Le Prieuré Saint-Gabriel – L’École d’Horticulture et du Paysage

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Le prieurĂŠ de Saint-Gabriel


Le prieuré de Saint-Gabriel est situé dans le Calvados, entre Caen et Bayeux, à quelques kilomètres des plages du débarquement. Nous sommes dans le Pays du Bessin.


L’Ecole d’Horticulture et du Paysage


Au XIe siècle, après les invasions normandes, l’église souhaite se réimplanter en Normandie. Sous Guillaume le Conquérant, la construction de dix-huit abbayes est lancée, dont l’abbaye de Saint-Gabriel. Une très grande église est édifiée au début du XIIe siècle. Suite à un différend avec le baron local, la construction des autres bâtiments s’arrête. L’abbaye ne sera qu’un prieuré. Au XIIIe siècle une porterie et un mur d’enceinte sont construits.

Au XIVe-XVe une tour de guet dite tour de justice est édifiée pour prévenir d’un débarquement anglais qui aura lieu, mais… six siècles plus tard un certain 6 juin. Au XVIe siècle, un corps de logis prieural est construit pour compléter les bâtiments.

Au milieu de XVIIIe siècle, le prieuré est en ruine, les derniers moines le quittent, les vestiges de la nef et des chapelles sont rasés et le prieuré devient une ferme. Il est racheté par un propriétaire parisien au début du XXe siècle et devient en 1925, une école d’agriculture pour former les jeunes fils d’agriculteurs morts lors de la Première Guerre mondiale. L’école deviendra horticole au début des années soixante.


Nos élèves sont, des amoureux de l’horticulture, des jeunes démotivés ou pour certains des "petits cabossés de la vie". Nos objectifs avec eux sont de : Leur redonner confiance dans leurs capacités (ainsi qu’à leur famille). Leur permettre d’acquérir un niveau pour intégrer un CAP ou une seconde professionnelle.

Leur donner une ouverture d’esprit par l’intermédiaire de deux modules spécifiques à l’enseignement agricole, l’un lié à la vie sociale et culturelle et l’autre lié à la mise en place d’activités de loisirs.


Cette démarche pédagogique de projets, aide à motiver les élèves, à les rendre autonomes, responsables et acteurs de leur formation scolaire. Nous cherchons à leur faire acquérir des connaissances, des langages et des outils propres à différents domaines artistiques et nous les accompagnons dans la conception et dans la mise en place d’un projet artistique. Chaque équipe pédagogique, en fonction de son contexte et de ses opportunités, à toute liberté pour mettre en place les projets qu’elle souhaite.


C‘est dans cet esprit que nous avons monté avec nos jeunes en 2003, une exposition estivale sur les graffiti du prieuré antérieurs à 1947. Une seconde expo en 2007 portait sur les traces laissées par les élèves.


2007 - Expo graffiti élèves

2003 - Expo graffiti antérieurs à 1947


Nous récidivons cette année. Dès novembre, nous avons organisé une exposition pomologique où le personnage central était un graffiti que nous avions agrandi. Les traits étaient en contreplaqué découpé par les jeunes. Nous les avions ensuite collés sur des tasseaux de bois pour obtenir une surépaisseur afin d’y glisser des pommes. Ce personnage sera l’emblème de notre exposition estivale.


Novembre 2014

Exposition pomologique


Nous sommes depuis quelques semaines, dans les prises d’empreintes et les moulages en plâtre. Ce projet comme tous les précédents est un projet pluridisciplinaire, déroulé tout au long de l’année. Interviennent, le français pour l’écriture des textes, les mathématiques pour les chiffrages des besoins, l’anglais pour les traductions …


Le projet pluridisciplinaire: Expo graffiti 2015


La chapelle était dans un bien triste état lorsqu’elle fut classée dans la première liste des monuments historiques.

Un seul graffito retient notre attention : « LE CITOYEN VI DOUVILLE AN 1800 9 ANNNE DE LA REPUBLIQUE ». Il est relativement grand, 70cm de long, mais il est situé à la verticale d’un mur à plus de 3 mètres de haut.


La chapelle vers 1860


Dans le corps de logis prieural deux lieux vont nous intĂŠresser : la tour du prieur et au 1er ĂŠtage la salle de justice.

Le prieur avait droit de haute et basse justice sur ses terres.


La tour du prieur et la salle de justice


L’élément majeur en est la cheminée. Sur le manteau, le graffito d’un soldat en arme du XVIe siècle. Sur la jouée d’une fenêtre, Mademoiselle Palmyre Malengreau et Julien Chamelot ont marqué leur passage. Ils sont belges. En 1916 ils sont fiancés et se marierons après la guerre. Ils auront 6 enfants. Julien Chamelot est soldat dans l’armée belge. Il a probablement été blessé, car dans la commune voisine (Villiersle-Sec), se trouvait un hôpital de convalescence pour les soldats de l’armée belge. Une belle série de 4 bateaux de ligne orne le linteau de la cheminée.



Les bateaux datent probablement du XVIIe siècle. Leur similitude tend à prouver qu’ils ont été gravés par une seule personne. Sont-ils l’œuvre d’un marin ou d’une personne qui a déjà vu des navires ? Rien ne permet de le dire. Leur représentation est certes naïve, mais plutôt détaillée.



Les voiles ne sont pas établies, la présence des ancres et la forme approximative de la coque semble attester qu’ils sont au mouillage. Ce sont des navires de guerre, gravés de profil, à une ou deux rangées de bouches à feu, symbolisées par des cupules bien marquées. Les flammes, en tête de mât sont bien marquées. Trois des quatre navires ont un pavillon de poupe, surmonté pour certains, d’une croix.



Nous distinguons sur chaque vaisseau, le mât de beaupré en biais, puis le mât de misaine, le grand-mât et à l’arrière, le mât d’artimon. En revanche, ni vergue ni voile, alors que les haubans et les étais sont présents. A noter un essai de dessin en perspective, puisque deux arcs de cercles marquent sur chaque navire, les gaillards avant et arrière.



Le troisième navire en partant de la gauche a été gravé sur un graffito plus ancien. Il représente un soldat semblable à celui du manteau de la cheminée. Le graveur n’a pas bien évalué la taille du personnage. N’ayant pas assez de place pour représenter les jambes, il a pris l’option de les arquer.



Sur la droite du linteau, le profil d’une tête de moine, identifiable à sa barbe et à son capuchon (coupé par la photo), semble regarder les bateaux. Rien n’indique qu’il soit de la même époque. Bien que gravés dans un prieuré, ces navires n’ont pas de notion d’ex-voto, mais un simple but décoratif. Nous en avons trouvé de similaires sur les cheminées de manoirs de la région.



Cette intéressante série de chaussures a été relevée en 2003 par les jeunes. Le mur est aujourd’hui inexploitable, il a été dégradé par des élèves. Nous avons replacé par superposition, à leur emplacement sur le mur, deux des chaussures.



Elle compte une bonne vingtaine de graffiti dont :

Une figurine avec un couvre-chef indéfini. Un joli graffito de bateau assez simpliste pouvant dater du XVIe siècle. Sa coque est symbolique. A noter l’esquisse d’une figure de proue et un étendard à la poupe. Le mât est représenté jusqu’à la quille, signe de la bonne connaissance de la construction marine. Les haubans sont bien marqués, pas de vergue ni de voile, sauf une voile de perroquet en haut du mât. Remarquez le buste du gabier sur la hune, avec son bonnet.

Une croix non aboutie, à double rangée de perles et aux bras asymétriques.



Il est étonnant de rencontrer sur les porches des fermes de la frange côtière du Bessin, de nombreux graffiti bateaux (à gauche). Ils sont gravés bien en évidence, face au chemin d’accès. L’hypothèse avancée, serait que les bateaux renseignaient les capitaines qui cherchaient des hommes susceptibles d’embarquer, pendant les périodes où il y avait peu de travail dans les fermes. (XVIIe-XIXe siècle) Le graffito de droite rencontré sous un autre porche du prieuré, est un peu plus coquin. En vieux français un bragard est quelqu’un qui aime les plaisirs de la vie, à rapprocher de braquemard, braguette (sans autre commentaire).


Porches du Bessin

La confrĂŠrie des bragards



Elle fut construite au cours de la guerre de Cent Ans.

Sa fonction primitive relevait plus d’une tour de guet à usage de refuge que d’une prison. Plusieurs éléments vont dans ce sens. Le rez-de-chaussée consistait en une petite pièce aveugle à l’origine, permettant d’entreposer des vivres. L’accès au premier étage de la tour se faisait grâce à une échelle que l’on retirait ensuite. A ce même niveau des latrines et au niveau supérieur une cheminée, attestent de quelques éléments de confort. Un escalier en vis relie ces deux niveaux. Un guetteur, placé au quatrième niveau de la tour, apercevait la mer. Il pouvait prévenir d’un débarquement d’anglais. Nous pensons que la tour a servi à posteriori de cachot. Le contrefort de droite est en fait l’amorce de la muraille d’enceinte du prieuré. La tour de justice est le bâtiment du prieuré le plus riche en graffiti. Nous avons relevé dans l’escalier, ce graffito de la tour.



On entre dans la tour par cette porte.

A gauche, l’escalier distribue les niveaux supérieurs et en face, une petite pièce faiblement éclairée. Le trou central donne accès à la pièce aveugle. Remarquez le superbe voutement. Face à l’archère, un pan de mur chargé en graffiti.



Trois moulins sur pivot et une sĂŠrie de figurines.



Une petite barque avec sa figure de proue. Deux nœuds gordiens. Un calvaire finement surmonté, il est situé sur la clé de voute de l’entrée, probablement pour demander une protection divine. Cette astucieuse figurine, à la fois de profil et de face.



ILALIME SOLDAT D’AQUITAINE 1778 Intéressant graffito dont la présence mérite d’être contée.



En août 1778, le quartier général de l’armée française, commandée par le Maréchal de Broglie, s’installe pour quelques mois à Vaussieux, un château situé à quelques kilomètres du prieuré de Saint-Gabriel. Officiellement, les soldats manœuvrent pour comparer deux tactiques de combat en vogue à cette époque en Europe : l’ordre mince (les troupes sont étirées et peuvent envelopper l’ennemi) et l’ordre profond (les troupes resserrées perforent les lignes ennemies).


La réalité est tout autre et se déroule sur fond de guerre d’indépendance des Etats-Unis. Depuis plus de deux ans, les troupes de Georges Washington se battent pour leur liberté contre l’armée anglaise. Benjamin Franklin est venu demander l’aide de Louis XVI et le jeune marquis de La Fayette s’est enrôlé sous les ordres de Georges Washington.

Les troupes insurgées qui sont trop peu nombreuses et mal armées, essuient de nombreux revers face à une armée anglaise qui a renforcé sa présence militaire.


Pour venir en aide aux insurgés sans entrer directement dans le conflit, Louis XVI, sous prétexte de manœuvres, veut faire craindre aux anglais, un possible débarquement sur leurs côtes. Cette stratégie vise à maintenir une grande partie de la flotte Britannique en Manche, loin du théâtre des opérations du Nouveau-Monde. Une flotte franco-espagnole mouille à Brest et à Saint-Malo, une seconde à Dunkerque et au Havre. 15 000 hommes sont stationnés à Paramé près de Saint-Malo et 35 000 dans les prairies de Saint-Gabriel. La ruse fonctionne. Les troupes anglaises seront finalement battues et les Etats-Unis deviennent indépendants en 1783.


ILALIME était l’un des soldats du camp de Vaussieux. Il appartenait au Régiment d’Aquitaine, cantonné dans un terrain proche du prieuré.


ILALIME et ses camarades ont indirectement contribué à l’indépendance des Etats-Unis.


L’escalier de la tour est riche en graffiti. Ils ont pour la plupart été récemment dégradés par des ouvriers montant des tôle de bardage par l’escalier. Nous en avions heureusement, effectué les relevés avec les jeunes en 2003. Intéressante série de graffiti de l’église, deux profils sud et une façade.



Petit montage du graffiti de l’église lorsqu’elle était entière. Ce type de façade, ici en photo Saint-Etienne de Caen, fut conçu par les architectes normands. Il consiste en un rectangle, divisé en trois parties, dont la plus large se trouve au milieu. Chacune est pourvue d’un portail. Les deux parties latérales sont surmontées de tours normalement symétriques. C’est le même groupe de compagnons qui après avoir fini Saint-Etienne construisit, en 10 ans, l’église de SaintGabriel.



Ce discret petit graffito est gravé dans l’épaisseur du jambage d’une porte de la tour de justice. Il est l’unique représentation d’un bâtiment dans son aspect actuel. Au vu de son emplacement, il a été fait de mémoire. Nous y retrouvons les principaux éléments de la porterie telle que nous la connaissons. Les portes et les fenêtres latérales sont reportées sur le côté, ce qui laisse à penser qu’il doit dater du XVe ou du XVIe siècle.



Pour certains, ces figurines fantomatiques seraient des représentations anthropomorphiques à rapprocher de la symbolique de la mort, ou de l’esprit des morts, de la montée au ciel, de la résurrection (semblant d’ailes). Pour d’autres il s'agirait de silhouettes schématiques de moines, certains portant peut-être la mosette ou la coule. C'est pourquoi nous ne verrions ni bras ni jambes et que ces silhouettes semblent "engoncées".



Lors du débarquement le 6 juin 1944, les alliés entreprennent au soir du D Day, la construction de pistes pour soutenir les troupes au sol et évacuer les blessés. Une vingtaine d’aérodromes sont construits dans un rayon de 10km autour du prieuré. Le plus proche était celui-ci. En 5 jours, des spécialistes britanniques nivellent le sol et aménagent une piste grillagée de 1500m de long et 36m de large ; nom de code B.2. Plus de 800 militaires y sont affectés jusque sa fermeture, fin août 1944. L’aérodrome le plus proche était privé, il était réservé au quartier général du maréchal Montgomery.

Le prieuré servit de centre de repos et de divertissement (théâtre) pour les soldats britanniques.



Le second étage est particulièrement riche en graffiti CHARLES SALENT BOUCHE DU BOURRE CREULLY . Un Charles Salent vivait à Creully en 1820.

DE

Un joli calvaire perlé

Deux soldats à la hallebarde du XVIe siècle. En quelques mètres, grâce aux graffiti, nous sommes passés des soldats à la hallebarde du XVIe siècle, à Warren de la Royal Air Force en 1944 et en passant par ILALIME du régiment d’aquitaine. Une belle accroche pour un enseignant d’histoire. !!.



Nous terminons par cette galerie de portraits de moines, profondément et méticuleusement gravés sur le linteau de la cheminée. Les jeunes les ont nommés : l’intellectuel, le prieur (au centre), le bien portant, le souriant et le vénérable. C’est sur ces têtes de moines que se termine ma présentation.



Jean-Marc LE MAROIS Enseignant

Pour en savoir plus sur les graffiti anciens rendez-vous sur le site du GR.GA en cliquant ici


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