Il était une fois en Amérique de Sergio Leone

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LES MEILLEURS FILMS DE NOTRE VIE Collection dirigée par Enrico GiacovElli

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IL ÉTAIT UNE FOIS EN AMÉRIQUE [ 1984 ] DE

SERGIO LEONE ILARIA FEOLE

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IL ÉTAIT UNE FOIS EN AMÉRIQUE DE SERGIO LEONE

Leone

Nom

Prénom Né le À

Sergio

3 janvier 1929

Rome (Italie)

Mort le

30 avril 1989

À

Rome

De

infarctus

Enterré à

Pratica di Mare (province Rome), Italie

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LA CARTE D’IDENTITÉ DU RÉALISATEUR

Filmographie (réalisation)

Les Derniers Jours de Pompéi (Gli ultimi giorni di Pompei, 1959)1 Le Colosse de Rhodes (Il colosso di Rodi, 1961) Pour une poignée de dollars (Per un pugno di dollari, 1964) Et pour quelques dollars de plus (Per qualche dollaro in più, 1965) Le bon, la brute et le truand (Il buono, il brutto, il cattivo, 1966) Il était une fois dans l’Ouest (C’era una volta il West, 1968) Il était une fois la révolution (Giù la testa, 1971) Mon nom est Personne (Il mio nome è Nessuno, 1973)2 Il était une fois en Amérique (Once Upon a Time in America, 1984)

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Crédité comme réalisateur de seconde équipe uniquement alors qu’en réalité il a dirigé une bonne partie du film (signé pourtant par Mario Bonnard). 2

Non crédité, il a dirigé plusieurs scènes (parmi les plus importantes et les plus réussies) du film, signé pourtant par Tonino Valerii.

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IL ÉTAIT UNE FOIS EN AMÉRIQUE (Once Upon a Time in America, 1984)

réalisation : Sergio Leone ; sujet : roman de Harry Grey The Hoods (1953) ; scénario : Franco Arcalli, Leonardo Benvenuti, Piero De Bernardi, Enrico Medioli, Franco Ferrini, Sergio Leone ; dialogues ajoutés : Stuart Kaminsky ; musique et direction musicale : Ennio Morricone [morceaux ajoutés : God Bless America (Berlin), Summertime (George & Ira Gershwin, DuBose Heyward), Night and Day (Porter), Yesterday (Lennon & McCartney), Amapola (Lacalle & Morricone), Ouverture de La Pie Voleuse (La gazza ladra, Rossini) dirigée par Francesco Molinari Pradelli] ; son : Jean Pierre Ruhu ; photographie : Tonino Delli Colli (Technicolor) ; chef-opérateur : Carlo Tafani ; décors : Carlo Simi, James Singelis ; costumes : Gabriella Pescucci, Richard Bruno ; montage : Nino Baragli ; casting : Cis Corman, Joy Todd ; réalisateurs adjoints : Fabrizio Sergenti Castellani, Luca Morsella ; assistants réalisateurs : Dennis Benatar, Amy Wells. interprètes et personnages : Robert De Niro (David “Noodles” Aaronson), James Woods (Max Bercovicz), Elizabeth McGovern (Deborah Gelly), Treat Williams (Jimmy Conway O’Donnell), Tuesday Weld (Carol), Burt Young (Joe), Joe Pesci (Frankie Monaldi), Danny Aiello (Vincent Aiello, le chef de la police), William Forsythe (Philip “Cockeye” Stein), James Hayden (Patrick “Patsy” Goldberg), Darlanne Fluegel (Eve), Larry Rapp (Fat Moe Gelly), Dutch Miller (Van Linden, le marchand de diamants), Robert Harper (Sharkey, le syndicaliste), Richard Bright (Chicken Joe), Gerard Murphy (l’affairiste Crowning), Amy Ryder (Peggy), Ray Dittrich (“Trigger”, assassin d’Eve), Frank Gio (“Beefy”, assassin d’Eve), Mario Brega (“Mandy”, assassin d’Eve), Karen Shallo (madame Aiello), Angelo Florio (Willie “the Ape”), Scott Tiler (Noodles adolescent), Rusty Jacobs (Max adolescent / David Bailey), Jennifer Connelly (Deborah adolescente), Brian Bloom (Patsy adolescent), Adrian Curran (Cockeye adolescent), Mike Monetti (Fat Moe adolescent), Julie Cohen (Peggy adolescente), Noah Moazezi (Dominic), Richard Foronjy (l’agent “Whitey”), James Russo (Bugsy), Frankie Caserta et Joey Marzella (comparses de

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Bugsy), Clem Caserta (Al Capuano), Frank Sisto (Fred Capuano), Jerry Strivelli (Johnny Capuano), Marvin Scott (Marvin Brentley, intervieweur télé), Mike Gendel (Irving Gold, l’avocat de Bailey), Paul Herman (“Monkey” le barman), Olga Karlatos (spectatrice dans le théâtre chinois), Ann Neville (jeune fille dans le cercueil), Joey Faye (vieil homme à côté du corbillard), Linda Ipanema (infirmière Thompson), Tandy Cronin, Richard Zobel et Baxter Harris (chroniqueurs), Arnon Milchan (chauffeur de la limousine), Bruno Iannone (hooligan), Marty Licata (gardien du cimetière), Louise Fletcher (directrice du cimetière), Marcia Jean Kurtz (mère de Max), Estelle Harris (mère de Peggy), Chuck Low (père de Deborah), Gerrit Debeer (ivrogne que rencontre Max), Alexander Godfrey (vendeur de journaux), Cliff Cudney et Paul Farentino (policiers à cheval), Bruce Bahrenburg (sergent Halloran), Mort Freeman (chanteur de rue), Sandra Solberg (amie de Deborah adolescente), Jay Zeely (chef d’équipe), Susan Spafford (infirmière), Ron Nummi (serveur), Massimo Liti (maquereau dans le théâtre chinois), Claudio Mancini (assistant aux actualités cinématographiques), Francesca Leone (amie de Bailey), Margherita Pace (doublure nue de Jennifer Connelly). principaux acteurs de doublage dans la première version de 1984 : Michel Creton pour Robert De Niro, Pierre Vaneck pour James Woods, Annie Balestra pour Elizabeth McGovern, Florence Giorgetti pour Tuesday Weld, Marc de Georgi pour Joe Pesci, Serge Sauvion pour Burt Young, Jacques Balutin pour Danny Aiello, Bernard Tiphaine pour Treat Williams, Pierre Garin pour Richard Foronjy. origine : Italie / États-Unis. production : The Ladd Company, Embassy International Pictures, PSO (producteur : Arnon Milchan ; producteur exécutif : Claudio Mancini). tournage (intérieur) : Cinecittà (Rome), Hotel Excelsior (Venise). tournage (extérieur) : New York [Williamsburg Bridge, Manhattan Bridge, Brooklyn, Woodlawn Cemetery, Vinegar Hill], New Jersey [Spring Lake, Hoboken Terminal], St. Petersburg Beach Florida [Don Cesar Hotel] (usa) ; Montréal, Louiseville (Canada) ; Paris [Gare du Nord] (France) ; Bellagio, Pietralata (Italie). durée cinématographique : 218’ (version originale), 139’ (version américaine de la Ladd Company), 228’ (version britannique), 245’ (version restaurée par la Cinémathèque de Bologne en 2012). distributeurs : Titanus (Italie), Warner Bros (usa). 1re projection : 20 mai 1984 (Festival de Cannes). 1re projection américaine : 1er juin 1984. 1re projection Française : 23 mai 1984.

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Scott Tiler / Robert De Niro – Noodles

Rusty Jacobs / James Woods – Max

Jennifer Connelly / Elizabeth McGovern – Deborah

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Adrian Curran – William Forsythe / Cockeye

Mike Monetti / Larry Rapp – Fat Moe

Brian Bloom / James Hayden – Patsy

Julie Cohen / Amy Ryder – Peggy

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Tuesday Weld – Carol

Treat Williams – O’ Donnel

Burt Young – Joe

Joe Pesci – Frankie Monaldi

Danny Aiello – Vincent Aiello

Darlanne Fluegel – Eve

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synopsis New York, 1933. Un trio de gangsters est à la recherche de Noodles : en tentant d’obtenir des informations, ils tuent sa compagne Eve et rouent de coups son ami Moe. Les hommes se rendent au théâtre chinois, où Noodles est en train de fumer de l’opium ; il a sur lui un journal qui annonce la mort de ses trois associés et amis les plus chers. Noodles réussit à fuir et parvient à atteindre l’établissement de Moe, où il assassine un tueur à gages ; là-bas, il récupère la clé du dépôt de la gare dans laquelle les trois associés conservent leurs gains, mais quand il arrive à destination, il découvre que l’argent a disparu et la valise ne contient que des journaux. Il prend un aller simple pour Buffalo. New York, 1968. C’est un Noodles d’un certain âge qui revient en ville : il a reçu une mystérieuse missive qui l’informe que les corps de ses trois amis seront déplacés, un signal inquiétant, étant donné qu’il vit sous une fausse identité depuis 35 ans. Il rend visite à Moe, qui lui propose de l’héberger, et se perd dans des souvenirs du passé. New York, 1922. Noodles est adolescent et a un faible pour la soeur de Moe, Deborah, une future danseuse ; mais il n’y pas de place pour les sensibleries dans sa vie, puisqu’avec ses amis Patsy, Cockeye et Dominic il fait partie d’une bande de jeunes délinquants à la solde du boss du quartier, Bugsy. Alors qu’ils tentent de dépouiller un ivrogne, ils sont pris de court par un jeune plus malin qu’eux ; il s’agit de Max, qui vient d’arriver dans le quartier avec sa famille. De rivaux, Noodles et lui deviennent ensuite amis et le jeune homme entre dans la bande. Ensemble, les cinq compères font un gros coup quand ils surprennent en flagrant délit l’agent de police Whitey et la jeune Peggy, qui vit dans le même immeuble que Noodles et lui accorde ses grâces en échange de gâteaux à la crème. Max et Noodles photographient le policier et utilisent la photo pour le faire chanter, obtenant

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ainsi que ce dernier ferme l’oeil sur leurs activités criminelles : les cinq jeunes ont en effet décidé de se mettre à leur compte. Noodles est sur le point de couronner son rêve romantique avec Deborah quand il est de nouveau interrompu : Bugsy a décidé de le lui faire payer et met Noodles et Max en pièces. Le gang n’abandonne pas et élabore un plan ingénieux qu’ils proposent aux trafiquants et qui leur permettrait de récupérer les cargaisons jetées en mer : l’idée a beaucoup de succès et les cinq amis inaugurent leur dépôt de fonds, dans une valise conservée à la gare, en se promettant de ne l’ouvrir que quand ils seront tous présents. Cependant, à la sortie de la gare, Bugsy leur tend une embuscade et blesse à mort le jeune Dominic. Aveuglé par la rage, Noodles poignarde le boss et dans un accès de colère, il atteint aussi un policier qui s’était rendu sur les lieux : le délit lui vaut 11 ans de prison. 1968. Noodles se rend sur la tombe de Max, Patsy et Cockeye, un grand mausolée dont la porte est scellée par un mécanisme musical qui reproduit la chanson que Cockeye jouait à la flûte. Une plaque indique que le commanditaire de l’oeuvre n’est autre que Noodles lui-même et, à l’intérieur de la tombe, ce dernier trouve une clé qui le guide jusqu’au fameux coffre-fort. La valise, cette fois-ci, est pleine : il y trouve des liasses de billets ainsi qu’un message indiquant qu’il s’agit d’une avance pour son « prochain travail ». 1933. Noodles est libre : Max l’attend à la sortie de la prison, avec une prostituée payée pour l’occasion. Il lui montre ensuite l’activité florissante de la bande : ils ont ouvert un speakeasy derrière l’établissement de Moe, à la barbe du Prohibitionnisme, où le whisky coule à flots et où la fête dure toute la nuit. Noodles retrouve tous ses vieux amis, dont Peggy, qui est désormais la trésorière du groupe, et Deborah, qui est devenue une grande danseuse et l’invite à son prochain spectacle. Sans perdre de temps, Max présente Noodles à Frankie, leur associé, qui propose au gang un coup apparemment facile : à Dé-

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troit, la femme d’un bijoutier sera complice afin qu’ils puissent voler une cargaison de diamants. Noodles n’apprécie pas l’ingérence du personnage, mais il participe au cambriolage, pendant lequel il brutalise la femme du bijoutier, Carol. Cependant, au moment de l’échange, après avoir pris leur part, Max et les autres descendent la bande de Détroit : le plan avait été prémédité mais ils l’avaient caché à Noodles, qui se venge en faisant précipiter la voiture et tous ses occupants dans l’eau. 1968. Noodles entend parler à la télévision de problèmes qu’un certain sénateur Bailey rencontre avec la justice. Aux informations, il voit également James Conway O’Donnell, un syndicaliste qu’il a connu dans le passé. 1933. Noodles, Max et les autres continuent de développer leur activité mafieuse en soutenant des ouvriers qui font grève en occupant une usine : ils sauvent la vie du syndicaliste O’Donnell et, pour convaincre le chef de la police Aiello de ne pas détruire l’usine, ils remplacent son fils né il y a peu par une petite fille (pour ce faire, ils échangent tous les bracelets de la nursery à l’hôpital, mais ils ne sont plus par la suite capables de les relier aux différents propriétaires). Alors qu’ils se trouvent dans un bordel de luxe géré par Peggy, ils reconnaissent Carol, la femme du bijoutier ; Peggy l’invite à faire la connaissance de la bande et elle devient à partir de ce moment la maîtresse de Max. Pendant ce temps, Noodles réussit enfin à obtenir une soirée avec Deborah : il réserve pour elle un restaurant entier et ils se déclarent leur amour réciproque, mais quoi qu’il en soit Deborah est bien décidée à faire carrière en tant qu’actrice et lui communique qu’elle partira le lendemain pour Hollywood. Dans la voiture, alors qu’il la raccompagne, Deborah embrasse Noodles, qui répond violemment et la brutalise. Le lendemain, il court à la gare pour la voir partir, mais elle refuse de le voir. L’ambition de Max et sa relation avec Carol provoquent des tensions dans sa relation avec Noodles ;

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Max est intéressé par la proposition que lui fait un homme politique, qui leur offre le soutien de son parti, mais Noodles considère qu’ils gagnent suffisamment d’argent pour ne pas avoir besoin de se mêler au monde politique. Peu après, alors que le groupe est en vacances en Floride, la nouvelle annonçant la fin du Prohibitionnisme leur arrive : pour remédier à l’absence de gains, Max propose à Noodles un plan complètement fou, celui de cambrioler la Federal Reserve Bank. Terrorisée à l’idée que le coup puisse être fatal, Carol demande l’aide de Noodles : ils ne peuvent pas convaincre Max de changer d’avis, mais ils peuvent vendre la mèche à la police pour l’empêcher de tenter le coup. Noodles accepte, il communique à sa nouvelle compagne Eve qu’il sera probablement en prison pour un certain temps, et il téléphone ensuite à la police pour les dénoncer. 1968. Noodles rend visite à Carol à la Fondation Bailey. Elle lui raconte que durant la nuit de la descente, Max ouvrit le feu en premier contre les policiers: elle est convaincue qu’il voulait mourir. Noodles remarque une photo de la marraine de la fondation, une actrice, et il reconnaît instantanément Deborah. Il la rejoint dans sa loge au théâtre, après une performance dans la peau de Cléopâtre, et il lui demande des informations sur Bailey, son amant de longue date. En sortant, il tombe sur le fils de Bailey, David : c’est la copie conforme de Max dans sa jeunesse. Noodles comprend qu’en réalité Max n’est jamais mort, et que c’est lui qui a pris la somme qui se trouvait dans leur valise commune. Il se rend alors à une fête chez Bailey ; le sénateur, à savoir Max, le fait appeler dans son bureau et lui demande de le tuer. Il lui suggère qu’il s’agit de la meilleure vengeance pour sa trahison d’il y a 35 ans, mais Noodles refuse catégoriquement et, pendant toute la conversation, il ne l’appelle jamais Max. Il quitte ensuite la villa, et tandis qu’il s’éloigne il voit quelqu’un passer le portail. À ce moment-là, arrive un camion de la voirie et quand il repart, la personne en question a disparu.

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1933. Le lendemain de la descente, Max se rend au théâtre chinois, fume de l’opium, et sourit. séquences de la version longue (1h 33’39”) 1968. Dans le cimetière de Riverdale, Noodles rencontre la directrice et lui demande des informations sur la commission du mausolée. Pendant leur entretien, il remarque une voiture qui semble le suivre. La directrice lui suggère de penser aussi à une tombe pour lui. La voiture s’éloigne mais Noodles retient le numéro d’immatriculation. (2h 6’15”) 1933. Après que la voiture ait plongé dans l’eau, tout le monde refait surface à part Noodles et, l’espace de quelques secondes Max, angoissé, pense l’avoir perdu. 1968. Noodles retrouve la voiture devant la villa du sénateur Bailey, mais la voit ensuite exploser devant ses propres yeux. (2h 32’45”) Noodles et le chauffeur parlent, à l’extérieur du théâtre, avant que Deborah ne le rejoigne pour leur dîner romantique. Le chauffeur méprise le style de vie de Noodles et considère qu’il n’a pas la conduite d’un bon juif. (2h 46’55”) 1933. De retour au speakeasy après avoir violé Deborah, Noodles se soûle et rencontre une prostituée, Eve. Il la ramène chez lui et la paye en lui demandant s’il peut l’appeler Deborah, puis il s’endort. Eve lui laisse une carte avec son numéro de téléphone, qu’elle signe Deborah. (3h 26’46”) 1968. Sur la scène, Deborah interprète Cléopâtre : c’est le monologue final, avant qu’elle ne pose la vipère sur son sein. Noodles, qui se trouve dans le public, l’observe. (3h 40’24”) 1968. Pendant la fête, Bailey/Max discute avec O’Donnell, dans son bureau ; l’homme suggère au sénateur de se suicider, étant donnée la situation dans laquelle il se trouve.

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INTRODUCTION

LE FILM ET MOI Mes interlocuteurs sont toujours légèrement embarrassés face à la précision avec laquelle je me souviens de la première fois où j’ai vu Il était une fois en Amérique. C’était le soir du 20 septembre 1997 et je venais tout juste d’avoir 14 ans. Le cinéma était déjà ma passion, mais mes choix de films oscillaient entre Star Wars, les classiques des années quatre-vingt comme Les Goonies, les dessins animés Disney et les cycles de films avec Marilyn Monroe que je regardais avidement chaque été à la télévision. Voir le chef-d’œuvre de Sergio Leone fut fondamental : je ne pensais pas qu’un film puisse être si impressionnant, si violent, si bouleversant, si long, aussi, et tout cela en même temps. Comme une épiphanie sur le petit écran – je l’ai vu à la maison, le samedi soir après ma première semaine de lycée – le film me révéla, en 229 minutes, ce qu’était vraiment le cinéma, et il devint la référence (probablement injuste) à partir de laquelle je me basais pour juger tous les films suivants. L’impact émotif, à travers les yeux d’une spectatrice inculte en histoire et théorie du cinéma, fut certainement amplifié à ce moment-là par le fait que j’avais le même âge que les jeunes protagonistes : ce fut le lien entre cette bande d’adolescents qui me toucha, l’amitié fraternelle entre Max et Noodles, la malice de ces coureurs de jupons, qui restaient encore des enfants, et la tragédie de cette enfance interrompue

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par la prison. J’enregistrai le film lorsqu’il repassa à la télévision, pour pouvoir l’avoir à disposition, en achetant pour l’occasion une vidéo cassette de 240 minutes pour pouvoir l’avoir en entier. Au fil des ans, ce film est resté pour moi un point de repère presque obsessif : Il était une fois en Amérique fait partie de cet ensemble de titres qui figurent presque systématiquement dans les programmes télévisés pendant la période de Noël (dans la grille, il est généralement programmé l’une des dernières nuits de l’année, ou l’une des premières de la nouvelle année), et chaque année j’en ai supporté la vision, en m’éloignant progressivement de l’âge des jeunes Max et Noodles, et en me rapprochant des Max et Noodles adultes, découvrant chaque fois de nouvelles lectures et de nouvelles profondeurs, tout en adhérant encore et encore à cette expérience avec une vénération presque dévote. La scène finale, le sourire énigmatique de Noodles à la fumerie, a toujours été un délicieux dénouement, une ambiguïté que je n’imaginais pas que le cinéma puisse atteindre, en tant que jeune fille habituée aux finals nets et résolus. Je ne connaissais pas Sergio Leone à l’époque de cette première découverte, et je n’avais jamais vu ses westerns, que j’ai snobés pendant très longtemps, avec la ferveur d’une amoureuse, en les considérant indignes de ce chef-d’œuvre. Ce n’est que plus tard, lorsque j’étais étudiante à l’université, que je me suis intéressée à ses autres films, grâce aux cours de cinéma mais aussi, paradoxalement (ou pas), grâce à Quentin Tarantino. Exaltée par son style hyper-cinéphile, je découvris qu’il avait pour habitude de demander un premier plan rapproché à l’opérateur en lui disant « Give me a Sergio Leone » et qu’avec Kill Bill (2003) il avait rendu hommage aux westerns spaghetti et aux musiques d’Ennio Morricone. Ce n’est qu’à partir de ce moment-là que je pénétrai dans la production western de Leone, tout en restant fidèle à mon inébranlable dévotion pour Il était une fois en Amérique, traditionnellement beaucoup moins connu, étudié et populaire que les

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autres westerns de Sergio Leone, à propos desquels il existait une littérature beaucoup plus fournie et une omniprésence bien supérieure dans l’imaginaire collectif. En 2012, je me suis rendue pour la première fois au Festival de Cannes en tant qu’envoyée spéciale de l’hebdomadaire « Film Tv ». Cette année-là, le 18 mai, la version longue, avec ses 26 minutes restaurées et insérées à l’intérieur du film, était présentée dans la section Cannes Classics. La trépidation avec laquelle j’ai fait la queue, avec beaucoup trop d’heures d’avance, devant la salle Buñuel du Palais du Cinéma, était celle de quelqu’un qui revit ses 14 ans. C’était surtout la première fois que je pouvais voir le film sur grand écran : une émotion unique. La projection, devant une salle à peine pleine, fut un étrange partage d’émotions : de nombreux collègues connaissaient le film par cœur et récitaient souvent les répliques à haute voix, comme dans l’une de ces projections sing along des classiques du music-halls. Une sorte de rite collectif. Un journaliste assis à côté de moi s’endormait de temps en temps (certainement pas à cause de la nature loin d’être soporifique du film mais plutôt parce qu’il se sentait comme chez lui, devant les images d’un film aussi connu) et se réveillait en déclamant aussitôt des dialogues entiers, mot pour mot, comme si de rien n’était. Pour la première fois, j’ai perçu une dimension de culte autour de mon objet de culte personnel. Ce fut aussi la première fois, étrangement, que je vis le film en langue originale, et je vous avoue ce qu’aucun critique cinématographique ne devrait jamais admettre, c’est-à-dire un engouement personnel, à la limite de la préférence, pour la version doublée en italien de Il était une fois en Amérique, avec la voix unique de Ferruccio Amendola qui donne à la voix de Noodles une tendresse plus consistante, comme si sa voix pâteuse était un élément supplémentaire de nostalgie et de lien avec le passé, cette voix si différente de celle, nerveuse et moderne, qui a fait de Robert De Niro l’un des plus grands interprètes de sa géné-

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ration. Il est probablement inévitable que le rapport avec un film que l’on a vu dans sa jeunesse soit plus fort lorsqu’il s’agit d’une version dans sa langue maternelle. Au cours des années Il était une fois en Amérique est devenu pour moi un solide point de comparaison : chaque film que j’ai aimé, chaque engouement durable ou passager pour un réalisateur, passait à un moment donné par cette confrontation, de laquelle sortait toujours vainqueur le film de Leone. Au moment d’écrire la critique de la version longue du film, diffusée dans les salles de cinéma italiennes à la fin de l’année 2012, j’affirmais que « si l’Histoire du Cinéma était supprimée par accident de la mémoire du monde, une projection de Il était une fois en Amérique suffirait à la faire revenir entièrement. Il suffirait que Noodles / Robert De Niro approche ses yeux de ce trou dans le mur de la salle de bain et revoie, pleine de farine et d’amour, Deborah / Jennifer Connely danser sur Amapola : nous nous souviendrions tous de ce qu’est le Cinéma et du pourquoi de cette invention ». Revoir les scènes restaurées me confortait dans l’idée que non seulement le film entier, mais aussi ses extraits choisis plus ou moins au hasard, contenaient et comprenaient le cinéma tout entier. C’est peut-être justement par sa nature d’hommage et, en même temps, de démystification du monde du cinéma qu’Il était une fois en Amérique touche encore aujourd’hui les spectateurs de ma génération, qui ont grandi avec le métacinéma, qui ont trouvé en Quentin Tarantino et son citationnisme paroxystique un miroir de leur enfance et de leur adolescence nourrie de VHS. C’est seulement plusieurs années après avoir vu le film pour la première fois que j’ai compris que ce qui avait été pour moi un rite d’initiation et une célébration du cinéma, était aussi une sorte de rite funèbre pour le septième art, un enterrement élégant et passionné de ce mythe. Jean Baudrillard étiqueta Leone comme « le premier réalisateur cinématographique post-moderne » et Christopher Fraylling, biographe et exégète de Leone, se rappelle

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INTRODUCTION

que ce fut lui qui eut l’intuition que « les films pourraient être tournés vers d’autres films, plutôt que vers le monde réel », intuition que la génération suivante, celle de la New Hollywood et du début de l’époque des blockbusters, a fait sienne. C’est Sergio Leone lui-même qui cite les noms d’autres réalisateurs, en soulignant l’influence que son cinéma a eu sur eux : « George Lucas m’a dit qu’il faisait référence à la musique et aux images d’Il était une fois dans l’Ouest quand il a construit Star Wars, qui était en réalité un western de seconde division qui se déroule dans l’espace. Tous ces jeunes réalisateurs d’Hollywood, George Lucas, Steven Spielberg, Martin Scorsese, John Carpenter, ils parlent tous de ce qu’ils doivent à mon travail »1. Mais dans le film de Sergio Leone, il n’y a pas que du cinéma : il y a aussi l’Histoire, vécue à la première personne, filtrée par les souvenirs. Et il y a une fracture tragique entre ces souvenirs et le mythe édifié par le cinéma, un fossé que Leone comble de mélancolie funéraire. Lui-même fut surpris du succès qu’obtint le film auprès des jeunes générations, à sa sortie : « Je pensais que je tournais quelque chose pour les hommes de mon âge, avec les souvenirs d’une certaine expérience et d’un certain cinéma. Je n’avais pas tort car cette génération a aimé le film. Mais ceux qui l’ont aimé jusqu’au délire, au point de le voir vingt-cinq fois, ce sont les gens de vingt ans. Des gens qui n’ont pas connu le cinéma et qui ignorent les noms de Griffith, de Stroheim, de Ford et même de Chaplin »2. Des gens comme la soussignée, qui ont ensuite appris, avec les années, à découvrir et à aimer ce cinéma, grâce à Il était une fois en Amérique.

1

Christopher Frayling, C’era una volta in Italia – Il cinema di Sergio Leone, Cinémathèque de Bologne , 2014, p. 19. 2

Noël Simsolo, Conversation avec Sergio Leone, Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma, 1999, p. 179.

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