La Morale du Ventre

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LA MORALE DU VENTRE création novembre 2012

comptes-rendus de Chantiers TNG - CDN de Lyon février 2012, Les Subsistances, Lyon octobre 2011, février 2012

www.image-aigue.org/espace-professionnel



Le théâtre de Christiane Véricel donne faim

Pascal Bély, www.festivalier.net Chantiers aux Subsistances 18 octobre 2012

Ce n’est pour l’instant qu’un chantier de création. Ce ne sont que quarante minutes. Le temps paraît si court avec Christiane Véricel et sa compagnie Image Aiguë. Pourtant, avec «La morale du ventre», elle signe l’une des réjouissances de la rentrée théâtrale. Ils sont sept sur scène : des adultes, des adolescents, des jeunes enfants. Amateurs et professionnels. Ils sont noirs et blancs. De France, de Sicile, de Turquie. Tout un théâtre de couleurs, de sons, de corps et de mots qui me percute comme autant de balles siffleuses, métaphore d’une famine qui fauche une personne dans le monde toute les quarante secondes. Au sol, une frontière signalée par un trait blanc et quelques morceaux de pain, que l’on donne aux oiseaux après avoir vidé nos ramasse miettes. A moins que ce ne soit celles que nous voulons bien laisser aux pays pauvres. Ainsi, se succèdent des situations qui voient s’affronter les possédants et

ceux qui n’ont rien. Le tout ou rien. Le tout pour le tout où chacun joue son va-tout. Ils ne sont pas meilleurs que nous : malins, tricheurs, menteurs...Mais ils ont faim à l’image des immigrés sur les bateaux de fortune qui déjouent tant de pièges pour prendre leur part du gâteau. Christiane Véricel s’affranchit donc des frontières pour proposer un théâtre chorégraphié profondément drôle pour que la question ne tombe pas dans la dérision, la déraison. La mise en scène nous tend le miroir de nos lâchetés quotidiennes : elles en disent long sur le rapport dominant – dominé, instauré en toute situation et qui façonne un système de pensée


incapable de résoudre ce fléau mondial. Son théâtre est un dessin animé pour personnages anémiés espiègles et créatifs qui calme ma faim de spectateur. Pour cela, tout y est détourné : les contes où l’on se meurt, les murs où la parole se fracasse, sous les jupes des garçons où l’on se cache, des chaises d’enfants pour adultes infantilisants. Tel un vieil ascenseur social, l’échelle se dérobe même sous leurs pieds. Plus

rien ne fonctionne à l’image de ces corps qui désarticulent le vertical et l’horizontal. Mais ces héros des temps modernes cherchent. Sans fin. Leur créativité vient à bout des stratégies des Etats tout-puissants. Ils vont au-delà de la frontière pour entrer dans notre espace démocratique et y interroger nos valeurs et nos principes moraux. Ils sont là avec leur pince pour piquer nos chairs et réveiller nos consciences : notre dette est ailleurs qu’en Grèce.






La vie est faite de belles rencontres Sylvie Lefrère, ventdart.over-blog.com Chantiers aux Subsistances Lyon, 17 et 18 février 2012

Dans cet hiver rigoureux, la rencontre avec Christiane Vericel et son équipe a été un moment rare. J'ai été accueillie au sein des Subsistances de Lyon pour participer aux échanges avec le public lors de 2 présentations de Chantier. Dans ce contexte, j'y ai retrouvé chaises, échelles, barres de métal, poulies, cordes… Tout un tas d'outils métaphoriques à facettes, part de rêves tout comme les boules disco qui rayonnent dans les boites de nuit. Nous étions, nous aussi, réunis dans notre boite de nuit, salle sombre ,mifabrique, mi- laboratoire. Christiane travaille depuis plusieurs années avec des enfants, des comédiens adolescents, adultes, parfois porteurs d'un handicap. Ils travaillent sur des sujets d'actualité comme la faim, l'exclusion... La diversité des cultures est représentée sous les différentes couleurs de peau. Nous sommes face à une représentation de notre société, avec

toute la richesse de cette mixité, embarqués dans cette arche de Noé, navire poétique , qui va nous emmener loin… Les scènettes de ce chantier nous soufflent que “tout est langage", la musicalité du bandonéon de Max nous enveloppe, les mimiques de Burhan nous font sourire, les cabrioles d'Armand nous stupéfient, la danse d'Habibur nous émeut, le câlin à la poupée de Lénaelle si tendre et le masque avec ses multiples regards… Tous les espaces sont explorés; le vide, le plein d'une maison, d'une valise; la hauteur et les barres des échelles, les allers et retours des pommes qui tombent du ciel. Le fruit n'est plus l'élément représentatif de la nourriture, mais il devient objet de désir, d'enjeu, de secret. Une corde jaune ou rouge devient symbole de frontière sclérosante ou offrant une perspective de liberté. Charlie Chaplin et le Kid revivent sous nos yeux en hommes de couleurs . Le masque aux traits marqués et au regard perçant, fixe, en zoomant, notre pensée sur la gravité de la situation. C'est un temps de distanciation. Puis d'une pirouette , la vie rejaillit, et l'énergie positive de la lutte réapparait.


“The show must go on". La vie est ponctuée d'embûches, et il faut sans cesse les surmonter par la volonté, dira une personne du public. Un jeu de chaises, figure la place de chacun et les mouvements incessants mettent en évidence sa singularité; jeu parfois cruel mais très vite la cohésion du groupe reprend le dessus. Pour se faire accepter les rapports de force sont déployés, de séduction,

intergénérationnels. Comme dans les fables de la Fontaine. Nous sommes témoins d'une jubilation collective. La dernière image de cette succession de tableaux nous encourage à prendre soin de… soi, de l'autre, de notre environnement. Le diagnostic de notre société y trouve toute sa force mais le message d'espoir rayonne.



contact : Nicolas Bertrand nbertrand@image-aigue.org Image AiguĂŤ - 2, place des Terreaux F-69001 Lyon - t. +33 478 27 74 81


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