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Open Art Revue Décembre 2012 • Reims

© Cécile Hesse et Gaël Romier "Duchesse Vanille", 2008, Photographie (172 cm x 120 cm)


Des frontières « bien tempérées » Texte / Georges Banu • Photo / © DR

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a frontière invite, oblige même à la penser en termes doubles, à l’admettre et à la refuser, à accepter sa constante réversibilité d’allié qui aide une identité à se constituer en écueil qui l’étouffe. La frontière sera à jamais placée sous le signe du plus célèbre doute formulé : être ou ne pas être. Les frontières, les défendre ou les suspendre – sur une carte ou, aujourd’hui, dans l’art – comment choisir ? Toute option unique se heurte à son autre versant également légitime. Parler des frontières c’est se situer au cœur de l’ambiguïté ! Comment les préserver et comment les dépasser ? La difficulté de la réponse, on le sait, dépend toujours de la portée de la question, et les « frontières » attestent au plus haut point cette équation. Comment choisir entre faire l’éloge des frontières et le vœu de les effacer, surtout dans l’art ? Chaque option débouche sur un manque car la frontière sera à jamais une catégorie de pensée indissociable du double, étrangère à l’emprise de l’unique, qui peut conduire, si on l’admet, soit à la tragédie des murs, soit à l’indifférenciation nomade. Ne disait-on pas que c’est une frontière qui transforme « l’étendue » en « territoire » ? L’empereur Hadrien considérait que même l’empire romain avait besoin d’une limite et, pour le définir, il dressa un mur, très loin, au nord de l’Europe. Et, presque par un effet de retour, les jeunes de l’Ouest, dans les années 60, ne déclenchèrent-ils pas un mouvement de nomadisme qui les conduisit vers l’Extrême-Orient érigé en paradis « sans frontières » ? « Frontières » qui, par temps, de crise se referment et acquièrent leur sens premier de rempart contre lequel butent des arrivants intempestifs, « frontières » qui, inlassablement, invitent à penser le rapport entre le dedans et le dehors. Ces « frontières » se laissent déborder davantage quand il s’agit de la propagation d’une pensée plus que de l’insertion d’une population. Elles enferment les êtres mais s’avèrent être moins étanches quand il s’agit des idéologies, plus insidieusement contagieuses. Contester les frontières – défi suprême pour l’art de l’Occident où durant des siècles la séparation fit loi : séparation des arts, séparation des genres, séparation générale. La loi admise fut toujours l’exigence du repli sur une forme appelée à se régénérer de l’intérieur, au cœur de son territoire. C’est le principe de la pureté classique qui fait trop souvent oublier l’impureté médiévale, réfractaire à la limite au profit d’une véritable coalition des arts du vivant : danse, musique, spectacle. C’est là que l’on reconnaît la préfiguration des avant-gardes « liquides » de Bauman qui, en réalité, s’appuient sur la mixité transfrontalière des arts propre à toutes les époques « anticlassiques » et sur la pulsion libertaire du nomadisme. Après les années de l’enfermement tout a commencé par la migration des jeunes pour conduire ensuite à la migration des formes. Tout a débuté par la sortie des « frontières », source de tragédie politique et origine de la guerre, pour entrainer vers leur contestation et la quête d’un nouvel exercice de l’art. Un art transfrontalier, un art de l’impureté productive, un art des réseaux plus que des replis territoriaux, un art de l’insécurité identitaire, c’est dans ces termes que les artistes formulèrent leurs programmes. Il s’agit d’un art qui ne craint

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pas l’autre art, étranger, d’un art du frottement et guère de la dissociation, un art qui se place sur les bords. Un art à même de répondre à l’appétit de débordement, de contestation des limites et du dépassement des cloisons. Un art sans système prédéterminé ni lois à transgresser. Un art des « frontières liquides », géographiquement et esthétiquement parlant. Il n’est pas pour autant question de retomber dans le discours unanimiste sur lequel débouche tout refus des frontières. Sans pour autant en faire l’éloge polémique. Qui peut regretter les temps où Brecht disait « l’homme vaut un passeport » et qui peut déplorer la chute du Mur ? Qui peut avoir la nostalgie du « rideau de fer » et qui peut inviter à la ségrégation des humains par la fermeture des frontières, de plus en plus érigée en politique ? Mais le risque d’une déperdition de soi et d’une dissolution dans le « village global » et d’un égarement sur le labyrinthe de « la Toile » n’est pas négligeable. Défendre la différence ne prend pas forcément un sens réactionnaire. C’est une manière de ne pas être « soluble » dans un conglomérat indistinct, de se constituer sur la base de « la limite » et pas seulement de « l’ouverture » généralisée. La frontière isole et concentre de même qu’elle risque de cloisonner et d’enfermer. Comment travailler avec cette instance double ? Comment la contester et l’admettre ? La frontière ne se résume pas à une question de territoire, elle a à voir avec l’origine d’un être et l’identité d’un art. Envisager sa suppression généralisée peut conduire à un conformisme des pratiques et à un aplatissement des êtres. Bref à un effacement des différences. La dresser en muraille témoigne, par contre, d’une crainte et d’un vœu sécuritaire étranger aux temps modernes. La frontière ne pourra pas se départir de son ambivalence. Les frontières intéressent lorsqu’elles sont poreuses et se laissent franchir au terme d’un effort. L’art du « réseau » captive tant qu’il n’est pas un préalable acquis d’avance, mais se présente comme le prix obtenu au terme d’un combat. Ni frontière immuable, ni frontière inexistante… c’est notre question. L’indistinction des territoires égare, l’ériger en programme est un confort. Ce qui me semble productif ce sera à jamais la lutte avec les bords et le prédéterminisme du cadre au nom d’un besoin profond de les dépasser : la frontière existe, mais pour être battue en brèche. Déborder les frontières au nom d’un besoin d’ailleurs, voilà la distinction à faire entre la facilité des voyages – d’un pays à l’autre, d’un art à l’autre – et le défi d’un départ. « Ce dont on ne peut plus parler il faut le chanter » disait Heiner Müller, retournant ainsi la phrase de Wittgenstein : « ce dont on ne peut plus parler, il faut le taire ». Quand on touche la limite de la parole au lieu du repli sur le silence, les arts du vivant peuvent s’engager vers l’horizon du chant et l’énergie de la danse.… La frontière rigide tue, la frontière poreuse sauve. La liberté, pour être vraie, elle exigera toujours un prix à payer. Un combat à mener. Les frontières, comme le clavecin de Bach, on les admet tant qu’elles ne sont ni tout à fait rigides, ni tout à fait liquides, mais bien tempérées.

+ À la recherche de l’harmonie parfaite +

+ Le goût âcre d’un sanglant pouvoir +

POLIXENI PAPAPETROU HESSE & ROMIER

+ Scènes du quotidien en dérapages +

FRANÇOIS MAZABRAUD CLÉMENT BLANCHET LA FEMME

+ Révéler les apparences masquées +

+ La ville comme matériau artistique +

+ Bâtisseur d’idées +

+ Volupté de sons vintages aux courbes synthétiques +

LA SALLE D'ATTENTE

+ Photo transmetteurs +

MARCELLINE DELBECQ

+ Du nouveau à l'ouest +

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MUSIQUE

SÉBASTIEN TELLIER

+ À LA RECHERCHE DE L’HARMONIE PARFAITE + Texte / Alexis Jama Bieri • Photos / © Mathieu Tonetti

« Je fais des disques différents, des disques qui sont sincères, des disques qui sont basés sur des concepts. C’est de l’art pur ! » A

vec Tellier, il y a un Dieu bleu, et il y a surtout une recherche de la perfection dans l’hédonisme, la joie et la générosité des harmonies élégamment travaillées. Comme sur un tapis neigeux, il y a un personnage qui se réécrit à chaque album, en un concept perfectionnant la musique figée sur disque. Car c’est une musique totale que celle de Sébastien Tellier, gravée en 4 albums studio, et mise en scène lors de ses mémorables live, dont sans doute le plus majestueux eut lieu devant la cathédrale de Reims, lors de la dixième édition du festival Elektricity.

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MUSIQUE

MUSIQUE

• Comment s’est révélée ta vocation pour la musique ?

C’est mon père qui m’a passé la passion de la musique. Comme il jouait beaucoup à la guitare, c’est lui qui m’a appris cet instrument. Je pense que son rêve, c’était que je devienne musicien car il a tout fait pour que je le devienne.

• Tu as une formation musicale « classique » ?

Enfant, j’ai dû faire deux ans de solfège, mais je n’aimais pas ça. Il n’empêche que ça m’a permis de comprendre pas mal de trucs. Je pratiquais aussi la chorale où je faisais semblant de chanter, car j’étais trop timide. Après, j’ai plus ou moins appris, presque tout seul à la maison, le piano, puis la batterie, la basse… bref, tous les instruments d’un groupe pop.

• Ton cadeau de Noël, c’était un instrument de musique ?

Tout à fait ! À Noël j’ai très souvent eu des instruments de musique plutôt que des jouets, ce qui était à l’époque très triste… mais je m’en suis sorti quand même !

• Dans « Cochon ville », j’ai l’impression que tu reprends le thème du « Lac des cygnes » de Tchaïkovski…

Oui, on me l’a déjà dit. Mais c’est inconscient. La véritable passion de ma vie, ce sont les harmonies, les accords. En effet, je passe des heures à chercher des accords différents ou des suites d’accords de tous types. Et puis, j’ai effectivement fini par me passionner pour les accords classiques. Je ne sais pas les nommer, mais je sais que quand je pose les doigts d’une certaine façon, ça sonne classique. Je ne connais finalement le nom de rien, mais je joue juste.

Je ne fais pas de la musique en fonction de combien je vais en vendre. Je fais des disques différents, des disques qui sont sincères, des disques qui sont basés sur des concepts. C’est de l’art pur ! Ce qui est très difficile et horrible pour moi, c’est de ne plus pouvoir rien retoucher quand on vient de terminer un disque et qu’on vient de fermer la porte du studio. Pour conjurer cette horreur, j’aime bien en rajouter, pour améliorer encore le disque, même si on ne peut plus y toucher. Alors, la meilleure façon d’améliorer ce disque, c’est de créer tout un décorum, un clip, un nouveau look, le style de la tournée, de choisir les musiciens que je prends en concert…etc. Tout ceci est pour moi une manière de le continuer. Ça me permet à chaque fois d’avoir un but et de me projeter vers quelque chose. Surtout, ça m’amuse beaucoup de faire cela car j’aime bien ce qui est rare et original, et nous sommes assez peu d’artistes à développer des concepts. Pour « My god is blue », j’ai eu envie de parler de Dieu et de la foi, et je savais ce que j’allais jouer. Souvent, les gens qui me disent que c’est commercial sont des gens qui écoutent de la très mauvaise musique, je ne les juge pas, c’est juste un autre délire. Ceux qui comprennent vraiment les choses comprennent bien qu’avec des intro de quatre minutes avant de chanter, des chansons qui ne comportent pas de refrain, ou alors dans lesquelles je ne chante qu’une seule fois, j’ai une démarche qui est à l’opposé d’une démarche commerciale. Par contre, j’ai soif de gloire.

• Il y aurait comme un côté « Serge Gainsbourg » par rapport aux reprises d’accords classiques qu’on pourrait entendre dans tes titres ? • Il y a beaucoup de second degré dans Il a fait beaucoup plus que moi ! Je ne fais pas ce que tu fais… comme lui, car je ne reprends pas des mélodies en entier que j’adapte à ma sauce. Il est vrai que quand on aime la belle musique, on en vient souvent au classique parce que c’est extrêmement jouissif. Je n’hésite pas à me servir dans ce que j’ai aimé lorsque j’étais jeune et je n’ai aucun problème avec le fait de recycler, car c’est comme ça qu’on crée. On ne peut pas créer de musique qui vient de nulle part. Alors, j’assume complètement de puiser dans mes influences. Parfois je peux avoir deux ou trois accords qui ressemblent vraiment à une chanson. Par exemple, dans « Pepito bleu », j’essaie de chanter à la manière de Gainsbourg et je le fais sans aucune gène. Tout ça est finalement un immense vivier, donc j’en profite !

Complètement ! Pour en revenir à mon dernier album, je l’ai conçu comme un album spirituel, mais un album « spirituel bubble-gum », hyper facile à consommer et, si on le veut, jetable. Je joue avec tous les codes que les jeunes d’aujourd’hui connaissent bien, un peu 80’s, un peu 90’s… Par ailleurs, j’ai cet amour du faux, même si j’affectionne la musique noble, comme je l’ai fait avec la ritournelle, avec orchestre et piano-violon. C’est fun et je le referai. Mais je n’ai pas envie de cela aujourd’hui et je préfère le faux au vrai. Je suis dans une période où je préfère, par exemple, un faux Vuitton à un vrai Vuitton. C’est pour cette raison que j’ai voulu ajouter, dans mon nouvel album, des faux chœurs, même s’il y a des chorales, et mettre les faux violons plus forts que les vrais violons. J’aime le faux car ça donne justement un petit côté « gum ».

• On te pose souvent la question, à chaque album, quant à l’aspect commercial que pourraient avoir tes • C’est pour cette raison que vous utiliconcepts. J’ai plutôt l’impression que sez sur scène une batterie électronique ? tes concepts seraient à rapprocher de la Oui. Mais aussi parce que, quand je vais voir un concert, je suis intraitable. Avec une batterie élecperformance artistique… J’imagine la musique comme une musique pensée.

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tronique on contrôle parfaitement le son. De cette

manière, il n’y a pas cette ambiance concert que je n’aime pas avec les guitares qui m’irritent les oreilles parce qu’elles sont stridentes et la batterie qui claque abominablement… J’aime que tout soit clean, comme à la radio. Et puis, j’affectionne le côté kitsch de la batterie électronique évidemment, mais ce n’est pas pour cette raison que je l’ai choisie en priorité.

l’argent aux gens pour pouvoir construire un parc d’attractions pour adultes. Il n’y a rien de faux là-dedans. Si on me donne l’argent, je ferais ce parc d’attractions avec des manèges pour adultes dans lesquels on s’amuse vraiment, parce qu’on peut atteindre la vérité dans la grande joie, et surtout pas dans les larmes et la nostalgie. Au prochain album, je serai évidemment dans un autre personnage. Là c’est une passade. Je suis musicien avant tout. Mais pour une fois, je joue le gourou parce que j’en rêvais. Personnellement, quand j’étais ado, je m’imaginais être chef de secte. C’était cela qui me faisait envie, car avoir des Rolls et vivre enfermé dans un château avec des putes, c’était pour moi la vie de rêve ! Cet album me permet donc de vivre mon fantasme, mais bien évidemment je ne suis pas un véritable gourou…

• Tu aimes bien les choses décalées • Comment te vient l’inspiration ? et kitsch et tu en joues. Par exemple, Comme j’imagine faire un art naïf, je prends des quand en 2008 tu es passé à l’euro- sujets que je ne connais pas, et j’y pense comme y vision, le spectacle le plus kitsch au penserait un enfant. C’est cela que je mets dans ma monde, tu es arrivé en voiturette de musique. À 20 ans, j’ai écrit un livre dans lequel golf sur scène…un truc complètement j’ai noté tous mes rêves de futur artiste éventuel. J’y avais prévu de faire un album sur la politique, un second degré ! Ce qui est bizarre avec l’eurovision, c’est que malgré le fait que ce fut une catastrophe, car les choristes ont très mal chanté et que je n’ai rien à voir avec les autres artistes qui y étaient (d’ailleurs ces artistes n’ont rien à voir les uns avec les autres), je me suis bien amusé à y participer. Je crois que tout le monde est complètement fou ! Ce ne sont que des zigotos qui par exemple mettent des ailes d’anges ou qui, comme le gagnant de l’année où je suis passé, faisait, selon mes souvenirs, du patin à glace et du violon en même temps. L’eurovision, c’est ce genre de délire. Personnellement, je me fous complètement de ces trucs-là, je n’avais jamais regardé l’eurovision et je ne le regarderai jamais. Pour en revenir à ta question, oui, j’aime bien le kitsch, mais pas uniquement le kitsch. Je n’aimerais pas particulièrement concevoir un album qui ne soit que kitsch. Par exemple, « Sexuality » est un album kitsch, mais qui comporte à la fin L’amour et la violence, où je chante en français, accompagné d’un piano. Dans mes albums, il y a de grands moments de vérité, c'est-à-dire que tout n’est pas qu’au second degré, je passe de l’un à l’autre, et quand j’enregistre, j’imagine parfois qu’une chose sera au second degré et quand je la réécoute plus tard je me rends compte que le second degré se situe ailleurs. Ma musique est faite de plein de choses que je ne contrôle pas et ça donne cet espèce de truc qui n’est pas que second degré, mais aussi premier degré.

album sur la sexualité, un album sur Dieu… Finalement, je ne fais que suivre ce petit livre pour mes grands thèmes. J’aime garder la naïveté que j’avais à cet âge car finalement, quand on a 20 ans, face au monde, on ne comprend pas encore ce qui se passe, même si on croit tout comprendre (je pensais par exemple avoir un jet à 25 ans). Je suis fidèle à celui que j’étais à 20 ans parce que justement c’étaient des rêves trop gros, c’était n’importe quoi, et c’était naïf de penser que je pouvais faire tout ceci. Si je n’avais pas suivi ce livre, je serais toujours dans une sorte de réflexion. Aujourd’hui j’ai juste à le lire.

• En parlant de rêve, quel serait ton fantasme ultime ?

J’aimerais bien habiter l’univers, c'est-à-dire être moi-même l’énergie qui puisse régir l’univers. Il y a en science cette « matière noire » qui fait qu’à la fois les galaxies restent collées bien comme il faut, et qu’à la fois l’univers s’étend de plus en plus. J’aimerais être la matière noire. Mais ça ne sera pas sur mon prochain album, sur lequel j’ai déjà commencé à travailler.

• Il parlera de quoi cet album ?

Je ne peux pas te donner le sujet, mais j’ai envie de faire une musique qui soit la plus proche possible de simples sensations, une musique où il n’y ait rien à comprendre et où il n’y ait aucun degré, ni second, ni premier. Une musique simplissime !

• Dans « My god is blue », ton dernier album, tu crées avec l’alliance bleue • Une musique au-dessus des degrés… une espèce d’univers qui est presque Oui ! Une musique au-dessus des degrés ! Above utopiste, une recherche de société degrees ! idéale presque fouriériste ? J’ai choisi cette thématique parce que j’avais envie de parler de la foi et de Dieu. Et puis j’adore toute l’imagerie des sectes avec toutes ses bondieuseries. Tout ceci matchait bien avec mon sujet. Mais il n’y a pas de côté utopiste parce que je demande de

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COMÉDIE

MACBETH

+ LE GOÛT ÂCRE D’UN SANGLANT POUVOIR +

« C'est là que les atrocités anciennes et nouvelles s’expriment » Texte / Valentin de La Hoz • Photos / © Jan Versweyveld

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ive la guerre et vive le sang ! Ou presque… En Écosse, il y a très très longtemps, la guerre est finie. Macbeth et Banquo, son bon ami, sont de retour victorieux du champ de bataille. L'adrénaline dans leurs veines, leurs épées encore maculées de sang, le goût des effluves cadavériques en bouche. Le nom de Macbeth est devenu légendaire. Macbeth est un héros, un tueur pour le compte de son roi et de son pays. Et maintenant ? Macbeth peut-il abandonner l’ivresse du sang alors que la bataille est finie ? Bien sûr que non ! Pour devenir roi d’Écosse, et encouragé par sa femme, car il y a toujours une femme dans ces aventures, il tue le roi, puis ses meilleurs amis et pour parfaire son œuvre, leur famille, y compris les enfants. Traqués par leurs démons, Macbeth et sa femme sont envahis de culpabilité et de remords. Abandonné par ses amis, Macbeth n’a qu'une seule voie de libération : la mort. Ce monument du théâtre, écris par Shakespeare en 1606, est mis en scène par le Néerlandais Johan Simons. C’est un peu d’Angleterre, avec l’accent du pays des fiers frisons (ces magnifiques chevaux noirs), de l’Edam (pour ceux qui apprécient) et de Dave (un hollandais qui ne se prend pas au sérieux). Ce spectacle est accueilli à la Comédie de Reims les 7 et 8 décembre dans le cadre du festival Reims Scènes d’Europe.

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COMÉDIE

• Vous mettez en scène Macbeth présenté à la Comédie de Reims pour le festival Reims Scènes d’Europe. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur vous ? J’ai débuté ma formation de danseur à Rotterdam, à l'âge de quatorze ans et j’ai étudié l'art dramatique à l’académie de théâtre de Maastricht. J’ai ensuite rejoint la Comédie Haagsche en tant qu'acteur en 1976, et c'est là que j’ai mis en scène ma première production. En 1979, j’ai été l'un des cofondateurs de Wespetheater, un théâtre itinérant qui faisait le tour des provinces du nord de la Hollande durant l'été et se produisait dans des tentes pour y jouer des pièces de théâtre sur des sujets régionaux et historiques, en laissant une très grande place à l'improvisation. C’était fortement inspiré de la forme de théâtre que jouait, à son époque, la Commedia

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dell'arte. En 1982, j’ai fondé le Regiotheater Het. Mes méthodes de travail et mon style étaient semblables à ceux utilisés par le Wespetheater, mais les spectacles n’étaient plus développés à travers l'improvisation, mais écrits par des auteurs confirmés. En 1985, le Regiotheater Het a fusionné avec l’Acht Oktober pour former le Hollandia Theatergroep, et mettre en place des spectacles dans des usines désaffectées, des écuries et des églises de campagne. J’ai par ailleurs coopéré étroitement avec le percussionniste et compositeur Paul Koek, qui est devenu mon vice directeur artistique, et avec qui j’ai dirigé de nombreuses pièces de théâtre. En 2001, ma compagnie a fusionné avec le Het Zuidelijk Toneel de Eindhoven pour former le ZT Hollandia. La compagnie a été récompensée par de nombreux prix et invitée à reprendre des pièces à succès dans divers festivals.

• Combien de comédiens constituent la troupe pour Macbeth ?

C’est une troupe de cinq comédiens composée de Fred Goessens (né en 1953) qui fait partie du Toneelgroep d’Amsterdam depuis sa fondation en 1987, Hans Kesting (né en 1960) qui y joue également depuis 1987, Chris Nietvelt (née en 1962) qui est membre de la compagnie depuis 1988, Roeland Fernhout (né en 1972) qui y travaille depuis 1999, et enfin Fedja van Huet (né en 1973) qui en fait partie depuis 2005. Bref, une troupe qui a une certaine expérience. Pour emmener le public au plus profond des tourments des personnages de la pièce.

• Quels dispositifs scéniques et scénographiques avez-vous mis en place pour cette pièce ? La partie centrale de la scène représente un carré,

Macbeth Texte William Shakespeare Mise en scène Johan Simons La Comédie de Reims dans le cadre du festival Reims Scènes d’Europe Vendredi 7 décembre à 21h00 et Samedi 8 décembre à 19h00 10 - MA C B E TH

c'est l’espace vital, l’espace de jeu de Macbeth. C'est là que les atrocités anciennes et nouvelles s’expriment. Cet espace est entouré par des cercles. Le premier est une formation de tables de laboratoire qui entourent l'aire de jeu. Il s'agit du domaine des sorcières et de leurs observations, créant de ce fait une étude de cas de Macbeth. Un second cercle contient un petit support qui reflète la position du spectateur et sert de point de réflexion de l’action. Il existe également un certain nombre de portes qui sont destinées à permettre le jeu de l'être et du non-être, de l’apparition et de la disparition… Et permettre aux acteurs de changer instantanément de rôle.

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POLIXENI PAPAPETROU + RÉVÉLER LES APPARENCES MASQUÉES +

« J'aime réfléchir sur l'identité, sur ce que cela signifie d'être humain » Texte / Alexis Jama Bieri • Photos / © Polixeni Papapetrou

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olixeni Papapetrou est une artiste photo-média qui vit à Melbourne, en Australie. Dans son travail, elle s’intéresse particulièrement au thème de la relation entre l'histoire, la culture et l'identité contemporaine. Elle s’intéresse notamment à ce qui est de savoir comment l’habillement et les activités humaines peuvent construire et transformer l'identité. Au cours de la dernière décennie, elle a exploré la représentation de l'enfance dans la photographie en s’engageant dans un travail photographique avec comme modèles ses deux enfants et leurs amis.

• Comment êtes-vous arrivée à la photographie ?

Je ne suis pas entrée dans le monde de l'art suite à des études classiques. Au cours de ma scolarité, je n'étais pas particulièrement douée pour le dessin, du moins, mon niveau pouvait être estimé insuffisant lors de mes cours d'art. Par conséquent je me suis concentré sur d'autres intérêts académiques qui me sont venus plus naturellement. Après avoir quitté l'école, j'ai étudié le droit et j’ai débuté ma vie professionnelle en travaillant comme avocate. Cependant, alors même que je travaillais comme avocate, j'ai développé un grand intérêt pour la photographie. J'ai donc entrepris des études en photographie en 1993 et, au fil du temps, il est devenu clair que la photographie deviendrait mon activité principale. En 2007 enfin, j'ai obtenu un doctorat en beaux-arts.

• Quelle a été votre première grande émotion en photographie, l’œuvre qui a déclenché votre vocation ?

Alors que j'étais étudiante en droit à l'Université, j'ai rencontré un artiste qui m'a demandé de poser pour lui. Je n'avais jamais rencontré un artiste auparavant. Il y avait de nombreux livres dans son atelier, mais celui qui m’a marqué profondément, au point de changer ma vie, était une monographie de la photographe Diane Arbus. Je me revois encore prendre ce livre en main, le feuilleter, et me sentir subjuguée par les photographies. J'ai alors ressenti le désir profond de vivre ces expériences personnellement, ces expériences artistiques. Je pense que c'est la qualité et la vision particulière du travail d’Arbus qui a eu un écho particulier avec ma propre vision. Son travail a donc eu un impact énorme sur moi, qui continue à ce jour. Chaque fois que je me sens à court d’inspiration ou d’envie photographique, j'ai simplement besoin de regarder ses photos pour me rappeler de la puissance de la photographie.

• Comment travaillez-vous ?

Je travaille avec un petit cercle d’intimes. Sur place,

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il y a juste la famille et les amis. J'utilise un appareil photo moyen format (Hasselblad) et je prends entre 5 à 7 rouleaux de film pour chaque prise de vue, soit 60 à 84 photos. Mon but est de travailler rapidement afin de ne pas ennuyer les enfants, mais nous passons habituellement entre 2 et 4 heures pour les prises de vues. Je travaille en studio et en extérieur, même si, depuis 2005, je photographie exclusivement en extérieur. Bien qu'il puisse sembler que mes photos soient retouchées, je ne modifie pas numériquement mes images. Mon travail photographique implique soit de faire des tirages à partir de négatifs, soit de numériser le film. Cela devient de plus en plus le cas. J’utilise également le mode d’impression numérique pour mes clichés. Pour revenir à ce que je disais plus tôt, j’utilise le traitement numérique, mais uniquement à la manière d’une chambre noire traditionnelle. En fait la majorité de ce travail numérique consiste à nettoyer le fichier, l'équilibrage du contraste et la couleur tonale. J'ai récemment acheté un Nikon D800 afin de commencer à travailler avec un appareil photo numérique. Il sera intéressant de voir quelle incidence aura ce nouvel appareil sur la façon dont je travaille et sur mes photos.

• Quelle place donnez-vous à la dérision ?

C'est une question intéressante. Je pense savoir pourquoi vous me le demandez. Il y a parfois un élément grotesque intégré dans mes images, pris aux drag queens, aux inventions de Lewis Carroll, aux masques qui hybrident enfants et animaux ou enfants et personnes âgées. Mais ce sont plutôt d’humoristiques paradoxes. Dans mon travail, je ne vise pas à ridiculiser ni à tourner en dérision. Au contraire, je suis intéressée par l'ontologie de l'être humain et la réflexion sur la condition humaine. J'aime réfléchir sur l'identité, sur ce que cela signifie d'être humain et explorer les émotions telles que la joie, le bonheur, la tristesse et l’empathie. Mes images ne sont pas conçues comme une satire des archétypes, mais plutôt comme un regard sympathique sur l’arrivée théâtrale

d’une personne à qui je demanderais, à ce moment précis, d'être elle-même.

• Vos photographies sont-elles en lien avec l’actualité ? J’admire les photographes de style documentaire qui photographient le monde tel qu’on le rencontre, reflétant toutes les questions que l’on pourrait trouver dans la presse quotidienne. Ils créent des images pleines de sens qui ont une résonance avec l’actualité. Mais si je prenais ce genre de photos, ça serait comme si quelque chose manquait à l'image et mon monde intérieur ne semblerait pas aligné avec le monde extérieur, car ce monde intérieur est naturellement intime et souvent énigmatique. Mes photos peuvent donc être considérées comme la confluence de mes mondes intérieurs et extérieurs. En essayant de comprendre le monde extérieur, je crée un autre monde en son sein, un reflet de mon monde intérieur, tel qu'il fonctionne dans le monde réel. Ainsi, mes photographies expriment une sorte de réalité, non pas la réalité de la photographie de style documentaire, mais la réalité d’un espace transfiguré ailleurs. Par cette métamorphose j'espère déplacer le spectateur dans un espace différent situé entre la réalité et l'imaginaire, où l'ambiguïté et la contradiction se réunissent, un nouvel espace qui est partagé à la fois par le sujet et le spectateur.

• Pour vous, qu’y a-t-il de sacré dans le conte ? Et dans l’enfance ?

Il y a dans le mythe une réalité quelque peu transcendantale et symbolique incarnée dans l'enfant, qui est à la fois le contraire du vieil homme ou de la femme, mais qui leur est en même temps étrangement lié, parce que l'un devient l'autre avec une facilité effrayante. Pour moi, ce qui est sacré dans l'histoire, c'est la contemplation de l'expérience de l'être humain dans le grand cycle de la croissance et du déclin. En soi, le stade de l'enfance est une période particulièrement sacrée dans sa vie. C'est une courte période, mais c'est un moment formateur où l’on fait beaucoup de choses importantes pour notre exis-

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tence entière. Nos souvenirs d'enfance, qu'ils soient agréables ou lancinants continuent à nous accompagner tout au long de nos vies. L'enfance semble être un processus continu dont le but est de devenir de moins en moins enfant. Mais, adultes, nous voulons préserver ce moment et il arrive souvent que soyons nous-mêmes des enfants perdus chez les enfants. C'est drôle de voir comment les enfants veulent devenir des adultes et les adultes, surtout quand ils ont atteint un certain âge, veulent se sentir à nouveau comme des enfants. En fait, je reviens toujours à cet état mystérieux et puissant de ce que signifie être un enfant.

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tomwise '2002,' Dreamchild '2003 et' Wonderland '2004 ‘). Plus âgés, il semblait nécessaire d'observer leur relation avec le monde au-delà de la maison. J'ai revisité l'expérience de l'enfance en Australie coloniale dans «Haunted Country» (2006) et «Games of Consequence» (2008) en traitant des thèmes de la liberté perdue et de la vie réglementée d'enfants qui grandissent dans le monde d'aujourd'hui. Suite à cela, j'ai observé comment les rôles et l'identité sont joués par des enfants. Dans «Between Worlds» (2009) Je les ai habillés comme des animaux afin de toucher à l'affinité magique que les enfants ont avec les animaux et dans « les Dreamkeepers »(2012) je dépeins certains rôles que les enfants jouent pour imiter le monde des adultes.

• Sortir le monstre de son destin tragique et en faire un héros n’est-il pas un moyen de lire un conte en commençant par la fin ? • Ce sont donc vos enfants qui posent la La figure de Quasimodo du "Bossu de Notre-Dame» plupart du temps ? de Victor Hugo ou celle de Joseph Merrick (dont l'histoire a été recréé dans le film de David Lynch "The Elephant Man" en 1980) me viennent immédiatement à l'esprit. Ce sont des personnes, qualifiées de monstres par les autres, qui ont eu des destins tragiques. On ne peut jamais présumer la fin d’une vie, mais peut-être savons-nous déjà que la tragédie de leur fin est présente dès le début de leur existence. C'est peut-être pourquoi ces histoires sont si attrayantes. Mais si je fonctionne à travers un monstre, je ne pense pas qu'il devrait nécessairement être un héros.

• Qu’est-ce qui vous a amené à mettre en scène des enfants ?

Je cherche à comprendre l'état de l'enfance. C’est la façon dont l’enfance a été décrite au cours de l’histoire contemporaine, par les arts et la littérature qui m'a conduit dans cette voie. Quand mes enfants étaient plus jeunes je m’attachais à explorer la riche vie intérieure des enfants, leur imagination («Phan-

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La plupart du temps je photographie mes enfants et parfois leurs amis. Il est beaucoup plus simple de photographier mes enfants que de travailler avec d'autres enfants qui ont moins de 15 ans. En effet, en Australie, tout artiste qui travaille avec un enfant de moins de 15 ans (autres que ses propres enfants) doit demander un permis du gouvernement. Ce permis n’est accordé qu’après une lourde procédure administrative. L’autorisation doit donc être acquise avant que vous puissiez même penser à prendre la photo. Je me suis conformé à ces procédures lorsque cela était nécessaire, mais il est en définitive beaucoup plus facile de travailler avec mes enfants. Maintenant que la plupart de leurs amis sont adolescents, je vais être en mesure de les photographier plus librement.

• Les masques, le côté champêtre de vos photos ne sont-ils pas un moyen d’adoucir la dureté de la thématique sous-jacente de vos photos ?

Les masques ont une fonction performative et produisent une ambigüité sur l'être, l'identité et l'âge. Le masque permet aux sujets photographiés d’avoir un aspect à la fois théâtral et réel. Ils permettent également, par la transformation qu’ils offrent, aux personnages et aux photographies de se déplacer dans différents champs entre réel et imaginaire. En portant un masque, les modèles perdent leur identité en ce sens qu'ils ne sont pas un individu en particulier, mais commencent à fonctionner d'une manière symbolique, avec une apparence plus universelle. Finalement, le masque peut cacher l’identité, mais la révèle d’une autre manière. Dans mes compositions, j'ai décidé de placer mes personnages masqués sur fond de paysage car l’environnement naturel contribue à ancrer les images dans une réalité qui nous est familière. Le paysage agit également comme une toile de fond esthétique et majestueuse permettant à la figure humaine de transcender son existence matérielle et de réfléchir à un monde spirituel. Le paysage est sublime. En y plaçant des sujets comiques ou grotesques, je pense à une profondeur existentielle que les gens partagent par leur regard sur les choses, peu importe si elles sont belles, pathétiques ou grotesques. Ainsi, ces archétypes, quelle qu'en soit la forme qu'ils prennent symbolisent la grandeur de l'homme face à la nature.

• En même temps, les masques ne sontils pas un moyen de figer le temps ? De convier l’expérience à la fraicheur et la naïveté et de se confondre dans l’identité ? Vous avez posé une bonne question. Je n'avais pas considéré les masques comme un dispositif permettant de suspendre le temps. J'ai toujours pensé la photographie comme un moyen de fixer le temps. Il est difficile de regarder ces personnages et de les pla-

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cer dans une époque, une heure et un lieu, parce que leur identité a été transformée et une nouvelle réalité créée par le déguisement, avec les masques qui réussissent à tromper notre sens du temps. En ce sens, les personnages suggèrent quelque chose d'universel sur les rôles de l'homme, le temps, le vieillissement et l’abandon de l'enfance. Qu'ils dépeignent l'ancien rebelle, la maladresse de la jeunesse, l'excentricité de certaines personnes, ces personnages réconcilient leur monde intérieur avec les exigences sociales du monde dans lequel ils évoluent. Peut-être que les masques nous permettent de transcender la notion de temps en un moment fixe et de réfléchir à notre place en ce monde en nous positionnant ainsi de façon plus intemporelle.

• On a l’impression que dans plusieurs de vos compositions, il y a des clins d’œil à des œuvres du patrimoine de l’histoire de l’art…Il y a à la fois un côté classique de la composition, mais aussi quasi révolutionnaire dans le traitement de vos scènes…

Dans mon travail, je fais parfois directement référence à des peintures ou des images issues de l’histoire de l’art. L'exemple le plus frappant fut quand je remis en scène un certain nombre de photographies de Lewis Carroll. En faisant mes «Wanderer'images » je faisais référence au thème de l'éternel vagabond exprimé par la peinture de Caspar David Friedrich" Wanderer Above the Mist ». Dans mon travail intitulé « The Harvesters » vous pouvez sentir la présence de l’œuvre de Jean-François Millet « Les Glaneuses». Pendant de nombreuses années le travail photographique célèbre de Diane Arbus sur « The twin sisters » eut pour moi une présence obsédante et c'est la raison pour laquelle j'ai réalisé «The Mystical Mothers» qui représentent deux sœurs jumelles comme des mères qui ont des fils

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identiques. Même si mes photos contiennent des références à l'histoire de l'art, j'apporte ma propre interprétation sur la façon dont ces œuvres me touchent et dont je pense à elles.

tory of Beauty» sont une étude étonnante de la dualité et de la codépendance de la beauté et de la laideur. On ne peut pas exister sans l'autre. Quand j’ai réalisé mes séries « Between Worlds » et « the « Dreamkeepers » j'ai essayé de comprendre ce que les notions de beauté et de laideur pourraient signifier.

• Charles Baudelaire disait : « C’est un des privilèges prodigieux de l’art que l’horrible, artistiquement exprimé, • Si un conte pouvait devenir réalité, devienne beauté ». Finalement le beau, lequel choisiriez-vous ? notion tellement subjective, n’est-il pas Naturellement, ce serait «Alice au pays des merveilles» de Lewis Carroll. C'est une histoire qui défie la pluplus riche en naissant du laid ? L'observation de Baudelaire est perspicace et fascinante. La laideur et la beauté sont des jugements de valeur qui sont dans une certaine mesure conditionnés culturellement et subjectifs. Quand j'ai découvert "Freaks" le film de Tod Browning (1932), j'ai d'abord été choqué par le grotesque et le carnavalesque du film. Mais c’est l'un des films les plus durables et les plus puissants que j'ai vus. Je ressens la même chose à propos des photos de Diane Arbus. La laideur peut prendre une splendeur qui peut être plus durable que les représentations traditionnelles et aseptisées de la beauté. Peut-être que la répulsion initiale fait apparaitre plus intéressants les personnages étranges. C'est un paradoxe. Souvent, nous nous appuyons sur la laideur ou le grotesque chez un être humain afin de comprendre pleinement sa condition profonde. Elle peut donc permettre une interprétation plus sympathique de la condition humaine. Au départ, vous commencez par jeter un œil inquiet à ces caractères entre vos doigts et finalement vous abandonnez votre bouclier pour bien les voir. Mais nous ne pouvons pas empêcher les transformations du temps sur la beauté, même classique. Il est possible qu’avec une telle transformation nous soyons obligés de revoir notre identité avec le risque de se sentir marginalisés et grotesques, à la fois physiquement et psychologiquement. À ce propos, les livres Umberto Eco, «On Ugliness» et «His-

part des conventions présentes dans la société. Wonderland est chaotique et fou et Alice est confrontée en permanence à des paroles et des situations absurdes qu’elle doit dépasser. Peut-être qu’il s’agit en fait du monde dans lequel nous vivons... Si je pouvais être un personnage de cette histoire, je choisirais d'être le Chapelier Fou.

• Quels sont vos projets à venir ?

En ce moment je travaille sur un projet intitulé «the Ghillies». Je photographie mon fils dans diverses combinaisons de ghillie (treillis), qui sont tenues de camouflage qui ont été développées à l'origine pour la chasse et l'armée. Les photographies sont positionnées dans différents sites du paysage australien. Son corps et son identité sont cachés comme s’il était une partie du paysage lui-même. Comme il grandit et que son identité d'enfant est en recul au profit d'un nouvel archétype, ce nouvel état émerge comme une apparition pour nous parler de notre place dans le monde, de la transformation et de la réalisation des périodes dans notre vie.

polixenipapapetrou.net

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HESSE & ROMIER

+ SCÈNES DU QUOTIDIEN EN DÉRAPAGES + Texte / Alexis Jama Bieri • Photos / © Cécile Hesse et Gaël Romier - courtesy : www.kephyr.fr Page 19 / " l'Éplucheuse - Pour le meilleur et pour le pire", 2008 (100 cm x 140 cm) • Pages 20-21 / "Les Coquilles Vides", 2002 (100cm x 180cm) • Pages 22-23 / "Je te tiens - Picnic à l'Éther", 2010 (100 cm x 140 cm)

« Ce qui pourrait nous caractériser, c’est

COIFFURE FILLES & GARCONS 51 rue de Talleyrand, Reims 03 26 47 49 85

Coiffure : Jean Noël • Modèle : Rose • Photo : Crapaud Mlle

notre point de vue distancié sur les choses ou les situations. Nous prenons un grand plaisir à prendre les choses pour ce qu’elles ne sont pas

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écile Hesse et Gaël Romier se sont rencontrés à l’École Supérieure d’Arts Appliqués de Genève il y a plus de 10 ans. Depuis, ils œuvrent ensemble à créer des scènes au regard décalé, offrant une seconde vie aux objets orchestrés et fixés en images ironiques et déstabilisantes. Par leur art, ils réinventent le quotidien de l’être humain. Humain et animal…

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• Pouvez-vous nous dévoiler qui sont Cé- est un animal sauvage comme un autre… cile Hesse & Gaël Romier ? qui pourrait surgir d’une forêt et être Nous sommes en couple et travaillons ensemble depuis ébloui par les phares d’une automobile... 1998. Ce qui nous réunit, c’est l’attrait pour les objets qui ont un passé, qui ont des traces d’usure, qui ont un parcours. Ce sont des objets qu’on adopte et auxquels on redonne, finalement, une nouvelle vie.

• Comment définiriez-vous vos compositions photographiques ?

Nous composons des scènes et nous utilisons des objets qu’on photographie ensuite. Parfois, il y a des éléments qui sortent de l’image. Dans ce cas nous présentons certaines de nos installations en tant que telles dans les espaces d’exposition.

• Quelles sont vos sources principales d’inspiration, au-delà des objets ?

Ce sont un peu comme des scènes de la vie quotidienne qui auraient dérapé. On essaie de dénicher la fiction partout où elle se trouve dans notre quotidien. Nos sources d’inspiration sont liées au corps. Nous nous inspirons également des choses de la nature, de l’entomologie… Nous pouvons donc nous inspirer d’objets comme des sacs à main, des chaussures, des éléments corporels tels que les cheveux… Mais il s’agit toujours d’une chose d’intime.

Oui, c’est une bonne lecture ! On est un animal comme un autre…avec un regard de côté en plus. Par exemple, dans les rapports de couple, il y a presque comme un simulacre de dévoration, une sorte d’autoconsommation, une idée d’allaitement réciproque.

• Cherchez-vous à créer des images esthétiques, ou au contraire cherchez-vous à présenter ce qui pourrait, à tort, être considéré comme laid ?

Les limites entre beauté et laideur sont fluctuantes. En général, nous aimons bien travailler sur une forme qui peut être techniquement léchée, par conséquent nous cautionnons le rapport au beau. À titre d’anecdote, nous avons installé cet été des images en grand format dans les rues de Saint-Flour en Auvergne à l’occasion de la biennale d’art contemporain, en utilisant la ville comme si elle nous prêtait ses cimaises à ciel ouvert. Nous y avons présenté de grandes photos où l’on voyait des corps d’enfants vêtus de fourrure et chutant vers le bas. Or, lors du montage de cette exposition, des passants ont été surpris par nos œuvres, et nous ont demandé ce que c’était, en ajoutant que ça ne pouvait pas être de l’art, car pour être de l’art, il faudrait au moins que ça soit beau.

• Comment travaillez-vous ensemble ? Qui • C’est une conception antique de l’art… apporte quoi à votre duo artistique ? Les personnes sont déroutées par des contenus non habiNous produisons dans la durée. En fait, nous fonctionnons vraiment avec les notions de plaisir et d’envie. C’est par conséquent très difficile de démêler ce que chacun apporte. Nous commençons nos productions par un projet global à l’échelle de l’espace d’exposition, puis nous réfléchissons à un titre.

• Les idées de titres vous viennent d’où ?

Nos titres fonctionnent comme des haïkus ou comme de l’écriture automatique. C’est difficile à dire comment ils émergent, mais les images ne viennent vraiment que dans un deuxième temps. C’est pour cela que nous travaillons à deux car nous construisons, nous échangeons dans la durée, et lorsqu’on passe à la réalisation, nous savons précisément où nous allons. Peu importe l’échange et les rôles, tout le travail se fait réellement en amont.

• Donc le titre c’est un peu la base, le point de départ de vos créations ? Le titre c’est l’élément fédérateur dans notre réflexion artistique.

• Au-delà des titres, vous écrivez parfois des textes pour illustrer vos séries… Fontils également partie intégrante de l’œuvre ?

Les mots sont plutôt des éléments de travail antérieurs aux images, même s’il nous arrive parfois de les présenter ou de les joindre aux images.

• Dans vos surprenantes créations, quelle place donnez-vous au second degré ?

Ce qui pourrait nous caractériser, c’est notre point de vue distancié sur les choses ou les situations. Nous prenons un grand plaisir à prendre les choses pour ce qu’elles ne sont pas. Il y a un moment où, dans la production, les choses nous échappent. Je crois qu’on produit des images dans un premier temps pour notre usage propre et pour que cela fonctionne, il faut qu’elles nous surprennent. En effet, une image est réussie quand elle nous surprend nous-mêmes.

tuels.

• Quelle est l’œuvre que vous ne voudriez jamais réaliser ?

Notre limite est liée à ce que nous pourrions demander aux personnes qui posent pour nous et qui n’ont pas l’habitude de poser pour des photos (notre famille, personnes rencontrées au hasard ou lors de castings sauvages en extérieur). Nous ne voudrions pas utiliser ces personnes malgré elles. En effet, chaque fois que nous demandons à l’une d’elles de participer à nos images, nous espérons qu’elle se l’appropriera.

• Le but que vous recherchez, c’est donc d’obtenir quelque chose de brut et de naturel, à la différence de modèles aux poses stéréotypées ?

Chez nos modèles, il y a une fêlure dans l’attitude. Ce qui est intéressant, c’est la légère perte de contrôle qu’on a quand on n’est pas dans une pratique professionnelle. Pour revenir aux photos de corps d’enfants en chute dont je parlais plus tôt, ce qui nous a plu en réalisant les photos, c’est qu’il y a une partie de non-maîtrise. C’est du même ordre avec les objets. Nous avons, par exemple, réalisé une série avec un tireur qui s’appelle « ball trap ». Nous lui avons fait tirer au fusil de nuit sur toutes sortes d’objets (abat-jour, sacs à main, chaussures…). À l’issue de la prise de vue, les images qui fonctionnaient le mieux étaient celles qui échappaient le plus à notre maîtrise.

• Avec cette série, on a l’impression que c’est le résultat d’une chasse à l’homme animal… Quels sont vos chantiers actuels ? En matière d’exposition, nous venons de présenter des œuvres fin novembre à « st-art », la 17ème foire d’art contemporain de Strasbourg, avec Artaé une jeune galerie lyonnaise avec laquelle nous travaillons depuis deux ans. En matière de production, nous avons des images en cours d’élaboration, mais elles sont pour l’instant trop imprécises pour être exprimées.

• Au-delà de la simple surprise, le but de vos images n’est-il pas de provoquer une • Avez-vous un dernier mot pour les lecréflexion sur la société actuelle qui serait teurs de CLGB ? moderne de forme mais primitive au fond ? Pour conclure, nous voudrions passer une annonce. Il ne s’agit pas d’une dénonciation, mais plutôt d’un constat de la façon dont se font les choses. Le côté primitif de nos existences, de nos humeurs ou de nos comportements n’est jamais loin. C’est un des rouages sur lesquels on aime bien jouer, car dans notre vie quotidienne c’est quelque chose à laquelle nous sommes attentifs et qui nous interpelle, notamment cette part animale qu’on peut avoir dans notre rapport à la nourriture, dans notre rapport à l’autre et dans le couple, bien sûr.

Nous collectons des glacières pour réaliser une installation en forme d’igloo. Si vos lecteurs se débarrassent de leur glacière, qu’ils nous contactent sur notre site internet « kephyr.fr » !

• En fait vous voulez signifier que l’Homme

kephyr.fr

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FRANÇOIS MAZABRAUD + RÉVÉLER LES APPARENCES MASQUÉES +

Texte / Alexis Jama Bieri • Photos / © François Mazabraud / pages 26-27 : "Hidden Landscape" (détail) / pages 28-29 : "Total Vanité" / page 31 : "Wast of Secret" (détail)

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rançois Mazabraud est un artiste originaire de Limoges qui vit et travaille à Paris. Diplômé de l’École Nationale des Arts décoratifs de Paris en section Art, il développe un travail créatif qui ouvre une perspective au second degré sur l’environnement contemporain (exploitation, expansion, recherche de profit…) en brouillant les pistes et en composant avec le réel. Ses créations ont déjà été présentées dans plusieurs expositions en France et à l’étranger, notamment en 2011 et 2012 (personnelles : « Zones d’ombre » au Centre Pompidou Metz ; « Gambit » à la Galerie Roussan à Paris ; « Slickproject » à l’Esplanade du Palais de Tokyo. Collectives : « Changing prospective » au Château Albertis de Gênes-Italie ; «Les choses bien nommées » à La Générale en Manufacture à Sèvres ; « La part de l’ombre » à la Galerie de Roussan à Paris ; « Real DMZ Project » à Cheorwon-Corée du Sud ; « La Nouvelle scène de l'égalité II » au Musée Maritime et Portuaire au Havre). Arte lui a par ailleurs consacré un sujet dans son Journal des galeries N° 81 / Paris. François Mazabraud enseigne le dessin et l'histoire de l'art à l'ICAN Paris (http://galeriederoussan.com). Il est représenté par la Galerie de Roussan (Paris).

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Comment êtes-vous arrivé à l’art contemporain ?

J’ai d’abord pratiqué la peinture et le dessin lorsque j’étais à Limoges, puis, en arrivant à Paris, j’ai reçu l’art contemporain en pleine figure et j’ai commencé à expérimenter tous azimuts. Mon regard sur l’art a ensuite évolué jusqu’à une « action secrète » que je réalise depuis 2003. Il s’agit d’un «test poétique», qui prend à rebours toute logique de notoriété dans l’art et qui montre à quel point les spectateurs accordent, en général, plus de crédit aux codes de présentation qui font autorité dans un lieu d’exposition qu’à la qualité des œuvres qu’ils regardent. C’est à partir de ce geste que j’ai commencé à croire qu’il était possible de composer avec le réel et, depuis une dizaine d’années bientôt, mon travail est scindé en deux. D’un côté une pratique qui joue le « jeu », plus orientée vers la sculpture, avec des objets qui dialoguent entre eux à certains moments via des

circuits de diffusion classiques, type salon, galerie, musée, foires etc. D’un autre côté des greffes cachées par lesquels je réfléchis à de nouveaux modes d’échanges artistiques alternatifs, qui pourraient engager le spectateur dans un rapport intime à un objet, à un signe, qu’il ne sait pas être une œuvre. À ce propos, le mémoire que j’ai écrit aux arts déco et approfondi à la Sorbonne visait à regrouper et analyser des gestes artistiques qui allaient dans ce sens, fonctionnant un peu comme des viols discrets, s’inscrivant dans la durée, en restant dissimulé dans des « institutions publiques » (bibliothèque, musée, magasin, hôtel, etc.).

• Quelles sont vos sources principales d’inspiration ?

Dans le milieu des arts plastiques ? Je dirais des artistes comme André Cadere, Julien Prévieux, Stéphane Vigny, Félix González Torres, Jean-Fran-

çois Garcia, Diane Borsato… mais la liste est trop longue pour les citer tous. Après, il y a beaucoup d’autres sources d’inspiration… Mais en général et surtout dans le milieu de l’art, tout est affaire de croyance et l’avènement des envies et idées respecte ce postulat. Je suis quelqu’un de pessimiste, j’ai énormément de mal à faire confiance à une œuvre et cela se ressent dans ma pratique artistique, je produis assez peu. Les œuvres qui m’ont le plus influencé sont souvent celles que j’ai aperçues, de loin…ou a contrario vues par erreur, en entrant dans une exposition. Il m’est même arrivé d’avoir des idées en analysant un objet que je pensais être une œuvre d’art et qui en fait était là par accident dans l’exposition, comme par exemple une poussette avec un bébé. Cela arrive aussi avec les photographies d’exposition qui peuvent donner une lecture complètement différente d’une œuvre. D’une autre manière, lorsque je suis assimilé à un

groupe de personnes que je ne connais pas et que j'écoute attentivement leur discussion cela peut me procurer de bonnes intuitions artistiques. Il s’agit peut-être d’une affaire de timidité forcée…

• Quelle place jouent la dérision et le second degré dans vos créations ?

Tout dépend du sens qu’on attribue au mot dérision. Si l’on veut parler de dérision pour dénoncer ou se moquer, je pense qu’il y en a très peu dans mes œuvres. En effet, la seule moquerie est peut-être présente au niveau des titres qui orientent parfois trop la compréhension d’une œuvre. J’ai souvent voulu éliminer certains titres comme par exemple « Total Vanité » ou « Les dessous-de-table » que je trouvais trop directs et réducteurs, mais une fois qu’une œuvre est vue et enregistrée avec ces titres… il est difficile de revenir en arrière. Le second degré et l’humour sont cependant très présents et apportent

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« Truquer des

des nuances de lecture à des œuvres qui prennent souvent pour point de départ des sujets très sensibles.

• Vous faites partie de la génération post 68, génération « Mitterrand », qui a grandi dans les 80’s et qui a vécu la chute du bloc de l’est et l’ouverture à la mondialisation. Utilisez-vous l’absurde pour susciter un questionnement sur les maux de la civilisation contemporaine (pollution, (sur)exploitation, avidité, (sur)consommation, esprit guerrier…) ? Vous semblez parfois scandalisé…

L’absurde est en effet au cœur de plusieurs de mes créations. L’un des enjeux est de réussir à détourner des formes provenant des médias, d’objets du quotidien, des choses que la plupart des gens voient tous les jours, afin de créer un décalage qui viendra susciter de l’étonnement. Les objets que je modifie gardent souvent leur aspect d’origine. Le détournement ne les rend jamais méconnaissables. Quant à savoir si je suis scandalisé… Dans « La souffrance à distance » Luc Boltanski analyse les différentes manières que peut adopter un être humain pour parler de la souffrance d’autrui. Il montre aussi comment les catastrophes de tous ordres prennent leur place dans la logique économique en étant directement hiérarchisées par les médias. À partir du moment où il y a un « numerus clausus », tout système devient absurde. Chacun prend la place d’un autre… J’ai pris la place d’un autre pour entrer dans une école d’art et cela suivant des critères qui sont plus que discutables... Un meurtre atrocement réalisé fera plus d’audience qu’un ados renversé par une voiture et pourra être placé au même niveau qu’un tsunami, un krach boursier, ou une guerre civile. Cela dépend du récit que les médias peuvent en faire et du suspense... La réalité est terrible et je m’étonne toujours de l’artificialité de mes réactions lorsque je vois certaines catastrophes. Mais il ne s’agit pas de se sentir coupable de ne rien pouvoir faire ou de peu ressentir et de pallier cette culpabilité par une petite œuvre d’art que des spectateurs pourront voir dans des galeries. Il s’agit de poser des questions sur le rapport à la représentation d’un événement grave, lointain, quotidien. Mais ce n’est jamais aisé, je ne suis pas spécialiste et en tant qu’artiste j’essaie de rester à la bonne place. Par exemple « Total Vanité » a été réalisé à partir d’une image de l’Erika en train de couler : une vue en plongée figeant le pétrolier brisé en deux au milieu de l’océan. L’idée que cet événement puisse m’échapper en devenant invisible au niveau physique (l’Erika sombrant sous l’eau) alors qu’il continuerait à s’appesantir au niveau de sa représentation (l’événement est passé mais reste vaguement dans l’actualité par le procès…) m’a donné l’envie d’élaborer une simulation instable, bricolée et vivante de cette catastrophe. Je voulais essayer de retrouver la platitude spectaculaire de cette image véhiculée par les médias. En faisant la jonction entre une image que tout le monde a pu voir et une forme popu-

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objets, en créant une intimité teintée d’humour et de gravité, dans lesquels l’artifice s’épuiserait jusqu’à acquérir la fragilité d’un lien presque brisé

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laire tel que le bateau dans une bouteille, l’enjeu était de réactualiser ce type d’accident en le rendant plus familier. Il s’agissait aussi de faire perdre tout le romantisme dont pouvait être affublé, de l’intérieur, les bouteilles d’autrefois avec les voiliers dressés au vent. Ici, il n’y a plus de vent, l’eau stagne et devient du coca, la bouteille a la transparence cheap du plastique, et la maquette de bateau, à peine visible, pourrit si on ne change pas le liquide toutes les deux semaines… D’une autre manière, la série des poubelles coffre-fort « Wast of Secret » a pour origine un séjour en Italie où j’ai été frappé par l’accumulation des déchets sur les trottoirs de Naples. Cela montrait sans pudeur la banalité de la corruption institutionnelle et politique et toutes les violences invisibles qui peuvent y être associées. « Waste of Secret » répond à ce contexte sans pour autant l’illustrer de manière univoque et à la différence de « Total Vanité » cette série prend comme point de départ un dysfonctionnement que j’ai pu constater sur place et qui participe d’un ensemble de lecture et de recherche entretenu sur ce sujet. Aussi, ces deux œuvres mettent-t-elles en jeu le même genre de questions avec des approches opposées : trop visible / vite oublié / impalpable pour le naufrage d’un tanker en pleine mer et invisible / sur la durée / palpable et respirable pour la corruption de services de recyclage des déchets par une organisation criminelle. Mais au final ces préoccupations n’apparaîtront pas forcément en premier et ce qui s’admet souvent sans détour est cette même envie de truquer des objets, en créant une intimité teintée d’humour et de gravité, dans lesquels l’artifice s’épuiserait jusqu’à acquérir la fragilité d’un lien presque brisé.

• Vous jouez également sur le faux vrai et le vrai faux, comme par exemple avec votre œuvre « Hidden Landscape » en 2012. Est-ce un moyen de brouiller les pistes, ou bien une manière de les reconstituer pour les rendre plus visibles ?

« Hidden Landscape » a une place bien particulière dans mon bestiaire… D’abord parce que c’est ma première œuvre produite dans un pays ayant une culture complètement différente de la mienne. Ensuite, parce que c’est une œuvre qui a été réalisé dans un cadre très particulier, sur l’une des frontières les plus militarisées au monde entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, en guerre depuis presque 60 ans. Toutes ces décennies de guerre froide ont permis que soit moralement acceptée la création de circuit touristique dans cette zone, afin de faire du business. J’ai sur mon bureau une bouteille d’eau de marque LOTTE DMZ WATER avec un packaging sur lequel on peut voir une prairie, un ciel bleu et des fils barbelés… À partir de là, il est assez vain de savoir le vrai du faux et c’est à partir de l’exotisme et des peurs liées à la distance que j’ai travaillé. Enfin « Hidden Landscape » fait un lien entre les pratiques artistiques secrètes et les sculptures ou objets modifiés que j’expose. En effet, lorsque l’on m’a proposé de faire une œuvre dans l’observatoire de Cheorwon situé sur la DMZ, j’ai tout de suite pensé à ne rien ajouter. J’ai préféré parasiter un mobilier préexistant, un télescope, censé permettre de « mieux voir » la Corée du Nord plutôt que de poser une autre sculpture qui risquerait d’être absorbé par la scénographie spectaculaire de l’endroit. J’ai travaillé avec une entreprise qui fabrique et fournit tous les télescopes présents dans les observatoires situés sur la frontière. On a démonté l’un des télescopes, remplacé les lentilles et modifié l’intérieur afin d’y intégrer un écran miniature présentant une vue semblable à celle donnée par le télescope. Puis j’ai travaillé avec une réalisatrice experte en effets spéciaux, Amel El Kamel, qui a inséré dans le champ de l’image des détails très réalistes, provenant pour certains, du jeu vidéo « Call of Duty ». Pour information, la Corée du Sud est encore en grande partie protégée par l’armée américaine et lorsque les soldats Coréens ont une journée de repos ils passent leur temps à jouer à des jeux vidéo de guerre provenant tout droit d’Hollywood… Bref, dans l’observatoire, aucun signe ne

montrait que l’une des longues-vues avait été piraté et le plus drôle est que les touristes mettaient des pièces dedans pour scruter, sans le savoir, un écran situé à dix centimètres de leurs yeux. En y repensant c’est une œuvre où l’infiltration et la furtivité sont présentes à tous les niveaux. D’abord à travers le faux télescope, ensuite avec l’écran dissimulé à l’intérieur, et enfin avec les effets graphiques insérés dans le paysage qui sont tellement rapides que, à moins d’être attentif, le touriste lambda ne pourra jamais vérifier dans le panorama si c’est vrai ou faux, ni comprendre que ce qui a été manipulé était une œuvre d’art…

• Quelle place joue la cartographie dans vos concepts ?

L’attrait pour les cartes dans la création plastique s’est accentué depuis la seconde moitié du XXe siècle jusqu’à devenir une espèce de mode provenant sans doute de l’apparition d’Internet, des réseaux sociaux, de Google Earth etc. Une sorte de besoin d’illustrer que la planète est bien réelle face à la vision satellite, qu’elle a une croûte terrestre, qu’elle n’est pas réductible aux pixels de quelques sociétés privées… etc. Bref, en ce qui me concerne, la cartographie n’a jamais été le point de départ d’une de mes créations. Elle est principalement un composant indicatif et décoratif qui répond à d’autres éléments fondateurs que sont des modèles de géostratégie économique, militaire ou criminel. Dès que je peux me passer de la cartographie, je le fais. Mais dans certains cas c’est impossible et je m’en amuse en me disant que cela me fait travailler ma géographie. J’ai utilisé la cartographie lorsque je voulais montrer qu’un événement à un endroit donné pouvait avoir des répercussions sur d’autres régions du globe. Le recours à ce type de représentation s’est toujours fait sous l’angle de la juxtaposition et du collage. Dans « L’horizon renvoyé » je n’utilise pas de carte et pourtant il s’agit d’espaces différents qui sont connectés entre eux. Dans ce cas la représentation du monde est bien plus réelle qu’une quelconque image et pourtant elle est purement invisible et uniquement composée d’ondes faisant des allers-retours. Ce qui m’intéresse plus que la cartographie c’est le point de vue omniscient et la notion de distance. Dans plusieurs de mes œuvres on retrouve ces questions. La première fois que j’ai montré « Logique de la distance » j’avais placé l’œuvre au pied d’un escalier, incitant les spectateurs à descendre pour réussir à saisir graduellement certains détails qui étaient invisibles de loin, comme s’ils faisaient un zoom avec une caméra. Dans « Les dessous-de-table », le spectateur voit le dessus de la carte en perspective avant de se baisser, de s’accroupir pour regarder le dessous. Il y a cette question de la verticalité progressive qui est très présente. D’une autre manière avec « Zones d’ombre » c’est davantage l’horizontalité qui est utilisée avec le déplacement, la marche du spectateur qui voit les pays apparaître et se joindre entre eux, suivant un parcours qui répond à une certaine logique…

• Comment travaillez-vous pour créer

une de vos œuvres ?

Je n’ai pas une manière de travailler. Tout dépend du contexte et du projet… C’est toute la difficulté et la joie de l’art de pouvoir réinventer sans cesse ses manières de faire et c’est un des seuls milieux qui le permet. En revanche, une des constantes est qu’avant de construire ou de détourner des objets, je les dessine et je teste tout un tas d’hybridations à travers le filtre d’une mine de crayon. J’ai des carnets remplis de croquis, d’images, de jeux de mots… La quasi-totalité des idées ou des dessins ne passent pas le seuil d’un investissement plus conséquent mais ils me permettent d’élaborer, de temps à autre, des gestes plus complexes qui peuvent répondre à des modalités de recherches très différentes. En effet, il faut distinguer dans les objets que j’expose deux logiques qui peuvent entrer en concurrence. L’une comprend des sculptures élaborées avec des matériaux précieux provenant de recherches sur l’histoire d’un lieu ou d’un objet précis. Des pièces de fabrication plus artisanales, plus sérieuses, plus imposantes où le détournement prend une dimension plus austère. L’autre est composé d’objets issus d’image ou de choses vues lors de mes déplacements. Des objets accessibles et bricolés, qui prennent moins de place et dans lesquels l’espièglerie est davantage présente.

qu’elles réduisent trop le rapport à l’œuvre. C’est souvent soit trop autoritaire, soit trop populiste. Une œuvre interactive impose que l'on entre dans un programme numérique. Cela veut dire que les moindres gestes du spectateur sont prédéterminés et que même les accidents sont déjà « purifiés au feu du calcul » pour reprendre Edmond Couchot. Ma façon d’évoquer la participation du spectateur par le maniement d’une technologie est complètement différente. Les modifications apportées proviennent de gestes que n’importe qui peut faire et j’estime important de prendre en compte que le degré de sophistication du remaniement de l’usage premier d’un objet fait partie de la représentation envisagée et de la manière dont il sera activé. J’essaie de bricoler le sens que peuvent revêtir, dans l’imaginaire collectif, des mécanismes low tech ou des applications standard (code à empreinte biométrique bas de gamme, fonction renvoi d’appel) et quand je pars d’outils de grande précision telles que des lentilles de télescope, c’est pour en trahir l’usage… Bref, pour en revenir à la performance participative, je ne suis pas un grand amateur de danse mais j’ai un profond respect pour cette discipline puisqu’il me semble que toute œuvre d’art vient d’un rapport au corps. Peut-être qu’il y a un peu de danse à la base de toute pratique plastique et j’espère toujours que cela peut être aussi le cas pour le spectateur qui reçoit l’œuvre.

• Vous êtes à la fois dans une logique de sculpture, de performance participative, et d’installation ? • En fait, vos œuvres sont quelque part Je suis dans une logique de détournement de signes en constante mutation, par un jeu de et d’objets provenant du quotidien ou du passé. cache-cache, avec différents niveaux de Cela oscille entre des sculptures, des objets modifiés lecture... ? et de l’installation, mais cela peut être aussi de la photo, de la vidéo, du dessin, de la peinture etc. Il n’y a pas de limite. Cependant, je ne suis pas très sensible aux performances participatives et c’est encore pire s’il est question d’installations interactives car je trouve

Je reste dans la suggestion…Je peux ici vous parler d’un souvenir. Quand j’avais 6 ou 7 ans, il m’arrivait de planquer des trucs appartenant à mon frère. Un jour où l’on s’amusait avec de faux bijoux, j’ai subtilisé l’un des siens et je l’ai amené dans ma chambre. Il a cru que je l’avais encore caché et l’a cherché pen-

dant une heure, en fouillant tous les recoins et en mettant la pièce sens dessus dessous, avant de capituler, énervé. Moi, j’étais mort de rire car la pierre en toc n’était pas cachée. Elle était juste placée dans l’endroit le plus exposé de toute ma chambre : le coffre où je posais les faux bijoux mis en évidence sur une étagère, à hauteur d’yeux … !

recherchée. En revanche il arrive que les mots participent en amont à l’élaboration d’une pièce. Par exemple, la série des chaussures « border line » sous lesquelles sont gravées des plans de quartiers où règne la mafia est directement issue d’une compréhension biaisée et littérale de l’« usure » qui, dans le contexte du livre que je lisais, référait au pizzo et non à l’altération d’une semelle…

• Quelle est la force de la suggestion dans la dérision ? • Si vous deviez décrire votre œuvre en La force de suggestion est de l’ordre d’un léger éton- une phrase, quelle serait-elle ? nement. Tout est là devant le spectateur. S'il est suffisamment attentif il comprendra facilement les trucs et les leurres qui sont présentés et il est possible que cela puisse encourager le développement d’une pensée plastique le modelant pendant et après la visite de l’exposition.

Celle d’un bricoleur qui aime jouer à l’artisan, et qui détourne des signes, des images, des objets en s’intéressant généralement à tout ce qui a trait au secret, à l’invisible, aux formes en retrait, vue de loin ou abandonnées...

• Sur quels projets artistiques travail• Vous nous avez parlé des titres de vos lez-vous actuellement ? œuvres. Mais quelle place tiennent-ils C’est top secret. En fait, j’ai horreur de parler de justement dans vos œuvres, sont-ils une mes projets lorsqu’ils ne sont pas terminés car j’ai lecture ajoutée ou viennent-ils juste se l’impression de les trahir et de les détruire en les divulguant. greffer comme outils de description ? Tout dépend de l’œuvre. Dans bien des cas, le danger du titre est qu’il devienne un slogan, une marque qui écrase l’œuvre. Souvent je choisis le titre après avoir fait l’œuvre dans le but de suggérer certains cheminements de pensée pas nécessairement évidents à saisir. D’une manière générale, donner une écriture à des objets est toujours extrêmement problématique pour moi. Je suis d’ailleurs dans l’incapacité de mener à terme des œuvres qui montrent des mots ou des phrases car j’ai le sentiment que le langage écrit, visible dans des lieux dédiés à l’art, en dehors d’une forme « démocratique » tel qu’un livre, Internet et ses supports, devient tout de suite trop direct ou trop autoritaire. Cela donne une lecture qui passe plus par l’intellect et qui tend à réduire de manière trop prononcée la multiplicité de sens

• Avez-vous des projets d’exposition prochainement ?

J’ai quelques projets d’expositions encore à définir. Mais l’heure est plutôt au test.

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F RANÇO I S MAZ ABRAUD - 31


ARCHITECTURE

ÉPICERIE

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ondée en 1975 par Rem Koolhaas, l’agence Office for Metropolitan Architecture, installée aux Pays-bas, est réputée pour ses conceptions qui inventent de nouvelles possibilités entre contenu et utilisation quotidienne. OMA a remporté de nombreux prix internationaux d’architecture dont le “Pritzker Architecture Prize” en 2000, le “Praemium Imperiale” (Japon) en 2003, la RIBA Gold Medal (Royaume-Uni) en 2004, le « Mies van der Rohe European Union Prize for Contemporary Architecture » en 2005 et and le « Golden Lion for Lifetime Achievement » à la biennale de Venise en 2010. Le jeune architecte trentenaire Clément Blanchet a en charge les projets d’OMA en France.

• Pouvez-vous nous dire ce qui a suscité votre intérêt pour l’architecture ?

Dès l’âge de dix ans, avec l’assistance naturelle de mon père, qui est architecte, j’ai découvert l’architecture et pu voir que cette activité pluridisciplinaire me convenait parfaitement car je détestais faire des choix. Je pense donc m’y être engagé car elle englobe de nombreux champs : des plus objectifs aux plus subjectifs. Et puis, la vie d’architecte est des plus divertissantes, car elle se consolide par des expériences successives sans en être forcément dépendantes dans le temps. C’est un processus de découverte de soi, une sorte de thérapie où nous sommes notre propre remède.

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• Quand et comment avez-vous débuté

votre collaboration avec l’agence d’ar- Quelle est sa particularité ? vous ? chitecture mythique Office for Metro- Ce n’est finalement pas une agence traditionnelle En ce moment, je travaille sur le projet de la bihiérarchique. C’est une grande communauté hori- bliothèque de Caen, pour lequel notre agence a politan Architecture ? J’ai eu la chance de pouvoir rencontrer Madelon Vriesendrop (Partner qui a fondé avec Rem Koolhaas l’OMA, Office for Metropolitan Architecure) à l’Architectural Association lors de mes études à Londres, et j’avais la sensation que l’OMA pouvait accompagner ma philosophie de l’architecture. J’ai donc candidaté et au bout de quelques mois et j’ai pu prendre en charge la conception d’un projet. Je devais alors partir pour six mois aux Pays-Bas. Aujourd’hui, cela fait presque dix années passées dans ce grand incubateur d’idées.

• Pouvez-vous nous parler d’OMA ?

zontale qui offre un outil magique, un support particulièrement méthodique, qui autorise le renversement de certains acquis. Je vois en OMA une machine qui offre un laboratoire pour mieux se découvrir personnellement, favoriser ses propres conceptions, partager, dans un univers diversifié une multitude de points de vue culturels. Je peux tester et élaborer des projets en même temps théoriques et pragmatiques. Je peux alors devenir un observateur de l’espace réel et virtuel qui nous entoure.

• Sur quels projets majeurs ou innovants avez-vous travaillé ou travaillez-

remporté le concours en 2010, et dont le chantier démarre en juin 2013. Il s’agit ici d’une grande plateforme conçue à partir du rôle du livre dans un monde de plus en plus virtuel. C’est aussi l’ancrage d’une forme très primitive : deux axes qui se croisent pour définir un forum unique, une centralité qui regroupe les quatre entités du programme. Dans un autre domaine et sur une plus petite échelle, je me suis amusé à créer un petit restaurant « le Dauphin » qui se situe avenue Parmentier à Paris. Je l’ai conçu comme une obsession en marbre blanc, une matière trop souvent pensée comme étant froide, qui est pourtant très chaleureuse. Ce lieu favorise

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ARCHITECTURE

ARCHITECTURE

« Tester et élaborer des projets en même temps théoriques et pragmatiques » la rencontre et surtout, par cette neutralité, oblige à la concentration sur la nourriture. Dans un autre domaine encore, je travaille sur le développement du parc des expositions de Toulouse qui est un grand projet d’infrastructure, pour lequel j’ai gagné le concours en 2011. Une particularité de ce projet, c’est que vous pouvez voir l’exposition depuis votre véhicule.

• Pouvez-vous plus particulièrement nous parler de votre projet pour l’École Centrale de Paris-Saclay ?

Dans une ère où la privatisation est croissante, les villes sont confrontées à un défi majeur où l’investissement dans le domaine public dépend de plus en plus du secteur privé. En conséquence de ce recadrage de la condition collective, le rôle de l’architecture se voit souvent réduit à l’impact visuel de sa forme / surface plutôt qu’à sa potentielle contribution à une nouvelle dimension pédagogique, sociale et urbaine. Le concours que je viens de remporter pour l’École Centrale d’ingénieurs est l’outil idéal pour explorer les moyens d’atteindre cette tâche exigeante. Pour un tel projet, l’on peut supposer qu’un plan typique de laboratoire est très peu stimulant en raison d’un grand nombre de contraintes fonctionnelles. En effet, les laboratoires sont généralement planifiés dans une boîte de grande dimension divisée par des couloirs interminables qui génèrent un bâtiment configuré comme une barre linéaire. Une telle

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typologie crée généralement des conditions urbaines de « black-out », où le bâtiment se transforme en un mur gigantesque en raison de ses programmes extrêmement isolés et intériorisés. Ici, j’ai plutôt voulu imaginer des laboratoires rassemblés sous forme de parcelles, telle une ville orthonormée, une ville capable d’absorber sans effort les différentes configurations de programmes et d’activités en mutation constante et indépendante vis-à-vis de ses différentes composantes. Cela offre une condition stable pour des programmes instables qui peuvent demander à être reconfigurés ou intensifiés, aussi périodiquement que nécessaire. Ainsi, j’ai simplement formulé le concept de LabCity. L’architecture de la LabCity génère une urbanité ouverte indifférenciable de l’école - son désordre créatif - encadrée sous le squelette structurel. Une couverture supplantant l’expérience homogène du campus tente ainsi de définir une esthétique potentielle de la science. Une rue principale vient traverser la LabCity sous forme d’une diagonale, activée par une série de services publics intégrés et offre un raccourci aux parcours quotidiens des étudiants entre l’école d’ingénieurs existante, « Supélec », et une future station de métro. Au-dessus des laboratoires, une plate-forme de plusieurs étages abrite les zones de sport, le centre administratif et les salles de classe pour les élèves de première année. De par sa position, elle offre un regard permanent sur les connaissances plus spécialisées des laboratoires situés en dessous. Ce bloc est conçu

comme un « nuage », une machine radicale pour la formation des étudiants et offre une condition complémentaire au champ horizontal de LabCity.

• Quels sont les projets que vous rêveriez particulièrement de réaliser ?

Pour moi, un projet c’est bien sûr une recherche d’un idéal / moment inexistant. D’autre part, on ne peut pas s’épuiser tout le temps à inventer. Il y a des thèmes suffisamment riches à suivre et à poursuivre pendant longtemps. Quand aujourd’hui il y a une espèce de fièvre d’invention, je pense que développer certaines typologies et voir si on peut les épuiser reste d’un énorme intérêt. Le projet rêvé pour moi me semble désormais de reconsolider un engagement vers ces projets qui refusent cette overdose historique mais qui en même temps réévaluent les typologies existantes. Enfin, pour répondre à votre question, j’aimerais vraiment développer un projet d’hôtel, où l’habiter ne serait pas seulement une habitude et où de nouveaux ingrédients viendraient alimenter cette expérience de dormir, manger, se réveiller…J’ai actuellement quelques pistes. Comme mentionnait Paul Valéry, « Toute nouveauté se dissout dans les nouveautés. Toute illusion d’être original se dissipe »

• Quelle est votre méthodologie lorsque l’on vous commande un projet architectural, qu’il s’agisse de la

construction d’une habitation, de son réaménagement, ou qu’il s’agisse de la conception de bâtiments publics ou prestigieux ?

Il est important pour moi de ne pas tout rationaliser, mais de laisser agir l’intuition, mon meilleur moteur. Je crois en l’éloge de la laideur, car celleci devient très souvent la définition d’une beauté exquise, il faut toujours réussir à se surprendre dans le processus. Il me faut aussi être dans des conditions favorables à la création, être bien physiquement et mentalement. Je crois aussi au bénéfice de l’urgence dans le processus créatif. Il favorise un choix, dans l’ensemble des options, le plus élaboré, le plus défendable ou en tout cas le plus généreux et qui répondrait le mieux à la question originelle. L’échec permet aussi d’apprendre, et je dois avouer que certaines de mes productions ne sont finalement pas forcément la meilleure réponse. En même temps, ce n’est pas du travail perdu, car je réutilise souvent mes idées dans des situations similaires ultérieurement. Il faut s’approvisionner par la différence, déposséder la connaissance pour mieux la rencontrer, favoriser une diversité d’acteurs, réussir à trouver la connaissance au bon endroit. C’est ce qui est le plus douloureux dans la conception. Et finalement, il faut être très rigoureux dans tous les systèmes constructifs et matérialités du projet. Je me rends compte qu’il m’est difficile de définir une méthodologie, étant donné qu’à chaque fois le processus est unique, et

ce, pour toutes les échelles de projets.

• Quel résultat souhaitez-vous atteindre ?

Une forme d’hyper architecture qui suscite le désir. Une spéculation positive sur la société, la vie active et l’espace habité, aux formes construites très rigoureuses, écologiques et performantes. On peut identifier cela à l’accomplissement d’un paradis artificiel et naturel.

• Existe-t-il un lien entre vos créations architecturales, les choix de vos projets et la culture contemporaine, notamment urbaine (musique, art…etc) ?

J’aime la confrontation à un présent très explicite qui permet de définir une culture et un goût d’actualité. En même temps, je préfère m’inspirer du passé et du futur. Cette obsession du présent m’oblige à inventer une réactivité exceptionnelle, et créer un moment à la fois instable et éligible. C’est le miroir du réel, un virtuel concrétisé dans cette culture globale et contemporaine. C’est finalement une obligation pour compenser ce monde du réel.

• Mis à part Rem Koolhaas, avez-vous collaboré avec d’autres architectes ?

J’ai eu la chance de travailler personnellement avec Frank O Gehry pour un projet d’extension en mer à Monaco en 2008, ainsi qu’avec Christian de Port-

• Quel impact pensez-vous que puisse avoir une forme architecturale sur la perception de l’espace urbain ou naturel, sur les habitudes d’usage et l’appropriation qu’en font les utilisateurs? • Développez-vous par ailleurs des col- Pensez-vous que l’architecture puisse laborations avec des artistes contempo- changer les comportements ? rains pour vos créations ? On se rend compte malheureusement que l’espace zamparc, en qui j’ai un très grand respect pour ses valeurs humaines. J’ai aussi beaucoup apprécié le dialogue avec Cecil Balmond, « ingénieur et artiste » qui ouvre les portes à de nouvelles architectures.

Lorsque j’ai réalisé le pavillon de la Serpentine Gallery à Londres en 2006, j’ai eu la chance de pouvoir intégrer une collaboration très intime avec l’artiste allemand Thomas Demand. Le projet cherchait alors à faire tout sauf de l’architecture. Le travail a été fructueux car c’est aussi sa position avec la photographie. Avec Hans Ulrich Obrist j’ai alors élaboré le contenu des 24h marathons, c’est l’enregistrement pendant deux jours non stop d’interviews avec des artistes, des politiques, et cet objet difforme (le pavillon) devait transcrire le contenu. L’architecture filtre ainsi l’information. C’est un outil qui permet la transmission de la connaissance.

• Comment rêvez-vous La Ville ?

La ville est la coexistence d’espaces publics et privés. La coexistence est ce qui rend l’espace possible. Elle vit, c’est un organisme, qui parfois a besoin d’urbanistes médiateurs, mais elle doit se libérer. Nous ne pouvons plus faire la ville comme nous la pensions il y a plusieurs décennies. Il faut arrêter de la penser planifiable.

du projet se résume très souvent à ce constat d’architectures d’egos, ce qui tend par conséquent à réduire à la constitution de cellules toutes unitaires et individuelles. C’est cet individualisme de la société moderne que je cherche à mettre en jeu avec la constitution de la ville, car elle peut, elle seule, tenter de changer cette configuration. L’architecture n’est pas un champ solitaire et unique et il faut la nourrir de multiples domaines : le politique, les acteurs économiques, les géographes, les artistes, les ethnologues. À vrai dire, j’ai fait le constat que l’architecture tend à se passer de l’assistance de l’urbanisme.

à définir l’architecture verte, sans même en penser le contexte ou sa conception. Par exemple on ne construit pas de la même manière un bâtiment à Brest ou à Marseille, mais le référentiel HQE est pourtant le même. Je crois qu’il existe une dérive fatigante et contreproductive de lois sur l’architecture durable. Après tout, construire n’est pas protecteur de l’environnement. À nous architectes, d’en penser une conception écologique et durable.

• Pour vous, une architecture réussie, c’est quoi : un geste ou une œuvre, un lieu de vie, un bâtiment utilitaire…?

Je pense qu’une architecture réussie, c’est une nonarchitecture. Elle doit rester silencieuse et performante à la fois, être un outil pour la culture et la société contemporaine. Pour la France et son architecture, je cherche à combiner sa double définition, à la fois une France qui se vend et une France qui se préserve, un paradoxe entre modernité et nostalgie.

• Quel regard portez-vous sur l’inflation de normes de plus en plus contraignantes. Les percevez-vous comme un vecteur de progrès, ou au contraire, comme un vecteur d’appauvrissement de l’innovation et de la diversité architecturale ? Le règlement tue très souvent le projet. Je pense notamment à cette overdose de règles qui cherchent

Oma.eu

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MUSIQUE

MUSIQUE

LA FEMME

+ VOLUPTÉ DE SONS VINTAGES AUX COURBES SYNTHÉTIQUES + Propos recueillis par / Claire Beheyt, Razmo Ducrot et Julia Ravini • Texte / Alexis Jama Bieri • Photo / © Laurent Chouard

L

a Femme, ce sont des jeunes gens au regard moderne sur l’univers musical actuel. Indépendants des majors et de leurs productions formatées, les membres de ce groupe, ou plutôt de ce collectif à géométrie variable selon les envies et les besoins, créent leur musique et leur univers visuel dans une optique de do it yourself. Inventifs et provocants, la pochette de leur premier EP représentait un hommage à L’Origine du Monde de Gustave Courbet, qui fit scandale dans les milieux bien-pensants du XIXe siècle. La Femme, c’est une musique rafraichissante comme un cocktail au bord d’une piscine, qui mêle énergie punk, guitares surf et froideur new wave avec quelques frémissements techno. Sur scène, cette musique prend toute son ampleur, enivre de ses sonorités des salles combles et fait les grandes heures des festivals (Le Cabaret vert, Elektricity…).

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« On construit notre musique de

manière électronique, avec des boucles, mais on utilise à la base de vrais instruments de musique

»

• Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Au départ, on était dans la même école primaire, mais c’est vraiment par la suite que nous sommes devenus amis car on était voisins et on avait des potes en commun. Pour les autres, c’est au lycée que tout le monde s’est plus ou moins côtoyé, avec, déjà, des projets musicaux. Nous avons débuté La Femme à deux, puis nous sommes passés à quatre, mais avec une forme variable selon que nous jouons en France ou à l’étranger. Actuellement nous sommes six.

• Comment travaillez-vous pour composer votre musique ?

On construit notre musique de manière électronique, avec des boucles, mais on utilise à la base de vrais instruments de musique. Concrètement, on

compose à partir de sons de claviers et de guitares vintages, puis on y ajoute des effets et des voix. Les morceaux qui seront sur l’album ont été imaginés il y a à peu près un an et demi, mais on met du temps à enregistrer car on est très exigeants sur des sons particuliers, que l’on recherche pointus et parfaits. Il y a par conséquent des morceaux qu’on recommence trois fois de suite ! De manière générale, nous réalisons tout nous-mêmes, jusqu’aux clips, dont le tournage aura lieu cet hiver, dès que l’enregistrement de l’album sera finalisé.

• La scène est-elle un moyen de tester vos titres avant l’enregistrement de votre premier album ?

Oui, la scène permet effectivement de tester en-

semble les morceaux. Mais ensuite, tout est joué séparément en studio.

• Y a-t-il un lieu où vous aimeriez jouer ? On aimerait bien jouer dans les catacombes.

• Quels sont les musiciens ou groupes qui vous ont marqués, et ceux qui vous • Quels sont vos projets ? marquent aujourd’hui ? Notre principal projet, c'est la sortie de notre album Il y en a beaucoup ! On peut notamment citer les Rolling Stones, les Beatles, Jimmy Hendricks, le punk, les débuts de l’électro avec Kraftwerk ; aujourd’hui Justice, Birdy Nam Nam, Death in Vegas…

• Quel est pour vous le concert idéal ?

C’est celui où le public est bien chaud, que les gens bougent partout et que les murs suintent d’humidité tellement il y a de transpiration !

prévue début 2013. En matière de Live, nous avons effectué en novembre une tournée en Angleterre en première partie de Maximo Park et nous projetons, bien sûr, d’entreprendre une importante tournée mondiale après la sortie de notre album. Nous avons par ailleurs tourné notre dernier clip en novembre aux environs de Paris, avec la participation figurative, notamment de Flora et Baptiste de Most Agadn't. Pour le reste, l’avenir nous le dira…

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ASSOCIATION

ASSOCIATION

LA SALLE D’ATTENTE + PHOTO TRANSMETTEURS + Texte / Alexis Jama Bieri • Photo / © Delphine Balley

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ngoisse, étonnement, curiosité, observation… C’est ce que l’on éprouve lorsque l’on patiente dans une salle d’attente d’un cabinet médical. Un peu comme des rats de laboratoire, l’on se soumet, affaiblis, à la prescription qui garnira les comptes des laboratoires et de leurs actionnaires. Inquiets, l’on observe le petit monde qui nous entoure, tel un condensé de la société, un révélateur de ses comportements…humains, exposés. La salle d’attente, outre son nom, n’a rien à voir, ou presque, avec ces lieux aux effluves d’éther oublié et de salle d’autopsie. Loin du lieu aseptisé, et même du white cube, elle donne à voir, autrement, à faire découvrir, sans compter, l’anatomie de la société par l’image artistique. La salle d’attente, c’est une association d’amateurs d’art et de photographie, présidée par Alain Collard, qui organise depuis une dizaine d’années des évènements nomades autour de l’image en divers lieux, tels que La Cartonnerie ou les Celliers Jacquart…Une galerie éphémère en quelque sorte, lieu de rencontre entre l’art et les humains, pour que chacun puisse vivre l’expérience.

« Être passeur de la photographie

à laquelle on croit, celle qui relève principalement d’une démarche d’auteur et qui fait passer un message esthétique, politique ou social

»

• Pouvez-vous nous dire quelques mots sur vous ?

Je suis un autodidacte de la photographie que je pratique en amateur depuis mon enfance. Je me suis intéressé par la suite à l’art photographique et à son histoire, puis j’ai intégré l’association « Priorité ouverture », organisatrice du festival « le mai de la photo » à Reims. J’y ai appris beaucoup sur les façons de monter un projet, les rapports avec les institutions et, bien sûr, les rencontres avec le public et les artistes. Je me suis ouvert à la photographie contemporaine et à ce que l’on commençait à appeler la photographie plasticienne.

• Et sur « la salle d’attente » ?

L’association « La salle d’attente » est née quand « le mai de la photo » s’est arrêté. Je souhaitais continuer une aventure photographique. La forme associative est une structure adaptée pour créer un projet en dehors de sa vie professionnelle. Nous sommes six et chaque membre de l’association est bénévole. La notion de plaisir est pour nous importante. Notre siège est à Reims mais nous n’avons pas de bureau

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ou de local spécifique.

• Quand et comment est né le projet ?

En 2002 d’une façon assez conviviale. Quatre amis autour d’une table qui échangent sur tout et beaucoup sur l’art et la photographie. Nous voulions créer une structure légère et non reproduire un festival qui avait vécu. Nous voulions également ne pas être dépossédés des choix artistiques, comme dans un festival où l’on fait appel à un directeur artistique ou à un curateur.

• Quel est son objectif ?

Être passeur de la photographie à laquelle on croit, celle qui relève principalement d’une démarche d’auteur et qui fait passer un message esthétique, politique ou social. Nous pouvons travailler avec les structures et les institutions qui font appel à nous ou à l’inverse, pouvons parfois proposer des projets à des lieux qui nous semblent intéressants. Nous souhaitons être référent de la photographie contemporaine dans la région Champagne-Ardenne et apporter notre expertise par le choix des artistes

présentés, des lieux d’expositions et aussi du montage, des textes et de toute la médiation qui accompagne ces manifestations. La rencontre du public avec les artistes à travers des conférences est également une préoccupation importante. Nous avons notamment reçu Jean Brundrit, photographe Sud africaine, Anahita Ghabaian, galeriste iranienne, Omar Daoud, photographe algérien, Édouard Levé et bien d’autres.

• Pourquoi ce nom « Salle d’attente » ?

Parmi les quatre personnes fondatrices de l’association, il y avait deux psychanalystes qui souhaitaient ouvrir un cabinet. Nous avons lancé comme une boutade que la galerie pourrait être « La salle d’attente ». On a trouvé que le nom était approprié, que se trouver en attente de l’art ça nous plaisait bien : un lieu où l’on peut recevoir l’art. Mais nous n’avons jamais créé notre propre galerie, c’était un projet trop lourd et trop risqué. Nous avons préféré une « galerie nomade » qui passe d’un lieu à l’autre mais qui porte toujours la marque « Salle d’attente ».

• Quelles ont été ses principales réalisations ?

Depuis dix ans nous avons programmé vingt cinq expositions individuelles ou collectives d’artistes internationaux venant de pays aussi divers que l’Iran, l’Afrique du sud, le Nigeria, l’Angleterre, les États-Unis, l’Algérie, la Chine et bien sûr la France. Toutes nos réalisations ont été importantes pour nous. Évidemment l’on se souvient de notre première avec Jean Brundrit, artiste d’Afrique du sud qui a exposé ses sténopés au centre culturel St Exupéry. On se souvient aussi de la projection sur de multiples écrans géants du collectif « Tendance floue » à la cartonnerie avec une improvisation de Yuksek. On se souvient de l’exposition du grand Michael Ackerman à la Cartonnerie avec le vernissage le soir du concert de son amie Patti Smith. On se souvient par ailleurs de la conférence surréaliste du regretté Édouard Levé, de l’agence GRORE Image au théâtre de la Comète à Châlons-en-Champagne. On se souvient également d’un grand moment avec la venue de Bachelot/Caron à Reims pour une séance de prise de vue/performance appelée

« la battue » à la cartonnerie et qui donna lieu à une exposition qui reste dans les mémoires. Louis Bachelot et Marjolaine Caron évoluent maintenant dans de grandes expositions internationales. La salle d’attente peut parfois être découvreur de talent. Je peux en citer d’autres, comme Ivan Polliart, artiste rémois, Vincent Cordebard ou Gilbert Garcin, personnage magnifique… Pour réaliser toutes ces propositions, nous avons tissé des liens avec les galeries spécialisées dans la photographie comme la galerie VU, la galerie des filles du calvaire ou les institutions comme la MEP à Paris avec qui nous avons eu des relations pour programmer l’exposition de Romain Osi. Certains lieux de notre région nous ont fait confiance, le centre culturel St Exupéry à Reims, le théâtre de la Comète à Châlons-en-Champagne, le FRAC champagne Ardenne, le festival Urbi&Orbi de Sedan, l’IUFM et tout particulièrement la Cartonnerie de Reims qui nous a offert carte blanche pendant trois ans !

• Pouvez-vous notamment nous parler des projets que vous avez menés

en 2008 et 2012 avec l’artiste Georges Rousse ?

En 2008, la venue de Georges Rousse s’est faite par l’intermédiaire d’un partenariat entre La salle d’attente et Prisme, club d’entreprises mécènes et la ville de Reims. Le choix des halles du boulingrin s’est imposé rapidement en raison des travaux qui allaient y être effectués. Georges Rousse est un artiste reconnu internationalement, cela offre des possibilités de médiatiser beaucoup plus notre travail ainsi que celui de Prisme. De même pour la ville de Reims sur la rénovation de ce lieu. Deux œuvres ont été réalisées lors de cette intervention et cela devait être suivi d’une grande exposition de l’artiste à Reims. Pour des raisons multiples cela n’a pas pu se faire. Un peu obstinés, nous avons donc réengagé un second projet dans la même veine que le premier, à savoir les anciens celliers du Champagne Jacquart, qui vont être transformés en espace d’exposition et une petite salle de spectacle. Georges Rousse y a réalisé deux œuvres pendant l’hiver 2012. À chaque fois, nous avons eu besoin d’équipes techniques et d’assistants qui ont été les étudiants de l’Esad, très motivés pour

travailler avec cet artiste. Ce sont deux projets qui fonctionnent de manière similaire : l’artiste réintroduit de l’énergie par la force de l’art dans des lieux désaffectés destinés à revivre. L’œuvre de Georges Rousse est une œuvre à multiples entrées. Elle est à la fois peinture, sculpture, architecture, installation et photographie bien sûr. Elle est aussi très ludique. Voir une de ses expositions est un moment magique où chacun peut prendre sa photographie au premier degré ou bien chercher le trompe l’œil et intellectualiser son concept. Cette aventure a été un vrai bonheur pour tous et elle n’est pas terminée puisque, pour aller jusqu’au bout, je vous ai dit que l’on était obstinés, la grande exposition Georges Rousse aura lieu en 2014 lors de l’ouverture des celliers !

• Comment est née cette collaboration ?

La salle d’attente s’intéressait au travail de Georges Rousse depuis longtemps. Lors d’un rendez-vous, je lui ai parlé de notre association et d’un lieu où il pourrait intervenir. Mais ce lieu ne fédérait pas assez de monde. Nous nous sommes alors rapproché du

club d’entreprises mécènes « Prisme », qui a joué un rôle fondamental pour concevoir et mener à bien un projet plus important. Ceci a fait boule de neige ensuite avec le ralliement de la ville de Reims et de l’Esad.

• Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?

En 2010 nous avons exposé une très belle série du photographe chinois Zeng Nian à l’église de Champaubert. Nous allons à nouveau la présenter à Châlons-en-Champagne en janvier 2013. Nous souhaitons également continuer notre collaboration avec lui sur une nouvelle série de portraits assez époustouflante de la population travailleuse chinoise. Nous travaillons actuellement sur un projet qui sera présenté à la cartonnerie en 2013. Et bien sûr, nous préparons l’exposition de Georges Rousse pour l’ouverture des anciens celliers Jacquart, en pensant également aux projets que l’on n’a pas encore imaginés…

lasalledattente.over-blog.com

L A S AL L E D'AT T E NT E - 39


ART

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MARCELLINE DELBECQ + DU NOUVEAU À L’OUEST +

Texte / Alexis Jama Bieri • Photos / Collection Centre National des Arts Plastiques / pages 40-41 : " Trilogy" installation © Andrés Lejona • Photo page 42 (haut) : " Rapture" © Alexis Zavialoff • Photo page 42 (bas) : livre "Un battement de cils" © Chi Wai

M

arcelline Delbecq est née en 1977. Elle vit et travaille à Paris. Après des études de photographie (Columbia College, Chicago et ICP New York, 1995-1997), un DNSEP (École Supérieure d’Art de Caen, 1997-2002) puis un DESS Art de l’exposition (Paris X-Nanterre, 2002-2003), le travail de Marcelline Delbecq s’est peu à peu éloigné de la pratique de l’image pour se concentrer sur la potentialité cinématographique de l’écriture. Son utilisation du récit, de la voix, élabore un univers narratif mis en mots et en sons pour convoquer un ensemble d’images mentales oscillant entre description et fiction, passé et présent. Dans ses installations sonores, publications et lectures en public, les mots mettent en jeu la question du regard en devenant à leur propre tour des visions. Elle travaille régulièrement avec

40 - MA R C E LLINE DELBECQ

« J'aime l'idée de proposer au public une forme artistique moins commune que d'autres » l’actrice Elina Löwensohn, le pianiste Benoît Delbecq et le bruiteur de cinéma Nicolas Becker. Sa première exposition personnelle s’est tenue à la galerie Frank Elbaz à Paris en mai 2006 et elle a rapidement participé à de nombreuses expositions notamment en 2007 à « Airs de Paris » organisée au Centre Pompidou et « No More Boring Art » au Point Éphémère à Paris. En 2012, elle propose, pour le festival Reims scène d’Europe, West (Aléatoires et Inédits). Ce sont douze photographies prises aux États-Unis entre 2007 et 2010 qui sont le point de départ de courtes narrations, retraçant les investigations d’un écrivain sur les traces de l’auteur Nathanaël West. Face à trois images fixes, légendes et chimères d’une Amérique entre réalité et fiction, une sélection de miniatures littéraires sont lues à haute voix.

MARCE L L I NE DE L BE CQ - 41


ART

Dans le cadre du festival Reims Scène d’Europe et de l’anniversaire du FRAC Champagne-Ardenne

Vendredi 7 décembre 2012 à 19h30 / Salle Jean-Pierre Miquel / Entrée libre

• Comment s’est effectué chez vous le passage de la pratique de l’image à l’installation à la fois visuelle et textuelle ?

J'ai d'abord étudié la photographie en pensant devenir photographe pour la presse musicale ou pour le cinéma. Puis, je me suis intéressée à la photographie d'art, éloignée du documentaire. Une fois mes études de photographie terminées, j'ai étudié l'art en école d'art puis la critique d'art et le commissariat d'exposition. Ces deux formations m'ont fait entrevoir d'autres horizons que la photographie pure et dure et m'ont surtout amenée à utiliser de plus en plus l'écrit. J'ai donc petit à petit abandonné l'image seule pour me concentrer sur le texte, texte qui est revenu vers l'image puisqu'elle en était souvent l'origine.

• Concevez-vous les textes comme des éléments plus visuels que littéraires ?

C'est une question très intéressante. Je conçois les textes comme des éléments aussi visuels que littéraires en fait, peut-être plus visuels au départ,

42 - MA R C E LLINE DELBECQ

puisque souvent une image est à leur origine et que j'utilise les mots pour à la fois circonscrire et s'échapper de l'image. Puis, à force de se concentrer sur l'image, le texte glisse vers la littérature et ne devient plus que texte, affranchi du visuel.

lorsqu'il y a projection d'images - c'est le cas de West (Aléatoires et Inédits) que je lirai à Reims - pour que le public devine ma présence mais plonge dans la lecture et la projection sans que j'interfère en étant visible.

• Quelle place donnez-vous aux jeux de • Comment procédez-vous pour concematières, aux jeux de lumière…? voir une œuvre ? Je n'ai pas du tout de pratique du spectacle vivant, j'ai donc toujours conçu des dispositifs très simples pour mes lectures et installations. Simples par leur agencement, pour que techniquement cela soit réalisable à peu près partout, et simple dans leur effet : moins il y a d'ajout à la présence de la voix, mieux c'est. Je cherche à capter l'attention du spectateur et à le mettre dans une situation d'écoute plus que de regard. Pour cela, le silence environnant, la lumière tamisée, une scénographie réduite à son plus simple appareil fonctionne au mieux en ce qui me concerne. Je lis soit face au public mais rétroéclairée par une projection de monochromes avec ou sans intertitres (on devine donc ma silhouette sans voir les détails de mon visage) ; soit derrière le public

C'est une vaste question. Je ne pense jamais en terme d'"oeuvre", mais en terme de projet. Chaque projet poursuit les recherches précédentes, ce qui est considéré comme "œuvre" n'est qu'une étape, bien qu'elle soit un résultat en soi d'un processus de recherche. Écrire c'est chaque fois se lancer dans le néant, on ne sait jamais quand ce sera terminé, et ce n'est jamais terminé. Je considère donc les pièces sonores, installations et lectures comme des étapes dans un lent processus qui continuera tant que je penserai les choses de manière artistique.

• D’où et comment vous vient l’inspiration ?

Elle peut venir de notes, d'une image saisie au vol,

d'une phrase lue quelque part, d'une idée, d'une envie. L'important pour moi est d'être toujours à la recherche de quelque chose à écrire, à donner à voir, à lire.

• Quel but souhaitez-vous atteindre avec vos œuvres ?

Je n'ai pas de but à atteindre, la rencontre avec le public est fortuite et toujours un peu miraculeuse. Je ne sais jamais qui a vu, entendu, écouté, et me réjouis toujours quand un article paraît ou que quelqu'un que je ne connais pas m'écrit pour me dire ce qu'il/ elle a ressenti en voyant une exposition ou une lecture. J'ai choisi un médium très ancien, l'écriture, que j'essaie de faire exister dans un contexte qui n'est habituellement pas le sien. J'aime l'idée de proposer au public une forme artistique moins commune que d'autres, qui demande une forme de concentration particulière que les spectateurs peuvent choisir de ne pas avoir car ils sont habitués à regarder les œuvres très vite, moins à les écouter ou à les lire.


AGENDA

PUBLI-RÉDACTIONNEL

S.U.A.C.

+ ÉVÈNEMENTS EN DÉCEMBRE À LA VILLA DOUCE + SIMPLE-terroir-truffe.pdf

1

19/11/12

10:56

• GASTRONOMIE

Jeudi 13 décembre 2012 à 19h00

+ Soirée Terroir dédiée à la truffe + soirée Terroir

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M

13 DÉC~ 19h

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CM

MJ

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La Villa Douce / Reims

CMJ

La Truffe

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Benoît Jacquinet Marc Yverneau

SIMPLE-WINTER.pdf

1

19/11/12

Cela se sait de plus en plus… Le terroir champenois se montre très accueillant vis-à-vis de la truffe… La Haute-Marne en proposait jusqu’à dix mille kilos par an à la fin du XIXe siècle et la variété la plus répandue est la Tuber Incinatum, champignon symbiotique souterrain formé d’un tubercule possédant des crochets, également connue sous le nom de « Truffe de Bourgogne ». Elle existe à l’état sauvage et aussi sous forme de “cultures” grâce à un procédé mis au point par l’INRA. Sa production est variable selon les années et 2012 s’annonce comme un cru assez moyen. Benoît Jacquinet, président de l’Association marnaise des producteurs de truffes, et Marc Yverneau, trufficulteur à Humbauviller seront présents avec Catherine Coutant, pour vous parler de ce produit tout aussi emblématique que délicieux. Une dégustation vous permettra de découvrir qu’une petite quantité de truffe peut transformer une préparation très simple en un mets de gala ! Cela tombe bien juste avant les fêtes ! • CONCERT

11:28

Jeudi 20 décembre 2012 à 19h00

+ Soirée récital + récital

C

M

20 DÉC~ 19h

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CM

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La Villa Douce / Reims

CMJ

Voyage d’hiver

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Winterreise (D.911)

de Franz Schubert (1797-1828) Raymond Loewenthal Jean-Louis Delahaut

Raymond Loewenthal - baryton et Jean-Louis Delahaut – piano donneront un récital au cours duquel ils interpréteront le Voyage d’Hiver (Winterreise) de Franz Schubert (17971828), dans la salle de concert de la Villa Douce, dont on célèbre, en 2012, 80 ans d’existence et où retentirent tant de concerts du temps d’André et Marthe Douce, qui y recevaient avec élégance bien des musiciens de renom. Vers 1965 on a encore pu y entendre le baryton suisse Matthias Vogel chanter la Belle Meunière (Die schöne Müllerin), l’autre grand cycle de Franz Schubert. Les deux cycles sont composés sur des poèmes de Wilhelm Müller et sont thématiquement très liés. Si les amours impossibles poussent l’apprenti-meunier, antihéros romantique, à la désespérance suicidaire dans la Belle meunière, c’est le tragique même de l’existence, la souffrance et la solitude existentielles que Schubert fait entendre dans ces chants de l’errance, de l’impossible quête, du chemin désolé et glacé qui ne peut mener qu’à la mort, dans les 24 Lieder du Voyage d’hiver en une suite de tableaux sombres, pétrifiés et violents parfois. Ce concert clôturera les manifestations organisées à l’occasion de la célébration des 80 ans de la Villa Douce. Il marquera aussi l'arrivée de l'hiver.

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16.07.12 13:40


ÉPILOGUE !

PERD NOËL « But my dreams. They aren’t as empty. As my conscience seems to be »

REIMS I MUSIQUES & CULTURES ACTUELLES

(The Who - 1971)

U

ne apparition : un regard bleuté, un sourire enjôleur, un être délicat, fragile presque. Comme une vénus antique, elle nous rappelle, de marbre, notre condition d’humain, et dessine de sa voix passionnée les courbes sensuelles des instants oubliés. Réelle ou illusoire, c’est peut-être une vision collective, un songe de décembre ? Pourquoi alors cette vision teintée de bleu ? Le bleu d’une alliance révélée par Tellier ? Le bleu du halo spectral d’une nuit lunaire ? Ou le bleu, tout simplement en couleur primaire, pour oublier le rouge. Ce rouge, couleur de Noël, de coca-cola et du vin chaud. Une couleur de fête, sanglante, pareille à une image morbide sortie d’un mauvais film, avec ses hordes arpentant, en piétinant à la manière de zombies décérébrés, les allées pavées d’un village horrifique bâti de chalets… À force d’y mettre du rouge, je noircis délibérément le trait pour n’en conserver que le bleu. Mais que reste-t-il de l’esprit ancestral du solstice d’hiver célébré lors des romaines saturnales ? Je le cherche encore en Noël. À cet instant, je me souviens plutôt de ces mêmes chalets où, lors du festival Elektricity, nous pouvions, cet automne, boire quelques coupes en écoutant une musique de qualité. Ce moment illuminé de bulles, ce présent culturel, c’est réellement Noël. Alors que s’ouvre le festival Reims scènes d’Europe, je me hâte vers les spectacles magnifiés par le divin breuvage. Et je m’évade en rêveries bleutées.

CARMEN MARIA VEGA 01 DÉC GIEDRE SAM

DARK DARK DARK 05 DÉC FEU ROBERTSON I LOVE LIKE BIRDS MER

BAND OF GYPSIES 07 DÉC AKA TARAF DE HAÏDOUKS ET KOCANI ORKESTAR VEN

#3 WOBBLICIOUS 08 DOCUMENT ONE I SILENT FREQUENCIES I KOSTH, SNORK & CHOKE SAM

DÉC

ALL TOMORROW’S PARTIES 12 DÉC PROJECTION SUIVI D’UN MIX DE GRANDSIRE

MER

ALEXIS HK 13 DÉC ALEX TOUCOURT JEU

BACK IN TIME#5 15 DÉC JO STANCE I THE MOON INVADERS I THE ATTENTION

SAM

Texte / Alexis Jama Bieri

CARTO KIDZ#13 16 JAN LE VILLAGE DES PETITES BOUCLES MER

Journal à parution mensuelle. Prochain numéro : janvier 2013 (#23)

BARCELLA 18 JAN PREMIÈRE PARTIE VEN

LIVE

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LES NUITS DE L’ALLIGATOR 09 FÉV THE HEAVY I THE SKINS I THE COMPUTERS SAM

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