"Au-delà du regard" -un outil de conception architecturale- Houda JEOUAL

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TPFE pour l’obtention de diplôme d’architecture Année universitaire 2015-2016

« Au-delà du regard » un outil de conception architecturale

Réalisé et présenté par :

Houda Jeoual

Membres du Jury : Abderrafih Lahbabi,

Architecte D.P. de l’EAC, Président de séance

Mme Laure Augereau, Encadrante, Architecte

Nadia Sabri

Docteure en histoire de l’Art et de l’Architecture, Enseignante à l’EAC

Sandrine Pastre

Architecte, Enseignante à l’EAC

Clara El Haimer

Architecte, Membre de l’Association Marocaine des Défcients Visuels

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Avant-Propos Le TPFE est l’occasion pour nous, en tant qu’étudiants, de faire le point sur les acquis de la formation, et de poser les bonnes questions afin de pouvoir évoluer et être plus opérationnels en tant que futurs architectes. Il est ainsi une opportunité de développer des thématiques qui nous tiennent à coeur. Personnellement, la question de l’image en architecture m’a toujours intéressée. En effet, je remarquais toujours durant ma formation d’architecte, qu’on passait bien plus de temps à rendre et à penser la présentation d’un projet qu’à essayer de l’expérimenter et de le vivre. L’image ainsi occupait une bonne partie de notre conception des espaces. Je ne discute pas ici l’importance de “l’image” en tant que telle en architecture, elle est bien évidemment primordiale, mais n’estelle pas surestimée? Le titre du mémoire, Au-delà du regard comme outil de conception architecturale, est une façon métaphorique de rappeler le rôle joué de manière directe ou indirecte, du sens de la “vue” dans la négligence des autres sens du corps humain, et comment cette hégémonie visuelle influe sur la manière dont nous concevons nos espaces. Ce travail de mémoire est conçu comme étant une introduction à la perception sensorielle de l’espace, et comment cette perception de nos jours se focalise sur une perception visuelle tout en négligeant les autres sens. Faire référence aux personnes atteintes de déficiences visuelles nous permettra alors d’identifier les paramètres et les systèmes responsables d’une perception sensorielle de l’espace audelà de la vision. Aussi, je tiens à préciser que la présence de citations est bien remarquable pendant la lecture, ceci étant donné que, tout au long de la rédaction, j’ai fait le choix de remplacer mes formulations personnelles par des citations d’ouvrages consultés, quand celles-ci expriment mieux mon propos.

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Table des matières HÉGÉMONIE DE LA VISION

Partie 1 :..................................................................................13

L’ARCHITECTURE AUDELÀ DU VISUEL

Partie 2 : ................................................................................49

L’architecture semble être considérée comme étant une discipline «visuelle». Cette suprématie est très présente dans les phases de conception, de représentation et de perception architecturale. En conséquent, quelle dimension prend-elle?

Malgré la dominance de l’outil visuel en architecture, l’expérience corporelle de l’espace est sans doute primordiale. La conception architecturale prenant en considération les personnes atteintes de déficience visuelle pourrait ainsi signifier une conception expérimentale de l’espace bâti. Ce chapitre est une recherche d’une nouvelle méthodologie de conception au-delà du visuel, et ceci par le biais de la conception d’un édifice destiné aux non-voyants. A travers la définition de cécité, des sens responsables de la perception et la définition du programme, nous allons arriver à définir une «boite à outils» d’une conception au-delà du visuel.

VOIR ET CONCEVOIR AUDELÀ DU REGARD

Après avoir défini les éléments d’une architecture visuelle et ceux d’une architecture pour personnes atteintes de déficiences visuelles, nous allons, par une récapitulation, mettre le point sur les outils sensoriels enrichis lors de la conception pour personnes non-voyantes.

........................................................15 1. Suprématie de l’œil 2. Suprématie de l’œil en architecture..............................20 1.1. La conception architecturale..............................20 .........................37 1.2. La représentation architecturale .........................................45 1.3. La perception visuelle

1. Analyse: .....................................................................54 1.1. Que voit un non-voyant?..................................54 . Parcours au-delà du visuel .....................56 1.2. Quels sens à remettre en valeur?....................60 1.3. Étude de cas : édifices sensibles .....................70 1.4. Programme ......................................................80 1.5. Analyse du site.................................................94 2. Projet ........................................................................102 2.1. Quelle méthodologie adopter?........................102 2.2. La vie au sein de l’école..................................113 2.3. Organisation spatiale ......................................134 2.4. Représentation du projet ...............................136

Partie 3 : ..............................................................................129 1. Récapitulation ............................................................131 1.1. Phase Problématique ..........................................132 1.2. Phase de recherche ............................................132 1.3. Phase compilation .............................................133 1.4. Phase analyse .....................................................134 1.5. Phase compilation des outils ..............................135 1.6. Phase expérimentation ......................................136 1.7. Phase Filtration-esquisse ....................................137 1.8. Phase Représentation ....................................139

Conclusion….............................................................................141 7


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Chapitre introductif

Introduction

L’architecture se manifeste comme étant une discipline visuelle, non seulement nous expérimentons et apprécions les œuvres architecturales en utilisant nos yeux, mais nous les concevons, les dessinons, les prenons en photo, les discutons, les publions et les jugeons en utilisant majoritairement notre vue. De plus comme notre profession devient de plus en plus informatisée, et que notre environnement devient de plus en plus «désensibilisé», il y a un réel danger que le domaine visuel domine complètement nos expériences. Ceci parce que notre sens de la vision tend à nous éloigner des choses que nous observons, à objectiver et intellectualiser notre environnement, notre monde émotionnel sera alors appauvri. La vue est le sens qui permet d’observer et d’analyser l’environnement. De tous nos organes sensoriels, la vision reste la source majeure d’information de l’être humain. Notons que 80% des informations qui nous viennent de notre environnement nous parviennent à travers la vue. En conséquent, en architecture, la vue reste le sens le plus utilisé. On témoigne par certains ouvrages comme 
« L’apprentissage de regard » de B.Donnadieu et « Apprendre à voir l’architecture» Bruno Zevi. Toutefois, le fait de mettre en valeur le sens de la vue dans notre culture actuelle affaiblit le sens de la matérialité et l’expérience de l’architecture en général.

Nous pensons l’architecture en tant que discipline visuelle, mais la vision est juste un de nos sens spatiaux. Et si la vue sortait de l’équation, l’architecture serait-elle aussi engageante? Si on pousse la théorie un peu plus loin, que seraient ces espaces qui valoriseraient tous les sens sauf celui de la vue ? Oui, des espaces pour non-voyant. Si on ferme les yeux, l’espace qui nous entoure existe toujours. Une fois les yeux fermés, les autres sens prennent la relève. On distingue alors que les espaces les plus riches sont ceux qui offrent une approche multi-sensorielle. En d’autres termes, ce sont les espaces qui n’allèguent pas que le sens visuel. Comment, se concentrer sur la conception pour les malvoyants, pourrait contribuer à l’expérience architecturale de la perception? Comment, en concevant des espaces pour non-voyants ou malvoyants on arrive à dessiner des espaces riches pour les voyants? Ainsi, l’objectif de ce travail de mémoire est premièrement de comprendre la position qu’occupe l’image dans la discipline architecturale, et deuxièmement, en se référant aux personnes atteintes de déficiences visuelles, de définir une architecture « au-delà du visuel ». Mais comment ?

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Chapitre introductif

Problématique et hypothèses Comme mentionné précédemment, l’image a pris une grande place dans la conception, la formation et la représentation architecturales. Comment peut-on identifier cette importance ?

sensoriel “perdu” de l’architecture ?

L’architecture avant tout est une “discipline” vécue. Mais le développement qu’a connu l’image au niveau de la conception, de la formation et de la représentation de l’architecture a conduit à un centrisme oculaire. Et donc une “négligence” des sens corporels qui interagissent avec elle. Et si le paramètre “visuel” sortait de l’équation? L’architecture n’aurait-elle plus d’effet sur le corps humain?

Que “ voient “ les non-voyants ? Quels sont ces sens qu’on a “choisi” de “négliger “ ? Ils sont forcément là mais juste le fait de nous concentrer sur notre vision, nos autres sens deviennent-ils “paresseux” ?

Poser l’exemple d’espaces conçus pour des personnes non-voyantes pourrait nous permettre alors d’avoir une idée sur des espaces perçus «au-delà du visuel», et donc conçus et représentés en s’appuyant sur des outils non-visuels. Les non-voyants et malvoyants sont des personnes qui sont confrontées pendant leurs activités quotidiennes à des espaces conçus principalement pour les voyants. En conséquent, leur “handicap” leur a permis de développer des aptitudes sensorielles. Quelles sont ces aptitudes ? et comment est-ce que ce développement peut-il révéler le potentiel

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Et donc afin de comprendre ces aptitudes, il faut savoir répondre à certaines questions primordiales;

La conception pour les non-voyants ainsi pourrait signifier un processus différent de la conception des espaces. Dans le cas de la conception pour les personnes atteints de déficiences visuelles, le problème à résoudre est non seulement de fournir l’information spatiale par des sources non-visuelles, mais aussi d’examiner les éléments qui puissent augmenter la sensorialité de l’espace. La conception spatiale pour les non-voyants signifie donc interroger les concepts spatiaux dominants de l’architecture de nos jours. Comment est-ce que l’architecture nous permettra-t-elle de développer nos sens corporels? En tant qu’architectes, quels sont les outils à remettre en question ? Quel est le potentiel « caché » alors d’outils strictement visuels (tels que la lumière et la couleur)?


Méthodologie La méthodologie de la formulation du projet créera une base pour une approche d’analyse, de conception et de représentation nouvelle afin d’aboutir à une proposition spatiale multi-sensorielle. La phase de recherche. La réponse à la problématique de la dominance de la vue en architecture est élaborée en favorisant la recherche théorique. En effet nous procéderons à la phase de recherche par l’analyse et la filtrations de plusieurs théories et références architecturales, philosophiques et anthropologiques. La phase d’analyse. Suite à la question de la problématique posée précédemment, qui met en avant l’hégémonie visuelle dans notre culture, la phase d’analyse vient mettre le point sur les caractéristiques sensorielles de la ville, et pour y arriver, un travail sur le terrain a été effectué, et ceci en effectuant un parcours de la ville en compagnie de personnes non-voyantes. La phase esquisse Inspirée par la manière de faire de deux architectes non-voyants, l’idée est de se pencher le maximum sur une méthodologie qui implique moins l’utilisation d’outils visuels. Ainsi, l’utilisation de maquettes durant la phase d’esquisse est primordiale.

En ce qui concerne le concept architectural, l’idée est d’impliquer au maximum les 5 sens dans la conception en rendant l’espace compréhensible aux personnes atteintes de déficience visuelle, ainsi, une recherche de projets précédemment réalisés est indispensable. La phase synthèse Le projet aboutira sur une école primaire, qui dépassera le programme technique vers une dimension sensorielle spatiale. En effet, la synthèse de cette recherche sera la mise en place d’une école qui offre une nouvelle expérience spatiale impliquant le toucher, l’ouïe et l’odorat dans sa conception. Nous verrons qu’une école conçue pour des élèves non-voyants est d’autant plus confortable, et «sensorielle» pour des enfants bénéficiant de leur vue. La phase présentation, Le projet sera à la fois présenté par le biais d’outils visuels standards, (plans - coupes collages - perspectives, etc) et par d’autres outils matériels qui sont principalement des maquettes (de concept et de synthèse), dont seules les photos seront incluses dans le document-ci.

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HÉGÉMONIE DE LA VISION EN ARCHITECTURE 13


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Chapitre I Hégémonie de la vision en architecture Suprématie de l’oeil

1.1. SUPRÉMATIE DE L’ŒIL

Fig.1

Depuis plusieurs siècles, le centrisme oculaire a connu une grande polémique.1 En prenant la place à l’hégémonie orale, le centrisme oculaire est devenu auteur de l’orientation visuelle de la perception. (Voir chapitre 1.2.2.1) Héraclite écrivait « les yeux sont des témoins plus fiables que les oreilles »2 Aristote aussi considérait la vue comme le sens le plus noble « parce qu’elle approche l’intelligence au plus près grâce à la relative immatérialité de sa connaissance ».3 En effet, la vision était associée au terme de connaissance, certains philosophes considéraient la vue comme étant le sens le plus noble. La pensée occidentale philosophique est alors devenue orientée vers un centrisme oculaire, caractérisée par une connaissance centrée sur la vision. La contribution au paradigme hégémonique de la vision par Platon, Descartes et les philosophes de Lumières a été d’une grande importance.

L’œil de l’Esprit de Platon Platon distingue clairement le sens de la vue, qui est directement lié à l’esprit et l’intelligence humaine, et les autres sens qui sont attachés à la dimension matérielle de l’être4. Donc pour lui, le sens visuel dépasse la dimension tangible et en arrivait même à une dimension théologique, puisqu’il la lie directement avec la Lumière. On peut, par sa théorie, faire la différence entre deux catégories, premièrement l’œil en tant qu’organe, qui perçoit le monde visible, et «l’œil de l’Esprit» qui perçoit le monde intelligible. Le sens illusoire selon Descartes Des siècles après, Descartes, s’appuyant sur la théorie de «l’œil de l’esprit» considère alors que le monde visible, comme nous le percevons, peut n’être qu’une illusion.5 Selon lui, la vue est le plus universel des sens mais, contrairement à Platon, il la mettait dans le même pied que le toucher qu’il qualifie de «plus sûr et moins sujet à l’erreur que la vue»

1. Effectivement, plusieurs philosophes, anthropologues et architectes se sont penchés sur la question de l’hégémonie visuelle, d’où Michael Levin dans son ouvrage «Modernity and Hegemony of vision» ou l’architecte Juhani Pallasmaa dans son ouvrage «Le regard des sens» 2. Héraclite, Fragments, Fragment 101. Cité par David Michael Levin, «Modernity and Hegemony of Vision» cité par Pallasmaa, Juhani dans Le regard des sens. Traduit par Mathilde Bellaigue. Paris: édition du linteau, 2005-2006. 3. Thomas R. Flynn, «Foucault and the Eclipse of Vision» Cité par D.M. Levin, cité par P. Juhanni, Op. Cit 2 4. La vision est, chez Platon, le premier des cinq sens et occupe une place fondamentale dans sa philosophie : d’abord en physique, car c’est l’observation de la nature qui permet d’en comprendre les secrets et mécanismes, et, ensuite, en éthique, puisque la contemplation du spectacle du monde sensible et de ses mouvements uniformes et réguliers doit conduire l’homme à adopter un mode de vie stable et bon. 5. David Michael Levin, Modernity and the Hegemony of Vision, Berkeley, University of California Press,1993

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Fig. 1 : Schéma réalisé par Descartes expliquant le mécanisme de la vision

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Chapitre I Hégémonie de la vision en architecture Suprématie de l’oeil

Ou passage d’un monde oral vers un monde visuel?

B. Latour, Visualisation and cognition: drawing things together, Thinking, vol. 6, no. 1962. 7. Walter J. Ong, Orality and litteracy - The technologizing of the wolrd, Londres, Routledge, 1991, cité par J. Pallasmaa, op.cit. note 2. 8. ibid. 9. Ibid. 10.

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Cependant d’après Bruno Latour, la question est issue d’un point de vue plus technique que philosophique. Pour lui, la suprématie de ce sens a commencé depuis que l’humanité est passée d’une représentation de l’information auditive à une représentation écrite et lue, depuis que celle-ci est devenue transportable, c’est- à-dire, qu’elle est, grâce à l’invention de l’écriture, devenue apte à être partagée sur des nouveaux supports écrits. (Voir chapitre 1.2.2.1)

du collectif. 7

«L’immuabilité est assurée par le processus d’impression de nombre de copies: le papier et le type mobile. Les liens entre les différents lieux dans le temps et l’espace sont complètement modifiées par cette accélération fantastique de mobile immuables qui circulent partout et dans toutes les directions en Europe.»6

Ong avance que ce passage de la culture orale primitive à la culture écrite puis diffusible, a une influence directe sur notre conscience, notre mémoire et notre compréhension de l’espace, bien que pour lui, ce changement radical est irréversible : « Bien que les mots s’enracinent dans le discours oral, l’écrit les enferme dans le champ visuel de façon tyrannique et pour toujours (...) une personne qui sait lire ne peut pas vraiment retrouver ce qu’est le mot pour les gens de culture orale ».9

Latour s’appuie dans sa théorie sur le point de vue de Walter J. Ong, qui, dans son ouvrage « Orality and litteracy », analyse le passage de la culture orale à la culture écrite et son impact sur la conscience humaine et le sens

Il souligne que « le passage de l’oral à l’écrit fut essentiellement le passage de l’espace sonore à l’espace visuel », et que « l’imprimerie a remplacé la longue domination du son dans le monde de la pensée et de l’expression par la dominance visuelle née de l’écriture ». Selon l’expression de Ong, «nous sommes dans un monde instant de faits non-humains et froids ».8


Fig.2

Fig.3

Fig.4

Fig. 2 : La perspective Jan Vredeman de Vries – Traité « Perspective » (1604) Fig. 3 : La camera obscure Vermeer & the Camera Obscura

Fig.5

Fig. 4 : La représentation irréelle du monde «la persistance de la mémoire,1931», de Salvador Dali Fig. 5 : Virtualité technologique L’homme est devenu confronté à une emergence d’images virtuelles

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Chapitre I Hégémonie de la vision en architecture Suprématie de l’oeil

Représentation picturale du monde responsable de l’hégémonie visuelle? De plus, l’invention de la perspective participe à cette suprématie visuelle. Celle- ci étant «objectivant» de la réalité, qui tend à éloigner l’objet du spectateur. Cette technique qui évolua à travers le temps: d’une représentation identique à la réalité au début, jusqu’à la représentation de faits/ environnements totalement abstraits. «La perspective n’est pas intéressante parce qu’elle nous fournit des images réalistes (...) mais parce que elle crée des hybrides complets: nature perçue comme fiction, et fiction perçue comme nature, avec tous les éléments rendus homogènes dans l’espace qu’il est maintenant possible de les remanier comme un jeu de cartes ».10 La représentation picturale de l’environnement a été, depuis longtemps, comme toute technologie, responsable de l’orientation de la perception de ce qui nous entoure. Mais, par le manque de la dimension sonore et tactile, elle favorise chez nous cette suprématie de l’outil visuel dans la perception de l’environnement. Effectivement, ce privilège accordé à la vue a guidé l’évolution technologique vers une représentation picturale matérielle et faible B. Latour, op. cit. note 6 11. D.M.Levin, op. cit. note 5. 12. J. Pallasmaa, op.cit. note 2. 23.

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de sensorialité. Celle-ci tend plus ou moins à figer la réalité, ou matérialiser une fiction. Dans son ouvrage «Modernity and hegemony of vision», David Michael Levin souligne cette caractéristique figeant la vue: « Il y a une volonté de pouvoir très forte dans la vision. Il y a dans la vision une forte tendance à saisir et figer, à réifier et totaliser: une tendance à dominer, sécuriser et contrôler. Elle a été si largement répandue qu’elle a finalement assumé une domination incontestée sur notre culture et son discours philosophique en établissement conformément à la rationalité expérimentale de notre culture et au caractère technique de notre société, une métaphysique de la présence centrée sur la vue». 11 Même aujourd’hui, on peut remarquer cette suprématie de l’outil visuel, surtout en ce qui concerne l’évolution technologique. On peut constater l’émergence des images et des outils visuels. Steven Holl dans son introduction à l’ouvrage « Le regard des sens de Juhani Pallasmaa, il écrit « Dans notre monde, les biens de consommation propulsés par les techniques de publicité hyperboliques supplantent notre conscience et affaiblissent notre capacité de réflexion.» 12


La phénoménologie, résultat d’un anti-centrisme oculaire? Mais comme n’importe quel «mouvement», le «centrisme oculaire» avait ses défenseurs et ses accusateurs. Friedrich Nietzsche, par exemple, est parmi les philosophes les plus distingués dans la critique du centrisme oculaire. Celui- ci remet en question le penchant oculaire de la philosophie occidentale. Il a même accusé les philosophes d’»hostilité déloyale et aveugle envers les sens».13 Pour lui, l’environnement qui nous entoure est perçu par tous nos sens de manière équitable. Le fait de pencher vers le sens visuel diminue de la qualité sensorielle de l’espace. Et critique «l’œil hors du temps et de l’histoire». 14 D’où la théorie phénoménologique avancée par Husserl et Hegel qui, soutient que le monde qu’on perçoit autour de nous implique tous les sens. Selon le dictionnaire Larousse, le terme « phénoménologie » signifie : « Étude descriptive de la succession des phénomènes et/ou d’un ensemble de phénomènes. (Le terme est utilisé par Kant au sens de « description des apparences » : C’est Husserl qui lui donne son sens moderne) ».15 Husserl présente la phénoménologie comme la manière dont percevons ce qui nous entoure.16 Et ceci à travers tous nos sens, notre vécu et nos souvenirs personnels, qu’il appelle « intentionnalité » (caractéristique de

Fig.6

la conscience d’être toujours dirigé vers un objet.17). «Un trait distinctif des vécus qu’on peut tenir véritablement pour le thème central de la phénoménologie orientée «objectivement» : l’intentionnalité. Cette caractéristique eidétique concerne la sphère des vécus en général, dans la mesure où tous les vécus participent en quelque manière à l’intentionnalité, quoique nous ne puissions dire de tout vécu qu’il a une intentionnalité. C’est l’intentionnalité qui caractérise la conscience au sens fort et qui autorise en même temps de traiter tout le flux du vécu comme un flux de conscience et comme l’unité d’une conscience» 18 Ainsi, la perception prend une dimension qui dépasse la façade picturale de l’environnement et devient la conséquence de tous les événements vécus et des informations acquises par tous nos sens. Par conséquent la compréhension de ce qui nous entoure change d’une image figée et figeant à une image proprement influencée et dynamique.

13. Friedrich Nietzsche, La Volonté de Puissance, Paris, Gallimard, 1995, cité par J. Pallasmaa, op. cit. note 2. 14. David Micheal Levin, Decline and Fall - Occulacentrism in Heidegger’s Reading of history of Metaphysics, op. cit. note 5 15. Phénoménologie , <http:// www.larousse.fr/dictionnaires/francais/, consulté le 04.11.2015 16. E. Husserl, Ideen I, 1913 : traduit par P. Ricoeur : Idées directrices pour une phénoménologie, Paris, Gallimard, «Tel», 1950. 17. Intentionalité: <http://www. larousse.fr/dictionnaires/ francais 18. E. Husserl, op. cit. note 16.

Fig. 6 : La phenomenologie psychologique, «L’homme et le macrocosme», de Robert Fludd, 1619

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Chapitre I Hégémonie de la vision en architecture

Suprématie de l’oeil dans la conception

1.2. SUPRÉMATIE DE L’OEIL EN ARCHITECTURE

L’architecture est une discipline qui est cernée entre conception, perception, et réception. Cependant, afin de pouvoir savoir où se trouve l’importance de l’outil visuel en architecture, il faut s’avoir l’identifier dans les trois stades: conception, perception et réception. 1.2.1. LA CONCEPTION ARCHITECTURALE

19. La conception architecturale a fait l’objet de plusieurs ouvrages, parmi les plus connus « la conception architecturale : Cours et architecturologie» de Philippe Boudon. 20. «Il s’agit là d’une définition provisoire, au coeur d’un débat épistémologique actuel (cf Ph. Boudon, M.Conan, R. Prost, H.Raymond, etc., et les travaux du séminaire sur les «processus de conception» (Paris, 2-3 Avril 1992), organisé conjointement par le Bureau de la Recherche Architecturale et le programme Cité Projets du Plan Construction et Architecture). « Cité par Elisabeth Pasquier-Merlet et Daniel Pinson dans «Une formation au projet à partir de l’usage» in Enseigner le projet, Paris, DAU (MELT)école d’architecture de Bordeaux, 1994 21. Robert Prost, ingénieur et architecte et professeur honoraire à L’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Malaquais. Son expérience professionnelle s’articule sur trois axes : enseignant, chercheur, chargé de mission / consultant. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, d’articles et de rapports sur l’architecture, le processus de conception, les pratiques de projet, l’éducation et la recherche, la planification et les sciences de l’action. 22. Robert Prost, «Conception architecturale», Une investigation méthodologique, Paris, L’Harmattan, 1992.

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La conception architecturale constitue un grand débat 19 de l’architecture, parce qu’elle est la base des œuvres architecturales. Elle se caractérise par sa qualité complexe. Effectivement, la diversité des approches et des points de vues de conception architecturales mène vers une ambiguïté de définition de ses éléments. Toutefois, une caractéristique primordiale reste très apparente est celle du penchant de la conception architecturale vers l’outil visuel ainsi que la matérialisation du corps humain. Nous essayerons, malgré la complexité de la définition de cette phase, d’analyser le coté «visuel» que met en avant cette étape de formation de solutions architecturales. 1.2.1.1. PHASES DE LA CONCEPTION ARCHITECTURALE Malgré la complexité de définition de la conception architecturale, on arrive à énumérer un nombre de bases de la conception architecturale, des concepts fondamentaux qui se répètent dans la démarche de conception.
 Ceux-ci sont identifiés par la sociologue Élisabeth Pasquier-Merlet et l’architecte sociologue Daniel Pinson comme suit : « On peut considérer que la conception architecturale ou urbanistique lorsqu’elle est maîtrisée réalise la synthèse de la forme à partir d’un nombre assez considérable de données, relevant du contexte et du programme, de leur interprétation, des choix et des contraintes constructives, d’une inscription et de références culturelles et de choix esthético-symboliques précis» 20

LA PROGRAMMATION COMME PREMIÈRE PHASE DE CONCEPTION !! En effet, afin que le maître d’ouvrage puisse formuler ses attentes du projet, celui-ci élabore ce qu’on appelle le programme. Ce dernier lui permet d’orienter le concepteur dans sa recherche. Robert Prost 21 rappelle l’intérêt du programme dans la démarche de conception:
 «Cette composante que j’ai appelé utilité revêt une importance capitale car elle contient souvent le corps central de ce que l’on nomme programme, c’est-à-dire, qu’au delà de sa nature descriptive, elle se présente sous la forme d’énoncés prescriptifs s’adressant au professionnels qui aura à formuler une solution. Cette composante vient rappeler le fait qu’une solution architecturale ne peut être considérée que sur le plan esthétique : les espaces à inventer sont aussi des supports physiques aux activités socio-économiques et politiques d’un corps social» 22 L’analyse du programme architectural, sa compréhension, sa recomposition et l’établissement d’une synthèse constitue la première confrontation de l’architecte avec son projet. «Le programme doit être transformé par l’architecte en scénario» 23 .
 Ce n’est qu’à travers cette phase jugée nécessaire que le concepteur pourra mettre en œuvre sa sagacité créative au service du projet.


LE « RAPPORT AU LIEU» !! La prise en considération du site d’insertion constitue l’un des thèmes majeurs de la conception architecturale. En effet, le site en architecture permet d’orienter la solution architecturale. « Pour en tirer des règles d’ordre conceptuel, ou encore des sources d’inspiration formelles. Les architectes ne peuvent en faire l’économie. Significative est par conséquent la manière dont le contexte, le lieu, est approprié ou rejeté». 24 C’est ainsi que penser le site constitue l’un des paramètres indéniables au processus de conception de tout projet architectural. Comme le confirme l’architecte Olivier Tric : «l’environnement et le contexte sont à l’origine de l’acte de construire et doivent être à la base de la conception de l’architecture». 25 Il est important de signaler que cette notion de site renvoie à un certain nombre de données exactes et mesurables qui interagissent entre elles et se convertissent en éléments architecturaux, dévoilant par conséquent un nouvel aspect de la réalité. On citera ceux, qui à notre égard, semblent nourrir à des degrés différents la conception de projet architectural: (données météorolo-

giques, orientation du terrain, topographie, nature du sol). Notons que la relation qui existe entre un projet architectural et son environnement est la dimension qui fait de lui un concept unique. Cette relation met en avant quelques détails considérablement contextuels, qui font l’identité du site. Elle renvoie à l’ensemble de l’environnement bâti ou naturel immédiat, les types de solutions urbanistiques et architecturales qui le définissent, les typologies et morphologies existantes, l’échelle du bâti, les couleurs, les textures, les matériaux, les proportions, etc. Les données contextuelles constituent des paramètres sur lesquels la composition peut prendre appui. Ainsi la prise en compte des diverses données du site et du contexte de l’acte architectural répond à une démarche fondatrice de toute architecture: qu’elle prenne place dans la cité déjà existante, dans un quartier en devenir ou encore dans un environnement végétal. Les dimensions du contexte peuvent être différentes certes, mais l’approche reste identique.

Hamburger Odile, « Le plongeoir» , dans Enseigner le projet d’architecture, actes du séminaire de Bordeaux, 1-2 Avril 1993 24. Picon Lefèbvre, Virginie. «Nature, processus, évènement», Techniques et Architecture. N* 406, fevrier-Mars 1993. 25. Tric Olivier, «Conception et projet en architecture», Paris, éditions l’Harmattan, 1999 26. Tric Olivier, op. cit. note 26.

Fig.7

Fig. 7 : L’insertion au site Exemple du centre Culturel Tjibaou conçu par Renzo Piano en Nouvelle-Calédonie.

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Chapitre I Hégémonie de la vision en architecture

Suprématie de l’oeil dans la conception

CULTURE ET HISTOIRE DU SITE ! Le site est autant caractérisé par son espace que par l’empreinte de la culture et de l’histoire qui marque chaque parcelle de territoire. Cet aspect initie le plus souvent la démarche du projet, par une prise de connaissance de l’histoire et la culture de l’endroit afin d’en saisir son identité. Il s’agit de «l’esprit du lieu», ou «le génie du lieu»... La recherche de l’identité du site caractérisée par son histoire et sa culture, participe aux lignes fondatrices de la solution architecturale.

Parmi les exemples les plus connus qui prennent en considération l’histoire de la solution architecturale, figure bien-sûr l’exemple du musée juif de Berlin conçu par l’architecte Daniel Libeskind, qui décrit, par la forme du projet, la tension liée à l’histoire Germano-Juive. La prise en considération de l’histoire du lieu peut se traduire également à travers une relation directe avec le bâti environnant : lorsque l’insertion de l’édifice s’effectue dans un milieu urbain.

Fig.8

Fig. 8 : Croquis de conception sur papier Croquis du Musée Juif de Berlin dessiné par l’architecte Daniel Libeskind.

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Architecture et image ? L’architecture constitue un vecteur d’images considérable, dont le support est l’enveloppe extérieure du bâtiment. La capacité de maîtriser cette image extérieure constitue l’une des étapes décisives dans tout le processus conceptuel et une préoccupation majeure de chaque architecte et maître d’ouvrage. En effet, avec l’ère des médias que nous vivons actuellement, penser l’image constitue une phase prépondérante qui précède tout acte de bâtir. Ceci est renforcé essentiellement avec l’émergence de la Conception Assistée par Ordinateur (CAO). Elle contribue à modifier les relations de l’architecte avec sa propre conception: l’image devient un outil de conception tout autant que de synthèse architecturale. En outre « l’opinion que la plupart des personnes se font d’une architecture ne se fonde pas sur l’intérieur mais d’abord sur l’aspect extérieur. Il faut être utilisateur potentiel pour se pencher avec attention sur le dedans d’une construction (...) C’est l’image extérieure qui compte à leurs yeux et les crédits qu’ils débloquent ne concernent qu’elle et fort peu l’intérieur». 26 L’importance consacrée à l’enveloppe de l’édifice et à toute la symbolique qu’elle devrait générer atteint le plus haut degré lorsqu’il s’agit de conception d’équipements de grande envergure. En effet, l’image de ces édifices constitue la préoccupation majeure du concepteur, vu leur dimension urbaine et leur position centrale au cœur de la cité. Leur architecture s’appréhende d’abord par l’extérieur, par une recherche des façades ou de l’enveloppe globale du bâtiment, dont la finalité est de se démarquer dans la scène urbaine, communiquant de ce fait une impression chez le citoyen, voire une émotion. Jean

Nouvel explique l’intérêt de cette recherche de l’image de l’équipement dans tout processus conceptuel. Il affirme : « Je dis souvent qu’un architecte, c’est un amplificateur, c’est quelqu’un qui va capter des émotions ou des sensations et qui se demande «qu’est-ce que je peux faire de ça? Si finalement cette émotion est assez forte pour moi, je vais me cristalliser dessus et je vais l’amplifier pour que personne ne puisse passer à côté: si cela m’intéresse, je vais obliger tout le monde à regarder»27 Au niveau des entreprises, cette aspiration constante à une identité propre et à une image forte, limpide, omniprésente et toujours immédiatement identifiable s’effectue essentiellement à travers l’architecture de leur siège. Ainsi, le concepteur est appelé à comprendre les besoins de l’institution commanditaire en terme de communication: ce qui suppose l’étude de l’image extérieure que le bâtiment est censé offrir aux passants. Ceci nous rappelle en effet l’exemple du Terminal Audi de Casablanca dessiné par l’architecte Fayçal Sentissi, qui reprend la forme des headlamps de la voiture sur les façades, ainsi l’utilisation des matériaux en aluminium ondulé et perforé. «L’architecture, elle aussi en mutation, devient désormais un vecteur d’image à l’écho non négligeable, une composante d’image institutionnelle complémentaire des techniques plus traditionnelles de communication pour l’entreprise».28 C’est ainsi que la démarche du projet architectural oscille entre l’étude de l’enveloppe extérieure et la recherche d’une image forte, et ce à des degrés variables en fonction de la vocation de l’édifice en question.

27. Jean Nouvel Luzem, entretien avec Jean Nouvel le 9 juin 1998 à Paris, p 48 28. Nacher Yves, «architecture et Images d’Entreprises, nouvelles identités». Liège: Pierre Mardaga . 1990

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Chapitre I Hégémonie de la vision en architecture

Suprématie de l’oeil dans la conception

QUELLE IMPORTANCE DE L’«IMAGE» DANS LA CONCEPTION DE L’ÉDIFICE ARCHITECTURAL ?? Résolument complexe, la démarche de conception architecturale est considérée comme un acte de création souvent associé à une mystérieuse «boite noire», qui pour donner naissance au projet diffère d’un architecte à l’autre selon la démarche personnelle forgée par chaque auteur. Mais avant de présenter plus en avant la démarche du projet d’architecture, un retour sur le passé est avéré pertinent pour comprendre comment la situation nouvelle que connaît la conception architecturale et les nombreuses études et réflexions qui sont octroyées à son espace et à son usage se sont construites progressivement notamment avec le Mouvement Moderne, où s’est manifestée une prise de conscience de ce processus conceptuel.

29. Auteur de l’ouvrage «Conception et projet en architecture» 30. Tric, Olivier, «Processus de conception et pédagogie du projet», dans Enseigner le projet d’architecture, Actes du séminaire de Bordeaux - 1-2 Avril 1993, op. cit. note 26. 31. Jean Nouvel, op. cit. note 29

Fig. 9 : Quelle image du bâtiment ? Le «wave building» par DBI architects

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En effet, que ce soit au niveau du fonctionnalisme qui réduit au plan, exigeant son application opérationnelle, ou au formalisme où se substituait progressivement à l’agencement intérieur le culte de la forme, ou encore le structuralisme où la primauté fut consacrée au système constructif, tous ces principes du mouvement moderne se sont préoccupés du message transmis à travers leur architecture. Certes, chacun à sa manière. Olivier Tric, après l’analyse de la démarche de plusieurs architectes (Jean Nouvel, Pierre Soria, Dominique Perrault, Norman Foster) a pu dégager des conclusions qui nous permettent de consolider les propos avancés précédemment. Il affirme : «L’étude du pro29

cessus de conception de quelques grands auteurs permet de dégager trois concepts, à partir desquels la démarche s’initierait. Suivant le programme, la pratique particulière à chaque architecte et les objectifs du maître d’ouvrage, l’architecte débute la conception soit par l’étude de l’enveloppe, soit par celle de la structure, soit par l’étude du fonctionnement interne et du confort des gens: l’usage. Ces trois étapes de la démarche de conception, étude de l’enveloppe, de la structure, de l’usage sont de toutes façons traversées au cours de la conception dans un ordre variable». 30 Ainsi, quelque soit l’approche adoptée, l’intérêt accordé à l’image est toujours manifeste. D’autre part l’étude de la genèse du projet de manière générale nous a permis de déceler des éléments entités ou concepts qui se répètent et nous semblent dès lors significatifs de toute démarche de conception. Nous constatons alors que l’étude de l’image constitue une composante tout aussi importante que la considération du programme, du site et du contexte historique et culturel dans la genèse du projet. En effet, le concepteur est constamment soucieux et attentif par l’image et l’idée de son projet et de sa dimension idéologique. 
Jean Nouvel affirme à ce propos « L’architecture entretient une relation privilégiée avec les arts plastiques. Cette relation est liée au fait qu’il y a production d’images» 31


Fig. 9

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Chapitre I Hégémonie de la vision en architecture

Suprématie de l’oeil dans la conception

Fig. 10 : Le corps humain, unité de mesure? Collage

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Fig.10


1.2.1.2. MATÉRIALISATION DU CORPS HUMAIN EN ARCHITECTURE En architecture, la prise en considération du corps humain a été, pendant l’histoire, d’un degré plus ou moins important, néanmoins elle a été une dimension matérielle et corporelle. Effectivement, la plupart des théories et conceptions architecturales considèrent le corps humain comme entité de mesure ou même d’échelle et de proportion. Afin d’avoir une idée sur la position du corps humain en architecture, il va falloir revoir l’évolution de sa manière d’être abordé dans l’histoire de celle-ci. LE CORPS HUMAIN COMME DIMENSION PARFAITE? Pendant les temps anciens, l’architecture estimait le corps humain comme une réflexion de l’existence d’un ordre cosmique plus grand. Les architectes, cependant, considérant l’homme comme étant la créature la plus parfaite, se basaient sur ses proportions en tant que modèle de conception architecturale pour viser la perfection. Vitruve peut être considéré comme le premier représentant de ce «mouvement» anthropomorphique, par son étude sur les proportions parfaites du corps humain.32 Celui-ci affirme que le corps est la base de conceptions d’édifices. On cite «De l’ordonnance du bâtiment des temples, et de leurs proportions avec la mesure du corps humain». Vitruve précise sa pensée
: «Pour bien ordonner un édifice il faut avoir égard à la Proportion (Symmetria) qui est une chose que les Architectes doivent surtout observer exactement. Or la Proportion dépend du rapport (proportio) que les Grecs appellent Analogie. Car rapport est la convenance de mesure (commodulation) qui se trouve entre une certaine partie des membres et le reste de tout le corps de l’ouvrage, par laquelle toutes les proportions sont réglées. Car jamais un bâtiment ne pour-

ra être bien ordonné s’il n’a cette proportion et ce rapport, et si toutes les parties ne sont à l’égard les unes des autres ce que celles du corps d’un homme bien formé sont,
 étant comparées ensemble» 33 
Ainsi, en imitant ces proportions, l’architecture pourrait obtenir la même «beauté inhérente» du cosmos. En conséquence, dans ce même contexte d’anthropomorphisme classique, la signification des ordres antiques, Dorique, Ionique et Corinthien est liée aux proportions du corps humain, puisqu’ils sont, respectivement, dérivés du corps mâle, femelle puis jeune fille. fig.16

Cependant l’anthropomorphisme fut traité différemment durant les années, allant d’une adoption des proportions humaines au niveau des façades, des détails jusqu’à son implication sur plans. Ce dernier usage des proportions humaines, est présent chez Francesco di Giorgio fig.16, peintre qui a inscrit, dans multiples représentations, le corps humain dans le plan ou la section. Léon Batista Alberti 34, lui, évoque l’usage des proportions du corps humain dans toutes la dimension programmatique, de distributions et de façades.

32. L’homme de Vitruve est le nom communément donné au dessin à la plume, encre et lavis sur papier, intitulé Étude des proportions du corps humain selon Vitruve et réalisé par Léonard de Vinci aux alentours de 1492. L’homme de Vitruve est le symbole de l’humanisme, l’homme y étant considéré comme le centre de l’univers. - Wikipédia

33. Michel Gardes -» Vitruve: en quoi consiste l’architecture»- <http://ww3.ac-poitiers.fr/arts_p/b@lise13/ pageshtm/page_6.htm> consultée le 10-11-2015 34. «De re aedificatoria (avant 1472), traité d’architecture commencé en 1449 imprimé en 1485 à Florence8, puis en 1512 à Paris et 1541 à Strasbourg. Traité dans lequele il compare le corps humain à un immeuble9. Traduit en français par Jean Martin en 1553 sous le titre L’Architecture et Art de bien bastir (Consultation de l’ouvrage): retraduit en 2004 par P. Caye et F. Choay, sous le titre : L’Art d’édifier (ISBN 2-020-12164-6) :» - wikipédia

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Chapitre I Hégémonie de la vision en architecture

Suprématie de l’oeil dans la conception

Fig.11

Fig. 11 : L’Homme comme dimension parfaite Les trois ordres inspirés des proportions humaines Fig. 12 : retranscription des proportions humaines sur le plan «Un dessin de Francesco di Giorgio Martini prévoit toutefois ce que la génération suivante d’architectes pensaient. Il montre le plan d’une église superposé à un corps d’homme. L’idée était que si vous avez organisé un espace d’une manière géométrique spécifique, il serait immédiatement facile à comprendre, car il est implicitement liée à la façon dont nous, les humains sont construits. Ces proportions sont un reflet microcosmique de la perfection de l’univers»

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Fig.12


L’ÉCHELLE HUMAINE ? Plus récemment, Philipe Boudon lie la «beauté» architecturale à l’échelle plutôt qu’à la proportion corporelle. Pour lui l’échelle évoque principalement la relation de l’édifice avec l’espace extérieur, pendant que la proportion celle avec l’espace intérieur. 35 « LA FORME SUIT LA FONCTION» . . . En réaction à ce mouvement anthropomorphique de l’architecture, plusieurs architectes redéfinissent la relation entre le corps humain et l’architecture. Une nouvelle ère architecturale vit le jour: le fonctionnalisme. Pour les fonctionnalistes, la conception architecturale dans sa prise en compte du corps, devrait dépasser la dimension abstraite vers une dimension expérimentale. En effet, les architectes pendant cette phase se focalisent essentiellement sur le corps en

mouvement. C’est donc l’époque de « la forme suit la fonction»36 . En conséquence, les espaces sont dessinés selon leur fonction, et selon la manière dans le corps est supposé s’y comporter. L’organisation et la configuration spatiale des espaces et des éléments de mobilier sont mis en place en prenant en considération un corps actif et non sur une échelle abstraite et figée. Alors, la forme et l’apparence extérieures découlent des fonctions et des articulations intérieures.
 Cette approche de conception architecturale fonctionnaliste orienta le dessin architectural vers une dimension mathématique et cadrée. Les espaces deviennent donc une projection du corps (corps symbolique et catégorique) en mouvement. Petit à petit, alors que le corps référentiel prenait place dans la conception architecturale, le dimensionnement mathématique des espaces s’y enracinait aussi.

35. Phillippe Boudon, «Sur l’espace architectural : Essai d’épistémologie de l’architecture.» Editions parenthèses, Marseille. 2003 36. «Form follows function» est un concept qui peut être interprété comme une description de la beauté. Il est attribué à Carlo Lodoli, moine, mathématicien et théoricien de l’architecture du XVIIIe siècle . 37.

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Chapitre I Hégémonie de la vision en architecture

Suprématie de l’oeil dans la conception

Fig.13

Fig.14

Fig. 13 : L’émergence des lignes droites et plans rectangulaires Complexe Bauhaus déssiné par Walter Gropius Fig. 14 : Espaces minimalistes Coupe, La cité Radieuse, de LeCorbusier. Fig. 15 : Espaces minimalistes et formes rectilignes Façade et axonométrie, La cité Radieuse, de LeCorbusier. Fig. 16 : Unité de mesure des espaces minimalistes Le modulor de Le Corbusier

30

Fig.15

Fig.16


MODERNISME, NOUVEAU MODE D’IMPLICATION DU CORPS HUMAIN OU NOUVEAU «VISAGE» DE L’ANTHROMORPHISME CLASSIQUE? Bien entendu, un nouveau mouvement na- sur les proportions du corps et du «nombre quit. Celui-ci se base sur la dimension « ma- d’or». C’est donc le corps humain, son comtérielle mesurable » des espaces. En élimi- portement et sa proportion qui orientent la nant toutes les ornementations, les décors, pensée architecturale de Le Corbusier. «La l’architecture tournait autour de l’espace pour nature est mathématique, les chefs d’œuvre le corps en mouvement. Remplaçant des de l’art sont en consonance avec la nature. formes ambiguës, décorées par des formes Ils expriment les lois de la nature et ils s’en pures et rectilignes. servent». Voilà bien le credo sur lequel Le Corbusier fonde sa conception. Effectivement, l’interprétation physico-mathématique du corps humain en architecture a Au modulor va s’ajouter un besoin de noratteint son sommet pendant la période mo- malisation aussi bien en architecture qu’en derniste. construction mécanique. Cette normalisation L’architecture moderne s’appuie sur le fonc- s’impose esthétiquement, «pour plus d’hartionnalisme et le rationalisme. Les protago- monie» et économiquement pendant la phase nistes majeurs de ce mouvement sont les ar- de reconstruction urgente au lendemain de la chitectes Walter Gropius, Adolf Loos, Auguste guerre. La nécessité est donc une construcPerret, Ludwig Mies Van De Rohe, Oscar Nie- tion en masse de logements (le Corbusier va meyer et Le Corbusier. Ce dernier avança une jusqu’à parler de «machine à habiter»). nouvelle théorie qui changea la perception des choses: le Modulor (figure 23). Les mesures Ainsi, l’utilisation du nombre d’or dans la qui l’intéressaient et qu’il privilégia, corres- grille de mesure de Le Corbusier n’est en fait pondaient aux proportions du corps humain qu’une justification de la dimension abstraite et du nombre d’or. Il représente sa grille sur des proportions mathématiques. la silhouette d’un homme debout, levant un bras. Sa théorie de construction à l’échelle Et, contrairement à la théorie d’anthropomorhumaine nous rappelle effectivement, dans phisme de l’Antiquité qui partait de l’idée que sa façon d’intégrer l’échelle corporelle dans la l’édifice est une projection du corps humain, conception architecturale, la manière de faire chez Le Corbusier, c’est le corps humain de la Grèce antique. qu’est la projection du nombre d’or. On parle alors d’un «Anthropomorphisme fonctionÀ partir d’une grille de mesure il arrive à mettre nel». Ainsi le corps humain est considéré en place un «équilibre de volumes» et d’es- comme étant un corps physique ou une mapace, et tout ceci se basant principalement chine et un «sujet de lois mécaniques»37 .

Rob Imrie, The corporealization of code rules and the contof architects: perspecta. 2004. 41. Ibid.

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Chapitre I Hégémonie de la vision en architecture

Suprématie de l’oeil dans la conception

LA NORMALISATION DU CORPS EN ARCHITECTURE La manière dont le corps est impliqué en architecture influe directement dans la façon dont les architectes conçoivent les espaces. Allant d’une dimension purement esthétique, vers une dimension fonctionnelle et mathématique. On peut remarquer effectivement la présence de la théorie cartésienne de corps-esprit dans la conception moderniste et fonctionnelle. L’évolution de l’image proportionnelle du corps vers une image mesurable, où celui-ci devient une unité de mesure est de plus en plus apparente de nos jours. Se basant sur des livres techniques, comme le Neufert 38, la conception de l’espace devient orientée principalement vers une dimension cartésienne.

38. Neufert, Ernest. Les éléments de projet de construction . Dunod, 11è édition, 2014 39. Rob Imrie, Architect’s conception of the human body: Environment and planning, society and space. 2003. op. cit. note 39. 40. Ibid.

32

Selon Rob Imrie, « Ces abstractions (du corps) ont été réalisées par l’essor de la recherche scientifique, post-
galiléenne, la rationalité dans l’architecture et, en particulier, par des conceptions cartésiennes du «corps comme objet». Ici, le corps a été ramené à la matérialisation 
physique, subsumé par la rationalité de la géométrie et des mathématiques, ou par des instruments pour le contrôle technique des opérations pratiques. Le sujet humain est devenu divisé en esprit et le corps ». 39 Se basant sur des interviews faits avec des architectes, Rob Imrie vient à la conclusion que les architectes, pendant la conception architecturale, se réfèrent au corps humain sous différentes formes, premièrement, en le considérant, comme les architectes pré-

cédents, en tant qu’unité de mesure, afin de pouvoir justifier les espaces conçus pour le corps en mouvement, deuxièmement, en se référant à leur propre expérience pour dessiner les espaces. Ou tout simplement en tant qu’unité proportionnelle, où ils le placent dans les rendus informatiques afin de montrer l’échelle de l’édifice conçu. L’anthropomorphisme et le fonctionnalisme alors, qui étaient dérivés auparavant du corps humain, sont devenus de nos jours la base de la conception architecturale Ainsi, la normalisation et la standardisation du corps humain est devenue non-seulement une dérivation de mesures, mais impliquent également l’utilisation fonctionnelle du bâtiment: les architectes conçoivent alors pour des personnes abstraites définies par leur usage de l’espace. La matérialisation du corps humain est aussi, d’après Rob Imrie, très présente pendant la formation d’architectes : « Ces sentiments sont réaffirmés par les résultats des recherches qui indiquent que les écoles d’architecture consacrent peu ou pas de temps ou d’instruction pour les questions concernant le corps humain. (...) Comme il (un directeur interviewé) le dit, « nous parlons rarement de la forme humaine ici, sauf en termes assez abstraits». « De même, en matière d’enseignement des étudiants au sujet des différences corporelles, un directeur a noté que, « il
 n’est pas un diktat. Il n’est pas quelque chose que nous fixons comme un standard, mais je pense que ça vient à travers ...» » 40


L’HOMME DANS LA REPRÉSENTATION ARCHITECTURALE AUJOURD’HUI L’évolution des techniques de représentation et de conception architecturales prend une partie de la responsabilité de cette matérialisation du corps humain dans la formation des architectes. «Ces techniques réaffirment également l’importance des cours dits géométriques et techniques pour définir la nature du corps humain. Comme le dit un directeur de cours : « nous utilisons le corps comme un outil de mesure et de proportion de jaugeage...Il est pas plus qu’un objet pour ça » la documentation de cours d’une école décrit un projet de première année en tant que « une étude anthropométrique. [Qui] sera réalisée par groupes de

deux impliquant la mesure et la représentation du corps humain. » 41 Du coté de la représentation architecturale, le corps humain reste aussi plus effacé (voir chapitre 1.2.2.2). Si ce n’est que pour montrer l’échelle de l’édifice, le corps humain reste absent sur les représentations architecturales. Sinon, le dessin architectural présente le corps humain par sa dimension statique et géométrique, et non par sa valeur dynamique, qui interagit avec et expérimente l’espace. « Nous ne représentons pas le corps ... il existe des normes ergonomiques et qui sont toujours le point de départ. »42, affirme un architecte interviewé par Rob Imrie.

42. Ibid. 44.

Fig.18

Fig. 17 : Le corps humain comme outil d’échelle l’intérieur de l’atrium principal du palais de justice de Paris conçu par Renzo Piano Fig. 18 : Homme et encombrement Neufert: mesures and local wants of the man, 1943

Fig.17

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Chapitre I Hégémonie de la vision en architecture

Suprématie de l’oeil dans la représentation

Fig. 19 : Représentation architecturale Exemple de représentation dans une école d’architecture

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Fig.19


1.2.2. LA REPRÉSENTATION ARCHITECTURALE

1.2.2.1. À D’UNE COMMUNICATION CORPORELLE À UNE COMMUNICATION VISUELLE

À TRAVERS L’HISTOIRE ...

La communication a, pendant très longtemps été le premier facteur d’influence sur la perception de l’Homme. Cependant l’évolution de celle-ci fut d’un grand impact sur la manière dont une personne interagit avec son environnement. Les Hommes ont, depuis tout temps, éprouvé le besoin de communiquer avec leur semblables, que ce soit à travers les gestes, le langage, l’écriture, les gravures ou plus récemment les images. Effectivement, la communication constitue le premier point essentiel du développement propre de l’être humain et de sa manière d’interagir avec son entourage. L’histoire de la communication commença, bien évidemment à travers le langage corporel, où l’être humain appris à extérioriser ses besoins et ses désirs à travers des gestes liés à des sons, qui par la suite devinrent des codes significatifs, à en faire une parole de communication ou ce qu’on appelle le langage. Cependant avec le temps, le besoin de communiquer à longue distance s’accroît avec le désir de transporter l’information. Donc, pour faire face à la distance dans l’espace on utilisait l’homme-média ou le messager. Même chose pour la transmission de l’information à distance à travers le temps, c’est le conteur qui prit place afin de faire passer l’information de génération en génération.

Notons que pendant ces périodes, la communication se focalisait sur une transmission orale. Toutefois, avec le temps et l’accroissement du besoin de transporter l’information, de nouvelles techniques viennent séparer le caractère de la communication. Premièrement, c’est le tam-tam qui vient trancher cette relation qu’existe entre le geste et la voix et favorise le potentiel du son. D’autres parts, ce sont les signaux de fumée et autres qui favorisent le langage visuel à distance. Mais ces signaux sonores et visuels ne sont valables qu’en temps réels et ne pouvaient être utilisés sur de longues distances, et dans n’importe quelles conditions climatiques ou autres. Alors, pendant le quatrième millénaire avant JC, l’écriture fut une très grande révolution dans l’histoire de la communication. L’écriture a donné naissance à un moyen de communication à distance, la lettre. Éventuellement, le besoin de communication se développa vers le désir de multiplier les supports pour les diffuser au plus grand nombre de récepteurs. D’où bien évidemment, la révolution de la technique de l’impression en 1440. L’image aussi a pu être développée grâce à la gravure, mais ce n’est qu’en 1826, avec l’arrivée de la photographie que celle a pu être reproduite «technologiquement»

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Chapitre I Hégémonie de la vision en architecture

Suprématie de l’oeil dans la représentation

sans support physique en utilisant des ondes électromagnétiques. 
Parallèlement, on passait d’une image fixe et figée vers une image en mouvement: de photographie au cinéma muet puis au cinéma parlant en 1927. Mais ce n’est qu’en 1930 qu’on arriva à transmettre l’image à longue distance. L’évolution de la télévision a connu des grands progrès depuis. À l’ère électronique où nous vivons actuellement, le développement rapide des réseaux, des flux de communication et des instruments technologiques a engendré un bouleversement sans égal depuis la sédentarisation de l’espèce humaine.

Notons que, jusqu’ici, nous sommes dans une ère de communication visuelle. L’information se propage à travers la lettre: support écrit, et l’image, support gravé ou photographié. Cette ère se prolongea bien évidemment jusqu’à l’invention de l’électricité à la fin du XVIIIème siècle, où le télégraphe écrit constitua, en 1840, une vraie révolution. Ce n’est qu’en, 1876, que la suprématie visuelle, céda la place à une révolution auditive de la communication, avec l’invention du téléphone. Depuis, celui-ci devient un appareil indispensable et quotidiennement employé.

Fig. 20 : Il était une fois.. Évolution des techniques de communication dans l’histoire.

36

Pas très longtemps après, le son, celui de la parole et la musique trouva un moyen d’enregistrement puis de diffusion. La radio a permis de transmettre les sons à distance,

D’ailleurs, l’essor des médias électroniques et leur influence croissante sur les sociétés humaines et sur la planète furent associés en 1962 par le théoricien canadien de la communication Marshall McLuhan à un «village global». Cette métaphore du village global pressent l’émergence d’une tribu «mondiale» où l’électronique engendre de nouveaux instruments médiatiques et induit de nouvelles perceptions. Cependant, nous sommes dans un monde où les enfants abandonnent les parcs d’attractions pour des heures devant les télévisions ou devant leurs tablettes électroniques. Une ère où le voyage «semble» se faire à travers une image 3D. Une époque où la richesse architecturale s’est transformée en une série de cartes postales diffusées sur un écran plat, où l’Homme est devenu un spectateur de l’environnement.


1.2.2.2. LA REPRÉSENTATION ARCHITECTURALE

QUELS OUTILS DE REPRÉSENTATION ARCHITECTURALE? La représentation architecturale a bien évidemment été directement influencée par l’évolution de la communication. Celle-ci allant d’une représentation perspective de l’espace faite à la main, vers une représentation graphique de plans, de façades et de coupes au crayon jusqu’à arriver à celle reprise par des moyens numériques ou électroniques. Sans même oublier la technique tridimensionnelle qu’est la maquette. Pour représenter une réponse architecturale, plusieurs modes et techniques de représentations peuvent être utilisés. Les modes et techniques les plus fréquents sont cependant les façades, les coupes, les plans, des perspectives ou même des maquettes. Chaque mode de représentation requiert différents supports, différents moyens et différents savoirs. De plus, chaque mode de figuration possède ses propres variantes et permet de communiquer en considérant une information selon un point de vue différent et en soulignant un groupe d’aspects de la solution plutôt qu’un autre. Certains des modes de figuration sont plus appropriés que d’autres en fonction des ob-

jectifs visés de la communication, des caractéristiques de la solution à figurer et de la dimension architecturale à traiter. On peut classer les différents modes de représentation architecturale en quatre classes principales. Premièrement l’échelle géométrique, puis l’échelle matérielle, le procédé mécanique ou électronique et enfin l’écriture. Ainsi, la plupart des modes de figuration peuvent être rassemblés sous ces quatre rubriques : les projections orthogonales, les perspectives et les axonométries dans la première, les maquettes à échelle réduite ou grandeur nature dans la seconde, les photographies et les simulations par ordinateur dans la troisième et enfin les devis descriptifs ou estimatifs, plus des cahiers de charges et des, dans la dernière. Il est bien évidemment convenu, que seule la maquette suscite une dimension sensorielle tactile de représentation, alors que les trois autres modes se focalisent principalement sur une représentation visuelle de la solution architecturale.

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Chapitre I Hégémonie de la vision en architecture

Suprématie de l’oeil dans la représentation

Fig. 21

Fig.22

Fig.23

Fig. 21: La géométrie Une infinité de possibiltés de formes géométriques

Fig.24

Fig. 22 : Plan sur papier Exemple d’une représentation de plan sur papier. Fig. 23 : Tables de dessin au Studio de Le Corbusier Le Corbusier dans son studio à Paris. Fig. 24 : La maquette Tensegrity Sphere by Buckminster Fuller, 1979 Fig. 25 : Représentation sur papier Exemple d’une représentation de plan à la main

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Fig.25


LES OUTILS VISUELS La géométrie est évidemment la technique la plus fréquente de représentation architecturale. L’architecte, la plupart du temps ne se base que sur la dimension géométrique pour décrire sont projet. La géométrie permet de décrire la forme tridimensionnelle d’objets physiques sur des plans. Sur une feuille de papier par exemple, elle permet de traduire de façon précise les caractéristiques visibles de la forme d’une solution architecturale. Une forme peut être induite géométriquement à 
partir de différentes projections. Les modes de figuration où la forme d’une solution architecturale est projetée orthogonalement sur un plan sont les plus répandus en architecture et représentent une norme chez les professionnels comme les ingénieurs, les architectes ou les entrepreneurs en construction. 
Il s’agit effectivement les éléments mentionnés dans un dossier d’exécution pour les travaux de constructions: plans, coupes et façades. 
Généralement le dessin du plan vient en premier, ainsi, le tracé des façades et des coupes vient par la suite. La géométrie permet
 également d’obtenir un mode de

figuration à partir de projections perspectives et axonométriques. Il existe différentes sortes de perspectives, d’axonométries et de méthodes pour les obtenir. Les projections perspectives ont pour but de simuler ce que l’œil d’une personne peut voir d’un objet. Avec plusieurs projections perspectives, une personne peut obtenir différentes vues d’une solution architecturale lui permettant de se faire une meilleure idée de la forme et des espaces d’un futur édifice. Mais, la représentation perspective n’offre pas une représentation exacte des dimensions de l’édifice ou de la section «perçue». D’où, effectivement, le rôle de l’axonométrie, qui, est une projection de proportions fixes d’éléments de la section. Sur celle-ci, les objets peuvent avoir l’air déformés par rapport à leur forme habituelle. 
 La représentation perspective et axonométrique vient compléter les modes de figuration orthogonale précédents. Ces modes de représentation peuvent également être désignés de graphiques parce qu’ils sont élaborés sur la base de primitives géométriques comme des points, des lignes, des polygones, etc.

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Chapitre I Hégémonie de la vision en architecture

Suprématie de l’oeil dans la représentation

LA MAQUETTE... LE SEUL OUTIL HAPTIQUE ?? Accompagnant la représentation graphique, la maquette vient compléter la figuration de solution architecturale. Effectivement, la figuration d’une solution architecturale peut également être obtenue en utilisant de la matière, comme du carton ou du plâtre. Celle-ci est une projection de la solution à une échelle réduite. On peut identifier deux types de représentations matérielles: premièrement la maquette d’étude et deuxièmement la maquette de représentation.

Fig.26

Fig.27

La première est généralement utilisée pendant la formulation de la solution. Elle est souvent facile à manipuler et à formuler. La deuxième maquette, celle de représentation, vise plus à montrer ce que pourra être le résultat d’un processus de conception. Pour cela, elle reproduit la forme de la solution avec un degré de précision et de détail relativement supérieur à la maquette d’étude. Différentes informations non reliées directement à la substance de la solution sont souvent ajoutées (personnages, voitures, arbustes, etc.) pour donner I’illusion du réel.
 L’usage de ce mode de représentation est limité, par son exigence de temps et d’effort manuel et matériel.

Fig.28

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QUELS OUTILS DE REPRÉSENTATION AUJOURD’HUI? Par l’évolution des techniques de communication dans le monde qu’on a présentée précédemment, de nouveaux modes de représentations architecturales ont pris place.
 Le mode le plus courant de nos jours, et celui qui est devenu indispensable, est le procédé électronique et mécanique. Effectivement, la technologie prend une grande place dans la représentation architecturale: celle-ci nous permet d’obtenir deux types de figurations, les simulations par ordinateur et les photographies. Les simulations par ordinateurs, ainsi les plus fréquentes, sont la reproduction de la plupart des modes de figurations graphiques traditionnels mais avec des facilités nouvelles. Contrairement à la représentation graphique traditionnelle, qui suscite une représentation minutieuse de chaque détails sur différents supports: plans, coupes, façades, perspectives ou axonométrie: la représentation électronique, nous permet, à partir du support géométrique, de générer une série de vues en perspectives ou axonométrie. Une fois l’information introduite, celle-ci peut ensuite être exploitée à multiples fins, allant d’animations permettant un cheminement réaliste ou moins réaliste de la solution architecturale, jusqu’aux calculs des structures les plus complexes.


LA PHOTOGRAPHIE ET LE COLLAGE ? La photographie, elle, est moins présente. Celle-ci est souvent utilisée pour représenter un édifice existant ou quand la solution formulée correspond à un édifice déjà réalisé ailleurs. Cependant, l’utilisation de collages est, comme la géométrie, une représentation qui permet de reproduire ce que l’œil peut voir dans un environnement physique et représente l’environnement physique d’une manière qui nous est familière. Elle peut aussi être une figuration moins réaliste qui, comme la maquette d’étude, permet de manière abstraite représenter l’idée de concept de la solution architecturale. LE TEXTE ! La représentation graphique, la maquette ou le procédé informatique, peuvent toujours être accompagnés par un texte écrit qui décrit la solution architecturale. 
Cette rédaction permet de produire deux types de documents, le devis descriptif et le devis estimatif. Le devis descriptif indique le détail des travaux, la nature des matériaux et les délais de réalisation d’un projet d’architecture. Il apporte des informations sur ce qui ne peut être figuré graphiquement dans des dessins. Il peut apporter des explications relatives à comment organiser et comment réaliser des actions sur un chantier de construction de façon à obtenir le résultat figuré graphiquement. Il permet également de préciser le temps al-

loué et les caractéristiques des matériaux
 à employer pendant la réalisation de chaque action. Ce devis descriptif est complété
 par un devis estimatif qui contient une évaluation des coûts de la réalisation d’un projet d’architecture. Le devis estimatif précise le coût financier associé à chaque opération sur un chantier de construction, comme les matériaux et leur acheminement jusqu’au chantier, les salaires des acteurs, etc. CONCLUSION? À ce moment, on peut remarquer que la plupart des modes de représentation se basent sur l’outil visuel. Seule la maquette exige une dimension matérielle de la solution architecturale. Ainsi, l’évolution des outils de la communication prend en grande partie la responsabilité de l’évolution oculaire de la figuration architecturale.
 La question qui se pose alors est «Comment peut-on réorienter le développement de ces modes de représentations?» Nous verrons dans un chapitre suivant comment, les deux architectes Christopher Downey et Carlos Murao Pereira, à cause de – ou grâce à - leur déficience visuelle, ont pu développer d’autres techniques et modes de représentations architecturales, nous verrons ainsi comment est-ce que seule la figuration architecturale peut influencer notre perception de l’espace architectural.

Fig.29

Fig. 26 : Représentation réaliste faite sur support électronique Exemple de représentation réaliste de projet . Fig. 27 : Maquette Exemple d’une maquette réalisée sur support électronique. Fig. 28 :Collage expressif Exemple de collage irréaliste. Fig. 29 : Représentation faite sur support élécronique Exemple d’une planche de projet.

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Chapitre I Hégémonie de la vision en architecture

Suprématie de l’oeil dans la perception

Fig. 30 : Sommes-nous renfermés dans des volumes en verre ? Représentation de la perception visuelle de l’architecture.

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Fig.30


1.2.3. LA PERCEPTION VISUELLE ARCHITECTURALE

Depuis toujours, l’homme aborde son environnement par tous ses sens. La réception des sens et leur traitement crée ce qu’on appelle la «perception». La perception est donc l’acte ou le résultat de prise de conscience d’informations qui nous entourent. Nous avons vu, dans les chapitres précédents comment le monde s’est orienté, durant les dernières années vers une suprématie de l’œil. Évidemment, la perception de l’environnement devient axée sur une perception oculaire du monde. La question de la perception a été traitée par différentes disciplines, philosophie, psychologie, anthropologie et autres. Ainsi, elle connait différentes définitions. Nous nous focaliserons, sur ce chapitre sur la définition du terme «perception», sur son orientation visuelle et ce qu’elle peut nous offrir dans la perception oculaire de l’architecture. 1.2.3.1. DÉFINITION DE LA PERCEPTION Perception 43 On appelle perception tout «acte de percevoir» ou son «résultat». La perception est définie différemment par divers secteurs: grammaire, philosophie, psychologie et psychanalyse. En tant qu’acte, la perception peut d’être définie par les trois champs précédents comme suit.
 Le verbe de perception, selon la grammaire, est, premièrement, un «verbe qui désigne une opération des sens». 
«La proposition infinitive, sans être absolument de règle après les verbes de perception (regarder, voir, écouter, entendre, sentir, etc.), y est du

moins très habituelle: sans doute parce que ces verbes forment avec l’infinitif complément une unité sémantique si étroite que la langue en fait un bloc. Le Bidois1967, p. 308.» Deuxièmement, c’est «l’acte de prendre connaissance par l’intuition, par l’intelligence ou l’entendement.» Selon la philosophie et la psychologie: l’acte de percevoir est 
«l’opération psychologique complexe par laquelle l’esprit, en organisant les données sensorielles, se forme une représentation des objets extérieurs et prend connaissance du réel. Perception tactile, visuelle: perception spatiale: théorie de la perception. Un des effets du vêtement est de rendre le corps plus présent et plus sensible à lui-même par des perceptions de la peau (Alain, Beaux-arts, 1920, p. 68). La perception est plus que la simple sensation : c’est la sensation suivie de l’acte intellectuel qu’elle suscite immédiate ment et par lequel elle est interprétée». La psychanalyse cependant fait la différence entre deux types d’actes de perceptions: la perception externe et la perception interne, «la première étant fondée sur des sensations dérivées des organes des sens, la seconde étant fondée sur la conscience que l’on prend des processus mentaux « internes » (Rycr .1972). En tant que résultat, la perception est définie par la psychologie en trois types: ce qui est perçu par l’intermédiaire des sens, la prise de conscience de quelque chose ou la «trace psychique».

43. Définition de la perception , < http://www.cnrtl.fr/definition/perception > , consulté le le 31.10.2015

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Chapitre I Hégémonie de la vision en architecture

Suprématie de l’oeil dans la perception

Fig.31

Fig. 31 : Schéma du système optique oculaire

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1.2.3.2. LA PERCEPTION VISUELLE DE L’ARCHITECTURE Généralement la perception est réduite à une perception visuelle. Surtout, de nos jours, l’architecture est devenue discipline de l’œil. Considérée par certains philosophes en étant le sens le plus noble, la vue n’est pas moins imposée en architecture. Pour Viollet-le-Duc «voir c’est savoir» 44, pour Le Corbusier, « je n’existe dans la vie que pour voir» 45... C’est pourquoi les recherches sur les lois de la vision ont été particulièrement développées. Les lois de la vison développées dans le domaine architectural se répartissent en trois genres principaux, premièrement des lois de nature physiologiques, en d’autres termes celles qui s’intéressent à la physionomie de l’œil, deuxièmement celles de nature optiques, qui traitent la géométrie, et enfin celles psychologiques qui se penchent sur la psychologie de la perception, et comment la perception visuelle implique les images mentales et les souvenirs. 46 Évidement, l’image devient non seulement un outil de conception architecturale mais de réception architecturale, et donc interfère directement sur la manière dont nous jugeons

une œuvre. «Je n’existe dans la vie qu’à condition de voir» - Le Corbusier. Lois physiologiques: La domination de la vue dans la philosophie est aussi présente dans la conception et perception architecturales. Comme mentionné au-dessus, la vue est le sens qui nous procure plus de 80 pour cent des informations de l’espace qui nous entoure. Il prend ainsi le dessus de notre perception de l’espace. « Avec ses huit cent mille fibres et largement dix huit fois plus de terminaisons nerveuses que dans le nerf cochléaire de l’oreille, le nerf optique peut transmettre une quantité incroyable d’informations au cerveau, à une cadence de loin supérieure à celle des autres organes des sens. Chaque œil contient cent vingt millions de bâtonnets qui reçoivent l’information à environ cinq cent niveaux de lumière et d’obscurité, tandis que plus de sept millions de cônes nous permettent de distinguer parmi plus d’un million de combinaisons de couleurs» 47

Viollet-Le-Duc disait:« Le dessin enseigné comme il devrait l’être est le meilleur moyen de développer l’intelligence et de former le jugement car on apprend à voir et voir c’est savoir. » 45. Le Corbusier, précisions sur un état présent de l’architecture et de l’urbanisme. Paris, Crès, 1930, cité par J. Pallasmaa, op.cit. note 2. 46. Boudon, Phillipe, Frédéric Pousin, et Phillipe Deshayes. «Enseigner la conception architecturale: cours d’architecturologie». Paris: Éditions la Villette. op. cit. note 41 47. Platon, le Timée, suivi de Critias, cité par Martin Jay, doxncast eyes - The Denigration of vision in twentieth Century French Thought, Berkeley, Univ. Of California Press, 1994, Cité par J. Pallasmaa, op.cit. note 2. 48. Anne Van De Vreken - Perception et représentation de l’espace architectural -

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Chapitre I Hégémonie de la vision en architecture

Suprématie de l’oeil dans la perception

Lois optiques - Gestalt : 48 (fig32)

La loi de Gestalt est un principe physiologique qui met en avant la différenciation entre figure et fond dans la perception visuelle. En effet, dans toute perception, nous percevons un objet par rapport à un fond, que celui-ci soit distinct ou moins distinct. La loi de Gestalt confirme en effet cette pensée en posant différents paramètres visuels de la perception figure-fond, parmi ceux-ci figurent : La taille relative : 
 lorsque deux images sont perçues simultanément, la plus petite sera vue comme figure sur un fond plus grand, La proximité (fig32-1) : 
des éléments proches sont perçus comme appartenant au même ensemble. La similarité (fig32-2) : des éléments semblables sont perçus comme appartenant au même ensemble.

La continuité (fig32-3) : 
des éléments en continuité avec d’autres éléments sont perçus comme faisant partie du même ensemble Le destin commun(fig32-4) : des éléments subissant simultanément un mouvement dans une même direction sont perçus comme appartenant à la même figure
. La fermeture (fig32-5) : une organisation fermée aura tendance à être perçue plus rapidement qu’une organisation ouverte. L’organisation et la symétrie (fig32-6) : 
des éléments symétriques sont perçus plus facilement comme faisant partie du même groupe que des éléments dissymétriques. De même, les organisations horizontales ou verticales seront comprises plus rapidement que les autres. La simplicité (fig32-7) : 
des contours simples seront perçus plus rapidement que des contours complexes.
 On perçoit plus facilement un rectangle et une ellipse plutôt que trois formes séparées.»

Travail de Fin d’études. Université de Liège, faculté des sciences appliquées- 2007-2008 49. Jonas, Hans , ‘The nobility of sight: A study in the phenomenology of the senses’ in The phe-

Fig. 32 : Théorie de Gestalt Différents schémas présentant la théorie

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Fig.32


Lois psychologiques: L’œil est caractérisé comme étant un organe de la distance et de la séparation. C’est un instrument de perception rationnel qui a tendance à isoler et à extérioriser le sujet par rapport à une situation puisque l’œil doit aller chercher l’information lui-même. La vue est un sens qui se caractérise, comme l’avance Jonas Hall 49, par la simultanéité. C’est-à-dire que grâce à la vue, on arrive à comprendre plusieurs entités en un instant. On arrive à percevoir plusieurs éléments, une fois ils entrent dans notre champ de vision. Ainsi, à travers la vue, on reçoit plusieurs informations de l’espace qui nous entoure. L’illusion optique, avantage ou inconvénient ? Mais contrairement aux autres sens, l’information acquise pas le sens oculaire est exposée à une non-crédibilité, puisque l’illusion optique est très présente, même si nous ne le remarquons pas parfois, dans nos activités quotidiennes. Parmi les exemples les plus fréquents, celui du soleil et de la Terre, nous percevons peut-être que le soleil tourne autour de la Terre, alors que la Terre tourne autour du Soleil. 50 Les illusions perceptives sont le résultat d’une

analyse employant des outils perceptifs des situations quotidiennes pour des situations particulières. Il est question d’illusion perceptive quand l’image reçue par le cerveau est différente de l’image réelle.
 Ce qu’on voit et ce qu’on croit connaitre à propos de l’espace qu’on regarde sont très différents. Nos perceptions sont des inférences inconscientes de notre système sensoriel, ou des hypothèses prédictives des informations. La perception est une traduction instantanée et inconsciente des signaux reçus de nos sens vers ce que nous recevons comme réalité. Le rôle de la perception visuelle peut être mieux compris en considérant les illusions optiques, où ce que nous croyons voir et ce qui est en face de nous sont deux choses différentes. La suprématie oculaire a été très présente dans l’architecture des trente dernières années quand l’objectif de celle-ci devient l’image figée. « Au lieu d’être une expérience existentielle plastique et spatiale, l’architecture a adopté la stratégie psychologique de la publicité et de la persuasion instantanée: les constructions sont devenues des produits-images, détachés de toute profondeur et sincérité existentielles. » 51

Fig.33

nonmenon of life: Towards a philosophical biology. H. Jonas (ed.), 135-156. New York: Harper & Row, 1966 cité par Kavanagh, Donncha, Ocularcentrism and its Others: A Framework for Metatheoretical Analysis, 2003-2004. 50. Dalia Jutovitz, «Vision, Representation, and Technology in Descartes «, cité par D.M.Levin, op.cit. note 5. 51. J. Pallasmaa, op.cit. note 2.

Fig. 33 : Illusion optique Illusion optique sur la façade du parthénon.

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Chapitre I Hégémonie de la vision en architecture

Conclusion de chapitre Ce chapitre nous a permis de faire le point sur la présence non-négligeable de l’image en architecture. Ceci nous permettra alors de savoir identifier les points à remettre en question dans la conception, la représentation et la perception architecturale. Ceci dit, on est arrivé à quelques conclusions: I. Premièrement, la question de l’hégémonie visuelle émane d’une problématique plus grande, qui est une suprématie visuelle culturelle. II. Deuxièmement, les outils à remettre en questions ou à développer sont les suivants : . Repenser la programmation architecturale comme expérience spatiale et noncomme aménagement fonctionnel des es-

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paces. . La façade d’une œuvre architecturale ne devrait pas être un objectif mais le résultat d’un aménagement intérieur. . La maquette doit être plus présente durant la conception architecturale. . Quelques outils, comme la lumière, la couleur et les propriétés du contexte devraient dépasser l ‘échelle superficielle de « ce qu’on voit » vers « ce qu’on ressent ». III. Et enfin, nous, en tant qu’architectes et futurs architectes, sommes responsables de cette orientation visuelle de la discipline architecturale, et donc sommes capables de la réorienter vers une dimension corporelle et sensible.


2

.

L ’ a r c h i t e c t u r e au-delà du visuel ou l’architecture des sens 49


Chapitre II Une architecture au-delĂ du visuel

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Introduction Cette deuxième partie se présentera comme projet d’expérimentation. Ce projet de fin d’études va explorer la manière dont l’expérience multi-sensorielle peut être impliquée dans l’architecture comme supplément de communication du sens du lieu. Les architectes peuvent, en concevant des espaces multi-sensoriels en se référant aux personnes atteintes de déficience visuelle, créer des espaces qui interagissent mieux avec les personnes. En conséquent, après définition de la suprématie visuelle en architecture, nous allons aborder une nouvelle méthodologie de conception qui implique le corps avec tous ses sens. Ce projet sera ainsi une exploration d’une nouvelle méthodologie impliquant une dimension sensorielle au-delà du visuel, tant dans la conception que dans la représentation de la solution architecturale. Problématique Comme mentionné au-dessus, les espaces qui nous entourent sont conçus principalement sur une base visuelle. En conséquent on vient à se demander, de quoi aura l’air un espace qui ne le serait pas. Quels outils, alors, pour concevoir cet espace ? Et quels autres pour le représenter? Afin d’expérimenter ce travail de mémoire, nous allons mettre en place un projet qui mettra en avant quelques-uns des outils d’une conception « au-delà » du visuel. Le programme du projet choisi sera un projet

d’école primaire pouvant accueillir des enfants atteints de déficience visuelle. Notons que ceci est un projet expérimental, donc l’établissement n’accueillera que des enfants atteints de déficience visuelle, alors que dans un cas échéant, la marginalisation des personnes non-voyantes est inacceptable et la mixité des espaces pour non-voyants et voyants est primordiale. Motivation Le choix du programme d’une école primaire est venu de l’idée que ce programme fait partie des équipements les plus difficiles à concevoir pour des personnes non-voyantes. Ainsi, étant donné que même avec la différence des deux méthodologies d’enseignement (pour élèves voyants et non-voyants), la conception d’espaces d’enseignement peut être plus riche en valorisant la multi-sensorialité spatiale. Objectif L’objectif de ce projet est bien évidemment la mise en avant d’une méthodologie de conception et de représentation qui dépassent la dimension visuelle vers une dimension sensible variée. Ainsi le projet d’école primaire aura pour objectif primordial la mise en place d’un environnement d’enseignement et de divertissement qui soit spatialement plus riche, et qui, dans sa conception, redéfinit la valeur des éléments architecturaux.

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Phase analyse - Que voit un non-voyant ?

2.1.ANALYSE

2.1.1. QUE «VOIT» UN NON-VOYANT? 2.1.1.1. QU’EST-CE QUE LA CÉCITÉ? « Principaux faits 2 . Il y a dans le monde près de 285 millions de personnes qui présentent une déficience visuelle: 39 millions d’entre elles sont aveugles et 246 millions présentent une baisse de l’acuité visuelle. 2. Organisation Mondiale de la santé, «cécité et déficience visuelle»; < http:// www.who.int/mediacentre/ factsheets/fs282/fr/ >, Consulté le 30.08.2015 3. OMS: Organisation mondiale de la santé. L’OMS est l’autorité directrice dans le domaine de la santé des travaux ayant un caractère international au sein du système des Nations Unies. < www.who.int/fr/ > consulté le 30.08.2015 4. La déficience visuelle, < http://www.handipole.org/ spip.php?article2747 > , consulté le 30.08.2015

. Près de 90% de celles qui présentent une déficience visuelle vivent dans des pays à faible revenu.
 82% des aveugles sont âgés de 50 ans et plus. . Dans le monde, les défauts de réfraction non corrigés constituent la principale cause de déficience visuelle mais, dans les pays à revenu

CÉCITÉ OU MALVOYANCE

Entre cécité et mal-voyance, il existe plusieurs types de déficiences visuelles 4. Généralement les formes de mal-voyance et de déficience visuelle peuvent être classées par deux critères principaux : premièrement l’état

faible et intermédiaire, la cataracte reste la première cause de cécité. . Au cours de ces 20 dernières années, on a observé une forte diminution du nombre de personnes présentant une déficience visuelle due à une maladie infectieuse. . 80% de l’ensemble des déficiences visuelles sont évitables ou curables.» . Selon l’OMS 3, la cataracte est la première cause de cécité au Maroc.

du champs visuel 5, c’est-à-dire l’étendue de l’espace qu’un œil peut voir, et deuxièmement la mesure de l’acuité visuelle6, qui définit à quel point l’œil peut voir les détails.

5. Le champ visuel est la portion de l’espace vue par un œil regardant droit devant lui et immobile. Lorsque l’œil fixe un point, il est capable de détecter dans une zone d’espace limitée, des lumières, des couleurs et des formes - Wikipédia 6. L’acuité visuelle (un œil en vision de loin) est la capacité à discerner un petit objet (ou optotype) situé le plus loin possible : donc de voir à une distance fixe (en général cinq mètres) un optotype sous le plus petit angle possible.

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Fig.1


Fig.2

Fig.3

Fig.4

Fig.5

QUE VOIR ? Se basant sur le critère de l’état de champs visuel, on peut compter quatre formes de malvoyances principales. Premièrement l’atteinte de la vision centrale (fig.2), qui implique une baisse de l’acuité visuelle, provoque des incapacités totales ou partielles d’écriture, de lecture, de coordinations oculo-manuelles fines et influe sur la profondeur du champ visuel. Deuxièmement l’atteinte de la vision périphérique (3), dans ce cas les personnes n’ont plus de perception visuelle possible, ou de qualité suffisante, autour du point de fixation. Leur champ visuel se rétrécit jusqu’à devenir tubulaire. Elle concerne la vision du mouvement, la recherche visuelle, la vision de nuit et provoque des incapacités, totales ou partielles de déplacements, de poursuite visuelle, de contrôle visuel par faible éclairement. Troisièmement la vision floue (fig.4), qui implique une réduction de l’acuité visuelle par opacification des milieux transparents de l’œil, concerne la vision précise, celle des contrastes et des couleurs et provoque des incapacités totales ou partielles de lecture et de déplacements, de perception des reliefs, une forte sensibilité à l’éblouissement.
 Quatrièmement et enfin, les atteintes visuelles d’origine cérébrales, celles-ci sont les résultats de traumatisme ou de lésion cérébrale VOIR À QUEL POINT ? (fig.5) D’une autre part, en s’appuyant sur le critère définit par la mesure de l’acuité visuelle : l’Organisation Mondiale de la Santé classe cinq catégories de déficience visuelle: la déficience visuelle modérée, la déficience vi-

suelle grave, la déficience visuelle profonde, la cécité presque totale et la cécité totale. Celles-ci sont définies par la mesure de l’acuité visuelle, qui définit à quel point l’œil peut voir les détails. L’OMS définit la déficience visuelle modérée comme état d’acuité visuelle binoculaire corrigée entre 1 et 3/10, la personne atteinte de cette catégorie de déficience peut accomplir les tâches quotidiennes normalement et n’a besoin que d’une aide simple. Par contre, la déficience visuelle grave est celle où l’acuité binoculaire corrigée est entre 1/20 et 1/10 et quand la personne atteinte peut effectuer des activités en s’appuyant sur la vision mais avec des aides spécifiques et un niveau de vitesse moindre et une fatigabilité importante. La déficience visuelle profonde est quand l’acuité binoculaire corrigée est entre 1/50 et 1/20, dans cet état, la personne atteinte ne peut pas effectuer des tâches en s’appuyant que sur la vision, même avec des aides. La personne doit se référer aux autres facteurs sensoriels. Quant à la cécité presque totale, l’acuité binoculaire corrigée dans ce cas est inférieure à 1/50 et la personne malvoyante doit obligatoirement s’appuyer aux autres informations sensorielles et sur les technique palliatives. N’empêche que en cas d’atteinte de cécité presque totale, la personne est capable de percevoir la lumière. Enfin, la cécité totale est une «absence de vue», la personne ne pas percevoir de lumière et ses autres sens prennent la relève.

Fig. 1: Acuité visuel et champ visuel, Schéma explicatif Fig. 2 : atteinte de la vision centrale Illustration de déformation de déficience visuelle . Fig. 3 : Atteinte de la vision périphérique Illustration de déformation de déficience visuelle. Fig. 4 :Vision floue Illustration de déformation de déficience visuelle.

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Phase analyse - Que voit un non-voyant ?

Fig.6

2.1.1.2. PARCOURS VISUEL VS PARCOURS NON-VISUEL La ville se compose d’une multitude d’effets sensoriels. Consciemment ou non, et de part l’importance que nous donnons à l’outil visuel, ces effets multiples sont souvent négligés. En se référant à une analyse sensible faite par les étudiants de l’École d’architecture de Casablanca sur un parcours donné, nous avons constaté que malgré le potentiel d’une analyse sensible, les études s’orientent souvent vers une analyse visuelle de l’espace. En effet, l’École d’architecture de Casablanca a organisé un workshop intitulé « à la croisée des regards » pour les étudiants de première, deuxième et troisième année. Celui-ci porte sur une analyse sensible d’un parcours de la gare de Casa-port au boulevard Zerktouni à Casablanca, en passant par les espaces de la place des Nations Unies, la place MohamedV et du parc de la Ligue Arabe.

7. Planches présentées par les étudiants.

Fig. 6: Plongeon dans la ville de Casablanca collage, la ville et les sens

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Ce parcours constitue en effet une richesse sensorielle incomparable. D’une grande diversité, ce parcours illustre les caractéristiques fortes de la ville de Casablanca. Allant d’espaces minéraux plus calmes vers d’autres plus bruyants, d’espaces verts plus ouverts vers d’autres plus fermés, d’espace piétonniers vers d’autres automobiles. Les analyses faites par les étudiants7 ont porté sur différentes thématiques. Nous citerons, celles qui semblent nous rapporter le plus dans notre étude.

La première thématique est intitulée « le loin et le proche ». Les étudiants travaillant sur ce thème sont arrivés à définir la ville par les éléments contrastés qui la forment. En effet, en se basant sur cette étude, ils sont arrivés à identifier la multitude des styles que représente Casablanca, des styles qui mettent en avant les différentes facettes de la ville, et donc les différentes identités que celle-ci peut avoir. En s’appuyant sur la théorie des percées visuelles, ils ont été capables de mettre le point sur l’effet que peut avoir le loin sur le proche, ou le proche sur le loin. Ils ont, à ce propos, réalisé quelques collages sur lesquelles les vues ont été modifiées de sorte à inverser cet effet et donc une manière de démontrer sa présence. La mise en avant des percées visuelles dans cette étude l’a en effet orientée vers une analyse principalement oculaire. La deuxième thématique est intitulée « repérage », son objectif est de définir ce qu’est un repère. En effet, les étudiants sont arrivés à l’avancer comme étant l’élément qui permet de différencier un espace d’un autre. Le repère peut alors marquer par son caractère monumental, son ouverture, sa fermeture ou même sa fonction. Mais ce qui importe dans cette étude, c’est non pas la détermination des repères physiques du parcours, mais de la manière dont ceux-ci peuvent être perçus. Ils ont alors adopté le point de vue de trois per-


sonnes, chacune appartenant à une tranche d’âge différente: un enfant, un jeune homme et un sage homme. Le constat de base est que les repères diffèrent selon l’âge. L’enfant est attiré par les couleurs, le mouvement et les divertissements. Le jeune homme, lui, cherche à mieux comprendre l’espace. Il passe de l’un à l’autre en ressentant un changement. Le sage, qui a déjà vécu des moments dans ce même endroit, revoit les places qui l’ont marqué durant son histoire. Mais chacune des trois personnes remarque le passage d’une séquence à une autre. L’exercice a atteint son objectif: montrer comment chaque personne ressent la transition.

biances sonores que ceux-ci offrent. Cette étude a permis aux étudiants une autre approche d’analyse du terrain. Une expérience qui leur a permis de voir le parcours d’une autre manière, une manière qui implique un autre sens, le sens de l’ouïe, « un parcours à l’aveugle ou à l’ouïe raconte une forme de ville que l’œil ne peut percevoir. »

Finalement, on est là dans une étude plus sensorielle de l’espace, dans la mesure où les étudiants sont arrivés à avancer l’effet qu’un espace peut avoir sur l’esprit d’une personne d’une manière ou d’une autre. On est donc dans une exploration corporelle de l’environnement.

Donc dans le même esprit, nous nous sommes penchés sur l’étude de la perception des espaces par les non-voyants, et comment, ces personnes, qui par leur handicap ont été obligées de développer d’autres manières de « voir » le monde.

La troisième thématique, et qui semble être la plus intéressante à notre propos, est intitulée « le son ». Les étudiants qui se sont penchés sur cette étude ont mis le point sur la dimension sonore comme guide d’exploration de l’environnement. En effet, en se basant sur des enregistrements audio du parcours et en effectuant le trajet à « l’aveuglette », ils sont arrivés à déterminer l’identité des espaces par les am-

En conséquent on remarque qu’en fermant les yeux on ne voit pas moins mais on voit différemment. D’où en effet l’objet de notre étude : comment en tant qu’architecte, en fermant les yeux on peut voir plus et donc concevoir mieux ?

Afin d’appuyer cette théorie de compensation sensorielle chez les non-voyants, nous avons décidé d’effectuer le même parcours mentionné précédemment avec la présence d’une personne atteinte d’une déficience visuelle. L’idée était de refaire le même trajet, et de laisser la personne non-voyante décrire le trajet à sa manière. Donc sur chaque espace, sa description était une réponse à la question « où sommes nous ? ».

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Phase analyse - Que voit un non-voyant ?

«Où sommes-nous?» (1)

« Nous sommes dans un espace entouré d’arbres, parce que je sais que le flux automobile est à proximité mais le son est loin, si tu vois ce que je veux dire..... C’est bien ici, le revêtement du sol est homogène je le sens.... l’odeur du gazon est agréable...»

Le «Casablanca des sens» Parcours réalisé avec une personne non-voyante (Mme Nouria Yakoubi)

«Où sommes-nous?» (2)

« Nous sommes dans un espace ouvert, je sais qu’il n’y a rien devant moi... Un espace public?? j’entends le brouhaha des gens.. Le flux automobile est très loin.. Ah ! le tramway, mon moyen de transport favori!!!»

«Où sommes-nous?» (4)

« Nous sommes dans un espace végétal, je sens l’ombre des arbres sur ma peau.. Le silence...Mais au loin j’entends un chantier, des voitures... où sommes nous au juste??»

«Où sommes-nous?» (3)

«Des galeries ? L’écho est très présente Un espace très intime, on a l’impression d’être à l’extérieur mais à l’intérieur... Nous venons de dépasser un café, l’odeur de café mélangée à l’odeur de cigarette....»

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«Où sommes-nous?» (5)

« Oui j’adore les oiseaux, un jour j’ai été à la place MedV avec ma famille, quel bonheur !!.... où sommes-nous? Il y a trop de bruit ici, tout est mélangé... L’eau, les voitures, le brouhaha .. Mais qu’est-ce que j’entends... des pigeons? Sommes-nous dans la place???»

«Où sommes-nous?» (6)

« Je passe par où? Houda, tiens mon bras, ici c’est un labyrinthe de voitures.. Il y a beaucoup trop d’obstacle.. Vas-y et je te suis... Tu sais quoi, je préfère descendre marcher sur le granit, il y a moins d’obstacles là-bas...»

«Où sommes-nous?» (7)

« Ouff!! là c’est mieux, c’est plus calme, nous sommes dans un espace public, je sens l’ombre des arbres et je peux entendre le gazouillement des oiseaux... Non, non, le changement de revêtement du sol ne me dérange pas ici, ça me permet de reconnaitre le jardin.»

«Où sommes-nous?» (8)

« Un rond point?? Le bruit des voitures vient de partout... c’est contrasté avec le calme et le silence du parc.. Pouvons-nous revenir au parc?»

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Phase analyse - Quels sens à remettre en valeur?

2.1.2. QUELS SENS À REMETTRE EN VALEUR ALORS? L’expérience précédente ainsi que la définition de la cécité nous ont permis de mettre le point sur différentes perceptions de l’espace par les personnes non-voyantes. Dans cette partie du chapitre nous allons développer les sens responsables de la perception chez un nonvoyant.

8. J. Pallasmaa, op.cit. note 2 9. Montague Francis Ashley-Montagu est un anthropologue et humaniste anglais. 10. Ashley Montagu, «la peau et le toucher: un premier langage», Broché, 2014. 11. Interview avec personne non-voyante (Nouria Yacoubi) lors de l’interview. 12. Ashley Montagu, «la peau et le toucher: un premier langage», op, cit. note 10 13. Haptique-Wikipédia< https://fr.wikipedia.org/wiki/ Haptique >: Consulté le 25.08.2015 14. Interview avec personne non-voyante, op. cit. note 131

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L’architecture dispose déjà d’un potentiel sensoriel énorme qu’on a choisi, par la suprématie de l’outil visuel de «négliger». Comme le confirme clairement l’architecte Juhani Pallasmaa, « Toute expérience de l’architecture qui nous touche est multi-sensorielle; les qualités d’espace, de matière et d’échelle se mesurent également par l’œil, l’oreille, le nez, la peau, la langue, le squelette et les muscles. L’architecture fortifie l’expérience existentielle, notre sensation d’être au monde, c’est une forte expérience personnelle. Au lieu de la vision seule ou des cinq sens classiques, l’architecture sollicite plusieurs domaines d’expérience sensorielle qui interagissent et se confondent»8. Mis à part la perception visuelle, nous avons choisi de développer trois types de perceptions chez les non-voyants : premièrement la perception haptique, qui englobe la perception tactile, la perception thermique et la perception kinesthésique, ensuite la perception sonore, puis enfin la perception olfactive. Sans oublier bien évidemment de présenter quelques-unes des théories qui ont marqué l’histoire de la perception comme la «phénoménologie», pour enfin montrer la place que prend la culture dans la perception de l’espace. 2.1.2.1. La perception haptique Il est entendu que le premier sens que les non-voyants et malvoyants développent est celui du toucher. 
Selon l’anthropologue Ashley Montagu, 9 «la peau est organe le plus ancien et le plus sensible, notre premier outil de communication et notre perception la plus efficace» 10. Comme pour Juhani Pal-

« ... Je «vois» ... ah je dis «voir» mais je parle de voir avec les sens pas les yeux ! »» 11 lasmaa qui considère que tous les sens sont des extensions du sens du toucher, Montagu avance que « Le toucher est l’ancêtre de nos yeux, de nos oreilles, de notre nez et de notre bouche. C’est le sens qui s’est différencié des autres, fait qui semble reconnu dans la très ancienne appréciation du toucher comme étant la «mère des sens» ». 12 La perception haptique est donc une compréhension de l’espace indispensable pour le non-voyant. La perception haptique détient une grande importance chez l’être humain. Celle-ci met en œuvre des processus très complexes intégrant simultanément les informations cutanées, proprioceptives et motrices liées aux 
mouvements d’explorations haptiques pour former un ensemble indissociable. «
L’haptique, du grec ἅπτομαι (haptomai) qui signifie « je touche », désigne la science du toucher, par analogie avec l’acoustique ou l’optique. Au sens strict, l’haptique englobe le toucher et les phénomènes kinesthésiques, c’est-à- dire la perception du corps dans l’environnement.» 13

« ... Je vois avec mes mains»

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Nous pouvons, par conséquent classer deux sous-types de perception haptique. Premièrement la perception tactile, qui est principalement issue d’un récepteur sensoriel dont est responsable la peau, comme les textures, la chaleur. Et deuxièmement la perception kinesthésique ressentie à partir des muscles, tendons et articulations, c’est une perception principalement relative au corps lui même.


a. La perception tactile La perception tactile se fait par toute la peau, que ce soit au niveau des mains, dans la manière où nous distinguons la forme des objets, au niveau des pieds, où nous pouvons différencier les textures du sol, au niveau des épaules, où nous ressentons la chaleur du soleil. . Le toucher est l’un des sens les plus subtils de l’être humain. C’est le sens de la proximité, de l’intimité et de l’affection. Le toucher est le sens qui nous rapproche du monde qui nous entoure, c’est le sens qui permet de définir l’environnement. Hegel avance que le toucher est le sens qui nous permet d’identifier la profondeur spatiale, parce qu’il estime que le toucher «ressent le poids, la résistance et la forme tridimensionnelle (gestalt) des corps physiques, nous permettent ainsi de prendre conscience de l’étendue des choses autour de nous, dans toutes les directions». 15 On distingue généralement deux types de perceptions tactiles, la perception tactile passive et la perception tactile active.
 La première renvoie à l’action d’«être touché»,

c’est-à-dire qu’elle implique toute sensation subie à la peau quand le corps est immobile. Le traitement perceptif ne concerne alors que la couche supérieure de la peau, comme, par exemple, on ressent l’eau couler sur la peau, mais celle-ci n’évoque que la partie extérieure de la peau.

« ...Non, c’est bon les reliefs du revêtement du sol du jardin ne me dérangent pas, c’est un jardin après tout, c’est avec ces reliefs que j’arrive à le 16 reconnaitre... »» La deuxième, la perception tactile active ou perception «tactilo-kinesthésique», comme introduit en psychologie par Revesz, 17 est la perception qui résulte d’un mouvement exploratoire. C’est effectivement la conséquence d’exploration de la peau en entrant en contact avec des objets extérieurs. Comme, par exemple, le cas de caresser une texture. Ce mouvement affecte à la fois la partie supérieure de la peau ainsi que les muscles participant au mouvement d’exploration.

15. Source perdue. 16. Interview avec personne non-voyante, op. cit. note 131 17. Révész, Geza. Uber die Natur der optischen und haptischen Formwahrnemung. Amsterdam: Koninklijke Academie voor Wetenschap, 1931. In Revesz, Géza. (1950). The psychology and art of the blind. London: Longmans Green. cité par Jasmien Herssens, UHasselt/ University College Hasselt (PHL) – Katholieke Universiteit Leuven (K.U.Leuven) Haptic Design research: a blind sense of place»

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Phase analyse - Quels sens à remettre en valeur?

b. La perception kinesthésique La perception kinesthésique est celle qui «concerne la sensation de mouvement des parties du corps»18. Le corps est confronté durant son activité quotidienne à un environnement qui l’entoure, le sens kinesthésique intègre les informations sur les positions, les mouvements et les forces appliqués sur ou par le corps. Juhani Pallasmaa, en décrivant la position de son corps par rapport à la ville, écrit « Mon corps est confronté à la ville: mes jambes mesurent la longueur de l’arcade et la largeur de la place; inconsciemment mon regard projette mon corps sur la façade de la cathédrale, pour y parcourir moulures et contours et ressentir les dimensions des creux et des reliefs; il s’appuie de tout son poids contre la masse du portail et ma main

saisit la poignée tandis que je pénètre dans le vide obscur. Je suis dans la cité et la cité existe dans mon expérience corporelle. La cité et mon corps se complètent l’un l’autre et se définissent l’un par l’autre. J’habite la cité et la cité habite en moi”.19 Semblablement à la perception tactile, la perception kinesthésique peut être composée par deux types de sens, premièrement le sens proprioceptif; celui qui est relatif aux stimuli se produisant dans l’organisme, c’est le sens qui nous permet de connaitre la configuration de notre corps dans l’espace sans avoir à le regarder. Deuxièmement, le sens extéroceptif qui est, contrairement au premier, relatif aux stimuli de phénomènes extérieurs au corps.

Fig. 8 : Différence de textures sur le parcours ‘casaport-bdZerktouni’ La différence des textures marque l’identité de chaque espace, et active le sens haptique chez le non-voyant. Fig. 9 : Différence d’intensité de lumière Par leurs récepteurs haptiques, les nonvoyants arrivent à identifier les composants de l’espace ( arbres, batiments hauts, poteaux) par l’ombre que ceux-ci créent. 18. Définition de Kinesthésique, < http://www.cnrtl.fr/ definition/kinesth%C3%A9sique >, consulté le 26.08.2015 19. J. Pallasmaa, op.cit. note 2.

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Fig.8 Fig.9


« ... J’ai froid, pouvons-nous 20 nous mettre sous le soleil?»» c. La perception thermique La plupart des personnes confondent la perception thermique et la perception tactile, ces deux perceptions sont nettement distinctes. Juste le fait qu’elles aient le même support perceptif, la peau, ne fait pas d’elles la même chose. La perception thermique ou la «thermoception» est la perception de la température de notre environnement, et donc la capacité de faire la différence entre froid et chaud. La capacité de percevoir les changements de températures est un facteur important dans la relation que nous avons avec les gens ou
 les objets qui nous entourent : ces derniers dégagent une chaleur qui leur est spécifique qui, si elle est peu perçue 
par la plupart d’entre nous, est d’une utilité non négligeable pour les non-
voyants. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer les perceptions ressenties entre la préhension 
d’une barre en acier ou en bois, ou encore se rappeler le phénomène d’entassement ressentis dans une foule dont nous avons tous un jour fait l’expérience.
 La perception thermique a été le centre des

études architecturales pendant très longtemps. Les architectes adaptent leurs édifices en fonction du climat. Plusieurs facteurs peuvent influencer l’environnement thermique comme l’orientation solaire, la direction du vent, les matériaux, les ouvertures; l’idée derrière une étude architecturale climatique est de créer un espace à température ambiante confortable.
 Steiner, montre l’importance de la perception thermique dans la perception de l’environnement comme suit : «L’apport de chaleur suppose une température déterminée de l’environnement avec lequel nous entrons en rapport. Représentez-
vous seulement combien il vous serait impossible intérieurement de vivre à la bonne température si celle de votre environnement était plus élevée ou plus basse! Imaginez-
vous à 100 degrés plus bas: il vous serait impossible de recevoir la chaleur nécessaire; vous cesseriez de recevoir de la chaleur ou à 100 degrés de plus: vous feriez plus que transpirer!» 21

20. Interview avec personne non-voyante, op. cit. note 131 21. « Conférence donnée par Rudolf Steiner », Domach (CH), 12 Aout 1916.

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Phase analyse - Quels sens à remettre en valeur?

2.1.2.2. La perception sonore «La vue isole alors que le son rapproche»22. Nos yeux partent à la recherche de l’information pendant que l’information sonore parvient à nos oreilles.
 Comme relevé antérieurement, avant l’avènement de la suprématie visuelle, c’est le son qui occupait la place centrale. À l’époque, l’homme était considéré comme le centre du monde, et donc, c’est l’information qui part chercher l’homme et non le contraire. Walter J. Ong appuie ce raisonnement en écrivant : «pour les cultures orales, le cosmos est un évènement en marche dont l’homme occupe le centre. L’homme est l’umbilicus mundi, le nombril du monde» 23.

« ... Ah ! nous sommes sous les galeries du bâtiment, l’écho est très présent ... »» 24

Fig. 10 : Le Silence Louis Kahn, 22. J. Pallasmaa, op.cit. note 2. 23. Walter J. Ong, op.cit. note 7.

Par conséquent, la perception auditive est un sens qui lie, qui fait pénétrer l’environnement dans notre corps. Au niveau de la hiérarchisation des sens chez un non-voyant, l’ouïe vient, en parallèle, à la même place que le toucher. Il structure l’expérience et la compréhension de l’espace. Contrairement à ce que l’on pourrait penser,

même après la primauté de la vue sur l’ouïe, ce dernier reste très omniprésent dans notre vie quotidienne. Comme le souligne Pallasmaa, si nous prenons l’exemple d’un film, que nous essayons de lui supprimer le son, on ne le regarderait certainement pas de la même manière, «la scène perd de sa plasticité, de son sens de la continuité de la vie»25. Le silence devient aussi important que la présence de sons puisque, à l’instar de l’ombre pour la lumière, c’est le silence qui crée les contrastes et permet d’établir des liens et une hiérarchie entre les différents signaux perçus.
 « L’expérience la plus importante créée par l’architecture est la tranquillité. L’architecture présente l’aventure de la construction que le matériau, l’espace et la lumière transforment en silence. Finalement l’architecture, c’est l’art du silence pétrifié. Quand cesse le désordre du gros œuvre, quand s’éteignent les cris des ouvriers, le bâtiment devient un musée de l’attente, du silence patient . . . Les vieilles maisons nous ramènent au temps long et au silence du passé. Le silence de l’architecture est un silence sensible plein de souvenirs. L’expérience d’une architecture forte fait taire tout bruit extérieur; elle concentre notre attention sur notre existence même, et comme tout art, nous fait prendre conscience de notre solitude fondamentale ».26

24. Interview avec personne non-voyante, op. cit. note 131 25. J. Pallasmaa, op.cit. note 2. 26. Source perdue.

62 Fig.10


Fig.11

« ... J’ai presque envie de faire un picnic ici, l’odeur du gazon 29 est magnifique ! »» 2.1.2.3. La perception olfactive «Vous allez maintenant sortir de vous-
même avec le sens de l’odorat. Et vous entrez déjà dans un rapport avec le monde extérieur. Mais vous aurez le sentiment que, par ce sens de l’odorat, vous pénétrez peu à l’extérieur ». 27 La perception olfactive est donc une perception qui rapproche, c’est une perception intime de l’espace. 
C’est le sens qui est le plus étroitement relié à la mémoire. Dans le cerveau humain, les odeurs et les émotions sont gérées par la même partie cérébrale. Cette situation fait en sorte que l’odorat soit souvent plus porteur de souvenirs à long terme que les autres sens. Toujours est-il, c’est une perception qui a été négligée par les architectes à travers le temps. Étant donné qu’elle est une compréhension de l’espace plus inconsciente que consciente, elle a été oubliée. «L’architecture est justement une discipline destinée à donner des cadres aux activités humaines. Elle parait cependant loin, aujourd’hui de tenir compte de leurs dimensions olfactives» 28 Dans une étude de thèse sur les ambiances olfactives dans l’espace construit, un étudiant décrit le rôle de l’architecture dans l’atmosphère olfactive comme étant une recherche vers le « qui sent bon», il écrit : «L’architecture contemporaine place l’odorat au dernier rang de ses préoccupations sensibles, dans une hiérarchie sensorielle qui

pourrait correspondre à celle des occidentaux modernes. L’anthropologue D. Howes a un temps qualifié la société occidentale moderne d’odoriphobe et pour A. Corbin nous serions aujourd’hui des «êtres intolérants à tout ce qui vient rompre le silence olfactif de notre environnement». La place de l’odeur dans notre société apparaît, plus subtil qu’un refus systématique. Bien sûr, les remugles de matières en décomposition semblent unanimement rejetés, tout comme les émanations issues des activités pétrochimiques. Cependant, la répression de ces odeurs est inscrite dans un régime de préférences qui tend le plus souvent, non pas à un silence olfactif mais à une «bonne» odeur. Le gigantesque marché des arômes et des parfums, en témoignant d’un souci exacerbé du «tout sens bon», plaide contre l’odoriphobie générale de notre société.» 30 Il est convenu, par conséquent, que la perception olfactive est très liée à la culture de chaque individu. Notons que les marocains, en tant qu’arabes, donnent une importance remarquable au sens de l’odorat. Il est effectivement présent majoritairement dans les lieux de cultes. Ceci renvoie à la religion, puisque l’usage de parfum dans la religion islamique est de grand poids, étant donné que sentir «bon» en Islam s’apparente au respect d’autrui.

Fig. 11 : Le parcours olfactif La présence de la propriété olfactive des espaces est certes rare, mais celle-ci est la plus identifiante des espaces. 27. op. cit. note 144. 28. Suzel Balez. Ambiances olfactives dans l’espace construit : perception des usagers et dispositifs techniques et architecturaux pour la maˆıtrise des ambiances olfactives dans des espaces de type tertiaire.. Architecture, am´enagement de l’espace. Universit´e de Nantes, 2001. Francais. 29. Interview avec personne non-voyante, op. cit. note 131 30. Suzel Balez. Ambiances olfactives dans l’espace construit. op.cit.note 28

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Chapitre II Une architecture au-delĂ du visuel

Phase analyse - Quels sens Ă remettre en valeur?

Fig. 12 : Fermer les yeux pour sentir plus Collage

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Fig.12


Étude de cas :

Quelle architecture multi-sensorielle au-delĂ du visuel?

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Phase analyse - Quels sens mettre en avant?

2.1.3. ÉTUDE DE CAS

Quelle architecture des sens? Nous avons pu identifier dans le chapitre précédent les sens responsables d’une perception non-visuelle de l’espace. Donc les sens à remettre en valeur pour une conception pour non-voyants. Cette partie du chapitre sera alors une introduction à des projets de référence ayant mis le point sur un ou plusieurs sens.

Le son en architecture Le cylindre sonore - Bernhard Leitner Architecte : Bernhard Leitner Situation : Parc de La Villette, Paris Date de construction : 1987 Programme : Installation ouverte au public Parti architectural : Le son et l’espace deux facteurs élémentaires.

La dimension sonore est souvent prise en considération dans sa dimension acoustique en architecture. En effet, à part quand il s’agit de théâtres, de cinémas ou d’espaces principalement phoniques, le son est peu mis en avant, et on ne parle alors que «d’isolation acoustique».

31. Bernhard Leitner cité par Hannes Hozl, Can we create space by means of sound? , Aout 2003.

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de l’extérieur, pourtant, par sa qualité d’intensité il est capable de créer des limites abstraites ressentis.

L’installation ! Partiellement caché entre les branches en bambou, le Cylindre Sonore se tient avec ses doubles murs de béton sur un point de niveau Toutefois, la mesure sonore de l’espace bâti inférieur des ruelles limitrophes, comme un forme un des paramètres les trou excavé délimitant volontaiplus importants de la conception rement le reste du parc. Une fois Le son comme architecturale. descendu avec un long escalier, matériau de on peut éprouver une écoute construction 31 Qui est Leitner? contemplative dans une vériBernhard Leitner est un architable chambre de résonance, tecte, artiste, auteur et profespotentialisée par trois hautseur d’université autrichien. parleurs cachés derrière des murs en béton Actif depuis les années 60, le travail de Leitner perforé. a toujours été axé sur les relations entre le son et l’espace, ou plus encore « le son comme L’installation forme en elle-même une expématériau de construction»31, comme le titre rience sensorielle unique, dans la mesure où d’une de ses expositions rétrospectives. l’architecte lie entre espace vert et ville, de manière à valoriser le coté naturel de l’expéLe son dans l’espace rience spatiale. Contrairement aux murs en architecture, le Cet exemple vient nous rappeler l’importance son n’est pas un moyen élémentaire pour dé- du son dans la dimension de bien-être plutôt finir des limites, et la séparation de l’intérieur que dans sa dimension acoustique.


Fig.13

Fig.14

Fig. 13 : Croquis conceptuel, contenant plan et coupe Croquis, Fig. 14 : Croquis conceptuel, contenant effets sonores Croquis,

Fig.15

Fig. 15 : Vue sur l’installation Cylindre sonore, longs escaliers et espace vert.

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Phase analyse - Quels sens mettre en avant?

L’odorat en architecture Colour as narrative - Antonino Cardillo Architecte : Antonino Cardillo Situation : Londres, Royaume-Uni Date de construction : Avril 2015 Programme : Exposition commerciale Parti architectural : La neutralité visuelle pour une dominance olfactive.

La dimension olfactive est rarement prise en considération en architecture. Cette négligence est due à plusieurs facteurs, parmi ceux-ci on peut mentionner la difficulté de sa représentation. En effet contrairement à la lumière et le son qui peuvent être représentés par des images ou des enregistrement audio, l’odeur elle est difficilement représentée.

31. Antonino Cardillo, http://www.antoninocardillo.com/projects/caan/ colour-as-a-narrative-illuminum-fragrance-41-doverstreet-mayfair-london.html , consulté le 3.12.2015

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Dans tous ses projets, il privilégie la dimension tactile et sensible de l’espace conçu. Il a été invité par la société de parfum Colombie Illuminum pour rénover son magasin de Londres, qui occupe une chambre de 28 m² dans un bâtiment géorgien situé sur Dover Street.

L’installation Seule la dimension hygiénique de l’odorat Décrite par l’architecte comme une «grotte compte? dionysiaque», la pièce unique a été revêtue Parallèlement, le souci olfactif en architecture d’un crépi-finis en utilisant les cendres du volest souvent mentionné dans une image hy- can Vésuve de l’Italie et du mastic de chaux. giénique. Donc on est plus dans « comment La couleur grise a été choisie pour fournir se débarrasser des mauvaises un fond neutre qui permettra odeurs» que dans «Comment d’expérimenter les 37 parfums Couleurs invisibles créer de bonnes odeurs et des différents, que Cardillo décrit ambiances olfactives». comme «couleurs invisibles rérévélées que par le 32 Toutefois, le projet «Colour vélé que par le nez.» 32 nez as narrative» constitue un exemple éminent d’une «archiAu lieu d’avoir des rangées tecture de l’odeur». d’exposition de produits et d’échantillons et de bureau de vente, l’espace est largement Dans ce projet d’exposition commerciale vide mis à part une installation intitulée Parde parfumerie, Antonino Cardillo, décide de fum suspendu, qui se compose de 37 réciconcevoir l’espace comme une expérience pients irréguliers, en verre soufflé à la main. multi-sensorielle et sensible. Ceux-ci sont suspendus au plafond dans un demi-cercle. L’absence d’éléments graQui est Antonino Cardillo? phiques et visuels encourage l’expérience Antonino Cardillo est né en Sicile, spéciali- d’exploration olfactive. sé dans l’architecture et le design intérieur, il opère désormais à l’échelle mondiale, par- Cet exemple est ainsi l’illustration du fait qu’en mi ses projets, le plus connus est le projet minimisant les éléments visuels, les autres «House of Dust» à Rome. éléments sensoriels prennent le devant.


Fig.16

Fig.17

Fig.18

Fig.19 : vue depuis fenêtre extérieure. Fig. 17 : Texture rugueuse des murs gris en cendre du volcan Vésuve d’Italie. Fig. 18 : détail des parfums suspendus. Fig.19

Fig.19 : vue intérieure du projet.

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Phase analyse - Quels sens mettre en avant?

Le jardin comme espace sensoriel Sensorial landscape - Nabito Architects Architecte : Nabito Architects Situation : Frosinone, Italie Date de construction : 2007 - 2011 Programme : Jardin publique Parti architectural : L’intégration des cinq sens dans le paysage. Inséré en pleine ville de Frosinone, le but du projet est d’inviter les utilisateurs à expérimenter une succession d’espaces sensoriels dans un jardin publique. En effet, les cinq sens sont le thème principal de l’espace; ainsi le choix des matériaux et de la végétation y sera lié. Fig. 20 : Les différences de niveaux. Schéma conceptuel. Fig. 21 : Programme Plan. Fig. 22 : Le parcours Schéma conceptuel. Fig. 23 : Invitation l’exploration photo

à

Fig. 24 : Le parcous photo Fig. 25 : Les différences de niveaux. photo Fig. 26 : richesse matérielle photo 33. Sensational Garden / Nabito Architects and Partners, 04 Aug 2011. ArchDaily. <http://www. archdaily.com/156186/sensational-garden-nabito-architects-and-partners/>, Consulté le 10.04.2016

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Quel parcours? L’utilisateur n’aura pas une vue générale du projet à première vue, mais il exploitera une succession d’expériences spatiales. La variation des hauteurs et d’inclinaisons et la présence de jeux tridimensionnels font partie de la particularité ludique du parc.

diale du site, ceux-ci stimulent les cinq sens humains dans le jardin de manière séquentielle Découverte spatiale Le jardin est composé d’une variété de matériaux et de végétations afin d’accentuer le contraste des espaces. Le niveau de sol change d’une séquence à une autre, avec un réseau de sentiers sinueux définissant un arrangement de sailles coniques. La passerelle encourage les visiteurs à parcourir le parc en parties, en stimulant un sentiment de découverte.

Quels sens mis en avant? Les cinq sens sont éveillés par Le jardin des effets mis en place. des sens ! Qui sont Nabito Architects? Premièrement, celui de l’odoLe groupe Nabito architects est rat, stimulé par les différentes un groupe international d’archifragrances de végétation. Puis tectes et de designers. L’agence a été fondue l’ouïe, par l’amplification sonore acoustique en 2011 avec un bureau à Barcelone et un de l’espace qui à amplifier le son du jeu. Enautre à Dubaï. Leur travail s’articule autour de suite la vue, par le travail de couleurs et de l’environnement, la culture et la société. formes agréables visuellement. Après, le toucher, par l’aménagement des espaces par Espace qui appartient à tous différents matériaux qui incitent le contact L’idée du parc et de créer un espace qui haptique. Et enfin le goût par la présence puisse réunir les personnes dans un espace d’arbres fruitiers. public qu’elles peuvent s’approprier. En conséquent, le jardin présente une mixiConçu comme un «salon personnel dans un té de matériaux «sensibles», entre matériaux domaine public» 33, les deux éléments natu- naturels (arbres, arbustes .. ) et autres artifirels et artificiels font la caractéristique primor- ciels (revêtements du sol).


Fig.20

Fig.21

Fig.22

Fig.23

Fig.24

Fig.25 Fig.26

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Phase analyse - Quels sens mettre en avant?

La phénoménologie en architecture Peter Zumthor - Therme Vals

34. Peter Zumthor cité par Malfroy.S. dans Les Thermes de Vals par Peter Zumthor: une belle interprétation du thème de la «source vivifiante», Lausanne, 2004.

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Architecte : Peter Zumthor Situation : Vals - Suisse Date de construction : 1993 - 1996 Programme : Thermes Parti architectural : Interprétation corporelle et sensorielle des thermes, Les Thermes de Vals sont des bains conçus ler un bâtiment, mais plutôt une forme situé par l’architecte Peter Zumthor entre 1993 et entre l’art et la nature, entre l’architecture et 1996. Ceux-ci se situent dans la vallée des la sculpture. Peter Zumthor a inventé son arVals en Suisse. chitecture à partir d’une image forte, d’après Qui est Peter Zumthor? une visualisation corporelle ou physique, non Depuis la création de son agence en 1979, abstraite. l’architecte suisse a réalisé une trentaine de bâtiments. Ses projets les plus importants On est dans un univers moitié pierre, moisont bien sûr les Thermes de Vals, le musée tié eau, avec une alternance entre austérité d’art de Brégence sur le lac de Constance et et sensualité. Il y a une alternance avec les le musée d’art Kolumba à Cologne. lignes droites des pierres et l’ondulation, la mobilité de l’eau ainsi qu’avec les pierres Quelle dimension sensible du bain? grises et les jeux de lumière. La nuit tout s’inD’un point de vue thématique, on trouve dans verse : c’est l’eau qui crée la lumière. cette réalisation une interprétation originale de l’espace pour le bain, un Peter Zumthor, dans ce projet, espace qui veut rendre sencherche à développer un mode ...Se ressourcer au sible la proximité de la source de communication suscepcontact de l’eau 34 et qui devient un espace de tible de toucher le destinataire. ressourcement. En effet, Peter L’univers minéral, les effets de Zumthor s’intéresse particulièlumière, l’intervention de nos rement à la relation géologique sens (olfactifs, tactiles, audidu site avec le bâtiment et pas de l’aspect tifs, visuels) nous invitent à découvrir une exmême du bâti. périence unique : celle du silence,et du vide. Le lieu suggère au destinataire d’interpréter le Du point de vue de la conception architectu- lieu uniquement avec ses sens et son corps. rale, l’architecte met en espace le thème choi- C’est ainsi que Peter Zumthor définit la notion si « se ressourcer au contact de l’eau » 34 et de ressourcement. L’espace de bain devient pour cela il invente un langage de construc- un espace pour le corps et l’esprit. tion très atypique : les murs ne sont pas exactement des murs, la dalle de couverture n’est Ainsi le projet des Thermes Vals est un pas exactement une toiture et il n’y a pas exemple imminent d’une mise en avant de la de réelles ouvertures. Dans sont ensemble, qualité sensorielle de l’eau, de la chaleur et l’architecture n’est pas à proprement par- du matériau.


Fig.27

Fig.28

Fig. 27 : La chaleur comme outil principal. photo

Fig.29

Fig. 28 : Le choix des matĂŠriaux. photo Fig. 27 : Entre architecture et paysage. photo

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Phase analyse - Quels sens mettre en avant?

L’espace sensible en architecture au Maroc L’école supérieure de technologie de Guelmim

Saad Kebbaj, Driss Kettani, Mohamed Amine Siana Architecte : Saad Kebbaj, Driss Kettani, Mohamed Amine Siana Situation : Guelmim Maroc Date de construction : 2011 Programme : École supérieur de technologie Parti architectural : Une architecture régionale pleine de sens.

L’école supérieure de Guelmim est un exemple imminent d’une architecture intégrée au site, une architecture qui rappelle la culture du site par sa couleur et son esthétique. Mais ce projet conçu à Guelmim nous intéresse pour trois autres raisons majeures qui découlent les unes des autres, premièrement du point de vue du traitement de l’espace dans sa dimension kinesthésique et thermique, puis de celui du traitement de la matière et enfin du traitement de l’ombre et la lumière.

35. Les architectes Driss Kettani, Saad El Kabbaj et Mohamed Amine Siana lauréats de l’Archmarathon Awards 2015 - http:// www.huffpostmaghreb.com/2015/10/25/ architectes-marocains-arc_n_8383106.html - consulté le 25.11.2015

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mension de lumière. En effet, l’agencement des espaces autour d’un espace central, et la mise en place de passerelles couvertes accentuent la sensation du passage entre ombre et lumière, sans oublier le passage entre extérieur et intérieur très contrasté, entre un extérieur ocre vers un intérieur très blanc.

La dimension sensorielle du souci climatique ! L’utilisation des matériaux locaux n’est pas justifiée que par le fait qu’ils rappellent l’archiQui sont les architectes? tecture vernaculaire et qu’ils inLe trio Saad Kebbaj, Driss Ketvitent au toucher mais aussi par ... Clair-obscur, tani et Mohamed Amine Sina le fait qu’ils représentent une dicontrôle de la luest un groupe de trois archimension haptique et thermique mière 35... tectes marocains diplômés de unique. l’École nationale d’architecture En effet, la couleur ocre du de Rabat et installés à Casabâtiment permet de diminuer le blanca. taux de réflexion de la lumière sur la surface, Les trois architectes travaillent indépendam- et donc permet de préserver la chaleur du jour ment chacun dans son agence mais ayant pour les nuits froides. collaboré dans la conception de plusieurs En ce qui concerne l’agencement des esprojets comme la Faculté Polydisciplinaire paces, celui-ci met en place des espaces orde Taroudant (2010), l’École Supérieure de ganisés autour d’un espace central, élément Technologie de Laâyoune (2014), etc. qui accentue l’inertie thermique. Ainsi, lier contexte et modernité est leur signature architecturale. Ainsi, par le travail de l’espace, la matière, l’ombre et la lumière, les architectes ont mis Le soleil comme matériau de construction en place une expérience spatiale qui a un imL’école supérieure de Guelmim représente pact sur les sens humains. dans sa conception un grand intérêt à la di-


Fig.30

Fig.31

Fig.32

Fig. 30 : Traitement de la matière et la lumière. Photo extérieure du projet Fig. 31 : Axialité Plan du projet Fig. 30 : Contraste Photo intérieure du projet

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel Phase analyse - Programme

2.1.4. PROGRAMME Le projet résultant de ce travail de recherche est une école primaire conçue principalement pour élèves atteints de déficience visuelle. Cette école nous permettra de faire le point sur les éléments sensoriels d’une école primaire. Mais avant de commencer la conception, il est primordial de chercher quelles sont les typologies d’écoles et quels sont les éléments de programme d’une école primaire standard.

a

b

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Fig. 33 : Schémas d’aménagement d’espaces d’écoles.

76

e Fig.33


2.1.4.1. Architecture et écoles, quelles typologies? L’organisation spatiale des écoles s’adapte principalement à la pédagogie d’enseignement, à la démographie des élèves et aux contraintes du site. Cependant la majorité des écoles s’insère dans cinq familles de typologies d’espaces principales: L’allée, la ville, l’atrium, les groupes dans les groupes et la cour. L’allée comme axe central ! (fig.33-a) La première typologie notable est celle de l’allée. En effet, un grand nombre d’écoles adoptent ce genre d’organisation spatiale, où les espaces s’organisent autour d’un axe central. Cet agencement facilite le repérage et limite les circulations annexes. En conséquent l’espace linéaire central prend de l’envergure et doit être traité de manière à marquer la transition entre lui et les autres circulation, changement des hauteurs de sous-plafonds, d’ensoleillement ou de ventilation. L’école, ville miniature ! (fig.33-b) Cette typologie met en avant les espaces d’apprentissage ou de divertissement dans une école comme les espaces de vie dans une ville. Dans ce type d’écoles, les espaces sont mis en place de manière libre en s’organisant autour d’un élément marquant, comme la bibliothèque ou la cour ( qui nous rappelle l’organisation des espaces de vie dans une

ville autour d’une préfecture ou autour d’un espace vert) Cette typologie amplifie la valeur sociale dans l’enseignement, et permet à l’élève une autonomie. L’atrium (fig.33-c) Cette typologie est inspirée des espaces de travail, où les espaces appartenant à des édifices de nombreux étages, s’organisent autour d’un atrium central. Celui-ci est la source d’une lumière naturelle, l’espace de rencontre et de circulation. Les groupes dans les groupes (fig.33-d) Dans ce type d’école, l’espace est divisé en plusieurs groupes d’espaces. Ces groupes d’espaces contiennent chacun un certain nombre d’espaces de différents programmes. Aussi, ces groupes sont connectés entre eux par de circulations centrales ou linéaires. Cet agencement permet des espaces moins intimidant pour l’élève et renforce l’idée d’appropriation et d’appartenance. La cour, centre organisant ! (fig.33-e) Enfin, la typologie la plus utilisée est celle de la cour. Les espaces dans cette typologie s’organisent autour de la cour. Cette organisation permet plus de sécurité, champs visuel ouvert et une ambiance climatique confortable. En effet, la cour intérieure permet un ensoleillement et une ventilation naturelles de l’école.

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel Phase analyse - Programme

2.1.4.2. Programme Ce projet de fin d’étude est une école primaire pour élèves non-voyants. Le programme contiendra principalement des espaces d’enseignement, des espaces de jeu et de récréation et des espaces administratifs. Fonctionnement L’école est le reflet d’un certain mode de vie. Raison pour laquelle le programme s’organisera comme une multitude d’activités permettant aux élèves atteints de déficience visuelle de développer leurs aptitudes sensorielles. Et pour ceci, l’école sera conçue autour d’une multitude d’effets sensoriels créant une expérience spatiale unique. Le parti architectural de l’école tournera autour de la question du parcours et de celle du repérage. Comme nous l’avons mentionné précédemment, le projet de l’école pour enfants atteints de déficience visuelle nous permettra de définir une nouvelle méthodologie de conception qui dépasse la dimension visuelle, ainsi de nouveaux types d’espaces d’apprentissage, d’enseignement, de lecture et aussi de divertissement pour les enfants. Se basant sur le document des normes de construction d’écoles du 1er cycle au Maroc, nous sommes arrivés au programme de surfaces suivant. (Voir fig. 35) Fig. 34 : Schéma des agencements d’espaces au sein de l’école Plan schématique.

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Fig.34


Fig. 35 : surfaces. Fig.35

Tableau

de

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel Phase analyse - Programme

Fig. 30 : Sommes-nous renfermés dans des volumes en verre ? Représentation de la perception visuelle de l’architecture.

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Fig.36 Fig.XX


Étude de cas :

Quel espace d’apprentissage à l’échelle de l’enfant?

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel Phase analyse - Programme

2.1.4.3. Étude de cas

Quelle architecture à l’échelle des petits? Étant donné le choix du programme d’école, nous nous pencherons dans ce chapitre sur quelques uns des projets conçus à l’échelle de l’enfant. Premièrement par la prise en considération du fonctionnement et d’accessibilte puis par la mise en avant de l’amusement comme outil d’apprentissage.

L’école à l’échelle de l’enfant L’école Théophile Gauthier

Jean François Zevaco

Architecte : Jean François Zevaco Situation : Casablanca - Maroc Date de construction : 1960 Programme : École primaire et maternelle Parti architectural : Une école kinesthésique.

L’école Théophile Gautier a été conçue par l’architecte Jean François Zevaco en 1960. Celle-ci est située près du centre-ville et au centre de quartiers résidentiels (Ain Diab, Anfa). Il s’agit d’un quartier bruyant, avec une très forte circulation, composé uniquement de logement, de commerces et de restaurations. Programme ? L’école se compose de 16 salles de classe, 4 salles pour la partie maternelle et 12classes pour la partie élémentaire. Ces 16 salles de classes sont réparties dans deux bâtiments distincts. Il y a également 3 cours de récréation, une cour pour la partie maternelle et 2 cours pour la partie élémentaire. La partie maternelle est composée d’une salle d’arts plastiques, 2 locaux de rangement et 1 local dévolu à la garderie. La partie élémentaire se compose d’une B.C.D, 1 local de rangement, 1 salle des professeurs, et 1 salle informatique adjacente à la B.C.D. Organisation spatiale L’école Théophile Gautier est l’exemple d’une école primaire qui adopte le système de l’allée

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comme élément central. On peut le voir sur le plan (fig.37) les deux bâtiments, école primaire et école maternelle, sont desservis par un axe horizontal, qui , prolongé vers chaque bâtiment se dévie pour devenir un axe vertical desservant les classes de cours. Cette allée centrale permet, en libérant les façades, un éclairage à double orientation des salles de cours. Quelle sensorialité? Du côté sensoriel, l’école se caractérise par sa spécificité haptique et kinesthésique. La dimension haptique est marquée par le fort contraste de textures, allant de surfaces lisses sur les façades vers des portiques en béton brut reflétant le coffrage rugueux. (Qui ont été peints par la suite). Cette texture rugueuse invite au toucher (voir fig.40) Ainsi, rappelant l’agencement des espaces de l’école de Guelmim mentionnée précédemment (p.78), l’allée met en valeur le point kinesthésique par le traitement ombre-lumière entre les espaces intérieurs et les espaces extérieurs.


Fig.37

Fig.38

Fig.39

Fig. 37 : Plan du projet Fig. 38 : Faรงades sur salles de classe et galerie Ancienne photo. Fig. 39 : Faรงade sur galerie de maternelle Ancienne photo Fig. 40 : Galerie maternelle. Ancienne photo Fig.40

de

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel Phase analyse - Programme

L’école accessible à tous Farming Kindergarten Vo Trong Nghia Architects

37. « Comme le toit mène à la cour, il donne accès aux jardins agricoles du niveau supérieur - l’endroit où les enfants apprennent l’importance de l’agriculture, et retracent la connexion à la nature», a déclaré Vo Trong Nghia Architects.

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Architecte : Vo Trong Nghia Architects Situation : Dong Nai - Vietnam Date de construction : 2013 Programme : Maternelle avec toitureterrasse agricole. Parti architectural : Une maternelle pour intégrer l’agriculture dans la formation de l’enfant. Nommée maternelle de l’agriculture, l’école à partir de la typologie d’agencement des maternelle est situé à Dong Nai, juste en de- salles de cours, et l’espace agricle émerge de hors de Ho Chi Min City. Avec des installa- la forme générale du plan. tions pouvant accueillir jusqu’à 500 élèves, elle a été conçue par le groupe d’architectes L’agriculture comme centre d’étude Vo Trong Nghia Architects pour les enfants La surface du toit est couverte par de l’herbe dont les parents travaillent à l’usine de chaus- et des plantes pour créer un jardin supplésures voisin. mentaire. La toiture-terasse descend vers le sol à deux extrémités pour permettre un acQui sont Vo Trong Nghia Architects? cès facile, puis monte jusqu’à plus de deux Fondée en 2006, Vo Trong Nghia Architects niveaux au dessus des classes. est une agence d’architecture qui se situe au Vietnam. Celle-ci regroupe plus de 60 archi- Organisation spatiale tectes et ingénieurs internatioLes salles de classes sont orgaOù les enfants naux qui travaillent en étroite nisées en deux niveaux. Elles retracent la collaboration sur des projets sont toutes accessibles par un culturels, résidentiels et comcouloir qui trace le périmètre inconnexion à la 37 merciaux dans le monde entier. térieur du nœud et mène direcnature. En expérimentant lumière, vent tement vers les cours au niveau et matériaux naturels, leur sidu R.D.C gnature conceptuelle implique principalement la dimension durable et verte tout en conser- Approche climatique vant l’essence de l’expression architecturale Les fenêtres sur les murs extérieurs et donasiatique. nant sur la cour offrent un éclairage naturel et une ventilation transversale dans tout le L’école Agricole ! bâtiment. Cet exemple nous intéresse dans la mesure où dans sa conception les architectes ont su Les murs extérieurs sont ombrées derrière lier entre apprentissage et nature. Donc à la des persiennes concrètes qui favorisent la place d’avoir des espaces qui s’imbriquent on croissance des plantes grimpantes, tandis a des espaces qui viennent se compléter de que le toiture-terasse au-dessus sert comme manière fluide: les espaces de jeu sont créés une forme d’isolation.


Fig.41

Fig.42

Fig.43

Fig.44

Fig. 41 : Façades du projet Fig. 42 : le noeud ! Plan du projet. Fig. 43 : Axonométrie du projet. Fig. 44 : vue Vue sur la toiture terrasse agricole. Fig. 45 : vue Vue sur la cour intérieure.

Fig.45

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel Phase analyse - Programme

L’école accessible à tous L’école pour non-voyants de Hazelwood

Gordan Murray, Alan Dunlop

Architecte : Gordan Murray et Alan Dunlop Situation : Glascow - Scotland Date de construction : 2008 Programme : École pour enfants à handicap visuel, auditif et physique. Parti architectural : Une école pour développer l’autonomie de l’enfant. L’école de Hazelwood pour enfants nonvoyants, malvoyants et mal-entendant, se situe dans une forte zone résidentielle au sud de Glasgow. Le but principal du projet est de créer un espace où l’élève peut développer son autonomie. Et ceci à travers un programme multi-sensoriel complexe. Sur ce, le projet met le point sur le souci de déplacement des élèves. Qui sont les architectes Gordan Murray et Alan Dunlop? Gordon Murray & Alan Dunlop Architects, en abrégé Murray Dunlop et gm + ad, était un groupe de deux architectes basé à Glasgow, en Écosse. Il a été fondé par Gordon Murray et Alan Dunlop en 1996, toutefois le groupe a été dissocié en Avril 2010. Leurs projets se spécifient généralement par la mise en avant de la contextualisation et du site. Le mur-guide La prise en considération du souci de l’accessibilité et du déplacement est apparente dans le fait que l’école s’organise autour d’un axe central qui sert de guide pour les élèves. Cet axe servira alors de mur de «localisation» pour les enfants.

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Ainsi, l’utilisation des matériaux est justifiée par la qualité sensorielle qu’ils peuvent offrir. Le mur-guide est recouvert de liège, qui a une

qualité tactile lisse très apparente qui permet de fournir des informations sur les espaces environnants, afin de confirmer la localisation des enfants au sein de l’école. Ainsi, chaque séquence du parcours et travaillée de manière différente. La forme curviligne du mur directeur permet de lier entre le maximum d’espaces de manière fluide. Les salles de cours Pour réduire les effets sonores de la circulation extérieure et profiter du calme, la majorité des salles de cours sont situées du coté du parc, au nord du site. Cette situation leur permet aussi de profiter d’une ambiance de lumière homogène et pour éviter l’éblouissement. L’espace extérieur De la même manière que la conception des espaces intérieurs, les espaces extérieurs sont démarqués par la diversité des revêtement du sol. Dimension qui permet, par conséquent au élèves non-voyants d’explorer l’espace et de jouer en liberté. Cet exemple nous intéresse alors par son traitement d’espace encourageant l’autonomie et l’exploration.


Fig.46

Fig.47

Fig.48

Fig. 47 : schéma schéma de spatial

concept

Fig. 48 : croquis Quels sens remis en valeur? Fig.49

Fig. 48 : vue Vue sur mur guide Fig. 49 : plan du projet

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel Phase analyse - Programme

Le musée à l’échelle des petits Le Musée Abasto pour enfants

Gruba architects

Architecte : Le bureau Gruba architects Situation : Buenos Aires, Autonomous City of Buenos Aires, Argentine Date de construction : 2013 Programme : Musée culturel pour enfants Parti architectural : Un musée où l’apprentissage est synonyme d’amusement.

Cet exemple nous interesse parcequ’il met en place un espace qui vise à amener les enfants à la nature, intégrer de jeu, la stimulation, la perception et l’expression; mais surtout, stimuler l’imagination à travers les sens.

perception, la compréhension, l’expression, en encourageant la curiosité, l’intérêt pour la connaissance et le développement de l’imagination.

«Apprendre en explorant» et «jouer et avoir Qui est le burau Gruba Architects? du plaisir d’apprentissage» sont des axes Le groupe Gruba Architect est conceptuels de ce musée dédié une équipe constituée de deux aux enfants jusqu’à 12 ans. ...jouer et avoir du architectes, l’architecte Maria plaisir d’apprentisContanza Nunez et l’architecte Selon les deux axes, les archisage Gabriel Pires Mateus. Le butectes proposent un musée de reau a été fondé en 2007 et est 140m² pour les enfants de 0 à positionné à Buenos Aires. 3ans. Le groupe travaille sur plusieurs échelles, al- Sur la base d’un travail éco-responsable, et lant de l’échelle de design de mobilier, jusqu’à sensoriel, l’étude a favorisé l’incorporation de l’échelle du bâtiment en passant par les projet matériaux naturels tels que le bois, la laine et architecturaux éphémères et installations. le cuir. La signature du duo comprend principalement la prise en considération du développement Ainsi, à travers la diversification de matériaux durable et de matières qui encouragent les enfants à explorer l’espace par leur sens ( vue, touLe musée d’apprentissage ! cher, kinesthésie et odeur), les architectes Le Musée de l’Abasto Children est un musée ont réussi à mettre en place un espace d’apinteractif qui recrée une ville, et offre un es- prentissage qui intègre le jeu et la sensibilité pace de rencontre enrichissant et alternatif. à l’espace. Cet espace integre le jeu, le mouvement, la

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Fig.50

Fig.51

Fig.52

Fig.53

Fig. 50 : schéma explicatif de l’enveloppe. Fig. 51 : vue Vue sur l’espace intérieur Fig. 52 : plan du projet. Fig. 53 : vue Vue sur l’espace intérieur Fig.54

Fig. 54 : vue Vue sur l’espace intérieur

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel Phase analyse - Analyse du site

2.1.5. LE SITE D’INTERVENTION Le site choisi pour l’implantation se trouve au centre de la ville de Casablanca, au Maroc. Par sa diversité et son accessibilité, ce site présente une richesse sensorielle et fonctionelle.

2.1.5.1. Situation

Fig.55

Site d’intervention Bo

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Fig. 55 :Plan de Situation Situation dans le Maroc. Fig. 56 :Plan de Situation Situation dans le Grand Casablanca. Fig. 57 :Plan de Situation Situation dans le Grand Casablanca.

90

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Fig.56

Bo

Fig.58 :Plan de situation Le projet s’implante dans le croisement de deux axes importants de la ville de Casablanca, le Boulevard Moulay Youssef et le Boulevard Ibrahim Roudani. Et à 7min de la gare Tramway «Place Mohamed 5»

va rd

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Fig.57

Parc de la ligue arabe

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360m - 5,5 min

Parcourue à 8min avec personne non-voyante

535m - 7,5 min

Parcourue à 10 min avec personne non-voyante

450m - 6 min

Parcourue à 8min avec personne non-voyante

300m - 4,5 min 65m - 1 min

Parcourue à 6min avec personne non-voyante

Parcourue à 1min avec personne non-voyante

480m - 7 min

Parcourue à 8,5min avec personne non-voyante

Fig. 62 : Plan et accessibilité d’équipements de proximité Plusieurs équipements sont à proximité du site d’implantation, la figure présente les plus importants et le temps requis pour accéder à chacun d’eux. 1. USM/TC 2. Parc Yasmina 3. La Casablancaise 4. Projet du théatre de Casablanca. 5. L’école des Beaux-Arts 6. Ecole Jeanne d’Arc 7. Lycées.

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel Phase analyse - Analyse du site

2.1.5.3. Climat ! 42 Lumière du jour Le plus tôt lever du soleil est à 05h20 le 11 Juin et le dernier coucher de soleil est à 19h45 le 30 Juin. Le dernier lever de soleil est à 07h35 le 7 Janvier et le plus tôt le coucher du soleil est à 17h22 le 5 Décembre. L’heure d’été (DST) est observé à cet endroit en 2012, à partir du printemps le 29 Avril et se terminant à l’automne le 30 Septembre. Température La saison chaude dure du 1er Juillet au 23 Septembre avec une température élevée moyenne quotidienne supérieure à 27 ° C. La saison froide dure du 29 Novembre au 5 Mars avec une température élevée moyenne quotidienne inférieure à 20 ° C.

42. Average Weather For Casablanca, Morocco, https://weatherspark. com/averages/29205/ Casablanca-ChaouiaOuardigha-Morocco, visité le 3/04/2016.

Fig. 66 : Lumière du jour Diagramme solaire. Fig.67 : Température Diagramme des hautes et basses températures. Fig. 68 : Vents Distribution de la direction des vents en (%) Fig. 69 : Précipitations Diagramme de probabilité de précipitations

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Fig.66

Fig.67

Vents Les vitesses typiques de vent par an varient de 0 m / s à 10 m / s (calme à modérée brise), dépassant rarement 12 m / s (brise fraîche). Ces vents provenatnt principalement du Nord-Est. Fig.68

Précipitations La probabilité que les précipitations seront observées à cet endroit varie tout au long de l’année. Les précipitations sont très probablement présentes aux altours du 5 Février, survenant dans 28% des jours. Cependant elles sont moins susceptibles aux alentours du 30 Juillet, se produisant dans 2% des jours.

Fig.69


2.1.5.4. Entre ville et nature, quelle richesse sensorielle? Repère olfactif

L’odeur générée par différents éléments de végétation.

Repère tactile

Le changement de revêtements de sol et des niveaux de sols sont des repères très fiables pour les non-voyants

Repère kinesthésique

La lumière filtrée par les arbres ressentie sur la peau

Repère sonore

Le silence au niveau du parc, et le bruit au niveau des espaces de jeu de restauration

Repère olfactif

L’odeur de café ou d’alimentation marque la présence de restauration

Site d’intervention

Repère sonore

Le bruit émis par les voitures au niveau de l’échangeur

Fig.65

Fig. 65 : Vue sur site Cette illustration met en avant le contraste flagrant entre l’espace vert et la ville. Cette diversité présente une multitude d’effets sensoriels.

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Projet : Méthodologie

2.2. PROJET

2.2.1. QUELLE MÉTHODOLOGIE ADOPTER ?

CONCEPTION ARCHITECTURALE PAR LES NON-VOYANTS.43 En se basant sur l’étude de cas de deux architectes ayant perdu la vue après des années de pratique, nous verrons comment leur perte de la vue leur a permis de développer des techniques de compréhension, de conception et de formulation architecturales. Dans ce chapitre nous présenterons une étude de la méthode adoptée par les architectes Christopher Downey et Carlos Mourao Pereira.

43. Vermeersch, P., Heylighen, A, “Rendering the tacit observable in the learning process of a changing body. In Nimkulrat, N., Niedderer, K., Evans, M. (Eds.), Knowing Inside Out - experiential knowledge, expertise and connoisseurship. EKSIG 2013. Loughborough: Loughborough University, 2013.

Christopher Downey 44 Le premier architecte est Chris Downey. Un architecte, qui a perdu la vue après quelques années de pratique du métier d’architecte.

Mais même après la perte de la vue il décide de continuer à pratiquer et rejoint l’agence Smith Group, qui est une agence d’architecture basée à San Fransisco. Carlos Mourao Pereira 45 Le deuxième architecte est Carlos Mourao Pereira. Comme Chris Downey, Pereira a perdu la vue et continue à pratiquer son métier d’architecte. Celui-ci considère sa perte de la vue comme une opportunité de pouvoir développer ses connaissances dans le domaine de la multi-sensorialité de l’architecture.

44. Chris Downey est un architecte, urbaniste et consultant américain qui a perdu la vue en 2008 . 45. Carlos Mourão Pereira est un architecte portugais qui a perdu la vue en 2006.

Fig.71

Fig. 71 :L’architecte Chris Downey Photo. Fig. 72 : Chris Downey et Carlos Mura Peireira Photo. Fig. 73 : L’archiecte Carlos Mourao Pereira Photo. Fig.72

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Fig.73


Nous allons, dans notre étude, procéder à l’analyse des méthodes adaptées pour deux phases différentes : premièrement celle de la formulation de la solution architecturale, qui nous permettra d’avoir une vue sur la manière de la formation de l’image mentale de l’espace chez un concepteur non-voyant, deuxièmement, celle de la conception et la représentation architecturale, étant donné que chez les non-voyants, les deux étapes se confondent.

En conséquent, afin qu’une personne atteinte de déficience visuelle puisse former une image claire de l’espace qui l’entoure, celle-ci doit l’explorer et partir à la recherche d’artefacts ou de repères directeurs. La perception ainsi, comme activité humaine, se déroule dans une situation spécifique et dans un environnement spécifique grâce non seulement à un processus mental mais aussi corporel en mouvement.

L’image mentale Une image mentale est définie comme une «représentation d’un percept ou d’un concept en l’absence de leur perception»46.

D’où en effet la qualité multi-sensorielle des espaces qui nous entourent, c’est-à-dire que nous réagissons avec eux de tout notre corps et avec tous nos sens. Ainsi, certains philosophes avancent dans leurs théories la dimension corporelle de l’espace.

Nous l’avons mentionné précédemment, l’étape de conception architecturale est l’étape où l’architecte est en mesure de créer une image mentale de son projet. Il est donc évident que pour les voyants l’image mentale soit principalement visuelle, toutefois chez une personne atteinte d’une déficience visuelle, celle-ci est de nature haptique. En conséquent, afin qu’une personne non-voyante puisse former une image mentale de l’espace qui l’entoure, elle doit l’explorer, d’où en effet la nature « distancielle » de la vue (qui nous permet de constituer une image mentale de l’espace à partir d’une distance).

Parmi ceux-ci figurent Merleau-Ponty, dans son approche phénoménologique de l’espace47 et James Gibson dans sa théorie de la psychologie écologique de la perception48. Tous deux proposent une étude sur la relation mutuelle qui existe entre le corps et le monde. Se basant sur celles-ci, Tim Ingold, développe dans sa propre théorie le fait que dans un espace vécu, nous partons à la recherche de la sensorialité de celui-ci et non le contraire, d’où, selon lui, la première caractéristique de la « macro-perception »49.

46. M. Hollins, « Understanding Blindness: An Integrative Approach, chapter Blindness and Perception », Lawrence Erlbaum Associates, 1989. cité par ; Vincent Lévesque «Blindness, technology and Haptics», Haptics Laboratory, Centre of Intelligent Machines McGill University. Montréal, Québec, Canada 47.

Qu’il développe dans son ouvrage, Merleau-Ponty, Maurice. La phénoménologie de la perception. Editions Gallimard , 1976 48.

James J. Gibson, The Ecological Approach to Visual Perception, 1979 49.

La « macro-perception » et la «micro-perception » sont les éléments indissociables de la perception humaine. Micro-perception est l’impression corporelle immédiate et ciblée; macro-perception encapsule les aspects sociologiques, culturelles et politiques.

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Projet : Méthodologie

Les mains...outils dynamiques de représentation spatiale?? Comme Downey, Pereira se base sur son sens haptique pour la lecture de plans et la reconnaissance de solutions architecturales représentées par des maquettes. Mais plus que ça, Carlos Pereira, utilise ses mains dans l’espace pour expliquer certaines formes à ses collaborateurs, donc il s’appuie sur cellesci pour représenter l’échelle et les volumes. En conséquent, quand il discute avec un de ses collaborateurs, leur conversation devient un aller-retour de gestuelles dans l’espace, et pour que Pereira comprenne la réaction de son assistant, ce dernier se permet de manipuler et de modifier la forme dessinée par les mains du non-voyant. Cette technique de représentation dans l’espace des formes devient alors un processus courant de fixation et de manipulation de formes, comme l’avance Pereira «les mains peuvent tout être » 50.

Dans ce cas, la phase de conception architecturale devient une phase de «conversation», qui permet une interprétation souple et un changement rapide de configuration. Cette méthode a alors l’avantage spatial de la maquette mais l’inconvénient de ne pas laisser de trace physique d’une communication haptique. La maquette traditionnelle comme étant la meilleure solution? Mis à part cette technique « dynamo-spatiale » de représentation architecturale, Carlos Pereira adopte une autre technique, qui est d’ailleurs plus évidente : la maquette. Quand il travaille un projet architectural, comme l’installation du Sea Bating Facility (voir page 108) , il réalise plusieurs maquettes, à plusieurs échelles différentes, allant du général au particulier, il commence par une maquette de site, et petit à petit jusqu’à arriver à une maquette plus détaillée.

50. Carlos Mourao Pereira viene al Centro Cultural Borges a una muestra sobre los sentidos < https://www.youtube.com/ watch?v=hgRVl0ZWt40 >, consultée le 28.11.2015,

Fig. 74 : Plans haptiques Technique utilisée par l’architect Chris Downey

96 Fig.74


Fig.75

Aller-retour entre les échelles de représentation? Cependant, même s’il change d’échelle de représentation de la maquette, il garde approximativement le même format de représentation, un peu comme les architectes voyants qui se basent sur un format de représentation A3 ou A4. Les maquettes de Pereira permettent ainsi un « aperçu » rapide, non pas dans une dimension visuelle mais dans une dimension haptique « accessible », qu’on peut manipuler entre ou avec les mains. Enfin, parallèlement à – ou après - ces maquettes de formats identiques, Pereira passe à la réalisation de maquette de plus grande échelle qui lui permet de comprendre et d’analyser les caractéristiques intérieures du projet. Effectivement, celles-ci lui donnent plus d’informations spatiales puisqu’il arrive à les lire de l’intérieur par ses mains. Inconvénient de l’échelle haptique Le souci de l’échelle reste problématique autant pour Chris Downey que pour Pereira. Downey, à son tour, reste confronté à une difficulté de lecture de plans puisque le format maximal qu’il puisse imprimer est le format A3. Selon lui, à cette échelle il est presque impossible d’avoir la représentation de l’ensemble d’une solution architecturale et le détail requis. Il avance que « Vous devez avoir la taille appropriée, et vous devez laisser tomber quelques détails... Visuellement, vous pouvez séparer les choses facilement,

mais ça devient accablant quand tout est haptique»51. Donc pour lui, le souci premier est de trouver la bonne échelle pour arriver à lire les « bons » détails. Parce que même s’il arrive à créer plusieurs supports, agrandir l’échelle de la représentation n’influencera pas la résolution (la distance entre les points surélevés) qui est très limitée. De la représentation au réel ! Ceci concerne la première dimension de l’échelle de conception architecturale par les non-voyants. Toutefois, avant de commencer une conception de projet architectural, selon Pereira et Downey, il est important de commencer par identifier les espaces haptiques, parce que d’après eux, certains endroits dans un bâtiment sont plus susceptibles d’être « touchés » que d’autres. Donc avant leur exploration d’un espace pour identifier ses qualités haptiques, Pereira et Downey commencent par déterminer les espaces discrets que les gens peuvent déjà toucher, comme les poignées de portes, les mains-courantes. . . Ils accordent alors beaucoup d’importance aux petits éléments de l’espace qui leur permettent d’explorer ce dernier. L’échelle de ces « petits » éléments leur permet d’avoir des informations haptiques à l’échelle 1:1, qui est une échelle qui permet davantage de détails.

51. ibid

Fig. 75 : Maquette de conception Technique utilisée par l’architecte Carlos Mourao Pereira.

97


Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Projet : Méthodologie

Faire attention aux détails ! Même pour des éléments aussi petits, Pereira évite d’utiliser des prototypes (comme par exemple celui de la fin d’une main courante) mais préfère réaliser des maquettes d’argile qui lui permettent non seulement une qualité haptique du matériau mais une facilité de manipulation de volumes et de formes.

52. Effectivement, l’architecture portugaise se caractérise principalement par les lignes droites et claires, et des façades blanches et neutres.

98

« Sea Bathing Facility » à proximité de la mer, met en avant la dimension auditive et olfactive de l’espace environnant.

Ceci concerne les « petits » éléments de l’espace, donc pour la conception d’un espace vécu, la représentation architecturale adoptée par les deux architectes non-voyants, passe d’une échelle réelle vers une échelle plus petite.

D’une architecture rétinienne à une architecture expérimentale ! En effet, depuis que Pereira a perdu la vue, il commence à développer une nouvelle compréhension de l’espace architectural. Avant la perte de la vue, il se concentrait plus, durant le dessin d’un projet architectural, sur l’image visuelle forte, un peu conformément à l’architecture portugaise 52, avec des surfaces sobres réunies par des coins linéaires et tracés.

Une conception qui dépasse la dimension haptique ! Il est évident alors que la conception par les architectes non-voyants prend un penchant vers la dimension haptique. Toutefois, cet outil ne prend le devant que durant la phase de conception et plus précisément dans la représentation de la solution architecturale. Nous verrons dans la partie étude de cas (page 112) comment l’architecte non-voyant Carlos Mourao Pereira, en plaçant son projet

Maintenant, il explore plutôt des formes qui sont plus agréables au toucher, pas de bords tranchants qui coupent la main, mais les formes qui sont plus adaptées à la main et qui invitent au toucher. Le plus important pour lui est alors la manière dont il peut mettre en avant la qualité haptique de son concept. Parce que, comme convenu, l’hapticité de l’outil de représentation est une chose, l’hapticité de l’ouvrage conçu en est une autre.


Fig.76

Fig.77

Fig. 76 : Interprétation corporelle Interprétation des maquettes par l’architecte Carlos Mourao Pereira. Fig. 77 : Interprétation corporelle Interprétation des maquettes par l’architecte Chris Downey.

99


Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Projet : Méthodologie

Une architecture par des non-voyants Sea Bathing Facility Carlos Mourao Pereira

Architecte : Carlos Mourao Pereira Situation : Lourinha - Portugal Date de construction : Projeté Programme : installation - Bain Parti architectural : comment se connecter sensiblement à la mer

53. Carlos Mourao Pereira viene al Centro Cultural Borges a una muestra sobre los sentidos < https://www.youtube.com/ watch?v=hgRVl0ZWt40 >, consultée le 28.11.2015, op.cit. note 49

54. Vermeersch, P., Heylighen, A, “Rendering the tacit observable in the learning process of a changing body. In Nimkulrat, N., Niedderer, K., Evans, M. (Eds.), Knowing Inside Out - experiential knowledge, expertise and connoisseurship. EKSIG 2013. Loughborough: Loughborough University, 2013. Fig. 78 : L’architecte Carlos Mourao Pereira en train d’expliquer un de ses projets Fig.80 : Représentation du projet Planche et maquette. Fig.80 : projet

100

Maquette

du

Quelle dimension sensorielle de la mer? Carlos Mourao Pereira considère la mer comme élément sensoriel ultime, non seulement le choix de l’emplacement est justifié par une expérience multi-sensorielle profonde mais le projet en lui-même est conçu pour enrichir cette L’installation Sea Bathing Facility en fait partie, expérience. elle n’est toutefois pas encore construite. Les personnes qui pourraient utiliser la Sea Bathing Facility non seulement entrent en contact La Sea Bathing Facility, une nouvelle expé- avec l’eau, le vent, le soleil, etc., mais ils peuvent rience de mer ? aussi éprouver de toucher la vie L’installation des bains de mer de la mer qui se développe dans ...où la vie de la mer que Pereira a conçu pour la les petits réservoirs. peut grandir et se plage Paimogo à Lourinhã au 53 développer Portugal est, comme son nom En effet, dans des lettres qu’il l’indique, un tlieu où la mer peut envoie à l’architecte Juhanni Palêtre vécue, mais dans un envilasmaa il confirme : « ... ça m’a ronnement plus sûr et plus contrôlé, étant don- fait pensé à un phénomène acoustique qui arriné que la mer constitue un endroit dangereux et vait cycliquement pendant l’été, dans une plage complexe pour les personnes atteintes de défi- dans le nord de Lisson, où je passais des fois cience visuelle. mes vacances pendant mon enfance. Dans cette partie de la côte, l’océan est caracQuel programme ? térisé par un son magnifique de vagues qui veL’espace principal de ce projet est un bassin naient frapper la rive».54 en forme de H qui est implanté sur les vestiges d’une ancienne pêcherie abandonnée. Le bas- Les matériaux? sin principal est accessible par une pente qui L’ensemble est fabriqué en béton recyclé, un descend de la falaise vers la mer. Dans ce bas- matériau qui répond aux exigences fonctionsin se trouve un nombre de plus petits réservoirs nelles, financières et écologiques ainsi que les qui forment des endroits où «la vie de la mer exigences de résistance à l’eau de mer. peut grandir et se développer» 53. C’est dans l’idée de la recherche et l’expériementation du potentiel sensoriel de l’architecture que Carlos Mourao Pereira effectue une série d’installations conçues comme des objets d’étude à la théorie multi-sensorielle.


Fig.78

Fig.79

Fig.80

101


Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Projet : La vie au sein de l’école

Fig. 82 : Quel repérage? Illustration d’une bande podotactile

102


Projet 2.2.2. LA VIE AU SEIN DE L’ÉCOLE ! Afin de pouvoir concevoir des espaces d’apprentissage pour des enfants atteints de déficience visuelle, l’approche adoptée est une esquisse descriptive. En effet, toujours en s’inspirant de la manière de faire des deux architectes non-voyants précédemment mentionnés nous décrirons les événements quotidiens au sein de l’école, et définirons comment l’espace pourrait contribuer à un meilleur fonctionnement.

103 Fig.82


Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Projet : La vie au sein de l’école

2.2.2. LA VIE AU SEIN DE L’ÉCOLE ! 2.2.2.1. . . L’arrivée ! Embouteillages !!! L’école se situe au centre ville, et donc à la rentrée au matin ou en après-midi, le stationnement des parents devant l’école peut causer des embouteillages qui peuvent bloquer tout le boulevard. Sécurité !!! Aussi, au-delà du soucis de circulation routière, la sécurité des enfants en jeu. Étant donné que ceux-ci sont malvoyants ou nonvoyant, le son des klaxons peut causer une contrainte de reconnaissance d’espace.

Fig.83

Une entrée plus sécurisée et plus fonctionnelle L’idée ainsi est de mettre en place une entrée auto au sein de l’école afin de soulager l’échangeur central, et de créer une circulation qui mise sur une alternance de véhicules. Sans oublier que cette entrée auto permettra aux parents de déposer leurs enfants au sein de l’école et éviter la rencontre de n’importe quelles contraintes spatiales ou sécuritaires. Fig. 83 : Embouteillages sur site. Dessin sur photo de maquette. Fig. 84 : Rendre la circulation plus fluide. Dessin sur photo de maquette.

104

Fig.84


Annoncer l’arrivée ! Généralement, un édifice est marqué par une présence visuelle marquante. Étant donné que les enfants soient malvoyants et non-voyants, la signalisation de l’édifice est invisible visuellement et ne peut être marquée qu’à travers les autres sens.

Fig.85

En effet, dans ce cas précis, l’entrée de l’édifice est marquée par une succession de barres verticales. La distance entre ces barres diminue plus on avance vers le bâtiment. En touchant les barres par leurs mains, les enfants sauront ainsi où ils se situent par rapport à l’entrée de l’école. Marquer la transition intérieur-extérieur ! Même chose pour l’annonciation de l’entrée, la transition entre espace intérieur et espace extérieur est marquée par des effets principalement haptiques et kinesthésiques. Effectivement, pour annoncer l’entrée, le mur d’entrée qui servira de guide s’inclinera légèrement pour mener vers des escaliers.

Fig.86

Ces escaliers marqueront ainsi la transition, dans la mesure où ils représentent une sorte d’implication corporelle dans le bâtiment. Où l’enfant passe d’un espace complètement ouvert vers un espace calme et fermé à son échelle, dont il sent qu’il fait partie.

Fig. 85 : Signalisation de l’entrée de l’édifice Dessin sur photo de maquette. Fig. 86 : Engagement dans le bâtiment. Dessin sur photo de maquette.

105


Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Projet : La vie au sein de l’école

2.2.2.2. ... Les salles de cours ! En rang ! Avant d’entrer en cours, les élèves s’organisent en rang. Ainsi un espace reservé pour cela devant les classes est mis en place. Aussi, afin de diminuer les bousculades, les enfants s’organiseront en rang tout au long du mur qui les guide vers la salle de cours, en laissant de l’espace pour le passage des élèves aux autres niveaux. Fig. 87

Par là ! Afin d’accéder aux classes, un mur distributeur joue le rôle de guide. Celui-ci s’inclinant légèrement commence à partir des escaliers jusqu’aux salles de cours. Une fois devant la salle de cours une texture au sol annonce l’arrivée.

Fig. 87 : Murs-guides Dessin sur photo maquette.

de

Fig. 88 : Utilisation de différents effets pour la signalisation Dessin sur photo de maquette.

106

Fig.88


Installez-vous ! Comme le mur directeur, la salle de cours s’organise de manière à faciliter la circulation en minimisant la probabilité de bousculade. En effet la salle de cours s’organise en demi-cercle pour que chaque enfant soit guidé par le mur courbe jusqu’à sa place.

Fig.89

Bien entendre ! La forme demi-circulaire de la salle de cours ne favorise pas seulement le bon fonctionnement de la circulation au sein de l’espace mais assure aussi le bon fonctionnement acoustique de la salle. En effet la forme demi-circulaire rappelle la technique utilisée dans la conception de théâtres.

Fig. 90

Cette géométrie diminue de la possibilté d’écho dans la salle et installe tous les élèves à la même distance par rapport au professeur.

Fig. 89 : mur courbe en tant que guide Dessin sur photo de maquette. Fig. 90 : Qualité acoustique de la géometrie des salles de cours Dessin sur photo de maquette.

107


Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Projet : La vie au sein de l’école

«j’aime être dehors parce qu’en classe je me sens enfermé, je ne peux pas faire ce que je veux». 2.2.2.3. . . . La cour ! La cour est par là ! Pour faciliter l’accessibilté à la cour, celle-ci est placée à proximité des salles de cours. En effet, chaque groupe de quatre classes partage une cour commune. Comme la cour mentionnée au-dessus, les cours sont repérables par le biais d’éléments végétaux.

Fig. 91

Partir où ? La cour de l’école représente un lieu de récréation et de divertissement pour les enfants. Ainsi celle-ci est le groupement de plusieurs entités spatiales, dont chacune sa propre identité, entre espace de repos, espace de découverte, espaces de jeu et autres.

Fig. 91 : Maquette haptique pour représenter présence de cours. Dessin sur photo de maquette. Fig. 92 : Différents effets ressentis depuis l’axe de circulation Dessin sur photo de maquette.

108

Ces entités s’organisent autour d’un axe central qui permet au élèves de se repérer et de se déplacer d’une entité à une autre. Fig.92


Jouer seul ou avec les autres ! Les espaces précédemment mentionnés sont séparés en deux groupes d’espaces, les espaces reservés aux jeux collectifs et les autres reservés aux jeux individuels.

Fig.93

Les zones collectives sont travaillées de manière à prendre en considération les bousculades et le repérage, c’est-à-dire la relation entre individus, comme un élève reconnait que son camarade est à proximité de lui. Contrairement à ceux-la, les zones individuelles mettent en avant l’interaction de l’espace avec chaque individu. Un bâteau, un immeuble ... L’espace de jeu est conçu de manière à prendre en compte l’imagination de l’enfant. En adoptant des formes et des textures différentes, chaque enfant peut l’emprunter de manière personnelle.

Fig.94

Nous arriverons ainsi, par l’espace, à développer et à encourager l’imagination tactile, haptique et kinesthésique des enfants.

Fig. 93 : qualité acoustique du bois pour faciliter le repérage. Dessin sur photo de maquette. Fig. 94 : Encourager l’imagination par l’installation d’aménagements de formes complexes Dessin sur photo maquette.

de

109


Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Projet : La vie au sein de l’école

2.2.2.4. . . . La bibliothèque Où est la bibliothèque? Afin de faciliter l’accessibilité à la bibilothèque et inciter les enfant à y aller, celle-ci est située au centre de l’édifice, entre les salles de cours. Ainsi, la distance parcourue entre les différents espaces de l’école et la bibliothèque est réduite.

Fig.95

Passer par la bibliothèque Aussi, dans le même esprit de vouloir inciter les enfant à aller à la bibliothèque, afin d’accéder aux salles de cours supérieurs, les enfants sont guidés à passer au milieu de la bibliothèque, ainsi, la circulation coupe celle-ci en deux pour en créer deux entités complémentaires.

Fig. 95 : Évolution du choix de l’emplacement de la bibliothèque maquette volumétrique Fig. 96 : Création de passage au sein de la bibliothèque Dessin sur photo de maquette.

110

Fig.96


Un espace de confort Les ouvertures zénitales permettent la pénétration d’une lumière controlée au sein de la bibliothèque. Le choix d’une exposition indirecte au soleil diminue de l’effet de l’éblouissement qui peut déranger les enfants non-voyants.

Fig.97

Libérer la circulation Au sein de la bibliothèque, le mobilier peut former un grand défi pour des élèves non-voyants, sa position aléatoire est donc difficile à repérer par les élèves. Ainsi, pour éviter les bousculades et éviter que les enfants trébuchent à cause des meubles, ceux-ci sont intégrés au surfaces murales.

Fig.98

Fig. 97 : Ambiance plus agréable par une source indirecte. Maquette Fig. 98 : Libérer la circulation au sein de la bibliothèque. Dessin sur photo de maquette.

111


Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Projet : La vie au sein de l’école

2.2.2.5. . . . L’éducation physique sportive ! Socialiser Il est important pour le développement des enfants non-voyants de communiquer avec le monde et donc être en contact direct avec des personnes qui sont différentes d’eux. À travers l’activité sportive, l’enfant apprend alors à résoudre et à maîtriser les relations avec autrui : la communication, la confrontation, l’opposition et la coopération lors d’une activité collective.

Fig.99

Ouvrir l’école On est alors parvenu à l’idée de connecter l’école aux espaces verts environnants précédemment mentionnés, pour que les enfants profitent de l’espace et puissent s’ouvrir sur le monde.

Fig.100

Fig. 99 : Socialiser schéma Fig. 100 : Ouvrir le projet sur entourage. Dessin sur photo de maquette.

112


Se déplacer en sécurité Dans la majorité des écoles primaires, le soucis principal est de déplacer les enfants dans une sécurité maximale. Pour ceci, l’idée est de mettre en place une proposition de structure qui servirait de passage piétonnier. Cette structure liera entre toutes les entités du terrain par des escaliers.

Fig.101

Parc de la Ligue Arabe: Espace naturel de récréation Une fois de l’autre côté du boulevard, les enfants pourront profiter de l’espace sportif la Casablancaise pour se recréer et faire du sport dans un espace vert au milieu urbain équipé.

Fig.102

Fig. 101 : l’accessibilité l’installation passerelle maquette.

Faciliter par d’une

Fig. 102 : Effet kinesthésique créé par l’ombre d’un arbre Dessin sur photo de maquette.

113


Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Projet : Organisation spatiale

2.2.3. ORGANISATION SPATIALE

Fig. 103

CIRCULATION VERTICALE PLEINE DE SENS

En s’appuyant sur l’analyse précédemment effectuée (p.83) portant sur les différentes typologes d’organisations spatiales des écoles, et en s’inspirant de l’exemple de l’école de Hazelwood pour enfant malvoyants et malentendants, nous avons opté pour la typologie « l’allée comme axe central» et ceci afin de faciliter l’accessibilté pour les enfants nonvoyants et malvoyants. Cet axe leur servira alors de repère spatial. Étant donné la surface du site choisi, nous avons fait le choix de développer le projet sur l’axe vertical.

Fig. 103 : Circulation Schéma sur maquette montrant l’évolution de la conception de la circulation au sein de l’école.

114

Ainsi, les espaces s’organiseront autour de la circulation verticale centrale qui servira de repère spatial, seulement, quand la circulation est centrale, les étages deviennent très semblables et donc crée une ambiguïté dans la reconnaissance de localisation. En conséquent, afin de rendre repérage au sein de la circulation plus fluide, celle-ci a été placée de manière à former le périmètre de l’édifice, et ceci pour profiter des effets spatiaux venant de l’extérieur : ensoleillement, ventilation, ombre, etc. Ainsi de maximiser l’expérience sensorielle au sein de l’école.


a

POURQUOI LE CERCLE?

b

Le cercle vient de l’idée de vouloir créer des espaces qui soient continus et sans ruptures spatiales violentes. Et rester ainsi dans l’uniformité des étages. c

Étant donné que le cercle implique la sensation de labyrinthe, les escaliers des entre-niveaux servent d’éléments de repérage spatial afin d’accentuer la localisation sur chaque étage.

d

a. Étalement du programme sur tout le terrain. b. Développement du programme à la verticale pour optimiser l’espace au RDJ. c. Organisation du programme par 4 salles de cours par étage, pour qu’elles communiquent mieux avec le reste du programme. d. Jeu sur les niveaux pour rapprocher les espaces entre eux. e. Mise en place d’une circulation extérieure pour lier entre les espaces.

e Fig. 104

1. Cours pédagogique au RDJ 2. Administration 3. Salles de cours 4. Bibliothèque 5. Cour pédagogique et agricole

Fig. 104 : Agencement des espaces Axonométrie démontrant l’agencement des espaces.

115


Chapitre II Une architecture au-delà du visuel Représentation

2.3. REPRÉSENTATION

Dans cette partie du chapitre nous allons présenter les plans et les coupes du projet représentés de manière visuelle. Ces plans seront l’équivalent d’une maquette matérielle réaliste présentant les détails de la solution architecturale.

Plan R.D.J

Échelle : 1:200

116

PLAN R.D.J Le rez-de-jardin occupe toute la superficie du terrain, il est ainsi d’une surface de 1225m° ( y compris la surface de circulation des voitures). Cet espace se situe sous 2m du sol. La superficie n’est pas entièrement couverte, ce qui permet l’ensoleillement direct vers

quelques parties du terrain. Ce niveau se compose de l’entrée principale, les escaliers du corps du bâtiment, accès automobile, parking bus scolaire, accès escaliers de secours, circulation verticale, puis cour pédagogique.


PLAN R+1 Le niveau R+1 est situé à 4m de hauteur du Rez-de-jardin. Étant donné la différence de niveaux des étages supérieurs, la coupe du plan est faite non pas à 1m du sol mais à hauteur de 2,5m du sol.

Plan R+1

Ce niveau est composé de l’administration qui

contient deux bureaux, une salle de réunion et des sanitaires. Ceci est le seul niveau qui se caractérise par la linéarité de ses murs, pour faciliter l’accès aux personnes étrangères de l’établissement, et pour refléter l’ambiance sérieuse par le «coin» et la ligne droite.

Échelle : 1:200

117


Chapitre II Une architecture au-delà du visuel Représentation

PLAN R+2 Le deuxième niveau se compose de 4 salles de cours. Celles-ci sont situés à trois niveaux différents, les deux premières se situent à 7m du sol, la troisième à 8m du sol et la quatrième à 8m du sol.

Plan R+2 Échelle :

118

Ainsi la coupe du plan est faite à 8,9m du sol, pour que tous les niveaux soient apparents.

La circulation principale se fait au niveau d’un couloir circulaire qui entoure tout le niveau et dessert toutes les salles, ainsi que la cour intermédiaire. Aussi, pour faciliter l’accès depuis les étages inférieurs, et diminuer la distance parcourue entre les espaces, une circulation verticale est assurée par des escaliers et un ascenseur.


PLAN R+3

Plan R+3

Le troisième niveau est le niveau de la bibliothèque. Celle-ci est divisée en deux entités distinctes, premièrement la zone de recherche et deuxièmement la zone de lecture. Ces deux parties se situent sur deux niveaux différents, la première à 10m du sol et la deuxième à 12m du sol.

La zone de lecture contient une partie distincte en porte-à-faux qui donne sur la cour pédagogique du R.D.J. Cette séparation d’espaces fait en sorte que la bibliothèque soit traversée par la circulation.

Échelle : 1:200

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Chapitre II Une architecture au-delà du visuel Représentation

PLAN R+4 / R+5 Le quatrième et cinquième niveau sont des niveaux identiques au niveau du plan. Il disposent chacun de quatre salles de cours avec accès un espace de cours.

Plan R+4 / R+5 Échelle : 1:200

120

Pareils aux espaces du niveau R+2, les espaces de ces deux étages sont sur des niveaux différents, chaque étage étant séparé chacun en trois niveaux (une différence d’1m par niveau)


PLAN TERRASSE La terrasse est une cour pédagogique disposant du même programme que la cour pédagogique du rez-de-jardin. Cette cour permet une alternance d’utilisation, une fois par les grands et une autre par les plus petits.

La mise en place de cette terasse est justifiée par la volonté de vouloir dissocier les espaces de jeu d’enfants de différents âges pour une liberté et autonomie maximale.

Plan Terrasse

Échelle : 1:200

121


Chapitre II Une architecture au-delà du visuel Représentation

Fig. 105

Fig. 105 : Structure portante Coupe d’inspiration de la structure portante mixte, béton et acier

122

COUPE La coupe met en avant la différence des niveaux du plans. Elle accentue aussi la présence des vides entre les étages ce qui permet une ventilation.

La structure du bâtiment est une structure mixte entre béton et acier. Les poteaux porteurs sont des poteaux (H) en acier. Le détail de coupe montre la coupe sur dalle avec ses composants.


Coupe AA 123


Chapitre II Une architecture au-delĂ du visuel ReprĂŠsentation

124


Vue 125


Chapitre II Une architecture au-delĂ du visuel ReprĂŠsentation

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Fig. 106 : Axonométries, perspectives et collages d’ambiance; exemples de séquences sensorielles 1. Séquence d’entrée : transition spatiale 2. Séquence R+1: La circulation, un espace de découverte au milieu de la nature. 3. Séquence R+2 : La salle de cours un espace d’apprentissage extérieur à l’intérieur. 4. Séquence R+3 : La bibliothèque, s’isoler pour lire. 5. Séquence R+4 S’isoler en hauteur.

:

6. Séquence terrasse : Se laisser guider par l’odeur Fig. 106

127


Chapitre II Une architecture au-delà du visuel

Conclusion de chapitre Nous avons posé la problématique de la dominance de la vue dans la discipline architecturale, et nous avons compris que celle-ci occupe une place importante. Mais après l’étude et la conception d’un projet qui dépasse la dimension visuelle, nous avons prouvé que l’architecture peut en effet dépasser la dimension oculaire vers une dimension corporelle et sensorielle. Effectivement, la conception du projet pour personnes non-voyantes nous a poussé vers l’exploration d’autres dimensions sensorielles de l’architecture qu’on tend majoritairement à ignorer ou à négliger (volontairement ou involontairement) lors de la conception de la solution architecturale. Ce chapitre nous a permis alors, par l’exploration, l’expérimentation et la recherche, de nous diriger vers des outils et des matériaux de conceptions qui soient plus sensibles et plus aptes à impliquer notre corps en tant que corps sensible à l’espace. Le chapitre suivant sera une récapitulation et énumération de ces outils et ce qu’ils nous apportent de plus dans les domaines de l’analyse, de la conception et de la représentation architecturales.

Fig. 107

Fig. 107 : Vue sur le bâtiment Vue sur le batiment depuis l’échangeur.

128


3

.

Voir et concevoir au-delĂ du regard. 129


Fig. 1 : Schéma de méthodologie Différentes phases de la conception adoptée.

130

Fig.1


Chapitre III Voir et concevoir au-delà du regard

Phase observation - quels espaces sensoriels de l’école?

3. RÉCAPITULATION La conception prenant en considération les personnes atteintes de déficience visuelle nous a permis de découvrir de nouveaux outils de conception et de perception. Quels sont ces outils? et qu’est-ce qu’ils nous apportent de plus du point de vue sensoriel ? Se basant sur l’analyse déjà élaborée au premier chapitre sur les phase de la conception architecturale, notre méthodologie se décompose en huit phases principales, comme démontré dans le schéma précédent. Nous démontrerons au fur et à mesure les outils adoptés pour chaque phase et comment est-ce la conception pour les personnes non-voyantes nous a permis de les développer et les enrichir.

131


Chapitre III Voir et concevoir au-delà du regard

Phase observation - quels espaces sensoriels de l’école?

3.1. PROBLÉMATIQUE En requestionnant les éléments et outils utilisés lors de la formation au métier d’architecture, nous nous sommes rendus compte que l’élément visuel prenait le devant dans notre démarche conceptuelle. Ainsi en adoptant la démarche d’élimination, nous nous demandons quelle serait une architectur sans la vue.

Quels outils acquis?

Considérer qu’aucun outil n’est primordial en architecture, et toujours le remettre en question. Fig.2

3.2.PHASE RECHERCHE Pour répondre aux questionnement posés à propos de la dominance de l’œil en architecture il a fallut remettre le point sur sa dominance dans les différentes disciplines: entre architecture, philosophie, anthropologie et histoire. Ainsi la remise en question de l’hégémonie visuelle en architecture nous a poussé à appréhender la phase de recherche autrement.

Quels outils acquis?

Considération du penchant et la liaison avec les autres disciplines comme un outil de recherche primordial.

Fig. 2 : Questionnements . Fig. 3 : Recherche

132

Fig.3


3.3. PHASE COMPILATION Toujours dans le même esprit de recherche d’informations concernant la suprématie de la vue. La recherche nous a menés vers la remise en question de nos propres outils d’analyse, de conception et de représentation. C’est-à-dire, en essayant de répondre à la question de l’hégémonie de la vue, on s’est rendus compte que celle-ci prenait le devant en architecture, et donc les outils que nous sommes habitués d’utiliser sont peut-être insuffisants et il fallait partir plus loin vers des outils corporels et plus vivants.

Quels outils acquis?

La remise en question des concepts de base, et toujours essayer de voir au-delà de ce qu’on a appris. Par exemple, l’objectif de l’architecture n’est pas de concevoir ce qui est «beau» et fonctionnel comme on l’imagine, mais ce qui serait sensoriel.

Fig.4

Fig.4 : Et si le Corbusier fermait les yeux pendant la conception?? Collage

133


Chapitre III Voir et concevoir au-delà du regard

Phase observation - quels espaces sensoriels de l’école?

3.4. PHASE ANALYSE

Passer de ce « que nous voyons» vers « ce que nous ressentons» nous a obligé à mettre notre corps au centre de l’étude expérimentale du projet. Afin d’expérimenter d’avantage cette méthodologie, nous l’avons aussi appliquée sur les endroits qui nous sont quotidiens, en les fréquentant en se bandant les yeux. Elle nous a permis alors de percevoir des caractéristiques sensorielles suplémentaires des espaces de chaque jour. Fig. 5 : Sentir le vent. Réexploration des sens en fermant les yeux. Fig. 6 : Reconnaitre la présence du menuisier par l’odorat Réexploration des sens en fermant les yeux.

Après la compilation d’informations pratiquement théoriques sur le sujet de la dominance de la vue dans différents domaines; Il fut important de sortir sur le terrain, faire de l’analyse concrête, non seulement par la recherche de projets architecturaux traitant de la multi-sensorialité spatiale mais aussi en explorant l’espace quotiennement vécu en prenant en considération un autre point de vue qui est celui de la personne non-voyante.

Fig.6

Quels outils acquis?

. Ne pas se limiter au point de vue des architectes et se convaincre que le point de vue de toute autre personne, même non-appartenant au domaine de l’architecture, peut nous apprendre quelquechose sur un coté de l’architecture que nous ne connaissons pas, ou nous pousser à requestionner ce que nous connaissons.

Fig.5

. Analyser l’espace non-seulement par sa richesse fonctionnelle mais aussi par sa richesse sensorielle, ainsi comment notre corps réagit vis-à-vis des éléments de cet endroit, allant des plus petits détails jusqu’aux plus grandes structures.

Fig.8

Fig.7

Fig. 7 : Resentir le vide. Réexploration des sens en fermant les yeux. Fig. 8 : Mesurer l’espace Réexploration des sens en fermant les yeux. Fig. 9 : Réagir à la végétation Réexploration des sens en fermant les yeux.

134

Fig.9


3.5. PHASE COMPILATION DES OUTILS Après avoir effectué une analyse théorique et autre expérimentale , nous passons à la récapitulation des différents outils qui nous permettront de mettre au point une conception qui dépasse la dimension visuelle.

Quels outils acquis?

Fig.10

Fig.11

Fig.12

Fig.13

Fig.14

Fig.15

. Éliminer les outils strictement visuels et se focaliser sur les outils qui offrent plus de sensorialité. . Essayer d’extraire les qualités multi-sensiorielles des outils visuels (Comme est le cas pour la plupart des maquettes d’étude).

Plusieurs types de maquettes ont été utilisées dans cette étude, dont l’objectif principal est d’explorer au maximum la manière de communiquer une solution architecturale de manière sensorielle, ou plus précisément de manière haptique. Les maquettes exploitées durant cette recherche sont principalement des maquettes d’expérimentation, qui permettront aux personnes non-voyantes de «lire» et de comprendre les concepts majeurs du site et du parti architectural du projet. Après l’élaboration du projet de l’école pour enfants non-voyants, nous sommes arrivés à identifier sept types de maquettes de conception et de représentations: . La maquette conceptuelle, . La maquette volumétrique, . La maquette séquentielle abstraite, . La maquette séquentielle réaliste . Le plan tactile, . La maquette structurelle, . La maquette de représentation,

135


Chapitre III Voir et concevoir au-delà du regard

Phase observation - quels espaces sensoriels de l’école?

3.6. PHASE EXPÉRIMENTATION En compilant les différents outils de conception on a été poussé à l’éxpériementation des différents outils afin de savoir quels sont ceux qui seront convenables pour la conception, et les autres qui seront moins convenables.

Quels outils acquis?

. L’expérimentation. . Les outils sensoriels : Maquettes, installations, les outils audios, outils olfactifs... . Ne pas avoir peur de rater une expérimentation, l’échouer peut nous apprendre autre chose.

Fig.16

Fig.17

Fig. 16 : interprétation visuelle, dessin des plans Passage d’un travail visuel vers un travail manuel. Fig. 17 : Travail de maquette Passage d’un travail visuel vers un travail manuel. Fig. 18 : Exploration de différents matériaux pour les maquettes, exemple patte-à-modeler. Passage d’un travail visuel vers un travail manuel.

136

Fig.18


3.7. PHASE FILTRATION - ESQUISSE Après l’expérimentation des différents outils de conception et de représentation, nous sommes arrivés à selectionner les outils qui soient les plus convenables. Ainsi la phase du projet a été pour nous une phase d’expérimentation de ces outils et leur filtration.

Quels outils acquis?

. Repenser les éléments basiques de la conception architecturale; le repère, l’entrée, le matériau, la végétation, la transition, la circulation, le vent, l’espace, le mur,etc.

Fig.19

L’école pour enfants non-voyants précédemment conçue présente une succession de séquences sensorielles. Ces séquences sont contrastées entre elles et évoquent au minimum un des sens corporels au-delà de celui de la vision. Les schémas suivants ( fig.4-5 ) présentent une illustration des séquences sensorielles ressenties lors du parcours de l’école, allant de l’entrée à l’étage inférieur vers la terrasse accessible puis à l’étage supérieur. Chaque espace est alors identifié par ses propres caractéristiques spatiales, que ce soit par son ensoleillement, sa ventilation, sa kinesthésie, sa texture, son acoustique ou son odeur. Fig. 19 : séquences sensorielles du projet Perspectives

137


Chapitre III Voir et concevoir au-delà du regard

Phase observation - quels espaces sensoriels de l’école?

L’école pour enfants non-voyants précédemment conçue présente une succession de séquences sensorielles. Ces séquences sont contrastées entre elles et évoquent au minimum un des sens corporels au-delà de celui de la vision. Les schémas suivants ( fig.4-5 ) présentent une illustration des séquences sensorielles ressenties lors du parcours de l’école, allant de l’entrée à l’étage inférieur vers la terrasse accessible puis à l’étage supérieur. Chaque espace est alors identifié par ses propres caractéristiques spatiales, que ce soit par son ensoleillement, sa ventilation, sa kinesthésie, sa texture, son acoustique ou son odeur. Fig. 20 : Traitement du matériaux. Le bois Fig. 21 : Traitement du matériaux. Le béton Fig. 22 : Ambiance sensorielle par la couleur. Casa Gilardi, Luis Barragán Fig. 23 : Ambiance sensorielle par la lumière

3.7. PHASE FILTRATION - ESQUISSE L’utilisation des matériaux est généralement argumentée et justifiée par leurs caractéristiques. Cette identité agit principalement, dans notre cas précis, par sa capacité d’offrir une sensorialité supplémentaire. Fig.20

Chaque matériau se spécifie alors par ses propres caractéristiques acoustiques, haptiques (concernant la texture), thermique, capacité de réflexion, etc.

Fig.21

Fig.22

Fig.23

En effet, après l’expérimentation avec les personnes non-voyantes, on est arrivé à la conclusion que l’eau, la végétation, la lumière, la couleur et le vent provoquent nos sens et sont des repères très fiables pour les personnes atteintes de déficience visuelle.

Quels outils acquis?

Fig.24

Fig. 24 : Ambiance sensorielle par l’eau. Fuente de losamantes, Luis Barragán. Fig. 25 : La végétation au centre de la conception Fuji Kindergarten, Tezuka Architects

138

Aussi, contrairement aux matériaux de construction, d’autres matériaux que l’on considère comme naturels ou autres «abstraits» sont moins utilisés pourtant ils ont plus d’effets sur nos cinq sens.

Fig.25

. Employer les matériaux selon leurs caractéristiques sensorielles, incluant les matériaux de construction (béton, acier, bois, etc) et matériaux d’ambiance ( lumière, couleur, vent, végétation, etc.)


3.8. PHASE REPRÉSENTATION Aussi et inévitablement, la phase de représentation fut la plus imfluencée par le changement de la méthodologie de conception, étant donné que celle-ci s’est focalisée principalement sur des outils qui dépassent la dimension visuelle. Majoritairement composée de maquettes, celle-ci présentte une diversité sensorielle, allant d’outils principalement haptiques, vers d’autres sonores ou olfactifs.

Quels outils acquis?

. Représentation de l’esquisse et du parti architectural en s’appuyant non-seulement sur des outils visuels mais aussi sur d’autres haptiques, sonores et haptiques.

Fig.26

Fig. 26 : Présentation multisensorielle Photo démontrant l’utilisation de différents supports lors de la présentation du projet.

139


Chapitre ChapitreIIIIII Voir Voiretetconcevoir concevoirau-delà au-delàdu duregard regard

Les matériaux de conception

Conclusion de chapitre Ce chapitre a été une récapitulation des outils employés et des outils enrichis lors d’une conception pour personnes non-voyantes. Nous sommes arrivés à la conclusion que la majorité des outils de l’architecture que nous utilisons de nos jours, peu importe leur aptitude visuelle, disposent d’une dimension sensorielle que nous n’arrivons à «voir» qu’en fermant les yeux. Ces outils se divisent en deux grandes parties: I. Les outils d’une conception sensorielle. . Le corps au centre de l’étude. . La maquette comme pillier de la conception.

140

II. Les matériaux pour une conception sensorielle . Les matériaux de construction (béton, acier, bois) et ce qu’ils peuvent offrir dans le domaine de la sensorialité. . Les matériaux d’ambiance qui impliquent: Les «matériaux naturels» et leur dimension kinesthésique et sonores. . Et enfin les matériaux qu’on appelle «abstraits» qui sont des outils à prendre en considération lors de la conception même si on arrive pas à les voir.


C o n c l u s i o n 141


Conclusion

Quand les architectes Pereira et Downey ont perdu la vue, ils se sont rendus compte que la manière dont ils pratiquaient l’architecture auparavant était purement visuelle. Leur déficience visuelle leur a permis alors de développer les autres sens et donc de voir l’architecture autrement. La vue est en effet le sens qui prend le dessus en architecture, non-seulement nous percevons l’architecture visuellement mais l’analysons et la concevons de manière visuelle. Ainsi cette hégémonie visuelle a orienté notre architecture vers une architecture distanciée du corps. En effet, celui-ci a perdu de sa place en architecture, après avoir été le centre des conceptions architecturales, le corps est devenu une dimension technique et mesurable de conception des espaces. Il est alors considéré comme étant un objet matériel démuni de ses sens. Toutefois, l’architecture, contrairement à d’autres formes d’art, a une relation active réciproque avec ses utilisateurs, celle-ci met en avant les propriétés de médiation entre l’homme et son environnement. Le corps et les sens sont les instruments avec lesquels l’homme interagit avec son environnement.

142

leur vue, par leur handicap, ont pu développer une perception sensorielle de l’espace. Raison pour laquelle la conception architecturale pour personnes non-voyantes peut donc signifier un nouveau processus de conception, un processus qui implique généreusement le corps humain avec toute sa sensibilité. Après l’étude expérimentale faite avec les non-voyants, on a pu remarquer que le manque du sens perceptif visuel chez une personne crée deux défis importants et interdépendants : 1. La personne non-voyante ne peut pas comprendre l’espace instantanément, 2. La personne non-voyante ne peut pas construire une compréhension de l’espace à partir d’une distance. Si l’utilisateur malvoyant veut acquérir un sens de l’espace, il doit avoir assez d’informations pour pouvoir construire une conception de l’espace à partir des indices audio-dynamiques et haptiques.

Ainsi, c’est en nous référant au personnes atteintes de déficience visuelle que nous sommes arrivés à déceler le potentiel sensoriel caché de l’architecture.

Autrement dit, l’individu doit être en mesure de reconnaître quand l’espace reflète (ou ne reflète pas) les sons que lui même ou ceux qui l’entourent, génèrent tels que des bruits de pas ou de voix. Il doit être capable d’utiliser ses mains et son corps pour comprendre les dimensions de l’espace, les textures des murs, la composition du revêtement de sol, l’écho, etc.

Effectivement, les personnes dépourvues de

C’est en partant de ces deux défis majeurs


que le projet de l’école pour non-voyant a pris forme. En décrivant les activités quotidiennes au sein de l’école primaire et en prenant en considération l’idée du repérage et de l’information fournie par l’espace nous sommes arrivés à exploiter un nombre d’outils pour une conception sensorielle. Ces outils se présentent comme suit : La phase analyse : C’est en fermant les yeux qu’on a pu engager plus notre corps dans l’analyse du site, on a pu repérer les caractéristiques sensorielles du site, les odeurs, les sons, les différentes textures, les ouvertures et fermetures spatiales, etc. La phase conception : . Création d’une image mentale : cet outil est très important dans la phase conception dans la mesure où il nous permet d’imaginer l’espace à concevoir avec ses effets sur notre corps, c’est l’équivalent d’une immersion sensorielle cinématographique. . L’utilisation de matériaux : l’emploi de différents matériaux peut en effet mettre en avant la caractéristique qui distingue un espace d’un autre. Sans oublier de mentionner la capacité du matériau de guider la personne non-voyante en stimulant un, deux ou tous ses sens à la fois. . La maquette : Cet outil est primordial pour une conception sensorielle, c’est l’outil qui nous a permis de former la solution architecturale concrètement, premièrement par une

série de maquettes symboliques qui, chacune reflète un des effets recherchés puis des maquettes de séquences qui représentent les séquences spatiales par leurs détails. Cet outil nous permet une exploration haptique de l’espace architectural. La phase représentation : Cette phase reste la plus difficile à exploiter non-visuellement, au-delà de la maquette de représentation, étant donné la complexité de la reproduction de la représentation matérielle. Ainsi, l’importance de la mise en avant de l’architecture sensorielle figure dans sa capacité de créer une connexion entre l’homme et l’environnement qui l’entoure. Pour une meilleure connexion corps-espace. Ceci nous rappelle effectivement la relation entre homme et nature, qui par sa diversité sensorielle, offre une grande diversité expérimentale de l’espace, provoquant par ailleurs tous ses sens. Chaque expérience qu’on a du monde, aussi quotidienne qu’elle soit fait réagir au moins un de nos sens, si pas deux, trois ou même tous à la fois. Donc l’étude en prenant en considération les personnes non-voyantes nous a permis de mettre le point sur ces effets sensoriels ressentis. De la même manière cette étude ouvre la porte vers de nouveaux questionnements qui, peut-être, ne s’arrêteraient pas seulement dans la dimension sensorielle corporelle de l’espace, mais qui pourraient impliquer aussi sa dimension émotionnelle, culturelle, spirituelle, etc.

143


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Liste des noms citĂŠs Aristote .......................................................................................................................15 Ashley Montagu ........................................................................................................62 Bruno Latour .............................................................................................................16

Carlos Mourao Pereira ................................................41,104 ,106 -108, 110, 113, 176

Christopher Downey .............................................................41,104 ,106 -108, 110, 176 D.Howes ....................................................................................................................67 Daniel Pinson .............................................................................................................20

David Michael Levin ......................................................................................15, 18, 19, 47 Descartes ................................................................................................................15, 47 Elisabeth Pasquier-Merlet .......................................................................................20

Francesco Di Giorgio ..........................................................................................27, 28

Friedrich Nietzsche ..................................................................................................19

Hegel .....................................................................................................................19, 63 HĂŠraclite ......................................................................................................................15

Husserl

..................................................................................................................19

James Gibson ............................................................................................................105

Jean Nouvel ......................................................................................................23, 24 Juhani Pallasmaa ................................................15 , 16 , 18, 19 , 45, 47, 62, 64 , 66, 113 Kant

.........................................................................................................................19

Le Corbusier ................................................................................30, 31, 38, 45, 171

Leon Battista Alberti ................................................................................................27 Maurice Merleau-Ponty

.......................................................................................105

Norman Foster ............................................................................................................24 Olivier

Tric

....................................................................................................21,

24

Philipe Boudon ............................................................................................20, 29, 45 Platon ............................................................................................................ 15, 45 Rob Imrie

....................................................................................................31, 32, 33

Steiner Steven Tim Vitruve

.............................................................................................................65 Holl Ingold

........................................................................................................18 ........................................................................................................105 ..........................................................................................................27

Walter J.Ong .......................................................................................................16, 66

147


Crédits des illustrations Chapitre I Fig.1 : Wellcome Library, London, Descartes: A Treatise on the formation of the foetus, disponible sur http://wellcomeimages.org consulté le 25.08.2015 Fig.2 : Jean-Michel Mathonière, «La règle et le compas», Disponible sur http://www.lamesure.org/ consulté le 30.08.2015 Fig.3 : Tim Wilson, «The Toaster and Tim’s Vermeer», disponible sur https://library.creativecow.net/ consulté le 30.08.2015 Fig.4 : «Persistance de la mémoire, Salvador Dali, 1931» , disponible sur http://site.ac-martinique.fr consulté le 30.08.2015 Fig.5 : Rachel Armstrong , «Disruptive technology: is business investing enough in the future?», disponible sur https://www.theguardian.com, consulté le 30.08.2015 Fig. 6 : Thomas Anterion, « La mémoire collective, mémoire des événements publics et des célébrités», disponible sur http://theses.univ-lyon2.fr consulté le 30.08.2015 Fig. 7 : Trix Van Der Mark , «Cultural Center Jean-Marie Tjibaou», disponible sur https://www.pinterest. com consulté le 05.02.2016 Fig. 8 : Isabelle Lomholt, «Jewish Museum Berlin Academy : Architecture News», disponible sur http:// www.e-architect.co.uk, consulté le 10.02.2016 Fig. 9 : Cedric Canard, « Light waves», disponible sur flickrhivermind.net, consulté le 02.09.2015 Fig. 10 : Collage, Illustration personnelle Fig. 11 : Patrick M.Dey, «The orders of Architecture : Race and Politics», disponible sur http://thoughts-outof-season.blogspot.com consulté le 30.08.2015 Fig. 12 : «Francesco Di Giorgio Martini», disponible sur http://www.aparences.net, consulté le 30.08.2015 Fig. 13 : Tim N. , «Early modernism in Europe», disponible sur https://www.studyblue.com, consulté le 05.09.2015 Fig.14-15 : «Utopies et Avant-Gardes», disponible sur http://utopies.skynetblogs.be/, consulté le 05.09.2015 Fig. 16 : «El problema del codo: el «modulo sagrado» «, disponible sur http://www.delacuadra.net, consulté le 05.09.2015 Fig.17 : Joachim Lézie-Cobert, «Inside the main atrium», disponible sur http://www.designboom.com, consulté le 10.09.2015 Fig. 18 : Marcus Frings, «The Golden Section in Architectural Theory», disponible sur http://www.marcus-frings.de, consulté le 08.09.2015 Fig. 19: Représentation architecturale, source perdue Fig. 20 : Illustration personnelle Fig. 21 : «Formes Géométriques», disponible sur https://www.pinterest.com, consulté le 20.09.2015 Fig. 22 : TheStoryOfVintage, «vintage Architectural drawing Detail of Entrance architectural blueprint classic house decor», disponible sur https://www.etsy.com, consulté le 08.09.2015 Fig. 23 : Ralph Alberto, «Le Corbusier and Guillermo Jullian de la Fuente in the Studio 35 rue de Sèvres in Paris», disponible sur http://www.fondationlecorbusier.fr, consulté le 08.09.2015 Fig. 24 : «Architecture, sphere», disponible sur http://flickrhivemind.net, consulté le 09.09.2015 Fig.25 : Willy B.W. Uy, disponible sur http://willyuy.com, consulté le 09.09.2015 Fig. 26 : Ewa Odyjas, Agnieszka Morga, Konrad Basan, Jakub Pudo, «Essence Skycraper», disponible sur http://www.evolo.us, consulté le 10.09.2015 Fig. 27 : Neille Hepworth, «Architecture-models», disponible sur https://fr.pinterest.com/, consulté le 10.09.2015

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Fig. 28 : Mariabruna Fabrizi, «Tristram Mason’s Layering, Texturing and Repeating», disponible sur http:// socks-studio.com, consulté le 10.09.2015 Fig. 29 : Fernanda Castro, «Propuesta para el Museo de la Radio Luis del Olmo / Josep Ferrando + Gustavo Vitores», disponible sur http://www.plataformaarquitectura.cl, consulté le 10.09.2015 Fig. 30 : Collage, Illustration personnelle Fig. 31 : «De l’oeil au cerveau», disponible sur http://tpeillusion.webnode.fr, consulté le 03.04.2016 Fig. 32 : Anne van de Vreken, «Perception et représentation de l’espace architectural», Travail de fin d’études. Université de Liège, Faculté des sciences appliquées- 2007-2008 Fig. 33 : «La civilisation grecque: l’exemple architectural du Parthénon», disponible sur http://creatpe. webnode.fr, consulté le 08.09.2015

Chapitre II Fig. 1 : Rheto, «Champ visuel», disponible sur https://fr.wikipedia.org, consulté le 07.09.2015 Fig. 2-5 : Illustrations personnelles Fig. 6 : Collage, Illustration personnelle Fig. 7 : Roy Nachum, «Blind», disponible sur http://minimalexposition.blogspot.com, consulté le 07.09.2015 Fig.8-9 : Illustrations personnelles. Fig. 10 : Peter Wenger, «Archives de la construction moderne – Acm, EPF Lausanne.» , disponible sur https://www.yatzer.com, consulté le 25.08.2015 Fig.11 : Illustrations personnelles Fig. 12 : Collage, Illustration personnelle Fig. 13 - 15 : Oscar Lopez, «AD Classics: Le Cylindre Sonore / Bernhard Leitner», disponible sur http:// www.archdaily.com/, consulté le 03.04.2016 Fig. 16-19 : Antonino Cadillo, «Coulour as a narrative», disponible sur http://www.antoninocardillo.com, consulté le 02.01.2016 Fig. 20-26 : «Sensational Garden / Nabito Architects and Partners», disponible sur http://www.archdaily. com, consulté le 11.02.2016 Fig. 27 : «Therme Vals wirbt mit Nazi-Slogan», disponible sur http://www.blick.ch, consulté le 03.09.2015 Fig. 28-29 : Hélène Binet, «Peter Zumthor, Therme Vals, Switzerland (1996)», disponible sur http://uk. phaidon.com, consulté le 03.09.2015 Fig. 30-32 : Fernando Guerra, «A Guelmim, au Maroc, El Kabbaj, Kettani et Siana signent une architecture tempérée», disponible sur http://www.lecourrierdelarchitecte.com , consulté le 15.09.2015 Fig. 33-35 : Illustrations personnelles. Fig. 36 : Collage, Illustration personnelle. Fig. 37 - 40 : Michel Ragon, Henri Tastemain.« Zevaco - École Théophile Gauthier», Editions Cercle d’Art, 1999 Fig. 41-45 : «Farming Kindergarten / Vo Trong Nghia Architects», disponible sur http://www.archdaily.com, consulté le 26.02.2016 Fig. 46-49 : Tsabikos Petras, «Independence Spaces - Hazelwood School Glasgow», disponible sur http:// www.greekarchitects.gr, consulté le 17.09.2015 Fig. 50-54 : Maximiliano Bort, «Abasto Children’s Museum», disponible sur http://architizer.com, consulté le 17.02.2015 Fig. 55-57 : Photo aérienne Maroc-Casablanca, Google maps.

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Fig. 58 : Illustration personnelle Fig. 59 : «l’Union Sportive Marocaine Tennis Club de Casablanca.», google,images. Fig. 60-64 : Illustrations personnelles Fig. 65 : Vue sur site d’intervention-Casablanca, disponible sur http://www.airpano.ru, consulté le 12.10.2015 Fig. 66-69 : Average Weather For Casablanca, Morocco, https://weatherspark. com/averages/29205/ Casablanca-Chaouia- Ouardigha-Morocco, visité le 3/04/2016. Fig. 70 : Illustration personnelle. Fig. 71 : Jose Luis Gabriel Cruz. «Chris Downey: Design with the Blind in Mind», disponible sur http://www. archdaily.com, consulté le 20.09.2015 Fig. 72 : Rosa Downey, «Chris Downey - Part 1», disponible sur http://www.daisy.org, consulté le 20.09.2015 Fig. 73 : HEISSMANN ÁGI, «SÖTÉTBEN IS LÁTOK – TALÁLKOZÁS EGY VAK PORTUGÁL ÉPÍTÉSSZEL», disponible sur http://hg.hu/, consulté le 20.09.2015 Fig. 74 : Peter Slatin, «Architect Chris Downey Finds Second Sight», disponible sur http://archpaper.com, consulté le 20.09.2015 Fig. 75-76 : HEISSMANN ÁGI, «SÖTÉTBEN IS LÁTOK – TALÁLKOZÁS EGY VAK PORTUGÁL ÉPÍTÉSSZEL», disponible sur http://hg.hu/, consulté le 20.09.2015 Fig. 77 : «An Architect’s Story: Chris Downey», disponible sur http://www.ilookup.org/, consulté le 20.09.2015 Fig. 78-81 : HEISSMANN ÁGI, «SÖTÉTBEN IS LÁTOK – TALÁLKOZÁS EGY VAK PORTUGÁL ÉPÍTÉSSZEL», disponible sur http://hg.hu/, consulté le 20.09.2015 Fig.82 : «Bandes d’éveil de vigilance et clous podotactiles», disponible sur http://www.okeenea.com, consulté le 10.04.2016 Fig. 83-104 : Illustrations personnelles. Fig 105 : «Certains emplois de coupes», disponible sur http://www.liuxuezuopinji.com/1346.html, consulté le 05.04.2016 Fig. 106-107 : Illustrations personnelles.

Chapitre III Fig. 1-19 : Illustrations personnelles. Fig. 20-21 : «Textures», disponible sur https://www.pinterest.com/ Fig. 22 : LEAD IMAGE, «color me Barragan», disponible sur http://bassamfellows.com, consulté le 13.04.2016 Fig. 23 : «Textures», disponible sur https://www.pinterest.com/ Fig. 24 : Illustration personnelle Fig.25. : Tezuka Arch, «Green architecture houses built around trees», disponible sur http://www.demilked. com/, consulté le 10.04.2016 Fig. 26 : Illustration personnelle.

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Table des matières

1. HÉGÉMONIE DE LA VISION EN ARCHITECTURE .....................................................................................................................................................................................13 1.1. SUPRÉMATIE DE L’ŒIL .............................................................................................................................................................................................................................15 1.2. SUPRÉMATIE DE L’OEIL EN ARCHITECTURE ....................................................................................................................................................20 1.2.1. LA CONCEPTION ARCHITECTURALE ............................................................................................................................................................................20 1.2.1.2. MATÉRIALISATION DU CORPS HUMAIN EN ARCHITECTURE ..............................................................27 1.2.2. LA REPRÉSENTATION ARCHITECTURALE ..........................................................................................................................................................35 1.2.2.1. À D’UNE COMMUNICATION CORPORELLE À UNE COMMUNICATION VISUELLE ............................................... 35 1.2.2.2. LA REPRÉSENTATION ARCHITECTURALE ................................................................................................................................37 1.2.3. LA PERCEPTION VISUELLE ARCHITECTURALE .................................................................................................................................. 43 1.2.3.2. LA Perception visuelle de l’architecture ..........................................................................................................................................................45

2. L’ARCHITECTURE AU-DELÀ DU VISUEL OU L’ARCHITECTURE DES SENS

......................................................................................................................49

2.1.ANALYSE ..................................................................................................................................................................................................................................................52 2.1.1. QUE «VOIT» UN NON-VOYANT? . ........................................................................................................................................................................................... 52 2.1.1.1. QU’EST-CE QUE LA CÉCITÉ? ..........................................................................................................................................................52 2.1.1.2. PARCOURS VISUEL VS PARCOURS NON-VISUEL ................................................................................................................54 2.1.2. QUELS SENS À REMETTRE EN VALEUR ALORS? ...................................................................................................................................58 2.1.2.1. La perception haptique ..........................................................................................................................................................................................58 2.1.2.2. La perception sonore ..................................................................................................................................................................................................62 2.1.2.3. La perception olfactive ...............................................................................................................................................................................63 2.1.3. ÉTUDE DE CAS .........................................................................................................................................................................................................................64 2.1.4. PROGRAMME .........................................................................................................................................................................................................................76 2.1.4.1. Architecture et écoles, quelles typologies? ......................................................................................................................................76 2.1.4.2. Programme ........................................................................................................................................................................................................................78 2.1.4.3. Étude de cas ........................................................................................................................................................................................................................80 2.1.5. LE SITE D’INTERVENTION ..................................................................................................................................................................................................90 2.1.5.1. Situation ......................................................................................................................................................................................................................90 2.1.5.2. Équipements de proximité ..........................................................................................................................................................................91 2.1.5.3. Climat ! .........................................................................................................................................................................................................................................92

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2.1.5.4. Entre ville et nature, quelle richesse sensorielle? ....................................................................................................................................93 2.2. PROJET .........................................................................................................................................................................................................................................................................94 2.2.1. QUELLE MÉTHODOLOGIE ADOPTER ? ..................................................................................................................................................................................94 2.2.2. LA VIE AU SEIN DE L’ÉCOLE ! ............................................................................................................................................................................103 2.2.2.1. L’arrivée ! ........................................................................................................................................................................................................................104 2.2.2.2. Les salles de cours ! ................................................................................................................................................................................................106 2.2.2.3. La cour ! ..........................................................................................................................................................................................................................108 2.2.2.4. La bibliothèque ....................................................................................................................................................................................................110 2.2.2.5. L’éducation physique sportive ! ..........................................................................................................................................................112 2.2.3. ORGANISATION SPATIALE .......................................................................................................................................................................................114 2.3. REPRÉSENTATION ........................................................................................................................................................................................................................116

3. VOIR ET CONCEVOIR AU-DELÀ DU REGARD.

.................................................................................................................................................................................129

3. RÉCAPITULATION ..........................................................................................................................................................................................................................131 3.1. PHASE PROBLÉMATIQUE.......................................................................................................................................................................................................................... 132 3.2. PHASE DE RECHERCHE ...........................................................................................................................................................................................................................132 3.3.PHASE COMPILATION ....................................................................................................................................................................................................................................133 3.4. PHASE ANALYSE ...............................................................................................................................................................................................................................................134 3.5. PHASE COMPILATION DES OUTILS .................................................................................................................................................................................................135 3.6. PHASE EXPÉRIMENTATION .....................................................................................................................................................................................................................136 3.7. PHASE FILTRATION-ESQUISSE ...........................................................................................................................................................................................................137 3.8. PHASE REPRÉSENTATION .......................................................................................................................................................................................................................139

Conclusion .......................................................................................................................................................................................................................................................................................141 Bibliographie ...................................................................................................................................................................................................................................................................................144 Liste des noms cités .....................................................................................................................................................................................................................................................................147 Crédit des illustrations ..............................................................................................................................................................................................................................................................148

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Fait Ă Casablanca le 12.10.2016 Police utilisĂŠes : Helvetica (fin-normal-gras) - Impact (normal)

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L’environnement bâti est souvent conçu à partir d’un point de vue esthétique ou purement fonctionnel. Quel visage cette suprématie prend-elle forme en architecture ? Et si la vue sortait de l’équation ? Quelle architecture « non-visuelle » ? En effet, afin de pouvoir identifier le potentiel multisensoriel de l’architecture , nous nous référons dans notre dissertation à la perception, la conception et la représentation des espaces par les non-voyants. La capacité sensorielle des malvoyants et nonvoyants est en mesure d’agir sur la conception d’un environnement qui dépasse la mesure visuelle. The built environment is often conceived from a purely aesthetic or functional point of view. How can we identify this supremacy in architecture? What if we reconsider « vision in architecture »? What «nonvisual» architecture will take place? Indeed, in order to identify the potential of multi-sensory architecture, we refer in our essay to the perception, conception and representation of architectural spaces by the blind. The sensorial ability of visually impaired and blind people is able to influence the conception of an environment that exceeds the visual measure. Mots clefs: Architecture multi-sensorielle, conception, image, vision, sens, non-voyants, phénoménologie, sensorialité spatiale,

-Houda Jeoual «Au-delà du regard» un outil de conception architecturale

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