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3.1.3 Synthèse de la série « #Œufsuisse » de GalloSuisse

L’argumentation générale et la stratégie publicitaire peuvent être résumées ainsi:

– En dépeignant les qualités et les valeurs positives des éleveurs, les préoccupations d’asservissement et de mise à mort des animaux sont écartées du centre d’attention (la viande est juste « un produit »). – En nommant une marque « La différence est là », la publicité n’a pas besoin d’expliquer cette différence, ni de se prononcer sur la production ou la qualité de celle-ci.

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– Le principe du « don / contre-don » légitimise le fait de tuer des animaux et de consommer leur viande.

Le consommateur est incité à acheter de la viande suisse pour s’approprier et partager les valeurs de producteurs locaux « de confiance ».

3.1.3 Synthèse de la série « #Œufsuisse » de GalloSuisse

La série de publicités «#Œufsuisse» par l’association des producteurs d’œufs GalloSuisse présente un éventail de situations dans lesquelles divers personnages (principalement des classes populaires) peuvent facilement apprécier des plats simples composés d’œufs, comme des œufs durs en salade ou au plat. La série met l’emphase sur la rapidité de préparation puisque les œufs peuvent être consommés sur place, au travail ou pendant les loisirs, et peuvent servir à préparer des plats suisses typiques (rösti, raclette), des pâtes faites maison, du pain tressé ou des biscuits. À noter, il n’y a pas de slogan écrit ou oral, à part l’identificateur de la série «#Œufsuisse». La campagne est muette, car l’œuf n’a pas besoin d’explication. Le symbole «hashtag» lui donne une dimension moderne.

Les séquences se concentrent sur l’acte de manger, même si un clip montre également l’achat d’œufs à un détaillant, et un homme prenant des œufs de son réfrigérateur. La consommation d’œufs est systématiquement associée à du plaisir: la pause de l’ouvrier, le pique-nique des enfants, la fête avec des amis, la créativité de présentation, le partage des traditions (raclette, fondue) ou un plaisir nocturne. Un argument implicite émerge: si les œufs ne sont mangés que dans des moments de plaisir, c’est qu’ils constituent une récompense méritée. La relation à la culture suisse est particulièrement développée dans cette série, par la mise en scène de plusieurs personnages, activités et plats typiques. De plus, le principal fil conducteur est ancré dans la tradition suisse: il n’y a pas si longtemps, chaque bar ou restaurant avait des œufs durs sur les tables, prêts à être consommés par les clients pour se rassasier lorsqu’ils se rassemblaient pour un moment convivial autour d’une boisson plutôt qu’un repas complet. Comme le discours verbal est absent, l’argumentation est entièrement implicite. Compte tenu de la grande diversité de scènes, personnages, plats ou situations présentées dans les vidéos, l’argumentation globale se constitue d’une impression laissée à l’audience. Cette argumentation pourrait être résumée ainsi: «Où que vous soyez, de milles façons différentes, mangez des œufs suisses pour satisfaire votre faim!» Les œufs sont présentés comme un aliment qu’on se prépare soi-même, facilement et rapidement, qui apporte les protéines nécessaires avec salade ou pommes de terre grillées, à manger au travail ou ailleurs quand on n’a pas le temps d’un repas normal.

Malgré le caractère unique de la publicité de GalloSuisse pour les œufs suisses, elle montre rarement l’animal producteur (à part une fois où une poule est présentée comme une star athlétique), se concentrant plutôt sur l’aliment lui-même, sa diversité et disponibilité, et sur la grande diversité de personnes consommant des œufs de différentes façons. Certaines vidéos suivent une ligne différente, s’écartant encore plus de l’origine réelle de l’œuf (le cloaque de la poule): ils font de l’œuf un objet artistique (Admeira no 941696) ou l’élément central d’une situation comique (Admeira nos 951658, 941660). Symboliquement, la campagne présente l’œuf comme tellement immuable qu’il va de soi. En symbole universel, sa consommation ne peut qu’être liée au plaisir puisqu’il permet de ressentir et d’être en vie. C’est un archétype par excellence, le lien entre la vie et la mort. C’est un mystère parce que sa forme close, forme parfaite, renferme un élément liquide, mouvant, qui porte une nouvelle vie. C’est un symbole cosmogénique expliquant l’origine de la vie sur terre pour de nombreuses civilisations. Une des vidéos (Admeira no 941658, 941660) suggère même que la poule vint après l’œuf, se positionnant donc là sur l’expression proverbiale de «Qui de l’œuf ou de la poule vint le premier?» L’origine anthropologique de la consommation d’œufs réside dans la recherche de nourriture, c’est-à-dire l’opportunité, non utilitaire donc, de collecte de ressources naturelles. Mais aujourd’hui, la production d’œufs, en constante augmentation, est faite de trois manières conventionnelles: pour moitié avec des poules en cage, une petite moitié avec des poules élevées au sol, et une minuscule fraction avec des poules de plein air.

L’argumentation générale et la stratégie publicitaire peuvent être résumées ainsi:

– L’accent est mis sur la consommation d’œufs dans une grande diversité de plats.

– La préparation et la consommation rapides sont rendues attractives à travers différentes situations générant du plaisir (pause midi, sorties, temps en famille, sport).

– En utilisant une publicité muette (pas de slogan ou de déclaration), la campagne évite de s’engager sur des points critiques de la production d’œufs (santé et bien-être des poules, qualité de leur alimentation, risque de cholestérol).

– Les œufs sont présentés comme allant de soi, parfois même comme objet artistique voire mystique, mais jamais en lien avec la poule, produisant ainsi une occultation de l’animal (sauf dans le cas de la vidéo où la poule vient après l’œuf).

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