2
Un grand merci à madame Alia Sellami Ben Ayed en tant que directrice de mémoire, pour sa disponibilité et son encadrement, et en tant que première enseignante d’architecture dans cette école, pour m’avoir formé sur de bonnes bases et pour m’avoir permis d’avoir confiance en moi. J’aimerais par ailleurs remercier toutes les personnes qui m’ont encouragé à aller vers l’avant. Enfin, je tenais à remercier mes chers parents pour leur soutien et leur encouragement.
4
"
Architecture moderne ne signifie pas employer de nouveaux matériaux sans maturité, ce qu'il faut c'est ennoblir le matériau dans un sens humaniste. 1
1
"
Alvar Aalto – Actes Sud, Grands architectes-Giovanni Leoni-p99
J
’étais, je suis et je serais toujours attiré par l’architecture sans architectes, une architecture ingénieuse, représentante du mariage parfait de la réflexion et de l’intuition de l’Homme. L’architecture vernaculaire ou la graine qui prend naissance spontanément de son sol. En m’intéressant à l’héritage historique, patrimonial et architectural de mon pays, j’ai choisi en cinquième année « Architecture et environnement » comme thème d’étude, ainsi que l’architecture vernaculaire en tant que cours de séminaire. Suite à un voyage d’étude la même année au nord-ouest de la Tunisie, j’ai été bousculé par le charme du village le plus haut de la Tunisie, Kesra. En comptant quelques allers et retours de plus, vers ce village, j’ai eu la chance de vivre mon site. En m’intéressant à découvrir l’architecture alternative, suite à plusieurs workshops effectués en Super-adobes2 en Tunisie, j’ai eu conscience de la demande croissante de créer des centres de formation en technique de construction durable, et cela suite à plusieurs débat-dialogues mentionnés en annexes. Face à un manque flagrant en matière de restauration et d’entretien, ce magnifique lieu, perché en amont des montagnes, se dégrade de plus en plus. L’approche se veut durable et située, elle se base sur la valorisation de la richesse naturelle, culturelle et patrimoniale de la région. C’est surtout, l’engagement d’accomplir ce rêve développé au cours de mon cursus universitaire, qui est derrière le choix de ce site et de ce sujet pour mon projet de mémoire d’architecture. Au cours d’un voyage en Algérie, j’ai eu la chance de découvrir les travaux de l’architecte français Fernand Pouillon et son usage moderne de la pierre pour ses logements, d’où l’idée de concevoir un centre de formation en construction en pierre qui sera lui-même une vitrine de plusieurs techniques contemporaines utilisant ce matériau noble et durable.
2
Le superadobe est une technique de construction brevetée par Nader Khalili, un Irano-américain qui consiste à construire des dômes avec de la terre crue remplie dans des sacs en rouleaux.
6
A
l’heure où le monde vit une crise énergétique grave, où la planète se réchauffe dangereusement et où la croissance démographique accélérée entraine un accroissement considérable des concentrations urbaines, le durable devient une nécessité et une urgence. A l’heure où le monde vit une universalisation évidente, où le patrimoine architectural avec ses spécificités techniques contextualisées connait un déclin important et où la diversité culturelle s’efface laissant place à la culture de masse, la préservation du patrimoine humain, et sa revalorisation deviennent une nécessité et une urgence. L’abandon des techniques de construction ancestrales au profit de variantes industrielles est évident. Les raisons sont multiples et pas toujours clairement identifiées. Sans doute dès le lendemain de l’indépendance, au nom du « modernisme, a-t-on (trop) rapidement abandonné les techniques et typologies traditionnelles. Sans doute l’adoption généralisée, à tous les programmes et à toutes les régions, du système de structure poteaux-poutres en béton armé avec remplissage en briques de terre cuite, a-t-elle considérablement réduit l’éventail des solutions constructives et conduit à la disparition des techniques ancestrales et à la dévalorisation de la main d’œuvre spécialisée. Le constat est toutefois clair l’identité de Kesra se trouve menacée par le délaissement des techniques ancestrales de construction au profit des variantes industrielles, entrainant une détérioration inexorable de ses anciennes bâtisses. Kesra, situé dans le gouvernorat de Siliana se dégrade : Les habitants ne semblent pas prêter attention à leur environnement bâti, ils s’en détournent, se comportant comme s’ils ne prenaient pas la mesure de toute la richesse qu’il constitue. Un centre de formation professionnelle dédié à la construction en pierre qui accueillerait toute personne curieuse du passé de cette terre sur laquelle elle habite, désirant découvrir et/ou apprendre ces techniques de construction millénaire pourrait aider à la revalorisation de ce patrimoine architectural. Ce centre viserait tout type d’utilisateur, depuis le maçon jusqu’à l’architecte, depuis le citoyen ordinaire intéressé jusqu’à l’ingénieur et l’historien, etc.
-
Est-il possible, à travers une réalisation architecturale contemporaine, de revitaliser des techniques de construction ancestrales ?
-
Si oui, dans quelle mesure cette réalisation pourrait- elle servir d’exemple pour aider les concepteurs à intégrer les ressources locales dans leur projet ?
L
a présente approche porte sur la création d’une proposition architecturale qui participera à la revalorisation du village, son histoire, son patrimoine et son architecture, revaloriser et faire renaitre ses activités artisanales, faire participer les villageois dans les activités du projet et même au cours du chantier. Elle vise les finalités suivantes :
Concevoir au XXI siècle une architecture vernaculaire contemporaine construite en pierre locale.
Assurer l’autosuffisance d’un projet bioclimatique et contribuer au développement durable de la région.
Mieux connaitre et faire connaitre les richesses du territoire.
Transmettre des savoirs et des savoir-faire, sensibiliser, former et éduquer.
Participer à la dynamique territoriale, promouvoir un développement responsable du territoire.
8
C
e mémoire aura pour objectif d’entamer une recherche sur l’espace de découverte et d’apprentissage de la construction en pierre, et d’étudier l’éventualité de concevoir un espace adéquat. J’ai entrepris un travail bibliographique et sur site qui m’a permis de réaliser une présentation générale du village de Kesra, ainsi qu’un panorama sur ses richesses architecturales et patrimoniales aboutissant à un diagnostic sur son architecture. Puis j’ai entrepris un travail bibliographique situant la Tunisie dans le contexte générale du développement durable. J’ai enfin choisi des œuvres de référence et procédé à une analyse par thème pour en extrapoler des outils que j’ai utilisé dans mon projet. L’approche se développe en cinq moments :
Un premier chapitre qui nous fait découvrir Kesra, son historique, ses potentiels et ses richesses.
Un deuxième chapitre situe la Tunisie dans le contexte global du développement durable.
Un troisième nous définissons ce qu’est l’espace de formation de construction en pierre naissant du contexte tunisien, en particulier au NordOuest du pays.
Un quatrième chapitre présente les projets-références organisés par thèmes.
Ces références seront par la suite analysées afin d’extrapoler des paramètres architecturaux à prendre en considération dans mon projet.
Un cinquième chapitre portant sur le contexte spécifique d’intervention et la naissance du projet architectural.
10
001 : Photo ponoramique prise à Kesra.
M
on projet a pris naissance suite à la découverte d’un contexte particulier. Dans ce premier chapitre je vais présenter la « reine des montagnes », le village de Kesra, son potentiel géographique, naturel, historique, patrimonial dans un premier volet, dans un deuxième volet je tenterais de faire connaitre son cadre bâti puis j’enchainerais par la présentation de la richesse architecturale de ce village, clôturant par un diagnostic sur son état aujourd’hui mettant l’accent sur sa dégradation de son authenticité et ses causes.
1. Kesra : présentation 1.1. Situation géographique
003: La carte du nord-ouest.
002 : La carte de Tunisie.
Kesra ( )كسرةest un village pittoresque attaché au gouvernorat de Siliana du nordouest, c’est tout d’abord une terre agricole. Siliana compte 4.311 km² de terres agricoles pour une superficie totale de 4.642 km² (93%). L’agriculture emploie 39,1% de la population active de la région. Le taux d’urbanisation atteint 38% quand la moyenne nationale est de 66%. Le nord-ouest tunisien dispose également d’une formidable richesse en ressources minérales utiles (roche marbrière et roche argileuse par exemple). On ne compte pas moins de 66 à Siliana. Une réelle «fortune» pour une éventuelle activité d’extraction et de transformation hors norme. La région regorge également de grands réservoirs d’eau. Le nord-ouest tunisien n’est pas qu’une terre agricole, c’est aussi, un barrage et une carrière à ciel ouvert. Cette région dispose également d’un patrimoine culturel et archéologique exceptionnel. Kesra est le village le plus haut de Tunisie avec 1100 mètres d'altitude, célèbre pour ses monuments mégalithiques, ses cascades d'eau et ses escaliers taillés dans le roc. A une distance de 160 kms de Tunis et 120 kms de Kairouan. Elle compte environ 2500 habitants. Kesra est la seule localité antique de la région à avoir pu survivre. Historiquement, elle y a joué un rôle important. 1.2. Géomorphologie Dès sa genèse Kesra a constitué une position de contrôle de son voisinage. « La casbah » élément le plus haut du village était autrefois une tour de contrôle de la forteresse byzantine qui témoigne par les vues panoramiques qu’elle offre, montre le rôle qu’elle a joué autrefois.
004 : Le relief de Kesra, le village
Coupe sur le relief de Kesra
1.3. Le climat Le climat est de type continental caractérisé par une pluviométrie moyenne annuelle de 426mm avec une température moyenne évaluée à 10° C. Pendant l'hiver la température peut atteindre 2°C alors qu'en été la température maximale se situe aux environs de 45° C. Les vents dominants viennent du nord-ouest.
12
1.4. Les richesses naturelles L’eau L’eau est un élément majeur ayant permis le choix d’implantation et la résistance de Kesra au fil du temps comprenant plusieurs sources d’eau douces variant entre des chutes violentes et des chutes rythmées, je note quelques-unes de ces sources connues, Aïn Aghir, Aïn Gachech, Aïn Mizeb, Aïn Maklaw, Aïn Soultan, Ain Sidi Yahia.
Les roches
005: Carte des substances utiles à Siliana.
La richesse naturelle qui caractérise le gouvernorat de Siliana et en particulier le village de Kesra, réside dans les sites de réserves en substances minérales utiles. 1.5. Faune et flore La végétation La beauté des panoramas à perte de vue sur les champs, les figuiers et les forêts de pins d'Alep et de chênes rouvres, est une autre particularité du village, au cœur d'une région très verte.
007 : Photo d’un figuier portant ses fruits.
006 : Photo du pin d’alep.
1.6. Historique
008 La tour byzantine imposante de la casbah de Kesra.
L’origine ethnique : Depuis la nuit des temps, Kesra a été occupé successivement pour sa richesse naturelle et son altitude qui lui permet de contrôler les plaines qui l’entoure.
Epoque antique : Les dolmens dénotent d’une occupation préhistorique
Epoque punique 009 : Dolmens antiques trouvés à Kesra source.
Epoque byzantine : Toute une citadelle fut édifiée à l’époque justinienne et visible encore de nos jours.
Epoque romaine : Des inscriptions sur les blocs de pierre ainsi que des épigraphies en témoignent…Et puis les colonnes réemployées dans la construction du village en témoignent. Epoque berbère
Epoque musulmane : ottomane-husseinite et mawahdite-hafside
Epoque Coloniale.
010 : photo d'un mur montrant une épigraphie sur une pierre réemployée.
14
Kesra, appelé autrefois Shusira a été la cité numide faisant partie de l’une des provinces les plus urbanisées du royaume de Massinissa. Perchée sur un site situé à 1.078 m d’altitude, Kesra est la seule localité antique de la région à survivre jusqu’à nos jours. Elle a joué un rôle important dans l’histoire de la région et jusqu’en 1887, année de la fondation de Makthar, la petite ville où s’étaient fixés les Maures chassés d’Andalousie. Les rues en escalier, emblème du village, existaient déjà à l’époque romaine ; les murs des vieilles maisons ornés d’inscriptions libyques, puniques et latines. Dans le village, deux ensembles archéologiques coexistent : l’un protohistorique, hors des quartiers actuels, et l’autre inséré dans la zone urbaine. Le premier consiste en une série de monuments mégalithiques aux plans polygonaux, dont certains ont conservé leur couverture en grosses dalles ainsi que des tombeaux creusés dans le roc. Les autres monuments, d’époque byzantine, construits avec des matériaux antiques, tels une forteresse quadrangulaire d’époque justinienne, des remparts et une tour sont aujourd’hui englobés par les habitations du village. Il y a eu également la réutilisation des blocs mégalithiques des dolmens situés sur la croupe rocheuse.
"
La Kesra est un immense plateau rocheux, la coupure d’un plateau de cinq à six cent mètres de développement, ayant la forme d’un arc de cercle taillé à pic. De ce sommet, poussée par les eaux qui en temps de pluie en dévalent avec force, se sont échappées des roches énormes, aux flancs couverts de mousse, aux interstices garnis de caroubiers, d’arbrisseaux ou de thym. Ces roches forment des séries de gradins qui descendent jusqu’à la vallée. Sur ces gradins, où des siècles ont accumulé la terre végétale, s’étalent des jardinets microscopiques, plantés d’arbres fruitiers ; à côté de ces jardinets et sur les mêmes gradins, des maisonnettes tout en pierres superposés reliées de mètre en mètre par des branches d’arbres. Du haut du plateau roulent, en mugissant des cascades d’eau limpide qui, de gradin en gradin, descendent dans la vallée après avoir été utilisées par les habitants pour l’arrosage de leurs jardins : l’eau sourd de tous côtés par les fentes des rocher et, se glissant sur les surfaces planes des gradins, elle y forme des bassins toujours alimentés. Tout au sommet du village, assis au rebord même du plateau, une forteresse, datant de l’époque justinienne, dresse les débris de ses remparts, citadelle byzantines dont les hautes tours sont à demi ruinées. Sur le plateau, dit Hammada-Kesra, à un kilomètre environ au-delà du château byzantin, on voit une douzaines de dolmens ; on en trouve d’autres dans la forêt d’oliviers, au-dessous du village ; quelques-uns sont remarquables par leur dimension. (Auxcouteaux, 1901)
"
011 : Photo de deux femmes qui travaillent la laine à Kesra.
1.7. Secteur socio-économique En premier lieu l’agriculture, en plus d’avoir une flore dense et variée, Kesra possède une quantité de terres agricoles considérables. C’est surtout les champs de céréales et d’oliviers qui dessinent ce paysage si particuliers. L’arboriculture fruitière ne manque pas de compléter les activités agricoles du village. Les vergers alentours sont irrigués par une vingtaine de sources, grâce à un système de canalisation originale, ensuite l’élevage, les bovins et les ovins sont source de nourriture pour la viande et le lait. On utilise leur laine pour le tissage des habits et autres. Les animaux de traits travaillent pour labourer les terres. L’apiculture aussi, cette branche de l’agriculture qui consiste à l’élevage d’abeilles à miel est présente à Kesra avec son cachet spécial, celui de la technique utilisée à base de roseaux. La chasse aussi ne se fait pas rare dans la localité et est souvent pratiquée car la faune présente diverses espèces tel que la perdrix, le lièvre ainsi que le sanglier. L’artisanat est un secteur économique majeur dans la région de Kesra. Dans ces régions retirées du rythme infernal des grandes villes, le travail patient et attentif des artisanes, est sans doute la pratique qui perdura le mieux. Le tissage, Klim, Barnous et Kachabia, le rendu est varié, mais la texture reste la même : la laine. Le travail de la laine et sa teinture naturelle aboutit à sa transformation en tenues vestimentaire, en tapisseries et en couvertures. La poterie traditionnelle concerne la fabrication des ustensiles de cuisine et des fours à pain traditionnel (tabouna et gouja).
012 : des objets artisanaux travaillés à Kesra.
16
"
Les femmes de la Kesra fabriquent encore le kanoun, la mojmara pour la coction du thé, une tasse à grand plat avec ande funiculaire, moins large que la majna appelé beguiya, des assiettes (tebsi), une coupe à pied munie d’une anse funiculaire la medekhna A l’intérieur des plats, les femmes tracent leurs doigts trempés dans la couleur (ocre ou écorce de pin) ou des combinaisons de cercles ou de croix ou de lignes 3 croisées de traits, comme pour schématiser un arbre ou une plante, ou un personnage à multiples étages. Eernest Gobert4
"
4
Ernest-Gustave Gobert, Usages et rites alimentaires des Tunisiens. Leur aspect domestique, physiologique et social, éd. MC-Editions, Carthage, 2003
N
013 : vue satellitaire de Kesra.
18
2. Kesra : présentation du cadre bâti Dès sa genèse, Kesra, le site a été choisi pour son emplacement et ses richesses introduits précédemment dans ce chapitre. Je tenterais dans ce volet de faire connaitre le cadre bâti de ce village. Je commencerais par une lecture paysagère et urbaine du site, ensuite pour enchaîner sur une présentation des principaux repères du village. 2.1. Lecture paysagère
Ce qui remarquable dans le tableau de Kesra, c’est la présence végétale, dense et imposante, celle-ci recouvre près de 70% de la zone. La forêt est richement composée de massif de pins d’Alep et de chênes rouvres. La terre agricole représente 25% de la surface totale du village, recouverte par des vergers de figuier des champs de blé et d’oliveraies. Enfin, les 5% restantes sont des plantes steppiques. Ce paysage présente donc une surface forestière considérable, avec une large diversité de Faune et de Flore. 014 : Photo montrant le paysage forestier de Kesra.
Un autre aspect de Kesra, qui est l’implantation du tissus urbain dans l’environnement initial ; La roche. Les constructions semblent avoir été sculptées dans la pierre. 015 : Photo montrant l’implantation des ruelles de Kesra.
Dans ce paysage de pierre, ou l’architecture vernaculaire emprunte aux techniques ancestrales l’usage d’un matériau ancestral, certaines bâtisses se distinguent des autres, de par l’usage de béton en guise de matériau de construction. Cette hétérogénéité a un fort impact sur la lecture du site. Nous pouvons penser que l’usage de la pierre est actuellement délaissé au profit du béton, tout aussi solide et plus rapide à exécuter.
2.2. Lecture urbaine Cette partie est dédiée à la présentation du paysage urbain au sein du village de Kesra. La carte ci-dessous, distingue les différents tissus urbains du village. La citadelle byzantine est le cœur de l’ancien noyau de kesra formant tout autour une trame urbaine de type organique, le village comporte de vastes champs agricoles et archéologiques. Le village de Kesra a vécu isolé du reste des infrastructures jusqu’à la période coloniale et postcoloniale, durant lesquelles deux routes ont été reliées au GP12, ce qui facilita l’accès par voie véhiculaire. De plus, une décision gouvernementale prise en 1964, exigea qu’une ville nouvelle de Kesra soit élaborée, située à quelques kilomètre de l’ancien village, offrant ainsi de nouveaux équipements modernes aux citadins, tout en préservant les vestiges du patrimoine.
017 : Pau de Kesra retravaillé.
20
018 : Zone étudié.
La topographie de Kesra a dicté à travers les années, un urbanisme tissé de ruelles et d’impasses, structurant une trame organique. La topographie de la ville de Kesra a été un facteur prédominant lors de la réalisation du tissu urbain, structuré selon une trame organique. En effet la succession des civilisations a engendré un urbanisme authentique, réfléchi à l’échelle du piéton. L’étroitesse des rues, l’implantation des constructions par rapport aux courbes de niveau et au diagramme de l’ensoleillement, ont offert aux habitants un climat viable depuis des millénaires. Les habitations qui sont situées dans l’ancien noyau de Kesra, sont généralement composées d’une cours intérieure. La plupart de ces maisons partagent un mur mitoyen avec leur voisinage. Ces derniers bénéficient de l’inertie thermique engendrée par le dédoublement des parois. 2.3. Principaux repères : Les repères différent d’une personne à une autre, mais les principaux repères en commun entre habitants de la région et touristes sont sans doute la casbah ou la citadelle byzantine qui a fait preuve de durabilité dans le temps et le musée du patrimoine de Kesra, bâti en 2009, dans le cadre de la revalorisation du patrimoine de la région, et faisant participer les habitants au sein même du chantier.
2.3.1. Le musée du patrimoine de Kesra Kesra est dotée d’un magnifique musée conçu par l’architecte tunisien, Mohamed Mohsen Belhamra en 2009, avec l’expertise de l’institut national du patrimoine, dans le cadre d’une tentative de revaloriser le patrimoine tunisien, d’exhiber les richesses culturelles de Kesra et de promouvoir le tourisme culturel. Ce musée bâti avec de la pierre locale, fond dans le paysage, et s’intègre dans son environnement, ce dernier semble creusé dans le roc et peut être qualifié de silencieux. Les 019 : Vue d'ensemble du musée. habitants du village s’y reconnaissent, puisqu’il reflète l’histoire de leurs ancêtres. Ils se reconnaissent aussi dans la construction même du bâtiment. Le site étant inaccessible aux engins lourds, l’architecte avait fait alors appel à la main d’œuvre locale pour revitaliser l’usage de la pierre. Limitant les habitants de Kesra, le maitre d’œuvre a récupéré des pierres issues des vestiges byzantines et romaines pour les réemployer dans l’édification de ses murs d’enceinte. Imposant, par sa position dominante, le musée ne passe pas inaperçu et se veut dans l’esprit de sa création, un espace d’échange, de découverte et d’ouverture. La forme du bâtiment semble une extrusion sculpturale en pierre ouverte sur le sud, une preuve que l’architecte ait pris en considération l’ensoleillement. Ce musée compte deux étages, et atteint 8m de hauteur.
020 : plan rez-de-chaussée du musée du patrimoine de Kesra.
22
022 : Photo de l’entrée du musée.
021 : Photo de l'intérieur du musée.
Le rez-de-chaussée comporte l’administration, l’entrée et l’ouverture sur un accueil chaleureux par ses couleurs nous conduisant avec fluidité à un parcours de différentes salles d’exposition et de projection de différents niveaux qui nous fait monter à l’étage par un escalier. Une fois arrivé à l’étage, on découvre une spacieuse salle polyvalente et une terrasse spacieuse qui accueille les habitants du village pour recevoir leurs hôtes venant découvrir leurs savoir-faire, leurs traditions et leurs rituels. Le musée se transforme donc selon l’évènement en un espace d’expovente et de dégustation.
023 Plan étage du musée du patrimoine de Kesra.
2.1.1. 2.1.2.
2.3.2. La citadelle byzantine
024 : Photo du mur d’enceinte de la citadelle byzantine de Kesra.
1
3 Figure 25 : Plan d’implantation de la citadelle byzantine de Kesra.
026 : La célèbre tour de la citadelle de Kesra.
2
Kesra, a connu une succession de civilisations punique, byzantine et romaine. L’un des principaux repères de Kesra, est la casbah ou la citadelle byzantine, cette dernière est édifiée avec des matériaux antiques, tels une forteresse quadrangulaire d’époque justinienne, des remparts et une tour sont aujourd’hui englobés par les habitations du village. Il y a eu également la réutilisation des blocs mégalithiques des dolmens situés sur la croupe rocheuse.
027 : Photo montrant les deux techniques de construction en pierre.
3
24
028 : photo montrant les deux techniques de construction en pierre et la taille de la pierre par rapport à l’échelle humaine.
3. Architecture d’hier et d’aujourd’hui Dans ce volet, je montrerais les richesses architecturales de Kesra, plus précisément son usage de la pierre locale en construction, un savoir-faire ancestral d’envergure mais menacé de disparition, qui a engendré la dégradation du paysage patrimoniale, donc je clôturerais ce chapitre par le tir de cette sonnette d’alarme en présentant un diagnostic sur l’état actuel de l’architecture. 3.1. Architecture vernaculaire A la fois montagneux et rural, le village de Kesra bénéficie d’une richesse naturelle qui est la pierre calcaire d’où l’utilisation courante des techniques de construction en pierre. On trouve également des dolmens ainsi que des constructions en pierre avec joint non maçonné, c’est-à-dire sans l’aide de mortier, qui consiste en l’utilisation de la pierre sèche ainsi que la pierre de taille appareillée.
3.1.1. Architecture en pierre à joint non maçonné La maçonnerie à joint vifs
La maçonnerie à joint vifs désigne une maçonnerie de pierre de tailles appareillées sans mortier de liaison ou encore opus, extraites de carrière. Les faces sont soigneusement dressées pour s'ajuster aux pierres qui les jouxtent. Cette technique était utilisée pendant la période byzantine et romaine de Kesra, pour édifier la citadelle, ensuite les autochtones ont récupéré ce matériau pour édifié leurs propres habitations.
La pierre sèche
Le mur en pierre sèche est un mur édifié sans l'aide de mortier : c'est une construction dont l'harmonie et la solidité sont assurés par le poids de chaque pierre nue, sa forme, son inertie, et surtout sa position par rapport aux autres. Le mur en pierre sèche, dit “Aïssaoui” est monté en pierre de taille décroissante dans le sens ascendant. Les pierres sont superposées à rupture de joint sans liant. Cette technique constructive conduit à élever des murs épais, qui se démaigrissent progressivement dans leur élévation.
3.1.2. Système constructif Le système intègre un système d’ossature en pierre constituée de mur porteur en pierre et une toiture plate multicouche, en bois local et en pierre, le tout naturellement étanchéifiée. Le chainage Le chainage qui est la partie rigidifiant horizontalement ou verticalement un mur en appareil de pierre. À Kesra ce chainage est souvent réalisé avec des branches d’olivier local. Ouvertures A Kesra, les linteaux qu’on rencontre sont droits et de deux sortes : en pierre ou en bois. Les linteaux en pierre sont monolithiques, en calcaire dur, ils présentent l’inconvénient majeur de ne permettre que de courtes portées, ce qui oblige des fois à donner à l’ouverture une forme trapézoïdale plus large en bas qu’en haut, ce qui permet de réduire la charge du linteau et de transmettre une partie des efforts sur les murs. Les linteaux en bois sont réalisés avec des branches d’olivier, ce qui permet d’obtenir des portées plus importantes que celles obtenues avec les linteaux de pierre.
3.1.3. Matériaux locaux Pierre : la pierre calcaire tendre est utilisée pour la construction des murs et de la fondation. La pierre calcaire dure issue généralement des vestiges romains est utilisée pour les points porteurs en rez-de-chaussée. La pierre émincée « Frach » est utilisée pour le revêtement des solives des dalles en « oued ». Le bois utilisé sous forme de tronc d’olivier d’environ 2m de long sert de solive pour les dalles en « oued ». La branche d’olivier sert de linteau des ouvertures ou pour renforcer le mur et le traitement des angles « ouked ». Le liant : un mélange de chaux « la chabba » (Du sable et de la cendre diluée au fil du temps avec de l’eau) constitue le liant. Ce liant sert pour enduire les habitations de l’intérieur. La terre extraite des fondations sert comme dernière couche de dalle « frach ».
029 : coupe d’un mur en pierre sèche.
26
3.1.4. Etude d’exemple d’ancienne maison Afin de se protéger du climat, les pièces à vivre de la maison traditionnelle à Kesra possède peu d’ouverture. Les maisons sont souvent sur deux niveaux à cause de la géomorphologie du site. Le rez-de-chaussée est composé de deux chambres de 2 m de largeur, utilisées pour le stockage, et d’une cour couverte. A l'étage on trouve trois appartementschambres qui peuvent abriter trois familles. A l’étage chaque appartement-chambre, contient diverses activités, une niche, « Dokana » construite en pierre servant de lit et un séjour servant d’atelier d’artisanat. Les chambres sont organisées tout autour d'un espace central ; une cour découverte qui est un espace commun où on trouve un coin cuisine aménagé à proximité du four à pain, « Tabouna ».
030 : Plans et élévation d’une habitation à Kesra.
Figure 31 Photo d’une vue d'ensemble sur le village de Kesra.
3.2. L’architecture de nos jours Il faut d’abord avouer que la pierre pour certains est devenue un processus complexe, minutieux, non mécanisable, qui s'inscrit dans un système de production socialement et économiquement révolu. La main d’œuvre qualifiée, peu sollicitée, se raréfie en entraînant dans ce processus la disparition du savoir-faire, tant du point de vue de la technique de construction que de celui de l’entretien. 3.2.1. Le déclin de l’emploi de la pierre locale Paradoxalement le patrimoine architectural de Kesra, pourtant à forte valeur historique, a au fil des années, été déconsidéré par ses propres habitants. Cette absence de conscience, vis-à-vis de la richesse patrimoniale du village, est sans doute due au fait que l’architecture en question est associée à la précarité de ses habitants. De ce fait la transmission de techniques ancestrales de père en fils a connu une rupture. Plusieurs autres facteurs ont-ils présidé à cette disparition, dont bien entendu l’invasion des matériaux industriels nouveaux comme le béton armé et ses techniques de mise en œuvre, ainsi que toutes les transformations sociales, économiques et culturelles qui ont touché la société tunisienne pendant les dernières décennies. Pour restaurer ou pour bâtir une construction le maitre de l’ouvrage consulte le maitre maçon qui représente selon lui l’expert de la technique de bâtir. En dépit de la présence sur le terrain d’une grande quantité de pierres à portée de main, le maitre maçon préfère recourir à l’usage de la brique et du béton armé industriel. La pierre étant réduite à un matériau de décoration ou de remplissage.
28
3.2.2. Diagnostic
Par manque de savoir-faire, désormais, les maçons revêtent le mur en pierre par des briques pour au final les recouvrir d’une couche d’enduit en béton. 034 : Photo mettant en valeur l’usage de la brique industrielle.
L’Invasion de la brique dans le tissu ancien du village de Kesra, tout près du fort byzantin, contribue à la dégradation du paysage du village. 033 : Photo mettant en valeur l’usage de la brique industrielle
Système constructif en poteaux et poutre avec un remplissage en pierre, la pierre a donc perdu ses capacités porteuses. 032 : Photo montrant l’usage du système poteaux et poutre.
4.
Synthèse
Le village de Kesra bénéficie de plusieurs potentiels : culturel, naturel, patrimonial et architectural, la pierre, reste le matériau de construction qu’on trouve en abondance, mais par manque de conscience de la valeur patrimoniale et par la perte de sa maitrise, le village est en perpétuelle dégradation du fait de l’invasion des nouveaux matériaux. Ne prenant pas compte des particularités locales, cette invasion de nouveaux matériaux boostée par le lobby des gros industriels, défavorise l’usage de la pierre locale pour bloquer l’indépendance des habitants et des producteurs locaux vis-àvis d’une loi du marché dont ils ne profitent pas. Cela a pour impact d’appauvrir le paysage culturel du village et d’empêcher l’accès à un habitat « de qualité » pour les habitants démunis à cause des prix élevés de la construction actuelle. Finalement cela entraine la consommation excessive d’énergie fossile, la pollution et l’indifférence face au gaspillage des ressources. Désormais, il s’agit de donner des réponses efficaces aux enjeux actuels de la société liés au développement durable.
30
035 : Photo des éoliennes au Danemark (un pays dont la production de l’énergie renouvelable a atteint et dépassé son autosuffisance en énergie).
D
ans le précédent chapitre j’ai présenté le village de Kesra, ses potentiels, ses richesses et son paysage architectural en déclin, ce deuxième chapitre est consacré au développement durable dans le contexte tunisien. 1. Le développement durable 1.1. Définition Selon le ministre norvégien Gro Harlem Brundtland, qui a présidé en 1987 la rédaction du rapport « Notre avenir à tous » sous la direction des Nation unies «Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations actuelles sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs»5. 1.2. Facteurs Les facteurs en cause sont la surexploitation de nos ressources naturelles non renouvelables comme le pétrole, le gaz, le gaz de schiste, la pénurie des ressources en eaux douces susceptible d’affecter l’agriculture ainsi que la destruction des écosystèmes. Ils concernent également la déforestation et la pollution causée par nos machines, entrainant le réchauffement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre. Ils concernent encore les guerres, notamment les deux dernières mondiales en ajoutant les catastrophes naturelles (Tchernobyl, Hiroshima qui ont provoqué un impact environnemental d’envergure).
5
Rapport Brundtland, la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l'Organisation des Nations unies, 1987.
32
1.3. Les trois piliers du développement durable
036 Les trois piliers du développement durable.
Efficacité économique Il s’agit d’assurer une gestion saine et durable, sans préjudice pour l’environnement et le social. Equité sociale Il s’agit de satisfaire les besoins essentiels de l’humanité en logement, alimentation, santé et éducation, en réduisant les inégalités entre les individus, dans le respect de leurs cultures. Qualité environnementale Il s’agit de préserver les ressources naturelles à long terme, en maintenant les grands équilibres écologiques et en limitant des impacts environnementaux. 1.3. Objectifs Les objectifs consistent en la lutte contre le changement climatique et la protection de l’atmosphère, la préservation de la biodiversité, des milieux et des ressources, la cohésion sociale et la solidarité entre les territoires et entre les générations, l’épanouissement de tous les êtres humains et une dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation responsables. 1.4. Le développement durable en Tunisie Les défis de la durabilité du développement durable en Tunisie consistent en partie en l’instauration d’une consommation et d’une production durables, la gestion durable des ressources naturelles, la promotion de la qualité de vie citoyenne, le développement des villes durables, la gestion durable du littoral, la rationalisation de la consommation énergétique et la promotion des énergies renouvelables et le renfort des capacités d’adaptation aux changements climatiques. En Tunisie, le développement durable se manifeste dans plusieurs secteurs.
1.4.1. Energies Conscients du besoin énergétique national les autorités tunisiennes conduisent une politique incitative au développement des énergies renouvelables, et cela après la promulgation de la loi 2015-126 s’inscrivant dans une volonté de développement et d’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique.
Energie solaire
Le secteur privé connait une ascension dans la production des panneaux photovoltaïques, plusieurs multinationales se sont basées en Tunisie pour bénéficier de notre position géographique et notre climat pour produire et vendre. Actuellement en Tunisie, beaucoup de villas, des immeubles et des usines ont investi dans l’installation de panneaux photovoltaïques.
Energie éolienne
Le secteur étatique, la STEG7 a également commencé par l’exploitation d’une ressource renouvelable qui est le vent pour produire de l’énergie. Les éoliennes se sont intégrées dans plusieurs paysages tunisiens. 1.4.2. Gestion des déchets - La Marsa En 2014, la municipalité de la Marsa a investi dans l’achat de broyeurs, afin de revaloriser les déchets verts, il s’agit de transformer les déchets tels que les branches d’arbres, les feuilles... issus du jardinage par exemple en engrais enrichissant et naturelle pour la terre. - L’ile de Djerba En 2015, le ministère de l’Environnement et du développement durable en collaboration avec la mairie de Nice en France, l’ile de Djerba a montré un exemple de bonne gestion de déchets, en y faisant construire une unité de recyclage des déchets. 1.4.3. Initiatives citoyennes Aujourd’hui on constate qu’une partie de la société civile tunisienne commence à être active en faveur du bien de notre planète. A part l’installation de panneaux photovoltaïques, le tri sélectif des déchets et le compostage, des personnes conscientes des dangers de l’agriculture conventionnelle sur nos plantes ainsi que sur notre santé, essaient de faire de leur mieux pour encourager l’agriculture biologique
6
Une loi tunisienne qui vise à développer la part encore très faible des énergies renouvelables dans le mix énergétique du pays et à attirer les investisseurs privés. 7 STEG est l’acronyme du Société tunisienne de l'électricité et du gaz.
34
Les incroyables comestible
« En transformant l’espace public de leur ville en jardins potagers gratuits, des citoyens créent un nouvel art de vivre par le partage.»8. Les Incroyables Comestibles sont un catalyseur de reconnexion avec la terre nourricière, et un outil pédagogique. Le principe est simple : Transformer la ville et ses lieux publics en immense potager, auquel tout le monde peut contribuer en plantant des légumes partout dans la ville. Une nouvelle façon de s'occuper pour les citoyens tunisiens qui leur permettra aussi de se servir gratuitement. Cette démarche collective vise avant tout à instaurer une nouvelle forme de solidarité ainsi que le sens du partage, tout en reconnectant les citoyens à leur environnement naturel et à leurs ressources locales. Le projet est déjà implanté dans plusieurs villes de Tunisie, tels que Gafsa, Maatmeur à Monastir, la cité d'Ennasr à Tunis, Bizerte et le sera prochainement à Sousse.
037 : Photo prise à Maatmeur une ville où les incroyables comestibles sont implantés.
Slow Food
Slow Food a pour mission de sauvegarder la biodiversité et l'environnement local, pour réinventer un monde durable mais aussi vivant. Slow Food est un mouvement international d’origine italienne, « écogastronomique » qui encourage à la réappropriation des plaisirs de la table en renouant avec les traditions culinaires locales à un faible impact environnemental, désormais ce mouvement existe en Tunisie.
8
Tel est le slogan du mouvement Incroyables Comestibles.
1.4.4. La permaculture La permaculture est une agriculture durable qui s’inspire de l’agriculture vernaculaire, tirant ses concepts de l’observation des écosystèmes naturels, nait en réaction aux échecs de l’agriculture conventionnelle en plein pic pétrolier des années 70. D'abord centrés sur la production de nourriture, les adeptes sont remontés au bon sens des communautés aborigènes vivant en totale harmonie avec leur environnement et évoluant conjointement. Ils ont ainsi pu tirer des principes universels, encadrés dans une éthique, devant guider nos pratiques pour les inscrire dans la soutenabilité. La base éthique évidente est que notre avenir en tant qu'humanité est lié à l'avenir de la planète : en prenant soin de nous, nous prenons soin 038 : Photo d’un jardin conçu en permaculture. d'elle et en prenant soin de la planète, nous prenons soin de nous. La deuxième facette c'est que la Terre est un système limité et les ressources qu'elle contient le sont aussi : nous devons les partager équitablement entre tous les éléments de ce système. Ainsi le design en permaculture vise en premier lieu à satisfaire un besoin. En deuxième lieux, la permaculture recherche l'efficacité, c'est à dire comment faire le mieux, le plus longtemps. Ainsi elle postule que la soutenabilité des communautés humaines repose sur l'observation poussée et permanente de la nature afin d'en déduire ses principes de fonctionnement et les appliquer à la création consciente des systèmes humains. Depuis quelques années la permaculture fait son chemin en Tunisie. Les pionniers se sont auto-formés ou se sont formés à l'étranger. La permaculture est principalement appliquée à la production de nourriture à l'échelle individuelle, dans son jardin, sur son balcon ou à l'échelle vivrière dans des fermes. Elle trouve un écho positif auprès d'une part grandissante de la population tunisienne car elle redonne du sens à nos actes et nous replace dans notre dimension d'animal social. Aujourd'hui il existe l'Association Tunisienne de Permaculture, créée légalement en juillet 2015 par quelques-uns de ces pionniers rejoints par de nouveaux permaculteurs, formés pour certains à la Ferme l'ombre du palmier à Hajeb el Ayoun. Les exemples concrets et aboutis sont encore rares mais plus pour longtemps. Les conférences, les ateliers et formations ne cessent de rassembler de plus en plus de monde. Nous y voyons la promesse pour un avenir radieux.9
9
Compte rendu personnel d’une interview accordée à Abdelbasset Abbassi, Permaculteur, designer à la ferme l'ombre du palmier, co-fondateur et président de l'Association Tunisienne de Permaculture www.permaculture.tn
36
2. Architecture durable 2.1. Présentation Les noms se multiplient : architecture verte, architecture soutenable, architecture écologique, architecture passive, etc. « Sur la planète, une personne sur quatre vit toujours comme l'humanité pouvait vivre il y a six mille ans, sans autre énergie que celle que la nature fournit saisons après saisons. C'est la vie de plus d’un milliard et demi d'êtres humains. »10 L’architecture vernaculaire qui émane de son environnement a toujours existé, je cite quelques sites en Tunisie : Kesra, Toujane, Tamazret, Matmata… Bernard Rudofsky en Novembre 1964, architecte, ingénieur, critique et historien, recense l’essentiel de quelques siècles de cette architecture vernaculaire spontanée et savante à la fois dans son exposition au MOMA (The Museum Of Modern Art) de New York et son livre-catalogue intitulés Architecture sans architectes. C’est un panorama saisissant d’architecture nomade, d’habitants troglodytiques, qui dresse une sorte de nomenclature des matériaux naturels locaux utilisés (pierre sèche, bambou, adobe, pisé…) et analyse les systèmes de ventilation naturelle. Bref, c’est un voyage sans fin, voyage de la mémoire et néanmoins prémonitoire et c’est en quelque sorte, une découverte et une prise de conscience avant l’heure. L’intérêt pour le naturel n’est pas nouveau. Déjà au XX siècle. Il avait donné naissance à une série de styles « régionaliste », dans les épigones du postmodernisme et ceux de l’écologisme pavillonnaire. L’époque moderne a connu quelques précurseurs d’une architecture respectueuse de l’environnement et sachant associer harmonieusement patrimoine et progrès. D’abord l’Egyptien, Hassan Fathy avec sa science de la brique en terre crue et son Malqif11 utilisés ingénieusement dans son projet le plus connu, le nouveau village de Gourna, puis Franck Lloyd Wright qui, avec sa science du béton du désert12 utilisé dans son projet Talisien Ouest et sa « maison sur la cascade » en Pennsylvanie témoigne de sa symbiose avec la nature. Il faut, encore citer Alvar Aalto le finlandais avec la villa Mairea, le Mexicain Luis Barragàn dont les constructions pures et colorées doivent beaucoup en matière de ventilation à l’habitat traditionnel du Maghreb ! Tout cela s’est inscrit dans le registre écoresponsable donnant naissance à une architecture bioclimatique.
10
Home, film de Yann Arthus-Bertrand
11
Une tour à vent ancestrale, servant à ventiler naturellement les habitations. Mélange de pierres locales, de sable et de ciment
12
Cette architecture s’inscrit dans le cadre du développement durable, engagée contre le gaspillage des ressources naturelles non renouvelables en diminuant les gaz carboniques à effet de serre, et cela en tirant au maximum parti de son environnement : le climat, les vents dominants, le taux d’ensoleillement. Cela inclut donc la construction avec des matériaux locaux, la gestion des énergies (thermique, solaire, éolienne…), la récupération des eaux de pluies, la végétalisation des bâtiments, l’utilisation des matériaux recyclables et dans certains cas des microcentrales photovoltaïques et éoliennes. 2.2. Principes
La performance énergétique Ce principe veille à l’isolation naturelle du bâtiment et aux choix des méthodes d'apports énergétiques. L’économie des ressources Ce principe veille à la disposition des pièces et des ouvertures, à mieux favoriser les économies d'énergie tout en réduisant les besoins. énergétiques Matériaux locaux et les techniques constructives Le principe « Penser global, agir local » se répand également en architecture bioclimatique, il faut tirer parti de l’environnement, cela inclut donc l’utilisation des matériaux locaux. Les matériaux locaux changent d’un site à un autre, cela dépend des ressources locales, cela peut être de la terre, de la pierre, de la paille, etc.
38
3. La pierre locale, un matériau durable : La pierre est le matériau naturel qui peut être réutilisé indéfiniment sans dépense d’énergie pour être transformé. L’histoire de l’architecture de Kesra, fourmille d’exemples de réutilisation de pierres « empruntées » à d’autres édifices datant de l’époque byzantine. Aujourd’hui dans le domaine de la construction, la pierre locale est reconnue capable d’apporter des réponses architecturales durables et cela dans trois aspects, environnemental, social et économique. 3.1. Aspect environnemental La pierre, un matériau naturel, ne provoque pas d'émanations toxiques dans l'air, La pierre respire, offrant un environnement sain à l'intérieur du bâtiment et régule naturellement la température car elle emmagasine la chaleur par temps froid et conserve le frais en été par ses qualités isolantes. C’est le matériau le plus abondant à la surface (et en profondeur) de la terre. Il est déjà fabriqué. Il n’y a plus qu’à le conditionner et l’assembler. C’est le matériau au plus bas coût énergétique. Dans beaucoup de sites, ce matériau se trouve en abondance, dans le terrain même du bâtiment ou dans une carrière proche, donc cela diminue l’impact environnemental néfaste causé par le transport. Ensuite la pierre se recycle à l'infini. 3.2. Aspect social Cet aspect de pertinence vis-à-vis du développement durable est basé sur l’idée que la survie d’une espèce dépend de la diversité, les sociétés soutenables doivent se créer en empruntant des chemins variés. Plus un modèle unique est privilégié, plus grande sera la chance d’échouer. Différentes formes de compréhension et d’interactions avec ces savoir offriront différentes possibilités pour résoudre des problèmes futurs. 3.3. Aspect économique Par leur large disponibilité sur toute la surface du globe, les matériaux locaux permettent d’imaginer un grand développement économique autour de cette filière. Faire émerger la valeur de la construction avec des matériaux locaux en termes de capacité à produire des revenus, à faciliter l’accès au marché de l’emploi ou à favoriser la participation pour reprendre en main l’autonomie est capital pour pérenniser les actions menées dans le sens du développement durable.
039 : Photo prise lors d’un chantier en écoconstruction à GDA, Sidi Amor.
4. Architecture durable en Tunisie Avant d’entamer mon projet de mémoire j’ai tenu à me renseigner tout d’abord sur les projets existants qui traitent d’une approche similaire à la mienne en Tunisie. 4.1. GDA13 Sidi Amor GDA Sidi Amor est un centre d’écoconstruction utilisant des matériaux locaux et naturels tels que la terre, l’adobe, la brique de terre compressée, le pisé et la paille. La briqueterie Sidi Amor assure la fabrication de BTC14 utilisées dans les constructions pilote du site et pour les besoins de projets de clients. Ces techniques alternatives sont accessibles au plus grand nombre et particulièrement bien adaptées au domaine de la construction en Tunisie où l’on assiste actuellement, à un intérêt croissant pour cette démarche, tant au niveau de l’administration, des institutions scientifiques qu’à celui des acteurs du bâtiment. Par conséquent, le Centre de formation de Sidi Amor propose un programme de formation visant la création d’emplois pour une frange significative de jeunes (diplômés ou non) par l’usage et la valorisation de la terre crue en tant que matériau de construction. 4.2. Mornag Ecofarm Mornag Eco Farm est une ferme écologique située à Mornag au Sud de Tunis. Elle a pour but de rapprocher les citadins de la nature et de l’environnement et de proposer des visites animées et des journées thématiques pour les visiteurs. Ce centre organise des workshops et des chantiers participatifs d’où il est devenu une vitrine de plusieurs techniques de construction écologique comme : les adobes, les superadobes, le bois cordé et la pierre maçonnée.
13 14
GDA est l’acronyme du groupement du développement agricole. BTC est l’acronyme de brique de terre comprimée.
40
5. Synthèse Au lendemain de la COP2115, le développement durable est un sujet d’actualité et une nouvelle approche de l’intérêt général visant à assurer la pérennité de nos sociétés, de notre écosystème, de notre économie… Garantissant une vie sereine aux générations futures, protéger la survie à long terme de la planète. Il convient donc pour commencer de protéger la diversité culturelle comme une ressource importante et précieuse. Le transfert de connaissances accessible au plus grand nombre est fondamental pour redonner le pouvoir de choisir aux personnes qui ne l’ont pas forcément. Dans tous les territoires on trouve des matériaux aux caractéristiques différentes. La pierre fait partie de ces matériaux ancestraux. Elle n’est pas composée des mêmes éléments dans tous les lieux, il semble donc que la réponse se trouve dans la valorisation des savoir-faire et la mise en avant des personnes maitrisant ce type de matériaux. Certaines techniques, pour avoir été pratiquées depuis la nuit des temps ont prouvé leur pertinence. Dans ce chapitre j’ai mis la Tunisie dans le contexte du développement durable, et on peut remarquer qu’une nouvelle génération commence à s’intéresser aux enjeux environnementaux, et cherche une architecture respectueuse de l’environnement qui reconnait une certaine valeur d’une identité locale et qui se réconcilie avec son histoire et son identité culturelle. En architecture, dans une optique de développement durable qui valorise la diversité culturelle, il est possible d’imaginer que matériaux, technique et savoir-faire sont conjugués en équilibre avec un langage propre à chaque réalité sociale d’où la nécessité d’un centre d’apprentissage de ses techniques en pierre. Ce matériau naturel de construction durable attirera du monde entier des personnes intéressées par l’architecture respectueuse de l’environnement et ce d’autant plus qu’il s’agit d’apprendre de la source directement, puisque Kesra est un village témoin d’une architecture vernaculaire en pierre qui a fait preuve de durabilité.
15
COP est l’acronyme de conférence sur le climat à Paris en 2015, qui avait pour but d’envisager d’obtenir des accords de différentes nations pour maintenir un réchauffement climatique au-dessous de 2°.
42
040 : La photo montre les champs de pierre, disponibles en abondance à Kesra.
1. Présentation
Dans ce présent chapitre je définirai mon projet, ce qu’est un centre de formation en pierre à Kesra, je montrerai l’intérêt d’un centre de formation en construction en pierre, j’identifierai les personnes concernées et les différentes formations possibles. J’expliquerai par la suite les avantages de construire en pierre aujourd’hui en m’appuyant sur des exemples concrets existants en France et au Maroc, et au final j’expliquerai comment faire en sorte pour que mon projet soit une vitrine architecturale. 1.1.Shusira D’après le mythe le plus répandu, le nom Shusira est à l’origine du nom Kesra. Il s’agit du prénom de la fille d’un roi persan qui, suite au rétablissement de sa fille atteinte d’une grave maladie pulmonaire grave et qui s’est rétablie dans le village perché et très riche en air et en eau, a donné son nom au village. Ici, le centre de formation professionnelle en pierre Shusira vient au secours du patrimoine tunisien, et de l’environnement. 1.2. Un centre de formation professionnelle La formation professionnelle est le processus d'apprentissage qui permet à un individu d'acquérir le savoir et les savoir-faire nécessaires à l'exercice d'un métier ou d'une activité professionnelle. 1.3. Un centre de formation professionnelle en pierre à Kesra Kesra, un village perché sur une colline de pierre, exige de nouvelles compétences pour la valorisation de son patrimoine. C’est pour cela qu’il est nécessaire de faire appel à une main d’œuvre qualifiée, maîtrisant un savoir- faire permettant de revaloriser le patrimoine local, et préserver le paysage pittoresque de Kesra. Il s’agit également de faire de ce centre un lieu de partage, ouvert à tout nouvel arrivant souhaitant apprendre la technique de construction en pierre ainsi que de pratiquer réellement sur terrain sur des habitations existantes. Shusira ne réserve donc pas d’exclusivité aux habitants de la région.
1.4.Les gens concernés par la formation professionnelle en pierre Dans le précédent chapitre j’ai tenu à mettre la Tunisie dans le contexte du développement durable, et on se rend compte d’une nouvelle phase sociale où les personnes de divers domaines sont prêtes à se réunir pour agir localement pour une architecture durable. Le centre Shusira offre une formation à toute personne intéressée de développer son savoir et son savoir-faire en matière de construction en pierre locale. Architectes, archéologues, ingénieurs, maçon et intéressés tant par l’architecture durable qu’alternative ou bien même vernaculaire. 1.5.Diplôme et certification Il s’agit d’un diplôme ou certification tout dépend du statut de l’intéressé ainsi que la durée passée au centre, en tant que technicien en pierre sèche ou gestionnaire de site patrimonial, Shusira offre aussi des stage en revalorisation du patrimoine et constitue un centre de recherche en coopération avec les écoles d’ingénieries et d’architecture. 1.6.Le contenu de la formation La formation consiste en une partie théorique afin de comprendre les principes de la construction en pierre, une partie pratique avec des workshops locaux. Il s’agit d’entretenir, de restaurer le patrimoine local de Kesra, mais aussi au-delà des bornes du village, dans toute la région nord-ouest de la Tunisie. Il s’agit d’initier les architectes et les ingénieurs ou les deux à l’usage de la pierre et sensibiliser les populations locales aux richesses de leur pays. 1.7.Quelques exemples - Un archéologue désirant approfondir ses connaissances en matière de construction en pierre pour ses recherches. - Un architecte ou ingénieur ou les deux, voulant approfondir ses connaissances en matière de construction en pierre. - Un simple habitant du village voulant obtenir une formation en construction en pierre afin de ressusciter ce savoir ancestral, et de répondre à la demande du marché par sa maitrise. 1.8.Construire en pierre aujourd'hui - Nombreux sont les sites d’implantation pour un projet architectural, qui possèdent des qualités et des richesses naturelles comme la pierre. Ce sont ces mêmes richesses auquel le maître d’œuvre ne prête pas souvent attention, généralement par manque de connaissance. C’est alors que des travaux supplémentaires seront préconisés, des excavations entières de ses matériaux potentiels, laissant place à des éléments industriels. Dans le cadre du développement durable, le projet est de former des personnes dans l’utilisation de la pierre pour éviter cet impact négatif sur l’environnement causé par le transport et la fabrication des matériaux importés, comme l’avait prédit Rumi : « La terre se transforme en or entre les mains du sage » (Rûmî, 2012).
44
Plusieurs sites en Tunisie ou d’ailleurs se trouvent menacés de dégradation dû au manque d’entretien et de restauration. Shusira essaiera de par sa structure d’accueil de mettre fin à ce délaissement par la formation et la sensibilisation des esprits/personnes engagés.
Jusqu’à nos jours l’architecture en pierre s’est montrée à la hauteur en termes de confort thermique et acoustique. Le projet lui-même cherche à s’ancrer en tant que modèle, usant de plusieurs techniques et recherches, mettant les services de la pierre au profit d’une architecture contemporaine et responsable. 1.9. Shusira une vitrine architecturale A part le fait que le centre dispense des connaissances en termes de techniques ancestrales et nouvelles de la pierre, la conception du centre en lui-même se veut une vitrine des techniques d’aujourd’hui de construction en pierre, et cela pour montrer qu’il est toujours possible de s’inscrire dans l’architecture contemporaine tout en utilisant de matériaux ancestraux afin de minimiser l’impact sur l’environnement. 2. Exemples de centres de formation en technique de construction durable Dans ce volet, je vais montrer des exemples de centres de formation en technique de construction durable qui développent une approche semblable à celle de mon projet. Ils mettent en œuvre la terre ou la pierre, qui sont tous deux des matériaux ancestraux qui témoignent du génie humain. C’est pourquoi il est nécessaire de préserver ce savoir et ce savoir-faire pour entretenir nos richesses patrimoniales. 2.1 Terre La terre crue, utilisée depuis onze millénaires, reste aujourd'hui le matériau de construction le plus répandu à travers le monde. Un tiers de l'humanité vit dans un habitat en terre, soit plus de deux milliards de personnes dans 150 pays. Les architectures de terre, simples ou monumentales, sont présentes dans des contextes variés et répondent à des besoins très divers. 2.1.1. Craterre (Grenoble, France) CRAterre est une Association et un Laboratoire de recherche de l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Grenoble, qui rassemble chercheurs, professionnels et enseignants, et travaille avec de nombreux partenaires, ce qui permet d'établir des liens créatifs entre recherche, actions de terrain, formation et diffusion des connaissances. La formation professionnelle poursuit son investissement de longue date dans le déploiement national et international de la formation professionnelle, CRAterre organise de nombreuses formations sur l’analyse des terres, la maçonnerie, le contrôle de qualité sur les matériaux de construction en terre, la construction, la conservation et la gestion du patrimoine, les techniques de monitoring, l'entretien et la réhabilitation des bâtiments.
041 : photo d’un chantier de restauration d’une mosquée à Tombouctou organisé par Craterre.
042 : photo du déroulement d’un atelier de formation à Craterre à Grenoble.
2.1.2. Villa Janna (Marrakech, Maroc) Villa Janna est une résidence écologique en terre crue du Maroc, un complexe dans le respect de l'authenticité et de la tradition marocaine, construite entièrement en terre crue. A Villa Janna, un accueil et un environnement exceptionnels attendent les stagiaires curieux d’apprendre les différentes techniques de construction en terre, Adobes, pisé, torchis tout y est. Deux grandes salles voûtées peuvent recevoir chacune 40 personnes. D’autres salles de diverses capacités sont modulables en fonction de vos besoins. Un hébergement est possible pour 32 personnes.
46
2.2. La pierre sèche L’architecture en pierre sèche est l’un des premiers patrimoines bâtis par l’homme dès la préhistoire. Cette technique de pierres brutes sans liant se perfectionne au cours du temps pour des usages agricoles, pastoraux, d’habitat rural, et devient un véritable art paysan. 2.2.1. Les alpes de lumière (Forcalquier, France) Alpes de Lumière est une association créée en 1953. Qui tend à sensibiliser, restaurer et partager des connaissances au service de la valorisation des patrimoines naturels et bâtis, des savoir-faire constructifs et des paysages ruraux de Provence. Sa vocation est de faire connaître et valoriser le patrimoine bâti et naturel de la Provence. Pour cela elle a mis en œuvre des outils d’intervention pertinents : l’animation du territoire, des chantiers de bénévoles, des chantiers dans le cadre de l’école de formation et l’édition. 2.2.2. Association des bâtisseurs en pierre sèche, Ispagnac, France, (ABPS) L’association française créée en 2002 qui regroupe actuellement 40 professionnels du bâtiment. Les membres de l’association sont spécialisés dans les techniques de constructions en pierre sèche et œuvrent pour le développement de la filière et la transmission de leur savoir-faire. L’association ABPS est aujourd’hui reconnue sur le plan national pour son savoir-faire et la qualité de ses interventions pour le développement de la filière « pierre sèche ».
046 : photo d’un chantier participatif de formation en pierre sèche.
045 : photo d’un montage d’un mur en pierre sèche.
3. Synthèse Un centre de formation de construction en pierre à Kesra contribuera à remédier à la détérioration du paysage de ce site, puisque le champ d’application de l’apprentissage se fera sur des bâtiments existants menacés de disparition. Il créera de l’emploi par la formation de la main d’œuvre locale qualifiée, participera à la dynamique locale, et du développement de la région en attirant des intéressés de partout par le développement durable, l’architecture alternative ou le patrimoine, et encouragera les architectes à opter pour ce matériau, puisque le centre a pour vocation de devenir une vitrine architecturale de différentes techniques de l’usage de la pierre. Dans le précédent chapitre j’ai défini la nécessité de mon projet dans le contexte tunisien, celui de Kesra, j’ai par la suite éclairé sur différents projets à l’échelle internationale, existants traitant une problématique similaire. Dans le prochain chapitre je citerais et j’analyserais d’autres projets-références afin d’en extrapoler des outils architecturaux à prendre en considération.
48
047 : Photo de l’intérieur du centre de formation des apprentis, Magrittes..
C
e chapitre est consacré aux projets architecturaux auxquels je me suis référé pour la conception de mon projet. J’ai choisi dans un premier temps deux projets similaires, qui me renseigneront sur le type de programme propre à un centre de formation, sur la distribution et les dispositifs mis en œuvre ainsi que sur l’expression architecturale. Dans un deuxième temps j’ai choisi de présenter la pierre structurelle en tant que matériau de construction d’actualité. 1. Projets de référence 1.1. Le centre de formation des apprentis, Marguerittes, Nîmes, France. Ce centre de formation des apprentis Magrittes est conçu par l’architecte français Gilles Perraudin et réalisé en 1999 à Nîmes-Marguerittes, en France. Le projet a une superficie de 4 600 m2. 1.1.1. Contexte Il s’agit de concevoir un centre de formation dont l’image est un élément d’appel, invitant les apprentis. De plus, le projet cherche répondre à un contexte particulier. Le site de ce centre est un site typique du paysage des garrigues nîmoises. Il s’agit d’une ancienne oliveraie. C’est aussi une région méditerranéenne dominée par le mistral, en hivers les rafales peuvent dépasser les 100 kilomètres par heure et qui soufflent une centaine de jours par an et en été le climat et chaud et aride. Le terrain est délimité par trois voies véhiculaires et un voisinage. C’est un site sujet à de fortes variations de températures et proche N d’un réseau routier où la nuisance sonore est considérable. Ce projet permet d’accueillir les apprentis dans un climat favorable au savoir et à l’échange malgré toutes ces contraintes.
048 : schéma mettant le centre dans son environnement immédiat.
50
1.1.2. Implantation Le projet se développe autour d’un plan carré de 90m x 90m. Gilles Perraudin place en premier lieu un axe de direction est-ouest sur la voie secondaire prenant en considération le tissu urbain existant, ensuite il place un deuxième axe de direction nord-sud. Ces deux derniers lui ont servis de paramètre de répartition pour le programme du projet. Les axes représentent deux perspectives actives qui nous plongent dans le cœur des différentes activités du projet. La circulation entre ces espaces se situe à l’extérieur mais est protégée par une toiture débordante. L’architecte décide de faire pénétrer l’environnement extérieur dans le projet, en implantant des espèces végétales locales. En effet, les oliviers existants ont été écartés lors du chantier et replantés en fin de construction afin de purifier l’air et d’apporter de la fraîcheur à l’intérieur du centre d’apprentissage, en conséquence cela a créé des espaces dedans-dehors dans le projet. 1.1.3. Concepts Il s’agit de valoriser le centre et la formation qui s’y fait au moyen de l’expression architecturale. Donner l’impression d’un bâtiment inscrit depuis toujours dans son paysage d’oliviers. En réponse à ce contexte méditerranéen particulier, d’une part, l’architecte s’est consacré à des recherches sur les enveloppes microclimatiques. Dans le contexte d’un climat méditerranéen dominé par le mistral, c’est sur l’hypothèse de la fragmentation des espaces extérieurs de distribution que ce projet s’appuie pour créer des « microclimats ». Ceux-ci favorisent aussi les échanges culturels puisqu’ils comportent des espaces de repos et de rencontre couverts. D’autre part, afin de préserver cette échelle particulière de l’oliveraie, dont la composante principale est l’étendue les bâtiments seront sur un seul niveau dont la hauteur n’excèdera pas celle de la hauteur des oliviers.
049 : Photo intérieur du CFA.
050 : schéma montrant l'implantation des volumes, conçu par l’architecte afin de créer des microclimats, propices aux rencontres et aux échanges.
1.1.4. Programme N
051 : Plan du centre des apprentis de magerittes.
Ce centre est divisé selon le programme de formation en plusieurs bâtiments, salle polyvalente, salle de cours, ateliers et un restaurant. L’ensemble est organisé sur deux grands axes principaux. Sur l'axe est-ouest sont rassemblés les éléments spécifiques du programme qui sont le hall d'accueil, l'administration, le centre de ressour ces et d'information et la vie scolaire. Tandis que l'axe nord-sud concerne les espaces exploités quotidiennement, entre vie scolaire, enseignement général et filières de formation. Passages, cours et jardins enrichissent la distribution tout en la hiérarchisant à partir des axes principaux. 1.1.5. Durabilité La solution trouvée par l’architecte pour se protéger du climat et de la nuisance sonore engendrée par le réseau routier est l’emploi de la pierre en tant qu’enveloppe protectrice, en effet l’ensemble de la construction utilise la pierre comme murs porteurs massifs de 50 cm d’épaisseur et le déchet issu des chutes de pierre a été réutilisé en mobilier.
052 : Photo montrant l'ambiance nocturne au sein du centre de formation des apprentis Marguerittes.
52
1.1.6. A retenir Je me suis avant tout intéressé à l’architecte Gilles Perraudin, comme une figure importante dans la modernisation de l’emploi de la pierre en tant que matériau local, écologique et porteur. L’analyse du Centre de formation des apprentis Marguerittes m’a permis de retenir des paramètres importants, qui me serviront de références dans la conception de mon projet final, à savoir :
Encourager et attirer les apprentis, au moyen d’une image architecturale valorisante du projet. Prendre en considération le tissu urbain existant dans l’implantation du projet. Regrouper des fonctions indispensables au centre de formation comme une administration, des ateliers, des salles de classes, une salle polyvalente et un restaurant et étudier une logique de distribution. De plus, travailler le rapport de mitoyenneté entre les espaces, en regroupant les aires d’accueil et d’administration d’un côté et les espaces de vie, de savoir et de formation de l’autre.
Créer par le biais de la fragmentation des fonctions, des microclimats favorables à l’échange culturel. Prendre en considération le tissu végétal du site, en lui trouvant une place au sein du centre.
Minimiser l’impact sur l’environnement en utilisant des matériaux locaux, tel que la pierre de taille massive dans ce projet.
053 : Photo de la maquette du centre de formation aux métiers du développement durable de Marrakech.
1.2.Le centre de formation aux métiers du développement durable, Marrakech Ce centre a été le projet lauréat d’un concours international d’architecture en 2010. Conçu par l’architecte marocaine, Salima Naji, le céramiste et architecte autodidacte autrichien Martin Rauch, la jeune architecte autrichienne Anna Heringer et un autre architecte autrichien Nägele Waibel. [Le jury a été séduit par ce projet humaniste qui combine la technologie, la culture et la réalité socioéconomique de la région.] (Concours, 2010) 1.2.1. Contexte Le secteur de la construction au Maroc est prospère, mais il y a un manque de modèles de constructions durables appropriées en matière de technologie tout en étant sensibles à l'identité culturelle et en puisant dans les ressources locales. Dans le projet présenté, l’architecte s’est inscrit dans une démarche durable, cherchant à répondre aux problèmes liés au réchauffement climatique. Pour un coût moindre, le projet n’altère pas l’environnement et la population locale est la première à en bénéficier. La jeunesse marocaine est touchée par l’analphabétisme, 30% des jeunes de 15 à 25 ans sont concernés. Le centre de formation vise à l’intégration et le suivi de ces derniers dans le domaine professionnel, en leur offrant la possibilité d'apprendre une profession future orientée. Le programme est tourné vers une formation aux métiers du développement durable. L’architecture parle d’elle-même, en répondant à un programme et un contexte particulier, celui de Chwiter à 9km de Marrakech. Cette ville est sujette au climat semi-aride, chaude en été et froide en hivers (notamment le matin et le soir), et reçoit moins de précipitation que l’on trouve dans la zone climatique méditerranéenne. En répondant à plusieurs contraintes, l’architecture finie par marquer les lieux et son image lui confère une forte identité.
054 : Photo de maquette du projet du centre de formation aux métiers du développement durable de Marrakech.
54
1.2.2. Implantation Le terrain est de forme trapézoïdale et couvre une superficie de 5 322 m2, les architectes ont fait naitre le projet de son terrain selon un programme varié et prédéfinit, puis ont fait pénétrer la végétation. Les maitres d’œuvre créent une vie sociale intime au sein d’un bâti compact laissant place à de généreuses places végétalisées et ce pour permettre aux ateliers de s’étendre à l’extérieur, les jours de travaux pratique. Cette extension permet créer des lieux de rencontre et d’échange culturel. Parmi ces espaces, il y a un potager assurant l’alimentation du restaurant en fruits et légumes permettant aux étudiants de s’entretenir leur jardin. 1.2.3. Concept Le concept est la réinterprétation de deux archétypes marocains qui sont le ksar rural, comme un lieu idéal de la vie communautaire et la medersa urbaine consacré au savoir et à la formation. La réponse est une sculpture architecturale dynamique qui alterne entre patios 055 : Schéma montrant l'évolution de et jardins, jouant avec, l’ombre et la lumière, la l'implantation du projet, (auteur). massivité et la rythmique statique, avec des surfaces rugueuses et d’autres brillantes et lisses. Dans ce projet, la terre s’exprime dans un langage contemporain. Ce matériau ancestral est profondément ancré dans la culture tout en respectant les besoins et les envies de la société actuelle.
056 : Photo de la maquette du centre de formation aux métiers du développement durable à Marrakech.
1.2.4. Programme Le programme de ce projet comporte : un amphithéâtre, une salle d’exposition, un centre de documentation, des espaces d’enseignements, de recherches et d’expérimentation, des ateliers, un restaurant, des locaux administratifs et techniques et divers jardins. Le passage de l’entrée se fait par la traversée d’un mur massif en terre naturelle. Le visiteur se retrouve dans un spacieux jardin. Le bâtiment s’ouvre sur des patios, entourant des niches intimes pour l’échange communicatif. Il y a des zones à l'extérieur pour le travail pratique et un jardin bio alimentaire où les étudiants apprendront à cultiver des légumes.
057: plan rez-de-chaussée du centre.
058 : plan de l'étage du centre.
56
059 : Image de synthèse montrant l'ambiance d'une cour intérieure.
1.2.5. Durabilité Les architectes se sont engagés dans ce projet à minimiser l’impact du projet sur son environnement, en évitant les émissions de CO2 et l’usage d’énergies fossiles, nécessaire pour le transport des matériaux de construction. Le projet est bâti en pisé16, un matériau local et basé sur le travail manuel. Les murs sont démontables ou peuvent être recyclés sans impact néfaste sur la nature. Le projet se veut autosuffisant en énergie, des panneaux solaires recouvrent une surface de 333 m2. La ventilation est également naturelle grâce à des tours à vent. L'eau de pluie est collectée sur tous les domaines de toitures et depuis les cours (3748 m2) ce qui est suffisant pour fournir l'eau nécessaire la consommation des systèmes de refroidissement, les jardins et le service de la salle d'entraînement. Les maitres d’œuvres ont opté pour un chantier participatif, invitant la population locale à l’élaboration du projet, en les formant sur place à différentes techniques de construction en terre crue, comme le pisé, les adobes, etc. ils ont également fait appel à des artisans locaux. Le projet est d'une influence positive sur l’économie locale puisqu’il fait travailler et forme la main d’œuvre locale et utilise des matériaux issu d’ateliers locaux d’artisanat tel que la céramique et le tadelakt17.
Figure 60 : Coupe longitudinale sur le centre mettant en valeur la toiture fonctionnant en tour à vent.
061 : façade principale du centre.
16
Le pisé est une technique de construction en pierre crue, cela consiste en une terre placée dans un coffrage et compressé à l’aide d’une dame manuel ou pneumatique. 17 Le tadelakt est un enduit traditionnel, très utilisé dans les constructions de la médina de Marrakech, il s’agit d’un mélange de chaux naturelle et de poudre de marbre.
1.2.6. A retenir J’ai choisi ce projet en tant que référence pour son contexte semblable à celui de mon projet. Il s’agit d’un centre de formation aux métiers du développement durable qui a pris naissance pour répondre à un manque de main d’œuvre qualifiée pour les constructions en terre et les détails artisanaux tels que la céramique. Les points importants sont les suivants :
Valoriser les savoir-faire ancestraux par une architecture dont l’image est qui interpelle, de par l’utilisation même d’une technique de construction traditionnelle.
Réinterpréter une architecture locale chargée d’identité, en utilisant les symboles et les archétypes d’une architecture traditionnelle et vernaculaire, tout en faisant appel à des outils et des techniques de construction actuelles, telles que le pisé préfabriqué.
Prendre en considération le programme d’un centre de formation et sa logique de distribution des fonctions.
Tisser des liens sociaux par la conception d’espaces publics, de rencontre et de culture.
L’emploi des matériaux locaux, tel que le pisé, la céramique et le tadelakt. Faire participer la main d’œuvre local et l’artisanat du terroir.
Concevoir un projet bioclimatique, autosuffisant en énergie, en eau et en aliments. Faire entrer la végétation à l’intérieur du projet et permettre aux activités de s’étendre vers l’extérieur.
58
1.3.Grille synthĂŠtique
062 : photo du domaine Perraudin, conçu entierement en pierre massive par l’architecte français Gilles Perraudin.
2. Matière d’architecture : La pierre Mon projet se veut une vitrine architecturale, des techniques de construction en pierre. C’est pourquoi dans ce volet je citerai différentes techniques utilisant ce matériau, accompagné de projets-références contemporains ou modernes. 2.1.La pierre de taille massive [Mon engagement en faveur de ce matériau ancestral se fonde sur la base des qualités qui lui sont propres. Ces qualités rejoignent les propos de cette introduction et soutiennent ma recherche d'une construction préservant au mieux nos conditions de vie sur terre. Le bonheur de nos enfants passe par le maintien, voire l'amélioration, des conditions de vie sur notre planète. La première des grandes vertus de la pierre est environnementale.] (Perraudin, 2014) Cette technique exige tout d’abord un passage obligatoire dans la carrière la plus proche pour que des tirs de mines permettent d’extraire par sciage des blocs de pierre bruts découpés par la suite et envoyés à l’atelier voisin ou sur chantier, pour y être travaillés en différents sous-produits. Divers types de scies à diamants et de découpes à chaud permettent d’obtenir des plaques qui peuvent être retaillées pour obtenir des dallages, des pierres de plaquage, des plans de travail de cuisine, etc. La pierre disponible ou livrée sur le chantier où une grue ou d’autre système mécanique, la pose en simple appareillage. C'est un chantier propre, rapide, utilisant une matière largement disponible et d'une grande pérennité. Mais cette technique exige un travail qui consiste dès la conception de numéroter les pierres et leurs places avant de les poser. Il s’agit de repérer les pierres avec un marquage, qui symbolise sur quelle façade, sur quelle lie et sur quelle position dans la lie se trouve le bloc de pierre. 063 : Photo d’une grue déposant un bloc de pierre lors du chantier du musée du vin, conçu par l’architecte Gilles Perraudin.
60
064 : photo de la cour du centre de formation des apprentis de Magrittes.
2.1.1. Le centre de formation des apprentis des Marguerittes Ce centre cité dans le volet précédent, est conçu par l’architecte Gilles Perraudin. L’ensemble de la construction utilise la pierre de Vers (Pont du Gard) pour ses murs porteurs massifs de 50 cm d’épaisseur. C’est un matériau de grande noblesse qui contribuera à donner au Centre une image valorisante de la formation des apprentis. Par son image de 065 : photo portrait de l'architecte pérennité, elle donne l’impression d’un bâtiment inscrit Gilles Perraudin. depuis toujours dans son paysage d’oliviers. Son poids lui confère une grande inertie thermique et phonique, deux qualités qui, dans ce site aux fortes variations de température et proche d’un réseau routier, sont indispensables. Tout le centre est réalisé grâce au système de mur porteur en pierre massive et de toiture d’ossature métallique, la toiture dans ce projet est débordante et assure la protection des murs et du passage lors des intempéries. « Les matériaux naturels sont pour moi les matériaux du futur » (Gargi, 2014)
066 : plan et axonométrie du centre de formation des apprentis de Magrittes.
067 : photo d’un mur utilisant la technique de la pierre banchée, Maison des habitants de la Gibauderie, conçue par Hervé Beaudouin. : (Source : http://www.beaudouin-architecte.com/hbbe/projets/686-lagibauderie/gibauderie.htm).
2.2. La pierre banchée Les recherches de Fernand Pouillon sur les coûts de construction, le plus bas possible avec la meilleure qualité l’amène à concevoir en 1948, le principe de la pierre banchée. Pour l’architecte, le défi était de construire vite, mieux et moins cher. Ce principe de construction permet un gain de temps considérable, il s’agit tout d’abord de poser des banches extérieurs en bois, on monte les plaques de pierre18 contre la face intérieur de la banche située du côté du vide, on pose ensuite un mortier de liaison entre les pierres pour obtenir une paroi presque étanche, on pose ensuite le treillis soudé, puis la banche intérieur ainsi tout est prêt pour le coulage du béton, et l’attente du jour j, pour le ravalement des banches en bois. Il s’agit d’utiliser la pierre comme coffrage perdu et d’en profiter pour ses qualités.
068 : Coupe schématique personnelle d’un mur en pierre banchée. 18
Cela peut être des pierres de tailles ou du moellon
62
069 : Diar Essaada, Alger, un projet conçu par l’architecte français Fernand Pouillon, (Source : Photo personnelle prise en mars 2015 lors de mon voyage à Alger).
2.2.1. Diar el Saada, Alger, Algérie Lors de mon voyage à Alger, j’ai eu la chance de découvrir les travaux de l’architecte français, Fernand Pouillon (1912-1986) et son usage spécial de la pierre, Diar Es-Saâda, Diar ElMahçoul et Climat de France. Ces trois cités sont conçues dans le contexte d’un vaste programme de d'amélioration de l'habitat de la capitale algérienne sous la direction du maire, Jacques Chevallier, élu en 1953, face à la pénurie de logement et au problème des bidonvilles qui se développent sur les hauteurs de la ville et dans lesquels sont cantonnés les Algériens. Figure 70 : Photo portrait de l'architecte français Fernand Pouillon. (Source : http://www.ctrium.com/site/images/normal/Edito-
Architecture4fad1e4f69f43.jpg) La cité Diar Es-Saâda, conçu pour héberger de hauts cadres majoritairement français, s’implante sur une haute colline algéroise et voit le jour en 1954. Cette cité est la première parmi un projet comportant 732 nouveaux logements équipés, ce premier ensemble R+16 dit à " confort normal ". Dans ce projet Pouillon, a révolutionné l’usage de la pierre massive en inventant le système de la pierre banchée et cela dans une réflexion sur comment construire vite, avec le meilleur confort et à moindre coût, dans ce projet les murs extérieurs sont de 50cm d’épaisseurs.
Post moderniste avant son temps et rationaliste constructiviste, l’architecte conçoit une forme géométrique simple qu’est le rectangle en plan et utilise un module rectangulaire, il s’agit des dimensions de la pierre massive utilisée, faisant 3m x 1m pour sa trame structurelle qu’est la base de sa composition. L’immeuble est symétriquement composé, morphologiquement épuré et élancé vers le ciel et s’orne de motifs locaux en céramique. A Diar es Saada, l’architecte a réfléchit en terme d’ambiance et a réalisé un toit-terrasse planté de palmiers, des passages urbains ornés de céramiques colorés traversant le bâtiment et a favorisé un travail minutieux sur les seuils des entrées qui sont rarement frontales. (Maïza, 2015)
"
Je ne composais pas avec des objets en comptant des immeubles, j’organise mes espaces, je travaille pour le piéton et non pour l’aviateur, je pense à celui qui regarde par la baie de sa chambre ou de son salon, je me promène dans ces espaces imaginaires et je les modifie lorsque je n’atteints pas la sensation que je souhaite. (Pouillon, 1968)
"
64
071 : photo du lieu de cérémonie conçu par Hervé Beaudouin. (Source : http://www.beaudouin-architecte.com/hbbe/projets/389bis-lieudeceremonies/ceremonies.htm)
2.3.La pierre taillée, maçonnée La pierre trouvée sur le site du projet ou apportée de la carrière la plus proche, nécessite un travail de stéréotomie précis. La construction en pierre maçonnée est l'assemblage de pierres élémentaires, liés par un mortier, qui peut être à base de ciment industriel, ou de chaux naturelle ou autre. Les pierres sont montées lit par lit, les deux parements d'un mur sont reliés régulièrement par des boutisses parpaings, pierres longues traversant le mur de part en part. [L’architecture de pierre est une architecture de la lenteur nécessaire donc de patience, la pierre a besoin d’un travail de la main, le maçon trie les pierres, les range, avant de les poser une à une. La pierre est un matériau « culturel » : Il exige une connaissance et un savoir-faire particulier, l’art artisanal, mais la pierre s’accommode aussi d’une certaine imperfection ou de l’aléatoire. L’accident, l’irrégularité rend la paroi sensible, voire poétique. La pierre implique l’épaisseur, elle a besoin d’épaisseur pour exprimer sa force et son silence. L’aplat est nécessaire. Sans épaisseur, il n’y a pas d’ombre. L’ombre appartient à la lumière. La pierre brute, par sa texture rugueuse, joue avec la lumière...] (Beaudouin, 1993)
072 : photo d’une façade travaillée avec la technique du gabion. (source : http://www.tendance-gabion.fr/). 2.4. Le
gabion Le gabion est une cage en treillis métallique galvanisé destiné à être remplie de pierres naturelles. Son nom vient de l’italien « gabbionne » qui signifie grosse cage. Conçu pour servir comme système défensif au 16e siècle, comme mur de soutènement, luttant contre l’érosion fluviale, au 20e siècle. De nos jours des architectes ont expérimenté avec succès cette technique en façade et en murs de séparations… Comme la technique de pierre sèche, n’ayant pas besoin de mortier ou de liant entre les pierres, cette technique bénéficie de la même résistance et du même confort acoustique et thermique. De plus ici il s’agit d’un simple remplissage de cages métalliques.
073 : Photo montrant le principe de la technique de remplissage du gabion. (source : http://isites.harvard.edu/fs/docs/icb.topic502069.files/dominus_winery.pdf).
66
074 : Photo montrant différents effets résultant de la technique de construction en gabion dans le projet de l’établissement vinicole à Domus, conçu par Herzog et de Meuron. (source : http://www.dezeen.com/2007/09/09/dominus-winery-by-herzog-de-meuron/).
2.4.1. Etablissement vinicole, Domus Cet établissement vinicole se trouve à Sonoma, en Californie, en Amérique du nord, conçu en 1997 par l’agence d’architecture Herzog et de Meuron, constituée principalement par les deux architectes suisses, Jacques Herzog et Pierre de Meuron, le projet a une superficie 4100m². Gagnant le prix Pritzker de 2001, Herzog et de Meuron, fidèles à leur créativité et leur innovation, ont, dans ce projet, développé une approche pour intégrer le bâtiment dans le paysage, faisant écho à l’importance capitale du vignoble. L’un des concepts utilisés dans ce projet par ses architectes est la boite dans la boite, et c’est d’avoir une boite structurelle à l’intérieur contenant différents programme et une peau naturelle et intelligente régulatrice de climat à l’extérieur. Dans cet établissement vinicole, les maitres de l’œuvre ont révolutionné l’utilisation des caisses en acier inoxydables, les gabions, utilisés d’habitude le long des autoroutes pour bloquer les chutes de pierres et l’érosion fluviale. Les architectes les ont utilisés cette fois en parois pour réguler les températures extrêmes de la vallée de Napa. Pour l’intégration du bâtiment dans son environnement et ses vignes et pour baisser le coût des matériaux ils ont opté pour une solution naturelle qui consiste à utiliser des caractéristiques de la pierre pour réguler la chaleur de la journée et le froid de la nuit sans pour autant recourir à un système « moderne », énergivore et contrôlé par une machine. Les habitants qualifient le bâtiment de « discret », en effet l’utilisation de la pierre locale des roches de basalte la fait fondre dans son paysage.
075 : Croquis minute personnel montrant l’intégration du bâtiment dans son paysage.
En effet l’utilisation de cette peau intelligente, a permis dans ce projet une ventilation naturelle, une économie d’énergie, et une qualité spatiale variée. Tout en alliant maçonnerie traditionnelle avec un matériau local qui est la pierre de basalte et solutions créatives, ils ont manipulé cette technique en variant la granulométrie des pierres, selon les espaces et leurs besoins en ventilation et en degrés de luminosité. 076 : Photo montrant un effet filtrant la lumière, obtenu par le mariage de deux parois, de verre et de gabion de pierres de tailles moyennes. (Source : www.dezeen.com/2007/09/09/dominus-winery-by-herzog-de-meuron/).
2.5.A retenir Dans cette démarche, celle du développement durable qui songe à minimiser l’impact sur l’environnement, l’usage de la pierre sous ses différentes techniques, de taille, banchée ou maçonnée, permet au bâtiment d’être économe en énergie et favorise une climatisation naturelle en raison de son inertie thermique. Toutes ces techniques de construction en pierre ne nécessitent pas d'isolation thermique rapportée, par doublage. La pierre est très isolante de par sa conception et son épaisseur de 40 cm minimum. Avec la technique de la pierre de taille massive, on obtient un gain de temps dans le montage, le mur, une fois monté, est fini. Il ne reste que le choix de l’enduit. Le gabion est la technique la plus simple car il suffit de bricoler de simples cages galvanisées en acier recyclable, sur chantier, et de les remplir en pierre locale. Toutes ces techniques sont à l’ordre du jour utilisées par des architectes contemporains et mondialement respectés.
68
077 : Illustration du mont des martyrs.
3. Le concours grand prix de Rome gagné par Olivier Clément Cacoub Le sujet proposé au grand concours de Rome en 1953 était de concevoir un monument dédié aux martyrs de la guerre. Le projet lauréat est celui de l’architecte franco-tunisien, Olivier Clément Cacoub, qui a su faire preuve de sensibilité dans un site naturel. Le maitre d’œuvre représente un monument intégré à la colline, par une volonté d'horizontalité et d'intégration, le rocher tout entier devient monument 3.1.A retenir J’ai choisi ce projet comme référence, pour sa sensibilité à s’implanter dans un site naturel en pente similaire à celle de mon terrain. Il est intéressant d’observer la manière dont le maitre d’œuvre, O.C. Cacoub s’est implanté dans un terrain à forte pente, en poursuivant le tracé du relief initial comme si l’architecture émanait de la colline. C’est ce choix qui attribue au projet une image humble et en harmonie avec l’environnement.
078 : coupe sur le projet, le mont des martyrs.
4. Synthèse Pour récapituler, j’ai choisi en premier lieu, comme référence deux projets : le centre de formation des apprentis marguerittes, à Nime, en France et le centre de formation aux techniques du développement durable, à Marrakech au Maroc. Ces deux derniers ont été choisis pour la pertinence de leur réponse face un contexte climatique méditerranéen, comparable à celui de Kesra pour leur programme, la distribution des espaces et des dispositifs mis en œuvre, tout en s’inscrivant dans une démarche durable.19 J’ai présenté précédemment des exemples concrets de projets contemporains en pierre sous différentes techniques. Ces techniques nous intéressent parce que Shusira est conçu comme un centre d’apprentissage de techniques locales en pierre, qui contribue à préserver les paysages de notre patrimoine, mais aussi une vitrine et un laboratoire de construction en pierre locales sous différentes formes, issus des recherches alliant matériau ancestral, techniques actuelles, et technologique Mon dernier choix se porte sur le projet du concours du grand prix de Rome gagné par l’architecte Olivier Clément Cacoub en 1953, dont le site d’intervention est très accidenté et est relativement comparable au terrain choisi à Kesra, le projet s’intègre parfaitement avec son environnement en minimisant les excavations du terrain.
19
Référence à la grille de synthèse page 56.
70
1. Choix du terrain
N
Le terrain choisi, se trouve à la périphérie de l’ancien noyau du village de Kesra, à 1030 mètre d’altitude et occupe une place dominante, puisqu’il est situé en amont du village. Ce dernier présente un relief en pente moyennement accidenté. La limite latérale du terrain est tracée par un escalier taillé dans la pierre. Le site comprend une bâtisse de 60m², témoin d’une architecture vernaculaire, en pierre sèche, aujourd’hui à l’abandon.
079 : Photo aérienne du site choisie.
X
1.1.Superficie Le terrain mesure 120 sur 60 mètres ce qui nous fait 7200 mètres carrés de superficie.
Y
X
Y
080 : Schéma montrant en jaune la superficie du terrain.
72
1.2.GÊomorphologie Le terrain est de forme organique proche du rectangle, et prÊsente une forte pente de 56m et atteint 1037m d’altitude. 081 : Illustration, coupe longitudinale sur le relief du terrain.
1.3.Orientation et ensoleillement
083 : schéma du terrain dans sa courbe solaire, illustration personnel.
La carte ci-dessus présente la course solaire selon le site, ainsi que la position des solstices d’hiver et d’été. -
En été : le soleil parcourt une trajectoire selon la carte ci-contre partant de l’est-nord-est jusqu’à atteindre l’ouest-nord-ouest. En hiver : le soleil parcourt une trajectoire partant de l’est-sud-est jusqu’à atteindre l’ouest-sud-ouest.
Cette étude me permettra de concevoir mon projet selon le diagramme bioclimatique. 1.4.Vents dominants Les vents dominants à Kesra proviennent du nord-ouest. 1.5. Accessibilité, voisinage et vues. Le terrain choisi est un vaste champ de pierre délimité, par des rochers naturels audessus de 6 mètres des murs aveugles du voisinage (des habitations en rez-dechaussée qui ne dépasse pas les 6 mètres de hauteur), par un escalier taillé dans la pierre, par une route bitumée assez large de 6 mètres et un terrain rocheux très vaste chargé. Le terrain peut être accessible d’en bas depuis la route bitumée et carrossable ou par les voies piétonnes représentées dans le schéma suivant. Etant situé en périphérie de l’ancien noyau de Kesra et en hauteur, le regard depuis le terrain se perd dans un vaste paysage végétal d’un côté et dans ’un paysage rocheux d’un autre.
74
084 : schéma montrant en rouge le voisinage ainsi qu’en trait fin et large l’accessibilité et le passage.
Le parcours qui nous conduit au terrain est présenté sous forme de trois séquences. (Fig1) Première séquence ; La voie menant au site, est délimité par des habitations vernaculaires et un bas muret permettant d’ouvrir la vue sur le paysage environnant. (Fig2) L’arrivée au site marque la deuxième séquence. Un changement de topographie se fait ressentir. Une seule voie nous est offerte, pour continuer le parcours, ce sont les escaliers qui délimitent le terrain et qui débouchent sur un quartier d’habitation, 30 mètres plus haut. (Fig3 et 4) Quatrième séquence, Le terrain vu depuis la partie la plus haute. Sa limite est tracée par des parois rocheuses. Cette position nous permet d’avoir une vue panoramique sur un paysage de forêt verte de pin d’Alep, observable depuis n’importe quelle point du terrain. 4
086 : Photo montrant la vue offerte depuis le terrain
1
087 : photo montrant une perspective aboutissant au terrain.
2
088 : Photo montrant l'escalier taillé en pierre collé au terrain.
3
085 : Photo montrant la limite rocheuse du terrain.
089 : Photo panoramique à partir d'une ancienne bâtisse se trouvant dans le terrain choisi.
1.6. Inventaire Le terrain choisi comporte une ancienne bâtisse abandonnée de 60 m. Il s’agit d’une maison résidentielle dont la hauteur des murs atteint 3m. Cette dernière comporte 3 pièces et une cour à ciel ouvert. La forme du bâtiment est rectangulaire. Isolée par rapport aux constructions du voisinage, cette maison semble jaillir du sol. Une pierre calcaire locale de couleur jaunâtre en fut le matériau de construction. Les murs de la bâtisse sont porteurs et la toiture est plate, composée d’un système de dalle mixte superposant des solives en bois d’olivier local, de pierre émincée et de terre mélangée à la cendre. L’épaisseur des murs en pierre sèche varient de 50 à 60cm. La dimension des pièces dépend de la longueur des branches du bois local, et ne dépassent pas 2 mètres de largeur. Cette habitation est abandonnée depuis un moment, ce qui explique son état de détérioration. 090 : Schéma montrant le terrain en jaune et l’ancienne maison en rouge.
091 : Photo montrant l’état de l’ancienne maison qui se trouve dans le terrain choisi.
092 : Plan et deux coupes de l’ancienne maison.
76
1.7.Synthèse J’ai porté mon choix sur ce terrain, en raison de sa localisation en périphérie de l’ancien noyau de Kesra, et du fait qu’il se situe en altitude, ce qui confère au projet une visibilité depuis la principale route véhiculaire. A partir de l’analyse, nous pouvons constater que le site présente de nombreux point forts, tels qu’une vue impressionnante sur l’ensemble du paysage, ainsi qu’une position stratégique quant à la lecture du projet. C’est aussi un site qui reste accessible pour les habitants et les visiteurs. On peut retenir également deux données importantes pour la suite de la conception, à savoir le rapport avec l’ancien noyau de la ville, l’orientation et l’influence météorologique sur le vécu de l’espace.
2. Choix du programme : En me référant aux précédents centres de formation analysés et selon les données du terrain choisi, j’ai abouti au programme suivant : Espaces d’accueil et public Cet espace présente un point de départ du parcours du centre de formation, contient un accueil informatif, une mathériauthèque, un restaurant valorisant l’art culinaire du terroir et une boutique. Espace de formation et de recherche Cet espace représente le cœur battant du projet, tente de valoriser la formation des apprentis par le biais de la scénographie de l’architecture et profite de la géomorphologie du terrain. Ce denier englobe, un auditorium, une salle polyvalente, des ateliers, des laboratoires de recherche et des salles de classes, et s’étend vers un champ d’expérimentation à l’extérieur. Espaces de sommeil Il s’agit d’espace d’hébergement pour les apprentis et les formateurs, avec une capacité d’accueil de 24 personnes. (Il peut être dédié aux étudiants lors des voyages d’études en architecture, en ingénierie ou en archéologie, tunisiens ou étrangers). Espace administratif Cet espace consiste en une cellule qui assure la gestion du centre de formation, et englobe des bureaux et une salle de réunion.
093 : Schéma du programme de Shusira.
78
3. Premières intentions Dans ce volet je shématise mes premières intentions de projet, et expose une ébauche de réponse architecturale qui prend en compte les potentialités du site ainsi que ses contraintes. 3.1.Concepts
Vues
094 : Schéma montrant l'implantation du projet par rapport à la pente, (source : schéma personnel).
S’implanter en harmonie avec le terrain, en maintenant le mieux possible le relief initial du terrain afin de bénéficier des plateformes dégagées sur les vues et d’en profiter pour y placer des terrasses agréables aux multiples activités des usagers.
096 : schéma du seuil de l'entrée, (source : auteur).
095 : schéma de l'auditorium, (source : auteur).
La fonctionnalité bénéficie de la forme du relief du terrain à forte pente pour obtenir des espaces en gradins adaptés à des activités, de communication et d’échange, culturelles et éducatives.
097 : Photo mettant en évidence la paroi rocheuse limitant le terrain, (source : Auteur).
Intégrer la paroi rocheuse limitant le terrain à l’intérieur du projet, pour bénéficier de sa texture naturelle et pour avoir une vue rapprochée sur les couches géologiques qui la constituent.
098 : Illustration composée de deux croquis, montrant l’intégration de la paroi rocheuse à l’intérieur du projet, (source : auteur).
Intégrer l’ancienne bâtisse dans le projet, servant de premier exercice de restauration en pierre sèche pour le centre de formation et d’une materiauthèque intégré dans un parcours scénographique.
Les mesures et les proportions du patio ont servis de module de la trame structurant le projet. (a = 4.2 mètre, b = 3 mètre a/b = √2)
a b
099 : Schéma montrant l'origine du module de la trame du projet, (source : auteur).
80
3.2.Identité et durabilité En plus de concevoir un projet inscrit dans une démarche de développement durable, venant à la rescousse, par la formation et le partage, d’un patrimoine menacé de dégradation et constituant une architecture vitrine de plusieurs techniques de construction en pierre naturelle, le projet se veut passif et réconcilie progrès et tradition .
Réinterpréter l’habitat à patio central de l’ancien tissu de Kesra. En gardant le rôle du patio en tant qu’espace servant20 de rencontre et intime, en le fermant du côté nord pour se protéger des vents dominants et en l’ouvrant du côté sud afin de faire rentrer la nature, bénéficier de l’ensoleillement et d’un vaste espace vide s’ouvrant à la fois vers le ciel et sur la vue de la forêt avoisinante, une limite végétale filtrera les rayons solaires en été, purifiera l’espace et apportera de la fraicheur. 100 : Croquis montrant l'interprétation de l'habitation à patio, (source : auteur).
Concevoir un projet sculpté dans la pierre.
Cette réflexion intéresse aussi bien l’extérieur que l’intérieur. Par exemple dans ce croquis en se référant à l’architecture vernaculaire de Kesra, cet espace représente une réinterprétation de la Dokana, pour obtenir un mur massif habité, sculpté de niches servant d’espaces de sommeil.
101 : croquis d’ambiance, montrant le détail de trois lits, d'une cellule de vie pour les apprentis, sculptés dans la pierre, (source : auteur).
20
En se référant aux concepts de Louis Khan définis par Patrick Mestelan dans le livre « L’ordre et la règle : vers une théorie du projet d’architecture ». p240
102 : Schémas d’un parcours d’un fragment du tissu urabin de l’ancienne Kesra, (source : auteur).
Réinterpréter la notion du parcours dans le tissu urbain de l’ancienne Kesra, et en tirer des paramètres tels que la protection contre les vents dominants, sa capacité à générer un effet de surprise, tout au long de la traversée.
103 : schéma montrant les différentes perspectives du parcours.
Fermeture de la perspective, dissymétrie et concavité.
-
Ouverture de la perspective et mise en valeur d’un écran paysager et naturel.
Créer une porosité spatiale, par le biais d’un parcours actif, adapté au relief du terrain.
82
-
-
Tirer le meilleur parti des conditions climatiques du site et de l’environnement. Se protéger du vent froid par le biais d’un écran végétal, implanter un espace tampon au nord jouant le rôle d’espace intermédiaire et de protection thermique. Concevoir une toiture qui brise les rayons solaire en été et les capte en hiver Isoler naturellement la toiture par le biais d’une couverture végétalisée, qui constitue un élément important dans l’étanchéité.
104 : schéma montrant la stratégie adoptée pour tirer le mieux parti de l'environnement, (source : auteur).
- Ventilation naturelle En se référant au malqif revisité de l’architecte égyptien Hassan Fathy issu de ses recherches sur l’architecture vernaculaire. Cela a permis d’en tirer les principaux composants, et de l’adapter à notre ère. En effet la tour à vent, peut être intégrée au bâtiment, par un simple décollement de la toiture, le vent pourra être capté et refroidit à l’aide d’un vaporisateur plus évolué et ce même décollement peut jouer un deuxième rôle, celui de support pour un film photovoltaïque qui capte à son tour les rayons solaires.
106 : Malqif conçu par Hassan Fathy. (source : http://www.anelixi.org/oikologikiarxitektoniki/bioklimatikos-sxediasmosktirion/fisikos-drosismos/).
105 : Coupe schématique montrant le décollement de la toiture jouant une double fonction, capter le soleil et le vent, (source : auteur).
-
Filtrer la lumière à l’aide d’une double paroi en bois d’olivier local.
107 : croquis montrant une double paroi en bois d’olivier.
-
Prévoir un système de récolte des eaux pluviales, et penser à la revalorisation des eaux grises issues des douches et des lavabos par le biais d’un système de filtration (cela peut être une phytoépuration), pour les réutiliser une seconde fois, par exemple pour l’arrosage.
Le croquis ci-contre montre le système de revalorisation des eaux savonneuses issues du lavabo pour alimenter les toilettes.
108 : croquis montrant un système de revalorisation des eaux savonneuses.
84
Figure 109 : esquisse du projet.
110 : croquis montrant l'unitĂŠ d'habitation du centre.
111 : croquis montrant le parcours actif et adaptĂŠ au relief du terrain, du projet.
Du fait d’un manque flagrant de main d’œuvre qualifiée dans le domaine de la restauration et de l’invasion de nouveaux matériaux de construction industriels, les nombreux sites très riches en patrimoine architectural vernaculaire, que compte la Tunisie, se trouvent menacés de dégradation. Cette réflexion est issue de l’étude du cas de l’ancienne Shusira : Kesra, un village du gouvernorat de Siliana, d’une beauté frappante par ses paysages architecturaux en pierre, ressource naturelle abondante, se défigure petit à petit. Dans un contexte où le durable devient une nécessité, l’utilisation des matériaux locaux est primordiale. Un centre de formation professionnelle dédié à la construction en pierre qui accueillerait toute personne curieuse du passé de cette terre sur laquelle elle habite, désirant découvrir et/ou apprendre ces techniques de construction millénaire pourrait aider à la revalorisation de ce patrimoine architectural. La présente approche porte sur la création d’une proposition architecturale qui participera à la revalorisation du village, son histoire, son patrimoine et son architecture, revaloriser et faire renaitre ses activités artisanales, faire participer les villageois dans les activités du projet et même au cours du chantier. Le centre dispense des connaissances en termes de techniques ancestrales et nouvelles de la pierre, la conception du centre en lui-même se veut une vitrine des techniques d’aujourd’hui de construction en pierre, et cela pour montrer qu’il est toujours possible de s’inscrire dans l’architecture contemporaine tout en utilisant de matériaux ancestraux afin de minimiser l’impact sur l’environnement.
86
1. Le dialogue Le 23/04/2015 Au sein de la ferme en permaculture (bio) intitulée « L’ombre du palmier », située à Hajeb El Ayoun à Kairouan, suite à une dure journée de travail en écoconstruction pendant un workshop en superadobe, j’ai convoqué quelques membres présents avec nous, pour leur proposer mon projet et d’avoir leurs avis la dessus, sous forme d’un dialogue. Je commencerais par présenter les membres convoqués dans le dialogue.
Houcine Maadi : tunisien, 35ans, technicien en électromécanique travaillant à la SONEDE, faisant son mémoire de fin d’étude pour devenir ingénieur. Bricoleur, il a pu réaliser sa propre machine, une presse hydraulique pour fabriquer des briques de terre comprimé, Houcine s’intéresse à la permaculture et l’écoconstruction, le durable pour lui est devenu une nécessité. Davide Frasca : Italien, 35 ans, Diplômé en MSC Architecture Energy and Sustainability à Londres, formé à Cal-Eath en Californie (USA) en superadobe puis à l’institut Auroville Earth en Inde en divers techniques de construction en terre, formateur à son tour en superadobe, il est venu pour la troisième fois en Tunisie pour former des gens en écoconstruction. Basset Abbassi, un franco-tunisien, 45ans, fondateur et président de l’association des permaculteurs tunisiens. Hamdi Deraa : tunisien, maçon autodidacte vivant à Hajeb Laayoun, Kairouan, il était présent avec nous au chantier participatif, curieux d’apprendre ces techniques d’écoconstruction. Donato Mancini : italien, vivant à Nice, 32 ans, formé à Cal-Eath en Californie (USA) en écoconstruction, il vient en Tunisie pour la deuxième fois avec Davide en tant que formateur en écoconstruction.
114 : Donato Mancini.
114 : Davide Frasca.
114 : Houcine Maadi.
115 : Basset Abbassi.
Moi/Hassene -
Qu’est ce qui nous a réunis aujourd’hui atour de cette table, après une dure journée sous ce soleil brulant de Kairouan ? Houcine
- Je possède un morceau de terrain agricole, je n’ai pas eu l’occasion de pratiquer, j’ai eu la chance de découvrir la permaculture, j’ai trouvé cela super-intéressant. Basset - Pour moi l’écologie est synonyme de bien-être. Houcine - Pourquoi ne pas concevoir sa maison écologique comme celle de mes grands-parents, j’ai posé la question sur GOOGLE « Comment construire avec la terre ? » et là je me suis dit que je devais apprendre toutes les méthodes existantes. Suite à la découverte de la permaculture, Djerba m’a beaucoup inspiré et puis la grande question était « a-t-on a un centre de formation pour ces techniques en Tunisie ? ». Je suis tombé sur ce workshop de superadobe et ça n’est que le début.
Moi/Hassene
- Voyez-vous l’intérêt d’un centre d’apprentissage, où l’on vous formerez pour l’une de ces techniques de construction en Tunisie ? Houcine - Oui il y’a beaucoup de gens que cela les intéresse. Moi/Hassene
- Economique ? Sociale ? Ou écologique ? Houcine - Personnellement je touche mille dinars par mois, donc ma situation financière actuelle me permet soit d’acheter le terrain soit de construire la maison de nos jours, énergivore et mal-isolé et puis maintenant je pense que les gens sont de plus en plus conscient que l’avenir est dans le durable. Moi/Hassene - Donato ! Accepterais-tu de venir en Tunisie pour faire une formation ?
88
Donato - Oui bien sûr ! Je suis intéressé de découvrir ces techniques ancestrales surtout quand celles-ci nous parviennent de la source. Moi/Hassene - Basset ! Qu’est ce qui t’a poussé à revenir en Tunisie afin de développer la permaculture en Tunisie ? Basset - C’est une longue histoire. Tout commence par la quête de mes origines, même si j’ai la double nationalité je reste étranger aux yeux de quelques personnes, différents des autres. J’ai cherché à connaitre le tunisien que je devais être. Je me suis ensuite demandé pour quelle raison devrais-je rentrer au bled ? Que faire là-bas ? Pour partager mes connaissances, voilà ce que j’allais entreprendre de faire une fois rentré. En Province, en France j’ai eu des emplois très variés. J’ai fait le soudeur, le ferronnier, j’ai recyclé des conteneurs, fabriqué des caravanes avec des matériaux de récupération. Mon père travaillait en France, chez un paysan. Il s’occupait du jardin, des potagers. Après son décès, J’ai eu un déclic ; Sortir du fer pour m’intéresser à la terre. J’ai commencé à envisager la vie d’une autre manière. Il fallait sortir du statut de simple consommateur et donner aux gens des outils qui leur permettraient d’être autonome, plus indépendant. Je m’intéresse également à l’artisanat. La télévision peut être nocive dans certains cas car elle nous fait croire, par le billet de la publicité, à la nécessité de beaucoup de choses qui sont en réalité superflues. J’ai pris la décision de retourner au pays de mes origines, tout de suite après la révolution télévisée tunisienne. J’ai développé une confiance aveugle en la jeunesse tunisienne grimpante. Houcine - Pour moi le réveil est arrivé suite au décès de mon cousin par le cancer, j’ai pris conscience de ce que nous consommons comme aliments, technologies et matériaux de construction. Basset - La mentalité de certain associe la terre à un matériau dépassé. Moi/Hassene - Hamdi ! Que penses-tu d’un centre de formation en construction en technique de pierre en Tunisie ? Hamdi - Personnellement, je suis intéressé par ce genre de diplôme, c’est une bonne chose d’apprendre.
Davide - Je trouve judicieux de créer un aimant qui attire des gens intéressés, un centre de gravité qui capte les gens. Comme à l’institut Cal-Earth où j’ai fait ma formation en superadobe, c’était un centre de savoir, on avait tous des choses en commun qui nous liaient l’un à l’autre. Un centre de formation en pierre sèche en Tunisie à Kesra, à Siliana va faire rencontrer les gens de partout dans le monde ou partout en Tunisie, de participer à faire l’effet de boule de neige, les gens vont venir, dépenser de l’argent, améliorer la qualité de vie des habitants, préserver le patrimoine de la région et surtout respecter l’environnement. La pierre, comme la pierre est un matériau culturel, hérité de père en fils, je pense qu’il faut briser la chaine qui ne nous laisse pas s’intéresser à ce genre de matériaux pour en créer un centre parental. (Davide Frasca, 2015)
116 : La famille Abbassi, les pionniers en permaculture en Tunisie.
90
2. Construire en pierre naturelle au XXIe siècle Pierre Actual et le Syndicat National des Industries de Roches Ornementales de Construction, ont organisé en partenariat avec l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture Paris-Val de Seine un concours d’idée sous le thème de « Construire en pierre naturelle au XXIe siècle, réservé aux étudiants inscrits dans une Ecole Nationale Supérieure d'Architecture en France. Il a pour vocation de sensibiliser les étudiants à l'utilisation de la pierre naturelle dans tous les domaines de l'architecture contemporaine et de l'aménagement. Il vise aussi à démontrer que l'on peut concevoir une architecture résolument contemporaine tout en utilisant à bon escient un matériau traditionnel.
117 : Image de synthèse du projet lauréat au concours « Construire en pierre naturelle au XXIe siècle » en 2014.
Simon Perdereau, étudiant à ENSA de Nancy en France et lauréat du concours d’idées après avoir remporté le deuxième prix, pour son projet intitulé "Maison de champagne de Sacy". Le jury a apprécié la qualité d'organisation du programme proposé et l'utilisation adéquate de la pierre naturelle porteuse. Jacques Noizette, Président du Jury, et Philippe Durand, Alpha-pierre, lui ont remis le lundi 11 mars 2014, son prix lors d'une cérémonie à l'ENSA Paris-Val de Seine.
118 : Image de synthèse du projet lauréat au concours « Construire en pierre naturelle au XXIe siècle » en 2014.
[Le projet prend place aux abords du village champenois de Sacy, à quelques kilomètres au sud-ouest de la ville de Reims. C’est un paysage typique de la champagne, composé de nombreuses collines recouvertes de vignes. La maison de champagne de Sacy est construite avec de la pierre calcaire, très présente dans la région. Le bâtiment semble taillé à même la roche. La pierre calcaire était traditionnellement utilisée pour la construction des caves de champagne et permettait une bonne conservation du champagne. Elle a également servi très tôt dans la construction champenoise, autant pour l’habitat que pour les monuments (notamment la cathédrale de Reims). Le projet est composé d’une succession de blocs parallélépipédiques. Cet empilement horizontal joue sur les décalages et fait référence à la construction en pierre. Chaque bloc matérialise les différentes étapes de l’élaboration du champagne. La variation de hauteur et de largeur des espaces varie selon leur fonction. La première strate qui compose le bâtiment regroupe la partie réservée aux employés : les bureaux, les archives et les salles de réunion. La deuxième abrite l’espace d’accueil du public, qui rassemble l’espace d’exposition, de dégustation et le magasin au premier niveau. Les 3 autres blocs regroupent les espaces de fabrication du champagne. En première partie, la zone de pressurage et la zone de fermentation avec ses énormes cuves. Un réseau installé sous la dalle permet de lier chaque machine entre elles. Le volume le plus important de la maison de champagne abrite l’espace de livraison pour le raisin, la zone de départ des caisses de champagne, la mise en bouteille et la mise sur pupitres. Un espace de maturation, d’étiquetage et le stock des bouteilles composent le dernier bloc de la maison de champagne. L’architecture du bâtiment s’inspire de thématiques du monde viticole : la rigueur, le parallélisme, la trame. La construction semble posée sur le terrain, dans la continuité des vignes du site. Elle utilise également des notions importantes de la construction pierre : la porosité, l’empilage, la matérialité, l’aspect monolithique.] (Simon) (Simon Perdereau, lauréat du concours « Construire en pierre naturelle au XXIème siècle », 2013)
92
94
96
98