8 minute read

COMMENT LA REUNION SE PR E PARE-T’ELLE ?

La semaine européenne de développement durable (SEDD) organisée par l’Europe, aura lieu du 18 septembre au 8 octobre. L’occasion pour nos gouvernants de mobiliser tous les acteurs ( collectivités, entreprises, associations, citoyens) autour de 17 objectifs assez variés, qui vont de l’éradication de la pauvreté à la protection de la faune et de la flore. Mais les conséquences du changement climatique pèsent lourdement sur la vie des populations. Face à cette inéluctable échéance quelles sont les mesures qui sont prises à La Réunion ?

Les cyclones vont être plus intenses. Et provoquer des inondations, comme c’est le cas régulièrement à la Saline les Bains malgré des travaux de d’endiguement des ravines.

Advertisement

Le monde fait face à des vagues de chaleur et de sécheresse sans précédent. Entrecoupées d’épisodes pluvieux extrêmes où les inondations balayent tout sur des sols desséchés. La Réunion semble être un peu à l’écart de ces phénomènes. Mais notre île vient de vivre son mois d’août le plus chaud de son histoire. Comme le reste de la planète.

“ Les vagues de chaleur détériorent la qualité de l'air, avec des répercussions sur la santé humaine, les écosystèmes, l'agriculture et même notre vie quotidienne ”, a souligné le Secrétaire général de l'Organisation météorologique mondiale, à l'occasion de la publication du Bulletin sur la qualité de l'air et du climat.

Le service européen Copernicus a annoncé que le monde vient de connaître ses trois mois les plus chauds jamais enregistrés. Les vagues de chaleur augmenteront le risque et la gravité des incendies de forêt, souligne l'OMM, comme c’est le cas au Canada, ou dans certains pays d’Europe. “ Les vagues de chaleur et les incendies de forêt sont étroitement liés. La fumée des incendies de forêt contient une potion diabolique d'éléments chimiques qui affecte non seulement la qualité de l'air et la santé, mais endommage également les plantes, les écosystèmes et les cultures – et entraîne davantage d'émissions de carbone et donc plus de gaz à effet de serre dans l'atmosphère ”, a déclaré le Dr Lorenzo Labrador, responsable du réseau de veille de l'atmosphère et auteur du Bulletin.

Les épisodes de chaleur vont être plus nombreux

Concernant 2022, l'Organisation rappelle que la longue vague de chaleur qui a frappé l'Europe a entraîné une augmentation des concentrations de particules et d’ozone troposphérique juste au-dessus de la surface de la terre. La concentration d'ozone réduit aussi la quantité et la qualité du rendement des cultures vivrières de base. “ À l’échelle mondiale, les pertes de récoltes dues à l’ozone sont en moyenne de 4,4 à 12,4% pour les cultures vivrières de base, les pertes de blé et de soja pouvant atteindre 15 à 30% dans les principales zones agricoles de l’Inde et de la Chine ” selon le Bulletin. Ce qui peut expliquer une partie du surcoût des matières premières et des produits alimentaires. Notre île, du fait de son insularité, est à l’abri des dômes de chaleur qui touchent l’Europe car les blocages anticycloniques qui les provoquent ont peu de chance de se produire. Mais l’été qui arrive s’annonce plus chaud que ces dernières années. “ Avec le changement climatique et l’épisode El Niño en cours on s’attend à une hausse des températures cet été, alors que le trimestre avril-maijuin a déjà battu un record sur les températures moyennes, explique Marie Dominique Leroux, adjointe de la Division Etudes et Climatologie de Météo France Réunion. ” Si le record de température a été atteint à la Pointe de Trois Bassins avec 37°C, le risque de voir ce record monter à 40° existe à l’horizon 2100 avec une hausse des températures de +4°. Il faudra s’y faire. Les journées avec une température de 31°C vont être plus nombreuses. De 1981 à 2010 on enregistrait en moyenne 16 journées à plus de 31°C. Dans le scénario le plus optimiste, ce chiffre devrait être de 70 jours par an. Dans le pire des cas, 189 journées par an, soit plus de la moitié de l’année. Le renforcement des alizés et l’augmentation des températures viendront en outre aggraver l’assèchement des sols et le stress hydrique des plantes.

Le déficit en eau va s’accentuer

Un océan plus chaud, cela veut également dire un risque cyclonique accru. Il y a actuellement une dizaine de phénomènes d’intensité variable qui passent à proximité de notre île. Et un océan plus chaud provoque des cyclones plus intenses qui vont migrer vers le sud et donc se rapprocher des Mascareignes.

Mais ils seront aussi plus rares, ce qui risque de provoquer des épisodes de sécheresse plus longs, un décalage de la saison des pluies à janvier et d’accentuer le déficit en eau des régions ouest et sud même si… “ Nous sortons de trois années de La Niña, qui correspondent à des températures plus basses des eaux de surface de l’océan pacifique. L’alternance avec le phénomène El Niño qui est en cours et voit l’eau se réchauffer, influence le climat de la planète entière. Nous sortons d’une période plutôt sèche et défavorable dans notre bassin, à une période qui devrait être plus humide et favorable sur le plan des précipitations, explique François Bonnardot, responsable d’Etudes et Climatologie à météo France Océan Indien (Quotidien du 13 juillet). ” Mais sur le long terme, le déficit en eau va s’accentuer dans les années à venir avec10 % pour le scénario le plus optimiste contre 35% dans le pire des cas. Dans le Sud-Ouest, le volume des pluies a significativement baissé (-36% depuis 1981) et cette baisse se produit particulièrement en saison des pluies (hiver).

L’une des solutions pour préserver cette ressource est d’abord de limiter les pertes, estimées à 40% sur le réseau de l’eau potable de l’île. L’autre, est de réutiliser les eaux usées, dites “ grises ” (douche, éviers ou encore machines à laver ) pour certaines tâches domestiques comme les toilettes ou pour arroser son jardin après des traitements parfaitement au point pour se débarrasser des bactéries et des micro-organismes. La France est dans ce domaine en retard par rapport à ses voisins. Si 1% des eaux usées sont utilisées chez nous, il est de 10% en Italie et de 20 % en Espagne. A ces phénomènes climatiques va s’ajouter une donnée qui bouleverse déjà la vie de populations qui vivent dans des archipels. Celle de la montée du niveau des océans. Et qui impactera à court et moyen terme nos rivales. Selon le dernier rapport du GIEC, le niveau des mers a augmenté de 14 cm depuis 1993 et sera de 30 cm à 1,50 m à l’horizon 2100 selon les mesures qui seront prises. Un phénomène que l’on peut déjà constater lors des épisodes de forte houle ou de grande marée, sur les habitations régulièrement inondées en baie de Saint-Paul, sur le front de mer de Saint-Louis dans le quartier de l’Etang, ou sur la plage de l’Hermitage.

Des mesures déjà concrètes

A La Réunion, la température a augmenté de 0,9 °C depuis 1970. L’évolution du climat sur l’île dépend des niveaux d’émission de gaz à effet de serre. Sur l’île, la grande majorité de ces émissions provient de la consommation d’énergies fossiles (+ 60 % entre 2000 et 2019) pour se déplacer ou pour produire de l’électricité. Il fait bon vivre sur notre île et l’augmentation régulière de la population (860 000 en 2020, en augmentation de 0,4% par an) génère de nouveaux besoins en logements, infrastructures, énergie.

Notre production électrique provient pour 71,8% des énergies primaires fossiles (pétrole et charbon, incluant également les huiles usagées indifférenciables du charbon) et pour 28,2% des énergies renouvelables. Dans ce domaine, une profonde mutation a lieu actuellement avec une décarbonation de la production qui devrait être à 100% issue d’énergies renouvelables d’ici 2030. Leader de la production électrique à La Réunion avec 40 % du marché, le groupe Albioma va remplacer le charbon utilisé sur ses centrales du Gol et de Bois Rouge par des pellets, résidus forestiers importés du Canada. Et travaille avec le monde agricole et des transports pour récupérer les résidus végétaux et les palettes qui peuvent être transformés en biomasse. Et la centrale EDF PEI du Port sera convertie d’ici fin 2023 à la biomasse liquide. Mais conséquence du réchauffement climatique, l’énergie produite à partir des centrales hydrauliques souffre de la baisse de la pluviométrie (- 34% en 2020). Les investissements qui ont eu lieu dans l’éolien à Sainte-Rose, sur des fermes photovoltaïques ( plus de 200 sur l’île), les travaux de recherche en géothermie sur Salazie et Cilaos devraient augmenter le pourcentage d’énergies renouvelables dans notre mix énergétique, qui était de 31 % en 2019. On peut aussi rajouter au niveau du photovoltaïque les incitations financières de la Région pour équiper aussi bien les entreprises que les particuliers en photovoltaïque et disponibles sur le guichet La Réunion EcoPositive. Elles permettent de réduire sa facture d’électricité et son empreinte carbone.

Des systèmes qui ont notamment permis aux populations du cirque de Mafate d’être autonomes en énergie via des panneaux photovoltaïques couplés à des batteries. Le chèque photovoltaïque permet aux particuliers propriétaires de leur habitation ou aux exploitants agricoles ou artisans d’obtenir une subvention de 2 000 euros à 6 000 euros pour des installations avec stockage.

Des modes de transports collectifs plus doux

Les embouteillages sont un véritable fléau sur les routes. Avec une moyenne de 30 000 véhicules neufs vendus chaque année, ce sont 150 km de bouchons de plus par an qui s’additionnent sur notre réseau routier. Alors que l’ile Maurice ne cesse d’augmenter son réseau du Metro Express et qu’il vient de mettre en service son premier bus 100% électrique, on est encore à se poser des questions sur le futur de notre mobilité avec des états généraux qui ont eu lieu au mois de juin de cette année. 66% des déplacements domicile – travail ont lieu en voiture contre 7 % pour les transports en commun ( statistiques INSEE de 2017 ). Ces déplacements contribuent pour 29% aux émissions de gaz à effet de serre par habitant et sont en hausse constante. Si l’arrivée de véhicules électriques ne devrait pas changer la donne à court terme, avec seulement 10% du marché (environ 2 800 véhicules), se posera inévitablement la question des recharges et du traitement des batteries pour lesquelles il n’existe actuellement aucune solution, y compris celle de les renvoyer en métropole. L’une des pistes est le développement des transports collectifs et alternatifs. Mais un rapport de la cour des comptes sur le Syndicat mixte des Transports de La Réunion (SMTR), publié en 2021, souligne “ le manque de coordination entre les réseaux de transports en commun, la multitude d’acteurs, la multitude de périmètres de transport, les différents délégataires avec des montages contractuels complexes, la multitude de tarifications ” du système actuel. Pas simple pour des usagers interrogés lors de ces états généraux, d’arriver à jongler entre les différents réseaux ( Car Jaune, Citalis, Alterneo, Estival…).

Le succès du téléphérique Papang, piloté par la Cinor, qui désenclave les hauts du Moufia et de Bois-deNèfles ( plus de 6 000 passagers/jour) vers le Chaudron a de quoi séduire d’autres communes. L’autre projet entre la Montagne est Saint-Denis est actuellement en stand-by, la Mairie de Saint-Denis n’étant pas d’accord sur son ancrage. Mais d’autres communes comme Saint-Paul envisagent cette solution pour désenclaver les zones de

Bois-de-Nèfles à Plateau-Cailloux. La panacée pour l’ensemble des acteurs de cette mobilité reste le développement d’un Tram. Torpillé par Didier Robert à son arrivée à la Région en 2010, le Tram train entre Saint-Denis et la Possession a été remplacé par une trois quart de NRL qui fait une fois de plus part belle au tout automobile. Des projets ont vu le jour comme le TAEO d’un coût de 500 millions d’euros, initié par la Cinor entre l’aéroport et le centre-ville de Saint-Denis, qui a été abandonné.

Mais la volonté politique est celle d’un réseau ferroviaire comme l’a demandé Huguette Bello, la présidente de Région, sollicitant l’aide du gouvernement qui a débloqué une enveloppe de 100 milliards d’euros pour les trains dans toute la France. Une ligne entre SaintBenoît et Saint-Pierre en passant par Saint-Denis ? Comme le ti-train d’autre fois ? On peut rêver…

Thierry

À l’Office National des Forêts

This article is from: