PETIT GUIDE DU CONSTRUCTEUR DE PISÉ.
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Gurvan ARNAUD PETIT GUIDE DU CONSTRUCTEUR DE PISÉ.
Comment construire et promouvoir la construction en pisÊ aujourd’hui ?
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Gurvan ARNAUD PETIT GUIDE DU CONSTRUCTEUR DE PISÉ.
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INTRODUCTION
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I. QU’EST-CE-QUE LA TERRE CRUE 1. AVANTAGE ET INCONVENIENTS DE LA TERRE CRUE 2. QU’EST CE QUE LE PISE ?
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II. COMMENT CONSTRUIRE EN PISE ?
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1. MURS PORTEURS 2. MUR NON-PORTEUR 3. OUVERTURES 4. PLANCHER ET SOLS 5. TOITURES A. TOITURES PLATES B. TOITURES INCLINEES 6. GAINES TECHNIQUES
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III. MISE EN PLACE SUR LE CHANTIER 1. LA TERRE A PISE 2. COFFRAGES ET DAMAGES A. LES COFFRAGES B. LE DAMAGE C. SECHAGE ET PROTECTION DU CHANTIER
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IV. PATHOLOGIES ET STRATEGIES DE CONSTRUCTION
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1. FONDATIONS ET SOUBASSEMENTS 2. ISOLATION 3. PRINCIPE DE MUR DE MASSE 4. ETUDE D’UNE MAISON EN PISE
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CONCLUSION
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BIBLIOGRAPHIE
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ICONOGRAPHIE
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Introduction
Après plusieurs décennies de pétrole bon marché on constate une utilisation des ressources lointaines, on ne réfléchit plus ou très peu aux matériaux de proximité qui pourraient convenir à la construction. Il est bien plus facile d’acheter des matières premières importées à l’aide d’internet que de s’approvisionner en ressources locales. Ces ressources locales demandent aussi généralement une main d’œuvre plus qualifiée et le manque de règlementation les concernant ne favorise pas le développement de celles-ci. Un matériau évident et pourtant mal connu ressort parmi les ressources locales. Il s’agit de la terre crue. La terre crue est le matériau de construction le plus présent sur la planète puisqu’il se trouve directement sous nos pieds. La terre sur laquelle on marche ou qui est présente sur le site de la construction est potentiellement prête à construire. C’est aussi un matériau inépuisable et totalement recyclable si on ne le transforme pas. Ainsi la terre directement extraite sert à la construction depuis des milliers d’années. On estime aujourd’hui qu’environ un tiers de la population mondiale vit dans une construction en terre crue1, ce matériau de construction, bien que peu connu ou reconnu en France est donc extrêmement présent mondialement. Si l’on prend le cas de la France on constate qu’il existe aujourd’hui très peu de constructions contemporaines en terre crue. Toutefois on retrouve des bâtiments construits en terre sur tout le territoire français, environ 15% du patrimoine1. Chaque région a un mode de construction particulier en fonction de la terre locale et des techniques des constructeurs. On retrouve ainsi le pisé en Dauphiné, l’adobe dans le Sud-Ouest, le torchis en Champagne et en Alsace ou encore la bauge en Normandie et en Bretagne. Certaines régions disposent de très riches patrimoines bâtis en terre crue, ainsi, en Isère, 75% de l’habitat traditionnel est construit en pisé 2 . Si aujourd’hui l’utilisation de la terre crue en France a énormément diminué, elle était encore très utilisée il y a quelques années. Une des raisons de la perte de cette technique est la perte du savoir-faire. En effet, durant la première guerre mondiale beaucoup des maçons qui connaissaient ces techniques de construction ont été envoyés sur le front construire les tranchées. Cette perte du savoir-faire est aussi arrivé à une période de forte industrialisation durant laquelle il fallait construire très vite, notamment après la seconde guerre mondiale. Ce contexte a fait oublier la terre crue à un grand nombre de personnes et elle est aujourd’hui considérée en France comme un matériau expérimental bien que l’on retrouve un très fort patrimoine encore présent. Ce patrimoine datant parfois de plusieurs siècles m’a questionné. Pourquoi un matériau entièrement recyclable et dont la tenue au fil des années n’est plus à prouver a été délaissé aujourd’hui ? Il y a de nombreuses raisons politiques et économiques qui ne favorisent pas sa réapparition mais, une des principales raisons est le manque de savoir et de compréhension. 1 2
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Brève histoire de maison paysanne, Thierry Joffroy, Conférence L’isolation du pisé : pertinence et principes
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Selon Martin Pointet, « Actuellement, construire en terre n’est possible que s’il existe une réelle motivation de la part du maître d’œuvre, du bureau d’étude et du maître d’ouvrage. »1. Il y a donc un réel besoin de travailler ensemble pour la réalisation de projet en terre crue il faut à la fois pouvoir comprendre et expliquer. Lydie Didier, salarié de l’Asterre expliquer à propos des bureaux d’étude et de contrôle que « Nous devons pour chaque projet leur réexpliquer le b.a.-ba de la construction en terre »1. Il y a donc aujourd’hui un besoin d’expliquer à chaque nouveau projet si l’on veut que celui-ci ce réalise et pour expliquer les principes de construction en terre il faut les comprendre. Ce point est celui que j’ai retenu puisque c’est celui grâce auquel je pourrai proposer et défendre un projet en terre crue lors de mon exercice professionnel. Je souhaite donc comprendre comment construire en terre crue et plus particulièrement comment construire en pisé. J’ai donc essayé de comprendre comment réaliser une construction en pisé, à la fois pour la réalisation des murs mais aussi les autres points relatifs à la construction, les soubassements et toitures jusqu’à savoir comment et où installer les gaines électriques et les passages de plomberie. Je pense qu’une fois ces connaissances acquises je serai plus à même de proposer des constructions en pisé parce que je comprendrai cette façon de construire et je pourrai donc dialoguer et transmettre ce que je vais apprendre. Cette transmission de savoir est essentielle pour redévelopper ce mode de construction, c’est d’ailleurs ce que fait le laboratoire CRATerre de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble qui, en plus de ses recherches sur le matériau « terre crue », aide différents professionnel dans la réalisation de leurs projets. Il propose le seul enseignement post diplôme du monde concernant l’architecture de terre crue2. Ce laboratoire cultive aussi un réseau de partenariat en Afrique, en Amérique latine, en Asie et, en Europe, notamment grâce à la chaire « architecture de terre, cultures constructives et développement durable » qu’il dirige à l’UNESCO. Ils ont par exemple participé à la reconstruction en Haïti en 2010 suite au tremblement de terre. Ils ont permis de développer une filière de briques de terre comprimées, stabilisées au ciment et donc de créer, par la même occasion, des entreprises, des emplois et des savoirs constructifs. C’est par cette transmission que le laboratoire CRATerre participe au développement du matériau terre crue.
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Redécouvrir la terre, matière première innovante, Ingrid Van Houdenhove, AA Perspective Durable 2012 Matériaux : Bâtir avec les richesse locale, Lionel Astruc, AA Perspective Durable 2012
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I. Qu’est-ce-que la terre crue
1. Avantage et inconvénients de la terre crue
L’un des principaux avantages de la terre crue est sont abondance, en effet c’est un matériau qui se trouve partout sous nos pieds. C’est aussi une façon de réutiliser la terre excavée lors de la réalisation des fondations. Cette utilisation d’un matériau, qui pourrait devenir un déchet et encombrer, permet aussi de supprimer le coût et l’impact environnemental du transport des matériaux de construction. La terre peut donc constituer un matériau de construction sans aucune transformation ou très peu ce qui permet encore de réduire les coûts et l’impact environnemental là ou certains matériaux nécessitent une quantité d’énergie très conséquente pour les fabriquer. Le dernier point qui rend ce matériau extrêmement intéressant sur le plan écologique est la possibilité de le recycler à 100% s’il n’a pas été stabilisé au ciment ou à la chaux. La terre est aussi réputée pour offrir un très bon confort de vie de part le fait qu’elle est un très bon régulateur d’humidité et que, par sa densité, elle bénéficie d’une très bonne inertie. Cette inertie est un avantage l’hiver car, la journée la terre va emmagasiner de la chaleur pour la restituer la nuit et, l’été le temps de déphasage va permettre de ne pas surchauffer le bâtiment au moment où il fait le plus chaud. De plus le soleil étant plus haut son impact sur la construction sera moindre si le bâtiment est bien conçu et suffisamment protégé du soleil. L’abondance des constructions en terre crue dans le monde prouve qu’il est loin d’être impossible de l’utiliser dans les constructions contemporaines. De plus le patrimoine permet aussi de prouver que si les bâtiments sont bien conçus ils traversent les siècles sans difficulté.
Figure 2
Il existe une dizaine de techniques de construction en terre crue dont les principales sont : -le pisé, la terre est compactée dans des coffrages, -la bauge, un mélange de terre et de paille empilées en mottes pour construire des murs, -Le torchis, un mélange de terre et de paille qui vient remplir une ossature bois,
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-LA BTC (Brique de Terre Comprimé) ou l’adobe qui est une brique de terre crue moulée et sécher au soleil. Ces différentes techniques permettent de trouver à chaque terre ou presque une façon de construire. Tous ces éléments portent à penser que la terre crue pourrait bénéficier de promotion et de facilité de développement étant donné le contexte dans lequel nous vivons aujourd’hui mais une grande partie des projets proposés par les maitres d’œuvre ne voient pas le jour à cause des réticences des bureaux d’études ainsi que des préjugés des différents acteurs. La terre n’est pas un matériau parfait pour autant, l’humidité peut s’avérer désastreuse pour une construction en terre crue. La terre n’est aussi pas toujours constructive. Elle a besoin d’un pourcentage d’argile suffisant pour lier les différents granulats la composant mais, si elle en a trop, le retrait sera alors trop important pour l’utiliser en tant que matériau de construction. De plus, s’il existe une grande variété de modes de construction c’est aussi parce qu’il existe une infinité de types de terre. Il est donc important de bien connaître la terre que l’on souhaite utiliser pour construire afin de choisir le mode de construction. Il n’est par exemple pas possible de construire en bauge avec une terre qui conviendrait très bien à un pisé. La terre crue, bien qu’ayant des qualités thermiques et de confort de vie n’est pas un matériau isolant et, avec les règlementations en vigueur aujourd’hui, il n’est plus possible de construire sans isolation. L’isolation d’un matériau très perméable à la vapeur d’eau et sensible à l’humidité peut poser de nombreux problèmes. Il est préférable d’éviter de l’isoler mais si cela est nécessaire il faut le faire de façon à ne pas freiner ou empêcher la migration de la vapeur d’eau pour empêcher une augmentation de l’humidité au sein de la terre. Cela implique d’utiliser des matériaux qui non seulement sont très perméables à la vapeur d’eau mais qui, en plus, ne seront pas altérés par son passage et la condensation qu’elle peut entrainer. Ces problèmes liés à l’étanchéité à la vapeur d’eau sont aussi présents dans le cas d’un enduit imperméable ou peu perméable. Par exemple, un enduit à base de ciment risque de rapidement faire augmenter le taux d’humidité au sein du mur et donc d’altérer sa solidité structurelle1. Il y a des solutions pour éviter ces risques qui seront présentés plus tard dans ce rapport.
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Traité de construction en terre, édition Parenthèse
2. Qu’est ce que le Pisé ? Le pisé est une technique de construction qui consiste à compacter de la terre humide dans des coffrages. Ces coffrages sont retirés immédiatement après le damage de la terre. C’est la seule technique de construction en terre crue qui permet d’utiliser une terre contenant des graviers et des cailloux. Elle s’adapte donc très bien aux terres de montagne et de ravines et notamment aux dépôts d’origine glacière autour des Alpes qui sont de très bonnes terres à pisé1. Il est toutefois possible d’utiliser des terres beaucoup plus fines avec moins de graviers et de cailloux à condition que celles-ci ne contiennent pas trop d’argile. L’utilisation d’une terre ou d’une autre peut amener à des aspects très différents.
Figure 4
Pisé réalisé avec une terre composée de beaucoup de gravier s et cailloux. Aspect rugueux
Pisé réalisé avec une terre fine. Aspect lisse
Figure 3 NK’Mip Desert interpretive centre Architectes : cabinet Hoston Baker Boniface Haden Photographe : Nicolas Lehoux Ici l’utilisation de différentes terres créé des lignes horizontales de couleurs différentes.
Figure 5
En règle générale, la bonne teneur en humidité pour l’utilisation de la terre est naturellement atteinte en automne et au printemps. Toutefois il existe un test très simple pour vérifier que le taux d’humidité de la terre permet son utilisation. Ce test consiste à former une boule de terre dans sa main puis de la laisser tomber sur le sol d’une hauteur de 1 mètre. - Si la terre s’éparpille complètement alors elle est trop sèche (teneur en eau de 0 à 5%)1 - Si la boule se casse en trois ou quatre morceaux alors la terre contient l’humidité requise pour sa mise en œuvre (teneur en eau de 5 à 20%)1 - Si la boule reste en un seul morceau alors la terre est trop humide (teneur en eau de 15 à 30%)1 Une des qualités indéniables du pisé est que l’on utilise directement la matière première pour construire. On utilise la terre présente sur le site sans Bâtir en terre, édition Belin 1
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aucune transformation. Cette caractéristique fait du pisé une technique de construction très peu coûteuse en énergie. De plus, la terre utilisée pour bâtir est intégralement recyclable. Si on détruit le bâtiment, la terre retourne à la terre et peut même être réutilisée pour faire une nouvelle construction en pisé. Les murs en pisé, de par leur densité élevée (entre 1,7 et 2,41) et leur forte épaisseur, ont une grande capacité thermique massique et donc une forte inertie. C’est un point intéressant puisque la durée de déphasage du mur est alors élevée. Ainsi l’hiver le mur va emmagasiner de la chaleur dans la journée pour la restituer la nuit. L’été, le soleil étant plus haut, le mur subira moins son rayonnement et restituera, dans la journée, la fraîcheur acquise pendant la nuit. Le point le plus intéressant du pisé pour le confort de vie est très certainement son confort hygrothermique. En effet c’est un des matériaux massifs les plus respirant avec un indice de diffusion de la vapeur d’eau compris entre 5 et 101. Cette perméabilité à la vapeur d’eau permet au mur d’absorber une partie de la vapeur d’eau qui va se condenser dans le mur en hiver, cette condensation dégage de l’énergie et donc de la chaleur. A contrario, l’été, le mur étant plus chaud, il va évaporer l’eau contenue dans ses pores, ce changement d’état consomme de l’énergie et donc de la chaleur. Le mur va se refroidir.
Schéma du comportement hygrothermique d’un mur de pisé. D’après le schéma tiré de l’isolation du pisé pertinence et principes.
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Toutefois cette perméabilité à la vapeur d’eau peut aussi devenir un réel handicap pour le pisé. En effet, seul, et malgré ses caractéristiques, il n’est pas un isolant, par conséquent, avec la réglementation thermique actuelle il faut pouvoir l’isoler. L’isolation d’un matériau très perméable à la vapeur d’eau est une opération délicate d’autant que le pisé est très sensible à l’humidité. S’il devient trop humide il va, dans un premier temps, dégrader le confort de vie à l’intérieur du bâtiment mais il peut aussi très vite perdre sa résistance constructive et s’effondrer. Dans des constructions neuves il vaut mieux privilégier des constructions mixtes en utilisant le pisé là où il est performant et en utilisant un autre matériau là où il ne l’est pas. Le pisé est aussi une technique de construction longue à réaliser, à la fois pour damer la terre mais aussi pour que le mur sèche et atteigne son équilibre en terme de teneur en eau il faut environ un an2 et le pisé n’est pas encore assez sec avant trois mois3 pour subir une période de gel. Il n’est donc pas possible de construire à partir de trois mois avant un période de gel.
Construire en terre crue, édition le Moniteur L’isolation du pisé pertinence et principes 3 Traité de construction en terre, édition Parenthèse 1 2
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II. Comment construire en PisĂŠ ?
1. Murs Porteurs Lors de la conception d’un projet qui a des murs porteurs en pisé il est fortement recommandé pour l’architecte de travailler dès le début de la conception avec l’ingénieur « structure » et l’entreprise de construction. Cette concertation permettra de corriger les éventuelles erreurs commises et d’optimiser au mieux le mode de construction. La construction d’un mur en pisé est un travail long et complexe, la résistance de ce mur dépend à la fois de la terre utilisée, de la teneur en humidité de cette terre et de son compactage. Le dimensionnement des murs est assez important, par exemple selon les normes allemandes un mur porteur extérieur doit avoir une épaisseur minimale de 32,5 cm1 et un mur porteur intérieur 24 cm1. La résistance minimale exigée d’un mur est de 2 N/mm2. En règle générale la résistance est comprise entre 2 et 4 N/mm2 1. Afin de déterminer cette résistance, il convient de faire des tests sur des échantillons. Pour cela on réalise des cubes de pisé de 20 cm de côté. Le test est réalisé sur les trois échantillons et, seule la plus petite valeur est retenue. Une fois le coefficient de sécurité retenu, des murs ayant des résistances à la compression de 2, 3 ou 4 N/mm2 ont respectivement des contraintes admissibles de compression de 0,3, 0,4 ou 0,5 N/mm2 1. Il ne faut toutefois pas oublier que le pisé obtient sa résistance maximale seulement lorsqu’il a atteint son équilibre d’humidité relative entre 0,5 et 3% de teneur en eau2. Lorsque le mur est damé, la terre a une teneur en eau comprise entre 10 et 20%2, le mur ne peut donc pas encore supporter les charges pour lesquelles il a été conçu. Les coffrages étant retirés très rapidement après le damage afin de laisser le mur sécher, il faut faire attention pendant le décoffrage. S’il est possible de monter un mur en une seule fois sur un étage, si son élancement (hauteur/épaisseur) n’est pas supérieur à 101, il est conseillé de décoffrer en plusieurs étapes et de créer un corset anti-flambage à partir d’un élancement supérieur à 71. Les murs en pisé ne sont pas forcément réalisés en une seule fois sur un étage. S’ils sont réalisés à l’aide de banchées modulées on les considère comme des maçonneries de grand appareil3. Dans ce cas une attention doit être portée sur le calepinage. Le décalage des joints verticaux doit être d’au moins ¼ de banchée3. Il est aussi important de faire attention au harpage des angles. Les joints entre les différentes banches peuvent être droits, inclinés ou engravés, cette technique offrant une meilleure liaison3.
Figure 7 Joint droit et engravé, un rang sur deux l’angle est fait par la banche. D’après un schéma1
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Joint droit et engravé, les angles sont réalisés en une seule pièce. D’après un schéma 1
Joint inclinés, un rang sur deux l’angle est fait par la banche. D’après un schéma 1
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Construire en terre crue, édition le Moniteur L’isolation du pisé, pertinence et principes 3 Traité de construction en terre, édition Parenthèse 1 2
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Afin de renforcer la résistance des murs il est possible d’y incorporer des chainages horizontaux. Si les chainages sont en bois, il faut veiller à les ancrer dans la terre à l’aide de tiges verticales car le coefficient de frottement entre la terre et le bois est faible1. Le plus souvent les chainages sont en béton armé. Les murs étant épais, ils ne sont pas visibles. Pour les réaliser il faut installer un coffrage dans le mur afin de réserver l’espace du chainage, puis damer la terre sur les côtés du coffrage. On peut ensuite installer les armatures et couler le béton.
Schéma d’un chainage en béton armée.
Figure 10
Il est aussi possible d’installer ponctuellement des grillages géotextiles là où il y a des risques de fissure ou des sollicitations importantes. Il convient alors de les installer au 2/3 des lits de terre qui seront ensuite damés1. Ils peuvent aussi être installés dans les angles pour les solidifier. Pour construire un bâtiment avec des matériaux mixtes, il est possible de noyer des éléments de structure directement dans le mur de pisé afin de venir y raccorder le reste de la structure. Si les éléments sont en bois il faut les ancrer assez profondément dans le mur pour améliorer leur accroche. Il est aussi important dans ce cas de les humidifier. La terre étant humide lors de sa mise en œuvre le bois gonflera à son contact et des fissures pourront apparaître. A la vue de ces différents points qui influent à la fois sur la technique de construction mais aussi sur l’architecture finale du bâtiment, il semble essentiel de faire collaborer architecte, entreprise de construction et ingénieur « structure » dès le départ, car un choix, par exemple, du type de coffrage va induire un dessin de façade si le pisé reste apparent. Ainsi pour deux murs équivalents, deux types de coffrage peuvent donner des résultats sensiblement différents.
2. Mur non-porteur
Les murs non porteur en pisé, pour des raisons techniques, ne peuvent pas avoir une épaisseur inférieure à 20cm 1. Néanmoins, il est possible de réaliser des murs plus fins qui serviront d’habillage à des murs construits dans un autre matériau. Ils seront alors fixés à l’aide de pattes métalliques perforées, entre 3 et 5 par m2, il faudra alors faire attention lors du décoffrage1. Il est aussi important de faire attention à l‘indice de diffusion de vapeur d’eau du matériau du mur habillé, surtout si la pièce est humide afin d’éviter une condensation excessive dans le pisé. 1
Construire en terre crue, édition le Moniteur
3. Ouvertures Créer des ouvertures dans un mur en pisé est une opération délicate qui peut entrainer des pathologies structurales comme des pathologies humides si elles sont mal réalisées. Elles peuvent être réalisées après le séchage du mur à condition que le linteau ait été posé à l’avance. Une pathologie structurale est représentée la plupart du temps par des fissures. Ces fissures pourront à leurs tours favoriser une pathologie humide si l’eau parvient à s’infiltrer. Il est donc important d’être vigilant sur plusieurs points. Un linteau sous dimensionné risque de faire se fissurer les angles audessus du cadre, de même que des ouvertures trop grandes ou un coup de sabre structurel près de cette ouverture. Afin d’éviter une pathologie humide, une attention doit être portée au niveau du linteau et de l’appui de fenêtre. Il est important de ne pas permettre à l’eau de stagner près du mur. Pour cela il est conseillé Schéma des risques d’infiltration et de d’installer un larmier sous pathologie humide si les le linteau et sous l’appui, ou dispositions nécessaires ne sont pas prises. des systèmes qui rejettent l’eau comme les bandes solin. Figure 11 Les tableaux de baies doivent être suffisamment dimensionnés afin d’assurer une bonne reprise des charges. L’inertie du linteau et de l’appui doit être suffisante afin de répartir ces charges1. Le linteau peut être construit en bois, en béton ou en maçonnerie de pierre ou de brique. La longueur d’appui d’un linteau ne doit pas être inférieure à 20 cm et doit être plus importante si les baies sont grandes1. Il est aussi possible de placer dans le mur, au-dessus des baies, des bandes géotextiles afin de limiter les risques d’apparition de fissures. Ces bandes doivent dépasser la surface de fissure potentielle de 50 cm au minimum 2 . Elles sont aussi recommandées sous les zones d’appui des charges permanentes pour renforcer la résistance à la traction de ces zones. Il faut placer au moins trois couches de géotextile horizontalement. Chaque couche est placée dans un des lits de terre damée, environ tous les 15 cm. Elles sont placées au 2/3 du lit de terre2. 1 2
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Traité de construction en terre, édition parenthèse Construire en terre crue, édition le moniteur
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L’appui doit reprendre les charges transmises par les jambages. Son inertie doit donc être suffisante pour répartir ces charges sur le mur. Il est conseillé de prolonger l’appui au delà de l’ouverture et d’incorporer des armatures en dessous. Des bandes géotextiles peuvent aussi être utilisées de la même façon que pour les linteaux.
Schéma de répartition des forces dans un tableau de baie.1
Figure 12
Le rapport des vides et des pleins dans un mur ne doit pas dépasser 1/3 et les ouvertures doivent être réparties le plus régulièrement possible1. Les portées classiques ne dépassent pas 1,20m. Dans le cas de baies plus grandes il est nécessaire de sur-dimensionner le linteau et les jambages1. Les baies ne doivent jamais être placées à moins d’un mètre d’un angle du mur.
Exemple d’ouverture dans un mur en pisé. Linteau en béton armé et protection des eaux de pluies.1
Figure 13
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Traité de construction en terre, édition parenthèse
Exemple d’ouverture dans un mur en pisé. Linteau en bois, menuiserie bois et protection des eaux de pluies.1
Figure 14
Les tableaux d’ouvertures peuvent avoir des risques d’érosion très importants lorsqu’ils sont soumis à l’eau ou au vent, il est donc primordial de bien les protéger1. Cette protection doit être prévue et réalisée de façon très soignée afin d’éviter les problèmes une fois le bâtiment réalisé. Il est à noter que, dans le cadre d’un bâtiment à étage et, sur les façades orientées face aux vents dominants, les ouvertures d’étages sont plus exposées que les ouvertures de rez-de-chaussée1. Cette exposition est surtout due à la brisure du vent. Par conséquent, l’appui des baies hautes ne doit pas être trop débordant et doit être plus épais que les appuis de baies basses1. Un enduit autour du tableau permet aussi de mieux protéger ces points sensibles de l’érosion.
Schéma des appuis de baie en fonction de l’exposition au vent. 1
Figure 15
Il est bon de noter que ces principes et recommandations sont valables pour toutes les constructions en terre crue et pas seulement pour le pisé.
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Traité de construction en terre, édition parenthèse
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4. Plancher et sols Un plancher doit pouvoir supporter différentes charges, Des charges immobiles, par exemple des meubles mais aussi des charges mobiles, les personnes pratiquant le bâtiment. Il doit donc être suffisamment dimensionné et rigide pour répondre à ces contraintes. Ils doivent aussi correctement transmettre les charges dans les murs qui les supportent1. Tous les types de planchers peuvent être utilisés dans une construction en pisé. Néanmoins, les appuis doivent être soignés afin d’éviter les problèmes de mauvaise répartition des forces dans les murs ou, ceux d’humidification excessive. Lorsqu’un mur est créé il faut prévoir des réservations pour accueillir les planchers et les protéger de la pluie. Il est aussi possible d’installer les planchers après la couverture du bâtiment1 et donc sa mise hors d’eau. Certains détails de la liaison entre le plancher et le mur sont à étudier avec beaucoup de considération. Le poinçonnement arrive lorsque l’appui est sous dimensionné. Il ne répartit pas les charges uniformément dans le mur. Il y a donc des risques de fissure. Pour éviter cela, il est recommandé d’augmenter la surface d’appui1 des éléments de plancher en permettant ainsi de mieux répartir les charges dans le mur. Figure 16 La rotation est due à la flèche du plancher, elle va créer des tensions différentes dans l’appui. Elle augmente les charges sur l’arête intérieure basse de l’appui1 ce qui risque de le dégrader. Pour éviter cela il faut bien dimensionner son plancher. Il doit être suffisamment rigide pour limiter la flèche. Le plancher peut aussi être posé sur un chainage qui résistera mieux aux forces que le mur. Figure 17 Les variations dimensionnelles. Lorsque le plancher et le mur sont réalisés dans des matériaux différents, leurs dimensions peuvent varier différemment en fonction des changements de température1 ou d’humidité. Il est donc important d’éviter au plancher d’être en contact direct avec le mur. Figure 18 À la vue de ces différents problèmes, il est donc important de prévoir et de vérifier sur le chantier la bonne mise en œuvre des éléments permettant de supporter les planchers. L’utilisation d’un chainage horizontal pour poser les 1
Traité de construction en terre, édition parenthèse
planchers permet de bien répartir les forces dans le mur. Il est aussi possible d’installer dans le mur des semelles en bois, en pierre ou en béton afin de répartir les charges uniformément. Elles doivent être suffisamment dimensionnées (les charges se transmettant à 45°)1. Dans le cas de plancher en bois il est préférable d’éviter de mettre le bois directement en contact avec la terre, il est possible d’utiliser du feutre bitumé ou un mortier hydrofuge souple1 pour éviter ce contact. Il est possible de réaliser des planchers en terre. Toutefois ils sont très lourds. Ils sont donc déconseillés en zone sismique et, en raison de leurs poids, nécessitent des distances d’appui beaucoup plus faibles1. Il est possible de réaliser des sols en pisé. S’ils étaient utilisés auparavant dans des granges ou des pièces secondaires, ils sont aujourd’hui principalement utilisés pour leur esthétique dans des projets haut de gamme2. Pour les réaliser, il faut utiliser les plus gros granulats pour la couche inférieure2. Ils assureront une bonne stabilité. Pour la couche supérieure, il est conseillé de ne pas utiliser des terres contenant des grains de plus de 8 mm afin d’obtenir une surface qui n’est pas trop rugueuse2. La mesure de retrait de la terre utilisée ne doit pas être trop importante pour éviter l’apparition de fissures. À partir de 0,5% les risques de fissures sont importants et il faudra donc retravailler la surface régulièrement au cours de son séchage2. Afin d’éviter une diffusion de vapeur dans la pièce à cause de la perméabilité du pisé à la vapeur d’eau et aux remontées capillaires il est conseillé de ne pas le réaliser directement au contact du sol ou de placer une sous-couche étanche2. Toutefois, cette humidité peut être utile dans le cas d’une cave à vin par exemple. Pour éviter que les granulats du pisé trouent la couche d’étanchéité il est préférable de prévoir une couche intermédiaire, par exemple une chape de ciment ou de chaux d’environ 4cm d’épaisseur2. Si le sol est réalisé sur un plancher rigide il faut une épaisseur de sol de 10cm, 8cm pour la couche inférieure composé des gros granulats et un minimum de 4cm pour la couche supérieure afin d’éviter les risques d’écaillage2. Si le sol n’est pas réalisé sur un plancher rigide il faut alors une épaisseur de 20 cm comportant deux couches inférieures de 8cm chacune et une couche supérieure de 4cm. Il est possible de placer des géotextiles dans les couches inférieures du sol afin de limiter l’apparition de fissure2. Si on veut intégrer un système de chauffage au sol en pisé il faut faire passer les tuyaux dans un mortier de ciment sur lequel on pourra damer un sol en pisé de 10cm. De part la forte inertie du pisé le système de chauffage, bien qu’efficace, aura un temps de réponse très lent2.
La finition du sol peut être réalisée avec une cire ou une huile qui vont le protéger. L’huile, qui est conseillée pour des sols très sollicités, va cependant en assombrir la couleur2. Traité de construction en terre, édition parenthèse Construire en terre crue, édition le moniteur 1 2
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5. Toitures a. Toitures plates Une toiture est considérée comme plate lorsque l’angle de sa pente est inférieur à 10°. Pour pouvoir évacuer l’eau il faut un angle minimum de 1° ou 2°1. Elle peut être réalisée en terre mais il faut alors une parfaite réalisation et un entretien très fréquent pour ne pas avoir de problème d’infiltration. De plus, comme les plancher en terre, la toiture en terre est très lourde et nécessite une structure adaptée. Dans ce rapport d’étude je vais donc plutôt m’intéresser aux dispositifs à mettre en œuvre dans le cas d’une toiture plate plutôt qu’aux toitures réalisées en terre. Les murs en terre crue sont très sensibles à l’eau, il y a donc un certain nombre de règles à respecter pour évacuer l’eau du toit en protégeant les murs. Les chenaux doivent être placés en rive de toiture, de préférence débordante, et pas contre les murs. De ce fait si l’eau déborde elle ne coulera pas directement sur le mur. Les descentes d’eau ne doivent être placées ni dans l’épaisseur du mur ni contre celui-ci. Il faut les placer à l’écart et de manière à ce qu’elles rejettent les eaux dans un dispositif adéquat comme un caniveau1. Si ces conditions ne sont pas respectées, de l’eau pourrait stagner au pied du mur, facilitant la détérioration de celui-ci. Si la toiture n’est pas débordante, il faut alors prévoir des acrotères ainsi que des gargouilles qui rejetteront l’eau loin de la façade. Les gargouilles doivent avoir une section suffisamment large pour éviter les risques d’occlusion. Elles doivent aussi avoir un débord d’au moins 50cm pour limiter les risques d’éclaboussure sur la façade1. Leur positionnement doit être réfléchi de façon à ce qu’elles ne se retrouvent pas face aux vents dominants. Enfin, un enduit doit être fait sur toute la hauteur du mur à leur niveau. L’étanchéité de ce dispositif doit être très soignée afin d’éviter les infiltrations et l’eau doit être drainée au pied du mur1.
b. Toitures inclinées
Les toitures inclinées, surtout si elles sont débordantes, sont très efficaces pour protéger les murs de la pluie et du vent. Cependant, même si elles sont bien réalisées, il est nécessaire de prévoir une étanchéité sur le dessus des murs afin de palier à d’éventuelles infiltrations d’eau. Elles doivent être pensées de façon à être auto-stables pour éviter d’exercer trop de forces sur les murs qui pourraient alors flamber. La réalisation d’un chainage en tête des murs permettra à la fois d’ancrer la toiture mais aussi de répartir convenablement son poids, comme pour les planchers. Pour ancrer la toiture il est possible de sceller des fers dans un chainage en béton qui permettra par la suite de fixer la charpente. Pour les descentes d’eau, les mêmes précautions que pour les toitures plates doivent être prises afin de protéger les murs des éclaboussures et du ruissèlement. 1
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6. Gaines techniques Dans toutes les constructions, la présence de gaines techniques permettant de distribuer le bâtiment en eau et en électricité est obligatoire. Dans le cas d’une réalisation en pisé il est possible d’incorporer certaines de ces gaines dans les murs sous certaines conditions. Des gaines techniques pour l’électricité peuvent être réalisées dans des murs en pisé, pendant la construction. Il est possible de faire des réservations horizontales à l’aide de profilés en U suffisamment résistants1. Il est aussi possible des faires verticaux en installant des tasseaux dans le coffrage qui créeront cette réservation quand la terre sera damée. Des fourreaux suffisamment solides peuvent aussi être placés directement à l’intérieur du mur pendant sa construction1. Si l’on ne souhaite pas enduire le mur pour cacher les vides laissés pour le passage des câbles il peut être judicieux de faire passer ceux-ci au pied du mur pour les cacher derrière une plinthe ou au contraire au niveau d’un chainage horizontal2. Ces dispositions permettront de laisser le pisé visible sans devoir colmater ces vides. Toutefois les passages de flux les plus problématiques sont ceux de la plomberie. En effet il n’est pas possible de les faire passer dans le pisé luimême car, en cas de fuite, ils causeront de très gros risques d’effondrement du mur en raison de l’augmentation excessive de l’humidité. Il est donc nécessaire de toujours bien protéger les murs des points d’eau avec une surface étanche et une lame d’air ventilée. De plus, les pièces humides doivent être correctement ventilées car les murs en pisé ne pourront pas absorber autant d’humidité seuls sans risque structurel. L’utilisation d’un soubassement pour faire passer la tuyauterie est une bonne solution, le matériau du soubassement ne craignant pas l’eau. Néanmoins, si cette opportunité n’est pas possible les conduites doivent être éloignées des murs afin d’éviter d’éventuels problèmes. Tous ces points doivent être pensés bien en amont de la construction car ils doivent être très soignés afin d’éviter les problèmes.
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III. Mise en place sur le chantier
1. La terre à pisé La réalisation d’un ouvrage en pisé nécessite de la terre, c’est la matière première qui sera directement utilisée comme matériau de construction. La première étape est donc d’extraire cette terre. S’il est possible d’acheter de la terre préparée par des entreprises, il peut sembler plus intéressant d’utiliser la terre directement présente sur le site si celle-ci se prête à la construction en pisé. Afin d’extraire la matière première de nombreuses techniques classiques peuvent être utilisées qu’elles soient manuelles ou mécaniques. L’extraction mécanique nécessite beaucoup moins de main d’œuvre et elle est plus adaptée à notre pays. Les engins, comme les pelleteuses, sont particulièrement adaptés puisqu’ils permettent à la fois d’extraire la terre et de la déplacer dans les coffrages ce qui permet d’utiliser un seul outil pour plusieurs opérations et de réduire l’emploi d’échafaudage1. La deuxième étape est le criblage de la terre. Elle permet d’éliminer les granulats trop gros afin d’avoir une terre conforme aux attentes constructives mais aussi à la finition de la réalisation. Il est possible de retirer manuellement les cailloux les plus gros s’ils sont peu nombreux dans la terre, sinon l’utilisation de tamis est très efficace surtout pour les tamis vibrants. Si on utilise des tamis alors la maille doit correspondre aux plus gros granulats souhaités dans la terre de construction1. Si l’on souhaite stabiliser la terre à l’aide d’une faible proportion de chaux ou de ciment ou encore, si elle est agglomérée en mottes dures, il est nécessaire de la pulvériser1. Cette opération consiste à projeter la terre par le biais d’un pulvérisateur, un engin qui doit être suffisamment solide pour résister aux cailloux et au sable. Elle permet d’aérer la terre mais aussi de réaliser un pré mélange de celle-ci qui sera amélioré par la suite. Le mélange de la terre est réalisé de préférence à l’aide d’un malaxeur à pales2. C’est une étape très importante car plus la terre est homogène et meilleur sera le comportement de la réalisation. Pendant le malaxage, de l’eau peut être ajoutée afin d’obtenir la teneur en humidité voulue. S’il n’est pas possible d’utiliser un malaxeur à pales, un motoculteur donne la plupart du temps de bons résultats pour mélanger la terre1. La dernière étape est de transporter la terre dans les coffrages. Les engins élévateurs sont, dans ce cas, très efficaces. Il existe notamment des godetsmalaxeurs qui permettent à la fois le criblage, le malaxage, le levage et de verser la terre dans le coffrage.
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Godet-malaxeur installé sur une chargeuse. La grille permet de cribler la terre, on remarque à l’intérieur du godet le malaxeur a vis qui permettra de mélanger la terre. Photo de promotion du godet-malaxeur à pales turbomix de l’entreprise RABAUD
Figure 19
Une fois la terre bien préparée, elle est donc versée dans les coffrages afin d’être damée.
2. Coffrages et damages
a. Les coffrages
Lors du damage d’un mur en pisé la pression exercée sur le coffrage est très importante. Il ne faut pas la négliger car un coffrage qui n’est pas assez rigide ou assez solide posera de gros problèmes lors de la réalisation. Il n’y a pas de taille maximum de coffrage. Toutefois si l’on souhaite utiliser des coffrages intégraux, la conception du bâtiment doit être en accord avec cette technique voulue. Les projets ainsi conçus doivent être de petite taille et, l’accès à l’intérieur des coffrages pour damer la terre doit être facilité1. Pour réaliser des projets plus grands, les coffrages en petits éléments ou des coffrages intégraux verticaux sont plus adaptés. Les coffrages en petits éléments sont beaucoup déplacés. Ils doivent donc être assez légers et maniables pour faciliter le travail sur le chantier. Si la progression traditionnelle des coffrages est plutôt horizontale, la progression verticale est plus rapide et est particulièrement bien adaptée aux murs trumeaux1. Si les techniques de fixation des coffrages sont variables, elles doivent permettre une rigidité suffisante et les coffrages doivent recouvrir une partie du mur déjà construit afin d’assurer une bonne liaison. L’aplomb doit être surveillé régulièrement pour ne pas causer de problème. Les coffrages à béton disponibles sur le marché sont adaptés à la construction en pisé. Néanmoins, s’ils ont déjà été utilisés avec du béton, ils risquent de tacher le pisé s’il présente des résidus de ciment ou d’huile de coffrage2. 1 2
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Il est aussi possible de réaliser des coffrages plus complexes pour la création d’angle en une seule partie ou de murs courbes. Ils devront alors être créés au cas par cas afin de répondre aux besoins de la construction. Une fois le coffrage installé il faut y déposer la terre et la damer.
b. Le damage
Le remplissage des coffrages doit être fait soigneusement, il doit être le plus plan possible et la terre ne doit pas tomber d’une trop grande hauteur afin d’éviter la création de tas coniques qui feraient rouler les gros granulats vers la surface du mur1. La terre est ensuite répartie de façon homogène dans le coffrage à l’aide de râteaux. Elle est damée couche par couche, celles-ci doivent faire une hauteur comprise entre 10cm et 15cm. Une fois compactée, elle sera réduite d’un tiers environ1. Le damage est réalisé en plusieurs étapes à l’aide d’une dame manuelle ou pneumatique. Les dames pneumatiques sont plus performantes. Elles permettent de mieux tasser la terre et plus rapidement. Elles ont une fréquence d’impact allant jusqu’à 700 coups/minute1. Chaque étape du damage doit commencer au centre du coffrage pour aller vers les extrémités afin d’éviter l’affaissement de ces dernières. La couche de terre est d’abord légèrement pré-compactée, vient ensuite le compactage principal avant de finir par le compactage des bords. Il existe un grand nombre de forme de dames, qu’elles soient pneumatiques ou manuelles afin de répondre aux éléments particuliers des coffrages comme les bords ou les angles. Le mur ou la partie de mur damé peut être décoffré immédiatement toutefois si le mur damé a un élancement important il est conseillé de le décoffrer en plusieurs fois. D’éventuelles retouches peuvent être effectuées juste après le décoffrage et la surface est ensuite nettoyée avec une brosse plus ou moins souple en fonction de la finition souhaitée2. Une fois décoffré, le mur va sécher. C’est une étape assez longue et très importante. Il faut donc être vigilant et correctement le protéger.
c. Séchage et protection du chantier
Un mur en pisé met du temps à sécher. Par conséquent, en fonction du climat, on ne peut pas construire à toutes les périodes. Dans une zone tempérée, il faut éviter le gel pendant le séchage. On ne construit plus à partir de trois mois avant la période de gel jusqu’à la fin de celle-ci. Si le climat est humide il faut éviter la saison des pluies et, s’il est chaud et sec , les mois les plus chauds1. 1 2
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Le séchage des murs entraine un retrait de la terre. S’il est trop important, il peut provoquer des fissures. Elles peuvent être réparées mais, même si elles le sont très soigneusement, la réparation sera très visible sur le mur. Durant la période de séchage les murs doivent être protégés du soleil et de la pluie. Si le mur est soumis à la pluie avant d’être sec il risque de s’humidifier fortement et peut alors perdre ses capacités structurelles qui peuvent conduire à un effondrement. S‘il est soumis à une exposition au soleil unilatérale ou intensive il risque de sécher trop vite à certains endroits ce qui augmente fortement le risque de fissures et de déformations1. Ces dispositifs de protection sont à prendre en compte avant le début du chantier afin de protéger systématiquement et convenablement les éléments pendant la réalisation et pendant la période de séchage.
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IV. Pathologies et stratĂŠgies de construction
1. Fondations et soubassements Les fondations d’un bâtiment en pisé sont des fondations classiques conçues pour des ouvrages lourds. Le pisé ne travaillant qu’en compression il faut être très attentif aux risques de tassements différentiels2. Les murs en terre devant être protégés de l’eau, il est important de bien drainer les abords des fondations afin d’évacuer l’eau qui pourrait stagner en surface du sol et empêcher au maximum les infiltrations. Il faut aussi faire en sorte de ne pas empêcher l’évaporation de l’eau présente dans le sol2. Il est donc important de choisir des matériaux de fondation qui ne seront pas sensibles à l’eau et qui seront suffisamment résistants et dimensionnés pour supporter le poids de l’ensemble. Elles peuvent facilement être réalisées en pierres liées par du mortier, en brique de terre cuite, ou plus communément en béton. Si les fondations sont réalisées en briques alors il est très important de choisir des briques de bonne qualité qui ne seront pas poreuses afin de protéger le mieux possible le mur des remontées capillaires1. Les soubassements sont des éléments très importants des constructions en terre puisqu’ils permettent à la fois de protéger le mur des remontées capillaires mais aussi des eaux de pluies qui rebondissent sur le sol. Ils doivent être réalisés dans des matériaux résistants à l’eau et le moins poreux possible comme pour les fondations. Il peut être intéressant d’installer une étanchéité entre le soubassement et le mur afin de le protéger des remontées capillaires. Pour le pisé il est alors nécessaire de couler une petite épaisseur de béton ou d’installer un rang de briques entre l’étanchéité et le mur de pisé pour éviter de la trouer avec les granulats lorsque le pisé est damé1. La hauteur du soubassement est variable en fonction de la région et du débord de toiture mais on peut considérer qu’elle est d’environ 25cm pour une région sèche, 40cm pour une région ayant une pluviométrie moyenne et d’un minimum de 60cm pour une région ayant une pluviométrie élevée ou si le débord de toiture est faible1. Ces éléments sont très importants pour assurer la bonne tenue dans le temps du bâtiment. Ils sont donc à ne pas négliger.
2. Isolation
L’isolation du pisé peut s’avérer nécessaire dans le cas d’une construction entièrement en pisé afin de répondre aux règlementations thermiques existantes. L’isolation d’un mur en pisé ne peut cependant pas être réalisée comme l’isolation de bâtiments en béton ou en bois. La terre crue laisse passer la vapeur d’eau. Par conséquent, si l’isolation est sensible à la vapeur d’eau, elle va se dégrader très rapidement et, si elle la bloque, le mur va se dégrader très rapidement ainsi que le confort de vie. 1
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Si les effets à long terme d’une isolation sur des murs en pisé ne sont pas encore connus une étude de la réhabilitation hygrothermique des parois anciennes a été commandée par le ministère du développement durable. Le cahier n°1 s’intéresse aux murs en terre crue et particulièrement à l’isolation des murs en Pisé. Elle a était réalisée par le CETE Est, l’ENSA Toulouse, le Laboratoire des Matériaux et de la Durabilité de la Construction de Toulouse (LMDC) ainsi que par les Maisons Paysannes de France. Cette étude ce base sur cinq critères d’analyse afin de classer les différentes qualités et défauts des types d’isolation : - La quantité d’eau - La capacité de séchage en présence d’infiltration d’humidité - La condensation interne - L’inertie thermique du mur - La résistance thermique du mur Il faut penser que tout type d’isolation pouvant induire une augmentation de l’humidité du mur est à proscrire car elle met en jeu la solidité de l’ouvrage. Cette étude révèle que pour un mur en pisé classique, seulement enduit à la chaux et sans isolant, la quantité d’eau est faible, comme le risque de condensation. La capacité de séchage en cas d’infiltration ainsi que l’inertie sont très élevées. Le point faible est la résistance thermique du mur1. Les tests sont ensuite réalisés avec un système d’isolation étanche à l’intérieur et à l’extérieur. Cette étanchéité empêche le mur de sécher en cas d’infiltration. Ce système n’est donc pas viable. Sur les différents tests réalisés, tous ceux comprenant une isolation par l’intérieur ne sont pas concluants. En plus de perdre la forte inertie du mur, elle pose des problèmes d’augmentation de l’humidité dans le mur ou de séchage en cas d’infiltration. Les tests d’isolation extérieure, perméable à la vapeur d’eau à l’extérieur ou à l’intérieur, donnent des résultats qui semblent intéressants. Cependant ils font perdre les capacités de régulation de la vapeur d’eau du pisé. Il est alors important d’avoir une bonne ventilation de l’intérieur afin de préserver un bon confort de vie, dans le cadre d’une réhabilitation. Il ne faut pas l’oublier. Le principe d’isolation qui semble le plus pertinent est celui de l’isolation par l’extérieur, perméable à l’intérieur comme à l’extérieur, qui préserve l’inertie du mur ainsi que ses capacités de régulation de la vapeur d’eau. Ces résultats n’offrant pas le recul nécessaire pour connaître les impacts à long terme, dans le cadre de constructions nouvelles, il peut être plus intéressant de concevoir des bâtiments à matériaux mixtes en utilisant le pisé là où il fonctionne très bien sans isolant, une façade sud par exemple, et, en utilisant un autre matériau là où il n’est pas assez performant sans isolation. HYGROBA Cahier n°1 1
3. Principe de mur de masse
Le principe du mur de masse est un système permettant d’emmagasiner la chaleur dans un mur afin de la restituer par rayonnement plus tard, le but étant principalement de la restituer la nuit, l’hiver. Il y a deux grandes catégories. Premièrement un mur construit à l’intérieur de la maison, juste à côté d’un poêle, va emmagasiner une partie de la chaleur libérée par le poêle pendant son fonctionnement puis la restituer quand il sera éteint. Il permet donc de limiter la baisse de température la nuit lorsque le poêle s’arrêtera et libèrera de la chaleur à sa place. Le même principe est possible en utilisant l’énergie solaire, un mur en pisé construit au sud va lui aussi emmagasiner beaucoup d’énergie et donc de chaleur pendant la journée afin de la restituer la nuit. Il est aussi possible de placer un mur en pisé entre une serre et l’intérieur. Les murs de masses sont très utiles dans le cadre de projets visant une très basse consommation énergétique surtout s’ils sont utilisés avec l’énergie solaire.
Hôpital de Feldkirch, Autriche Architecte : Martin RAUCH Photographe : Bruno Klomfar Le mur est situé derrière une serre, l’hiver il emmagasine la chaleur durant la journée, l’été il est protégé par des persiennes pour limiter la surchauffe.
Figure 20
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4. Etude d’une maison en pisé L’éco-hameau « Chabeaudière » est un projet porté par l’association « Éco Site Sud Grésivaudan ». En 2010, elle devient lotisseur et achète un terrain de 1,7ha. Ce projet accueille à l’époque six couples qui avaient chacun leur maison et 1/6 d’une maison commune. C’est donc un projet collectif qui se créer. Parmi les sept maisons créées, l’une comporte des murs en pisé. Au-delà du seul intérêt d’étudier une maison contemporaine construite en partie en pisé, l’équipe du Laboratoire de Génie Civil et Bâtiment (LGCBLTDS) de l’Ecole Nationale de Travaux Publics de l’Etat (ENTPE-CNRS) a installé des capteurs dans ses murs afin de mieux comprendre le comportement hygrothermique des murs. D’autres capteurs ont été installés dans les pièces afin de mesurer les données d’ambiance intérieure. C’est ainsi que depuis 2011 des données sont recueillies sur le comportement du pisé. C’est donc dans la commune de Saint Antoine l’abbaye située sur le plateau de Chambaran en Isère que se construit ce projet. Cette maison dispose de deux murs d’angle de 4m de haut en pisé sur les façades Sud-Est et SudOuest. Il y a donc des murs en pisé sur la façade sud et sur la moitié sud des façades Est et Ouest. Les murs en pisé sont installés aux endroits où ils bénéficient de l’apport solaire, afin de ne pas utiliser d’isolant. La façade Sud est aussi largement vitrée afin de bénéficier des apports solaires. Etant donné la pente du terrain et l’orientation, les autres murs sont construits en paille sur ossature bois. Les murs situés au-dessus des murs de pisé de 4 m sont aussi construits en paille puisqu’ils ne bénéficient pas des mêmes apports solaires à cause des débords de toitures.
Figure 22 Plan RDC maison
Figure 21 Photo de la façade de la maison en construction
Les habitants de la maison la trouvent très agréable l’été car elle reste fraiche. Ils ont consommé seulement deux stères de bois durant l’hiver. Ils trouvent aussi que le pisé absorbe très bien les odeurs même en l’absence de VMC1. Cet avis est bien sûr très subjectif. C’’est aussi pour cette raison que le LGCB-LTDS et l’ENTPE-CNRS a installé des capteurs dans les murs afin de mieux calculer leurs comportements et de mieux comprendre ce matériau dont les principes sont difficilement calculables. L’isolation du pisé : Pertinence et Principes 1
Ils ont ainsi pu comprendre les principes d’humidification et de séchage des murs en pisé. En l’absence de chauffage la première année, puisque la maison n’était pas encore habitée, il a fallu un an aux murs pour passer d’environ 19% de teneur en eau (à la construction) à un équilibre situé entre 4 et 5% 1. Ces résultats correspondent à l’humidité au centre du mur, les surfaces intérieures et extérieures étant plutôt situées entre 1 et 1,5% et les capteurs étant placés à environ 10cm des surfaces1. La première chose qu’ils ont pu observer est la façon dont le pisé séchait. Ils ont comparé les résultats de deux capteurs placés au centre du mur, un à 10cm de hauteur et l’autre à 90cm. Au bout de deux mois après leur fabrication, le capteur le plus haut indiquait une humidité de 16% et celui du bas de 19% 1. Le séchage commence donc par le haut du mur, il est influencé par la gravité. Au bout de 4 mois de séchage, les deux capteurs indiquent une humidité de 9% qui va ensuite continuer de manière uniforme jusqu’à atteindre son point équilibre à environ 4% au bout d’un an1.
Installation des capteurs dans le mur de pisé.
Figure 23
La deuxième caractéristique du pisé qui a pu être étudiée grâce à ces capteurs est son hygrométrie. En effet, le pisé est un matériau très poreux à la vapeur d’eau. Cette dernière, en traversant le mur, va en partie se condenser pour s’évaporer plus tard. En réalisant des tests sur des échantillons de pisé, les chercheurs du LDCB-LTDS et l’ENTPE ont pu quantifier le coefficient de résistance à la diffusion de vapeur d’eau des échantillons. Ce coefficient est situé entre 9,6 et 10,6 1. A titre indicatif le coefficient de résistance à la vapeur d’eau d’un béton armé est d’environ 105 (valeur donnée dans le logiciel d’estimation de la qualité environnementale de bâtiment COCON), c’est donc un résultat dix fois supérieur à celui du pisé. Les résultats obtenus pour le pisé sont comparables à ceux des blocs de béton ou des briques de terre crue dont le coefficient est de 10 (d’après les valeurs du logiciel COCON)1. Une partie de la vapeur d’eau qui traverse les murs va se condenser dans le mur et le reste le traversera. En se condensant dans le mur, elle va libérer de l’énergie sous forme de chaleur qui va contribuer à chauffer le mur. Plus tard, quand le mur chauffera au soleil ou avec l’air chaud qui le traversera, l’eau s’évaporera en consommant de l’énergie donc de la chaleur, et va par L’isolation du pisé : Pertinence et Principes 1
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conséquent rafraichir le mur. Ce comportement est encore difficilement calculable et les résultats donnés par les capteurs vont permettre de mieux comprendre et donc mieux calculer ces phénomènes. En comparant les résultats des températures et de l’humidité relative au sein des murs on se rend compte que le mur commence par sécher avant de monter en température. L’exemple donné dans le document nous montre que la diminution d’humidité dans le mur commence à onze heures alors que l’augmentation de la température du mur ne commence qu’à 14 heures1. Il est donc possible de conclure que l’évaporation de l’eau a consommé l’intégralité de l’énergie du soleil pendant trois heures. Inversement, le soir, l’humidité commence à augmenter à vingt heures. En se condensant, la vapeur d’eau permet de prolonger le réchauffement du mur de deux heures puisque celui-ci ne commence à refroidir qu’à vingt-deux heures1. Ces résultats nous démontrent que le pisé a un comportement hygrométrique très intéressant qu’il ne faut pas négliger. Toutefois ce n’est pas suffisant pour répondre aux exigences thermiques actuelles et à venir. En l’absence de recul concernant les effets de l’isolation sur le pisé il semble être préférable de ne pas tout miser sur ce matériau. Il a des qualités indéniables mais il me semble bien plus réfléchi de l’utiliser en relation avec d’autres matériaux. Il est possible de construire en pisé, ou en partie en pisé, saisir des opportunités comme un mur sud ou derrière une serre mais il est préférable d’utiliser un autre mode constructif au Nord par exemple. L’utilisation de l’ossature bois et du remplissage de paille sur la façade Nord de la maison de la Chabaudière permet d’offrir un très bon confort dans la maison qui aurait sûrement était bien moindre dans le cas d’une construction entièrement en pisé non isolé. Le pisé est un matériau de construction ayant des propriétés très intéressantes, tant sur sa matérialité que sur le confort de vie qu’il apporte. Il permet aussi de réduire considérablement les dépenses énergétiques pour la fabrication et le transport là où la terre s’y prête. Les autres modes de construction en terre crue ont aussi des caractéristiques très intéressantes et il est donc plus important de choisir de construire en pisé parce que la terre et l’endroit si prêtent.
L’isolation du pisé : Pertinence et Principes 1
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Conclusion Le pisé, mais aussi la terre crue plus généralement, est un matériau de construction qui ne doit pas être oublié. Son abondance ainsi que ses qualités écologiques ne doivent pas être négligées dans son développement. Les architectes qui souhaitent travailler avec cette matière doivent la connaître, la comprendre afin de pouvoir l’expliquer car aujourd’hui peu de personnes connaissent vraiment la terre crue. Ce manque de compréhension amène à un constat. Aujourd’hui, ceux qui ne connaissent pas ce matériau ne souhaitent pas vivre dans une maison en terre crue. Ils n’y croient pas et ont des préjugés sur ce matériau datant du passé, qu’ils ne pensent pas solide. C’est pourtant une matière qui dispose de nombreuses qualités et qui peut être employée presque partout dans le monde. La reconstruction en Haïti en 2010 a prouvé que la terre crue, et dans ce cas la Brique de Terre Comprimée (BTC), pouvaient permettre à la fois de reconstruire rapidement mais aussi de créer de nombreux emplois et entreprises. De plus la tenue dans le temps de ces ouvrages, s’ils sont bien réalisés, n’est plus à prouver. Le coût énergétique pour les réaliser est bien plus faible que la plupart des autres modes de construction. Aujourd’hui nous vivons dans un monde dans lequel les énergies fossiles s’épuisent et, pour le moment, si l’état d’esprit ne change pas il n’y a pas encore de solution de remplacement qui peut produire autant d’énergie que celle que l’on utilise. Cela va inévitablement nécessiter une baisse de consommation énergétique et les architectes ont leur rôle à jouer dans ce travail. Penser des projets en fonction des ressources locales et moins énergivores est une des possibilités pour réduire notre impact énergétique et, à ce titre, la terre crue peut faire partie des solutions. Le pisé, par ses caractéristiques, permet de répondre aux trois piliers du développement durable. La dimension environnementale, puisqu’il utilise une matière première abondante et, entièrement recyclable si elle n’est pas modifiée. Le pisé ne nécessite pas ou peu de transformation de la terre, il faut parfois l’humidifier mais la quantité d’eau utilisée est alors très faible puisque la teneur en eau de la terre est naturellement proche de celle recherchée pour la mise en œuvre. Si le pisé est utilisé intelligemment, dans un endroit ou la terre s’y prête, il est possible de réduire très fortement l’impact du transport. C’est aussi pour cela qu’il est plus intéressant de travailler avec des entreprises locales disposant du savoir faire de la construction en pisé. Ces entreprises, bien qu’encore peu présentes en France commencent à apparaître au fil de la réappropriation de la construction en terre crue. Le pisé permet aussi de répondre à la dimension sociale du développement durable. Il permet de favoriser des produits et des savoir-faire locaux ainsi que de réinterpréter le patrimoine local en pisé. Si une région dispose d’un patrimoine en pisé, alors il y a de grandes chances pour que la terre locale permette ce mode de construction. Les chantiers participatifs et/ou de réinsertion s’adaptent aussi très bien à la construction en pisé qui demande beaucoup de main-d’œuvre. Le dernier pilier du développement durable est la dimension économique à laquelle répond le pisé s’il est réalisé en lien avec les entreprises et les savoirfaire locaux ainsi que les ressources locales.
Afin de répondre à ces trois piliers du développement durable il est donc nécessaire de travailler localement et par conséquent avec les artisans et les matières premières locales. Il faut donc, avant toute conception en pisé, se renseigner sur les bâtiments déjà réalisés dans la région. Cela permettra de se faire une idée sur les possibilités de réaliser une construction en pisé avec les terres locales. Il faut ensuite s’assurer de la présence de terre propice à ce type de construction sur le site ou dans l’environnement proche du site de construction.
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Bibliographie
Ouvrages
- Construire en terre crue, édition le Moniteur - Traité de construction en terre, édition Parenthèse - Bâtir en terre, édition Belin - AA Perspective Durable 2012
Articles
- L’isolation du pisé, pertinence et principes - HYGROBA Cahier n°1 - Mesure du comportement hygrothermique du pisé, Pierre Antoine Chabria
Conférences
- Brève histoire de maison paysanne, Thierry Joffroy
Iconographie Figure 1 http://www.inspirationgreen.com/rammed-earth?start=80 ____________________ Maison à Luanda ANGOLA ______________________________________________ 1 Figure 2 Carte des bâtiment en terre crue dans le monde d'après une carte de l'UNESCO ___ 12 Figure 3 http://www.designboom.com/cms/images/rid10/earth05.jpg _________________ 14 Figure 4 http://texturesphotos.blog.lemonde.fr/files/2015/11/mur_pisé.jpg _____________ 14 Figure 5 http://www.archdaily.com/508294/nk-mip-desert-cultural-centre- dialog/537ab7e0c07a80946d000046-nk-mip-desert-cultural-centre-dialog-photo __ 14 Figure 6 Schéma réalisé d'après un schéma de L'isolation du pisé : Pertinence et Principes ___ 15 Figure 7 Schéma réalisé d'après un schéma de Traité de construction en terre ____________ 18 Figure 8 Schéma réalisé d'après un schéma de Traité de construction en terre ____________ 18 Figure 9 Schéma réalisé d'après un schéma de Traité de construction en terre ____________ 18 Figure 10 Schéma réalisé d'après une photo de Construire en terre crue __________________ 19 Figure 11 Schéma réalisé d'après un schéma de Traité de construction en terre ____________ 20 Figure 12 Schéma réalisé d'après un schéma de Traité de construction en terre ____________ 21 Figure 13 Schéma réalisé d'après un schéma de Traité de construction en terre ____________ 21 Figure 14 Schéma réalisé d'après un schéma de Traité de construction en terre ____________ 21 Figure 15 Schéma réalisé d'après un schéma de Traité de construction en terre ____________ 22 Figure 16 Schéma réalisé d'après un schéma de Traité de construction en terre ____________ 23 Figure 17 Schéma réalisé d'après un schéma de Traité de construction en terre ____________ 23 Figure 18 Schéma réalisé d'après un schéma de Traité de construction en terre ____________ 23 Figure 19 http://www.rabaud.com/fr/materiels/godet-malaxeur-a-beton/godet-malaxeur-a- pales-turbomix.html ___________________________________________________ 31 Figure 20 http://www.lehmtonerde.at/en/projects/project.php?pID=17 __________________ 38 Figure 22 https://www.dropbox.com/s/7eh888gf2xvyzy2/Thèse%20chabriac%20v1.3.pdf?dl=0 Mesure du comportement hygrothermique du pisé, Pierre Antoine Chabria _______ 39 Figure 21 https://www.dropbox.com/s/7eh888gf2xvyzy2/Thèse%20chabriac%20v1.3.pdf?dl=0 Mesure du comportement hygrothermique du pisé, Pierre Antoine Chabria _______ 39 Figure 23 https://www.dropbox.com/s/7eh888gf2xvyzy2/Thèse%20chabriac%20v1.3.pdf?dl=0 Mesure du comportement hygrothermique du pisé, Pierre Antoine Chabria _______ 40
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Gurvan ARNAUD PETIT GUIDE DU CONSTRUCTEUR DE PISÉ.