musclait le cerveau ?

UN ESPRIT SAIN DANS UN CORPS SAIN. EXISTE-TIL UN LIEN DIRECT ENTRE SPORT ET MÉMOIRE ?

PRATIQUER L’EXERCICE PHYSIQUE AUGMENTERAIT LES CAPACITÉS MÉMORIELLES ET REPOUSSERAIT L’APPARITION DE MALADIES NEURODÉGÉNÉRATIVES.

Dans le film Premier contact, récompensé aux Oscars, Amy Adams dans le rôle de Louise annonce la couleur dès sa première réplique : « La mémoire est une chose étrange, elle ne fonctionne pas comme je l’imaginais, nous sommes tellement esclaves du temps ». J’approuve la première partie, elle est bien plus complexe et bien plus belle. Cependant, pour la suite, je dois l’interrompre ! D’après les recherches actuelles, il existerait un moyen facile d’accès pour entretenir sa mémoire et l’affranchir du poids du temps : l’exercice physique.

Qu’est-ce que la mémoire ?

Ce concept si familier et pourtant si vague a donné du fil à retordre à des générations de chercheurs. Il existe plusieurs types de mémoire.

Les deux principaux sont la mémoire à court terme (pour retenir un numéro de téléphone) et la mémoire à long terme. On subdivise cette dernière selon si l’information est consciente (le nom d’un peintre) ou inconsciente (savoir faire du vélo). Le but de l’apprentissage est finalement de faire passer les informations de la mémoire à court terme vers la mémoire à long terme, c’est la consolidation.

Le stockage mémoriel dans le cerveau est diffus. La mémoire n’est pas une bibliothèque bien rangée, mais plutôt un réseau où chaque partenaire détiendrait une partie du souvenir et c’est par assemblage que tout prendrait sens.

La mémoire la plus efficace est liée à l’olfaction. Il suffit d’une odeur pour ramener toute la vivacité d’un souvenir enfoui, en pleine lumière. Au niveau anatomique, l’olfaction, contrairement aux autres sens, emprunte une route privilégiée vers des structures impliquées dans l’émotion (l’amygdale) et la mémoire (l’hippocampe) sans passer par le centre de tri (le thalamus). Ainsi, un lien très direct (Saive et al., 2014) entre odeur, émotion et mémoire existe, d’où la puissance de la Madeleine de Proust.

Sport, apprentissage et mémoire

Il faut distinguer les apprentissages en cours et les archives déjà stockées en mémoire. Le sport améliore les deux. La phase de consolidation lors de l’apprentissage nécessite des changements anatomiques, c’est la plasticité cérébrale Elle est essentielle pour mettre à jour les connections entre neurones. La pratique régulière d’un sport promeut cette plasticité, donc la capacité à apprendre de nouvelles choses

(Cotman et al., 2002).

On sait que les neurones perdus ne sont pas renouvelés dans le cerveau, sauf dans les zones dédiées à la mémoire (hippocampe). Faire courir des souris âgées a permis de créer de nouveaux neurones -neurogénèse- dans cette zone, suggérant l’amélioration des altérations dues au vieillissement (Van Praag et al., 2005).

Le sport a aussi un effet bénéfique immédiat sur la cognition. L’apprentissage de vocabulaire est 20 % plus rapide, après une séance d’exercice physique intense. Cette pratique augmente la production de facteurs neurotrophiques, les nutriments essentiels au bon fonctionnement des neurones, et ceux-ci sont liés à l’apprentissage à court terme. Cette pratique intense augmente aussi les taux de neurotransmetteurs (cathécolamines), responsables de la mémorisation à long terme (Winter et al., 2007).

LE PARADOXE DE L’OUBLI

« Oublier est indispensable pour apprendre ». Cette affirmation peut paraitre contre-intuitive, pourtant, l’oubli est une fonction essentielle. Ce phénomène n’est pas passif mais actif. Tout d’abord, il permet de trier l’information pertinente et de renforcer les réseaux cérébraux sollicités, par contraste, notamment durant le sommeil (Mansuy et al, 2005). Ensuite, il permet de libérer de l’espace dans la mémoire de travail (mémoire à court terme qui sert à retenir une information pendant quelques secondes, comme une adresse ou un numéro de téléphone). En effet, cette mémoire de travail est limitée et ne peut retenir 7+/- 2 informations en même temps, c’est l’empan mnésique (Fenouillet, 2001).

Santé et bien-être

Les différents types de mémoire (non-exhaustif)

COMME UN ARTISTE LAISSE SON ŒUVRE À LA POSTÉRITÉ, LA MÉMOIRE GARDE

PLUS DE NEURONES = PLUS DE MÉMOIRE ?

Dans le cerveau, ce n’est pas la quantité de neurones qui compte, mais la qualité des connections. En effet, les cerveaux des nouveau-nés ont davantage de neurones que celui des adultes. Une première étape de la maturation du cerveau est le raffinement des réseaux, c’est-à-dire l’élimination des neurones inutiles et la connexion synaptique des réseaux les plus sollicités. Les différents systèmes arrivent à maturité à des moments différents, les voies sensorielles -telles que l’ouïe et la vue - sont établies au cours des 12 premiers mois de la vie, alors que le développement du langage se poursuit tout au long de l’enfance et que le développement des fonctions cognitives supérieures se poursuit à l’adolescence (Shonkoff & Phillips, 2000).

Sport et maladies neurodégénératives

Les maladies neurodégénératives ont une origine commune, il s’agit d’une inflammation des cellules microgliales qui protègent les neurones des déchets. Elles avalent les déchets et les détruisent, comme des cellules immunitaires. Avec l’âge, beaucoup de déchets s’accumulent chaque jour dans le cerveau et les cellules microgliales sont débordées. Elles passent alors en alerte : c’est l’inflammation. Si elle dure trop longtemps, la microglie se retourne contre ses petits protégés, les neurones, qui sont source des déchets, et les détruit. Une perte importante de neurones dans l’hippocampe amène à la maladie d’Alzheimer (Walker et Lue, 2017). L’exercice physique régulier et fréquent repousserait l’apparition d’Alzheimer en réduisant cette inflammation et en améliorant la neurogénèse (Valenzuela et al., 2020). Le concept de la mémoire est fascinant voire paradoxal. Comme un artiste qui laisse son œuvre à la postérité, la mémoire garde l’empreinte d’un instant défini dans une capsule temporelle à disposition. Comment des mécanismes inertes peuvent-ils préserver ces capsules temporelles si vivantes ? La réponse se situe certainement à la confluence des différents modes de communication du cerveau (chimique, cellulaire et physique), et le sport permettrait de les préserver plus longtemps.

Camille Blondet En doctorat de Neuroscience

Cognitive

Ainsi, Les premières années de la vie représentent l’occasion unique d’enrichir l’environnement des enfants et de promouvoir un développement sain de manière proactive.

Le cerveau humain n’est pas le plus impressionnant, ni en termes de poids (1,5 kg), ni en termes de ratio (2 % du poids de corps). En effet, le cachalot détient le record du règne animal avec son cerveau de 8 kg (Whitehead, 2018) et une espèce particulière de fourmis possède un cerveau qui représente 12 % du poids de son corps (Seigh et al., 2009). Il semblerait que le critère le plus déterminant pour prédire les performances intellectuelles d’une espèce soit le surdéveloppement de certaines zones cérébrales. En effet, si l’on créait un rat de la taille d’un humain, le rongeur ne serait pas aussi « intelligent » que l’Homme, en raison notamment d’un cortex cérébral plus petit (Herculano-Houzel, 2009). Cette zone étant associée aux fonctions intellectuelles les plus complexes, il aurait de moins bonnes performances que l’humain.

Livres

Science de la mémoire – oublier et se souvenir, Daniel Schalter, directeur du département de psychologie de l’Université Harvard.

Edition Odile Jacob

A la recherche de la mémoire – une nouvelle théorie de l’esprit, Autobiographie de Kandel, lauréat du prix Nobel de médecine en 2000 pour ses travaux de recherche sur la mémoire. Edition Odile Jacob © Jay Leek, UC Davis

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