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Rencontre

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C’est mon droit

C’est mon droit

Se souvenir des belles choses

© Feofan, 6 ans - Éditions Amaterra

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En pause forcée pendant plus de deux mois, des structures et des artistes lyonnais ont su profiter de cette période complexe pour inventer de nouveaux projets en lien avec leurs activités habituelles. Nées de l’enfermement, ces initiatives sont résolument tournées vers les autres et vers l’avenir.

De drôles de leçons de danse

Depuis trois ans déjà, le chorégraphe lyonnais Denis Plassard, créateur de projets artistiques participatifs et ludiques, avait en tête l’idée de proposer des chorégraphies radioguidées au son de sa voix, que les gens pourraient réaliser chez eux avec des amis. Alors, quand le confinement a commencé, il a immédiatement mis son projet à exécution sur le site de sa compagnie: « Bien sûr, il n’était plus question d’inviter des amis, mais je visais un public familial en misant sur le côté ludique, tout en tenant compte des contraintes du confinement. » Danse autour d’une table, dans son lit, en solo, en duo, en famille, en langue des signes, en visio même pour danser à distance avec ses amis… On lance le fichier mp3 et on se laisse guider par la voix de Denis Plassard qui, comme dans un cours de danse, encourage et corrige ses troupes. « Les premiers radioguidages de 10 minutes ressemblent à de l’impro, mais le dernier en date, qui en fait 24, permet d’inventer une danse mémorisée qu’on peut refaire chez soi.» À ce jour, il a ainsi imaginé onze chorégraphies : « Ce n’était pas du tout un projet de circonstance, mais c’est vrai que j’ai profité d’avoir du temps pour le faire aboutir et ça m’a passionné. » Pas près de s’arrêter, Denis Plassard pense déjà créer « une version extérieure pour que les gens puissent retrouver leurs amis pour danser. » Ainsi va le sens de la fête de ce chorégraphe créatif et généreux.

Radioguidages en ligne sur compagnie-propos.com

La construction d’une œuvre collective

Basées à Lyon, les éditions jeunesse Amaterra ont lancé aux premiers jours du confinement le projet Dessine-moi dehors. L’idée : inviter les enfants, sans limite d’âge, à dessiner ce qu’ils feraient une fois déconfinés, et à envoyer leurs œuvres à la maison d’édition qui en ferait un livre. « En tant qu’éditeur jeunesse, que pouvions-nous faire pour les enfants ? Nous avons pensé que voir leur dessin imprimé dans un livre pourrait avoir pour eux une valeur particulière », raconte Romain André, en charge du projet. La soixantaine de dessins reçus l’ont surpris par « leur diversité, leur qualité graphique, et leur propos extrêmement touchant souvent commenté par un mot des parents. Comme ce petit garçon qui a représenté sa grand-mère qui lui manquait, revêtue d’un habit de cœurs. » Contacté par un collège qui voulait faire participer ses élèves de retour en classe, Amaterra a repoussé la date de réception des œuvres : « Ces dessins d’ados créeront un dialogue intéressant avec les autres, réalisés majoritairement par des enfants âgés de 3 à 8 ans. » Ensuite viendra le temps de la sélection des dessins qui composeront ce livre inédit : « L’objet doit avoir le plus de sens possible et ne surtout pas être un catalogue. Il devrait être imprimé à plusieurs centaines d’exemplaires et sera envoyé à chaque enfant dont le dessin a été publié. » Quant aux autres, ils pourront le télécharger gratuitement sur le site des éditions Amaterra, courant juillet.

amaterra.fr

Les courriers du cœur

Créée en février dernier par Lucas Handelberg, l’association Pontem a vocation à enregistrer des récits de vie de personnes âgées sous la forme de podcasts pour créer du lien avec les jeunes générations. Face à la situation d’enfermement dans laquelle les Ehpad se sont trouvés lors du confinement, elle a monté un projet de correspondance dématérialisée à destination de leurs habitants très isolés. « Nous avons reçu 150 lettres scannées parmi lesquelles des poèmes, des dessins et des mots d’enfants écrits à la main, que nous avons fait parvenir par e-mail à six établissements de Lyon et Villeurbanne, soit environ 600 personnes âgées », annonce Chloé Larguier, qui porte le projet Correspondances. Une initiative inclusive

Une maquette de L'Atelier Pop Corn © DR

puisque pour toucher aussi les personnes malvoyantes, Pontem a doublé les courriers d’une version audio, très descriptive. Selon les établissements, ils ont été lus ou écoutés par petits groupes ou individuellement, d’autres encore étaient accessibles sur tablette. Tous ont indiqué combien ces lettres « avaient suscité des sourires et apporté un peu de légèreté» dans cette période compliquée. Des retours positifs qui motivent Pontem à continuer : « Le confinement a mis en lumière l’isolement des personnes âgées, mais elles le vivaient déjà avant au quotidien. » Nous encourageant plus que jamais à leur écrire, l’association vient de monter une tournée de facteurs bénévoles qui, en vélo, apportent nos courriers aux locataires des Ehpad. « Montrons à nos anciens que nous pensons à eux!»

pontem-asso.com

Envoyez vos courriers et dessins à chloe@pontem-asso.com

Des enquêtes pour redécouvrir son chez soi

L’Atelier Pop Corn anime auprès du grand public des ateliers pédagogiques autour de la question de l’habitat pour aider les concepteurs de logements à intégrer leurs futurs habitants au plus tôt dans leurs projets. Le confinement l’a amené à réfléchir à d’autres outils : « Nous avons profité de ce que les enfants étaient coincés à la maison pour proposer à dix familles résidant dans la métropole de participer à des ateliers ludiques en visio, pour leur faire regarder leur logement autrement », explique Stéphanie Cagni, l’une de

Une famille se prête au jeu des chorégraphies de Denis Plassard © DR

ses fondatrices. Cinq rendez-vous au total auxquels les enfants, de 7 à 15 ans, ont répondu avec enthousiasme, qu’ils habitent en appartement ou en maison, à Lyon, Villeurbanne, SainteFoy-lès-Lyon ou Meyzieu. « L’atelier ronchonchon » leur a fait pointer tout ce qui clochait chez eux, quand « L’atelier baguette magique » leur donnait le pouvoir de tout transformer en mieux, en réalisant des maquettes avec leurs Lego et des enregistrements sonores. « Les parents ont été surpris par la capacité de leurs enfants à décrire leur logement, à se représenter l’espace et passer du plan à la maquette », constate Stéphanie elle-même saisie par la pertinence de leurs témoignages : « Les petits ont pu dire qu’ils n’allaient pas dans la cuisine car c’était dangereux. Dans les appartements modernes, rien n’est fait pour eux, à leur hauteur, alors même qu’on parle de consommer autrement, de cuisiner ensemble, de transmettre… Ces arguments nous serviront quand on nous interrogera sur un prochain projet de construction. » Avant de décortiquer tous les retours des enfants, elle lance pour cet été, un challenge à leurs parents : « Ils doivent se prendre en photo chez eux, lors d’un moment de vie quotidienne agréable ou crispant, et nous l’envoyer avec une légende. » Stéphanie espère présenter la restitution de ce travail lors d’une exposition en septembre : « Ce qu’on aime, c’est rencontrer les gens et les faire se rencontrer entre eux. »

atelier-popcorn.fr

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