OBJETS(S) & SILENCE Projet de fin d’étude - février 2014 - ENSA-V - encadrant : M. Florian HERTWECK
Sophie GOUPILLE & Gabrielle RENAULT
OBJETS(S) & SILENCE Projet de fin d’étude - février 2014 - ENSA-V - encadrant : M. Florian HERTWECK
Sophie GOUPILLE & Gabrielle RENAULT
OBJET(S) & SILENCE
Cette recherche intervient dans le cadre de notre projet de fin d’études soutenu en Février 2014 à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles, sous la direction de M. Florian Hertweck, enseignant, architecte et docteur en architecture. Cette recherche s’inscrit dans un processus expérimental basé sur un travail théorique autour de la question de l’objet architectural : elle réinterroge les fondamentaux de l’architecture et le pouvoir de création de l’architecte dans le monde contemporain.
« EXPLORER EST UN DEVOIR, COMPRENDRE, UN INTENSE DESIR, CONTESTER, UNE CONDITION DE L’EVOLUTION. NOUS PENSONS AVEC NOS SENS, NOUS SENTONS AVEC NOS IDEES, DES CONTRADICTIONS NAISSENT DES ETINCELLES, DES SENSATION NAISSENT DES EMOTIONS. [...]REVENDIQUONS LES ARCHITECTURES DE L’IMPROBABLE, CELLES QUI ALLIENT PRAXIS ET POESIS.» Manifeste de Lousiana, Jean Nouvel, 2005
QUI SOMMES NOUS? Jeunes architectes récemment diplômées de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles, nous nous sommes souvent interrogées sur l’idée que l’architecture n’était pas qu’un problème ou une équation à résoudre. Nos parcours respectifs sont le reflet d’une perpétuelle recherche créatrice et sensible.
Sophie GOUPILLE Jeune architecte récemment diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles, l’architecture, la création d’espaces sont pour moi aujourd’hui une passion. Cette passion a débuté par l’exercice du dessin et de la peinture étant jeune, qui encore maintenant nourrissent ma pratique architecturale. Mon parcours d’étudiante à l’ENSAV, riche de projets divers, de pratiques artistiques, techniques, m’a permis d’acquérir de nombreuses connaissances et de m’ouvrir aux différents
domaines de la création. Cette expérience a été accompagnée d’une année en Argentine à la Faculté d’Architecture et d’Urbanisme de Buenos Aires, qui fût pour moi l’occasion d’explorer un autre milieu et d’autres modes de penser. En considérant en effet l’architecture comme un art de penser, il m’apparaît nécessaire de m’ouvrir à d’autres disciplines telles que le design, la philosophie, les arts graphiques, etc... car elles nous permettent de confronter l’architecture à d’autres visions.
Gabrielle Renault Architecte diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles, je considère l’exploration comme une nécessité. Ma pratique est en effet influencée par tous les domaines de la création. Pratiquant à la fois l’architecture, la photographie, la vidéo et les arts graphiques, j’ajoute à mon parcours en agences d’architecture diverses expériences aux frontières de cette discipline : entre plusieurs participations à des expositions d’Art ou de design (Garaffa, H&F. Campana), une année au Canada m’a offert l’opportunité
d’intégrer le MedialabAU, laboratoire de recherche-création de la Faculté de l’Aménagement de l’Université de Montréal. J’y ai contribué à l’élaboration de films explorant les rapports de la ville et des nouveaux médias, travail ensuite approfondi dans un mémoire soutenu dans le cadre du master « Processus expérimentaux, Arts, Médias » à l’ENSAV. Je me suis en effet attachée à considérer les études d’architectures, (au même titre qu’aujourd’hui mon métier) non pas comme une fin en soi, mais un champ ouvert à de multiples possibilités.
« Dans la vie de tous les jours, nous sommes à tel point engoncés dans le corset étroit de la réalité, que c’est avec plaisir que nous nous abandonnons au surréel: la délivrance temporaire de la réalité » Le miroir magique de M.C.Esher, Bruno Ernst
NOTRE DEMARCHE Nous avons la conviction que, comme l’annonçait Boullée dans son « Essai sur l’Art » à la fin du 18°siècle, l’architecture n’est plus seulement un art de bâtir mais un art de penser. Décelant en nous le besoin de revenir à une pratique plus existentielle que pragmatique, nous avons mis en place une démarche expérimentale fondée sur une recherche théorique explorant l’histoire des architectes qui nous ont précédé, afin d’interroger le processus de création, et la manière dont l’espace se conçoit aujourd’hui. Faisant le constat qu’aujourd’hui l’imaginaire de l’architecte est extrêmement contraint par tout une liste interminable de critères (économiques, législatifs, fonctionnels, constructifs, etc...) , nous avons expérimenté dans une stratégie d’évacuation des contraintes, affranchissant notre pensée des paramètres classiques de l’oeuvre construite, la possibilité de retourner à une conception de l’espace non plus pensée en termes réglementaires mais en termes de qualités spatiales, d’espaces vécus, et de profondeur de l’expérience.
« Les objets sont des constrUctions qui existent en toute indépendance, d’une façon pleinement autonome, et qui au lieu de tirer leur signification d’un but ou d’un besoin extérieur, la porteNT en ellesmêmes » Esthétique, Hegel, 1831 (date d’écriture)
LE MONDE DES OBJETS Que nomme-t-on « Objet »? L’objet, aussi bien en design qu’en architecture, est une chose singulière, autonome, une construction qui existe en toute indépendance, une forme accomplie qui ne tire sa légitimité que de lui même. Dans un monde qui ne se contitue plus sur le plan de l’expérience mais s’appréhende de plus en plus à travers la stupéfaction, l’univers des objets nous envahit. Devenus spectateurs sur un fond de culture exacerbée par l’image, nous sommes cernés d’objets rutilants, d’images lissées et de slogans simplificateurs. L’objet pourtant nous ramène aux questions fondamentales de l’architecture et de la sculpture, et aux premiers âges de l’histoire, des monolithes au gigantisme des pyramides. Dans un contexte contemporain où la pensée architecturale a du mal à se fixer, non plus dictée par une vérité unique mais influencée par des tendances multiples, l’objet mêlant fascination et répulsion, aurait deux tendances, soit à nier cet héritage et se montrant de plus en plus exubérant, soumis à des effets de mode, soit à affirmer une volonté de retourner aux notions primaires et aux besoins fondamentaux de l’architecture.
UNE EXPERIENCE SENSIBLE L’objet reflète toujours les tendances profondes d’une époque. Nous avons mis en place une stratégie capable de concevoir un objet apte à répondre aux caractéristiques de notre contemporanéité, par l’exclusion des questions de site et de programme, l’évacuation des contraintes classiques du projet d’architecture, afin de se concentrer sur les qualités fondamentales de l’espace vécu. Cet exercice se constitue alors d’une série d’expérimentations utilisant comme support le dessin, le travail du poché, et le volume en maquette. Cette stratégie expérimentale d’abstraction, démarche irrationnelle, renversant le projet traditionnel, nourrit globalement le but de réintégrer un rapport sensible à l’architecture; la conception de notre objet étant guidée par la recherche d’espaces émotionnels. L’expérience sensible s’articule à travers un parcours séquencé de l’approche extérieure, à la déambulation intérieure de l’objet. La production que nous proposons essaie de maintenir une stratégie d’épuisement des idées comme pour constituer un catalogue de possibilités.
QUESTION DE FORME(S) & ESTHETIQUE A l’heure où les signes et les images envahissent le discours architectural, la fermeture de l’objet se radcalise, affirmant sa puissance d’introspection comme une stratégie ultime d’intégration, traduisant la crise de l’autonomie et de l’identité. Se basant sur l’idée que l’objet peut exister hors de tout contexte en ne renvoyant qu’à lui-même, il crée alors son propre univers, refusant d’être conçu dans sa détermination fonctionnelle, explorant la pluralité des formes et des expériences. Le projet devient alors outil pour imaginer, créer, interroger l’espace, au-delà de toute censure. Notre méthode de conception ici emprunte au surréalisme l’écoulement spontanée de la pensée : l’idée n’est plus éclipsée par la réalité construite, mais se confrontent l’ordre de la réalité et l’imaginaire absolu. A la fois clos et infini, interdit et transgression, le projet devient objet de contradiction, d’incertudes, d’ambiguïtés, de fascination et de répulsion. Les expériences spatiales cherchent alors à se rapprocher , plus que du « Beau », de la perception du « Sublime », entendue comme une « expérience d’horreur délicieuse ».
OBJETS Série n°1 90 cubes bois peint 5x5cm
Dans une première série de maquettes, nous expérimentons à travers la figure neutre du cube le caractère à la fois silencieux et fascinant des objets, conçus comme des masses pleines et opaques, des monolithes renvoyant aux mythes de l’origine. La forme trouve sa part d’ombre, ne livrant rien de son intériorité. Nous imaginons ainsi des tensions permettant à chaque rituel, comme celui de l’entrée, d’atteindre son amplitude maximale et de mettre en suspens son environnement.
OBJETS Série n°2
34 maquettes carton gris laser cut 10x10cm & 2 maquettes carton gris laser cut 15x15cm
Nous imaginons pour seule fonction une errance, une déambulation poétique, élaborant des configurations spatiales réemployant les outils primaires que sont les formes platoniciennes simples et régulières. Dans leur recherche d’une pureté abstraite et de puissance émotionnelle, ces objets font l’expérience de tensions changeantes et singulières. La matière se signale par des forces dans une syntaxe étrange, regardant l’architecture à partir de ses qualités d’espaces. Ces objets sont des fragments qui favorisent la prolifération d’interstices et mettent à mal les contraintes narratives habituelles imposant le fil continu d’une histoire.
OBJET n°3
maquette démontable carton gris lazer cut 120 couches 30x30cm, sans échelle
Ce dernier objet cherche à cultiver la pluralité des formes et des expériences. Se déploie un monde de l’accumulation dans une dynamique pyranésienne du fragment: les passages se juxtaposent dans une mosaïque composite. Des contradictions naissent les sensations. Des topologies internes se succédent dans une sorte de « chora », une articulation rythmique presque chorégraphique. Par l’absence de contenu rationnel, l’architecture quitte ici le domaine de la construction pour devenir narration d’une autre existence possible, devenant un objet mystérieux.
Oscillant entre l’intime et l’inaccessible, l’objet n’a plus d’échelle mais est pensé en termes de proportions. Il s’établit un dialogue entre des masses et des vides contemplatifs, des formes et des contre-formes, l’oppression et la libération, un dialogue entre motifs énigmatiques et figures impossibles. Ici les décisions n’entrainent aucune conséquence prédictible, nous bouleversons les problématiques compositionnelles. Cet objet est une sorte d’improbabilité dynamique.
« C’EST LA QUESTION DU MESURABLE ET NON MESURABLE, LE SENTIMENT ET LE RÊVE NON PAS DE MESURE ET LE RÊVE DE CHACUN EST SINGULIER. » Silence et Lumière, Louis Kahn, 1996
TABLEAUX
série de 5 axonométries, 2 plans et 2 coupes 30x30cm, papier mat, sans échelle
Le projet s’accompagne d’une série de représentations concrétisant l’imaginaire exploré dans la maquette Objet N°3. Les coupes retranscrivent la complexité des espaces créés, à travers des tableaux au langage graphique surréel et énigmatique, où l’objet prend place dans des paysages désertés.
EXPLORATION VIDEO
film monté à partir d’images fixes animées, 6 minutes, montage sur Adobe Première Pro
Ce film explore l’intériorité de « l’Objet n°3 » sous forme de parcours, relevant volumes et lumières, tentant de retranscrire pas après pas les sensations et atmosphères successives, proposant ainsi une experience sensible et immersive.
EXPOSITION
rendu sous forme d’exposition, ENSAV, Février 2014
Le projet a été présenté sous forme d’exposition lors de la soutenance devant un jury professionnel. Nous avions imaginé et conçu une scénographie permettant de mettre en valeur les recherches théoriques et pratiques de notre travail, reprennant l’idée d’un parcours où le visiteur pouvait appréhender librement les différentes expérimentations.