Participation des femmes tunisiennes au développement:

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Participation des femmes tunisiennes au développement : Etat des lieux de leur intégration au marché du travail Par Oum Kalthoum Ben Hassine 2005 Professeur à la Faculté des Sciences de Tunis & Présidente de l’Association tunisienne «Femme et Sciences» D’une manière générale, l’intégration des femmes dans la vie économique est conditionnée par leur accès, par comparaison à celui des hommes, au marché du travail. En Tunisie, la valorisation du statut de la femme et la promotion de son rôle ont constitué, depuis l’indépendance, des préoccupations importantes voire prioritaires dans les stratégies du développement social et économique. De plus, elles ont connu un regain d’intérêt depuis les années 1990 à tel point que les acquis considérables distingue aujourd’hui la Tunisie de plusieurs pays à niveau de développement similaire voire même plus élevé. En effet, la stratégie de développement, mise en œuvre en Tunisie, considère la femme non seulement comme un vecteur fondamental de la préservation de la cohésion sociale, mais aussi comme un acteur déterminant de la réalisation des différents objectifs de cette stratégie qui nécessite la mobilisation de toutes les ressources et de tous les acteurs du pays. Dans cette perspective, différentes mesures ont été prises pour renforcer la capacité institutionnelle du pays à concevoir, à suivre et à évaluer les politiques destinées à promouvoir et à dynamiser le rôle de la femme. En outre, des réformes ont été engagées dans les domaines de l’éducation, de la santé et de la formation professionnelle. Elles ont largement profité à la femme tunisienne ainsi qu’en témoignent les résultats obtenus (CREDIF, 1996 a ; CREDIF, 2002 d). De plus, des mécanismes diversifiés, devant faciliter l’accès de la femme à l’emploi salarié et à l’entrepreunariat, ont été mis en place. L’ensemble de ces mesures s’est traduit par une amélioration notable de la condition de la femme tunisienne mais aussi par une intégration plus significative dans le processus du développement ainsi qu’en témoigne la réelle avancée en terme d’accès aux différents domaines et aux divers métiers. De ce fait, les différents indicateurs de composition et de structure de la population active montrent que la femme devient un acteur de plus en plus important de l’économie en général et de l’économie urbaine en particulier (CREDIF, 2000 a). En effet, les femmes représentent à présent 15% des cadres supérieures, 21% des fonctionnaires, 24% des magistrats, 23% des avocats, 24%

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des journalistes, 35% des médecins, plus de 50% des enseignants, 57% des chirurgiens-dentistes et 63% des pharmaciens (CREDIF, 2003). De plus, la stratégie retenue pour la période à venir prévoit des programmes et des mesures pour consolider le principe d’égalité des chances entre les sexes et dynamiser le rôle de la femme en tant que partenaire dans les secteurs de développement. Ces programmes et ces mesures s’articulent autour de neuf priorités nationales (CREDIF, 2003) :  Le renforcement du potentiel économique des femmes,  La lutte contre la pauvreté et l’amélioration des conditions d’existence des femmes,  La consolidation des droits de la femme et la lutte contre les stéréotypes sexistes,  La promotion des ressources humaines féminines à travers les programmes sectoriels,  La protection des filles,  Le renforcement du rôle de la femme en matière de participation à la vie civile et associative,  La protection de la femme migrante  Le développement d’indicateurs sexo-spécifiques et de statistiques par le genre,  Le développement du partenariat et de la coopération internationale par l’échange d’expériences. Cependant, malgré ces avancées incontestables et malgré l’expansion de l’activité féminine et l’augmentation du travail féminin des entreprises, en raison d’une part, du progrès technique qui substitue la machine à la force physique et, d’autre part, du déplacement de la demande finale des biens industriels vers les services (CREDIF, 2003), les études récentes (CREDIF, 2000 a, b et c ; CREDIF, 2001 b ; CREDIF, 2002 a, b, c et d ; CREDIF, 2003 a et b) mentionnent les faits suivants : - la population à la recherche d’emploi est de plus en plus féminine, - d’une manière générale, quel que soit leur niveau de formation, les femmes sont plus touchées par le chômage que les hommes et qu’elles constituent le groupe le plus vulnérable face au chômage, - la proportion des femmes s’accroît lorsque la durée du chômage s’allonge (une jeune femme, demandeuse d’emploi, sur deux est en situation de chômage de longue durée contre 41,2 % pour les jeunes chômeurs), - le chômage touche de plus en plus les femmes les plus éduquées (plus de 56 % des femmes de niveau d’instruction secondaire ou supérieur sont en situation de chômage de longue durée contre 46,9 % pour les hommes), - le chômage est essentiellement et de plus en plus le fait des jeunes (femmes âgées de moins de 25 ans),

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le chômage de longue durée est prépondérant dans la population des chômeuses de 25 à 49 ans (51,7 % contre 31,6 % pour la population de la même tranche d’âge des hommes), la proportion des femmes, ventilée selon la catégorie socioprofessionnelle, parmi les chômeurs dépasse 50 % dans sept professions : les professions intermédiaires (71 ,6 %), les conducteurs de machines (68,5 %), les employés de bureau (60,9 %), les professions des sciences de la vie et de la santé (54,5 %), les autres professions scientifiques (54,4 %), les métiers de l’artisanat (51,6 %) et l’enseignement (50,5 %), la proportion des femmes parmi les demandeurs d’emploi est d’autant plus forte que le niveau d’instruction augmente, les femmes connaissent toujours des difficultés d’accès à l’emploi, les industries non manufacturières demeurent inaccessibles aux femmes.

Or, l’insertion dans la vie économique des femmes et leur pleine participation au développement et à la gestion de leur société implique l’élimination des contraintes d’accès au marché du travail. Cette élimination passe par l’identification des obstacles. Pour cela, l’analyse des résultats des recherches effectuées dans ce domaine revêt un intérêt particulier car elle permettra de dresser un état des lieux et d’identifier les entraves et les obstacles. Ainsi, l’examen des études réalisées et publiées, essentiellement par le CREDIF, sur le potentiel économique des femmes tunisiennes, sur leur l’emploi et sur leur participation au développement économique, révèle que les auteurs de ces études s’accordent tous à souligner que l’égalité entre l’homme et la femme est inscrite dans la constitution. En effet, le principe d’égalité (dans ses différentes expressions : sexe, race, langue, religion, opinion politique, etc..) possède, dans le système juridique tunisien, une valeur universelle. La référence explicite de l’égalité des citoyens est contenue principalement dans l’article 6 de la constitution de 1959 : «tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi». En outre, des mesures complémentaires ont donné lieu à la promulgation de textes spécifiques à la non discrimination à l’égard des femmes (CREDIF, 1996). Le droit tunisien consacre donc le principe de non discrimination à l’égard des femmes. De ce fait, leur droit au travail est institutionnellement reconnu. Ainsi, le statut général de la fonction publique consacre, dans son article 11, ce principe explicitement, c’est à dire l’égale admissibilité des hommes et des femmes dans le recrutement, l’égalité dans le traitement au cours de la carrière et l’égalité des émoluments et rémunérations.

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Il en est de même pour le code du travail qui consacre aussi le principe de la non discrimination en stipulant qu’«il ne peut être fait de discrimination entre l’homme et la femme dans l’application des dispositions du code et des textes pris pour son application». De plus, le droit tunisien reconnaît aux femmes des droits spécifiques (congé de maternité, séances de repos payé pour la femme qui allaite, etc..) , liés à leur fonction de mère, qui peuvent être interprétés comme une discrimination positive à l’égard des femmes. En effet, en reconnaissant aux femmes des droits spécifiques, la législation a tenté de protéger le droit au travail des femmes contre toute aliénation ou restriction découlant de la maternité et de la prise en charge des enfants en bas âge. Son objectif est ainsi de consacrer le droit au travail des femmes sans mettre en péril leurs fonctions sociales relatives à la reproduction et sans menacer la stabilité de la famille. Ainsi, l’accès des femmes à l’emploi salarié s’est fait dans un cadre réglementaire qui protège leur droit au travail et qui est représenté par le code du travail en ce qui concerne l’emploi dans les secteurs privés et parapublic et par le statut général de la fonction publique en ce qui concerne les fonctionnaires de l’état. Toutefois, qu’en est-il dans la pratique ? Qu’en est-il dans les faits ? A ce propos, la plupart des études analysées mentionnent que malgré une législation anti-discriminatoire, les femmes continuent à souffrir d’un inégal traitement sur le marché du travail qui se manifeste par une moindre employabilité et par la priorité accordée à l’emploi des hommes malgré le fait que l’effort de placement réalisé par l’Agence Tunisienne de l’emploi connaît plus de succès avec les femmes qu’avec les hommes. Le taux de placement des femmes reste toujours inférieur à celui des hommes. En 2002, le nombre de placements de femmes effectués est égal à 23 % des demandes d’emplois de femmes enregistrées par l’Agence Tunisienne de l’Emploi, soit presque une demande satisfaite sur cinq. La transposition de l’indicateur «des disparités entre les sexes dans le développement (IDSD)» du PNUD (qui reflète les disparités entre les sexes en termes de potentialités humaines élémentaires) pour appréhender le degré d’intégration économique des femmes montre que la Tunisie se positionne dans la moyenne mondiale. En effet, si l’activité est le devenir inéluctable des hommes quel que soit leur profil, l’activité des femmes est souvent une conséquence de leur éducation. La propension des femmes à se porter sur le marché du travail est d’autant plus forte que leur niveau éducatif est élevé. Cependant, le marché du travail lui même semble plus exigeant envers les femmes pour les postes d’emploi nécessitant un certain niveau d’instruction et moins de flexibilité.

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A présent, en raison d’un fort déséquilibre du marché du travail du côté de la demande et de l’offre de travail qualifié, les compétences acquises par les femmes les plus qualifiées ne semblent pas répondre aux besoins des entreprises qui absorbent par contre davantage de main d’œuvre peu qualifiée et à bon marché, donc féminine. Toutefois, les femmes qui travaillent sont en moyenne plus éduquées que les hommes qui travaillent. Elles présentent de ce fait des profils différents de ceux des hommes mais aussi des salaires différents car la discrimination salariale existe en dépit de la loi (CREDIF, 2002 d). Les inégalités salariales sont dues au fait que les femmes qui travaillent sont en moyenne plus jeunes et donc moins expérimentées que les hommes. Ce déficit d’expériences marque négativement leur salaire. En effet, pour chaque niveau éducatif, les salaires des femmes sont tout le long de la vie active inférieurs à ceux des hommes. Cet écart peut avoir des explications sociologiques et économiques multiples dont l’existence d’une discrimination sur le marché du travail. Dans ce cas, les conditions de demande de travail par les entreprises diffèrent selon le sexe. En dépit des dispositions légales antidiscriminatoires, à âge égal et à niveau éducatif égal, les entreprises sous rémunèrent généralement les femmes. L’indice différentiel de salaire, par âge et par niveau éducatif, mesure l’intensité de la discrimination. Il montre qu’elle a globalement augmenté, notamment entre 1980 et 1999 (CREDIF, 2002 b). De façon générale, tous niveaux éducatifs confondus, il apparaît que les femmes subissent un différentiel de salaire ou manque à gagner d’autant plus élevé que les femmes sont jeunes et d‘autant plus désavantageux que le niveau éducatif des femmes est faible. Afin de pouvoir s’insérer au marché du travail, les femmes doivent accepter des emplois précaires et/ou des salaires inférieurs à ceux des hommes. Ces inégalités engendrent une féminisation de la pauvreté. Ainsi, le traitement inégal de la main d’œuvre, selon le sexe, passe par une segmentation de celle-ci et par une segmentation du marché du travail qui est scindée en deux parties (TRIKI, 1997) : - une partie principale, qui est plus stable, moins précaire et mieux rémunérée, où la main d’œuvre est essentiellement masculine ; - et une partie secondaire ou duale, qui bénéficie d’une offre d’emplois précaires, instables et de moindre qualification (emplois dits partiels, informels ou marginaux), où se placent généralement les femmes. La concurrence et la flexibilité croissante ont donc davantage pénalisé les femmes sur le marché du travail. En effet, même si les femmes sont devenues, en chiffres absolus, plus nombreuses sur le marché de l’emploi, dans les faits leurs chances effectives en matière d’emplois stables n’ont pas beaucoup augmenté.

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Ainsi, les études et les documents analysés (voir références bibliographiques) soulignent que les femmes connaissent des difficultés réelles d’accès à l’emploi qui seraient dues à la concentration des femmes dans un petit nombre de métiers car les femmes diversifient très peu leur choix de carrière. En effet, sur les vingt grands groupes d’activité économique, un est très majoritairement féminin : l’industrie de textile, habillement et cuir avec 76 % des femmes. Mis à part quelques secteurs où la présence féminine est significative, toutes les autres activités économiques sont massivement occupées par des hommes (CREDIF, 2002 b). De ce fait, la première profession de la femme en Tunisie est «travailleuse dans le textile» (plus du tiers de la population active féminine occupée. Le travail dans le textile constitue un domaine presque exclusivement réservé aux femmes (près de 87 % de la main d’œuvre du secteur). Les femmes exercent une douzaine de professions où la présence féminine dépasse la moyenne nationale. Les six catégories socioprofessionnelles les plus féminisées rassemblent près de 70 % des femmes en 1999. Il s’agit des enseignantes du premier cycle de l’école de base, des enseignantes du secondaire, des professions intermédiaires de la santé, des professions intermédiaires en gestion administrative, des professions intermédiaires de l’enseignement préscolaire et les autres professions intermédiaires de l’enseignement. En considérant la nature urbaine ou rurale des professions avec le niveau de présence féminine, on constate que les deux tiers des citadines exercent l’une des quatre professions suivantes : travailleur dans le textile, employée de maison, secrétaire, agent de bureau (CREDIF, 2000 a). Une grande partie des professions occupées par les femmes sont soit des professions centrées autour de la famille et de l’éducation, soit des professions qui érigent, d’une manière ou d’une autre, la féminité en qualité professionnelle, y compris dans le domaine du textile et de l’habillement (MAHFOUDH, 1997). Le rationnement de l’emploi selon les besoins du marché du travail est un rationnement différencié selon une certaine répartition des rôles et des tâches entre les sexes. Pour les femmes, la diversification professionnelle est donc faible. Les emplois féminins restent concentrés dans un petit nombre de métiers et de secteurs traditionnellement féminins. Cette concentration des emplois féminins dans quelques professions est un élément de fragilité considérable qui finit par conduire au chômage de longue durée et à l’exclusion. De ce fait, le rôle de la femme dans la gestion de la société demeure marginal, en dépit du développement rapide des compétences féminines dans tous les domaines.

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De plus, certaines études montrent que, dans certains cas, les femmes font face, au niveau de l’embauche, à la règle de deux poids, deux mesures car l’homme est toujours perçu comme étant plus compétent que la femme dans certains secteurs d’activité où le recrutement se fait sur concours et où les hommes demeurent majoritaires dans les commissions de recrutement. Les études analysées mentionnent également que les ségrégations et les disparités constatés en matière d’orientation et de formation sont en grande partie à l’origine des difficultés d’accès à l’emploi que rencontrent les femmes et expliquent la concentration de l’emploi féminin, génératrice de déséquilibre des professions et de sous-emplois des femmes. En effet, si la scolarisation a atteint un niveau semblable pour les garçons et les filles, des différences de parcours existent dans les cursus suivis par chacun des deux sexes. Cela aboutit de fait, malgré l’importance des taux de réussite des filles, à des inégalités en termes d’insertion et de parcours professionnels. Les conséquences en termes de chômage d’une orientation peu diversifiée des filles impliquent une concentration des femmes dans un nombre limité de secteurs professionnels avec son corollaire qui est la concurrence des femmes entre elles et une dévalorisation des secteurs où elles sont massivement présentes. De plus, les disparités dans le secteur de la formation professionnelle sont plus prononcées que dans les autres secteurs d’éducation, tant en ce qui concerne la formation initiale que la formation continue. En effet, en formation professionnelle, plus de 60 % des femmes diplômées se trouvent dans deux secteurs de formation : le textile et l’habillement (55,6 %) et le cuir et les chaussures (5,1 %) alors que les hommes présentent une meilleure répartition dans les différents secteurs d’études de la formation professionnelle. Ainsi, pour les garçons, la formation professionnelle, comme d’ailleurs l’enseignement, offre une gamme de spécialités diversifiées axées sur les secteurs demandeurs d’emploi alors qu’elle constitue généralement pour les filles une formation artisanale axée sur des métiers traditionnellement féminins et qui débouche rarement sur le travail salarié (MAHFOUDH, 1997 ; CREDIF, 2002 b). Or, théoriquement, le rôle de la formation professionnelle c’est d’augmenter les chances d’emploi de tous les jeunes, filles et garçons, afin d’optimiser la contribution de toutes les ressources humaines du pays et leur permettre de faire correspondre leurs capacités et leurs ressources aux efforts de développement du pays. Une spécialisation sexuée, une faible diversification et intégration dans le système d’orientation continuent donc à caractériser le système public de formation.

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En effet, l’orientation scolaire est souvent dictée par de fausses représentations des rôles sociaux : elle aboutit à des partages devenus traditionnels, à une division sexuée des savoirs, prélude à celle des métiers. Ceci n’est pas spécifique à la Tunisie. Dans la plupart des pays, une certaine image du masculin et du féminin continue à être véhiculée dans et par l’école, malgré les efforts notables entrepris pour modifier les comportements (MOSCONI, 1994 et 1998 ; HULIN, 2002). D’autres facteurs semblent favoriser la précarité, la discontinuité et le manque de valorisation du travail féminin mais aussi le chômage des femmes. Ainsi, les inégalités entre hommes et femmes traduisent, entre autres, la difficulté que rencontrent les femmes à concilier entre leur vie familiale et leur vie professionnelle étant donné qu’elles prennent en charge l’éducation et la santé des enfants. Ce double rôle oblige les femmes à des exploits (superwomen), les conduisant à l’épuisement, voire à la défaillance et au renoncement. Le nombre limité de garderies et de jardins d’enfants publics et le prix élevé pratiqué par les garderies et les jardins d’enfants privés empêchent, dans la pratique, l’égalité des chances sur le marché du travail pour les mères. En effet, ces charges familiales seraient une des causes de la réticence des employeurs à les recruter. Certaines études considèrent que les droits spécifiques, concédés aux femmes (congé de maternité, etc..) favorisent la division du travail par sexe au sein du ménage au risque de compromettre indirectement l’égalité des chances des hommes et des femmes sur le marché du travail. De plus, l’absence d’une pleine participation des femmes à la décision économique est aussi désignée comme étant une des causes de leurs difficultés à s’insérer au marché de l’emploi. En effet, bien que la femme soit de plus en plus présente sur ce marché de l’emploi, plusieurs études ont montré qu’elle est peu présente dans le processus de décision économique. Sans compter que les obstacles à la participation des femmes trouvent leur racine dans un système de valeurs encore largement partagé par la société, notamment la société urbaine et qui véhiculent des schémas culturels peu valorisants pour la femme. Afin d’identifier le ou les secteurs d’activité concernés par les inégalités entre les hommes et les femmes en matière d’accès à l’emploi et connaître leurs causes, des récents entretiens avec les acteurs du secteur de l’emploi (BEN HASSINE, 2004) ont été réalisés. Ils ont montré l’existence d’un grand écart entre le secteur privé, où une certaine discrimination à l’embauche est reconnue, et le secteur public, où aucune discrimination à l’égard des femmes n’est pratiquée. Globalement, ces entretiens ont abouti aux constatations suivantes : - le secteur public recrute sans aucune discrimination entre les hommes et les femmes,

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le secteur public recrute selon des critères objectifs (niveau scolaire, profil, compétence,..) ; les femmes recherchent préférentiellement des emplois dans le secteur public ; les entreprises publiques recrutent sur concours ; ce dernier aboutit à un classement des candidats, sans distinction entre les sexes, soit après examen de leurs dossiers, soit suite à un entretien ou un test écrit ; les candidats les mieux classés sont alors recrutés, ceci étant valable pour tous les secteurs d’activité ; les membres des jurys de ces concours sont choisis par le premier responsable de l’entreprise publique, intéressée par le recrutement ; ces jurys comportent dans tous les cas un représentant de la commission paritaire et éventuellement un représentant du syndicat de base pour les concours internes; aucune discrimination en matière de salaires n’est pratiquée dans le secteur publique ; dans le secteur public les métiers demeurent sexués, en raison des profils de formation des femmes et des hommes et ceci malgré le début de changement constaté dans ce domaine d’où la nécessité de revoir l’orientation des filles et les inciter à suivre des filières qui leur permettent d’acquérir les qualifications exigées par les secteurs porteurs. dans les entreprises privées, qui sont pour la plupart familiales et où le seul objectif recherché est la rentabilité, c’est le responsable de l’entreprise qui choisit, parmi les demandeurs d’emploi, le personnel à recruter ; certains chefs d’entreprises privées, qui n’ont pas le niveau d’instruction requis, n’ont pas la culture de chef d’entreprise ce qui constitue un terrain favorable pour tous les préjugés à l’égard des femmes ; le rythme de travail, le mode de travail et le secteur d’activité (pour certains métiers) des entreprises privées diminuent les chances des femmes d’être recrutées ; Les chefs d’entreprises privées sont, en raison des stéréotypes sociaux et des responsabilités familiales de la femme, réticents à recruter des femmes, quelle que soit leur qualification, dans les secteurs d’activité qui exigent un effort et une force physiques ou une présence régulière ou un travail de nuit ou un déplacement sur les chantiers ; Les chefs d’entreprises privées, qui recrutent par concours, préfèrent recruter des femmes d’âge mûr qui, de préférence, n’ont pas d’enfants en très bas âge mais plutôt en âge d’être scolarisés et donc pris en

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charge par les jardins d’enfants et les écoles et ceci pour certains secteurs et professions qui exigent des qualifications traditionnellement féminines (dans l’administration ou les ateliers de l’entreprise) et où les femmes excellent ; - Le secteur privé pratique, en raison des stéréotypes sociaux, une division sexuée du travail qui limite encore plus les chances des jeunes femmes, déjà défavorisées par un profil de formation très peu diversifié par rapport à celui des hommes, à trouver un emploi d’où la nécessité d’initier un large travail pour le changement des mentalités. Quant aux systèmes d’incitation et d’aide à l’insertion des femmes, les entretiens ont révélé que, mis à part les centres de formation des femmes rurales, les jeunes femmes bénéficient des mêmes instruments d’aide à l’intégration que les jeunes hommes. Il s’agit des programmes d’incitation à l’emploi des jeunes qui comportent deux volets : - des séminaires d’information sur les techniques de recherche d’emploi, organisés par l’Agence Nationale pour l’Emploi et le Travail Indépendant ; il s’agit de séances périodiques qui s’adressent aux primo-demandeurs dans le but de renforcer leurs capacités dans la recherche d’emploi et au cours desquelles on leur enseigne différentes méthodes de mise en valeur des capacités (comment chercher, comment se présenter, comment rédiger un CV, comment faire valoir ses propres compétences, etc.. ?) - Les stages d’initiation à la vie professionnelle (SIVP) effectuée dans les entreprises et qui peuvent aboutir à des recrutements dans les entreprises où les stages se sont déroulés. Dans les séminaires d’information, les jeunes femmes sont plus nombreuses, plus régulières et plus appliquées. En outre, au cours de la recherche d’emplois et comparativement aux jeunes hommes, les jeunes femmes s’investissent plus, s’accrochent plus et multiplient leurs modes de recherche. Cependant, en raison des coutumes et traditions, les jeunes femmes ne savent pas toujours, autant que les jeunes hommes, faire valoir leurs capacités et leurs compétences et mettre en avant leurs aptitudes. L’ensemble des entretiens a donc révélé la persistance de certaines réticences de la part des employeurs privés à recruter des femmes. Ces réticences trouvent leur explication dans : - une division sexuée du travail due à des inégalités entre les filles et les garçons en matière d’orientation et de formations. En effet, ces dernières sont beaucoup moins diversifiées pour les filles que pour les garçons et intéressent, pour les filles, des secteurs et des filières

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traditionnellement féminins qui représentent une socialisation aux rôles domestiques (éducation, soins des autres, etc..) ; - des charges familiales qui épuisent les femmes, réduisent leur rendement et les condamnent, quelquefois, à l’absentéisme ou au renoncement ; - des jurys et commissions de recrutement non paritaires du point de vue de leur composition ; - des stéréotypes sociaux qui ont la vie dure et qui déterminent les carrières féminines et masculines en structurant les perceptions vis à vis des habilités des filles et des garçons. Toutes ces considérations, ajoutées à la culture sociale qui considère que le rôle de la femme est d’abord dans le foyer et auprès des enfants, imposent le recours à des instruments spécifiques, autres que les stages SIVP, d’aide pour une meilleure intégration des jeunes femmes au marché de l’emploi. En conclusion, l’examen des travaux réalisés sur l’accès des femmes au marché de l’emploi a montré que la législation tunisienne est, sans aucun doute, en faveur de l’égalité de la femme, d’ailleurs sur tous les plans, de la sphère économique à celle privée et familiale et est d’avant-garde par rapport à beaucoup de pays y compris occidentaux. Les conventions collectives de travail réservent en effet le même traitement aux deux sexes. De ce fait, les indicateurs de composition et de structure de la population active montrent que, durant les deux dernières décennies, la femme devient un acteur de plus en plus important de l’économie en général et de l’économie urbaine en particulier. La population active se féminise. L’écart entre les taux d’activité des deux sexes se réduit. La femme est de plus en plus présente dans le marché de l’emploi en Tunisie. Les demandes d’emploi déposées par les femmes sont de plus en plus nombreuses et représentent une proportion de plus en plus importante de la population des travailleurs. Les emplois féminins se sont multipliés. Un accès plus large de la femme à l’emploi a été réalisé, notamment en milieu urbain. Cependant, malgré ces résultats atteints en matière d’intégration économique des femmes, l’analyse des études publiées, essentiellement par le CREDIF, sur la question de l’emploi des femmes ont révélé que celles-ci détiennent une position inégale par rapport aux hommes sur le marché du travail et dans l’échelle des revenus. Le marché de l’emploi en Tunisie reste donc marqué par une profonde différence entre les deux sexes et par la prédominance de l’élément masculin. La pleine participation des femmes semble y rencontrer des obstacles sérieux. La principale cause avancée de cet état de fait est le manque de diversification de la formation et de la qualification professionnelle des

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femmes, avec comme conséquences une faible diversification des carrières féminines aboutissant à la concentration des femmes dans un nombre limité de métiers et à un taux de chômage élevé des jeunes primo-demandeuses d’emploi qui trouvent les secteurs, où leur qualification leur permettent de s’insérer, déjà saturés. Cependant, les autres inégalités (salaires, promotions, etc..) qui, d’après ces études, semblent jalonner le parcours professionnel des femmes imposent une analyse approfondie des raisons qui sous-tendent ces inégalités. D’autant plus qu’une comparaison internationale permet de nuancer les performances réalisées en Tunisie (CREDIF,2000 a). Certes, le taux de participation des femmes à la création des richesses dépasse la moyenne de la région du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord mais demeure inférieur à la moyenne mondiale et il progresse moins rapidement que dans plusieurs autres pays. En fait, en comparant les performances économiques et les résultats obtenus en matière de réduction des disparités entre les sexes, on constate que la Tunisie transforme moins efficacement que d’autres pays, de même niveau de développement, la croissance des revenus en une meilleure égalité entre les sexes en termes de potentialités humaines élémentaires (CREDIF,2000 a). Toutefois, il convient de mentionner que la Tunisie a pu entreprendre de grandes réformes économiques et sociales sans aggravations des disparités entre les sexes ni marginalisation de certaines catégories sociales. Quant à l‘examen des résultats des entretiens sur l’état de l’accès des femmes au marché de l’emploi, réalisés avec les acteurs dans ce domaine, il a révélé que c’est au niveau du secteur privé que certaines discriminations à l’égard des femmes persistent encore, en raison des stéréotypes sociaux mais aussi à cause du profil de formation peu diversifié des femmes. Or, le développement humain ne s’obtient qu’avec la pleine intégration économique des femmes. Dans ces conditions, certaines mesures s’imposent pour assurer la pleine participation des femmes tunisiennes au marché du travail. Elles comporteraient l’identification d’outils et d’instruments spécifiques d’aide à l’insertion économique des femmes. Ainsi, plus d’équilibre dans l’orientation et une plus grande égalité des sexes à l’école à tous les niveaux de l’enseignement et la formation devraient constituer des priorités en matière d’éducation et de formation. En d’autres termes, la mise en place d’une stratégie d’équilibre et d’«asexuation» des professions est indispensable pour enrayer les inégalités (CREDIF, 2003). De même, le renforcement de la place des femmes dans toutes les instances de décision y compris économique est indispensable car elle conditionne la parité dans tous les secteurs. Une plus grande participation des femmes dans la vie économique devrait être également accompagnée par une meilleure prise en compte de la dimension

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familiale dans la politique de l’emploi. Pour cela, il convient de renforcer les infrastructures sociales afin d’aider les femmes à s’acquitter des responsabilités familiales et favoriser l’intégration au monde du travail des charges familiales de la femme dans certains secteurs comme la recherche scientifique (garderies et cantines sur les lieux de travail). Le développement des politiques d’emploi plus orientées vers une intégration des femmes dans les dispositifs généraux de lutte contre le chômage constitue également une priorité vu que les jeunes femmes chômeuses constituent le plus grand pourcentage du nombre total des chômeurs. Il faut aussi veiller à éliminer les discriminations entre garçons et filles, qu’elles se manifestent dans les parcours scolaires comme dans la persistance des représentations stéréotypées afin d’assurer le respect de l’égalité des droits et des chances. Ainsi, un énorme travail sur les mentalités doit consolider et renforcer les mesures et les efforts déjà réalisés. Cependant, faire évoluer les mentalités ne peut être uniquement l’affaire des pouvoirs publics, qui n’ont jamais cessé, à travers la modernisation de l’école, le renforcement des institutions et la consolidation de la législation, de promouvoir les droits et le statut de la femme, La modernisation de la société et la disparition de toutes les formes de discrimination et des pratiques sociales et comportements dévalorisants pour la femme impliquent l’accélération des efforts développés par la société civile et l’engagement de tous les acteurs de la société (parents, enseignants, médias, etc..) pour valoriser l’image de la femme dans la communauté et dans la nation et faire ainsi évoluer durablement les mentalités. Pour faciliter l’intégration des femmes sur le marché du travail et l’accomplissement de leur double rôle de travailleuses et de mères de famille, il serait souhaitable de donner les mêmes droits aux travailleuses du secteur privé et du secteur public. Dans le domaine de l’application de la loi concernant l’égalité des femmes sur le marché du travail, il reste encore des différences qui nécessitent des interventions particulières telle par exemple la vérification par une inspection du travail, formée spécifiquement sur les problématiques de genre, de l’application de la loi en matière de recrutement et de salaires, ce qui garantirait le traitement des femmes de manière égale aux hommes par les employeurs et les ferait profiter réellement des droits acquis sur le plan légal. La sensibilisation aux questions de genre, à travers des sessions de formation, des opérateurs des bureaux de l’emploi pour renforcer leur capacité à contrebalancer les éventuels réticences des employeurs à embaucher des femmes dans certains secteurs et à certains postes ou leur méfiance à recruter des stagiaires femmes ou leur attitude à sous payer les femmes doit représenter une mesure de lutte contre les inégalités relevées.

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L’équilibre des sexes dans les jurys des concours de recrutement permettra certes une meilleure égalité des chances. L’initiation de politiques spécifiques de formation et de stages d’insertion dans la vie professionnelle en faveur des femmes leur permettra d’acquérir des compétences qui renforcent leur capacité d’intégration au marché du travail. Dans les travaux du X° Plan, l’objectif principal retenu pour la décennie est d’atteindre le stade de la parité effective. Pour cela, la valorisation des ressources humaines féminines et l’insertion des femmes dans la vie économique constituent des priorités qui exigent l’accroissement des aptitudes des femmes à l’emploi et à la promotion professionnelle. -----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

- REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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