Agriculture, alimentation et santé-environnement, de quoi parle-t-on ? DRAAF Occitanie Nathalie Colin
sral.draaf-occitanie@agriculture.gouv.fr http://draaf.occitanie.agriculture.gouv.fr
.N utrition . Qualité . Risque . Production . Biodiversité . Métier . Modèle agricole
Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es1 (et quelle agriculture tu auras...)
L science qui analyse les rapports
a nutrition se définit comme la
entre la nourriture et la santé. Elle inclue l’alimentation, le statut nutritionnel et l’activité physique. L’alimentation est, quant à elle, un système bien plus complexe que la seule satisfaction quantitative et sanitaire des besoins nutritionnels : elle est profondément
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culturelle, sociale, économique et locale. A la fois source de plaisirs mais aussi d’inquiétudes, l’alimentation est un choix individuel mais en lien avec une très grande variété d’acteurs socio-économiques qui la produisent du champ à l’assiette. Si notre alimentation est notre première médecine (Hippocrate), elle est aussi le fruit d’un système complexe d’utilisation de ressources multiples (eau, sol, semences, climat, main
d’œuvre, outillages, transport, recyclage...) avec des impacts variés sur l’environnement. Le contexte de modernité alimentaire dans lequel nous nous trouvons (modification des modes de vie, industrialisation et médicalisation de l’alimentation), en créant une distanciation toujours plus forte entre les mangeurs et leurs aliments, rend difficile la mesure de l’impact de leurs choix tant sur leur santé que sur la durabilité des systèmes de productions alimentaires. Les recherches sur les prospectives 2050 des systèmes alimentaires mondiaux suggèrent aujourd’hui de construire, dans une perspective de développement durable, des systèmes alimentaires territorialisés (cf. encadré 1). Éduquer en santé-environnement autour de l’alimentation et de l’agriculture, c’est donc retisser ces liens pour que chacun appréhende mieux que ce qu’il mange détermine sa santé mais également l’environnement qui l’approvisionne.
Jean-Louis Rastoin
Directeur de la Chaire UNESCO Alimentations du monde - SupAgro Montpellier rastoin@supagro.fr http://www.chaireunesco-adm.com/
« Repenser l’avenir du système alimentaire mondial dans un objectif de développement durable » On peut situer l’amorce de la contestation du système agroindustriel en Europe au milieu des années 1990 avec la crise de la vache folle et la montée des préoccupations environnementales après le sommet de Rio. Par la suite, les critiques ont porté sur le partage de la valeur entre les différents acteurs des filières agroalimentaires et les destructions d’emplois en résultant et enfin sur l’opacité de ces filières (affaire des lasagnes en 2013). On observe ainsi une remise en cause plus ou moins radicale à la fois du modèle de consommation et de production. En effet, les produits agroindustriels, s’ils apportent des avantages en termes de prix, de sûreté et de praticité, n’intègrent pas des critères essentiels tels que la santé, le goût et les références sociales et culturelles dans l’alimentation contemporaine. D’autre part, les entreprises de production et de distribution se sont spécialisées, concentrées, globalisées et financiarisées. En d’autres termes, la gouvernance du système agroindustriel est aujourd’hui assurée par les marchés financiers beaucoup plus que par les besoins réels des consommateurs et de la majorité des producteurs du fait d’une défaillance de la régulation publique. Dans les pays du Sud, la crise des systèmes alimentaires traditionnels marqués par une très faible productivité et une grande pauvreté s’accompagne d’une sous-alimentation
chronique. Notre planète se trouve donc dans une situation préoccupante de malnutrition et d’insécurité alimentaire qui frappent plus de la moitié de la population mondiale. En conséquence, les gouvernements et les organismes internationaux, les grandes entreprises et les associations professionnelles sont de plus en plus interpellés par la société civile pour définir et appliquer une politique alimentaire conforme aux objectifs du développement durable. La communauté scientifique, sur la base de milliers d’initiatives pour une alimentation responsable et durable (IARD) émanant des acteurs de terrain, suggère aujourd’hui de construire des « systèmes alimentaires territorialisés » (SAT) fondés sur 5 éléments : la qualité totale des produits ; une triple proximité (entre productions agricoles et écosphère, entre agriculture et industrie agro-alimentaire et entre producteurs et consommateurs) ; la solidarité entre acteurs au sein de réseaux d’exploitations agricoles familiales, de TPE et PME artisanales, industrielles et de service ; une transparence de l’information au sein des filières ; une gouvernance partenariale2 . Les instruments à mobiliser sont notamment l’éducation, l’innovation, les labels et la fiscalité. Les collectivités territoriales se situent en pointe sur ce front pionnier, ce qui permet d’espérer une évolution favorable aux SAT.
. Diaporama « Repenser l’avenir du système alimentaire mondial dans un objectif de développement durable », 8 janvier 2013, Saint Estève.
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PARTIE 3 / CHAPITRE 2 / Agriculture, alimentation et santé-environnement, de quoi parle-t-on ?