Paroles d'expert N°3

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PAROLES D’EXPERT

▶ Des revêtements de sol pour faire ralentir les clients pressés - Nico HEUVINCK ▶ Quand les cultures de l’honneur, « de la face » et de la dignité se retrouvent autour de la table des négociations - Jimena RAMIREZ-MARIN & JingJing YAO ▶ La communication relative aux activités RSE : Quel impact pour les entreprises en cas d’accusations d’irresponsabilité sociale ? - Catherine JANSSEN ▶ Comment accélérer l’adoption du paiement mobile en magasin ? - Gwarlann DE KERVILER & Nathalie DEMOULIN ▶ L’insécurité alimentaire accroît l’effet de halo santé - Romain CADARIO


DES REVÊTEMENTS DE SOL POUR FAIRE RALENTIR LES CLIENTS PRESSÉS D’après un entretien avec Nico HEUVINCK et son étude « Altering speed of locomotion », cosignée avec Bram VAN DEN BERGH, Gaby SCHELLEKENS et Iris VERMEIR (Journal of Consumer Research, 2016). Cette étude, réalisée par Nico HEUVINCK et ses coauteurs, décrypte comment le secteur de la vente peut influer sur notre vitesse de déambulation dans les magasins. Par exemple, modifier l’écart entre des lignes au sol pourrait nous inciter inconsciemment à rejoindre rapidement le bout des allées : plus l’objectif semble proche, plus le pas s’accélère pour l’atteindre. Le secteur de la vente et de la grande distribution utilise différentes techniques pour maîtriser le flux des clients en magasin. La plus courante, la diffusion de musique peut, selon sa cadence, influencer le rythme de déplacement des consommateurs. Mais comment faire pour les inciter à accélérer ou au contraire à ralentir le pas en fonction des allées ?

sur un déplacement rapide pour éviter tout effet d’attroupement qui ne ferait qu’irriter les clients. Il est prouvé que les individus passent moins de temps dans les espaces de vente saturés de monde », explique Nico HEUVINCK.

Un instinct animal Nico HEUVINCK et ses coauteurs se sont appuyés sur la théorie du gradient de but, développée dans les années 1930. Il s’agissait d’observer comment un rat modifiait sa vitesse de déplacement à mesure qu’il approchait de son objectif, un bout de fromage placé au bout d’un parcours. Les chercheurs divisaient leur parcours en segments d’égale distance et observaient que les animaux accéléraient à mesure qu’ils approchaient du fromage. Tout cela serait une histoire de motivation : à mesure que le rat se rapproche de l’objectif, sa motivation à l’atteindre augmente et il accélère. « Les êtres humains réagissent-ils au changement de distance et à la perception du changement de distance, de la même manière que les rats ? », s’est interrogé Nico HEUVINCK. Et dans quelle mesure sommes-nous influencés par ce type de mécanismes automatiques et non des choix délibérés ?

« En tant que responsable de magasin, vous pouvez chercher à faire ralentir les clients dans les rayons des produits les plus rentables pour vous, pour leur donner le temps de bien voir ces articles et la publicité sur le point de vente qui les met en avant. À d’autres endroits, comme à l’entrée du magasin, il faut au contraire miser

Les êtres humains et l’incidence du gradient de but « De multiples exemples dans la littérature académique montrent que nous autres êtres humains sommes sensibles à l’effet du gradient de but, développe-t-il. Prenons l’exemple des programmes de fidélité chez le traiteur chinois ; vous cumulez un certain nombre de

BIOGRAPHIE Nico HEUVINCK, professeur assistant en marketing à l’IÉSEG, est titulaire d’un doctorat en marketing et sciences économiques appliquées de l’Université de Gand en Belgique. Ses travaux de recherche portent sur la théorie de l’attitude, le comportement, le processus décisionnel et le jugement du consommateur, la nostalgie et l’ambiance créée dans les espaces de vente.


tampons avec l’objectif de gagner un repas gratuit au bout de 10 passages. Au début, il n’y a pas urgence à cumuler ces fameux tampons. Mais à mesure que l’on se rapproche du 10e, il est prouvé que la fréquence d’achat des clients augmente ».

modifié la distance entre des lignes de ruban adhésif apposées sur le sol d’une allée et sondé les participants à propos de leur reconnaissance des objets mis en rayon.

Les chercheurs ont constaté que plus les lignes étaient proches, plus le consommateur avait le sentiment que le bout de l’allée était éloigné et ralentissait le pas. C’est aussi dans ce cas de figure que leur capacité de reconnaissance était la meilleure. « Les résultats sont très clairs ; nous avons pu constater une influence très nette sur la vitesse de déplacement et ce à maintes reprises », ajoute Nico HEUVINCK. Or, le fait d’influer sur la vitesse de déplacement dans un environnement de vente au détail peut impacter les ventes. L’équipe de chercheurs a voulu savoir si les êtres humains réagiraient également à des marqueurs physiques susceptibles d’influencer leur désir subconscient d’atteindre un but : le bout d’une allée de magasin.

Plus l’allée est longue, plus l’acheteur ralentit sa cadence

« Les acteurs de la vente au détail et de la grande distribution ont pour objectif premier de développer leurs ventes. Il faut continuer à étudier comment corréler la vitesse de déplacement des clients dictée par les motifs présentés au sol et les ventes », conclut Nico HEUVINCK. Mais il concède aussi que les consommateurs sont influencés par de nombreux facteurs extérieurs dans leur démarche d’achat. C’est pourquoi démontrer ladite corrélation peut s’avérer difficile.

Après avoir observé des milliers d’acheteurs en laboratoire et en environnement réel, Nico HEUVINCK et ses collègues ont pu cartographier leur vitesse de déplacement. Ils ont

Applications pratiques

Méthodologie Nico HEUVINCK et ses collègues ont observé plus de 4 000 consommateurs, en magasin et en laboratoire. Ils ont modifié les marquages au sol pour changer la perception de la longueur des allées et ainsi influer sur la vitesse de déambulation des visiteurs (modifier l’espacement de ces marqueurs change la manière dont la personne perçoit la distance jusqu’à l’extrémité des allées).

L’équipe corrèle ses conclusions à la théorie du gradient de but : plus une personne approche de son but (en l’occurrence le bout de l’allée), plus elle accélère le pas pour l’atteindre. Les chercheurs ont également constaté que plus les consommateurs ralentissaient le pas, plus ils étaient attentifs à leur environnement.

« Nos conclusions peuvent aider à moduler les vitesses de déplacement des clients dans différentes zones d’un espace de vente, conclut Nico HEUVINCK. Il est possible d’utiliser des lames de parquet ou carreaux de carrelage de différentes tailles ou bien d’insérer des planchers intermédiaires pour délimiter différents espaces au sol. Nous nous sommes focalisés ici sur le sol, mais nous pensons que le même effet se vérifierait avec un partitionnement des murs ou du plafond, en modifiant la longueur des rayonnages ou encore la distance entre les éclairages. Le partitionnement peut influencer les habitudes d’achat et doper les ventes ». Le chercheur note par ailleurs que ses travaux ne s’appliquent pas de manière exclusive à l’univers de la vente au détail : « Nous pouvons imaginer d’autres applications dans tous les endroits dans lesquels nous avons besoin de maîtriser les flux de passage, c’est-à-dire tous les espaces publics très fréquentés comme les musées, les gares et les aéroports ».


QUAND LES CULTURES DE L’HONNEUR, « DE LA FACE » ET DE LA DIGNITÉ SE RETROUVENT AUTOUR DE LA TABLE DES NÉGOCIATIONS D’après un entretien avec Jimena RAMIREZ-MARIN et Jingjing YAO et leur article « Dignity, face, honor cultures: A study of negotiation strategy and outcomes in three cultures » publié par Soroush Aslani et al. (Journal of Organizational Behavior, 2016). Les professeurs Jimena RAMIREZ-MARIN et JingJing YAO ont réalisé sur l’année 2016 une étude comparative portant sur le processus de négociation commerciale, faisant intervenir trois cultures différentes : la culture de l’honneur (Qatar), la culture « de la face » (Chine) et la culture de la dignité (États-Unis). Leurs conclusions peuvent éclairer sur la manière d’optimiser la création de valeur lors de négociations internationales. L’étude s’attaque à certaines lacunes dans le corpus académique sur les négociations interculturelles, comme l’absence de travaux sur les comportements de négociation dans les cultures du Moyen-Orient et la contradiction entre les théories traditionnelles et les preuves qui s’accumulent sur les stratégies de négociation effectives et leurs résultats en Asie de l’Est. « Nous avons choisi le Qatar, la Chine et les États-Unis pour leur représentativité de chaque type de culture, leur accessibilité et leur poids économique », explique le professeur Jimena RAMIREZ-MARIN. En d’autres termes, les négociateurs du monde entier peuvent utiliser les conclusions de cette enquête pour orienter leurs stratégies lorsqu’ils s’assoient à la table des négociations avec des représentants de chacun de ces trois grands types de cultures : honneur (Moyen-Orient et Amérique latine), face (Asie de l’Est) et dignité (Europe du Nord-Ouest et monde anglo-saxon).

Trois cultures : honneur, face et dignité S’appuyant sur les théories traditionnelles, l’étude aboutit à un nouveau cadre d’analyse autour des cultures de l’honneur, de la face et de la dignité. « Dans les trois cas, il s’agit de la conscience de sa propre valeur, autrement dit de l’image que vous vous créez de vous-même. Dans la culture de l’honneur, l’accent est largement mis sur la protection du noyau familial et de la réputation. Votre perception de votre propre valeur est transmise par le regard des autres. Comme j’aime le rappeler à mes étudiants, dans une culture de l’honneur, un « A » n’a aucune valeur tant que votre mère ne l’a pas vu », explique Jimena RAMIREZ-MARIN.

« La culture de la face se rapproche quant à elle de la culture de l’honneur parce que vous construisez votre perception de vous-même à travers le regard des autres, mais l’accent est mis sur l’humilité, le respect et l’harmonie. Contrairement à ces deux cultures, celle de la dignité accorde davantage d’importance à l’individu qu’à la société. Vous prenez vos décisions par vous-même, de manière autonome ». Les chercheurs ont constaté que ces différences essentielles impactaient fortement les stratégies de négociation et les résultats. « Il ressort de notre étude que ce ne sont pas

BIOGRAPHIES

Jimena RAMIREZ-MARIN est professeur assistant en négociations internationales à l’IÉSEG. Elle est titulaire d’un doctorat en psychologie du travail et des organisations de l’Université de Séville. JingJing YAO est professeur assistant en négociations internationales à l’IÉSEG. Il est titulaire d’un doctorat en management organisationnel de l’Université de Pékin.


toujours de pures motivations financières qui dictent les stratégies de négociation et leurs résultats. Dans les cultures de la face et de l’honneur, la perception de sa propre valeur a plus de poids autour de la table des négociations que dans la culture de la dignité. Elle est dès lors un élément à part entière de l’échange, en superposition de l’enjeu même de la négociation ».

Différentes cultures, différentes stratégies de négociation Contrairement à ce que veut la théorie traditionnelle, cette étude a montré que les négociateurs des cultures de la face et de l’honneur adoptaient des stratégies plus concurrentielles et moins collaboratives que dans les cultures de la dignité. Les négociateurs issus de ces cultures sont notamment moins enclins au partage d’informations, pourtant essentiel pour mieux comprendre les intérêts de chacun. Ils aboutissent ainsi à une répartition moins équitable des gains et créent globalement moins de valeur que les négociateurs de la culture de la dignité. « Les Américains se sont révélés plus enclins à la collaboration que les Qataris ou les Chinois : un constat qui va à l’encontre de la théorie traditionnelle collectiviste/ individualiste », explique Jimena RAMIREZ-MARIN. Et JingJing YAO de développer : « J’ai moi-même grandi en Chine et je peux confirmer que la réalité est bien différente de ce qu’avancent les théories collectivistes traditionnelles. S’il est peut-être vrai que la collaboration, le respect et l’harmonie sont recherchés entre amis et au sein du noyau familial, lorsqu’il s’agit de négocier de nouvelles relations commerciales, on observe des comportements nettement plus agressifs. Nous ne pouvions pas expliquer ce décalage avec une nouvelle théorie avant d’avoir réuni les données nécessaires, ce qu’a permis de faire notre étude ».

Méthodologie Les deux chercheurs ont recueilli des données issues de simulations de négociations en face à face réalisées avec des étudiants de premier cycle en sciences sociales et humaines de prestigieuses universités de trois pays choisis pour être représentatifs des cultures de l’honneur, de la face et de la dignité (respectivement le Qatar, la Chine et les États-Unis). Ils expliquent que le modèle prototype qu’ils ont utilisé leur a en fait permis de s’éloigner des stéréotypes. Comme le précise Jimena RAMIREZ-MARIN : « L’idée est d’identifier la tendance prédominante dans chaque culture, mais il y a toujours des écarts au niveau de la mise en œuvre ».

Tout le monde recherche-t-il une solution gagnantgagnant ? « Il ne s’agit pas seulement de se montrer compétitif : c’est une question d’état d’esprit », observe Jimena RAMIREZ-MARIN. JingJing YAO poursuit : « Si les Américains parviennent à une répartition plus équilibrée des gains et à une plus grande création de valeur globalement, c’est parce qu’ils abordent la négociation avec la volonté de trouver un terrain d’entente gagnant-gagnant, mais ce type d’équilibre n’est pas toujours reconnu dans d’autres cultures.

Lorsqu’il s’agit de négocier une nouvelle relation commerciale dans une culture de l’honneur ou de la face, le seul résultat admissible peut être une situation gagnant-perdant, car ce qui prime est l’établissement d’une dynamique hiérarchique dans la nouvelle relation ». Dans les cultures de la dignité, en revanche, le postulat de départ est que les deux parties sont sur un terrain d’égalité. Elles sont dès lors plus enclines à adopter des stratégies collaboratives comme le partage d’informations.

Applications pratiques « L’une des implications pratiques importantes de cette étude est qu’il faut s’attendre à une interaction hautement concurrentielle lorsque des négociateurs bercés par les cultures de la face ou de l’honneur sont assis à la table des négociations, du moins quand il s’agit de s’accorder sur les modalités d’une nouvelle relation commerciale. Les négociateurs peuvent ainsi cibler leur approche et l’orientation de leur stratégie en prévision des comportements concurrentiels qu’ils risquent de rencontrer. Ils peuvent par exemple prendre plus de temps pour développer une relation de confiance avec leur homologue issu d’une culture de la face ou de l’honneur avant de commencer à discuter de la structure de la nouvelle relation à mettre en place ». Jimena RAMIREZ-MARIN souligne en effet qu’il est important de trouver les moyens de contenir le degré de mise en concurrence dans les négociations impliquant des acteurs issus des cultures de la face et de l’honneur. Les conclusions de leur étude, et d’autres travaux de recherche, peuvent aider à orienter les stratégies que les négociateurs ont intérêt à adopter à travers le monde. « Une autre étude a révélé que les négociateurs imprégnés d’une culture de l’honneur étaient dans les faits plus généreux que ceux issus d’une culture de la dignité lorsqu’ils ne se sentaient pas menacés, précise-telle. En continuant à étudier comment les normes culturelles façonnent les comportements de négociation, nous pouvons mieux identifier les facteurs qui amélioreront les résultats. Les négociateurs peuvent exploiter les conclusions des études comme la nôtre pour éclairer les stratégies qu’ils adoptent dans les négociations, et ainsi créer plus de valeur et construire des relations plus stratégiques et efficaces sur le long terme ».


LA COMMUNICATION RELATIVE AUX ACTIVITÉS RSE : QUEL IMPACT POUR LES ENTREPRISES EN CAS D’ACCUSATIONS D’IRRESPONSABILITÉ SOCIALE ? D’après un entretien avec Catherine JANSSEN et son article « Playing with fire: aggravating and buffering effects of ex ante CSR communication campaigns for companies facing allegations of social irresponsibility », co-écrit avec Joëlle VANHAMME, Valérie SWAEN et Guido BERENS (Marketing Letters, 2015). La communication liée aux activités RSE d’une entreprise peut-elle atténuer l’impact d’accusations ultérieures d’irresponsabilité sociale ? L’étude menée révèle qu’une communication RSE antérieure peut réduire les effets négatifs ultérieurs d’une mauvaise presse au sujet d’activités socialement irresponsables. Toutefois, les communications issues de sources externes indépendantes peuvent aggraver le ressenti des consommateurs. Les entreprises communiquent de plus en plus sur leurs activités de responsabilité sociale (RSE), estimant que cela projette une image positive auprès du grand public. Mais ces communications peuvent-elles atténuer les perceptions négatives des consommateurs à l’égard d’une entreprise accusée d’irresponsabilité sociale ? « Différentes écoles de pensée s’affrontent sur l’évaluation des effets qu’a la communication RSE quand les entreprises sont accusées d’irresponsabilité sociale, explique Catherine JANSSEN. Certains estiment que la communication préalable d’une entreprise sur ses actions RSE peut la protéger en cas de crise. D’autres pensent que cela peut avoir un effet aggravant sur les appréciations des consommateurs ».

La source de la communication est déterminante En matière de stratégie marketing ou de communication, les entreprises peuvent choisir de mettre en avant ou non leurs activités RSE. Mais les informations qui circulent sur une entreprise émanent aussi souvent de sources tierces

et indépendantes. Catherine JANSSEN et ses collègues souhaitaient comprendre comment la communication RSE d’une entreprise pouvait potentiellement influencer et/ou limiter les effets de futures accusations d’irresponsabilité sociale. « Nous souhaitions en particulier comprendre quel rôle jouait la source de la communication, développe-telle. En règle générale, les rapports produits par des tiers sur les activités RSE d’une entreprise sont perçus comme plus crédibles que lorsque c’est l’entreprise elle-même qui communique sur ses activités. Car dans ce cas, la communication n’active pas les connaissances en matière de persuasion des consommateurs, c’est-à-dire leur connaissance des tactiques marketing mises en place par l’entreprise pour les persuader. Nous voulions savoir si cela se retrouvait dans les attitudes des consommateurs à l’égard des entreprises accusées d’irresponsabilité sociale ».

Une étude basée sur différentes variables Catherine JANSSEN et ses collègues ont mené une étude en ligne au cours de laquelle un certain nombre de scénarios relatifs à une entreprise fictive (de manière à éviter les préjugés fondés sur une connaissance préalable d’une entreprise réelle) étaient présentés. Les informations générales données sur cette entreprise incluaient dans certains cas des renseignements sur ses pratiques RSE, provenant soit de l’entreprise elle-même, soit d’un tiers. Un article de presse portant sur des accusations d’activités irresponsables dans un autre domaine de RSE était ensuite

BIOGRAPHIE

Catherine JANSSEN, professeur assistante en marketing à l’IÉSEG, est titulaire d’un doctorat en sciences du management de la Louvain School of Management. Ses travaux portent sur les réactions des consommateurs aux questions de responsabilité sociale de l’entreprise, aux crises et accusations d’irresponsabilité sociale et leurs implications marketing, ainsi que sur les comportements socialement responsables du grand public. Elle est également membre du centre ICOR (IÉSEG Center for Organizational Responsibility). Ce centre multidisciplinaire, a pour mission de mener et coordonner les différentes réflexions et actions de l’École (recherche, pédagogie..) relatives aux questions liées à la responsabilité sociétale de l’entreprise, la durabilité, l’innovation sociale et l’éthique des affaires.


présenté. « Les participants pouvaient par exemple avoir vu des informations générales présentant les actions de l’entreprise en faveur de l’environnement, suivies d’une accusation de sous-traitance à une main d’œuvre à bas coût », explique ainsi Catherine JANSSEN. Chaque scénario était présenté à un groupe de 30 participants minimum et les mêmes variables clés étaient évaluées pour tous les cas de figure. « La principale variable était l’attitude du consommateur envers l’entreprise et nous voulions analyser les raisons derrière chaque changement de cette attitude ».

en matière de persuasion des consommateurs et ont constaté que lorsque la communication RSE initiale émane de l’entreprise elle-même, elle a un effet tampon et minimise l’impact d’accusations négatives ultérieures sur les consommateurs. « Nous pouvons expliquer ce phénomène par les connaissances en matière de persuasion des consommateurs », explique Catherine JANSSEN. « Les consommateurs ont conscience que les entreprises embellissent leurs allégations quand elles communiquent sur leur propre RSE, et ils activent leurs connaissances en matière de persuasion avant même que des accusations négatives n’apparaissent. De ce fait, quand l’entreprise est effectivement accusée d’irresponsabilité, l’impact est amoindri car les consommateurs y sont déjà préparés. » Cependant, étant donné que les consommateurs perçoivent la communication RSE provenant d’une source indépendante comme plus crédible, leur connaissance en matière de persuasion ne sont pas activées avant le stade des accusations. L’impact est alors plus fort et les consommateurs montrent des réactions encore plus négatives.

Les effets varient selon la source de la communication Par rapport aux travaux antérieurs, l’étude menée par Catherine JANSSEN et ses collègues permet de déterminer comment l’attitude des consommateurs à l’égard d’une entreprise accusée d’irresponsabilité sociale varie en fonction de la source de la communication initiale. Ils ont également pris en compte la connaissance

Méthodologie Catherine JANSSEN et ses collègues ont réalisé une étude en ligne auprès de 743 individus, recrutés par échantillonnage en « boule de neige ». Des informations concernant une entreprise fictive ont été présentées aux participants. Dans certains cas, ces informations couvraient les activités de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) et dans d’autres cas pas ; elles étaient communiquées soit par l’entreprise, soit par un tiers. Les participants ont ensuite reçu une information provenant d’un article de presse expliquant que l’entreprise en question avait eu un comportement socialement irresponsable, dans un domaine non évoqué dans la première communication. Au cours de l’étude, les participants étaient invités à répondre à une série de questions concernant leur appréciation de l’entreprise, soit après la première communication, soit après la première et la seconde communication.

Applications pratiques « Nos résultats peuvent sembler contre-intuitifs », explique Catherine JANSSEN, « car les consommateurs accordant plus de crédibilité aux activités RSE communiquées par un tiers, il semble bénéfique de communiquer par ce biais. » Elle prévient cependant que cette confiance en la crédibilité d’une source indépendante ne fera qu’aggraver le choc des consommateurs si des accusations d’irresponsabilité devaient faire surface ultérieurement, provoquant des réactions encore plus négatives que si l’entreprise avait communiqué elle-même. « Lorsqu’une entreprise décide de communiquer sur ses activités RSE, elle doit prendre en compte le risque d’être plus tard accusée d’irresponsabilité sociale dans n’importe quel domaine, explique Catherine JANSSEN. Bien que les consommateurs portent davantage de crédit aux initiatives communiquées par des tiers, nos résultats montrent qu’une entreprise a besoin de faire attention à ne pas avoir de ‘squelette dans le placard’ si elle décide de communiquer via des sources indépendantes. Imaginons par exemple un tiers qui parle des initiatives environnementales d’une entreprise, mais que cette dernière est ultérieurement accusée d’irresponsabilité (même dans un domaine totalement différent comme les conditions de travail des employés). La communication initiale positive ne permettra pas de limiter l’effet des allégations négatives ultérieures, et risque même de l’aggraver. C’est quelque chose que les entreprises doivent prendre en compte quand elles mettent en place leur stratégie de communication RSE ».


COMMENT ACCÉLÉRER L’ADOPTION DU PAIEMENT MOBILE EN MAGASIN ? D’après un entretien avec Gwarlann DE KERVILER et Nathalie DEMOULIN et leur article « Adoption of in-store mobile payment: Are perceived risk and convenience the only drivers? », co-écrit avec Pietro ZIDDA (Journal of Retailing and Consumer Services, 2016). Les Smartphones révolutionnent le commerce de détail : les acheteurs n’hésitant plus à utiliser leur appareil mobile pour se renseigner sur les produits, comparer les prix et demander conseil à des amis. Ils se montrent en revanche moins enthousiastes à l’égard des services de paiement mobile. Gwarlann DE KERVILER, Nathalie DEMOULIN et Pietro ZIDDA s’intéressent aux facteurs pouvant expliquer ce décalage et proposent aux acteurs du commerce de détail quelques recommandations pour stimuler le paiement mobile. Près de 80 % des utilisateurs américains de Smartphones sont également des acheteurs mobiles : ils utilisent leur appareil mobile pour vérifier les prix et les remises proposées, rechercher des informations et des évaluations sur des produits, comparer leurs caractéristiques et demander l’avis d’amis. Pourtant, seul un faible pourcentage d’entre eux a recours aux services de paiement mobile disponibles.

Analyse du rapport bénéfice/risque : le plaisir avant tout Les chercheurs ont voulu déterminer les avantages utilitaires, hédoniques et sociaux perçus, ainsi que les risques pressentis sur le plan financier et en matière de confidentialité, tous ayant un impact sur l’adoption des services de paiement mobile. « Nous avons fait une découverte surprenante : les avantages hédoniques étaient relativement élevés, ce qui signifie que pour les consommateurs, le plaisir de l’expérience occupe une place très importante », explique Gwarlann DE KERVILER.

Les enseignes telles que Best Buy et Macy’s et les fabricants de Smartphones comme Samsung et Apple, qui proposent des systèmes de paiement mobile, aimeraient évidemment faire évoluer les choses. « Pourquoi les consommateurs n’utilisent-ils pas leur Smartphone pour effectuer des paiements alors qu’ils s’en servent à bien d’autres fins ? s’interroge Gwarlann DE KERVILER. C’est cette question qui a constitué le point de départ de notre étude. »

BIOGRAPHIES Gwarlann DE KERVILER a rejoint l’IÉSEG en 2013 en tant que professeur de marketing et directrice de l’International MBA de l’IÉSEG. Elle est titulaire d’un doctorat de l’Université de Paris Dauphine.

Nathalie DEMOULIN est professeur de marketing à l’IÉSEG depuis 2001. Elle est titulaire d’un doctorat de l’Université Catholique de Louvain (Belgique) où elle a étudié le processus décisionnel des responsables marketing.


En quoi le paiement de biens par Smartphone peut-il être ludique et divertissant ? Nathalie DEMOULIN suppose qu’il s’agit « de l’attrait de la nouveauté. Si l’on compare le paiement mobile et la recherche d’informations, on constate que le plaisir et les avantages sociaux ont une influence bien plus grande sur le paiement mobile que sur la recherche d’informations. » Les répondants ont peut-être également pensé que l’utilisation d’une nouvelle technologie pouvait faire bonne impression sur les autres et donc être valorisant socialement.

eux restent préoccupés par les risques perçus en matière d’atteinte à la vie privée, notamment le fait que d’autres personnes puissent accéder à leur compte bancaire. Les risques financiers potentiels, si la transaction ne se déroule pas correctement, sont eux aussi une source d’inquiétude.

Créer une expérience client transparente Par rapport aux études précédentes, cette recherche a pour la première fois tenté de déterminer s’il existait un effet de « ricochet » entre l’utilisation plus fréquente des Smartphones pour rechercher des informations sur des produits et l’adoption du paiement mobile en magasin. Si un client a déjà utilisé un Smartphone lors des premières étapes du processus d’achat, les chercheurs ont établi qu’il était très probable qu’il s’en serve pour le paiement. « Il est important d’établir une relation avec le client quand il recherche des informations, puis de lui proposer une connexion simple et directe avec une plate-forme de paiement pour qu’il ait le sentiment qu’il s’agit d’une transition tout à fait naturelle », conseille Gwarlann DE KERVILER aux commerçants avisés.

Les considérations pratiques : un facteur tout aussi important Autre point positif, les répondants perçoivent des avantages utilitaires dans le paiement mobile en magasin qui peut selon eux faciliter les transactions. Mais certains d’entre

Méthodologie Les auteurs ont réalisé une enquête en ligne auprès de 363 propriétaires français de Smartphones ayant effectué au moins un achat en ligne au cours de l’année précédente. Ils leur ont soumis un scénario portant sur l’achat d’un appareil photo numérique. Ils leur ont demandé s’ils avaient l’intention d’utiliser leur téléphone portable à différents stades du processus d’achat : avant d’entrer dans un magasin, une fois dans le magasin pour rechercher des informations sur les produits et enfin au moment du paiement. Des questions sur les avantages et les risques liés à l’utilisation d’un Smartphone à l’occasion de l’une des deux dernières étapes ont été posées de manière aléatoire aux participants.

Applications pratiques « Les commerçants doivent avant tout informer les clients des avantages et des risques réels du paiement mobile », conclut Gwarlann DE KERVILER. Ils doivent les rassurer quant aux risques sur le plan financier et d’atteinte à la vie privée, tout en mettant en avant les avantages expérientiels et hédoniques du paiement mobile en magasin. Ils peuvent pour cela utiliser des applications mobiles pour communiquer avec les clients dès le début du processus et les accompagner en douceur jusqu’au paiement mobile. Les nouvelles applications en matière de géolocalisation permettent ainsi de transmettre des informations et des incitations financières aux clients dès les premières étapes de l’expérience en magasin et de promouvoir les solutions de paiement mobile lors des étapes d’achat finales. Il existe d’autres façons de rendre le processus d’achat attrayant, notamment l’utilisation d’interfaces de paiement mobile visuelles ou sonores qui stimulent les sens. Enfin, l’utilisation du paiement mobile peut rendre l’expérience clients plus insolite, par exemple en leur permettant de jouer à un jeu ou d’accéder à des informations sur le nombre de points gagnés dans le cadre du programme de fidélité du magasin. « Les technologies mobiles permettent d’associer une notion de plaisir à des activités (comme le paiement) qui en sont a priori dépourvues », constate Gwarlann DE KERVILER.


L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE ACCROÎT L’EFFET DE HALO SANTÉ D’après un entretien avec Romain CADARIO sur son article « The impact of health claims and food deprivation levels on health risk perceptions of fast-food restaurants » (Social Science and Medicine 2016). Une nouvelle étude, menée par Romain CADARIO, révèle que les allégations de santé peuvent conduire les consommateurs à sous-estimer les risques pour la santé de certains produits alimentaires. Elle précise en outre que les personnes en situation d’insécurité alimentaire sont particulièrement sensibles aux allégations de santé du fait de leur moindre implication nutritionnelle. Ces conclusions appellent à des initiatives publiques, telles que des campagnes d’information, notamment à destination des plus démunis sur le plan alimentaire.

halo santé : la pomme étant un aliment sain dans l’esprit des consommateurs, ils sont convaincus que le jus de pomme est moins calorique qu’un soda. Subway et McDonald’s illustrent parfaitement la manière dont les stratégies de marque et de marketing peuvent altérer la perception des consommateurs (américains, en l’occurrence) et intensifier ce biais cognitif. Subway se présente comme une chaîne de fast-food saine, avec son slogan « eat fresh » et ses publicités vantant régulièrement la variété des légumes offerts. À l’inverse, McDonald’s ne fait pas usage d’allégations de santé.

Les allégations de santé des enseignes de fast-food

Romain CADARIO a présenté à 414 adultes américains deux illustrations de sandwiches, l’un de Subway et l’autre de McDonald’s. Celui de Subway était légèrement plus calorique que celui de McDonald’s (640 kcal contre 600 kcal). En se basant uniquement sur ces images, les participants ont estimé les risques pour la santé associés à chacun de ces sandwiches, en termes d’obésité, de diabète et de maladies cardiaques. Romain CADARIO a également évalué le degré d’insécurité alimentaire des membres du panel sur la base de l’indicateur FSI (Food Sufficiency Indicator) de l’USDA.

De manière générale, les consommateurs sont sensibles aux messages marketing et aux stratégies de marque des produits. On constate, par exemple, qu’ils ont tendance à sous-estimer la teneur en calories des produits alimentaires présentés comme peu caloriques, faibles en matières grasses ou bénéfiques pour la santé. Ce phénomène porte le nom d’« effet de halo santé ». On sait également que le problème de l’obésité liée à une alimentation trop riche en calories progresse de manière préoccupante, en particulier chez les individus en situation d’insécurité alimentaire. « Peu d’études ont été réalisées sur la perception des risques de certains aliments pour la santé, notamment auprès des personnes en insécurité alimentaire », écrit Romain CADARIO. « En reliant des recherches en psychologie et en santé publique, j’ai tenté de déterminer si l’effet de halo santé est plus prononcé chez les personnes en insécurité alimentaire. » Entre le soda et le jus de pomme, les consommateurs pensent invariablement que le jus de pomme est la boisson la moins calorique, alors qu’en réalité, elle contient plus de calories que certains sodas à proportion égale. Ainsi se traduit l’effet de

BIOGRAPHIE Romain CADARIO est professeur assistant à l’IÉSEG depuis 2015. Après avoir obtenu son doctorat en sciences de gestion à l’université Paris-Dauphine en 2014, il a complété sa formation par un post-doctorat à l’ESSEC Business School. Ses recherches portent sur l’impact de la communication sur le comportement des consommateurs.


Le lien entre la perception des risques pour la santé et l’insécurité alimentaire Après analyse des résultats de l’étude, Romain CADARIO a découvert que le sandwich de Subway a été perçu comme le moins néfaste pour la santé par les participants, qu’ils soient en insécurité alimentaire ou pas. Sur une échelle de 0 à 9 (9 représentant le plus haut niveau de risques pour la santé), ce sandwich a obtenu une moyenne d’environ 5 contre environ 7 pour le sandwich de McDonald’s. Ces résultats prouvent l’effet de halo santé produit par les allégations de santé de Subway sur les consommateurs, qui sous-estiment les risques pour la santé des produits de l’enseigne. L’étude souligne par ailleurs que cet effet est plus prononcé chez les personnes en insécurité alimentaire, qui ont attribué une note moyenne de 4,50 au sandwich de Subway, contre 5,20 pour les autres participants.

La nécessité d’études à l’échelle mondiale Romain CADARIO souligne les limites de son étude en termes de portée géographique et du nombre d’enseignes représentées. Pour aboutir à une conclusion plus générale, il conviendrait d’élargir l’étude à davantage d’enseignes et d’allégations de santé, aux enfants pour comparer leur comportement à celui des adultes, et à d’autres pays. « McDonald’s ne communique pas de la même manière en Europe qu’aux États-Unis. Les résultats pourraient donc différer », explique-t-il. « En France, par exemple, les résultats préliminaires ne montrent aucune différence de perception entre Subway et McDonald’s : les deux enseignes sont perçues comme des fast-food et les allégations de santé n’influencent pas ce jugement. »

« Les résultats suggèrent que les personnes qui ne sont pas en situation d’insécurité alimentaire et qui ont donc de plus hauts revenus et potentiellement un plus haut niveau d’étude distinguent plus facilement les aliments sains des aliments malsains et sont moins réceptives aux allégations de santé. Elles savent que McDonald’s et Subway se valent sur le plan nutritionnel. L’insécurité alimentaire, en revanche, va souvent de pair avec de faibles revenus, un niveau d’étude inférieur et une moindre implication nutritionnelle. Les individus de cette catégorie tendent à accorder plus de crédit aux allégations de santé et sont plus réceptifs aux messages marketing », conclut Romain CADARIO.

Applications pratiques en termes de politique publique

Méthodologie Romain CADARIO a réalisé une étude en ligne auprès de 414 adultes américains. À l’instar de ses confrères Pierre CHANDON et Brian WANSINK avant lui, il a basé son étude sur deux chaînes de fast-food : Subway (qui utilise des allégations de santé) et McDonald’s (qui n’en utilise pas). Il a invité les participants à évaluer le niveau de risque pour la santé associé aux produits alimentaires de ces deux chaînes en termes d’obésité, de diabète et de maladies cardiaques. Il les a également soumis au questionnaire de calcul de l’indicateur FSI (« Food Sufficiency Indicator ») de l’USDA pour identifier ceux en situation de sécurité alimentaire et ceux en insécurité alimentaire, afin de déterminer l’effet de la privation de nourriture sur le biais cognitif dit « effet de halo ».

« Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer dans la lutte contre l’obésité », souligne Romain CADARIO. « Cette étude établit un lien entre le degré d’insécurité alimentaire et la réceptivité des consommateurs aux allégations de santé. Les politiques publiques devraient en tenir compte. » Il ajoute que les actuelles mesures, d’aide financière aux personnes en insécurité alimentaire et de mention obligatoire de la teneur en calories des aliments notamment, ne suffisent pas à alerter cette catégorie de consommateurs sur les abus potentiels de ces allégations de santé. « Les autorités publiques doivent offrir aux consommateurs, en particulier ceux en insécurité alimentaire, les clés pour s’alimenter plus sainement et ce dès le plus jeune âge, au travers de campagnes d’éducation dans les écoles, par exemple. » Il précise : « Il est essentiel que les consommateurs sachent décrypter les informations nutritionnelles des aliments et puissent interpréter de manière plus éclairée les messages marketing. »


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