Web 2.0 dimension du réel

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Article Pédagogique

Web 2.0 Dimension du réel ? http://idropproject.com

Le Pitch

Pour en finir avec la dichotomie Réel / virtuel en pédagogie et ailleurs.


Le Web a 20 ans, le Web collaboratif en a 6 (Terme consolidé en 2007). A l'aune de l'ensemble des découvertes scientifiques et technologiques, nous pouvons dire trois choses : - Nous ignorons toujours l'avenir des découvertes et leurs futures applications. - Les découvertes ne sont ni bonnes ni mauvaises, mais elles permettent l'expression du bon comme du mauvais. - Le principe de précaution évoqué face aux risques potentiels d'une science inconnue, doit encourager l'exploration encadrée. La genèse de l'inédit est toujours accompagnée de Chaos. Il faut expérimenter pour connaitre. Or il n'y a pas d'expérimentation sans foisonnements d'essais, d'erreurs, de répétitions, d'impasses, d'accidents, d'échecs, de renoncements. Les innovations sont à ce prix. L'histoire des sciences montre que les découvertes sont préalables à leur formalisation et souvent bien antérieures à leurs applications. Débusquer, décrypter, comprendre l'Essence du réel font partie des préoccupation de la Recherche Fondamentale (RF). Inspirée par ces découvertes, la Recherche Appliquée (RA) a pour objet de produire du Nouveau afin de proposer alternatives et solutions aux problèmes, envies, désirs de notre époque. RF et RA sont les deux faces d'un même mouvement qui conjugue découverte et déploiement et qui fonde et anime la société humaine depuis l'aube de l'humanité. A propos d'internet, on entend souvent les partisans d'un réel exclusivement "tangible" dire :" A quoi bon tout ce virtuel, ces réseaux ou on peut dire n'importe quoi à n'importe qui ,n'importe quand, pour l'oublier aussitôt. A

quoi bon cette masse d'informations contradictoires, cette confusion, cette profusion. La vraie vie n'est pas là ?" Les partisans de cette pensée stigmatisent le Chaos dont nous parlions plus haut: le chaos des découvertes. Pour la première fois dans l'Histoire, ce chaos est mondial, fragmenté et ne possède aucun centre; puisque chacun d'entre nous est le centre possible d'un univers. Là est bien la promesse du web 2.0 : donner, dans le nouvel ordre de l'Information mondiale, à chacun une voix équivalente; donner la possibilité de "Dire Librement"; donner tous les outils pour le faire et le faire savoir. Belle idée dont nous ne voyons encore émerger aucune structure globale, aucune logique lisible, sinon un vague modèle économique fondé sur le flux, c'est à dire l'information elle même et son mouvement; et non plus la possession. Le Web nous laisse croire que nos rencontres fortuites et nos recherches fructueuses sont le fruit du hasard ,alors que les vagues d'informations qui nous arrivent à chaque connexion sont le produit d'une architecture d'algorithmes, de statistiques, de filtres logiques, nouveaux outils mathématiques d'un marché informationnel mondial dont chacun est à la fois un Sujet contribuant et un Objet à attraper. Peut être est-ce là le prix à payer pour pénétrer cette extension du réel ? Et au voisinage de ces nouveaux modèles financiers, l'Hydre planétaire offre, en épiphénomène de son expansion démesurée, diverses dérives, pathologies psychologiques, désinformations, confusions et un ininterrompu bourdonnement fait de buzz et de posts. Voila quelques arguments que les détracteurs de cette dimension émergeante du réel ne manquent pas d'utiliser pour remettre, à défaut de son existence, au moins son utilité en question. Oui il y a eu une humanité sans


Internet. Non il n'y aura plus jamais d'humanité sans Internet. A travers les dérives croissantes d'Internet, ses contenus toxiques, ses usages addictifs, nous voyons les premières blessures d'un savoir et d'une technologie qui se heurte au tangible, et à une humanité non préparée pour le recevoir. Il a fallut plusieurs générations pour que commence à s'éduquer le consommateur face à l'industrie de la consommation. Combien de générations faudra t'il pour que l'internaute en chacun de nous atteigne l'âge de raison, et clique en conscience ?

Les mathématiques ont vécu une révolution du même ordre avec l'invention des Nombres Imaginaires.

Au moins trois choses distinguent la vie sur le Web de la vie physique : L'Absence de temporalité : Le "Tout tout de suite" l'emporte sur le Quoi, et le Quoi est dépouillé du Quand. L'Aplatissement des contenus: Mozart sur Google est tout autant un gâteau au chocolat, un compositeur du XVIIIème qu'un opéra Rock. La limitation de la production au profit de la transmission : Permettant ainsi à un chanteur coréen à cheval sur un invisible canasson de faire danser plusieurs millions de personnes avec une vidéo de 3 minutes. Les contradicteurs du Web crieront à la perte de sens, à l'abêtissement des masses, au nivellement de l'Histoire...; les aficionados brandiront le rêve d'un espace de liberté retrouvé, d'une nouvelle économie fondée sur le partage, et d'une suprématie de l'usage sur la propriété c'est à dire de l'Etre sur l'Avoir...

Ce type de bouleversement n'est pas nouveau, il a déjà eu lieu au XVIème siècle... et certainement avant.

En 1545, Joseph Cardan confronté à des opérations impossibles au sens numérique des mathématiques de l'époque, envisage des nombres introuvables (dans la réalité), des nombres dont le carré serait négatif ! Cardan ose alors, en dépit de tout ce que ses sens et son savoir mathématique lui renvoient, imaginer des nombre qui existeraient hors du monde tangible, dans une dimension qualifiée d'Imaginaire (i). Il effectue là une révolution mentale équivalente à celle de Galilée et d'Aristote, lorsque fut remise en question la rotondité de la terre; ou encore Einstein qui affirmait que le temps n'était pas une dimension constante. (Les minutes n'ont pas la même durée selon la vitesse à laquelle on se déplace). Penser des nombres inconcevables, qui ne renvoient à aucune situation de calcul connue, impossibles à représenter et inutilisables pour additionner des chèvres ou des choux, était au XVIème siècle une folie doublée d'une inutilité. Cardan était un penseur du virtuel, c'est à dire un penseur de ce qui existe sans se manifester dans le réel.


La formalisation de cette découverte est attribuée à Bombelli en 1572, soit 27 ans après l'ébauche des premiers calculs impossibles de Cardan. A la fin du XVIème siècle Viète, Cariot, Stevin , Mathématiciens de renom, refusent l'existence de ces nombres et les jugent inutiles. Les nombres de cardan restent en sommeil pendant des décennies.

Ce que Cardan offre au monde d'alors, n'est pas recevable par le monde d'alors. Peter Rothe en 1608 énonce Le théorème fondamental de l'Algèbre. Ce théorème dit de D'Alembert-Gauss, était impossible alors à démontrer avec les outils mathématiques courants et reconnus par les mathématiciens de l'époque. En 1637, René Descartes n'accorde que peu de crédit aux nombres de Cardan et s'en méfie. Il en parle pourtant dans ses écrits, les nome Nombres "Imaginaires", par opposition aux nombres de la réalité: les nombres réels, et contribue ainsi malgré lui à les faire connaitre. Nous sommes presque 100 ans après leur découverte. Le Théorème de D'Alembert-Gauss (1608) ne sera démontré en toute rigueur qu'en 1799, à l'aide des Nombres Imaginaires de Cardan. 254 ans après leur découverte. Période pendant laquelle ces nombres furent dénoncés et décriés.

Aujourd'hui en 2013, les nombres de Cardan, dit Nombres Complexes sont enseignés au lycée et utilisés dans tous les domaines scientifiques : les statistiques, l'électronique, la physique, la mécanique etc... Ils sont un outils d'une puissance de calcul extraordinaire, permettent de trouver des solutions rapides et simples à des équations impossibles ou fastidieuses à résoudre avec les méthodes mathématiques classiques. Ils permettent également de simplifier les calculs trigonométriques, les calculs d'intégrales et les calculs électroniques en changeant d'espace de référence. Cardan il y a presque 500 ans a inventé un chemin Virtuel,

une logique construite hors de la réalité tangible et permettant de trouver des solutions innaccessibles par les calculs classiques. Là où l'approche connue n'offrait aucune solution, Cardan osa imaginer qu'une réponse se trouvait ailleurs. En posant l'existence de tels nombres, il ouvrit la voie à l'un des concepts qui comptèrent le plus dans le développement des sciences et des technologies.

Le réel est à dissocier du tangible. Le Web 2.0 a 6 ans; un âge bien trop jeune pour imaginer sa puissance, son développement à venir, ce qu'il permettra de réaliser et les solutions qu'il apportera pour résoudre des situations apparemment impossibles. La pensée, la créativité, les usages collaboratifs multiples rendus possibles par le Web 2.0 sont autant de modalités qui ouvrent vers des usages pédagogiques encore à inventer. La limitation du Web 2.0 n'est pas dans ce


qu'il permet. Dès 1545 les nombres complexes possèdent leur plein potentiel calculatoire, mais les habitudes de l'époque doivent encore évoluer pour pouvoir accueillir leur puissance. Il en est de même pour Internet. Les usages du Web 2.0 catalysent le réel en ouvrant des chemins possibles là où le tangible ne propose que des impasses.

Quant au Principe de Précaution, il doit nous encourager à l'exploration minutieuse et prudente de cette nouvelle dimension du réel; en aucun cas au rejet. Les déboires médiatisés des personnalités publiques, le manque de connaissance des outils de partage offerts, la vitesse de diffusion des informations, la non fiabilités des sources doivent nous encourager à développer et à enseigner des pratiques de travail fondées sur la prudence par le respect de règles simples et de bon sens, afin d'assurer la protection des identités et des espace privés comme intimes. Ceci fait, nous pourrons profiter et utiliser cette nouvelle dimension du réel pour enrichir nos pratiques, libérer notre potentiel créatif et dépasser nos obstacles.

L'impossible n'est pas ce qui n'existe pas. En 2013 envisager une activité pédagogique et un modèle économique strictement évolutif sur l'axe du tangible, c'est à dire avec les règles connues de la discipline, revient à se priver d'un champ infini de solutions pour affronter les contraintes que le monde d'aujourd'hui génère.

L'impossible est ce que nous ne voyons pas... En conclusion, nous reprendrons une phrase de J.F. Fogel et B. Patino dans La condition numérique : " Il s'agit d'une autre façon d'être au monde, d'une manière de s'accommoder d'une réalité façonnée à partir du réel et de son extension numérique."

Charles Aïvar 05/05/2013.

Les informations historiques et les dates de cet article proviennent de Wikipédia.


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