Défaillance du système :
en raison des inégalités en matière de soins de santé, la santé cardiaque et cérébrale des femmes continue d’être négligée
Pleins feux sur la santé cardiaque et cérébrale des femmes
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en raison des inégalités en matière de soins de santé, la santé cardiaque et cérébrale des femmes continue d’être négligée
Pleins feux sur la santé cardiaque et cérébrale des femmes
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Les femmes représentent un peu plus de la moitié de la population au pays. Pourtant, des lacunes en matière de recherche, de diagnostic et de soins menacent leur santé cardiaque et cérébrale. Pour beaucoup d’entre elles, ces lacunes sont aggravées par des facteurs qui se croisent et se chevauchent, ce qui augmente leurs risques.
Les femmes sont encore sous-représentées dans la recherche. Les programmes des écoles de médecine et de nombreuses lignes directrices sur les maladies du cœur et l’AVC ne tiennent toujours pas compte des besoins spécifiques des femmes. Les médecins ont plus de facilité à diagnostiquer et à traiter les maladies du cœur et l’AVC chez les hommes. Cette réalité s’explique en partie par le manque de renseignements portant spécifiquement sur les femmes et par le fait que ceux qui sont accessibles ne sont pas largement diffusés. De plus, les professionnels de la santé ne sont pas conscients que la plupart des pratiques exemplaires sont fondées sur des données probantes tirées de recherches faites sur des hommes.
Ces lacunes façonnent les connaissances du public. Selon les données du dernier sondage national de Cœur + AVC, près de 40 % de la population du pays ne sait pas que les maladies du cœur et l’AVC sont les principales causes de décès prématuré chez les femmes.
Les symptômes d’une crise cardiaque passent inaperçus chez la moitié des femmes.
• Les femmes qui subissent une crise cardiaque sont moins susceptibles que les hommes de recevoir les traitements et les médicaments dont elles ont besoin, ou de les recevoir en temps opportun.
• Le risque de décès dans l’année qui suit une crise cardiaque continue d’être plus élevé chez les femmes que chez les hommes.
• Les femmes qui subissent un infarctus du myocarde avec élévation du segment ST ou sans élévation du segment ST, deux des trois principaux types de crises cardiaques, sont plus susceptibles que les hommes de mourir ou de présenter une insuffisance cardiaque dans les cinq années suivantes.
• Les femmes qui subissent un AVC sont plus susceptibles que les hommes d’en mourir; lorsqu’elles y survivent, leurs séquelles sont plus graves.
Le corps des femmes est différent de celui des hommes, tout comme leur vie. En raison des différences biologiques, les femmes font face à des facteurs de risque distincts, et ce, à différents moments de leur vie. De plus, elles sont plus susceptibles de subir certains types de maladies cardiaques ou d’AVC.
Il existe également des différences sociales qui ont une incidence sur la santé des femmes. Par exemple, le salaire des femmes est en moyenne inférieur à celui des hommes. Les femmes assument la majorité des responsabilités de soins non rémunérées et sont plus susceptibles d’en subir les conséquences négatives sur leur santé. Souvent, les femmes font passer les besoins des autres avant les leurs.
Même si toutes les femmes font face à des inégalités, certaines sont plus à risque que d’autres à cause d’inégalités qui s’entrecroisent. Chaque femme est différente, avec des facteurs distincts qui se chevauchent et affectent sa santé cardiaque et cérébrale : la race, l’origine ethnique, le statut socio-économique, l’orientation sexuelle, la situation géographique, la masse corporelle, les capacités, etc.
Des progrès ont été réalisés, mais comme nous le soulignons dans ce rapport, il reste encore beaucoup à faire pour nous assurer que toutes les femmes du pays reçoivent les soins dont elles ont besoin en matière de santé cardiaque et cérébrale, soit des soins adaptés au sexe et au genre, équitables, pertinents sur le plan culturel et sûrs. Cœur + AVC s’engage à collaborer avec ses partenaires de tous les secteurs dans l’ensemble du pays pour favoriser ce changement.
Les maladies du cœur et l’AVC ont fauché 32 271 femmes au Canada en 2019. C’est 1 femme toutes les 16 minutes.
Des efforts ont été faits pour commencer à combler certains des écarts entre les sexes et les genres relativement à l’AVC et à la santé cardiovasculaire. Mais je pense que nous avons encore un très long chemin à parcourir.
— Dre Kara Nerenberg, chaire de recherche sur la santé cardiaque
En 2018, Cœur + AVC a mis en évidence les inégalités systémiques qui compromettent la santé cardiaque et cérébrale des femmes avec deux rapports percutants : Les Incomprises et Des vies perturbées. Cinq ans plus tard, nous avons constaté des avancées dans la recherche, les soins et l’éducation. Toutefois, de nombreux problèmes doivent encore être résolus.
Qu’il soit question de découvertes de médicaments ou de l’élaboration de pratiques cliniques, les percées en santé cardiaque et cérébrale commencent par la recherche. Le sexe et le genre sont tous deux importants dans cette recherche, car les résultats obtenus chez les hommes ne sont pas toujours applicables aux femmes.
Les deux tiers des participants aux essais cliniques sur les maladies cardiaques et l’AVC ont été des hommes et peu d’études tiennent compte des facteurs intersectionnels qui ont une incidence supplémentaire sur la santé, comme l’origine ethnique, le statut socio-économique, etc. Lorsqu’il y a des femmes parmi les participants, les chercheurs n’analysent pas toujours les données selon le sexe et le genre. Par conséquent, les approches en matière de prévention, de diagnostic, de traitement et de soins ne s’appliquent souvent pas de la même façon au corps, à l’identité de genre et aux rôles des femmes. Les maladies qui sont plus fréquentes ou plus graves chez les femmes, mais rares chez les hommes reçoivent généralement moins d’attention. De plus, nous
manquons de connaissances sur la façon dont les étapes de la vie propres aux femmes touchent la santé cardiaque et cérébrale.
• Cœur + AVC a investi 5 millions de dollars du gouvernement fédéral ainsi que 5,5 millions de dollars supplémentaires de partenaires et de donateurs dans la recherche et les efforts de sensibilisation relatifs à la santé cardiaque et cérébrale des femmes.
• Cœur + AVC a lancé le Réseau de recherche sur la santé cardiaque et cérébrale des femmes, qui met en communication 200 chercheurs, cliniciens, dirigeants de systèmes et femmes ayant une expérience vécue, tous engagés à faire progresser la recherche équitable entre les sexes et les genres dans les hôpitaux et les universités du pays.
• Cœur + AVC exige désormais que toutes les recherches qu’elle finance tiennent compte du sexe et du genre dans leur conception, leur analyse et leur rapport. Les cinq principaux organismes de santé du pays utilisent une analyse fondée sur le sexe et le genre pour élaborer, mettre en œuvre et évaluer la recherche, y compris les Instituts de recherche en santé du Canada qui le font depuis 2010.
• Augmenter le nombre de bailleurs de fonds qui investissent dans la recherche sur la santé cardiaque et cérébrale des femmes.
• Veiller à ce que tous les bailleurs de fonds de la recherche exigent que le sexe, le genre et d’autres facteurs ayant une incidence sur les soins et les résultats en matière de santé, comme l’origine ethnique, la race, les capacités, l’orientation sexuelle, l’éducation, le revenu et la situation géographique, soient pris en compte pour recevoir du financement. En outre, s’assurer que des fonds suffisants sont prévus pour permettre aux chercheurs d’examiner ces facteurs dans le cadre de l’étude.
— Dre Louise Pilote, directrice adjointe, Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill
• Exiger systématiquement une analyse et la production de rapports fondées sur le sexe et le genre pour toutes les recherches publiées dans les revues.
De grands progrès ont été réalisés en matière de renforcement des capacités de recherche sur le cœur et le cerveau des femmes grâce au soutien et à l’engagement de bailleurs de fonds comme Cœur + AVC.
À l’heure actuelle, beaucoup de femmes au pays meurent prématurément, et un plus grand nombre encore souffrent inutilement. En fait, les signes et symptômes d’une crise cardiaque passent inaperçus chez la moitié des femmes. Elles ont du mal à se faire entendre ou à faire en sorte que leurs symptômes soient pris au sérieux, et elles sont moins susceptibles que les hommes de recevoir un diagnostic précis. En fait, les signes et symptômes d’une crise cardiaque passent inaperçus chez la moitié des femmes. Elles sont moins susceptibles que les hommes de recevoir une réanimation cardiorespiratoire (RCR) parce que bon nombre de secouristes non professionnels craignent de toucher leur poitrine.
Bien que nous ayons constaté certaines améliorations dans les pratiques exemplaires cliniques au cours des cinq dernières années, elles ne vont généralement pas au-delà des soins de courte durée. Les femmes sont encore beaucoup moins susceptibles d’être orientées vers des programmes de réadaptation cardiovasculaire et de prévention secondaire, qui atténuent les conséquences des maladies cardiaques par l’entremise d’examens réguliers, de programmes d’exercice, de médicaments pris quotidiennement, de soutien et d’autres mesures. Lorsqu’elles sont orientées vers de tels programmes, elles sont moins susceptibles d’y participer en raison de difficultés financières, de responsabilités familiales et d’autres facteurs sociaux.
Les médecins et les autres professionnels de la santé ne veulent pas pratiquer une médecine inadéquate; dans la plupart des cas, ils ne sont tout simplement pas conscients que les soins qu’ils prodiguent aux femmes sont insuffisants. Ce manque de compréhension découle des inégalités qui existent dans la société et qui sont ancrées dans le système de santé; il faut éliminer celles-ci.
• La Société canadienne de cardiologie a commencé à intégrer des considérations particulières aux femmes dans ses lignes directrices cliniques et ses normes de soins pour certaines maladies. Jusqu’à présent, la plupart de ces travaux se sont concentrés sur les soins de courte durée.
• Cœur + AVC a intégré des données probantes propres aux femmes dans ses Recommandations canadiennes pour les pratiques optimales de soins de l’AVC et a organisé des webinaires et des séances d’apprentissage lors de conférences.
• L’Alliance canadienne de santé cardiaque pour les femmes a créé une série de modules éducatifs, approuvés par la Société canadienne de cardiologie, pour aider les professionnels de la santé à réduire les préjugés systémiques que les femmes rencontrent.
• L’Atlas de l’Alliance canadienne de santé cardiaque pour les femmes décrit l’état actuel de la santé cardiaque des femmes et fournit des orientations pour garantir des soins équitables.
• Cœur + AVC a fait la promotion d’un programme de RCR qui comprend l’utilisation de mannequins féminins et un contenu soulignant l’importance d’effectuer des compressions thoraciques sur les personnes ayant des seins.
• Continuer d’intégrer aux lignes directrices sur la pratique clinique des données probantes qui tiennent compte du sexe et du genre, notamment en matière de prévention primaire et secondaire, de détection des risques et de réadaptation.
• Élaborer des lignes directrices relatives aux maladies cardiaques et cérébrales qui touchent principalement les femmes.
• Veiller à ce que davantage de femmes qui font une crise cardiaque reçoivent les traitements et les médicaments dont elles ont besoin, et ce, dans les délais recommandés.
• Veiller à ce que davantage de femmes atteintes d’une maladie cardiaque ou ayant subi un AVC soient orientées vers des programmes de réadaptation cardiovasculaire et de prévention secondaire, et obtiennent le soutien dont elles ont besoin pour y participer.
• Apprendre aux femmes à parler à leurs dispensateurs de soins, à poser les bonnes questions et à défendre leurs intérêts. Plus important encore, apprendre aux dispensateurs de soins à écouter leurs patientes.
• Donner l’accès à des soins ou à des modèles de soins distincts aux femmes issues de communautés méritant l’équité.
Lorsque nous parlons de femmes dans ce rapport, nous parlons des femmes cisgenres et transgenres, ainsi que des personnes transgenres et non binaires qui ont des expériences communes en matière de santé, mais qui ne s’identifient pas forcément comme des femmes.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé, l’équité en matière de santé est définie comme étant l’absence de différences injustes, évitables ou remédiables dans l’état de santé entre des groupes de population définis socialement, économiquement, démographiquement ou géographiquement.
Le sexe et le genre sont des concepts complémentaires, et non interchangeables. Le sexe décrit la biologie, comme les hormones et les chromosomes, tandis que le genre décrit l’expérience vécue des personnes, les rôles socialement construits et l’auto-identification. Ces différences ont une incidence sur les risques pour la santé des femmes; la pertinence des procédures de diagnostic et des interventions; la manière dont les femmes recherchent des connaissances et des soins; et bien plus encore. Dans ce rapport, nous préférons généralement utiliser le terme « femme », car il évoque mieux l’ensemble des expériences pertinentes, mais certains ouvrages utilisent le terme « personne de sexe féminin ».
J’ai reçu tellement de diagnostics erronés : on m’a dit que c’était de l’anxiété, une dépression, la ménopause, un rhume, une grippe, une pneumonie, un prolapsus vaginal, des calculs rénaux.
—Michelle Logeot, atteinte d’une maladie du cœur
En 2017, Michelle Logeot était une éducatrice occupée vivant à Thompson, au Manitoba. Depuis plusieurs mois, elle ne se sentait pas bien; elle était faible et fatiguée, et transpirait beaucoup. Alors qu’elle se déplaçait dans la province pour son travail, elle s’inquiétait pour sa santé et a visité plusieurs hôpitaux, mais ses symptômes étaient écartés.
Michelle allait de plus en plus mal. Le jour de son 51e anniversaire, elle séjournait dans un camping saisonnier avec sa famille pour célébrer l’événement, mais elle n’avait pas la force nécessaire pour profiter de cette journée. Peu de temps après son retour à Thompson, elle est allée s’allonger et a perdu connaissance. Son mari a appelé une ambulance, et Michelle a été emmenée à l’hôpital, où son cœur s’est arrêté. Elle a été réanimée et transportée par avion à Winnipeg, où des tests ont révélé neuf blocages dans ses artères coronaires. Elle a subi une intervention visant à ouvrir trois de ses artères à l’aide d’endoprothèses.
Pendant son rétablissement, elle n’avait pas accès à des services de réadaptation ni de soutien dans sa région. Elle a toutefois trouvé un groupe Facebook pour les femmes avec des problèmes cardiaques, ce qui l’a aidée. Michelle est maintenant en mesure de soutenir les autres et donne le conseil suivant aux femmes qui ont des problèmes cardiaques : « Vous devez défendre vos intérêts. Si un médecin ignore vos symptômes, vous devez en trouver un autre qui vous aidera. »
Les femmes ne peuvent pas recevoir un diagnostic et des soins en temps opportun si elles, ou leur entourage ne se rendent pas compte qu’elles ont besoin d’aide. C’est pour cette raison qu’il est essentiel de sensibiliser davantage le public à la prévalence des maladies du cœur et de l’AVC chez les femmes ainsi qu’aux risques et aux symptômes propres à ces dernières, en plus des facteurs de risque « habituels ».
Les campagnes publiques ont amélioré la sensibilisation. Cependant, une grande partie de la population du pays n’est pas consciente du fardeau de la maladie et des inégalités auxquels les femmes font face en matière de maladies du cœur et d’AVC, ni des signes et des facteurs de risque qui leur sont propres. La formation des travailleurs de la santé est tout aussi cruciale.
• En 2018, Cœur + AVC a lancé une campagne de sensibilisation aux inégalités en matière de santé cardiaque et cérébrale auxquelles les femmes font face. D’autres groupes ont formulé des messages similaires.
• À l’heure actuelle, 75 % de la population pense que nous devrions nous préoccuper davantage de la santé cardiaque et cérébrale des femmes.
• Accroître les efforts de sensibilisation auprès de tous les groupes et secteurs, y compris les professionnels de la santé, les dirigeants et les décideurs des systèmes de santé, les éducateurs, et le grand public relativement aux inégalités auxquelles les femmes font face en matière de maladies du cœur et d’AVC.
• Augmenter la sensibilisation ciblée des groupes à haut risque et des communautés dont les connaissances sont faibles.
• Améliorer les connaissances des femmes sur les facteurs de risque qui leur sont propres aux différentes étapes de leur vie, comme le diabète pendant la grossesse et la fibrillation auriculaire à un âge avancé.
• Intégrer des points de contrôle ou des procédures de dépistage des facteurs de risque propres aux femmes à différents points d’intervention, à toutes les étapes de leur vie.
Il existe une foule de différences physiologiques entre les hommes et les femmes : la taille du cœur et des artères coronaires, les taux d’hormones, la façon dont la plaque s’accumule dans les vaisseaux sanguins, etc. Il en résulte des facteurs de risque et les symptômes souvent différents, ce qui signifie aussi que des traitements différents peuvent être plus appropriés.
Les facteurs de risque « habituels », comme le tabagisme, l’hypertension artérielle et le diabète, augmentent les risques de maladies du cœur ou d’AVC tant chez les hommes que chez les femmes. Toutefois, ces dernières font également face à plusieurs facteurs de risque qui leur sont propres, notamment les changements hormonaux au cours de leur vie, les complications pendant la grossesse ainsi que l’utilisation de contraceptifs oraux et d’hormonothérapie substitutive.
La grossesse peut entraîner de l’hypertension et du diabète gestationnel, qui augmentent tous deux le risque de développer une maladie du cœur et de subir un AVC au cours de la vie. En fait, les maladies du cœur sont l’une des principales causes de maladie et de décès pendant la grossesse, et le risque de subir un AVC est trois fois plus élevé chez les femmes enceintes que chez les femmes non enceintes du même âge. De plus, le syndrome des ovaires polykystiques (une affection qui touche une femme sur cinq en âge de procréer) entraîne une augmentation des risques d’obésité et de résistance à l’insuline, ainsi que d’autres facteurs de risque métaboliques pouvant causer des maladies du cœur ou un AVC.
La plupart des femmes enceintes passent régulièrement des examens prénataux pour s’assurer qu’elles et leur bébé se portent bien. Padma Kaul, titulaire de la Chaire de recherche sur les maladies cardiovasculaires de Cœur + AVC, estime qu’il s’agit d’une occasion unique de repérer les maladies préexistantes ou liées à la grossesse qui augmentent le risque de maladies cardiovasculaires dans l’avenir.
Par exemple, si une femme fait du diabète gestationnel, son risque de développer une maladie du cœur plus tard au cours de sa vie double. Idéalement, elle devrait subir un dépistage du diabète entre six semaines et six mois après la naissance du bébé. Toutefois, selon les recherches de Mme Kaul, trop peu de femmes se soumettent à ce dépistage, en partie parce qu’elles ont tendance à moins se préoccuper de leur propre santé lorsqu’elles ont de jeunes enfants. « C’est ce que nous voulons changer », indique Mme Kaul.
Les femmes qui font de l’hypertension pendant la grossesse sont deux à trois fois plus susceptibles de développer une maladie du cœur ou de subir un AVC, et sont deux fois plus susceptibles de mourir d’une maladie cardiovasculaire avant l’âge de 70 ans.
La Dre Kara Nerenberg, chercheuse de l’Université de Calgary subventionnée par Cœur + AVC, a dirigé l’élaboration de lignes
directrices nationales en matière de prévention, de dépistage et de prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaires après la grossesse. Elle collabore également avec le gouvernement de l’Alberta pour envoyer des rappels automatiques aux femmes présentant des facteurs de risque après la grossesse afin qu’elles se soumettent à des tests de suivi.
Grâce au système d’évaluation longitudinale après la grossesse de l’Alberta, la Dre Nerenberg a pu établir des données de référence. Elle planifie maintenant de mesurer les effets des rappels. « Ont-ils une incidence sur le nombre de femmes qui font un dépistage du diabète, de l’hypertension et du cholestérol? Ont-ils un effet sur les traitements prodigués aux femmes et leur santé à long terme? » demande-t-elle.
Alors que le taux d’œstrogène diminue pendant la ménopause, les risques de maladie du cœur, eux, augmentent. Il faut maintenant trouver pourquoi. Glen Pyle, chercheur de l’Université de Guelph subventionné par Cœur + AVC, et son équipe ont été les premiers au monde à cerner les changements biologiques du muscle cardiaque déclenchés par la ménopause, et la façon dont ceux-ci réduisent les facteurs de protection du cœur des femmes.
« Pendant longtemps, on a pensé que la baisse du taux d’œstrogène à la ménopause expliquait l’augmentation du risque cardiovasculaire. La solution était donc de remplacer l’œstrogène. Mais ce n’est pas aussi simple », explique M. Pyle.
Seulement 11 % des femmes au pays sont en mesure de nommer un ou plusieurs des facteurs de risque de maladies du cœur et d’AVC propres aux femmes .
En améliorant le dépistage, l’éducation et le suivi pendant et après la grossesse, nous pourrions aider de nombreuses femmes à réduire leur risque futur de maladies du cœur.
— Padma Kaul, chercheuse subventionnée par Cœur + AVC
Il a également découvert que les principales voies de protection du cœur des femmes subissent des changements très tôt durant la ménopause, soit plusieurs années avant l’apparition d’autres symptômes comme les bouffées de chaleur. Il cherche maintenant à savoir comment un traitement par l’œstrogène après une crise cardiaque peut réduire les séquelles.
Certains facteurs de risque « habituels » touchent davantage les femmes que les hommes. Le tabagisme, l’hypertension, le diabète, l’obésité, la sédentarité et la dépression ont tous une incidence accrue sur les femmes. Il existe également des données probantes solides qui indiquent que les femmes qui sont atteintes d’hypertension, surtout dans la quarantaine, ont un risque élevé d’être atteintes de démence en vieillissant. Ce risque n’est pas présent chez les hommes. De plus, en vieillissant, les femmes présentent des facteurs de risque cardiovasculaires plus rapidement que les hommes et les médecins peuvent prendre du temps à les traiter selon les résultats obtenus pour des femmes plus jeunes.
Certaines maladies plus fréquentes chez les femmes, comme les troubles inflammatoires et auto-immuns systémiques (p. ex., polyarthrite rhumatoïde et lupus), augmentent le risque de maladie du cœur et d’AVC. Le traitement hormonal d’affirmation de genre expose les femmes transgenres à un risque accru d’AVC, de caillots sanguins et de crise cardiaque.
Les femmes sont aussi plus susceptibles que les hommes de souffrir de certaines maladies du cœur, notamment la cardiomyopathie de Takotsubo, une maladie cardiaque transitoire déclenchée par un stress important. L’infarctus du myocarde avec artères coronaires non obstruées, un type de crise cardiaque qui survient sans obstruction des artères, est au moins deux fois plus fréquent chez les femmes que chez les hommes. Les signes et les symptômes de la cardiopathie ischémique, comme l’angine, sont plus susceptibles d’être dus à une ischémie avec artères coronaires non obstruées chez les femmes que chez les hommes.
« Les femmes sont plus susceptibles d’obtenir un rapport indiquant que leurs artères coronaires sont normales et qu’aucune obstruction n’a été observée, mais cela ne permet pas de diagnostiquer les maladies affectant les très petites artères et les réseaux d’artères que l’on ne peut pas voir sur une angiographie standard », explique la Dre Sonia Anand, titulaire de la chaire de recherche en santé des populations de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC/Michael G. DeGroote de l’Université McMaster, à Hamilton. « Une crise cardiaque peut survenir même sans blocage des grandes artères coronaires. Nous devons sensibiliser le public à ces maladies et améliorer les tests diagnostiques. »
La dissection spontanée de l’artère coronaire (DSAC), qui touche aussi principalement les femmes, est la principale cause de crise cardiaque chez les jeunes femmes ainsi que pendant la grossesse ou l’accouchement.
Les maladies du cœur et l’AVC peuvent se manifester différemment chez les femmes. Par exemple, les femmes sont moins susceptibles de ressentir des douleurs thoraciques intenses lors d’une crise cardiaque. Elles sont plus susceptibles de ressentir de la douleur dans le cou, la mâchoire, les épaules, le haut du dos ou le haut du ventre et de présenter un souffle court, des nausées ou des vomissements. La plupart des femmes présentent plus d’un symptôme, alors que les hommes sont plus susceptibles de signaler uniquement des douleurs thoraciques. Les symptômes de la cardiopathie ischémique (causée par le rétrécissement des artères) et de l’arythmie diffèrent également entre les hommes et les femmes.
« Les symptômes habituels de crise cardiaque que l’on enseigne sont basés sur des études portant sur des hommes blancs. Cependant, nous savons que les minorités ethniques et les femmes peuvent présenter des symptômes très différents de crise cardiaque », explique la Dre Inderveer Mahal, médecin de famille à Vancouver. « Dans les écoles de médecine, il faut insister sur le fait que les symptômes de maladies potentiellement mortelles peuvent varier en fonction du patient, et que le jugement clinique doit en tenir compte. »
Les obstacles en matière de soins vont au-delà des différences entre les hommes et les femmes. Les femmes ont tendance à assumer davantage de responsabilités liées aux soins et à faire passer les besoins de santé des membres de leur famille avant les leurs. Une femme peut donc donner la priorité aux soins d’un enfant ou à l’accompagnement d’un parent âgé à un rendez-vous médical avant de chercher de l’aide pour elle-même. Des facteurs comme un faible revenu et le manque d’accès aux garderies peuvent rendre encore plus difficile l’obtention des soins médicaux nécessaires.
Les femmes ont également plus de difficulté à défendre leurs propres intérêts. Les hommes et les femmes ont généralement des styles de communication différents, et les recherches montrent que la voix des hommes est considérée comme plus autoritaire. Lors d’un groupe de discussion, une femme vivant avec une insuffisance cardiaque nous a même dit que son fils l’accompagne toujours à ses rendez-vous, car son médecin est plus attentif lorsqu’il parle.
Les
et les attentes
En ce qui concerne les soins de suivi, les femmes sont moins susceptibles de participer à des programmes de réadaptation cardiaque que les hommes, et il est moins probable qu’elles poursuivent leur participation à ces programmes une fois inscrites. Elles sont donc désavantagées pour optimiser leur rétablissement. Les obstacles les plus courants sont le faible revenu, les responsabilités familiales et la faible probabilité d’une orientation d’un médecin.
Le risque d’AVC et son incidence sur le rétablissement peuvent varier selon les étapes de la vie des femmes. Plus important encore, le rétablissement après un AVC est lié non seulement à la gravité de ce dernier, mais aussi aux facteurs psychologiques et sociaux pertinents liés à l’étape de la vie d’une femme au moment de son AVC. Par exemple, une femme de 80 ans ayant des déficits légers après un AVC peut souvent reprendre la plupart de ses activités habituelles si elle bénéficie d’une aide appropriée. Toutefois, chez une femme de 45 ans, ces répercussions peuvent bouleverser sa vie, notamment sa capacité à retourner au travail et à s’occuper de sa famille.
Même en comparaison avec un homme de 45 ans, les conséquences peuvent être plus importantes chez la femme en raison des rôles associés au genre. « Un homme qui subit un AVC et qui a un conjoint ou une conjointe qui le soutient à la maison aura un meilleur rétablissement fonctionnel et psychosocial. Par contre, les femmes ont souvent des besoins différents en matière de transition », explique la Dre Aleksandra Pikula, neurologue spécialisée en AVC et en santé cérébrale des femmes du Réseau universitaire de santé. « Malheureusement, les dynamiques psychosociales dans la vie d’une femme peuvent changer radicalement après un AVC, et il n’est pas rare que cela entraîne une perte d’intégrité professionnelle et personnelle. Pour certaines, il peut en résulter des événements malheureux comme l’impossibilité de retourner au travail ou même le divorce. »
La Dre Pikula soutient qu’il est essentiel de comprendre ces différences. Il en va de même pour la reconnaissance des répercussions à long terme de l’AVC et de la nécessité d’apporter un soutien continu afin que les femmes non seulement survivent à l’AVC, mais jouissent d’une bonne qualité de vie par la suite. « Il est important d’accepter le fait que l’AVC est un épisode aigu, mais également une maladie chronique. »
Bobbi-Jo Green, qui habite à Edmonton, était une enseignante active et mère de deux jeunes enfants lorsqu’elle a commencé à ressentir des symptômes comme des maux de tête, une pression thoracique et de la fatigue. Un an plus tard, alors qu’elle était en vacances, la femme de 31 ans a ressenti des douleurs thoraciques aiguës. Elle s’est alors rendue à l’hôpital. Les tests n’ont pas été concluants; elle a été renvoyée chez elle avec des relaxants musculaires et la consigne de mieux gérer son stress. La douleur revenait sans cesse et ses autres symptômes se sont aggravés, au point où elle n’était plus en mesure de travailler.
Enfin, en 2020, après 10 ans et des dizaines de rendezvous chez le médecin et de consultations aux urgences, Bobbi-Jo a subi un nouveau test qui a permis d’établir un diagnostic : ischémie avec artères coronaires non obstruées. Elle était à la fois bouleversée et soulagée, mais elle ressentait aussi de la colère. « J’avais l’impression d’avoir perdu ma trentaine à penser que j’étais folle. Pendant des années, j’ai eu des douleurs thoraciques très intenses et je savais que c’était mon cœur, mais on me disait toujours que non », explique Bobbi-Jo. Sa colère n’est plus aussi vive aujourd’hui. « Maintenant, je milite beaucoup pour la défense des intérêts auprès des patients et des médecins. Les médecins ne sont pas
malveillants, ils n’ont tout simplement pas les renseignements ou la formation nécessaires. Étant donné la fréquence de ce genre de situation, ils devraient être au courant, surtout dans les services des urgences. »
Bobbi-Jo Green et sa familleDe nombreux tests visant à diagnostiquer une crise cardiaque ont été créés pour les hommes et testés auprès de ceux-ci. Par exemple, la coronarographie standard ne permet pas toujours de détecter les blocages et les dysfonctionnements des très petites artères, qui sont plus fréquents chez les femmes. Ainsi, les médecins pourraient ne pas détecter une maladie du cœur ou une crise cardiaque imminente.
Même lorsqu’une femme obtient le bon diagnostic, il se peut qu’elle ne reçoive pas le traitement approprié, car la plupart des thérapies ont été mises au point dans le cadre d’essais cliniques majoritairement effectués chez des hommes. Dans certains cas, l’administration d’une dose conventionnelle de médicaments cardiovasculaires est plus susceptible de provoquer des effets indésirables chez les femmes. En outre, les femmes sont plus à risque d’avoir des troubles du rythme cardiaque d’origine médicamenteuse et sont 30 % plus à risque de subir des complications hémorragiques lors de traitements courants comme l’angioplastie.
Pire encore, les dispensateurs de soins de santé ont souvent peu d’expertise en ce qui a trait aux maladies cardiaques qui touchent les femmes de manière disproportionnée, comme la DSAC et l’angine sans maladie coronarienne obstructive. « Nous ne savons tout simplement pas comment traiter les formes de maladies du cœur qui sont plus fréquentes chez les femmes », déclare le Dr Husam Abdel-Qadir, titulaire de la chaire sur la santé cardiaque et cérébrale des femmes du Women’s College Hospital de Toronto.
• En 2019, l’insuffisance cardiaque a tué 20 % plus de femmes que d’hommes au pays. La même année, 32 % plus de femmes que d’hommes au pays ont succombé à un AVC.
• Les femmes âgées sont très nombreuses à être touchées par l’AVC : elles sont les plus susceptibles d’en subir un, elles subissent les AVC les plus graves et leurs séquelles sont les plus importantes. De plus, les AVC peuvent mettre fin à leur autonomie.
• Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à vivre avec des séquelles en raison de leur espérance de vie plus longue.
taux de nombreuses maladies cardiaques et d’AVC augmentent chez les jeunes femmes au pays, et le nombre de femmes vivant avec des facteurs de risque de maladies du cœur et d’AVC, comme l’hypertension
Les femmes sont contraintes de naviguer dans un système de santé conçu pour les hommes
Les
et le diabète, est en hausse.
Notre recherche permettra de déterminer les périodes pendant lesquelles l’œstrogène protège contre les crises cardiaques, tout en testant l’idée nouvelle qu’un traitement à court terme offre une protection. Cette hypothèse est particulièrement importante, car un traitement régulier par l’œstrogène a des effets négatifs et n’est pas possible chez les hommes.
— Glen Pyle, chercheur subventionné par Cœur + AVCPour les femmes, les inégalités évoquées précédemment sont souvent exacerbées par d’autres facteurs sociaux et culturels ainsi que par des dynamiques de pouvoir qui s’entrecroisent. L’origine ethnique peut influer sur les prédispositions génétiques à certaines maladies et à certains facteurs de risque, de même que sur l’accès aux services de santé et aux autres types de soutien. Le statut socioéconomique peut avoir une incidence sur tous les aspects de la vie, notamment l’accès à des aliments nutritifs et la capacité à payer ses médicaments. Les défis comme les barrières linguistiques ou le racisme systémique peuvent aussi compliquer l’accès aux soins.
Les maladies du cœur et l’AVC touchent de façon disproportionnée certaines communautés ethniques du pays. Cœur + AVC a cofinancé une étude sur une cohorte de naissance visant à étudier le rôle de l’origine ethnique et la probabilité de présenter des facteurs de risque cardiovasculaires. Dirigée par la Dre Sonia Anand, la recherche a porté sur 1 000 femmes enceintes d’origine sud-asiatique vivant en Ontario; elle a révélé que le diabète gestationnel est au moins deux fois plus fréquent dans cette population que chez les femmes blanches d’origine européenne. Cette affection augmente le risque de troubles cardiométaboliques futurs pour la mère et son enfant.
Les recherches montrent également que les femmes d’origine sud-asiatique, afrocaribéenne, hispanique et chinoise d’Amérique du Nord présentent des facteurs de risque plus importants de maladies cardiovasculaires. Malgré ces différences considérables, il n’existe actuellement aucune ligne directrice nationale en matière de santé cardiovasculaire propre à l’origine ethnique.
« Si vous ne connaissez pas le système, si vous ne parlez pas ou ne maîtrisez pas l’anglais (ou le français, selon l’endroit où vous habitez), et si vous ne pouvez pas défendre vos intérêts parce que, dans votre culture, ce n’est pas habituel, vos résultats ont tendance à être moins bons », explique la Dre Sherryn Rambihar, cardiologue à Toronto.
Un récent numéro spécial du Canadian Medical Association Journal porte sur la santé des Noirs au Canada et explore le racisme anti-Noir dans les espaces de soins de santé du pays. L’un des articles explore le point de vue des étudiants en médecine et des professeurs noirs et conclut ce qui suit : « Le racisme systémique anti-Noir est profondément ancré dans les systèmes de santé et dans tous les aspects de la formation médicale, depuis les admissions et les évaluations jusqu’à la discrimination quotidienne subie par les étudiants en médecine et les médecins noirs. »
« Les personnes noires peuvent ne pas faire confiance au système. Elles peuvent s’inquiéter de la façon dont elles seront traitées, et de la possibilité qu’elles ne reçoivent pas les soins dont elles ont besoin », affirme la Dre Alexandra Bastiany, cardiologue interventionnelle au Regional Health Sciences Centre de Thunder Bay, qui a été victime de racisme et en a été témoin dans le système de santé. Elle s’engage à le dénoncer et à militer pour que les choses changent. « J’ai vu des patients autochtones vivant dans le Nord qui n’ont pas reçu leurs médicaments parce qu’il n’y avait pas de livraison dans leur communauté. Certains patients ne subissent pas des tests ou des traitements parce qu’ils n’ont pas les moyens d’aller en ville. C’est inacceptable. »
Les populations autochtones du pays sont plus susceptibles que la population générale de développer ou d’avoir une maladie cardiaque, ou encore de subir un AVC ou de vivre avec ses séquelles. Le taux de mortalité lié aux maladies du cœur et à l’AVC est également plus élevé chez certains groupes autochtones, en particulier chez les femmes et les jeunes.
Ce taux s’explique en partie par des facteurs de risque élevés : le risque de diabète au cours de la vie et la prévalence de ce dernier sont plus élevés chez les Autochtones que chez la population générale du pays, surtout chez les femmes. De plus, les femmes autochtones du pays sont plus susceptibles d’être atteintes de diabète pendant la grossesse que les femmes non autochtones. L’accès aux soins est cependant difficile. Certaines communautés ne disposent pas de services des urgences, et les personnes ayant des besoins complexes doivent parfois quitter leur communauté pour obtenir des soins spécialisés. Des lacunes dans les politiques restreignent le nombre d’heures de déplacement de certains professionnels paramédicaux, comme les ergothérapeutes, les physiothérapeutes et les spécialistes de la santé mentale, ce qui limite les services dans les communautés éloignées.
Les Autochtones subissent également beaucoup de discrimination et de mauvais traitements au sein du système de santé. Par conséquent, ils sont beaucoup moins susceptibles de chercher à se faire soigner et ont beaucoup plus de risques de recevoir un diagnostic erroné lorsqu’ils le font. En outre, le traumatisme intergénérationnel causé par le système de pensionnats du Canada continue d’affecter profondément la santé des populations autochtones.
Les désavantages sociaux et économiques sont d’autres facteurs importants qui ont toujours influé sur l’état de santé des personnes, le risque d’infections, les comportements liés à la santé et l’accès aux services de santé. Par exemple, les femmes qui ont un statut socio-économique précaire sont plus à risque de développer des maladies du cœur ou de subir un AVC que celles dont les revenus sont plus élevés. Les faibles revenus affectent également l’accès à l’éducation, à un logement adéquat, à une alimentation saine et aux soins de santé.
Selon la Dre Andrea Lavoie, cardiologue de la Saskatchewan, ce sont des défis courants que beaucoup de ses patientes rencontrent. « Comment les femmes sont-elles censées payer pour un programme de réadaptation cardiaque de 400 $, par exemple? », demande-t-elle. « Elles n’ont même pas les moyens de payer les cinq médicaments que je viens de leur prescrire pour leur crise cardiaque. »
Margaret Hart, chercheuse Ininew au département d’ergothérapie de la faculté Rady des sciences de la santé de l’Université du Manitoba, a une expérience vécue de certains des défis liés aux maladies du cœur que les communautés autochtones des régions nordiques peuvent rencontrer, en plus de posséder des connaissances tirées de son parcours universitaire.
Margaret a grandi dans le nord du Manitoba et y a vécu la majeure partie de sa vie. Elle a récemment déménagé à Winnipeg pour être auprès de sa mère, qui a lutté contre le diabète pendant les dernières années de sa vie. « Ma mère a vécu avec le diabète pendant 20 ans, jusqu’à ce qu’une crise cardiaque lui ôte la vie à 58 ans. Elle est décédée loin de sa famille, à Winnipeg, où elle a été contrainte de vivre en raison du manque de services dans le nord de la province. Dans cette région, les services en matière de santé rénale, cardiaque et cérébrale sont inexistants. Il n’y en a aucun. L’hôpital le plus proche est à sept heures de route. Il s’agit d’un obstacle systémique aux soins. Dans le nord du Manitoba, il est impossible d’entrer dans un poste de soins infirmiers et
de demander un examen du cœur, du cerveau ou des reins. L’infrastructure nécessaire n’est pas là. »
Margaret travaille dans le domaine de l’éducation relative aux Premières Nations depuis 20 ans. Elle milite pour l’intégration de la culture de la santé dans les programmes scolaires du secondaire, car des connaissances de base sur la santé permettront de sensibiliser les gens à la prévention des maladies, au bien-être et à la structure souveraine des soins de santé. Elle élabore actuellement un programme d’enseignement relatif aux Autochtones pour le département d’ergothérapie de l’Université du Manitoba. Lorsqu’elle a examiné le programme d’enseignement universitaire existant, elle a tout de suite constaté des lacunes; on ne prenait pas en compte les façons d’apprendre, d’être et de comprendre propres aux Premières Nations. Deux éléments guident son travail : la pratique axée sur les traumatismes et la souveraineté. « Comment pouvons-nous commencer à changer les soins de santé afin d’améliorer la santé des peuples autochtones? Je pense que ce changement commence par le programme d’enseignement. »
Le stress lié au fait de vivre sous le seuil de pauvreté ou tout près de celui-lui a une incidence énorme sur la santé des femmes. En tant que médecins, nous devons être respectueux et proactifs, leur donner le respect que tous les patients méritent et nous rappeler que souvent, elles ont eu de multiples expériences négatives avec le système de santé.
— Dre Inderveer Mahal
La Dre Inderveer Mahal est elle aussi directement témoin de l’influence des déterminants sociaux de la santé sur les femmes vivant dans la pauvreté dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver. Elle dit que dans ce quartier, les probabilités jouent contre elles. L’augmentation des coûts de la nourriture, du logement et d’autres produits essentiels limite leur accès à des choix sains. Pour les femmes dont le logement est précaire, la priorité est de trouver un endroit où vivre et d’assurer leur sécurité. Beaucoup ne peuvent pas travailler parce que les garderies sont difficiles à trouver et coûteuses. Les traumatismes et la violence exacerbent souvent la situation. Si ces femmes consomment des drogues pour y faire face, elles sont encore plus susceptibles d’être stigmatisées dans le système de santé.
Les données probantes montrent de plus en plus clairement que les personnes de la communauté 2SLGBTQ+, qui sont issues de milieux divers et qui ont des expériences individuelles, font face en tant que groupe à davantage d’inégalités en matière de santé que les personnes cisgenres et hétérosexuelles, probablement en raison d’un mélange de discrimination, de facteurs de risque et d’un manque de connaissances chez les dispensateurs de soins. Selon Andrea Daley, professeure au Renison University College de l’Université de Waterloo, « l’un des principaux obstacles en matière de soins reste la supposition d’hétérosexualité et de binarité des genres (homme ou femme). Il est important de connaître l’identité sexuelle et de genre d’une personne pour savoir quelles questions lui poser afin de mieux comprendre ses expériences et ses besoins en matière de services de santé. »
Selon le sondage Trans PULSE, un bon nombre de personnes transgenres vivant en Ontario ont déclaré éviter les services des urgences ou les consultations avec leur médecin de famille parce qu’elles ont vécu des expériences négatives ou qu’elles ne se sentent pas à l’aise de parler de leurs problèmes de santé avec
des médecins qui reçoivent très peu de formation sur les services aux patients transgenres. Le sondage a révélé que 44 % des personnes interrogées ont rapporté un besoin de soins de santé non satisfait au cours de la dernière année.
Jacqueline Gahagan, qui occupe un poste de vice-présidence de la recherche à l’Université Mount Saint Vincent, explique comment le « stress des minorités » a un effet négatif sur la santé cardiovasculaire des personnes des communautés 2SLGBTQ+. « Ce n’est pas que le cœur a une forme “gaie” et qu’il pompe le sang différemment. Il s’agit de la notion générale selon laquelle les personnes 2SLGBTQ+ vivent de la discrimination et du harcèlement, et reçoivent des menaces de violence de manière beaucoup plus fréquente que les personnes cisgenres et hétérosexuelles. » Jacqueline Gahagan souligne également que le manque de données représente un défi majeur. « Nous ne disposons pas d’une stratégie ou d’une enquête nationale en lien avec la santé des personnes issues des communautés 2SLGBTQ+. Nous avons besoin d’une évaluation plus systématique, de données de référence sur la santé et le bien-être de la population 2SLGBTQ+. Surtout, nous devons être beaucoup plus inclusifs et être attentifs aux besoins des personnes âgées des communautés 2SLGBTQ+, notamment les lesbiennes âgées qui sont souvent oubliées dans les initiatives en santé. »
Les personnes vivant dans les régions nordiques, rurales et éloignées sont plus à risque de développer des maladies du cœur ou de subir un AVC, et elles sont plus susceptibles d’en mourir, en partie à cause de l’accès limité aux ambulances, aux soins d’urgence, aux services de téléphonie cellulaire et aux services de soutien pendant le rétablissement. Dans certaines régions, les patients doivent quitter leur province pour recevoir les soins dont ils ont besoin. La prévention et le dépistage posent aussi problème. Les habitants des zones rurales et éloignées consultent généralement moins souvent leur médecin de famille et passent moins de tests de dépistage du taux de lipides
Une Autochtone de la Saskatchewan (qui a demandé à ne pas être nommée) avec qui nous nous sommes entretenus nous a parlé des difficultés qu’elle a rencontrées lorsqu’elle a reçu un diagnostic d’insuffisance cardiaque. Elle avait du mal à se rendre à ses rendez-vous en ville à partir de sa réserve afin de rencontrer des spécialistes et de subir des analyses sanguines et d’autres tests. Elle ne conduit pas et ne trouvait personne pour l’amener à ses rendez-vous. Même lorsqu’elle a pris connaissance des options qui s’offraient à elle, elle a continué de rencontrer des difficultés en matière de communication, de réservation et de coordination avec les services de transport. Par conséquent, elle a dû annuler certains rendez-vous,
parfois à la dernière minute, et il fallait parfois jusqu’à un mois avant qu’elle en obtienne un nouveau. Maintenant, une personne de son centre de santé vient la chercher et l’amène à ses rendez-vous. Sa fonction cardiaque s’est améliorée grâce à la modification de ses médicaments, à une amélioration de son alimentation et à une meilleure prise en charge de sa pression artérielle. Le fait d’avoir enfin accès à un mode de transport fiable a eu un effet important sur sa santé physique et mentale. « Je me sentais déprimée auparavant. J’avais l’impression que personne ne se souciait de ce qui m’arrivait. Mais maintenant que je dispose d’un moyen de transport, je me sens soutenue et plus en contrôle. »
sanguins et du diabète. Même dans les grandes villes, il peut y avoir des différences importantes entre les quartiers en matière d’espérance de vie et d’accès aux soins.
Il n’est pas facile d’obtenir des soins pour les personnes qui vivent dans une communauté rurale ou éloignée. « Le nombre de médecins dans les régions rurales a considérablement diminué. De nombreux services des urgences ont fermé leurs portes », affirme la Dre Andrea Lavoie, cardiologue de la Saskatchewan. « Maintenant, il faut souvent de 45 minutes à 2 heures pour se rendre dans un service des urgences. » C’est sans compter qu’il manque de tout : des laboratoires, de l’équipement d’échocardiographie et des services comme l’épreuve d’effort et la méthode de Holter. La pandémie de COVID-19 a en outre aggravé ces problèmes.
Les défis sont encore plus grands dans les communautés autochtones, où la discrimination systémique et les séquelles laissées par les pensionnats ont entraîné une profonde méfiance
envers les institutions. « C’est un énorme obstacle aux soins », indique la Dre Lavoie. C’est pourquoi elle contribue à la formation de personnes de la communauté afin qu’elles puissent prodiguer des soins. Elle fournit également des appareils d’échocardiographie portables pour que les gens puissent faire l’objet de tests de dépistage au sein même de la communauté.
La liste des facteurs sociaux est longue. Les femmes handicapées présentent un risque plus élevé d’épisodes cardiaques indésirables. Les patients âgés sont souvent exclus des essais cliniques. Les personnes ayant un indice de masse corporelle élevé sont nettement plus susceptibles de déclarer vivre de la discrimination en matière de soins de santé.
Naomi Lee est l’exemple parfait de tout ce qui peut mal aller avec le cœur d’une femme, mais aussi de tout ce qui peut bien se passer. En juin 2020, la jeune femme de 19 ans de Coquitlam, en Colombie-Britannique, était en pleine forme lorsqu’elle et d’autres membres de sa famille ont contracté une grippe non liée à la COVID-19. Ils s’en sont tous remis, sauf Naomi.
En fait, son état s’est détérioré. En plus de la fièvre et de la toux, Naomi a commencé à avoir des douleurs thoraciques. Pensant qu’elle pouvait faire une réaction aux antibiotiques qui lui avaient été prescrits, elle s’est rendue à l’hôpital avec sa mère. À sa grande surprise, on lui a diagnostiqué une myocardite virale, une inflammation du muscle cardiaque causée par une infection. Naomi a été admise à l’hôpital. Le lendemain, elle a fait un arrêt cardiaque.
Peu de temps après, on lui a diagnostiqué une insuffisance cardiaque. Une nouvelle qu’elle a eu de la difficulté à accepter : « J’étais dans le déni total. Mon cerveau n’arrivait pas à comprendre; comment était-ce possible? » Après un deuxième arrêt cardiaque, on lui a implanté un dispositif d’assistance ventriculaire gauche, un appareil qui fait le travail du cœur en faisant circuler le sang dans le corps. Après plusieurs mois, un échocardiogramme a montré que le cœur de Naomi n’avait pas guéri malgré le repos. « Il avait tellement été endommagé par le virus que ce n’était même plus un muscle, mais du tissu cicatriciel », explique Naomi. « J’ai appris que j’avais besoin d’une transplantation cardiaque. J’étais anéantie. »
Trois mois après avoir été inscrite sur la liste d’attente de transplantation et un peu plus d’un an après le diagnostic initial d’insuffisance cardiaque, l’opération de transplantation cardiaque s’est déroulée sans complications et Naomi s’est remarquablement bien rétablie. « C’était un nouveau départ, un nouveau chapitre pour moi, mais j’étais triste pour les proches de mon donneur, car c’était une tragédie pour eux. »
Un peu plus d’un an plus tard, Naomi se porte très bien. Elle se ménage, mais elle travaille à temps partiel et est retournée à l’école, où elle s’affaire à effectuer les cours préalables pour être admise en sciences infirmières. Ce sont ses expériences en tant que patiente qui l’ont motivée à faire ce choix. « Lorsque j’étais à l’hôpital, avoir des infirmières et des médecins gentils et empathiques a transformé mon expérience. Cela a eu une grande incidence pendant une période vraiment difficile. »
Naomi Lee (à droite) et ses sœursLa vision de Cœur + AVC est de vivre dans un monde où toutes les femmes reçoivent les soins dont elles ont besoin en matière de santé cardiaque et cérébrale.
La réalisation de cette vision nécessitera un effort de collaboration considérable. Il faudra changer les politiques, les systèmes, les attitudes et les comportements, et ces modifications ne se feront pas du jour au lendemain. Nous sommes malgré tout déterminés à mobiliser des partenaires de tous les secteurs de la société pour éliminer tous ensemble les obstacles qui créent les inégalités.
Pour changer les choses de manière concrète et durable, nous avons établi trois piliers stratégiques pour nous attaquer collectivement aux obstacles fondamentaux et systémiques qui sous-tendent le problème. Un concept transversal relatif à l’équité sera intégré à chaque pilier. En collaborant avec des partenaires de tous les secteurs, nous favoriserons le changement dans chaque domaine.
Nous élargirons les recherches menées sur la santé cardiaque et cérébrale des femmes. Nous entendons renforcer les capacités en investissant dans une communauté de brillants chercheurs ainsi qu’en favorisant l’acquisition de nouvelles connaissances et l’innovation dans le domaine de la santé cardiaque et cérébrale des femmes. Nous voulons accélérer l’application de ces connaissances dans les pratiques cliniques, les politiques, les systèmes de santé et les résultats de santé pour les femmes du pays. Pour ce faire, il faut favoriser le changement des politiques et des pratiques de financement de la recherche sur la santé cardiovasculaire en ce qui a trait au sexe et au genre ainsi qu’à l’équité, à la diversité et à l’inclusion.
Nous continuerons d’informer les femmes sur les signes, les symptômes et les risques qui leur sont propres. Nous les aiderons à défendre leurs intérêts et à obtenir les soins et le soutien dont elles ont besoin pour optimiser leur potentiel de santé. De plus, nous inciterons toute la population du pays à favoriser la sensibilisation et la prise de mesures en ce qui a trait aux inégalités en matière de santé cardiaque et cérébrale auxquelles font face les femmes. .
Nous favoriserons les efforts visant à transformer la façon dont les soins cardiaques et cérébraux sont prodigués aux femmes. Nous collaborerons avec des associations professionnelles et des intervenants du secteur de la santé afin de fournir aux professionnels de la santé des données probantes et de nouvelles lignes directrices pour la prévention, le diagnostic, le traitement et la prise en charge continue des maladies cardiaques et cérébrales qui touchent les femmes à toutes les étapes de la vie et dans le continuum de soins. Nous travaillerons avec des dirigeants des systèmes de santé dans tout le pays pour accélérer l’adoption de nouveaux modèles et de nouvelles normes de soins pour les femmes. Nous ferons des femmes des partenaires actives dans leur parcours de soins de santé et tiendrons compte de leurs expériences et de leur situation.
Nous intégrerons les concepts d’équité en matière de santé, de santé des peuples autochtones et de réconciliation dans chacun des trois piliers afin d’éliminer les obstacles systémiques auxquels font face les groupes racisés et marginalisés, et de veiller à ce que toutes les femmes du pays reçoivent les soins et le soutien dont elles ont besoin pour une santé cardiaque et cérébrale optimale.
Cœur + AVC est très reconnaissante envers toutes les personnes qui ont contribué à l’élaboration de ce rapport, notamment les femmes ayant une expérience vécue, les professionnels de la santé et les membres de notre groupe consultatif :
Dr Husam Abdel-Qadir, cardiologue, Women’s College Hospital
Gillian Einstein, professeure de psychologie, Université de Toronto
Karin Humphries, directrice scientifique, BC Centre for Improved Cardiovascular Health
Dre Louise Pilote, directrice adjointe, Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill
Photos sur la page couverture de femmes vivant avec une maladie du cœur ou les séquelles d’un AVC (de gauche à droite) :
Megan Snook, AVC
Garima Dwivedi, AVC
Michelle Logeot, maladie du cœur
Christina Stuwe, maladie du cœur
Combattons les maladies du cœur. Combattons l’AVC.
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