S T
G E O U V R I E R EIRL
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Terre Crue 5 - 8 fevrier 2018 2 - 13 juillet 2018
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SO
M M A I R E
1. introduction 2. l’entreprise 3. les missions
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p.5
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p.9
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4. les mises en oeuvre
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p.13 p.17
5. conditions de travail ... p.23 6. bilans
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p.27
1. introduction
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Un stage non conventionnel
Le
stage ouvrier est une étape incontournable de la formation d’un architecte. Il permet de se rendre compte de l’organisation d’un chantier, du rapport entre les différents acteurs, il permet également un rapprochement avec le «faire» et avec la matière. Mon projet professionnel s’articule autour d’un intérêt marqué pour l’éco-construction et pour les contructions vernaculaires (un type d’architecture propre à un pays, un territoire ou une aire donnés et à ses habitants). C’est donc tout naturellement que, lors de mes recherches, j’ai choisi de m’écarter du secteur conventionnel et de chercher un stage dans une entreprise qui créerait des maisons à ossature bois, maisons passives, maisons
en paille etc.. C’est finalement par hasard que je suis tombée sur le site d’une entreprise qui réalisait des maisons en terre crue dans la région de Rennes. J’ai choisi de répartir mon stage sur deux périodes : une pendant les vacances d’hiver et une pendant les vacances d’été, pour voir une approche différente du métier, de l’organisation des chantiers et pour voir des chantiers différents.
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2. l’entreprise
une jeune entreprise
L’entreprise
Terre crue a été créée en septembre 2013 à St Germain sur Ille par Ghislain Maetz, maçon terre (personne qui construit ou rénove des bâtiments en terre crue) depuis 10 ans en Ille et Vilaine, qui a forgé son expérience dans différentes structures (Globe Troterre à Mélesse avec Laurent Coquemont, Terre Mère avec Pierre Fouchard, Maison en Terre à Montreuil le Gast avec Gregory Bosi) et Fleur Ouertal pour la gestion administrative (agent de bibliothèque et anciennement artisane dans la restauration ambulante). L’entreprise recrute dès la première année deux personnes en CDI. Depuis novembre 2014 l’EIRL (Entreprise individuelle à responsabilité limitée) Terre Crue emploie trois ouvriers professionnels qualifiés à temps plein, Hugo Gardrel, Cédric Toi et Yoann Maetz qui propose aussi de la formation. En janvier 2015 Fleur Ouertal a quitté son emploi d’agent de bibliothèque pour s’investir complètement dans la gestion de l’entreprise et participe régulièrement aux formations
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proposées par la Chambre des Métiers d’Ille et Vilaine pour parfaire sa formation. L’EIRL Terre Crue a rénové de nombreuses habitations en Ille et Vilaine depuis sa création et encadré trois projets de rénovation en chantiers participatifs. Fin 2015 la SCI (société civile immobilière) familiale Maetz est créée et achète un terrain à bâtir ZA du Parc Chemin Renault à St Germain sur Ille. Les plans des futurs bâtiments ont été dessinés par l’Atelier ALP. La construction prévue courant 2016, a été réalisée pour les murs pendant des chantiers participatifs en juin, juillet, septembre et octobre, encadré par l’entreprise. Depuis septembre 2016 un nouveau salarié en CDI a rejoint l’équipe, Baptiste Hamel. En 2017, toute l’équipe tègre les locaux, ce qui cilite l’organisation chantiers et la gestion du tériel.
infades ma-
En 2018, Elsa et Thomas sont recrutés afin de compléter l’équipe.
Fleur OUERTAL
Ghislain MAETZ
Cédric TOI Baptiste HAMEL
Elsa
Thomas
Baptiste
Saint Germain sur Ille Rennes
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3. les missions
la démolition
La
démolition est une tâche que l’on retrouve surtout dans les chantiers de rénovation. En effet, par manque de connaissance technique et des particularités du patrimoine en terre crue, nombres de bâtisses ont été et sont encore dénaturées. Lors d’un des chantiers auxquels j’ai pu participer, un enduit composé de maille métallique et de ciment avait été appliqué sur l’ensemble des façades dont les murs avaient été réalisés en terre crue. Malheureusement ce matériau ne possède par les qualités perspirantes (perméables à la vapeur d’eau
fig.1
fig.4 14
fig.2
mais étanche à l’air) que possède la terre crue et ne permet pas d’apprécier les avantages de la terre crue. Nous avons donc dû décoller tout l’enduit pour mettre à nu le mur en terre afin de le rénover avec les techniques de maçonnerie terre crue. Pour cela nous avons utilisé plusieurs outils comme le burineur (fig.1&2) ou sa version manuelle pour les endroits plus délicats : le marteau et le burin (fig.3). Nous avons aussi utilisé la meuleuse pour découper de larges pans d’enduits (fig.4&5) ou bien le pied de biche pour décoller en faisant levier (fig.6)
fig.3
fig.5
fig.6
la préparation des murs
La
préparation des murs est une étape primordiale qu’il s’agisse d’une construction neuve ou d’une rénovation. Il s’agit de rendre le mur le plus droit et plan possible et de lui donner les capacités de bien accrocher la matière. A l’aide de grattons on vient gommer les bosses et on prépare le mur pour qu’il accroche correctement la matière que l’on va ensuite appliquer (fig.1). Dans un second temps on vient arroser le mur abondamment (fig.2). Cette étape est renouvelée plusieurs fois en été à cause
de l’évaporation. Ensuite on vient encoller le mur. Il s’agit d’étaler l’enduit en couche fine. Cette étape se fait à la main et est appelée «à l’africaine» (fig.3). Cette étape permet que l’enduit adhère bien au mur par la suite. La dernière étape de la préparation du mur est le colmatage des trous. En effet, on vient reboucher les trous avec de l’enduit ou bien avec des morceaux d’adobe recouverts d’enduit (fig.4).
fig.1
fig.2
fig.3
fig.4
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la préparation du chantier et la vaisselle
Lors de mon stage j’ai
pu participer à des missions qui peuvent paraître anecdotiques mais qui font partie intégrante de l’organisation du chantier. Tout d’abord la préparation du chantier. J’ai aidé à poser les moquettes de protection afin de préserver les sols intérieurs et extérieurs des clients. Nous avons également posé des planches de protection sur le sol et sur les carrées (fenêtres) extérieures. La pose d’échafaudage lors du ravalement de façade a également été indispensable, toute une journée a été nécessaire pour démonter une partie d’un échafaudage et remonter un grand. Une autre mission est la vaisselle, il s’agit de
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nettoyer tous les outils utilisés dans la journée. C’est un moment important car c’est ce qui permet aux outils de durer dans le temps et d’être toujours aussi efficaces (les lisseuses par exemple).
la préparation de la matière
La
préparation de la matière est une tâche indispensable, elle dure en général une demi-journée, cela varie selon la quantité souhaitée. Tout d’abord, il faut préparer la barbotine, c’est un mélange de terre et d’eau qui a la consistance d’une pâte à crèpe. Pour réaliser cette étape, on doit peleter la terre végétale dans la bétonnière et y ajouter de l’eau (fig.1), un tamis est placé sur la bétonnière pour filtrer les graviers et cailloux indésirables (fig.2). Cette barbotine va remplir une cuve et servira de base pour les enduits intérieurs, exté-
rieurs, les mortiers ect.. Ensuite pour préparer l’enduit, on vient ajouter à 10 seaux de barbotine 6 seaux de sable, 3 seaux de chanvre et une portoire de paille. Les fibres doivent être décompactées, sinon cela fausse les mesures, de plus il ne faut pas les mettre trop vite car cela risque de faire des grumeaux.
tamis
étapes de la préparation de la matière
fig.1
fig.2
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4. les mises en oeuvre
l’enduit
Lors
de mon stage j’ai pu réaliser beaucoup d’enduits. Des enduits intérieurs pendant la période d’hiver et des enduits extérieurs, de façade lors de la période d’été. L’enduit est composé de barbotine, un mélange de terre et d’eau qui a la consistance d’une pâte à crêpe, de sable et de fibres. Pour l’enduit extérieur, on rajoute parfois de la chaux qui a un effet déperlant. L’enduit de terre est plus écologique car on utilise 3 fois moins de sable qu’un enduit à base de ciment. J’ai eu l’occasion de participer à la préparation de l’enduit. Tous les ingrédients sont
fig.1
fig.2
mélangés dans une bétonnière. (voir «préparation de la matière» p.17) Pour l’appliquer on utilise plusieurs outils et différentes techniques. J’ai moi-même pu participer, j’ai d’abord étalé à la main l’enduit sur le mur (fig.1). Ensuite, il faut vérifier l’absence de creux et de bosses, à l’aide d’une grande règle métallique, pour pouvoir répartir correctement la matière (fig.2). Ensuite on vient corriger les aspérités avec une taloche(fig.3)et enfin lisser la matière avec une lisseuse ou truelle japonaise. Cette dernière étape se fait par des mouvements latéraux ou de bas en haut (fig.4&5).
fig.3
taloche
lisseuse
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fig.4
fig.5
avant de commencer : la terre, un matériau particulier
Lors
de ce stage, j’ai pu être sensibilisée à un matériau très spécifique : la terre crue. C’était une technique de fabrication que je connaissais un peu mais j’ai eu l’occasion de développer mes connaissances à ce sujet. La terre se présente sous 5 états : - liquide (la barbotine) - visqueux ( mélange pour adobe, enduit, torchis..) - plastique (bauge) - humide (pisée) - humeur Ces états sont définis selon la proportion d’argile ou de sable et sont adaptés pour chaque technique de construction qui ellesmême s’adaptent au milieu où est construit le bâtiment. Par exemple, dans le Sud de la France où la terre est plus sableuse,
on utilise une technique où on compacte la matière entre des banches (coffrage ou panneau de coffrage utilisé pour la réalisation de murs): le pisée. Il faut savoir que la terre utilisée est la terre végétale, celle qui se trouve sous nos pieds. On peut la récupérer sur d’autres chantiers lors de travaux de terrassement par exemple, ce qui permet de travailler localement et d’éviter les dépenses de CO2 liées au transport. Les constructions sont en terre crue et non pas cuite, une terre cuite consomme de l’énergie grise (quantité d’énergie nécessaire lors du cycle de vie d’un matériau ou d’un produit) et la terre crue possède des qualités de perspiration. Des tests existent pour déterminer si la terre est «bonne» pour réaliser un ouvrage (fig.1).
malaxer mélanger avec de l’eau
fig.1
écouter
test pour déterminer le taux d’argile
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le mur en bauge
Le mur en bauge est épais
de 40 à 60 cm, voir plus, et est formé de façon monolithique. Le procédé est le suivant : on dispose en alternance un lit de paille, un lit de terre puis à nouveau un lit de paille (fig.1). On vient mélanger la terre et les fibres en écrasant le lit avec les pieds jusqu’à ce que cela devienne une galette (fig.2). On découpe cette galette à l’aide de paroirs pour en faire de petits carrés d’environ 20/30 cm de côté (fig.3). On va ensuite empiler ces carrés dans des banches, selon un
angle à environ 45°(fig.4). Nous avons pu les entasser à l’aide d’une fourche mais ils peuvent être directement lancés à la main. On vient ensuite tasser le mur en montant dessus et en écrasant avec les pieds afin qu’il soit bien conpact et solide(fig.5). Enfin on vient égaliser les cotés du mur avec le paroir (fig.6). Pour garantir l’étanchéité et la solidité du mur, un soubassement en parpaing avait été réalisé et une toiture va l’être prochainement, nous avons d’ailleurs pu disposer les sablières.
paille terre paille sur support
fig.1
fig.2
fig.3
banches
fig.4 22
fig.5
fig.6
le mur d’adobe
L’adobe est une brique de
terre crue façonnée à la main ou moulée (fig.1&2), puis séchée pendant quelques jours à l’air libre ou sur des aires couvertes (fig.3). Argiles, limons et sables sont mélangés à de l’eau pour atteindre l’état platique (modelable), et également à des fibres (paille, chanvre, lin) pour réduire les fissures lors du séchage. Les briques peuvent avoir différentes dimensions, celle de base étant la «nubienne», on trouve aussi la «demi-nubienne». Les adobes sont surtout utili-
sées pour réaliser des ouvrages qui demandent un temps de prise plus rapide, comme les voûtes par exemple. Elles sont assemblées à l’aide d’un mortier d’eau, de terre et de sable sur un soubassement (fig.4). Lors de mon stage nous avons réalisé un mur afin de fermer l’une des pièces de l‘atelier. Nous avons utilisé le cordeau afin d’obtenir un résultat plan et uniforme. On vient d’abord déposer deux boudins de mortier(fig.5), ensuite on humidifie l’adobe et on la pose sur le mortier (fig.6). Ensuite on ajuste le niveau par rapport au cordeau avec un maillet (fig.7). séchoir
moule
soubassement
fig.1
fig.5
fig.2
fig.3
fig.6
fig.4
fig.7
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5. les conditions de travail
préserver son corps, un outil de travail
Un
des aspects qui m’ont marqué au sein de cette entreprise est la prise en considération du corps comme un outil de travail à part entière. Et plus encore, la volonté de le préserver au maximum. J’ai trouvé que cet aspect différait beaucoup des autres chantiers que j’ai pu voir et auxquels j’ai pu participer. Ainsi, tous les matins, un échauffement d’au moins 10 min était réalisé par tous les maçons, ainsi que des étirements. Tout au long de la journée , les maçons pratiquent des gestes spéciaux et prennent certaines postures afin de préserver leur dos et leurs articulations (fig.1). Ils n’hésitent pas à transmettre leurs techniques et conseils aux stagiaires.
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fig.1
De plus, les postes de travail sont adaptés. On utilise par exemple des poulies pour monter les seaux sur les échafaudages. D’autres moyens sont mis en place pour préserver la santé des maçons, par exemple lors de la démolition où des lunettes, des masques et des casques antibruit sont prévus. Nous avions également accès à des gants de protection pour manipler les enduits contenant de la chaux car c’est un produit irritant. Une large place est laissée à la perception, au toucher, au ressenti et cela place le corps du maçon au coeur de la pratique.
relations et communication
La
communication prend une place importante au sein de l’entreprise. Elle se déroule à plusieurs niveaux. Tout d’abord, la communication est essentielle au sein de l’entreprise, entre les maçons eux-mêmes. Par exemple, de petites réunions informelles ont lieu à l’atelier pour faire des bilans sur les chantiers réalisés, sur le matériel, pour la répartition en équipes. La communication se fait aussi entre les maçons et la partie administrative, j’ai pu assister à une réunion informelle sur les salaires ( nouvelle répartition des cottisations patronales/chômage) ainsi que des points sur le chiffrage. La communication se fait également entre les clients et les maçons. Ils viennent contrôler le chantier, parler des techniques. Lors d’un de mes chantiers, les maçons ont même expliqué des techniques pour que les clients puissent réaliser eux-même des joints chaux-sable. La communication se fait également entre les maçons et les stagiaires. Ils ont l’habitude de recevoir des
stagiaires en architecture mais également des personnes en formation dans le domaine de la construction en terre. De plus, ils réalisent régulièrement des chantiers participatifs. Tout ces aspects font que les maçons expliquent beaucoup la manière dont ils font les choses, et de façon très pédagogique. Ils ont cette volonté de faire connaître la construction en terre. Les échanges entre maçons et architectes ou conducteurs de travaux ont également lieu. Ces derniers viennent voir le chantier et assurent le lien entre les clients et les maçons pour que le chantier se déroule dans les meilleures conditions possibles. J’ai également pu observer lors d’un chantier une mutualisation de l’échafaudage entre les maçons et le couvreur. La communication entre les différentes entreprises qui interviennent est très importante car des tensions peuvent survenir dans certains chantiers à cause d’une mauvaise organisation. Par exemple, ici, les finitions du couvreur empêchaient les maçons de poursuivre l’enduit
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6. bilans
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une prise de conscience
Ce
stage m’a permis de comprendre l’organisation d’un chantier J’ai pu expérimenter la matière et la travailler. Mais aussi aborder des thèmes classiques dans la cnstruction. J’ai pu faire partie intégrante de l’équipe, plus qu’une simple stagiaire, j’ai moi-même participé aux différentes tâches. J’ai été sensibilisée au domaine de la terre crue, une matière encore trop méconnue qui possède pourtant de multiples avantages. Plus qu’un simple stage, c’est une expérience qui a été pour moi une prise de conscience. Les ouvriers qui m’ont acceuillie et enseigné ont fait preuve d’une grande patience à mon égard et leur passion pour le métier m’a motivé et donné envie d’en savoir davantage, notamment par le biais d’ouvrages recommandés par les maçons.
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