Hatzalah : Quand la vie est une question de minutes

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HATZALAH :

QUAND LA VIE EST UNE QUESTION DE MINUTES Interview : Yael Lancri Photos : Hatzalah

‫איחוד הצלה‬ (Ihud Hatzalah) signifie littéralement « Unis dans le secours ». Vous avez sans aucun doute si vous habitez en Israël vu circuler ces petites motos ambulances qui interviennent sur les lieux d’accidents et malheureusement aujourd’hui sur les nombreuses scènes de terreur. Hatzalah est une organisation de secouristes, d’urgentistes, d’ambulanciers et de médecins fondée en 2006 à Jérusalem par un Israélien Eli Beer. Elle déploie gratuitement ses services dans tout le pays grâce à un travail remarquable opéré par des bénévoles. Cette organisation est un défi au temps, car lorsqu’il y a une urgence médicale, chaque minute est précieuse. Rencontre avec Jonathan Chiche responsable de la section Hatzalah France.

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ASH : Quel est le rôle d’Hatzalah et où se situe l’organisation par rapport à MDA et ZAKA? Jonathan CHICHE : Il faut déjà bien comprendre qu’Hatzalah a été fondée pour répondre au problème du temps d’attente en matière de secours d’urgences. Dans les pays développés, on a à travers le monde un temps d’attente minimum qui oscille entre 10 et 15 minutes avant l’arrivée des secours. Pour dire les choses crûment, en cas d’urgence absolue, on a le temps de mourir 10 fois ! C’est donc pour gagner de précieuses minutes qu’Hatzalah a été créée car l’idée est d’arriver grâce à nos motos avant l’ambulance qui transportera le blessé. Dès qu’il y a une urgence, l’information arrive à notre poste central à Jérusalem et nous transmettons à nos membres dans la zone concernée. Nos secouristes vont arriver dans les 3 minutes. Nous allons ainsi prodiguer les premiers secours, évaluer la situation avant l’arrivée de l’ambulance. Pour répondre précisément à votre question, MADA (Maguen David Adom) est une organisation qui dépend du gouvernement et qui est composée de salariés et de bénévoles. Ses interventions impliquent un coût qui sera facturé à la victime. Hatzalah en revanche est une organisation indépendante composée exclusivement de bénévoles. Nous avons 3000 bénévoles dans tout Israël du nord au sud et nous couvrons toutes les zones du pays. Nos interventions sont gratuites pour les blessés. En 2014, Hatzalah a effectué 245000 interventions et on estime qu’au moins 4000 vies ont été sauvées uniquement grâce à la rapidité de nos secours. Quant à ZAKA (Zihuy Korbanot Asson), c’est une organisation qui a été créée en 1989 au moment des premiers attentats kamikazes. Son but initial est d’identifier et de réunir toutes les parties des corps des victimes décédées dans des attentats conformément à la loi juive. Nous sommes donc tous complémentaires. ASH : En ce moment avec la vague de terrorisme qui sévit en Israël, comment se passent vos interventions? Y-a-t-il un réel danger pour les secouristes qui interviennent sur le terrain? Jonathan CHICHE : En principe, dès qu’il y a un acte terroriste, nous avons des règles précises qui nous imposent d’attendre les forces de l’ordre avant d’intervenir auprès des blessés. Mais dans les faits, nos secouristes arrivent souvent avant. Prenons par exemple le cas de l’attentat terrible qui a eu lieu l’an dernier à la synagogue d’Har Nof. Nos secouristes sont intervenus avant la police et un de nos secouristes s’est même cassé la cheville en dérapant sur une marre de sang. Le terroriste lui a tiré dessus avant d’être abattu par les forces de l’ordre. Fort heureusement, nous n’avons pas eu de victimes parmi nos secouristes, mais il ne faut pas nier qu’il y a un danger qui commence d’ailleurs avec le déplacement à moto puisque nos secouristes doivent


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rouler très vite pour arriver le plus rapidement possible sur les lieux d’un attentat. Et puis il y a aussi l’émotion qui se dégage parfois des scènes horribles auxquelles nous sommes confrontés ; A Har Nof, par exemple nos secouristes ont tous pleuré après leur intervention, et malheureusement nous avons régulièrement des évènements difficiles à vivre émotionnellement. ASH : Avez-vous des données chiffrées concernant le nombre d’interventions depuis le début de la nouvelle vague de terrorisme qui frappe notre pays? Jonathan CHICHE : La majorité de nos interventions se situent en ce moment sur Jérusalem, Tel Aviv et bien sûr en Judée Samarie. Nous sommes confrontés pratiquement quotidiennement à des attaques à l’arme blanche, et aussi à des attaques avec des véhicules (voitures béliers) ou sur des véhicules (jets de pierres, cocktails molotov…). J’ai moi-même été victime récemment d’une attaque de jets de pierres sur mon véhicule en Judée Samarie et c’est un miracle que je n’ai pas perdu le contrôle de ma voiture. On parle de pierres, mais il serait plus juste de parler de pavés et ces pavés là peuvent tuer. Pour vous donner un ordre d’idée, nous répondons en ce moment à environ 800 appels par jour ce qui est nettement supérieur à la moyenne des périodes plus calmes. Nous constatons qu’il y a une véritable psychose dans la population, et nous intervenons très souvent auprès de personnes qui présentent des symptômes post traumatiques. Toutes sont choquées par ce qu’elles ont vu et n’arrivent souvent même plus à répondre à des questions simples. Nous intervenons systématiquement quand on nous le demande. Nous préférons à Hatzalah envoyer quelqu’un pour rien, plutôt que d’envoyer un secouriste trop tard. ASH : Comment fonctionne concrètement votre organisation? Est- elle basée uniquement sur du bénévolat et la générosité de donateurs ? Jonathan CHICHE : Nos 3000 secouristes dont la présence s’étend de Metula (frontière libanaise) à Eilat sont je le répète tous des bénévoles. Ils sont issus de la société israélienne et ce qui est frappant à Hatzalah c’est que nous représentons cette diversité qui caractérise notre société. Nous avons des secouristes ultra orthodoxes, des

laïcs, des Arabes israéliens, des Druzes et même des Bédouins dans le sud du pays. Nous nous sommes organisés pour qu’Hatzalah puisse intervenir dans tous les secteurs du pays le plus rapidement possible. Notre organisation est un véritable melting pot qui fonctionne sur la fraternité, bien au-delà de tous les clivages de la société. Les gens qui travaillent à Hatzalah ont en général déjà une formation de secouriste, mais nous formons aussi régulièrement de nouveaux secouristes qui veulent faire partie de notre organisation. D’ailleurs depuis le début de la vague d’attentats, nous avons de nombreuses demandes de formation. Ensuite, les secouristes reçoivent d’importants moyens matériels : Moto, défibrillateur et du matériel médical miniaturisé pour s’adapter au coffre de la moto. Tout est portable et jetable et nous avons une trentaine de centres d’approvisionnement dans le pays. La paperasserie est simplifiée pour optimiser le temps et donc l’efficacité de nos bénévoles. Une telle organisation est unique au monde. Notre budget de fonctionnement est de 8 millions de dollars par an, 90% de cette somme est financée par des dons, notamment en provenance des Etats-Unis et 10% proviennent d’accords avec des pays auxquels nous vendons le système Hatzalah. ASH : Vous êtes directeur de la section française d’Hatzalah, concrètement comment Hatzalah intervient en France? Jonathan CHICHE : Nous n’intervenons pas en France pour l’instant au niveau des secours, mais mon rôle est d’y faire connaître Hatzalah. En effet, en France en matière de secours d’urgences vous avez 3 composantes : le SAMU, la Croix Rouge et la Sécurité Civile. En fait Hatzalah regroupe toutes ces casquettes dans un souci d’efficacité. Nous avons déjà développé des unités indépendantes dans certains pays notamment aux Etats Unis,en Ukraine, au Brésil, au Panama, en Australie…C’est important de faire connaître cette organisation pour montrer aux médias étrangers qu’en Israël nous sommes parfaitement capables d’élaborer des structures où nous sommes unis par une volonté de travailler ensemble sans clivage ethnique ou religieux. C’est évident que cela tranche avec les discours des médias internationaux. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai contacté en mai dernier Latifa Ibn Ziaten, dont le fils a été tué en 2012 par Mohamed Merah. Elle ASHAUJOURDHUI152decembreeretzaujourdhui.com |17


société visitait Jérusalem avec une délégation de jeunes des banlieues et je l’ai donc invitée à venir voir le travail de notre organisation. Les jeunes qui sont nourris aux discours de « l’apartheid » n’en revenaient pas de voir des Arabes qui parlaient l’hébreu qui travaillaient main dans la main avec des Juifs! Latifa m’a remercié de l’avoir accueillie à Jérusalem et d’avoir montré à ces jeunes que ce qu’on leur raconte ne reflète pas la réalité. ASH : Quels sont les projets d’Hatzalah ? Jonathan CHICHE : Nous avons aujourd’hui 400 motos de secours qui sillonnent le pays et bien sûr il nous en faudrait le double pour optimiser nos services. Cela dépendra des dons que nous récolterons. Nos donateurs sont essentiellement américains et pour la petite histoire, sachez que Donald Trump, candidat à la Maison Blanche, a récemment donné un demi-million de dollars à notre organisation. Nous venons encore d’ouvrir de nouvelles

Ezra Shwartz :

Une moto d’Hatzalah porte déjà son nom

unités, notamment une près de la bande de Gaza qui porte le nom de « Tsvet Daniel » en hommage au petit Daniel Turgeman, cet enfant de 4 ans tué par un obus de mortier envoyé par le Hamas en 2014.Notre but est vraiment d’être opérationnel partout, Latifa Ibn Ziaten et Jonathan même dans les enChiche à Jérusalem droits les plus reculés du pays. Notre numéro d’appel est le 1221. Retenez le bien, tout en souhaitant bien sur que vous n’ayez jamais besoin de l’utiliser !

Le 20 novembre dernier, au cours d’un attentat près d’Alon Shvut, un jeune américain de 18 ans Ezra Shwartz était tué par un terroriste palestinien. En 2010, Ezra avait offert une moto à Hatzalah avec des copains, en se servant de l’argent reçu à leur bar mitsva. Ezra avait donc participé à cette mitsva magnifique qui consiste à tout faire pour sauver des vies, « Qui sauve une vie sauve l’humanité » disent nos sages. Ironie du sort, la sienne lui a été volée trop tôt par des hommes pour lesquels la mort est le seul but de la vie ! Ezra était un jeune homme exceptionnel qui se dévouait pour les autres. Lorsqu’il a été tué, il faisait du bénévolat et allait porter de la nourriture à des soldats. Lorsque le corps du jeune homme a été rapatrié aux Etats Unis, un hommage vibrant lui a été rendu à l’aéroport Ben Gourion par une foule nombreuse venue saluer sa mémoire. En revanche, les autorités américaines ont brillé par leur absence de compassion. Il est en effet regrettable que dans un discours prononcé en Malaysie le 22 novembre dernier, le président Obama ait rendu hommage à deux victimes américaines Nohémi et Anita décédées dans les attentats de Paris, tout en oubliant soigneusement de mentionner Ezra Shwartz tué deux jours plus tôt par des terroristes palestiniens. Pourtant Ezra n’avait pas la double nationalité, il n’habitait pas dans les zones contestées ! Il était juste un jeune juif américain venu étudier en Israël à la Yeshiva Ashreinou de Beit Shemesh. Même le quotidien de gauche Haaretz, pourtant d’habitude favorable à Obama, a publié un long article concernant ce deux poids deux mesures du président américain. Notons que le Maison blanche n’a émis un communiqué que trois jours après le drame et en des termes très vagues histoire de ne pas heurter la sensibilité des Palestiniens. Le Président ne s’est décidé à appeler les parents qu’une semaine après le drame ! Heureusement, la mémoire du jeune homme a été honorée comme il se doit au cours d’une rencontre sportive.Ezra était fan de football américain et au cours d’un match opposant son équipe favorite les New England Patriots à celle des Buffalo Bills, les 80000 supporters présents au match ont observé une minute de silence à la mémoire d’Ezra. Quant à la moto d’Hatzalah, elle contribue chaque jour à honorer dignement la mémoire d’Ezra Shwartz z ‘’l.

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