03 JUIN 2020
A NEW WAY OF TALKING BUSINESS
BUSINESS AND RESEARCH
Emballages : en route vers le zéro déchet ? /P.14
GOOD NEWS
Avec Act for food, Carrefour s’engage par la preuve /P.16
NICE TO MEET YOU
Robin Blondel, general manager new markets and global head of product and supply chain EXKi /P.18
A BETTER SOCIETY
Se nourrir demain
/P.04
LOOK .
ILS ONT CONTRIBUÉ À LA MISE EN ŒUVRE DE CE NUMÉRO... MERCI À :
A BETTER SOCIETY
Accor s’engage pour une alimentation saine et durable
/P.09
• Julie Bayle-Cordier • Lucie Basch • Cyrine Ben-Hafaïedh • Robin Blondel • Constance Bordes • Maxence Boulant • Florence Hennebel • Nico Heuvinck • Sonia Levillain-Desmarchelier • Pierre Maggioni • Amir Nahai • Hugues Pelletier • Loïc Plé • Maxime Pouvreau
BUSINESS AND RESEARCH
Nourrir l’esprit : les vertus de la méditation /P.12
NUMÉRO 03
Le magazine qui porte un autre regard sur le business IÉSEG 3 rue de la Digue - 59000 Lille 1 parvis de La Défense - 92044 Paris www.ieseg.fr Juin 2020 Directeur de publication : Jean-Philippe Ammeux Rédactrice en chef : Sophie Guérin Comité de rédaction : Alexandra Briot, Antoine Decouvelaere, Anne-Marie Deprimoz, Laetitia Dugrain-Noël, Manon Duhem, Andrew Miller, Victoire Salmon Conception & réalisation : Caillé associés Rédaction : Caillé associés Photographies : Barbara Grossmann, IÉSEG, Pixabay, Shutterstock, Istockphoto
02 N°03 I A new way of talking business
BUSINESS AND RESEARCH
Petit Pot devenu grand
/P.14
GOOD NEWS
Chasse au gaspi
/P.16
BETWEEN US .
NOURRITURES TERRESTRES
“Nos étudiants n’ont jamais été aussi sensibles aux enjeux éthiques et environnementaux...”
L’histoire de la nourriture est à bien des égards une histoire des peurs - peur du manque, peur des intoxications alimentaires, peur de la nouveauté lorsqu’arrivent du Nouveau Monde le maïs ou la pomme de terre, peur de la malbouffe… N’en déplaise à Malthus, la première crainte, celle du manque, s’est grandement atténuée. Au niveau mondial, les grandes famines se font plus rares et la question de notre capacité collective à nourrir l’humanité ne se pose plus tant en termes de volumes de production que de distribution des aliments. Plus que l’enjeu de la quantité, c’est donc celui de la qualité qui sera au cœur des enjeux économiques de demain. Que mangerons-nous ? Où les aliments que nous consommerons demain seront-ils produits ? Peut-on vraiment réussir la transition vers le bio et le local qu’un nombre croissant de consommateurs appellent de leurs vœux alors que leurs moindres rendements nécessiteraient que des pays aujourd’hui auto-suffisants importent leurs produits agricoles ? La viande sera-t-elle encore au menu demain ? La malbouffe et le fast-food ont-ils vécu, à l’heure où de plus en plus de Français retrouvent le plaisir des plats maison et d’une cuisine saine ? Autant de thèmes essentiels qu’il reviendra à nos sociétés de travailler en profondeur, sans se laisser désarmer par l’infinie complexité des enjeux alimentaires, autant de questions que nous évoquons dans ce numéro en compagnie de chercheurs, d’enseignants et d’experts. À l’IÉSEG, un constat s’impose en tout cas. Nos étudiants n’ont jamais été aussi sensibles aux enjeux éthiques et environnementaux, particulièrement saillants dans le secteur de l’alimentaire : souffrance animale, préservation des équilibres écologiques, enjeux sanitaires et nutritionnels… Ces thèmes leur sont chers et leurs attentes sont immenses. Chaque jour, ils montrent une maturité d’autant plus prometteuse qu’ils seront les acteurs des transitions alimentaires de demain. Par leurs comportements, leurs carrières, il leur reviendra de dessiner le chemin étroit qui permettra de concilier quantité, qualité et responsabilité. Une quête d’équilibre certes complexe, mais éminemment enthousiasmante.
Jean-Philippe Ammeux, directeur de l’IÉSEG.
A new way of talking business I N°03
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A BETTER SOCIETY .
Se nourrir demain
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Dans les sociétés occidentales, le rapport collectif à la nourriture a dépassé depuis des décennies la seule question de la satisfaction des besoins primaires. Si la peur du manque a disparu, d’autres problématiques émergent : qu’est-ce que “bien manger” ? Comment consommer de manière responsable et saine ? Longtemps enseignante en marketing et communication, naturopathe et formatrice, Florence Hennebel intervient régulièrement dans les entreprises ou à l’IÉSEG, auprès des étudiants. Avec un message : il faut retrouver une forme de simplicité dans notre rapport à la nourriture, qu’elle soit matérielle ou spirituelle. Vous portez depuis des années l’idée que nous devons collectivement nous interroger sur notre rapport au corps en général et à la nourriture en particulier. Les choses bougent-elles ?
Nos modes de vies modernes se caractérisent par une sorte de course permanente où il devient urgent de se ménager des temps de repos et de réflexion, y compris autour d’actes qui semblent simples ou évidents. Il ne faut, à mon sens, jamais perdre de vue que se nourrir, c’est faire entrer quelque chose dans son corps. Ce n’est pas neutre parce qu’avant d’arriver devant nous, la nourriture a suivi un long circuit de production qui nous engage tous, à titre individuel comme à titre collectif. Ce que nous choisissons de manger est essentiel en termes de vitalité, d’énergie et de santé, tout comme la manière dont nous faisons nos courses, dont nous sélectionnons nos produits ou dont nous gérons le gaspillage et nos déchets.
Pourquoi est-ce important dans nos sociétés de s’intéresser à ce point à ce que nous mangeons ? N’est-ce pas un privilège des sociétés aisées ?
Il me semble que la question est plus complexe. S’engager dans ce type de réflexions est en effet un problème propre à ceux qui connaissent l’opulence. Dans nos pays occidentaux, la proposition alimentaire est infiniment variée et chacun considère qu’il est normal de pouvoir manger partout et tout le temps ce que l’on souhaite. Il reste que la situation que vivent les populations des pays où des phénomènes de manque
*Food and Agriculture Organization of the United Nations ou Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
ou de pénurie perdurent n’est pas si lointaine, même en Occident : mes propres grands-parents ont souffert de la faim et beaucoup de personnes ont encore en mémoire les tickets de rationnement de l’aprèsguerre. Aujourd’hui encore, des dispositifs comme le Zéro Déchet, initialement déployé à Roubaix (59) et beaucoup imité depuis, a permis à des familles défavorisées de repenser leur rapport à la nourriture, tout en s’y retrouvant sur le plan financier. Manger correctement et à sa faim n’est pas seulement un problème de riche, c’est aussi un enjeu pour les moins aisés, y compris là où on peut un peu vite penser que le problème n’existe plus.
La société de consommation a conduit à la généralisation de produits alimentaires très transformés. Quel regard portez-vous sur ces aliments ?
Cette nourriture très industrialisée ne nous connecte pas au meilleur de nous-même parce que leurs processus de fabrication et les ingrédients qui les composent ont toute une série d’effets négatifs sur notre organisme, de l’hypertension à l’abus de sel en passant par la prise de poids. Aux ÉtatsUnis, il est normal et culturellement admis de se servir des portions dont on sait pertinemment qu’elles sont trop importantes quitte à jeter la moitié de son assiette.
(...)
Enjeux tous azimuts Société de consommation ou non, âge de l’industrie agro-alimentaire ou pas, manger reste un besoin primaire qui pose une série d’enjeux aussi divers aujourd’hui qu’hier. Un enjeu quantitatif d’abord : si les disettes et les famines existent toujours dans les pays émergents, la ruée vers les rayons de supermarchés constatée à l’occasion de l’épidémie de Covid-19 a montré que la peur du manque est toujours profondément inscrite dans les pays occidentaux. Enjeu qualitatif aussi : derrière chaque scandale alimentaire lasagnes au cheval, lait contaminé - se cache la peur ancestrale d’ingérer des produits dangereux. Le défi est aussi démographique : la capacité théorique de la planète à nourrir l’humanité est estimée à douze milliards de personnes par la FAO*, nous serons déjà dix milliards en 2050… L’enjeu est enfin médical et géopolitique : alors que la faim touche toujours six millions d’enfants chaque année dans les pays pauvres, la surnutrition provoque une pandémie d’obésité : 300 millions d’humains sont obèses et 1,5 milliard sont en surpoids, avec le lot de pathologies qui vont avec. Enfin, la question de l’éthique revient en force avec le mouvement vegan qui exclut tout ce qui vient de l’animal ou les nouvelles attentes de consommateurs de plus en plus soucieux de pratiques responsables en matière d’alimentation. Les défis sont innombrables… A new way of talking business I N°03
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(...) Non seulement les excès alimentaires et la malnutrition commencent à produire des effets plus graves que ceux de la sous-nutrition mais on en vient à des situations parfaitement absurdes. La pandémie d’obésité est directement liée à la généralisation d’une forme de malbouffe parfois complètement folle, qui touche toutes les parties du monde. C’est visible jusque dans les comportements des étudiants de l’IÉSEG avec lesquels je travaille et que j’interroge sur leurs plats préférés. Quelle que soit leur origine, les réponses se ressemblent : pizzas, burgers, cookies…
Quelles sont les conséquences de ce dérèglement des pratiques alimentaires ?
Plutôt que de mauvaise alimentation, je préfère parler de pratiques alimentaires non respectueuses de soi et des autres. L’abondance d’une offre toujours accessible nous conduit à grignoter sans cesse, à nous habituer à manger presque constamment, ne serait-ce qu’une barre de céréales. Or, la fonction digestive est l’une de celles qui demande le plus d’énergie au corps. À force de constamment s’employer à intégrer ce que nous ingérons, il ne peut jamais se reposer ou se concentrer sur d’autres tâches. Manger des repas qui conviennent à notre fonctionnement biologique est pourtant un levier essentiel pour éviter de se sentir
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UN ÊTRE HUMAIN SUR HUIT EST SOUS-ALIMENTÉ DANS LE MONDE (FAO*, 2018)
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épuisé ou pour mieux se concentrer sur nos différentes tâches, sur le plan personnel ou professionnel. L’habitude de prendre ses repas en cinq minutes sur un coin de table, tout en faisant autre chose et pour pouvoir retourner plus vite au travail, n’est pas plus vertueuse. Il faut vingt minutes au corps pour parvenir à un sentiment de satiété. Gagner du temps sur tous les tableaux n’a aucun sens, là où se préparer à manger soi-même est mille fois plus enrichissant pour le corps et pour l’esprit que d’aller s’acheter une barquette en plastique et de la mettre au micro-ondes. Cuisiner, c’est se faire du bien.
Florence Hennebel, professeure à l’IÉSEG.
Encore faut-il en avoir le temps…
Temps qui est lui-même une denrée précieuse… Le but n’est pas de virer à l’ascétisme. En revanche, si faire un écart n’a rien de dramatique, prendre l’habitude de retrouver le goût des choses et le sens des produits, c’est un processus mental important. Il nous rappelle que se nourrir n’est pas magique et nous aide à faire prendre conscience de la longue chaîne qui permet à un aliment d’arriver dans notre corps. C’est aussi par ce type de démarches qu’on renoue le lien avec ceux dont le métier est de cultiver et de produire ce que nous mangeons - et c’est l’une des clés d’un comportement responsable, pour soi et pour les autres.
30 %
“Manger des repas convenant à notre fonctionnement biologique est essentiel pour mieux se concentrer par exemple.”
DE LA NOURRITURE PRODUITE SUR LA PLANÈTE EST JETÉE, GÂCHÉE OU PÉRIMÉE (FAO*, 2018)
L’art subtil de faire évoluer les pratiques alimentaires C’est entendu : nous devons changer nos manières de nous nourrir. Pour protéger la planète, soutenir les producteurs locaux, renouer avec le goût des vraies choses, prendre soin de nous et de notre santé… Avec un hic : comme souvent, il y a loin entre l’expression d’une volonté individuelle ou collective et une modification réelle des comportements. Comment aider les consommateurs ? Éléments de réponse avec Nico Heuvinck, professeur en marketing à l’IÉSEG. La demande d’une nourriture plus saine et plus responsable augmente chez les consommateurs. Mais existe-t-il une différence entre demande exprimée et demande réelle ?
Je pense que la plupart d’entre eux expriment un souhait d’autant plus sincère que les médias relaient de plus en plus ces préoccupations et que les gouvernements multiplient les actions de sensibilisation. Les consommateurs savent qu’une alimentation malsaine est un facteur de risque important pour une série de pathologies graves : obésité, diabète, maladies cardiovasculaires… Il reste que le paradoxe perdure et que la surconsommation continue en matière de nutrition, ce qui s’explique à mon sens par deux raisons. La première tient au flou qui entoure le sujet : les consommateurs sont perdus entre des informations contradictoires et 80 % d’entre eux se disent confus au moment de faire des choix*. La seconde tient au fait qu’ils se fient beaucoup à des indices qui n’ont pas nécessairement de lien avec la salubrité des aliments ou les données nutritionnelles. Leur perception de la fraîcheur ou une liste d’ingrédients plus conséquente sont ainsi plus importantes que les données objectives. Autre phénomène classique : l’idée que plus un aliment est cher ou a bon goût, plus il est sain.
Pendant longtemps, les produits bios ont été considérés comme meilleurs pour la santé, mais moins savoureux. Ils sont aujourd’hui mis en avant par les grandes surfaces. Est-ce efficace en termes de vente ?
Il faut commencer par rappeler que les produits bios ne sont pas, par nature, meilleurs pour la santé que les autres, même si le grand public fait facilement cette association. C’est aussi faux que de dire que les aliments bios ont moins de goût que les autres. Ce qui est en revanche exact, c’est que ces produits ont un impact moindre sur l’environnement, ce qui est à terme positif pour notre santé. Pour de nombreux chercheurs, faciliter la hausse du bio passe par une évolution d’un message aujourd’hui paternaliste (“c’est bon pour la santé”) à une communication moins culpabilisante, tournée autour du bien-être. Reste à savoir comment convaincre les gens d’acheter bio. Les recherches montrent qu’il serait par exemple utile de les mélanger avec leurs équivalents plus classiques. Sans cela, le fait de les proposer dans une section séparée du magasin les empêche de se retrouver dans le panier des clients, car ils ne les remarquent pas.
On sait que le prix reste un élément de choix déterminant. Peut-on convaincre les consommateurs d’augmenter la part alimentaire de leur budget pour se nourrir mieux ?
Le prix reste un facteur décisif en matière d’alimentation saine, d’autant qu’on a instinctivement tendance à associer celle-ci à des prix plus importants. C’est une idée fausse : on peut manger sainement sans dépenser beaucoup plus d’argent ne seraitce qu’en achetant des légumes et des fruits locaux et de saison par exemple, moins chers que les équivalents exotiques et non saisonniers. (...)
Nico Heuvinck,
professeur en marketing à l’IÉSEG.
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La blockchain au secours de la traçabilité alimentaire Garantir à ses clients une information sincère et complète sur ce qu’ils mangent : des producteurs au retail en passant par le secteur de la restauration la question de la confiance sera décisive au cours des prochaines années. Reste à savoir comment montrer aux clients les efforts engagés à chaque étape de la filière, des agriculteurs et des éleveurs aux conditionneurs et aux logisticiens. La réponse pourrait bien tenir dans un mot surtout longtemps resté associé aux seules monnaies virtuelles : la blockchain.
Garantir la traçabilité
C’est en tout cas le pari d’IBM Food Trust, une solution collaborative mise en place par le géant américain de l’informatique et du logiciel, explique Constance Bordes, directrice missions stratégiques chez IBM. “Sur le plan technique, IBM Food Trust est une blockchain, autrement dit une solution informatique immuable qui permet le stockage et la transmission d’informations de manière transparente et sécurisée entre tous ses utilisateurs. Sur le plan “philosophique”, l’idée consiste à créer un écosystème sûr, intelligent et durable qui s’enrichit des apports des uns et des autres, à chaque étape du processus qui aboutit à la distribution de produits alimentaires finis. Le tout pour permettre aux consommateurs de faire leurs choix en toute connaissance de cause. Provenance des matières premières, date de production, composition, traçabilité des transactions…” Pour les consommateurs, IBM Food Trust prend concrètement la forme d’un QR code qui leur permet d’accéder à toutes les informations utiles à leur choix. Par exemple, le Groupe Labeyrie a récemment décidé de permettre une traçabilité complète autour de deux de ses produits de référence sur le marché du saumon fumé. Grâce à la solution blockchain IBM Food Trust, ses clients ont accès à toutes les informations qu’ils désirent obtenir sur les saumons qu’ils consomment. Pour les producteurs et les industriels, cette base d’informations partagées permet de suivre avec précision les processus de vente successifs de leurs produits, mais aussi d’accumuler des données utiles à leurs stratégies de production ou à leurs orientations marketing. Disponible partout dans le monde et sans réel concurrent à cette échelle, IBM Food Trust a récemment convaincu le groupe Carrefour.
(...) Il me semble que de plus en plus de personnes sont prêtes à dépenser un peu plus pour investir dans leur capital santé et améliorer leur bien-être général.
Quels sont les outils que peuvent déployer les producteurs, les restaurateurs, les magasins et les grandes surfaces pour accompagner ce basculement des comportements ?
directrice missions stratégiques chez IBM.
Cela peut se jouer à deux niveaux. Les fabricants de produits alimentaires peuvent mettre l’accent sur la salubrité de leurs produits en modifiant leurs emballages ou leurs affichages. Il y a ainsi beaucoup à faire autour des notes nutritionnelles (A à E) et des codes couleurs utilisés pour donner une note nutritionnelle aux produits. Facilement compréhensibles, ces codes pourraient être généralisés dans les cantines ou les cafétérias. Du côté des supermarchés, le courant de recherche le plus fascinant touche au marketing sensoriel. Il a été démontré que les clients exposés à une odeur ambiante chaude comme celle du bois de cèdre achètent des produits moins caloriques que si on les expose à des senteurs plus fraîches, comme l’eucalyptus. De même, diffuser une musique à faible volume entraîne une augmentation des ventes d’aliments “healthy” parce que les clients se sentent inconsciemment plus détendus. Les gens ont également tendance à choisir des aliments moins sains si l’éclairage ambiant est faible. En outre, le fait de placer des produits sains à gauche des aliments moins responsables dans les rayons permet d’écouler davantage les premiers. Nos propres recherches se sont récemment concentrées sur l’influence du poids du packaging. Il en ressort que les consommateurs estiment que les aliments qui pèsent moins sont plus sains que des produits plus lourds et qu’ils sont prêts à les payer plus chers. Ce sont autant d’interventions subtiles que les supermarchés peuvent mettre en place pour stimuler les ventes responsables et plus généralement le bien-être de leurs consommateurs.
En savoir plus
*Rapport d’enquête sur l’alimentation et la santé, 2018.
Constance Bordes,
www.ibm.com/fr-fr/products/food-trust
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Accor s’engage pour une alimentation saine et durable En 2015, le groupe Accor a formalisé son engagement pour une alimentation saine et durable à travers une charte qui passe en particulier par une chasse sans merci au gaspillage de nourriture. Un engagement citoyen et responsable que détaille Amir Nahai, directeur général food & beverage et lifestyle pour Accor. Pourquoi le groupe Accor est-il engagé au service d’une alimentation plus saine ?
L’initiative nous est propre mais suit une tendance de plus en plus prononcée chez les consommateurs. Nous sommes entrés dans une période de prise de conscience où il s’agit d’un enjeu éthique et environnemental bien plus que commercial. Il reste que nous n’avons pas attendu d’être mis au pied du mur en agissant avec un temps d’avance sur le reste du secteur hôtelier.
Accor sert chaque année plus de 200 millions de repas à ses clients. Votre objectif est de réduire le gaspillage alimentaire de 30 % avant la fin de cette année. Comment ?
C’est un processus complexe qui nous a dans un premier temps conduit à travailler sur une prise de conscience collective en interne. Cet enjeu n’était pas encore dans l’air du temps voici quatre ans et nous avons été confrontés à certaines résistances. Une partie de nos collaborateurs considérait que le sujet était moins important que celui de la labellisation ou du bio. À force d’explication et de pédagogie, nous avons réussi en six à douze mois à convaincre l’ensemble de nos équipes du caractère primordial de la lutte contre le gaspillage. La phase suivante a consisté à se poser la question de savoir comment nous y prendre.
Quels sont vos moyens d’actions ?
Amir Nahai,
directeur général food & beverage et lifestyle pour Accor.
Certaines mesures, très concrètes, ont conduit à analyser en cuisine la typologie et le volume de nos déchets pour cesser de commander en trop grandes quantités des denrées qui ne seront pas utilisées ou pour réduire les volumes de production de certains plats. L’un des exemples les plus frappants concerne notre offre de petit déjeuner.
Chaque matin, il n’était pas rare de jeter plusieurs kilos d’œufs brouillés… Un autre de nos leviers d’actions consiste à expliquer à nos clients les raisons qui nous amènent à réduire l’offre sur nos buffets, construite sur le constat qu’une partie d’entre eux se servait trop largement. Pour réduire ce phénomène, certaines actions sont pédagogiques et d’autres plus indirectes, comme celle qui consiste à proposer certains plats en verrine ou à réduire la taille des assiettes. Le troisième levier consiste à trouver une nouvelle utilité à des produits que nous jetions jusque-là, que ce soit dans nos propres cuisines ou en prenant contact avec des associations ou des structures comme Too Good To Go (voir page 16).
Au-delà du gaspillage, la charte mise en place au sein du groupe prévoit d’agir auprès de vos fournisseurs. De quelle manière ?
Dans un premier temps, cela consiste à engager des discussions avec eux pour les amener à s’engager concrètement, par exemple pour réduire les emballages ou pour améliorer leurs processus de recyclage. Si cela ne suffit pas, nous nous réservons le droit de réduire nos volumes de commande, voire de cesser de travailler avec les moins vertueux.
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Le goût de se former Premier fournisseur des restaurateurs et des commerces de bouche indépendants, défenseur engagé des traditions culinaires et de l’excellence française, METRO France voit ses métiers se transformer au gré des évolutions sociétales. Des bouleversements qui posent une question : comment accompagner des collaborateurs dont l’activité ne cesse d’évoluer ? Comment nourrir leur motivation, leur engagement et leurs savoir-faire ? Pour le directeur de la formation de l’enseigne, Pierre Maggioni, tout passe par une envie : celle de faire toujours mieux son métier.
Pierre Maggioni,
directeur de la formation de METRO.
IFFRES METRO EN CH 4,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires (2018) 9 000 collaborateurs 98 points de vente 800 000 clients 90 % de surface dédiée aux produits alimentaires 4 000 fournisseurs 60 % du chiffre d’affaires est réalisé par la vente de produits frais 80 % des chefs étoilés français se fournissent auprès de l’enseigne
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Comme toutes les entreprises, METRO a vu son activité évoluer ces dernières années, notamment sous l’influence du numérique. L’enseigne, qui fournit aux professionnels de la restauration les éléments indispensables à leur métier - aliments et matières premières mais aussi matériel de salle, équipements de cuisine… - doit se transformer à grande vitesse. “Dans un métier de contact qui fait la part belle au rapport humain, prendre le virage digital est une révolution d’autant plus marquante que la marque s’est fixé comme objectif de devenir la première market place sur le marché B2B”, détaille Pierre Maggioni. Conserver la confiance, la chaleur humaine et la proximité souvent établies de longue date entre les collaborateurs des entrepôts et leurs clients, tout en renforçant la performance commerciale : un vrai challenge.
Agilité et volontariat
Logistique, achats, ventes, expertise métier, marketing, relation client… À chaque étage de l’entreprise, de nouvelles compétences sont nécessaires pour renforcer la performance commerciale. Pour mener à bien le travail de formation considérable engagé depuis deux ans dans les points de vente et dans les services, l’entreprise a parié sur l’intelligence collective et le volontariat, explique Pierre Maggioni : “nous travaillons pour les acteurs des métiers de bouche. Parier sur l’envie et l’appétit d’apprendre de nos collaborateurs est non seulement logique mais cohérent avec nos valeurs.” Concrètement, METRO a mis en place des cercles de qualité, sortes de groupes d’échanges et de dialogues où les hiérarchies classiques n’ont pas cours. Objectif : croiser les points
de vue et les expériences pour déterminer ensemble les méthodes et les outils nécessaires pour mieux servir les clients et la performance collective. Basée sur le seul volontariat, la démarche est un succès : 3 500 des 9 000 collaborateurs y participent, séduits par cette liberté qu’on leur accorde de tester de nouvelles manières de faire, quitte à les ajuster au fil de l’eau si nécessaire. Autre démarche mise en place : celle qui consiste à envoyer les collaborateurs volontaires en immersion chez des clients. Une sorte de “vis ma vie” particulièrement utile, explique Pierre Maggioni : “cela nous permet de mieux comprendre les contraintes et les besoins des uns et des autres, donc de leur fournir exactement ce dont ils ont besoin.” Dernier grand axe : la mise en ligne de modules de e-learning consultables librement par les collaborateurs qui le veulent, au rythme où ils le souhaitent. Et ça marche : suivis 25 000 fois en 2019, ces contenus n’avaient été vus que… 200 fois voici trois ans. Conclusion ? “Donner envie, ça fonctionne. L’idée maîtresse, c’est qu’il ne s’agit pas de se former par obligation mais par appétit. C’est simple, mais ce goût de faire mieux est une clé de formation essentielle.”
Résultats palpables
Après deux ans, le bilan est net : l’effort engagé porte d’ores et déjà ses fruits, en interne et en externe - une performance que le Net Promoter Score (NPS*) permet de mesurer objectivement, explique Pierre Maggioni : “dans le retail en général, l’indice tourne autour de + 14. En deux ans, METRO est passé a + 35.” Le résultat d’une belle recette… *Le NPS est un indicateur de satisfaction et de fidélité client, estimé sur une échelle de -100 à +100.
L’ailleurs pour se nourrir C’est certes un vieux cliché qui a plus qu’un fond de vérité : les voyages forment la jeunesse… Et pas seulement. Pour nourrir l’esprit du collectif, l’IÉSEG a lancé un dispositif de courts séjours auprès de ses équipes, les Learning Experiences. L’idée ? Permettre à chacun de sortir de sa zone de confort et de s’ouvrir l’esprit en s’intéressant à ce qui se fait ailleurs, dans d’autres univers qu’au sein de l’école. Éléments de réponse avec Loïc Plé, directeur adjoint à la pédagogie et au développement académique. Les Learning Experiences sont des dispositifs conçus pour nourrir les équipes de l’IÉSEG. Quel en est le principe ?
Il consiste à proposer à nos collègues de partir en équipes vers une destination de leur choix pour y rencontrer une large gamme d’acteurs : entreprises, institutions, ONG, universités, écoles… Il leur revient de construire de A à Z ces projets dont la durée maximale est de trois jours (voire un peu plus pour les destinations les plus éloignées, pour lesquelles il faut compter des temps de déplacement importants). Au travers de ces échanges et de ces discussions, l’objectif est de comprendre les problématiques auxquelles lesdits acteurs font face et d’examiner la manière dont les grandes évolutions sociétales transforment leurs activités, leurs modes de pensées, d’actions et de fonctionnement, leurs politiques de recrutement, les attentes de leurs parties prenantes et de leurs partenaires… C’est une recherche
d’ouverture et de diversité qui part du principe que c’est en se confrontant à d’autres univers qu’on enrichit sa propre manière d’agir.
Comment les équipes sont-elles composées ?
Le but étant de permettre à nos collègues de sortir de leurs prés carrés respectifs, nous cherchons à favoriser la mixité au sein de chaque équipe. Il ne saurait par exemple être question de voir les membres d’un même service partir pour la même destination. Nous faisons donc en sorte de croiser les parcours et les métiers : les équipes doivent ainsi être composées d’un mix de personnels académiques et administratifs, appartenant à des services ou à des départements d’enseignement et de recherche différents.... Chaque projet est porté par un leader, qui soumet le projet et est chargé d’établir puis de gérer un budget précis alloué selon le nombre de participants à la Learning Experience.
Plus de
80 Loïc Plé,
Certaines destinations ou certaines thématiques ressortent-elles plus que d’autres ?
La curiosité dont font preuve nos collègues fait que la liste est très variée : Canada, Singapour, Afrique du sud, mais aussi Japon et Rwanda. À l’inverse, certains ont souhaité prendre le temps d’un échange avec des PME situées à quelques dizaines de kilomètres de Lille ou de Paris. Ce n’est pas tant le nombre de kilomètres qui compte que l’originalité et la diversité des rencontres et des expériences, même si certaines expériences ressortent, comme par exemple les Learning Experiences menées à Singapour, en Inde où nos collègues ont découvert le monde de l’entrepreneuriat social, ou enfin en Estonie, autour du thème de l’État digital.
Que retire-t-on de ce type d’expérience ?
Ce qui est intéressant, à en juger par les comptes rendus d’expédition que chaque collègue rédige à son retour, c’est que chaque membre en retire quelque chose de différent. Beaucoup d’initiatives mises en place dans nos services ou dans nos enseignements s’inspirent directement ou non de l’expérience accumulée dans le cadre des Learning Experiences. À long terme, c’est tout le collectif qui se nourrit de ces expériences individuelles qui entretiennent l’engagement et la curiosité de tous.
LEARNING EXPERIENCES ONT ÉTÉ ORGANISÉES À L’IÉSEG DEPUIS LE LANCEMENT DU PROGRAMME.
directeur adjoint à la pédagogie et au développement académique. A new way of talking business I N°03
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Nourrir l’esprit : les vertus de la méditation Depuis quatre ans, les étudiants de l’IÉSEG peuvent s’inscrire à un cours dont l’intitulé - Mindfulness & Management - pourrait étonner. La méditation dans une business school, vraiment ? Et pourtant : apprécié des élèves, il témoigne de leur intérêt croissant pour une pratique aux bienfaits palpables. Le point avec Julie Bayle-Cordier, professeure de RSE à l’IÉSEG. De l’extérieur, on peut s’étonner de voir une école de management dispenser des cours de méditation, pratique qu’on associe peu au monde des affaires. Est-ce une idée reçue ?
C’est en tout cas une réaction qui perdure en France où l’introduction de la méditation dans le monde de l’entreprise étonne encore, comme la RSE avant elle, une idée longtemps saugrenue pour beaucoup. Dans un univers classiquement très attentif à des valeurs de performance, de concurrence ou d’efficacité, s’adonner à une pratique qui vise des effets de long terme plutôt que de court terme reste contre-intuitif. Méditer, c’est en partie lâcher prise et se détacher de l’idée d’objectif, une démarche qui rompt avec l’idée de l’acteur rationnel ou du manager capable de maîtriser son environnement. Cela étant, les choses changent en France et ailleurs dans le monde. Aux États-Unis, une récente enquête a montré que 13 % des salariés ont été formés à une forme ou à une autre de pratique méditative, ce qui en fait un marché considérable.
Comment expliquer ce phénomène ?
Depuis cinq à dix ans, les études scientifiques consacrées à la méditation se sont multipliées et ont mis en évidence les bienfaits de son impact sur le corps et le cerveau. Les entreprises commencent à admettre que les pratiques méditatives sont loin de s’opposer à la performance mais qu’elles permettent au contraire de l’entretenir, au niveau de chaque salarié
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comme au niveau collectif. Chute du turn-over, amélioration de l’engagement des managers… Pourquoi s’en priver ?
N’est-ce pas instrumentaliser les pratiques méditatives ?
On détourne certes l’intention d’origine mais on peut comprendre le besoin des dirigeants de légitimer la méditation en pointant le fait que la science en valide objectivement l’intérêt. Il reste à observer la manière dont les entreprises vont évoluer au cours des prochaines années pour savoir si cette vision, d’abord instrumentale, débouche sur une modification des pratiques managériales, des modes de fonctionnement ou des cultures d’entreprise. Il est encore trop tôt pour le déterminer. On peut penser que les entreprises adopteront différentes stratégies par rapport à la mise en place de pratiques méditatives, tout comme elles le font déjà par rapport aux pratiques de RSE.
Quels sont les premiers effets concrets de la pratique de la méditation ?
En Occident, la pratique a vraiment démarré dans le milieu hospitalier, lorsque le biologiste américain Jon Kabat-Zinn a créé le premier centre de méditation au sein de l’école de médecine de l’Université du Massachussetts en 1979. Le premier effet positif identifié touche à la réduction du stress et de l’anxiété, avec des effets positifs sur les insomnies. Une quarantaine d’années plus tard, les neurosciences ont montré que la méditation modifie le fonc-
Julie Bayle-Cordier,
professeure de RSE à l’IÉSEG. tionnement cérébral, y compris lorsqu’on la pratique de façon bien plus modeste que des figures comme Matthieu Ricard ou Christophe André. En trente minutes par jour, les effets sont déjà sensibles pour tout ce qui touche au contrôle des émotions et à la capacité de concentration. On peut développer également sa capacité de compassion.
Calme, recul, empathie… On touche là aux célèbres soft skills.
La méditation facilite clairement le développement de l’intelligence émotionnelle en permettant à chacun de se montrer plus attentif à ses émotions, ses sensations et ses pensées. Non seulement cela conduit
Au-delà de la viande, vraiment ? Quoi de neuf sur le marché de la viande artificielle ? Depuis que Mark Post, un chercheur hollandais, a présenté en 2013 le premier “steak” de synthèse 250 000 euros tout de même beaucoup d’entreprises se sont lancées sur un marché prometteur… “Le slogan de l’IÉSEG est “former les acteurs du changement œuvrant pour une société meilleure”. Ce cours m’a donné l’impression que l’IÉSEG s’efforçait effectivement de nous impliquer dans le changement de notre société.” Étudiant du cours Mindfulness & Management, IÉSEG, campus Lille, janvier 2020 à développer son empathie vis-à-vis des autres mais les études plus récentes montrent que les leaders qui pratiquent la méditation sont plus appréciés par leurs équipes, qui les jugent plus éthiques et mieux à même de prendre les bonnes décisions.
Les cours de méditation de pleine conscience que vous donnez à l’IÉSEG sont très demandés. Comment l’expliquez-vous ?
J’enseigne également la RSE et je constate comme beaucoup de mes collègues que nos élèves sont de plus en plus attentifs aux questions de conscience, de morale, d’équité et de justice sociale. Le succès de la méditation s’explique à mon sens par le fait qu’on l’associe à juste titre à une meilleure capacité à prendre des décisions éthiques et justes. Par ailleurs la vie étudiante est stressante, à la fois d’un point de vue académique mais également personnel. Participer à des cours de méditation permet aux étudiants d’apprendre à gérer leur stress et aussi à mieux se connaître pour au final un meilleur équilibre de vie.
“Ce n’est pas prêt de s’arrêter”, estime Cyrine Ben-Hafaïedh, professeure en entrepreneuriat, innovation et stratégie à l’IÉSEG : “d’après le cabinet AT Kearney, un peu plus d’un tiers de la viande consommée aura été conçue in vitro d’ici 2040.” Chine, Europe, États-Unis… Les initiatives se multiplient, les investissements aussi et de nouveaux acteurs apparaissent, à première vue inattendus comme les laboratoires pharmaceutiques tels que Merck. Et pour cause : ce qui a longtemps relevé de la science-fiction est tout proche de l’industrialisation. “Une fois les derniers verrous technologiques levés, rien ne s’oppose à une commercialisation à grande échelle d’autant que les grands acteurs Cyrine industriels du secteur ont compris que la viande Ben-Hafaïedh, artificielle était l’avenir”, précise Cyrine BenHafaïedh en pointant un signal qui ne trompe professeure en pas : aux États-Unis, la législation commence entrepreneuriat, à évoluer. Reste une inconnue : l’attrait des innovation et consommateurs pour cette viande un peu stratégie à l’IÉSEG. spéciale. “L’acceptation ne devrait pas être un problème”, juge pourtant Cyrine Ben-Hafaïedh : “en définitive, beaucoup des aliments carnés transformés que nous consommons déjà n’ont plus grand-chose de naturel et les questions de goût, d’apparence ou de texture seront petit à petit résolues avec les progrès technologiques.” En découle DES ÉMISSIONS CARBONE DANS LE MONDE une conclusion relativement contreSONT LIÉES À L’ÉLEVAGE DE VIANDE. intuitive à l’heure où chaque gramme de viande in vitro coûte encore des milliers d’euros : “une fois que l’industrie sera passée en vitesse de croisière, les steaks de synthèse ne seront pas des produits premium mais plutôt des aliments d’entrée de gamme”, estime la chercheuse.
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BUSINESS AND RESEARCH .
Emballages : en route vers le zéro déchet ? Avec un chiffre d’affaires de 90 milliards d’euros pour la France seule, le secteur de l’emballage se porte bien. Problème : à l’heure de l’urgence environnementale, son impact sur la planète est régulièrement pointé du doigt. Des solutions existent pourtant, à en croire Hugues Pelletier, fondateur de Petrel. “Les planètes s’alignent, explique l’ancien directeur d’Ooshop. Les consommateurs mettent la pression sur les marques, les entreprises industrielles en ont pris conscience et l’État s’en empare dans le cadre de la loi sur l’économie circulaire.” Au-delà du recyclage, c’est la vieille pratique de la consigne que Petrel fondée en 2018, souhaite mettre en avant : “notre rôle est d’accompagner des distributeurs et des industriels vers une gestion circulaire des emballages pour les aider à se transformer. On pense tout de suite au plastique lorsqu’on parle de déchets mais au-delà, c’est toute la logique de l’usage unique qu’il faut casser.” Une stratégie écoresponsable qui suppose une modification en profondeur de la chaîne logistique du e-commerce : précisément le métier de Petrel, qui vient d’aider Carrefour à intégrer la solution Loop, conçue pour récupérer auprès des clients les emballages réutilisables avant de les retourner aux distributeurs.
Petit Pot devenu Inconnues aux États-Unis, les crèmes desserts titillent depuis maintenant six ans les papilles américaines, friandes de nouveauté. Le fruit d’une belle idée de Maxime Pouvreau, un jeune chef d’entreprise qui a lancé la marque Petit Pot à San Francisco en 2014. Désignée start-up de l’année en 2015 lors des FABA*, l’entreprise a bien grandi depuis… Vous vivez en Californie depuis onze ans. Comment l’idée de créer Petit Pot vous est-elle venue ?
À mon arrivée aux États-Unis, j’ai travaillé comme chef pâtissier dans plusieurs restaurants et j’ai rapidement constaté que les riz au lait et les crèmes desserts que je proposais à la carte remportaient un franc succès. J’ai également réalisé qu’il n’y avait pas d’équivalent dans les supermarchés américains des produits proposés par des marques familières en France comme La Laitière ou Danette, y compris sur le marché du haut-de-gamme. J’ai puisé dans les recettes familiales pour mettre au point mes premiers produits.
Le projet a-t-il évolué en cours de route ?
Hugues Pelletier, fondateur de Petrel.
En savoir plus www.petrel.fr
Dans les premiers temps, je pensais plutôt proposer aux consommateurs une sorte de liégeois, avec de la chantilly au-dessus. Petit à petit, je me suis réorienté vers des pots de crèmes comme ceux que nous proposons aujourd’hui. Là encore, il a fallu affiner le packaging. Les pots en terre cuite que les clients français connaissent bien ne sont pas chargés du même imaginaire pour les clients américains et nous nous sommes finalement tournés vers des pots en verre, avec un opercule orange.
*Les French-American Business Awards (FABA) sont un concours qui récompense les meilleures jeunes pousses franco-américaines de San Francisco et du nord de la Californie.
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Retrouver du sens au travail
grand
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MILLIONS D’EUROS : C’EST LE CHIFFRE D’AFFAIRES RÉALISÉ PAR PETIT POT EN 2019
Le fait d’être français est-il un atout supplémentaire pour séduire le consommateur américain ?
La gastronomie de notre pays a conservé une réputation intacte tout autour du monde et le fait de pouvoir proposer cette sorte de french touch est à l’évidence un atout. Aux États-Unis comme au Japon ou ailleurs, les produits français ont une image positive mais cela ne fait évidemment pas tout. Il faut se montrer à la hauteur en proposant des produits savoureux et qualitatifs.
Mettre au point votre crème est une chose, convaincre des distributeurs en est une autre. Comment avez-vous réussi ce passage délicat ?
Après avoir affiné mes produits dans les restaurants où je travaillais, j’ai commencé de façon très modeste en démarchant moi-même les magasins. Je mettais plusieurs caisses de crèmes à l’arrière de ma voiture et je faisais ma tournée à San Francisco, surface de vente après surface de vente. De fil en aiguille, nous sommes arrivés à une quarantaine de magasins, seuil à partir duquel nous avons décidé de passer par un professionnel de la distribution. Nous sommes aujourd’hui présents dans plus de 6 000 magasins. Nous sommes restés très implantés sur toute la côte Ouest, mais la côte Est constitue notre deuxième plus gros marché.
Au-delà de la qualité de vos produits, comment expliquez-vous votre succès ?
La détermination est la clé. Une expression américaine le résume bien : “don’t take ”no” for an answer”. Même lorsqu’on vous dit que votre projet est un peu fou, il faut continuer à y croire et à faire confiance à la qualité de vos produits.
Aller plus loin
www.petitpot.com
Un salarié sur cinq aurait le sentiment d’occuper un de ces “bullshit jobs” décrits par l’anthropologue David Graeber. Comment retrouver du sens au travail ? Éléments de réponse avec Sonia LevillainDesmarchelier, professeure de management à l’IÉSEG. Peut-on objectiver le concept de bullshit job ?
Je lui préfère la notion plus large de conséquences des pratiques managériales mais c’est en effet délicat dans la mesure où la perception personnelle peut largement varier d’une personne à l’autre. Ce qui nourrit l’un ne nourrira pas l’autre et l’agacement des uns devant certains process jugés trop longs semblera normal à leurs collègues. Le rapport au travail repose sur les interactions entre l’individu et son environnement au sens large. Si tout n’est pas de son ressort, un salarié qui ne trouve plus de sens à son travail doit aussi s’interroger sur ce qu’il peut faire à son niveau, dans sa zone d’impact.
Comment redonner du sens à son travail ?
Ceux qui s’engagent le plus dans leur travail sont ceux qui exercent un métier cohérent avec leurs talents et avec leurs aptitudes, ce qui leur donne une capacité d’excellence opérationnelle. C’est cet alignement qui permet de mieux résister au stress, d’obtenir de meilleurs résultats, de se sentir engagé et de mieux gérer son rapport au temps tout en prenant du plaisir à ce qu’ils font. Cela dit, c’est une condition nécessaire mais pas suffisante : encore faut-il que son univers professionnel soit en mesure de ne pas ralentir ou abîmer cette sorte d’harmonie, par exemple en amenant à des situations de surinvestissement. Si repenser la cohérence de son projet personnel et professionnel est un élément indispensable à l’équilibre de chacun, les organisations ne doivent pas sous-estimer leur part de responsabilité et favoriser les pratiques managériales et relationnelles nourrissantes, efficaces et constructives.
Sonia LevillainDesmarchelier,
professeure de management à l’IÉSEG.
Maxime Pouvreau,
fondateur de la marque Petit Pot.
A new way of talking business I N°03
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GOOD NEWS .
Avec Act for food, Carrefour s’engage par la preuve Faire de la transition alimentaire le cœur même du modèle d’affaire : c’est l’ambition ouvertement revendiquée par Carrefour à travers le programme Act For Food.
“Son but premier décline la volonté affirmée par Alexandre Bompard dès son arrivée à la tête de l’entreprise voici deux ans, explique Maxence Boulant, aujourd’hui directeur de l’hypermarché d’Armentières (59). Il a souhaité inscrire l’enseigne dans une démarche sociale et environnementale de distribution plus responsable.”
Des actions concrètes et mesurables
Pour anticiper les reproches de green washing un peu vite adressés à certains, Carrefour mise sur la preuve par l’action, au travers d’une démarche qui se traduit en France par la mise en place de treize opérations de terrain concrètes et mesurables. “Garantie d’un bio de saison 100 % français, suppression des additifs et des colorants dans les produits Carrefour, suppression totale des antibiotiques et des OGM sur le frais et la filière animale, suppression des œufs de poules élevées en cage à horizon 2025, emballages recyclables…, énumère Maxence Boulant. À chaque fois, nous nous engageons réellement et concrètement en faveur de la qualité alimentaire, au prix juste.” Sécurité et éthique ne sont pas oubliées : la totalité des sites de production de l’enseigne est certifiée et auditée y compris dans les abattoirs, tous équipés de caméras de longue date pour éviter certaines des dérives dont les médias se sont fait récemment l’écho.
Aller plus loin
www.actforfood.carrefour.fr
Maxence Boulant,
directeur d’hypermarché Carrefour.
16 N°03 I A new way of talking business
Lucie Basch,
fondatrice de l’application Too Good To Go.
Chasse au Lancée en 2016 par Lucie Basch, l’application Too Good To Go parie sur l’intelligence collective et la géolocalisation pour réduire le gaspillage alimentaire, en proposant à ses utilisateurs de récupérer les invendus auprès des restaurateurs et des commerces de bouche. Un pari malin et efficace que détaille sa fondatrice. On jette chaque année dix millions de tonnes de nourriture en France. Comment expliquer ce gaspillage et que proposez-vous pour le réduire ?
Un tiers de la nourriture produite chaque année dans le monde part à la poubelle. En France, cela revient à 29 kilos par personne… Un tiers de ce gaspillage intervient au niveau de la production pour 21 % en phase de transformation et de stockage. Les distributeurs en sont responsables à hauteur de 14 %, les ménages de 20 %*. Tous les acteurs ont donc leur rôle à jouer. Too Good To Go propose une solution qui permet à chacun de lutter à son échelle. C’est notre manière à nous d’aider le gouvernement à atteindre le cap fixé pour 2050, qui vise à réduire le gaspillage de 50 %.
6 millions
L’APPLI TOO GOOD TO GO COMPTE SIX MILLIONS D’UTILISATEURS EN FRANCE ET REGROUPE 12 000 COMMERÇANTS PARTENAIRES.
8%
LE GASPILLAGE ALIMENTAIRE EST, À LUI SEUL, RESPONSABLE DE 8 % DES ÉMISSIONS DE CO2 AU NIVEAU MONDIAL.
gaspi Considérez-vous que la chasse au gaspillage puisse aussi jouer un rôle sur le plan environnemental ?
Ce n’est pas nous qui le disons, c’est le GIEC** ! Son dernier rapport identifie trois leviers de lutte contre le changement climatique : l’augmentation de la productivité, la modification des régimes alimentaires et la lutte contre le gaspillage alimentaire.
Vous considérez-vous comme une entreprise engagée ?
Et même militante ! Ce qui anime les 500 “waste warriors” de Too Good To Go, c’est bien la volonté d’avoir un impact concret en modifiant les habitudes de tous les acteurs de la chaîne alimentaire, des producteurs aux consommateurs en passant par les industriels et les pouvoirs publics. Et ça marche ! En 2019, nous avons passé la barre des 25 millions de repas sauvés en Europe. Et nous allons plus loin, par exemple en nous penchant sur la question des dates de péremption, responsables de 10 % du gaspillage alimentaire en Europe. Nous avons lancé en janvier 2020 un Pacte sur les dates de consommation signé par une quarantaine d’acteurs de la filière alimentaire, aussi bien des distributeurs (Carrefour, Monoprix, Leclerc, Intermarché…) que des industriels (Nestlé, Danone, Bel, Savencia…). Ce Pacte comprend dix engagements ambitieux, concrets et mesurables, portant sur la gestion et la compréhension des dates de consommation et bénéficie du soutien des ministères de la Transition Écologique et de l’Agriculture et de l’Alimentation. Auprès des consommateurs, nous travaillons d’autres pistes pour leur donner des clés et les aider à modifier leurs routines au quotidien, via les réseaux sociaux, notre blog ou encore le guide anti-gaspi, publié en octobre dernier.
Comment votre démarche a-t-elle été reçue au départ par les commerçants ? Est-ce plus facile de convaincre de nouveaux partenaires aujourd’hui ?
Il nous a fallu beaucoup de force de conviction pour persuader les premiers commerçants de nous rejoindre mais le gaspillage alimentaire est devenu un sujet de société, très présent dans les médias. En trois ans, les mentalités ont évolué et les consommateurs n’hésitent pas à demander des comptes aux marques. Le très bon bouche-à-oreille dont nous bénéficions fait qu’aujourd’hui, plus de mille commerçants nous contactent chaque mois pour travailler avec nous.
À tort ou à raison, on associe plutôt vos utilisateurs à un public plus aisé. Est-ce exact ?
Le gaspillage alimentaire doit être l’affaire de toutes les classes sociales. Nous comptons plus de dix-huit millions d’utilisateurs en Europe dont un tiers en France et leurs profils sont très variés : étudiants, retraités, familles, jeunes actifs… On peut identifier trois groupes, qui ne sont au demeurant pas antinomiques : les petits budgets, les “foodies” qui cherchent à faire des découvertes culinaires et les utilisateurs plus écolos.
La restauration collective est l’un des endroits où l’on gâche le plus. Comment agir sur ce plan ?
Nous travaillons sur la restauration collective depuis 2019 avec Elior, qui opère dans de nombreux restaurants d’entreprise. Nous espérons ainsi aller toujours plus loin et toucher de nouveaux publics. C’est une priorité de l’année 2020 et nous montons d’ailleurs une équipe dédiée pour faire changer les chiffres dans ce secteur. Nous avons également lancé avec succès une série de pilotes dans les cantines scolaires et nous organisons des ateliers de sensibilisation auprès des enfants. Ce sont les consommateurs de demain ! *Ademe, 2016. **Groupe d’experts inter-gouvernemental sur l’évolution du climat.
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NICE TO MEET YOU .
Fini le fast food, place au fast good Lorsque Frédéric Rouvez, Arnaud de Meeûs et Nicolas Steisel fondent EXKi en 2001 à Bruxelles, le secteur de la restauration rapide est encore largement dominé par des pratiques inspirées des mœurs nord-américaines. L’essentiel est de manger vite plutôt que bien : le goût, la diététique et la responsabilité environnementale passent au second plan. Sur le papier, le pari d’EXKi - manger bon, sain et durable - semble risqué et pourtant : en moins de vingt ans, la chaîne belge s’est installée dans le paysage. Le point avec Robin Blondel, general manager new markets and global head of product and supply chain pour la marque. On n’associe pas nécessairement le déjeuner sur le pouce avec le bien-manger. Comment le pari d’EXKi est-il né ?
Le pari des trois fondateurs est d’avoir construit leur modèle d’affaire autour de l’idée que manger vite et sainement n’a rien d’impossible. C’était audacieux dans un secteur dominé par les géants du fast-food mais ils ont eu le mérite de sentir avant les autres que les consommateurs avaient, parfois, envie d’autre chose que de hamburgers, pour le dire de manière un rien caricaturale. Ils ont également pris conscience que l’urbanisation croissante allait conduire un nombre conséquent d’actifs à se restaurer sans rentrer chez eux, alors que trois ou quatre repas seulement par semaine étaient alors consommés hors du domicile. Enfin, la part grandissante des femmes dans la population active a également joué dans la mesure où ces dernières ne se retrouvaient pas dans l’offre proposée, souvent grasse, riche, trop salée ou trop sucrée. Il y a d’ailleurs là une évolution sociétale nette : à sa création, la clientèle d’EXKi était à 75 % féminine. Elle est beaucoup plus mixte aujourd’hui et la part des hommes dans notre clientèle ne cesse de progresser.
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Qu’est-ce qui explique à vos yeux le succès de votre modèle ?
La volonté de proposer une cuisine goûteuse et équilibrée y est pour beaucoup mais le véritable facteur de différenciation tient au fait qu’EXKi est construite autour de valeurs fortes, à commencer par la volonté de protéger la planète de manière durable. Notre fibre écologique et environnementale n’est pas une construction a posteriori : dès le premier jour, EXKi a proposé des recettes végétariennes, mis des couverts en bois à la disposition de ses clients, fait le choix de donner chaque soir ses invendus à l’Armée du Salut…
La restauration rapide est souvent associée à des lieux bruyants et agités. EXKi a-t-il aussi cherché à se différencier sur ce point ?
Notre positionnement rappelle sur ce point celui de Starbucks Coffee. Dans un monde trépidant, pouvoir disposer d’une sorte de tiers-lieu confortable qui n’est ni le bureau ni la maison et où l’on puisse se restaurer dans le calme est important. On ne vient pas tant déjeuner chez EXKi que faire une pause bien-être : ce qui passe par un service adapté,
un cadre calme et apaisé, accessible du matin au soir quel que soit le temps dont on dispose.
Vous êtes aujourd’hui présents en Belgique, en France, en Italie, en Espagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas… Comment vous adaptez-vous aux goûts des consommateurs sur ces différents marchés ?
Il n’y a rien de plus intimement lié à la culture que la nourriture, ce qui rend effectivement l’équation délicate. À une offre commune, présente partout où nous sommes implantés et relativement universelle, s’ajoutent donc des plats adaptés aux attentes et aux spécificités locales. Ce qui nous distingue partout où nous sommes, c’est la fraîcheur, la qualité, la variété et le choix de nos produits d’une part, notre inventivité et notre réactivité d’autre part. Les attentes et les tendances changent si rapidement aujourd’hui qu’il faut constamment être attentifs aux nouvelles demandes et aux nouveaux goûts. Là où une nouvelle tendance mettait autrefois cinq ans à franchir l’Atlantique, il ne faut plus que six mois
EXKi, l’acteur belge qui monte Robin Blondel,
general manager new markets and global head of product and supply chain EXKi.
aujourd’hui. Non sans quelques paradoxes d’ailleurs : alors que nous ne cessons d’innover pour lancer de nouvelles recettes, certaines de nos valeurs sûres sont des choses simples et rassurantes, souvent proposées depuis longtemps.
En 2014, votre tentative d’installation à New-York n’a pas abouti. Pourquoi et quelles leçons en tirez-vous ?
L’offre d’EXKi en tant que telle était appréciée mais nous avons mal appréhendé certains détails. Nous avons ainsi retenu de cet épisode qu’il est vain d’espérer s’implanter aux États-Unis sans s’associer à un partenaire américain, surtout quand on cherche à démarrer son activité en plein Manhattan. Sans allié, tout vous coûte le double, du loyer aux matières premières… Nous avions également mal anticipé la question de la tarification. Proposer des produits bios, frais et de qualité implique des tarifs relativement élevés. Or, à partir d’un certain niveau de prix, les clients américains attendent un service à table là où notre équilibre économique ne le permettait pas. Le troisième point, lié au deuxième, touche au coût du travail et
à la pratique typiquement américaine du tip. Dans le monde de la restauration, un salarié qui ne sert pas à table ne reçoit aucun pourboire. Pour motiver nos salariés, il fallait les surpayer pour compenser l’absence de pourboire… Nous avons préféré ne pas nous acharner, quitte à retenter l’aventure aux États-Unis dans quelques années, mais ailleurs et autrement.
Comment sentez-vous et mesurezvous les nouvelles tendances ?
Notre métier se caractérise par de faibles marges mais également par un faible coût d’entrée. Nous fonctionnons sur la base du test & learn, en proposant régulièrement un grand nombre de nouvelles recettes, quitte à laisser rapidement de côté celles qui ne fonctionnent pas. C’est une prise de risque raisonnée qui permet de tester nos intuitions sans prendre de risques lourds. Nos clients sont nos meilleurs juges ! Et ça nous apprend à rester humbles : des produits que j’ai lancé dans ma vie, ce ne sont pas toujours ceux auxquels je croyais le plus sur le papier qui ont fonctionné…
Fondée en 2001, EXKi comptait 105 restaurants en janvier 2020 pour un chiffre d’affaires de 156 millions d’euros, contre 150 millions pour l’exercice précédent. La chaîne emploie 1 500 salariés (1 000 ETP). Pour la première fois l’an passé, son activité à l’international a dépassé le volume d’affaires réalisé en Belgique. L’an dernier, l’enseigne s’est implantée pour la première fois en Espagne et est aujourd’hui présente dans six états européens.
Quels sont vos principaux axes de développement ces prochaines années ?
L’enseigne a déjà plusieurs cordes à son arc : nous fonctionnons en marque propre et en franchise, avec des restaurants en centreville, dans les gares, les aéroports, les centres commerciaux et depuis peu sur les aires d’autoroutes. Nous pouvons encore grandir mais le rythme des ouvertures devrait se stabiliser. Les perspectives de croissance se situent plutôt là où nous ne sommes pas encore assez présents, par exemple en matière de livraison à domicile. Nous avons également créé une petite sœur, Sowl, autour d’un nouveau concept de bar à salades composées par les consommateurs eux-mêmes. Le deuxième pilote, qui vient d’ouvrir à Bruxelles, illustre cette volonté de continuer à explorer la manière dont nous pouvons répondre à l’évolution des habitudes de consommation mais il ne s’agit pas de s’étendre pour le principe de s’étendre. Nous ne voulons pas être une immense chaîne de restauration mais bien une chaîne durable.
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