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This work highlights various situations and behaviors in relation to our memories, our archival media and the party. As a party photographer, I already had several questions lurking in the back of my mind. Why do we take photos at concerts? Why do we have so many photos in our phones? What use will all this be in our own future? Do we remember moments better if we capture them in pictures?
I focused on a single festival where I was a festival-goer and photographer, Dour 2023.
To try and answer my questions, I collected a lot of material, got in touch with people who were there, read books and articles that could help me make a kind of analysis.
I wanted to bring this theme to life in the form of a performative reading, so as to have a direct link with the audience, or at least so that the audience could immerse itself in the conversation.
The installation consisted of two monitors and a person in the middle (me). On the monitors was a stream of collected images, and therefore also memories and reactions to more specific images. I wanted to be able to discuss my own memories and those of others.
What you read and see or have already seen, resembles me. It’s me in the midst of questions and discussions.
En 2023, J’ai été mandatée comme photographe au festival de Dour, en Belgique. A la fin du festival je devais leur envoyer une centaine de photos prises durant les 5 jours de festival. Je n’étais pas payée mais j’ai eu l’entrée gratuite au festival en échange de mes images.
Dour c’est à peu près 250’000 festivalier·es par année, 5 sortes de campings différents, 6 grandes scènes, plus de 280 artistes sur 15 hectares. Beaucoup de monde, de bruit, pas beaucoup de sommeil...
Sur les plus de 500 images que j’ai prises avec mon appareil argentique ou ma caméra digitale, voici les deux seules photos que j’ai prises de moi. Avec mon téléphone portable.
Nina : Ce qui m’a marqué c’est l’ambiance générale
Siri : Je trouve qu’il y a vraiment une bonne ambiance
Nina : J’ai l’impression d’être dans un autre monde
Lili 2x: Doouuureeuuuuh
Axel1: C’est un peu un film quoi
Philippe: Un super bon groupe de potes!
Dayle: Qu’est-ce qui m’a marqué? Le monde
Philippe: Le stress
Nina: J’ai jamais rencontré quelqu’un qui était complètement sobre.
Lili : Bon déjà la giga ambiance
Axel1: Le bordel
Axel1: C’est vraiment un truc de fou quoi
Lili 2x: Doouuureeuuuuh
Dayle: Dour c’est l’amour
Lili: Plaisir
Axel1 : C’est une galère hein
Dayle: Trop bourrés, trop défoncés à je ne sais pas quoi
J’allumela lumièreaprèsdes extraitsd’images.
Intro->enchaînementdevidéos desinterviews
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2photosde Lovesurchaque beamer.
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Le fait de devoir prendre les gens qui s’amusent en photo, et de prendre des photos en m’amusant moi-même, m’a fait me demander quel rapport les images entretiennent avec nos souvenirs festifs. J’ai eu envie de savoir ce que les gens qui ont participé à ce festival en retiennent.
Comment se rappellent-iels des moments vécus? Et quel rôle les images prises quotidiennement jouent-elles dans ces souvenirs.
J’ai décidé de poser la question à 7 personnes de mon entourage plus ou moins proche. Des ami·x·es ou des ami·x·es d’ami·x·es qui étaient au festival, ensemble ou dans des groupes différents. Je les ai interviewé individuellement.
J’ai commencé par leur demander ce qu’iels ont retenu du festival. Une question générale comme: «Qu’est-ce qui t’as marqué à Dour 2023?»
Lili: En vrai c’est dur étant donné qu’on passe notre, week-end/ semaine à Boire.
Axel1: euh Comment dire euh
Nina: Aucun souvenir
Leurs souvenirs étaient difficiles à retrouver, sinon très généraux comme «giga ambiance» ou «le bordel». En répondant à la question, iels ont aussi mentionné des émotions comme le «plaisir», le «stress», «l’amour», «truc de fou». Dayle a dit «Dour c’est l’amour» et c’est en fait le slogan du festival. C’est assez drôle qu’elle le dise comme si c’était son souvenir à elle.
J’ai également montré 9 images pour voir si les photos pouvaient alimenter leurs souvenirs. Je les ai choisies parmi une masse d’images que j’ai d’abord commencé par récolter. Mes images, celles d’autres photographes officiels du festival, d’ami·x·es ou d’anonymes, sur les réseaux sociaux comme Instagram, Flickr ou YouTube. En les regroupant, j’ai pu remarquer plusieurs types d’images fréquents que j’ai utilisé dans ma sélection: les selfies ou photos de groupe, les images d’ambiance générale du festival et les images que je dirais plus loufoques, avec des styles vestimentaires, des maquillages extravagants, des gens qui dorment n’importe où… des choses qui sortent de l’ordinaire.
Philippe: Hmmmm
Lili: C’est horrible comment mes souvenirs ils sont flous genre
Pour vous parler d’un exemple parmi d’autres, je leur ai montré une image des toilettes du festival (des toitoi oranges)… On voit un gars à l’intérieur de la cabine, la porte ouverte, qui sourit à la caméra et fait un thumbs-up (mime).
En voyant cette image, deux personnes ont eu le même souvenir. Lili et Dayle.
Dayle: J’ai un souvenir dans ces toitois avec un smiley de merde sur le miroir.
Personnellement, j’ai aussi un souvenir de ce smiley. Mais je ne sais pas si j’ai mélangé mes souvenirs avec ceux des autres ou bien si je l’ai réellement vu… Et Lili et Dayle, est-ce qu’iels l’ont vraiment vécu? Il doit y avoir des milliers de toilettes sur le site du festival, ça me paraît étrange qu’on aie toutes vu ce smiley sans être ensemble à ce moment-là… Est-ce que l’image que nous avons en tête est un vrai souvenir? Est-ce que nous l’avons imaginée en fonction des récits entendus? Ou bien est-ce que c’est parce qu’une photo avait été faite de ce smiley que tout le monde a l’impression de l’avoir vécu?
D’ailleurs, est-ce que c’était vraiment ce qu’on pense que c’était, ou bien est-ce que c’était peut-être… du chocolat?
«Mêmelessouvenirslesplusanodinssontfacilementcorrompusparde simplessuggestions.[…]Chaquefoisquenousévoquonsunsouvenir,nous pouvonsaccidentellementlemodifierouendiminuerlaprécision»1
Lili: Y avait un boug, je sais pas si tu l’avais vu. Mais je pense il faut être hyper défoncé pour faire ça. Mais qui avait fait un smiley avec sa merde sur un miroir d’un toitoi.
Phototoilettes
Phototoilettes
Les images peuvent d’ailleurs devenir support de différents discours, elles peuvent être réinterprétées à l’infini. À mes potes, j’ai montré une photo avec un chapiteau et un arc-en-ciel. Iels m’ont raconté des souvenir complètement différents. restart
Dayle: sous un chapiteau similaire j’ai vu un gars HS qui était en train de faire une overdose
Lili: Je me souviens quand y a eu cet arc-en-ciel. On a fait pendant genre 20 minutes avec mathias, genre des photos Tumblr. Pour essayer de trouver un truc à faire sur insta.
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Photoarcenciel
Cette photo n’était pas de moi et elle me rappelle celle que j’ai prise du même arc-en-ciel Sur ma photo, il y a Lia et Val, qui sont frères et soeurs. En février dernier, ma photo a été utilisée par Dour sur leurs réseaux sociaux. Le festival a créé un discours complètement différent avec mon image, qui est devenue une image de célébration pour la Saint-Valentin.
Une autre photo que je leur ai montré représentait les éoliennes qu’on trouve partout à Dour
Là, par exemple, j’étais sûre que plus d’une personne m’avait raconté cette histoire en interview, mais mes souvenirs se mélangent. Après toutes ces interviews, je ne sais plus exactement qui a dit quoi, ni même si ça a vraiment eu lieu.
Il me semblait que j’en avais parlé avec Siri mais aucune trace dans sa vidéo. Je lui ai envoyé un message pour savoir si c’était un faux souvenir. Elle m’a répondu qu’on en avait bien parlé. Ça ne devait juste pas être durant l’interview filmée…
Le fait de ne pas pouvoir valider mon souvenir avec la vidéo m’avait complètement fait douter de moi. En filmant les interviews, est-ce que mon cerveau se serait dit malgré moi que les images seraient toujours là pour se souvenir à ma place?
Dans un festival, tout le monde prend tout le temps des photos. Pour un festival comme Dour, il y en a probablement des dizaines de milliers qui circulent sur les réseaux sociaux chaque jour.
Les scientifiques constatent que le fait de prendre constamment des photos diminue notre capacité à nous souvenir de nos expériences, détourne notre attention et nous fait sortir de l’instant présent. Les photos nous empêchent d’être connectés à nos ressentis du moment en concentrant notre attention sur notre écran. Et lorsque ces photos sont prises pour être partagées sur les réseaux sociaux, on imagine en plus comment elles seront perçues par les autres. On regarde notre vie « à la troisième personne » 2
J’ai d’ailleurs remarqué que, très souvent, les souvenirs que mes potes racontaient en voyant les images étaient, en réalité, plus des descriptions qu’autre chose.
Vidéo de Axel2
Lili: là je sors et je vois des tentes qui volent et en fait c’est les éoliennes qui avait fait un tourbillon.
Photoarcenciel
Axel2: J’ai une petite vidéo où je bois ma bière préféré au stand de bières artisanale.
photoéolienne
screendechat avecsiri pause
Dans un festival comme Dour, c’est amusant car, au final, quasiment personne n’a parlé de la musique quand iels ont vu les images que je leur ai montrées. Elle était tout le temps là avec nous au moment des prises de vue. Mais c’est comme si, puisqu’elle n’est pas visible sur les images, elle était oubliée.
À la fin de chaque festival, Dour publie des images souvenirs. Dans ce cadre, le festival n’utilise que très peu d’image des musicien·x·nes ou des lives. C’est l’ambiance du festival qui est mise en avant, les festivalier·es souriant·es, la foule, le camping… Le festival crée aussi des espaces qui appellent à être photographiés, pour bénéficier des images prises par le public et partagées sur les réseaux.
Le festival « brand » son entrée avec un grand DOUR,
Nina: évidemment devant le dour méga cliché. respiration
Siri: ça c’est le selfie spot quoi
Lili: Au moins une fois par année on monte dessus c’est stylé.
Comme AMSTERDAM ou HOLLYWOOD pour que tout le monde se prenne en photo devant. C’est une sorte de preuve pour les festivalier·x·es d’y être allé·x·es. Un selfie-spot où tout le monde prend la même image, mais un peu différemment. Certain·x·es escaladent par exemple les lettres pour ne pas faire comme tout le monde. « Les images encouragent la production de toujours plus d’images – et elles semblent toutes renvoyer à un ensemble canonisé de genres et de gestes. »
Tout le monde veut prendre des photos, avoir les siennes. Alors qu’il y a par exemple des photographes payés pour ça. Plus qu’une belle image, on aime surtout les avoir comme des traces, comme preuves, comme archive. Avoir une image est plus important que ce qui y est concrètement visible. Prendre des photos détourne notre attention, nous détache de nos émotions. Mais l’inverse est aussi vrai. « Les images agissent sur toute la gamme des émotions et déclenchent […] des réactions spontanées » chez celleux qui les regardent. 3
Axel1: Ah c’est vrai que celle-ci elle est zinzin
Dayle: Ouais! cette vidéo là
Siri: Aah, magnifique!
Lili: Ah *petit rire* Sans parler du fait que les images peuvent aussi créer ou renforcer des liens entre les gens, ce qui participe à l’émotionnel qu’on y attache J’ai pris ces personnes en photo et grâce à ça, je me suis retrouvée à faire l’apéro avec elleux alors que je ne les connaissais pas du tout.
On envoie aussi beaucoup des images qu’on fait à nos ami·x·es, comme manière de partager de la complicité.
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Hollywod/AmsterdamInsigness
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Lespotesqui retrouventdes imagesavecune expressionde joie
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Dour29938x
Et on aime bien prendre en photo les personnes qu’on aime, comme pour conserver les émotions qu’on ressent pour elles.
Siri: Moi j’ai pris pleins de photos à l’argentique et c’était plutôt pour les passer à mes potes.
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Dayle: Ou de me souvenir des visages, quand je vois mes copains super heureux j’ai grave envie de les prendre en photos/en vidéos, oh vous êtes trop beaux vous êtes trop chous il faut que je m’en souvienne parce que je sais que le souvenir sera flou dans ma tête.
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J’ai vu la joie sur les visages de mes potes quand iels ont retrouvé leurs photos du festival sur leur smartphone. Peut-être que leur plaisir faisait écho à celui ressenti au moment de la prise de vue? Ou peut-être que c’était juste le fait qu’iels avaient tellement d’images sauvegardées qu’iels étaient content·x·es de remettre la main sur celle qu’iels cherchaient?
restart éteindrela lumière musiqueet enchainement d’images
RESNICK (2018) : Brian Resnick, « What smartphone photography is doing to our memories » in Vox (online), Mar 28, 2018, 10:30am EDT, https://www.vox.com/science-andhealth/2018/3/28/17054848/smartphones-photos-memory-research-psychology-attention, consulté le 25 avril 2024.
LISTER (2014) : Martin Lister, The photographic image in digital culture. 2nd Edition, Londres: Routledge, 2014.
Affect Me (2017)Social Media Images in Art. KAI 10Lara Baladi/Irene Chabr/Lynn Hershmann Leeson/Thomas Hirschhorn/ Randa Maroufi/Rabih Mroué/Thomas Ruff/D. H. Saur/Arthena Foundation Designers: Krispin Heé, Studio Daniel Rother
Interviews
Siri Johannsson, Neuchâtel, 28 mars 2024, vidéo, 16min33
Dayle Vincent, Bern, 6 avril 2024, vidéo, 19min33.
Lili Eichenberger, Brienz 10 avril 2024, vidéo, 18min 24
Emile Bigler, Brienz 13 avril 2024, vidéo, 20min26
Philippe Leu, Bern 16 avril 2024, vidéo, 27min39
Axel Lehmann, Bienne 17 avril 2024, vidéo, 27min03
Axel Gans , Neuchâtel 17 avril 2024, vidéo + audio, 7min +9min
Nina Rodrigez, Lausanne 24 avril 2024, vidéo, 22min
Photographes officiels
ALEXANDRE CHAUDRON
ALICE MERTENS
ADRIEN VAN DEN ABEELE
ANTOINE ROLAND
ALICE ELSHOUT
ROSE FUMOSO
BRUNO FIORELLO
TIM NICOLA SHOPF
CHRISTOPHE POIVRE
CAMILLE DUPONT
FREDERIC MACIEJEWSKI
LUDVIG HEDENBORG
AUGUSTE WALCH
EDOUARD BASTELE
JULIEN HENDOUX
HUGO DE OLIVEIRA
SIMON LAM
SAUVANN LOPEZ
MILA GREBAN
ARTHUR LUST
THIBAULT FEYAERTS
LOVE LIEBMANN
Musiques
VLC - Dour festival 2023
Aftermovie de Jérémie Fragnière ( privé)
Acid Arab - Still
Table des illustrations
Photographes officiels
https://flic.kr/ps/oL3wD
Archive personnelles
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#Dourfestival2023
Polices
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Déclaration d’indépendance
«Par ma signature, j’atteste avoir rédigé personnellement ce travail écrit et n’avoir utilisé que les sources et moyens autorisés, mentionné comme telles, les citations et paraphrases Toutes mes références ont été identifiées comme étant; des parties de texte, des idées ou des images de tiers, littéralement ou en substance. J’ai pris note qu’un comportement scientifique délictueux peut être sanctionné par un échec etporté à la connaissance du rectorat chargé de prononcer des sanctions disciplinaires» Toutes les sources, étrangères ou non, ont été identifiées. . Ce travail n’a pas encore été soumis à une autre institution d’examen ni publié.
17. Mai 2024
Love Liebmann