MATT MULLICAN REPRESENTING THE WORK MUSÉE DES ARTS CONTEMPORAINS AU GRAND-HORNU MER. B&L
Caisse de transport de Representing the Work, rÊserves du MACS, 2020 Representing the Work’s crate, MACS, storage room, 2020
Denis Gielen
64 DRAPS DE LIT LE CLIENT : Dieu a fait le monde en six jours, et vous, vous n’êtes pas foutu de me faire un pantalon en six mois. LE TAILLEUR : Mais, monsieur, regardez le monde, et regardez votre pantalon. Samuel Beckett, Le Monde et le Pantalon, 1945
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Life. Volume XXXII, n° 17, 1952, p. 102.
« Tout ce que j’ai fait d’important pourrait tenir dans une petite valise », confiait Marcel Duchamp en 1952 au magazine Life1, en référence à la Boîte-en-valise, ce multiple qui rassemblait en une trousse de transport ses principales œuvres et dont les premiers exemplaires furent produits en 1936, quelques années avant que l’artiste ne « plie » réellement bagage pour les États-Unis. À propos de Representing the Work qui récapitule en un dispositif tout aussi ingénieux, mais néanmoins monumental, les grands chapitres de son œuvre, Matt Mullican dit que c’est un peu sa « boîte-en-valise » à lui. En soixante-quatre planches iconographiques réalisées sur des draps, librement suspendus à des châssis en bois et agencés en une suite de couloirs antiparallèles, l’artiste réalise bel et bien ce musée nomade où l’essentiel de son travail tient en une seule mosaïque, de surcroît démontable. Le visiteur y découvre toute l’étendue de l’activité artistique de Matt Mullican en un panorama qui se déploie de ses premières expériences à CalArts dans la classe de John Baldessari à sa récente exposition au HangarBicocca à Milan, en passant par ses diagrammes cosmologiques, ses performances sous hypnose, ses frottages, ses collections d’images ou encore ses notes de travail. Enfin, entre ces couloirs étroits, la sensation éprouvée est d’être au plus proche de l’œuvre
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64 BEDSHEETS AN ENGLISH GENTLEMAN: “In six days, do you hear me, six days. God made the world. Yes Sir, no less Sir, the WORLD! And you are not bloody well capable of making me a decent pair of trousers in three months?” THE TAILOR: “But my dear Sir, my dear Sir, look at the world and look at my TROUSERS!” Samuel Beckett, The World and the Trousers, 1945
“Everything important that I have done can be put into a little suitcase,” confided Marcel Duchamp in 1952 to Life magazine, referring to Boîte-en-valise, a collection of multiples which looked like a travelling case for his principal works, the first examples of which were produced in 1936, a few years before the artist literally “packed” his bags and left for the United States.1 Speaking about Representing the Work, which brings
together the major chapters of his oeuvre in a similarly ingenious but altogether monumental device, Matt Mullican described the piece as being rather like his personal boîte-envalise. In sixty-four iconographic plates created on bedsheets, hanging freely on wooden frames in a series of antiparallel corridors, the artist has effectively created a nomadic museum in which the essence of his work is encapsulated in a single mosaic, which can even be dismantled. The visitor discovers here the entire scope of Matt Mullican’s artistic activity, in a panorama that unfolds from his early experiments in John Baldessari’s class at CalArts to his recent exhibition at the HangarBicocca in Milan, and includes his cosmological diagrams, performances under hypnosis, rubbings, image collections and working notes. In these narrow corridors, we sense that we are very close to the artist’s work, in an intimacy that is made even more 1.
Life, Volume XXXII, n° 17, 1952, p. 102
Matt Mullican
LECTURE AT THE ART INSTITUTE OF CHICAGO, APRIL 23, 2018 I’ve been doing those lectures for about 40 years now, and they have evolved, like everything does, into a particular practice. That practice is important. It represents the work, which represents the ideas. So it is all one kind of package. The first part is me with a white board or a blackboard, and you’ll see that when I talk like I am now. My eyes will close, and I will look up at the sky and I will look down, and I’ll shake my head. And my daughter – I gave a lecture she saw at a university in Vermont, and she came up afterwards, and she was twelve years old and horrified because I was giving a lecture with my eyes closed. Please look at the audience: please look at the audience when you talk. And I don’t. And I don’t, because when you see someone playing the guitar on stage, they are not looking to the audience while they play guitar. They are somewhere else. They’re concentrating, and I’m doing the same thing. So, when you see my face, just think as if I was playing music, because that’s very relatable, very related to what I’m going through up here.
13 CONFÉRENCE À L’ART INSTITUTE DE CHICAGO, 23 AVRIL 2018 Cela fait maintenant quarante ans que je donne ces conférences et, comme tout le reste, elles ont fini par devenir un exercice à part entière. Cet exercice est essentiel, car il représente le travail, qui représente les idées. Donc, c’est un tout. Dans la première partie, je suis face à un tableau, blanc ou noir. Vous verrez que quand je parle, comme maintenant, je ferme les yeux, je lève les yeux au plafond, je les baisse, je secoue la tête. Un jour, ma fille a assisté à une de mes conférences dans une université du Vermont, elle est venue me voir à la fin, elle avait douze ans, elle était choquée de me voir donner une conférence les yeux fermés. « Je t’en supplie, regarde le public, mais regarde le public quand tu parles ! » Et je ne le fais pas. Je ne le fais pas, parce que, vous savez, c’est comme quand un guitariste joue sur scène, il ne regarde pas les spectateurs en jouant. Il est ailleurs. Il se concentre, et c’est la même chose pour moi. Donc quand vous verrez mon visage, imaginez que je joue de la musique, parce que c’est très similaire à ce que je vis ici, sur l’estrade.
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6 The Meaning of Things. Images from the internet. 2013 The Meaning of Things. Images tirées d’internet. 2013
7 Pictures from Man and His Symbols Images tirées de L’Homme et ses symboles
24  Signs. Five worlds and others  Pictogrammes. Cinq mondes et autres
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25  Signs from stations  Pictogrammes de gares
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36 The Big Chart. Subject, sign, frame, world, elements The Big Chart. Sujet, signes, cadre, monde, éléments
37 Circular charts. 1975 - present Schémas circulaires. 1975 à aujourd’hui
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48 Evolution of Heaven Évolution du Paradis
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49 Big Chart as anatomy. 1975 Big Chart en forme d’anatomie. 1975
Au milieu des années 1970, Matt Mullican élabore son langage artistique à partir de pictogrammes, de diagrammes et de modèles cosmologiques. Ce retour à l’image, en réaction à l’art conceptuel, fera de l’artiste américain l’un des représentants de la « Pictures Generation ». Parallèlement à ces symboles appliqués à divers supports (drapeaux, livres, vitraux, etc.), il réalise des performances sous hypnose durant lesquelles s’exprime « that Person », un être emblématique, voire caricatural, du genre humain. En 2018, Matt Mullican réalise Representing the Work, une installation-mosaïque de 64 planches iconographiques compilant les principaux chapitres de son œuvre. ° 1951, Santa Monica (États-Unis), vit et travaille à New York et Berlin
In the mid-1970s, Matt Mullican developed a unique artistic language based on pictograms, diagrams and cosmological models. In reaction to conceptual art, this return to the image made the American artist one of the representatives of the Pictures Generation. Alongside these symbols placed on various supports (sheets, books, stained glass, etc.), his performances under hypnosis give expression to that person, an emblematic, even caricatural human figure. In 2018, Matt Mullican created Representing the Work, an installation mosaic of 64 iconographic illustrations that catalogue the principal chapters of his work. ° 1951, Santa Monica (United States), lives and works in New York and Berlin
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Matt Mullican, Representing the Work, detail, 2018–2019