il y a des choses qu’on aimerait laver, mais comment laver la mélancolie ? on traine sur la place pour le lm passe un homme aveugle
le vent tourne, s’il pouvait nous laver la bobine tourne,
9 juin
on croise une femme au regard triste contourné de coal, cheveux décolorés, émotion décolorée, vide, lascive, pantalon
je suis dans le lavomatic. j’attends. non pas le linge qui tourne
panthère moulant.plus loin une autre, sans dent, suce un
mais l’enregistrement (qui tourne).
sandwich.
j’attends. comme chacun ici. j’attends. je disparais. je note dans mon carnet. ils notent dans leur mémoire. quand je reviendrai ils me reconnaîtront, c’est maintenant une 28 juin
certitude.
le ciel est gris, l’air lourd, les pigeons s’agitent.
le lavoir est vide, étouffant, deux machines tournent, comme
on entre dans le lavoir, suffocant. deux hommes alanguis.
le temps.
le regard dans le vide. vider les poches. vider les yeux. dehors, deux femmes en pantalon rose. deux hommes en tenue dorée. deux jeunes- lles en bleu. tout par deux, 2 par 2. nous deux aussi.
« j’aime bien les fruits jaunes », tu lmes les fruits jaunes, tu me lmes écrivant ça.
La lumière tourne au noir, sur le trottoir d’un bar une plaque chauffante brûle toute seule. plus loin une jeune lle boit une
une porte défoncée, sombre, vitre cassée,
bière, c’est la première que je vois avec un verre. elle est très
derrière j’entends des voix. il y a quelques années j’habitais
mince, la peau épaisse, le maquillage qui coule, habillée en
en squat pas loin. un soir un mec a menacé un ami au
jogging. elle dit quelque chose à la serveuse à l’intérieur et
couteau.le lendemain le carreau de l’entrée était pété.
pénètre une voiture noire garée juste devant.
le surlendemain on a été pris en otage par un voisin sous crack.
les deux serveuses sont attablées à l’intérieur autour d’un cendrier qui fume. mégots écrasés, les yeux peints, la musique en spirale. « c’est toujours 4 »
29 - 06 - 23
19h30
elle se souvient de moi, je ne suis venue qu’une fois.
fi
fi
fi
fi
fi
je viens seule cette fois, la lumière est trop faible pour toi.
connectée à l’enregistreur chaque tintement se disperse dans
30 juin
l’air moite, voilé, il a plu. je m’assieds dans le lavomatic pour écrire, je
turning washing machine. trop chaud.
pose l’enregistreur. un garçon dort, le cou tordu.
on commande une eau pétillante.
il cuve ou la défonce ?ou juste il dort.
passe un homme torse nu, l’étiquette pend de ses lunettes
je me demande s’il a une machine en cours
solaires, juste entre les 2 yeux.
ou s’il a trouvé refuge ici et, comme moi, est juste assis là, pour ses propres raisons.
un cycle a pris n, comme une respiration. mais ça ne réveille pas le garçon. le cycle du sommeil fait partie d’une
et si washing machine devenait un concept pour parler de la
autre dimension.
rue, du cycle, d’un jour qui laverait le suivant, comme le temps lave le souvenir
« L’art n’est pas le chaos, mais une composition du chaos qui donne la vision ou la sensation. » (Gilles Deleuze, qu’est-ce
le voyant est là, avec un t-shirt rouge, il supporte
que la philosophie)
un ivrogne qui s’affale sur lui et lui réclame quelque chose.
« J’aime ceux qui ne savent vivre qu’en s’immergeant, car ce
il passe devant nous, dit bonjour, son visage est marqué.
sont ceux qui vont de l’autre côté. » (Friedrich Nietzsche,
je crois qu’il s’est pris un coup.
prologue de Zaraostre)
« ce sont des rumeurs de temps suspendus, de déploiements,
un sac de plastique bouge avec un courant d’air
de regards et d’écoutes. »
si seulement on pouvait devenir légers comme ce
( Jean-Paul Thibeau, « prologue aux protocoles méta et au
contenant dégagé de tout.
congrès singuliers ») des enfants sont curieux du bruit de la caméra super 8, comprennent-ils que cette machine fabrique des images ? « La connaissance de soi, c’est le chemin dont vous partez pour rejoindre le ‘Tout’ (…) L’art semblable à la vie, dans lequel rien n’est séparé, est un entraînement pour essayer de enregistrer dans la rue en marchant
Allan Kaprow, « l’Art et la vie confondus », ed. du centre
des sons instantanés
Pompidou)
washing machine
fi
sortir du moi coupé du monde. »
des camionnettes sont stationnées,
debout, j’écoute ce qui s’écrit sur la bande
l’une d’elles a la portière
l’ouïe alerte, comme celle d’un
arrière entrouverte et défoncée, des hommes sont
chat. J’observe mais tous observe ici,
assis dans l’ombre, ils discutent avec
observant comme s’il pourrait arriver quelque chose
d’autres sur le trottoir
il faut que je note mes rêves.
chacun on enregistre, du son et des images
washing machine
mais ici tous enregistre, dans leur mémoire on s’assied au bar washing machine
un vieil homme te dit « ça va » ?
la vie d’un quartier comme économie locale
« ça va »
passe cette femme en peignoir léopard
il te reconnaît une tappe tendre dans ton dos
envolée des pigeons, en arabesque
parfois le sujet se déplace comme se
washing machine
déplace la lumière
un vieil homme sort
l’homme qui vend les roses passe devant nous mais il ne nous
il jette un regard sur nous
propose rien.
washing machine un regard qui nit par nous accepter
les femmes sortent les poubelles, les femmes.
douceur dans l’air vide du dimanche soir. j’observe son tatouage, entre le pouce et l’index, un croissant de lune.
ai-je l’impression qu’il va arriver quelque chose parce que je viens de voir un lm, que je suis fatiguée, que c’est dimanche soir, ou qu’il y a des émeutes qui pètent un peu
2 juillet
partout en France ?
20h
lumière rasante on arrive sur la place
rêve
je suis dans le champ, le cadre
joseph veut tourner un lm avec un acteur aveugle
quelque chose va se jouer ici
repérage sur un toit et dans des caves ou des grottes.
silhouettes de lumière j’ai oublié le pied de mon enregistreur
fi
fi
fi
je le tiens serré dans la paume
03 juillet
on est pas allé aujourd’hui, trop fatiguées pourtant c’est la
tout ce que je note ou observe se fond
pleine lune
dans mon rêve de cette nuit dont les
washing machine
images pourtant m’échappent dès qu’elles
je lave mes pierres, pas à l’eau mais à la lune
apparaissent. je me souviens juste qu’il était question
là elle s’est levée et je me rends sur la place par esprit, je
à la n d’assassiner des gens qui en savaient
retourne à cet instant, ou plutôt « dans » cet instant, dans
trop et que je faisais tout pour les faire passer
l’espace de cet instant, la mémoire de cet instant, une
clandestinement.
perception si nette : la place, et quelque chose va arriver,
c’est la 1e x qu’on est assis sur la place
je les vois, l’un d’eux m’observe de loin
d’habitude tous les bancs sont occupés.
et cette perception s’étire tellement qu’elle se xe,
l’impression d’être au coeur de quelque chose.
en suspens, il n’arrive rien, ou justement si, il
un coeur vide ou juste troué, épuisé.
arrive ça, j’ai une illumination. il y a des bars derrière nous au propre comme au guré, le soleil
2 s’appellent « Kamezina »
couchant droit dans les yeux et les ivrognes qui
à l’intérieur il y a une pub pour
m’observent et moi qui écoute et toi qui me lmes.
la bière « malheur »
passent des jeunes- lles avec des landeaux 4 juillet 17h30
très vite
attablés au constructions de bois sur la place,
un homme ouvre une cannette
ils écoutent la radio sur leur téléphone
une lle maigre de came en haut talon
les seules langues qui se mélangent viennent
passe parmi les pigeons, elle se rend dans un coin près de
de ceux qui circulent
l’église, elle rejoint tous les autres
bruit de haut talons
mon esprit est embrumé, voilé, un peu comme
aucun étudiant
le ciel, les junkies sont assis très bas, à raz de l’herbe,
aucune autre personne qui traîne
étalés.
sans faire partie de…. de quoi au juste ?
un mec assis avec des miroirs devant les yeux nous regarde xement en buvant
la lle décharnée en haut talons n’est pas
un coca cola
jeune, elle est juste décharnée, avec une couverture à
ai-je l’air d’une enquêtrice avec mon
carreaux, comme une cape, elle traverse les rails en
fi
fi
fi
fi
fi
fi
fi
fi
carnet et mon enregistreur ?
faisant de grands pas. son visage est grimé comme celui d’un
c’est de la poudre blanche
mime, elle dit quelque chose, toute seule. le type le contre l’église se faire des traces. taverne so a
une animation comme une autre.
pour la deuxième fois une lle avec un verre jamais un serveur, toujours une serveuse
un vieil homme arrive avec ses affaires
toujours une serveuse qui fume
dans un drap, il fouille chaque recoin, passe le coin de rue puis revient, plonge la main dans la poubelle, échange sa cannette contre une de coca cola, boit les dernières gouttes
05 juillet
puis la rejette.
quand la machine à laver est un refuge. il drache aujourd’hui
sur la place, les gens de
« chaque fois que Nasreddin décidait d’aller au
l’association démontent la tente.
lavoir, il pleuvait. »
les dealers et l’alcool ont repris
aujourd’hui Toni n’a plus ses
l’entièreté du territoire, et les
miroirs devant les yeux, il passe du gros
pigeons nissent les miettes
son sur une enceinte et nous salue, éméché. des enfants se font des crêpes sous une tente. c’est la
une lle déboîtée, jambes nues vient par derrière
fête de la place, le « jardin » il y a des histoires écrites sur
une lle blonde de l’association et lui le une énorme teigne.
des panneaux, des rêves et des témoignages qui se mélangent à nos impressions.
un autre mec passe le visage tordu par la substance.
les enfants n’empêchent rien, ils permettent tout. certaines machines tournent si fort, on dirait qu’elles vont exploser. c’est pareil avec les pleurs ou la colère.
le vent est froid et on se demande s’il balaie quelque chose. la pluie ne lave rien, elle tombe toujours inappropriée les
la pluie a cessé
jours de fête.
aprem d’animation.
les klaxons tournoient dans l’humidité.
abîmé.
son bébé dans les bras.
ils s’échangent quelque chose
une animatrice apprend à un jeune à rouler
le mec regarde
à vélo.
fi
un jeune peut-être de 14 ans passe avec
fi
dent, jeune ou pas dif cile à dire
fi
fi
fi
fi
fi
fi
un type passe, apostrophe un mec sans
une gamine passe avec un sparadrap sur
sont sur le banc
l’oeil.
la jupe de la lle se soulève avec le vent
la pluie reprend, imperturbable
les seules lles qui traînent sont
parfois on dirait que même le ciel se fout
des tox
de ta gueule. la lle violente Quand j’éteins mon enregistreur il dit
est allée se cacher dans le bar
« goodbye »
Kamenitza II « elle était à poil »
« You, I look at you you (il le touche le blouson de joseph)
un tox arrive vers nous
you have a good heart »
mon ventre se serre « t’as 1 euro ? »
les gamins nous apostrophent « vous êtes belges ?
- oui, et toi ?
les pigeons
- turc et syrien »
le soleil
(et belge aussi, non ? vu que tu vis ici)
les enfants qui regardent sans trop oser les agents en violet qui font mine de ne rien voir, se montrent
éclaircie on attend l’arc-en-ciel, on attend
les gamins lancent des trucs aux pigeons et déclenchent leur envol en plein dans la face d’un agent en uniforme violet.
le jeune (?) défoncé revient le soleil aussi une des animatrices aussi elle explique le coup par derrière à l’agent en violet
fi
fi
fi
les trois tox de tout à l’heure
des trucs sur leurs téléphones