En Israël, une ONG révolutionne les services de secours | LE MONDE 06.12.2016

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En Israël, une ONG révolutionne les services de secours Par Piotr Smolar | Le Monde 06.12.2016

L’organisation United Hatzalah a réussi à concilier engagement civique, proximité et nouvelles technologies. La vocation de cette toile de secouristes volontaires, disséminés dans tout le pays, est de combler les lacunes du système ambulancier. LETTRE DE JÉRUSALEM

Miracle

Hémorragie ? Crise cardiaque ? On sait tous que chaque minute peut compter lors des secours d’urgence. Mais comment compresser ce délai ? Comment gagner des minutes pour accélérer la prise en charge des personnes en détresse ? Sur ce sujet, Israël est exemplaire, mais l’Etat n’y est pour rien. Une organisation, United Hatzalah, a réussi à concilier engagement civique, proximité et nouvelles technologies ; altruisme et organisation à la Uber, mais sans but lucratif.

A l’origine de cette initiative, un homme, Eli Beer. Traumatisé à l’âge de six ans par un attentat et la vision de personnes mourantes devant ses yeux, sans secours immédiat, il devint ambulancier volontaire, à peine sorti de l’adolescence. Mais il constata vite les lacunes du système, et notamment les aléas catastrophiques du trafic routier. Son idée simple et géniale : faire circuler l’information plutôt que les hommes. L’initiative existait déjà dans des quartiers ultraorthodoxes, comme à Brooklyn, à New York. Elle s’étendit dans le pays, sans pilotage central.

La vocation de cette toile de secouristes volontaires, disséminés dans tout le pays, est de combler les lacunes dans le système des ambulances, qui mettent souvent de trop longues minutes à arriver. Sans compter le coût de leurs déplacements, puisque le système est semi-privé et la course pas forcément remboursée par l’assurance. United Hatzalah préfère le deux-roues, avec un sac à l’arrière ? semblable à celui d’un livreur de pizzas, contenant tout le matériel nécessaire, dont une mini-bouteille d’oxygène. Mais elle privilégie surtout l’intervention immédiate d’un volontaire déjà à proximité de l’alerte. United Hatzalah, ce sont 3 000 médecins, infirmiers et urgentistes, qui donnent de leur temps en dehors de leur travail, ou bien de simples volontaires suivant une formation préalable de 200 heures, disponibles 24 heures sur 24, fêtes comprises. Le temps moyen d’intervention est de trois minutes, contre plus de dix pour les ambulances classiques. Les volontaires doivent avoir 21 ans, un casier vierge, et même être mariés, dans le cas des ultra-orthodoxes. Il parait que ça assure leur stabilité psychologique.

« C’est en 2006 que l’organisation a vraiment réuni sous un même toit toutes les unités locales, devenant une sorte de start-up sociale. On veut se servir des algorithmes au service de la vie. » « C’est en 2006 que l’organisation a vraiment réuni sous un même toit toutes les unités locales, devenant une sorte de start-up sociale, explique Jonathan Chiche, directeur de Hatzalah France. On veut se servir des algorithmes au service de la vie. Aujourd’hui, on est implanté dans une dizaine de pays, comme au Brésil, en Australie ou aux Etats-Unis, bientôt en Inde. » Les algorithmes au service de la vie ? La formule est osée mais pas absurde. Le chemin parcouru est impressionnant. L’un des fondateurs de l’organisation, Dov Maisel, viceprésident des opérations, se souvient des débuts. Il a fallu contourner l’administration, quitte à violer la loi. Par exemple, personne n’autorisait les volontaires à griller les feux rouges ; ils ont pourtant imposé cette liberté. « On s’est construit

contre les institutions. On avait acheté des scanners de police aux Etats-Unis, sourit Dov Maisel. On ne pouvait pas parler dessus, c’était pour écouter les fréquences des services de secours et arriver au plus vite. » Les tensions furent vives avec les sociétés d’ambulances privées, concurrencées par ces chevaux légers et gratuits. Mais avec les années, le succès de United Hatzalah a tout emporté, poussant les services de secours et de sécurité à partager toutes leurs informations. Ce véritable miracle est au cœur du succès de l’organisation.

« Objectif 90 secondes » L’organisation dispose d’un réseau étoffé de volontaires, issus de toutes les communautés, laïques ou religieuses, arabes ou ultraorthodoxes, y compris en Cisjordanie. Sa diversité est brandie par ses fondateurs. Les Arabes représentent près de 10 % des effectifs. Le budget annuel est de 60 millions de shekels, soit près de 14 millions d’euros. A 90 %, il s’agit de donations de philanthropes. Stewart Rahr, magnat de l’industrie pharmaceutique aux Etats-Unis, a ainsi signé un chèque de 1,3 million de dollars en 2014 pour l’achat de quelques dizaines de scooters et de matériel. Un nouveau centre d’appels et de contrôle est en construction, à l’entrée de Jérusalem. Il accueillera 50 personnes et sera six fois plus

spacieux que l’actuel, situé dans un immeuble en pleine rénovation, témoignant de l’expansion en cours. Ce qu’on y voit permet de mieux comprendre le fonctionnement de Hatzalah. Sur les écrans, on découvre à la fois les caméras de surveillance de la police sur les axes routiers principaux, et les lieux sensibles, comme le mur des Lamentations, des cartes interactives de la circulation, où apparaissent tous les volontaires, mais aussi les informations des services de secours classiques. L’interactivité est totale. Une application spéciale a été créée pour téléphones portables, appelée NowForce. Elle permet de localiser immédiatement l’utilisateur qui a activé l’alerte. Les secouristes qui se trouvent à proximité sont alors sollicités par le quartier général. L’appli comporte aussi une fonction vidéo, afin de pouvoir partager les images de l’emplacement où les soins sont prodigués, particulièrement précieuses en cas de catastrophe naturelle, d’accident majeur, ou bien d’attentats. Des drones sont aussi déployés pour filmer l’ensemble de la scène, si nécessaire. « Notre objectif est d’arriver à une réponse en moins de 90 secondes, explique Dov Maisel. Ça sonne comme de la sciencefiction, mais c’est déjà le cas à Tel-Aviv ou Jérusalem. » ∎


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