établie dans le reste de l’Europe, accompagnée d’un éloignement significatif du peuple et de ses représentants. Les récentes élections présidentielles en attestent. Le 24 mai 2015, non-seulement le taux de participation n’a atteint que 55,34 % mais elle a été le lieu d’expression d’un mécontentement vis-à-vis de la classe politique en générale et des politiques libérales plus particulièrement. Ainsi, Paweł Kukiz, chanteur de rock proposant notamment un changement dans la loi électorale afin de mettre fin à l’hégémonie des grandes formations, a obtenu au premier tour 20 % des voix. De plus, l’élection à 51,34% d’Andrzej Duda, candidat du parti Droit et Justice (droite conservatrice), marque cette nouvelle posture anti-libérale. Ceci nous amène à la vocation plus essentielle de cette publication et du Comité d’Architectes qui en est à l’origine. Promouvoir la ville comme Forum, outil essentiel d’une démocratie et qui a aujourd’hui disparu de nos villes. En ce sens, il s’agit de revendiquer une nouvelle voie de participation citoyenne dans la construction et la déconstruction de la ville. En effet, nous sommes convaincus que l’établissement d’un forum au sens symbolique du terme, c’est-à-dire comme lieu de débat en premier temps, nécessite avant tout un système informatif à même de le provoquer. C’est ce que Kpam et sa gazeta se propose de faire et si elle y parvient le débat se matérialisera dans la ville par le biais de ses lecteurs et donc des citoyens. Ce journal est à considérer comme la première action publique de ce Comité de Recherche et d’Action Urbaine et aura pour objectif, dans sa forme pérennisée, de questionner les projets urbains à venir et d’établir des dossiers appuyant ses prises de positions. Mais pour le moment concentrons-nous sur cet événement si prestigieux et son parasitage…
Kpam
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AU NOM DE LA CULTURE !
De Pouvoirs en propagande, l’architecte comme bras droit. Des traces “prestigieuses” qui racontent bien plus que le simple passage de nouvelles techniques de construction ou de célèbres mouvements d’avant-gardes architecturales.
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WuWa est un point central d’attention pour Wroclaw 2016. Cette cité-exposition était comprise dans un ensemble d’autres expositions mises en place à la fin des années 1920 par le Deutscher Werkbund dans plusieurs villes allemandes de l’époque. Leur objectif principal était la monstration de nouvelles techniques de constructions et de nouvelles hygiènes de vies matérialisées notamment par d’importantes sources de lumière, une grande liberté d’agencement et une adaptabilité à la modernité automobile. De plus, il s’agissait de répondre à une pénurie de logements. Les habitations principalement axées sur les centres villes n’étaient pas adaptées aux exigences d’hygiène changeantes. Par ces expositions les architectes allemands voulaient montrer que la solution à cette misère pouvait être simple sans être nécessairement onéreuse. On connait peut-être tous celle avec laquelle celles-ci commencèrent, la Weissenhofsiedlung de Stuttgart inaugurée en 1927, dirigée par Mies van der Rohe, ayant pour thème “Die Wohnung”, l’habitation en français et qui présentait un lotissement de maisons pour travailleurs. Cette exposition ayant connu un vif succès à l’échelle internationale avec la visite de pas moins de 500 000 visiteurs en l’espace de trois mois, d’autres événements de ce genre suivirent jusqu’en 1932. En 1929 à Breslau, ancien nom de Wroclaw, c’est la branche silésienne du Werkbund qui s’y attela et construisit en trois mois une trentaine de bâtiments grâce aux mêmes techniques de préfabrications qu’à Stuttgart. La grande différence résidait dans le fait qu’ici le côté expérimental était bien plus présent, de par les types d’habitations développés mais également par
le fait que pour la première les habitations avaient des destinataires avec lesquels les architectes travaillèrent tout au long de la conception. A Breslau, au contraire, la carte expérimentale fut pleinement jouée et se poursuivit par la location des logements après l’exposition, une manière de vérifier les modèles projetés. Les architectes conçurent ainsi leurs habitations en partant d’hypothèses. Le thème étant “Wohnung und Werkraum”, Habitations et Ateliers, il s’agissait d’imaginer des solutions pour des logements mixtes mêlant lieu de vie et lieu de travail artisanal. Une autre différence majeure était l’introduction des notions de comment vivre en communauté, qui se matérialisa par la planification d’espaces verts de loisirs, d’une crèche, de modèles de bureaux mais également d’une ferme. A dire vrai cette exposition se démarqua surtout par l’ampleur qu’elle prit. Pour tenter de la saisir dans sa globalité il est nécessaire de comprendre en premier lieu son implantation. Elle se trouve sur ce qu’on appelle aujourd’hui la Great Island, une zone bien particulière de Breslau. Légèrement en périphérie, cette île avait été créée de toute pièce par la construction d’un canal au début du XXe siècle à la suite des inondations de l’Oder de 1903. Elle était alors un vaste complexe suburbain composé du parc Szcytnicki conçu par des paysagistes de renom au milieu du XIXe siècle, et du parc zoologique municipal édifié en 1864-1865. Ce quartier, lieu de prédilections des visiteurs, fut relié à la ville par une ligne de tramway à la fin du XIXe siècle. A ce moment-ci Breslau connut un essor rapide et sa position stratégique ainsi que son rôle de pôle d’échanges culturels constituèrent autant de facteurs qui menèrent à la décision d’y établir des équipements permanents d’expositions à
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l’image de ceux de Francfort, Berlin, Leipzig ou Dresde. C’est sur cette île que, profitant de la commémoration du 100ème anniversaire du discours à la nation du roi Frédéric-Guillaume III en 1813, on commanda l’édification du nouveau parc des expositions. En 1911, Max Berg, alors architecte municipal, présenta son projet de halle d’exposition polyvalente dans le cadre d’un projet d’embellissement de la ville. Il fut approuvé et un concours architectural attribua la conception du parc des expositions à Hanz Poelzig, principal de l’Académie publique des Beaux-Arts et des arts décoratifs de la ville. Les deux hommes élaborèrent ainsi le projet final, dont la Hall du Centenaire constituait le point névralgique. Un deuxième bâtiment d’exposition fut édifié, le pavillon à quatre dômes qui abrita une exposition historique sur les guerres napoléoniennes. Enfin, on y ajouta le bâtiment administratif et un restaurant. L’exposition du Centenaire ouvrit ses portes en mai 1913 et accueillit plus de 100 000 visiteurs. A la suite de ça, les deux principaux bâtiments continuèrent de servir, la halle abrita des assemblées et le pavillon des expositions. La Première Guerre mondiale laissa place à sa gestion par une société qui y organisa des foires industrielles ainsi que des expositions, des concerts et des pièces de théâtre. La construction d’un nouveau pavillon d’expositions en 1924-1925 et d’une entrée monumentale à colonnades agrandi le parc. C’est dans ce contexte que s’inscrivit l’exposition “Espace de Vie et de Travail”, en 1929, dont le WuWa ne constitua qu’un fragment. La majorité de celle-ci prenant place sur les lieux même de ce parc, où l’on mit en place des pavillons temporaires, et dans sa halle et ses pavillons. La cérémonie d’ouverture se tint, en grandes pompes, dans la Halle du Centenaire et en présence de diverses organ-
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isations, autorités, membres du corps consulaire, députés, directeurs d’universités, journalistes et autres invités. Il semble que cette exposition s’inscrive dans une lignée presque traditionnelle de propagande et de colonisation physique de la ville. En construisant un parc d’exposition à l’image d’autres grandes villes allemandes, les autorités de l’époque souhaitaient très vraisemblablement coloniser physiquement cette ville, comme les romains l’avaient fait avec la typologie du forum ou Napoléon avec la construction de boulevards haussmanniens. Dans ces dispositifs l’architecte apparaît inéluctablement comme le bras droit et le conseiller du pouvoir en place. Les avant-gardes semblaient marquer un tournant, voire une progression du rôle et de la place de l’architecte dans la société, en intégrant des questions sociales et en cherchant à atteindre un idéal architectural accessible à tous. Cependant, la mise en place d’un système de monstration par des événements prête à confusion. On pourrait y voir par leur caractère international une manière d’asseoir la suprématie allemande en termes d’avancées technologiques, bien qu’il serait erroné de le réduire à cela. Il n’en reste pas moins que la place des architectes restait à ce moment-là du côté des autorités et dans une lignée paternaliste, ou du moins leurs revendications paraissaient réquisitionnées par les pouvoirs, voire transfigurées par ceux-ci.
Site du Centennial Hall après son exposition inaugurale et avant ses extensions, 1919.
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Affiches des Expositions: D’arts,sports,objets et déco intérieure, paysage, innovations mécaniques et matériaux de constructions, pavillons et stands éphémeres, ville modèle WuWa...
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Site du Centennial Hall pendant l’exposition Wohnung und Werkraum, 1929.
Site du WuWa, 1929.
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Des Nids d’Histoire
De Vrastislavia à Wroclaw, en passant par Breslau. Centre de l’Europe, cette ville a vu passer pratiquement toute l’histoire européenne à travers ses murs et ses rues. Après l’ère industrielle, la destruction de ses fortifications par Napoléon et son expansion, c’est les Empires Allemand qui façonnèrent ses espaces. Puis l’effacement communiste, le traumatisme de ses habitants fraichement arrivés après la deuxième guerre mondiale, implantés là pour construire un nouveau régime, une nouvelle vie dans le déni. La candidature de Wroclaw 2016 réquisitionne son passé mouvementé pour développer l’idée que le multiculturalisme et la tolérance est un caractère inévitable et fondamental de ses habitants. Cependant, au vue de son histoire, on se rend compte qu’une mise en récit est faite occultant des portions plus ou moins grandes de son histoire et de son actualité. Un autre caractère appuyé par la candidature est le passé commun à l’échelle Européenne. Et s’il y a bien quelque chose qu’on peut leur reconnaître, ce serait cela. Dans cette ville, peut-être plus qu’ailleurs, il est possible d’observer le témoignage de l’auto-destruction Européenne du XXe siècle. Mais celle-ci est loin d’être la seule trace commune à l’Europe. Positionnée au cœur de l’Europe elle a été le théâtre de beaucoup de jeux de pouvoirs et de mouvements de frontières et ce pratiquement depuis son établissement. Wroclaw a toujours été la capitale dominante de la Silésie. Le premier registre recensant la ville date du Xe siècle sous le nom de Vrastilavia. Elle était alors une forteresse, établie dans l’actuelle Ostrów Tumski, la plus vieille partie de la ville, dont le nom dériverait du duc de Bohême Vratislav I.
En 990, la région est conquise par le duc Piast Mieszko I et la ville atteindra 1000 habitants en l’an 1000. Ce qui poussa le Roi polonais Boleslaw I à y établir le premier Evêché silésien en place de l’actuelle Cathédrale St Gilles. Le siècle qui suivit vit la région passer de la Pologne à la Bohême à maintes reprises, sous l’influence de conflits religieux et politiques, avant de trouver une stabilité sous la Dynastie silésienne des Piast qui régna sur la région pendant ce qu’on appelle l’“Age de la Fragmentation” (1138-1320) alors que la Pologne était divisée en principautés autonomes. En 1241, un raid Mongol dévasta la ville qui fut reconstruite sous la loi Magdeburg par des urbanistes qui l’étendirent en intégrant plusieurs petites colonies périphériques. Le centre fut éloigné de Ostrów Tumski, qui devint le centre religieux, et placé de l’autre côté de la rivière. Autour de celui-ci on construisit des douves et des fortifications et on y aménagea le Market Square dans sa position actuelle. L’ethnie germanique devint alors dominante. En 1335, la lignée Piast tarie avec la mort sans héritier du Duc Henryk VI. La région passa alors de nouveau sous domination de la Bohême. Sous la dynastie Luxemburg la ville prospéra mais la domination de la classe marchande qui contrôlait le
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Conseil Municipal mena à des luttes avec l’Eglise et les classes dominées. En 1418, ceci aboutit à une révolte des guildes qui prirent d’assaut la mairie et décapitèrent le maire. En 1453, Jean de Capistran mena une inquisition contre les juifs qui furent soit exécutés soit forcés à se convertir au Christianisme. En 1475, avec l’arrivée du caractère mobile d’imprimerie typographique, de nombreux noms pour la ville apparurent tels que Wretslav, Wratislav, Prezzla, Presslay and Bresslau. En 1526, la dynastie autrichienne des Habsbourg absorbe la Bohême, dont la Silésie. La Réforme a alors atteint la ville alors nommée Bresslaw et le Protestantisme est devenu la religion dominante. Pendant la Guerre de Trente Ans, la ville lutta pour maintenir son protestantisme et réussit à éviter la destruction. Cependant, la peste et la guerre aura pris son tribut sur la population, la diminuant de moitié. En 1702, pendant la Contre-Réforme, de nombreux ordres religieux sont encouragés par l’empereur à s’établir dans la capitale silésienne et des jésuites fondent l’Académie de Wroclaw qui deviendra par la suite celle que nous connaissons aujourd’hui. En 1741, alors que le Royaume de Prusse revendique la majorité de la Silésie, les troupes prussiennes entrèrent dans la ville sans conflit. Bien qu’étant lourdement taxés et ayant perdus l’autogestion dont ils avaient jouit depuis le Moyen-Age, les Protestants purent exprimer leur foi en toute liberté dans le nouveau royaume et les autorités prussiennes autorisèrent même l’établissement d’une communauté Juive. En 1807, après la disparition du Saint-Empire romain, Breslau capitula face à l’armée Napoléonienne et les défenses médiévales furent détruites. La ville fut alors le centre du mouvement de libération de l’autorité Napoléonienne dirigé par le Roi Frederick III de Prusse, qui y vivait. Au XIXe siècle, la destruction des fortifications par les Français permis l’expansion de la ville, ce qui contribua à sa pros-
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Breslaw, env. 1600. périté. Elle devint alors un centre administratif, ecclésiastique, militaire, industriel et scientifique majeur. Sa population ayant augmenté de huit fois au cours du siècle, elle devint la deuxième plus grande ville de Prusse. Lorsqu’en 1871 l’Empire Germanique fut consolidé, Breslau devint la troisième plus grande ville après Berlin et Hambourg. En 1913, le complexe du Centennial Hall fut construit et contribua ainsi à l’appropriation allemande de la ville. Etant derrière les lignes de front de la Première Guerre mondiale, Breslau ne subit aucun dégât et put même rapidement se redresser économiquement à la fin du conflit. En 1930, elle fut choisie pour accueillir la “Deutsche Kampspiele”, une démonstration publique d’athlètes allemands après que l’Allemagne fut bannie des Jeux Olympiques. Le Parti Nazi y développa une de ses plus importantes base de soutient, qui joua un large rôle dans son élection au pouvoir en 1933. En 1938, des persécutions contre les minorités de la ville et particulièrement, les juifs et les polonais, furent orchestrées par l’Etat. Les synagogues furent incendiées et les maisons pillées
Les armées Napoléoniennes aux portes de Wroclaw, 1807.
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et brûlées. Ceux qui ne furent pas tués furent déportés dans le réseau de camps de concentration où beaucoup allaient mourir plus tard. De nouveau la ville se retrouva derrière les lignes de front de la Deuxième Guerre mondiale et Breslau devint un havre pour les réfugiés et sa population atteignit presque le million. En Aout 1944, l’Armée Soviétique approchant, la ville fut déclarée “Festung Breslau”, une forteresse fermée à tenir à n’importe quel prix. Lorsque l’interdiction d’évacuation des civils fut levée en janvier 1945, il était trop tard, les connections ferroviaires avaient été détruites ou étaient bondées et des dizaines de milliers de civils moururent de froid. Alors que le siège soviétique démarrait, il restait encore près de 200 000 civils dans la ville. Le bombardement qui suivit détruit la vieille ville à 50% tandis que les périphéries à l’Est et à l’Ouest furent oblitérées de 90%.
Parade des jeunesses Hitlériennes, 1938.
Breslau, 1945. A la suite des accords de Potsdam, la Basse-Silésie fut intégrée à la Pologne et Breslau devint Wroclaw. Des polonais commencèrent à affluer alors que la déportation des terres de l’Est de la Pologne, annexées par l’Union Soviétique, et l’expulsion forcée des Allemands de Wroclaw eurent lieu en même temps. Il s’en suivit deux phénomènes simultanés, l’un de polonisation et l’autre de dé-Germanisation. Les Allemands encore présents dans la ville subirent une violente ségrégation. Forcés à porter un “N” épinglé à leurs poitrines, certains furent assassinés et d’autres se suicidèrent. Elle se traduisit également dans l’espace public par la disparition de tous les monuments et les inscriptions allemandes, l’autodafé de la bibliothèque et la destruction ou l’abandon des cimetières. La polonisation, quant à elle, visait à s’approprier cette ville nouvelle, voire même à faire croire que la fraîchement rebaptisée Wroclaw avait toujours été polonaise. C’est comme ça qu’on reconstruisit sa place centrale, Market Square, à l’image d’un ancien style polonais, qu’on implanta de nouveaux monuments et qu’on renomma ses rues. En parallèle la Soviétisation était en marche, les entreprises commençaient à se nationaliser, les leaders politiques et religieux polonais furent emprisonnés avant que des élections truquées mènent à la prise de contrôle par les Communistes de la Pologne en 1948.
Les autorités Communistes prirent tout le crédit pour la restauration de la Basse-Silésie et vantèrent leur succès dans l’intégration de Wroclaw au système soviétique. Ceci se caractérisa par la parade de propagande connue sous le nom de l’Exposition des Territoires Rétablis qui se tint en 1948 dans la ville. Ainsi fut orchestrés par les autorités en place les grands dénis d’histoire.
Exposition des Territoires Rétablis, 1948.
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Tradition
De la Fondation à la Museïfication Tableaux de revendications, graffitis et banderoles composèrent ces premières armes de résistance graphique dans un espace public entièrement contrôlé par le pouvoir. Aujourd’hui, l’envie de séduction élève cette résistance au rang de tradition, argument de vente réduit à un produit historique consommable, travestit pour du tourisme.
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A la fin des années 1950, Wroclaw est retournée à son niveau de population d’avant-guerre et s’est établi comme l’un des principaux centres urbain, économique, culturel et académique Polonais en dépit de la paralysie imposée par les conditions politiques et économiques de la République Populaire de Pologne. En août 1980, les ouvriers wroclawiens répondent à l’appel à la grève lancé par le Syndicat Solidarnosc mené par Lech Walesa, qui deviendra dix ans plus tard le premier président élu librement. La loi martiale sera mise en vigueur de 1981 à 1983 et Wroclaw restera l’un des centres de l’opposition anti-Communiste durant toutes les années 1980 jusqu’à l’écroulement du Communisme en 1989. Dans ses rues naitra l’un des mouvements contestataires les plus populaires de cette période et aujourd’hui devenu célèbre, l’Alternative Orange. Fondée et menée par “Major” Waldemar Fydrych, il s’agissait d’un mouvement souterrain d’étudiants anarchistes. Quelque peu éloignés du militantisme plus classique du Solidarnosc, leurs armes étaient l’humour, la dérision et l’absurdité, inspirées de mouvements tels que le dadaïsme et surréalisme, ainsi que l’optimisme qu’ils souhaitaient insuffler dans la société. Ils organisèrent des happenings et peignirent des graffitis de lutins, qui devinrent très vite leur symbole, sur les murs de la ville. A l’époque l’espace public était totalement sous contrôle soviétique et chaque slogan que les militants pouvaient y poser étaient presqu’immédiatement recouverts, créant ainsi des tâches de peinture sur les murs de la ville, transformant son aspect. La multiplication des lutins étaient une manière d’appeler à la création et à la multiplication des slogans et donc de ces tâches. Toutes les actions de l’Alternative Orange connurent un soutien important du peuple avec parfois plus de 13 000 personnes participant aux happenings. Ceci était due au fait qu’ils proposaient une façon nouvelle de protester qui n’obligeaient pas l’engagement contraignant dans la véritable vie militante. De plus, les autorités étaient totalement démunies face à ce type nouveau de manifestation. Cette tradition de la manifestation est aujourd’hui revendiquée et s’exprime notamment par l’implantation de sculptures de bronze représentant des lutins dans toute la ville. C’est en 2005, sous le mandat du maire Rafal Dutkiewicz, que fut lancée la campagne de séduction par les lutins, lorsque la municipalité de Wroclaw mandata l’artiste plasticien Tomasz Moczek pour la création de cinq petites statuettes. Aujourd’hui la quête d’identité et la recherche de tourisme à fait se multiplier les lutins dans la ville à tel point que même leur auteur, bien que cédant devant chaque chèque encaissé, semble attristé de ce qu’ils sont devenus.
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Quête d’Identité pour un Etat Moderne
De l’échec à l’impossibilité de représenter une identité nationale. Tel est le message de l’objet réactionnaire présenté par les représentants polonais lors de la 14ème Biennale d’Architecture de Venise. Une canopée illustrant les contradictions inhérentes à l’émergence d’une nouvelle identité nationale, déchirée entre désir de modernité et enracinement fictif dans des traditions.
“Fundamentals” c’est le titre qu’a porté la 14e édition de la Biennale d’architecture de Venise, dirigée par Rem Koolhaas, implanté aux Giardini et à l’Arsenal. Elle s’est focalisée sur l’histoire et l’évolution des architectures nationales au cours de ces 100 dernières années. Au sein de cet événement international, qui a ouvert ses portes au public du 7 juin au 23 novembre 2014, 228 000 visiteurs ont pu découvrir les propositions de 66 pays différents dans leurs pavillons respectifs. Cette édition de la Biennale a été remplie avec des pavillons qui semblaient avoir pris la déclaration de Rem Koolhaas un peu trop littéralement. Dans cette optique, le pavillon polonais se tient à l’avant-garde. Les artistes polonais ont conçus une seule structure, une réplique architecturale à l’échelle 1: 1, apparemment éloignée des notions de modernité du 20e siècle. Il s’agit d’une reproduction de la canopée de l’entrée de la crypte du maréchal Pilsudski Józef, «Anarchiste, il s’est battu contre la
domination russe en Pologne. Il était un leader politique autant qu’un soldat de la Première Guerre mondiale. Il a été l’un des artisans de l’indépendance de la Pologne», souligne Michał Wiśniewski pendant une interview. L’originale est située dans le château de Wawel à Cracovie, juste à côté de la cathédrale de Wawel, lieu où des dizaines de rois polonais sont enterrés. En 1926, Piłsudski Józef fomente un coup d’État. Il s’empare du pouvoir et donne naissance à une dictature. Bien qu’autoritaire, le régime n’en demeure pas moins un symbole pour le pays de «progrès économique» et de «modernisation sociale», bref, d’un «État moderne». La reproduction exposée à l’occasion de la Biennale fonctionne comme une lentille qui focalise l’envergure des problèmes liés à la construction de la modernité dans la période entre les deux guerres en Pologne et en Europe centrale. Après
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dés par le régime. Il dut concevoir des bâtiments qui devaient constituer les mémoriaux de l’époque, exprimer l’esprit de l’état renaissant et ranimer son histoire digne d’éloges, mais aussi donner le témoignage de la bonne vie et du progrès du pays à travers ces réalisations que les élites politiques et financières de l’époque commandaient. Il fut l’auteur de nombreux mausolées et monuments érigés pour célébrer des héros nationaux, dont les funérailles, dont certaines étaient répétées en raison de la délocalisation de leurs cadavres, constituaient un élément de propagande, par la mise en scène de la mort, pour l’État afin de construire de nouveaux mythes. Lewis Mumford a affirmé que “... La notion de monument moderne est véritablement une contradiction dans les termes ...”. Par définition, un monument est presque impossible à réaliser sur la base de la modernité, car son essence est de commémorer le passé.
la Première Guerre mondiale, la Pologne, ayant recouvré son indépendance, réapparait sur la carte du monde après 123 années de partitions (le pays a été divisé en trois parties et annexé par l’Empire russe, le Royaume de Prusse et l’empire des Habsbourg). Cette construction architecturale est comme une métaphore évoquant la construction d’un état moderne. Les contradictions de l’architecture moderne comme de l’État-nation moderne s’expriment dans la canopée, un objet réactionnaire d’inspiration classique qui suggère qu’il est nécessaire de s’appuyer sur les valeurs du passé pour construire un état moderne. Michał Wiśniewski, historien, membre du commissariat de l’exposition, évoque cette construction tel un «objet impossible», autant celui d’une «nation que d’un nationalisme». L’État cherchait alors à créer une nouvelle identité et l’architecture était une des clés dans la formation d’un nouveau caractère national, en créant de nouveaux mythes, et en créant un lien avec ce passé fictif. Mort en 1935, le dictateur, surnommé Dziadek - le grand-père -, a été enterré au Wawel. Sa dépouille ayant fait l’objet d’un culte, un monument fut érigé à sa mémoire. Adolf SzyszkoBohusz, un «Konserwator zabytków» (architecte des monuments historiques), «soldat aux côtés de Józef Piłsudski», fut en charge du dessin de la canopée menant à sa crypte. Ancien légionnaire il était l’un des architectes polonais les plus éminents de la période entre les deux guerres. Diplômé de l’Académie de Saint-Pétersbourg, il était en charge des monuments comman-
Szyszko-Bohusz a ainsi créé un hybride joignant deux oppositions, la modernité, recherchée par les jeunes de la nation, et la tradition, sur lesquels l’Etat nouvellement créé tentait difficilement de se baser. Son monument était une fondation pour le mythe du grand maréchal, le père de l’indépendance polonaise, l’homme qui avait construit l’identité nationale de la Pologne. Afin de magnifier encore plus la résonance symbolique du monument, ses éléments sont plus que des emprunts. Il est ainsi fait de spoliations, de trophées recueillis à la suite des trois annexions. Les colonnes de marbre sont issues de la cathédrale Alexandre Nevsky de Varsovie, symbole de la domination russe, construction la plus haute de la ville détruite après l’indépendance. Le granit du socle a été, quant à lui, extrait d’un monument à la gloire de Bismarck, à Poznan, expression de la présence allemande en Pologne. Enfin, la fonte de canons autrichiens a permis la réalisation du couronnement. La canopée repose sur 6 colonnes de style corinthiennes et est clôturée par une balustrade. Cependant, ce qui est le plus intéressant est la toiture elle-même. Contrastant avec les supports historicisants, il dispose d’un toit plat moderniste, un monolithe qui ne se référencie à aucun archétype. Il peut être interprété comme la métaphore de l’état moderne reposant sur les fondements d’une histoire complexe.
Crypte de Piłsudski Józef, NationalDigitalArchives.
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C’est ici que la reproduction prend ses distances et vient secouer le paradigme par un événement particulièrement dramatique, les colonnes sont séparées de la toiture par une ouverture. «Cet espace vide montre l’impossibilité de mettre en oeuvre le projet moderne. L’État a échoué», affirme Michał Wiśniewski. De cette façon, le panneau de toiture ne repose pas directement sur les chapiteaux corinthiens, mais sur des supports légers, presque invisibles. Sur le toit du baldaquin qui semble ne pas reposer sur les colonnes, on peut lire l’inscription : “Corpora dormiunt, vigilant animae”, le corps dort mais l’âme reste vigilante. Cette ouverture entre la toiture et les colonnes manifeste ainsi le paradoxe de ce monument et par cela contient le titre «d’objet impossible», qui peut être interprété de deux façons. Tout d’abord, dans le domaine spirituel, comme lié à l’essence même de l’enterrement, où les colonnes restent dans le royaume terrestre, contrastant avec la toiture, qui est une métaphore du monde spirituel et représente l’éternité. En insistant sur la propriété de lévitation de la toiture en l’appuyant sur des cubes de verre, les conservateurs et l’artiste créent un large éventail de significations implicites. Cette ouverture est une discorde entre les entraînements des modernistes, leur lutte pour atteindre la modernité mythique, et la réalité qui est pleine de l’histoire, de la répétition. L’exposition frappe avec fatalisme. Dans le contexte de l’État, la politique et sa propagande, la modernité est impossible à réaliser. Comparé à d’autres pavillons, vantant leur « centaine d’années » de réalisations modernistes, parfois respirant un air d’optimisme, le pavillon polonais est une déclaration audacieuse de l’utopie accompagnant chaque effort pour construire la modernité.
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“Nous aurions pu montrer la crème de la crème du mouvement moderne en Pologne et donner une image positive. Nous aurions pu adopter une vision marxiste et une représentation par étape. Toutefois, la modernité en Pologne est intimement liée à l’holocauste. Par voie de conséquence, nous sommes confrontés à l’impossibilité, pour nous autres, d’établir une représentation de l’identité nationale ”, conclut Michał Wiśniewski.
Cette quête de création d’une identité autour du paradigme des productions modernistes est très actuelle à Wroclaw. Pour l’évènement de la capitale de la culture un nouveau site “d’expérimentation architecturale” est déjà en chantier, le WuWa II se référant à la cité moderniste du WuWa. Pendant ce temps, celle-ci devrait bientôt subir des restaurations à l’identique de ses façades pour mettre en valeur cet héritage construit par les allemands à la fin des années 20, dans le but de l’exposer avec fierté lors des festivités de la capitale de la culture en 2016.
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Entre Effacement & Resurrection
Lors d’évènements récents des contradictions émergent. Des décisions ou tentatives qui pourraient avoir de vraies influences sur le tissu urbain, et qui soulèvent des questions relatives à la construction et déconstruction de la ville. Les deux cas suivants ne sont certainement pas des cas isolés, approches contradictoires qui méritent d’être mises à jour, afin d’en débattre.
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Bientôt une loi décommunisant l’espace public ?
Les partis Plateforme civique (PO) et Droit et Justice (PiS) dont le nouveau président Andrzej Duda est le représentant, ont déposés chacun un projet de loi à la Diète dans la semaine du 7/11/2014, visant à faire retirer de l’espace public polonais les symboles et noms faisant référence au communisme, à la République Populaire de Pologne (PRL) ou à l’URSS. Depuis 2011 déjà le PiS demande une loi sur la décommunisation de l’espace public. Il s’agirait de faire disparaître les monuments et statues à l’effigie de l’Armée Rouge, et de modifier le nom des rues, des places, etc., célébrant par exemple Karol Świerczewski, Hanka Sawicka ou encore Władysław Gomułka. La liste des noms à modifier serait dressée par l’Institut de la mémoire nationale (IPN), tandis que l’ensemble des changements ou démantèlements serait financé par le budget de l’État. La décommunisation ne toucherait pas, en revanche, les cimetières, les expositions culturelles, scientifiques ou éducatives situées dans l’espace public -«tant qu’ils ne glorifient par le communisme» (d’après le projet du PiS)- ni les monuments inscrits au registre des monuments historiques. D’après le représentant du club parlementaire de la PO, la loi visant à supprimer les symboles communistes de l’espace public pourrait être votée avant les prochaines élections parlementaires. Ces revendications des représentants politiques d’effacement des traces du passé trouvent une étrange résonnance dans l’histoire complexe de Wroclaw. Par la dégermanisation après la Deuxième Guerre mondiale les pouvoirs en place avaient déjà entrepris l’effacement de telles traces cherchant par ce biais la construction d’une nouvelle identité nationale. Ceci avait mené à de grands dénis d’histoire. L’ambiguïté par rapport à ce projet de loi, réside dans sa contradiction du fait que toute intervention bâtie ou symbolique entre 1946 et 1989 a été érigée ou réalisée sous le régime communiste polonais. Cependant, elle semblerait être issue de revendications citoyennes. En effet, à Varsovie en 2011, le monument de la Fraternité d’Armes (pomnik Braterstwa Broni), dit des «quatre dormeurs» (Czterech Śpiących), érigé après la guerre dans le quartier de Praga, a été démonté pour les besoins de la construction d’une station de métro. Il devait être réinstallé après les travaux à environ 80 mètres de son emplacement initial. Plusieurs hommes politiques, artistes, journalistes ainsi que des habitants locaux avaient manifesté leur opposition à ce retour. Finalement, en juin 2014, la mairie de Praga a annoncé avant les élections municipales de novembre que le monument ne serait pas réinstallé. Depuis, des ouvriers ont déposé un rocher extrait du chantier du métro à l’emplacement du monument. Début novembre, une fondation locale y a accroché une plaque «En mémoire des victimes de Maïdan et de l’opération antiterroriste en Ukraine». La plaque, dont ni la mairie ni les cercles pro-ukrainiens ne se sont réclamés, a finalement été remplacée par un hommage aux combattants clandestins de Praga. Malgré tout il semble que l’unanimité ne soit pas de mise et qu’une simple suppression ne conviendrait certainement pas à la majorité de la population. De plus on est en droit de se demander si une telle loi à sa place à l’échelle nationale et si elle doit devenir une loi, les décisions pouvant sans doutes être envisagées à l’échelle particulière, lieu après lieu, objet après objet.
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Programme de subvention pour les propriétaires privés du WuWa.
À l’initiative du maire de Wrocław, le 19 mai 2011, le Conseil municipal a adopté de nouvelles règles pour les subventions pour les personnes détenant la propriété d’un bâtiment inscrit dans l’ancienne zone d’exposition du WuWA à Wrocław. La subvention de l’État couvre les activités de conservation, de restauration et de construction. Ce programme permet à une subvention d’un maximum de soixante-dix pour cent du coût de la rénovation de la façade et du jardin si la rénovation est effectuée conformément au projet approuvé par l’Autorité Historique de la Préservation. Dans le même esprit, le nouveau centre de formation de la Chambre des Architectes de Basse-Silésie a été officiellement inauguré le 21 janvier 2014. Pour servir cette nouvelle fonction, le bâtiment de l’ancienne école maternelle WuWA, qui a brûlé en 2006, avait été reconstruit selon les plans originaux de Paul et Albert Heim Kempter. De nombreux invités ont été accueillis, parmi eux le maire de Wrocław, Rafał Dutkiewicz, l’adjoint au maire Adam Grehl, l’architecte de la ville Piotr Fokczyński, le directeur de l’autorité de la préservation historique municipale Katarzyna Hawrylak-Brzezowska, le président de la Chambre Basse-Silésie des architectes Zbigniew Mackow , et de nombreux architectes qui ont contribué à la réalisation de ce projet. Ce bâtiment situé dans une zone plutôt résidentielle se met à disposition pour être un lieu d’exposition, de conférences, de séminaires, d’ateliers et de projections de films adressées à un large public. Il est à noter que l’illumination par le haut et le fond de la pièce principale n’est pas du tout adaptée à n’importe quelle projection, à moins qu’elles se fassent de nuit… La question se pose si ces restaurations et reconstructions servent à améliorer la vie quotidienne des résidents du WuWa ou se réduisent à y amener un public touristique. Peut-être que la deuxième réunion du “Network of Cities with Exhibition Colonies in Europe in 1927– 1932”, pourrait aider à y voir plus clair sur le contexte dans lequel ce nouvel intérêt pour l’héritage allemand a surgit. Cette réunion a eu lieu dans le Centre pour la Restauration de l’Architecture du vingtième siècle de Brno. En plus d’une brève présentation des cités-expositions du Deutscher Werkbund (Nový dům immobiliers à Brno, Baba lotissement à Prague; Weissenhof, lotissement à Stuttgart; Werkbund, lotissement à Vienne; WuWa colonie de Wroclaw et Neubühl colonie à Zurich) les participants ont pris connaissance, entre autres, de la préparation d’une exposition virtuelle via un portail Web mettant en réseau toutes ces cités. De plus, ils furent informés de la préparation d’une exposition conjointe qui se tiendra à Wroclaw à l’occasion de la Capitale européenne de la culture 2016.
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Bienvenue Chez NOUS, Faites Comme Chez VOUS !
Troublante mimesis que cette européanisation nationale. Après avoir subi les cadres oppressifs du communisme, l’heure est à l’excès, à la course contre la montre et au rattrapage. La consommation, les investisseurs étrangers, la croissance par le tourisme et l’innovation technologique semblent être le salut d’une nation qui doit renouer si ce n’est découvrir la liberté et l’individualité.
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En 1990, le premier conseil communal post-communiste restaura le blason historique de la ville. Ceci devait être le symbole de l’acceptation de l’entièreté de son histoire. En 1997 elle connut une des pires inondations d’après-guerre du centre de l’Europe lorsque l’Odra déborda et mit le tiers de la ville sous l’eau. Cet événement quelque peu ironique est aujourd’hui perçu comme l’un des fondements de la nouvelle identité de la ville ayant contribué à l’établissement d’un fort sentiment communautaire. Personne ne semble pourtant s’être posé la question du pourquoi, alors que les aménagements des canaux par les Allemands au début du XXe siècle étaient censés contrer ce problème.
pour une année supplémentaire. En 2011, pas moins de 11 villes polonaises se portèrent candidates pour la Capitale Européenne de la Culture. Et ce fut Wroclaw qui eut l’honneur d’être choisie. C’est comme ça que nous en sommes là, à chercher à déterminer, modeler et vendre l’identité d’une ville à peine remise des traumatismes du siècle passé.
Quoiqu’il en soit, l’année 2004 marque un tournant majeur dans l’histoire de Wroclaw et surtout de la Pologne. A cette date elle fut intégrée à l’alliance économique de l’Union Européenne après avoir rejoint quelques années plus tôt l’OTAN. L’européanisation est alors officiellement en marche. Les échanges se multiplièrent, les frontières s’ouvrirent et les premiers à en profiter furent les étrangers attirés par les prix dérisoires des terres et de la main d’œuvre. Puis, ce sont les subventions européennes qu’on voulut attirer en se portant candidat pour tous les événements financés par l’UE. Et c’est ainsi qu’en 2012, la Pologne accueillit l’Euro de football, ce qui lui permis en l’espace de cinq ans de reconstruire, voire de construire des routes et des autoroutes pour assurer l’acheminement des visiteurs attirés par l’événement. De plus, elle s’équipa de fabuleux stades flambants neufs qu’elle n’utilisa que le temps d’un instant. Mais ce n’est pas un problème, la solution a été trouvée par Wroclaw, elle accueillera en 2017 les Jeux Mondiaux. L’occasion de dérouler sa pelouse artificielle
On ne fait que parler d’identité mais depuis quand celle-ci a-telle pris une telle importance pour les villes et particulièrement les villes Européennes ? Un élément de réponse peut résider dans le suprématisme touristique et notamment dans ce qui est aujourd’hui l’un des plus grands tremplins de celui-ci en Europe : Les Capitales Européennes de la Culture. A l’origine, ces événements annuels avaient été mis en place pour démontrer la pertinence de la création et du maintien de l’Union Européenne. Une forme de propagande donc, matérialisée en événement, afin de légitimer l’existence de cette alliance économique, par l’idée d’une unité, assurée par l’histoire et la culture, qui respecterait et chercherait à révéler les diversités qui la compose. Cependant, les capitales européennes de la culture ont une tendance à devenir aujourd’hui de simples tremplins, ou moteurs économiques afin d’attirer Tourisme Culturel et investisseurs. Et Wroclaw semble ne pas y échapper.
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Wroclaw aux Mains des Speculateurs
La situation actuelle des spéculations sur le marché immobilier de Wroclaw est troublante, les autorités de la ville et même les agences de propriété militaire vendent leurs terres à des investisseurs internationaux.
En avril, cinq parcelles sur 2 hectares de terres de la propriété militaire de Kepa Mieszczanska, une île sur l’Odra, a été vendu à l’agence Archicom et au développeur ICG Invest, une des entreprises appartenant à Christopher Gradecki, gérant d’une des plus grandes chaînes de supermarchés en Pologne. Archicom, l’un des plus grands développeurs de Basse-Silésie, annonce le développement de projets résidentiels sur ces parcelles. Un autre grand chantier se développe sur Wroclaw avec l’ambition de proposer des infrastructures pour accueillir les touristes venant à Wroclaw pour la capitale de la culture en 2016.
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Le nouveau lotissement “Promenade Wroclaw” à Kleczkowie est réalisé par Vantage. Le domaine est érigé sur un ancien site industriel entre la voie ferrée et la rivière, à Rychtalskiej Zakładowej. Les futurs résidents seront en mesure de profiter de la promenade qui longe le canal de la ville ainsi que des restaurants et des cafés qui s’établiront sur les berges, dit l’entreprise d’investissement de développement Vantage, appartenant au groupe d’Impel. En fin de compte ils comptent construire 2000 logements et 90 mille mètres carrés d’espace de bureaux. Deux immeubles de bureaux ont déjà été construits. Un paramètre à ne pas prendre à la légère est la planification du bétonnage des berges. Wroclaw qui a été victime d’inondations à plusieurs reprises n’est tout simplement pas adaptée à ce genre de projets, à moins que les investisseurs puissent appuyer leurs projets par des analyses et des solutions pour améliorer l’évacuation des eaux en cas de situation d’inondation.
L’édifice Ovo Wroclaw, avec la bonne volonté et l’engagement des autorités de Wroclaw et des professionnels peut contribuer à la prospérité sociale, culturelle et économique de la ville. Ce furent les mots du vice-président de Hilton Europe centrale et orientale, Uli Widmer. Il remit ses compliments aux autorités de la ville. Sans leur engagement, il n’aurait pas pu procéder à un tel investissement, pour aider à promouvoir Wroclaw comme un lieu convivial pour les entreprises étrangères. La construction de l’édifice est prévue pour 2016.
On assiste ici à une profonde prostitution des autorités de la ville de Wroclaw, la ville est envahie par des investisseurs venus du monde entier pour acheter les terres locales à des prix dérisoires et édifier à un prix de main d’œuvre ridicule des objets architecturaux d’une World Class City. On veut entrer en compétition avec toutes les grandes villes européennes, mais à quel prix ? Des millions d’euros coulent dans les grands chantiers, pour des infrastructures, complexes multifonctionnels pour les touristes venant des coins les plus lointains pour assister aux évènements de la Capitale de la Culture pour consommer tous ses produits mis en place et exposés dans toute la ville, ses stades et résidences, ces routes et autoroutes, ses halles et malls, tous financés par des subventions de l’Europe après avoir désigné la ville de Wroclaw comme hôte de nombreux événements culturels. Ces événements éphémères attirent un large public international de touristes, mais aussi des investisseurs avec l’ambition très particulière qui certes dans leur discours manifeste l’ambition d’améliorer le tissu urbain et de générer de l’emploi, afin d’amener la prospérité au citoyen de Wroclaw. Mais, soyons réalistes, il reste principalement que ceux venant d’ailleurs veulent leur part du gâteau généreux qu’incarne la ville de Wroclaw et son potentiel économique. La ville est dans la main des spéculateurs et ceux-là sont en train de transformer profondément le tissu urbain à une vitesse bien trop rapide…Les autorités locales semblent perdre la main sur leur propre territoire et s’en réjouir. Les circonstances actuelles sont plus qu’inquiétantes et nécessitent un réel investissement de la part de tous, autorités, architectes ou citoyens pour informer et mobiliser nos citoyens afin que puisse être envisagé et établie une participation consciente de tous à la construction et déconstruction de notre ville !
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Plan du centre ville et périphérie Réalisé en 1934 par le bureau de topographie de Breslau. Points de distributions du Gazeta Kpam marqué par des
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Crédits d’images utilisées comme base pour les illustrations réalisées par le comité de rédaction
Cover
Alfredo Garzon US Media Control Who controls the media? (24 Apr 2014)
AU NOM DE LA CULTURE !
Affiche de l’exposition de film et photo, Werkbund, Stuttgart, 1929 (photo Willi Ruge)
Bienvenue Chez NOUS, Faites Comme Chez VOUS!
Couverture © ESJ-Marc Bertrand
Entre Effacement & Resurrection
La Venere Hope, proposition pour la 3eme Biennale d’architecture en 1985 © Carlo Aymonino
Quête d’Identité pour un Etat Moderne
Colonne du baldaquin reconstruit et coin du toit flottant à partir d’une photo © Annie Dalbéra
Wroclaw aux Mains des Speculateurs
La Cène © Philippe de Champaigne 1652
Photographies Archives de photos de la Basse-Silésie Dolny-slask.org.pl
Kpam Journal du Comité de recherche et d’actions urbaines Edité en collaboration avec l’atelier d’Anthropologie au sein de la Faculté d’Architecture La Cambre-Horta Publication Numéro 0 / 2016 Ce journal a été édité le 24 juin 2015 en série limité. Comité de rédaction Bigonnet Morgane Goncalves Marco (Étudiants en Ma1)