Les 5 étapes de conception d'une oeuvre

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Thersile Dufaud

ECOLE NATIONALE SUPERIEURE D’ARCHITECTURE DE TOULOUSE

LICENCE 3, 2020-2021



Je voudrais particulièrement remercier Thersile Dufaud por son aide et ses conseils précieux lors de la rédaction de ce rapport de licence, mais aussi tous les partenaires que j’ai pu avoir, lors de ces trois années, qui font de moi qui je suis aujourd’hui. “L’architecture est art de suggestion.” - Daniel Pennac


Les 5 étapes de conception architecturale

Les 5 étapes de conception d’une toile

LA RÉFÉRENCE En architecture

LA RÉFÉRENCE 3

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LA TRAME En architecture

LA TRAME 9

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En arts-plastiques

LA TEXTURE

LA TEXTURE En architecture

En arts-plastiques

LA COULEUR

LA COULEUR En architecture

En arts-plastiques

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En arts-plastiques

LA RÉVÉLATION Conclusion

Bibliographie

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Au cours de l’Histoire de l’architecture, les arts plastiques et appliqués ont toujours été finement entremêlés à l’architecture : qu’il s’agisse des courants artistiques, tels que le Classicisme, où la réalisation architecturale a suivi les courants esthétiques et artistiques de l’époque, ou bien au sein des travaux du Corbusier, pour qui la peinture, création pure et libre, nourrissait son travail d’architecte, de création sous contraintes. Il n’est pas le seul architecte à mener cette double activité, et à compléter l’un de ses travaux de l’autre : Guy Rottier, disciple du Corbusier, mène un travail d’analyse plastique similaire. Aujourd’hui, et au fil de l’évolution de ma pratique, c’est inconsciemment que mon travail architectural et artistique s’est lié. Je ne saurais pas dire lequel a précédé, ou bien nourri, l’autre ; depuis mon jeune âge, j’ai toujours eu la passion du dessin, principalement au crayon, qui, au fil des années n’évoluait que très peu. Il m’a ensuite fallu choisir une voie professionnelle, à la sortie du secondaire. L’art faisant partie de moi, je ne pouvais pas choisir une voie ne me laissant aucune marge créative, mais étant aussi très rationnelle et scientifique, l’architecture est apparue comme une évidence, liant les deux, mais à l’époque, je ne me doutais pas encore de la façon dont ce double aspect allait me permettre de m’épanouir. L’école d’architecture est arrivée au sein de ma pratique artistique comme un tournant : la forme, la couleur, la trame et la composition sont autant de notions dont je n’avais que vaguement connaissance; A l’aube de ma formation d’architecte, ces outils m’ont permis d’acquérir tout d’abord un lexique, une culture, puis ensuite une pratique de création architecturale adaptée et créative, et enfin, au fil du temps, l’architecture à intégré chaque domaine de ma vie., d’une simple balade dans ma rue, à mes voyages, mes lectures, jusqu’à ma pratique artistique qui s’est éveillée. C’est à travers ce rapport que je développerai cette interconnexion entre architecture et art au sein de mes travaux. Comment ces deux pratiques se sont liées au sein de mon parcours ? Quels en sont les éléments déclencheurs, quelles connaissances ai-je acquis ? Aujourd’hui, où est ce que je me place, en tant qu’architecte, artiste et étudiante dans ma pratique ? C’est, peignant une toile récapitulative, au fil du pinceau, que je vous laisserai découvrir mon parcours.

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EN ARCHITECTURE Avant mon arrivée en école d’architecture, mes connaissances et ma culture architecturale étaient faibles : je savais qu’acquérir une culture architecturale était un enjeu important lors de ma première année. J’étais attirée par une architecture courbée, futuriste : ma référence architecturale de base était Zaha Hadid, ce qui, dans ma façon de concevoir l’art et mes dessins, faisait sens. Mon arrivée même a l’école d’architecture était motivée par cet amour d’une architecture contemporaine dépassant les limites de la construction, qui, pour moi à cette époque, était l’architecture du futur.

Robert Hermann

Ce sont les références architecturales, qui, avant tout, m’ont permis d’évoluer dans la façon dont je concevais l’architecture : un travail approfondi de recherches de références, mais aussi de reproduction et de compréhension de cellesci était engagé lors de ma première année en école d’architecture. Unes des premières références que nous avons étudié, et qui m’a marqué, sont les bains de Trenton de Louis Khan.

Zaha Hadid Architects

La simplicité apparente du plan; un assemblage simple de 4 blocs carrés reliés aux angles, est enrichie d’une habileté d’usage, de par l’utilisation des colonnes structurelles comme espaces servants. Je me souviens la façon dont l’étude de ce plan, extrêmement simple mais riche, m’a permis d’observer une nouvelle façon de voir et de comprendre l’architecture. :

Trenton Baths, Louis Khan

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Khan, comme référence, reviendra ensuite, mais je ne le savais pas encore, dans ma pratique architecturale. Cette étude ne fut que la première d’une longue lignée d’analyses et d’apprentissages qui font la première année en école d’architecture, durant laquelle mon attrait pour la vision d’architectes tels que Peter Zumthor, ou bien Alvar Aalto, s’est affirmée, loin des visions courbées et entrelacées, organiques, de Zaha Hadid.

Alvar Aalto par Marti Kapanen

Ce changement de perspective s’est opéré par l’analyse dans un premier temps, mais ensuite par la pratique de ces lieux emblématiques de l’architecture : j’ai eu la chance d’aller, en cette première année de cursus, a Barcelone visiter l’architecture de Antonio Gaudi, ainsi que le Pavillon d’exposition Barcelonais de Mies van der Rohe : Peter Zumthor par Marti Kapanen

Ce fut un basculement supplémentaire dans ma perception. Je découvrais la magie d’une architecture aussi simple qu’une dalle déposée sur des murs et de poteaux : cette visite et ce pavillon, sans que je n’en sois clairement consciente a l’époque, venaient d’ouvrir de façon encore plus large, et concrète, un cheminement dans ma façon de vivre, concevoir et penser l’architecture.

Pavillon de Barcelone - Mies Van Der Rohe

Aujourd’hui, je sais que le développement de cet attrait pour ce type d’architecture grâce au travail de référence, n’est pas uniquement lié a une question d’usages, mais a un souci de composition, de trame, d’organisation presque mathématique de l’espace. En tant qu’élève issue d’une formation scientifique et mathématique, rigoureuse, ce fut pour moi comme une façon de lier mon attirance pour la rigueur des mathématiques appliqués, à la beauté spatiale de l’architecture. :

Parc Güell 4


EN ARTS-PLASTIQUES

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Depuis aussi loin que je me souvienne, le dessin à toujours été pour moi une vocation. Petite, à l’école, je gribouillais sur mes cahiers des visages, des yeux, des corps, des âmes en mouvement. En grandissant, par curiosité mais aussi par volonté de me perfectionner, j’achetais des livres d’anatomie ; au fil des années, concentrée sur la figure humaine, j’étais intéressée par les artistes qui eux aussi représentaient l’Homme dans les détails et dans les figures de réalisme, voir d’hyperréalisme ; une des œuvres sculpturales, qui reste encore aujourd’hui l’une de mes préférées, est la Supermarket Lady de Duane Hanson, de 1969 ; un pas entre le pop art et l’hyperréalisme, la scène représentée, donne une impression d’humanité improbable, presque grossière.

Supermarket Lady, Duane Hanson

Les peintures a l’huile de Mike Darkas, elles aussi hyperréalistes étaient pour moi comme un objectif de technique à atteindre : son évolution dans la technique, impressionnante et forgée par des années de travail était pour moi comme une marche à suivre

L’évolution technique de Mike Darkas

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Je n’étais pas particulièrement intéressée par les courants artistiques modernes, hormis le popart, qui me parlait, de par ses figures celèbres et son aspect humoristique, voir ironique. L’art abstrait n’était pour moi qu’une forme de gribouillis sans proportions, technique, ni talent particulier de l’artiste. Il était difficile de concevoir en quoi ces formes exigent une technique et une maîtrise, comme par exemple le Dripping de Jackson Pollock. , et si le but de l’œuvre n’était donc pas la maitrise, je n’en saisissais pas l’intérêt.

Jackson Pollock

Puis, en première année, en ENSA, les cours d’arts plastiques portaient, dans un premier temps, sur les représentations d’objets du quotidien, leurs ombrages, chose qui me permit de m’enrichir. Puis ensuite, sur une longue période, nous avons travaillé sur des représentations abstraites a travers différents médiums (collages, feutres, fusain), sur des sujets variés: : par exemple, ici, nous avons traité de la question de la ville industrielle et de sa représentation

Travaux d’arts plastiques

A partir de ce travail, j’ai pu saisir le sens caché de certaines œuvres abstraites, et surtout de comprendre en quoi, en tant qu’étudiante en architecture, la pratique d’un art non-figuratif, expressif de par ses formes et ses couleurs uniquement pouvait enrichir mon travail d’étudiante en architecture, mais aussi et principalement mon travail d’artiste, en plein développement. En histoire de l’art, j’ai pu développer cet attrait conjointement à l’enseignement d’arts plastiques, en découvrant, lors de cette première année des courants artistiques sur lesquels je ne m’étais jamais épanchée ; par exemple, l’art classique, et son travail mathématique et rigoureux, autour de la proportion humaine, mais surtout autour de la composition de toile. Le Serment des Horaces, Jacques Louis David 7



EN ARCHITECTURE Le travail de référence m’a permis de comprendre qu’une architecture qui fonctionne, qui a du potentiel, est tramée et organisée. C’est bel et bien le travail sur les bains de Trenton qui m’a permis de mettre en place une première réflexion autour de la trame en architecture La trame carrée utilisée, posait un problème d’interconnexion entre les espaces. Comment permettre un passage dans un angle ? A ce problème, Khan à donné la réponse : se servir d’un autre carré, de taille inférieure, en addition au premier, qui permettait la liaison.

Louis Khan

L’entrelas....

Le dernier projet que j’ai dû réaliser en atelier en première année, se nourrissait de la même contrainte. Il s’agissait d’organiser une bibliothèque à partir d’une répétition de modules carrés. A l’issue de ma première année, cet exercice fut le premier à me contraindre dans une trame, me permettant d’en saisir pleinement, par la pratique, ses avantages.

.... au sein des bains de Trenton

C’est alors que cette addition de carrés pour permettre le service, ou le passage utilisé dans les bains de Trenton a pris tout son sens : dans la pratique, ce travail m’a permis d’apprendre en quoi l’utilisation d’une trame, contraignante au premier abord, permet de donner une qualité supplémentaire au projet. Plan réduit: projet de S2 9


Perspectives extérieures Perspectives extérieures

Parcours et vues

Le travail sur les bains de Trenton, de Louis Khan en première année m’a poussée a découvrir le reste de son travail, comme par exemple le Richards Medical Research Laboratory, qui, de par son organisationStructure carrée, inscrite dans une trame, fonctionne avec uneStructure simplicité d’usage, de service, évocatrice d ela qualité de son architecture. Son Structure évocation pour l’architecture du passé, de par la matérialité brique s’inscrivant dans le site, fut pour moi, à mon arrivée en deuxième année de licence, plus qu’une référence, un outil de travail.

Parcours et vues Perspectives extérieures Parcours et vues

Espaces de distribution Espaces de distribution

ACIER CORTEN

Espaces de distribution Richards Medical Reasearch Laboratory PISÉ

ACIER CORTEN

BÉTON

PISÉ

ACIER CORTEN

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BÉTON

Projet de S3:

PISÉ

BÉTON

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Le travail que j’ai effectué alors, lors de ce troisième semestre, était une façon d’utiliser une de ces trames carrées de Khan, une unité, et de la faire fonctionner dans un projet de maison individuelle. Comment répartir des espaces servis et servants, sur une trame contrainte, à la façonPlan ded’un situation 1:1000 Plan de situation 1:1000 quadrillage, et donner une réelle qualité à l’espace qui découle de cette organisation rigoureuse ?

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Plan RDC 1: 100

RDC

Plan RDC 1: 100

Plan de situation 1:1000 Plan RDC 1: 100

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Coupe AA 1:100 Coupe AA 1:100 Plan R+1 1: 100 Plan R+1 1: 100

Coupe AA 1:100

R+1

Plan R+1 1: 100

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Coupe BB 1:100 Coupe BB 1:100

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Coupe BB 1:100

Plan R+2 1: 100 Plan R+2 1: 100 1 - Séjour 1 - Séjour

31,5m² 6 - Salle de bain parentale 31,5m² 6 - Salle de bain parentale

2 - Cuisine 2 - Cuisine 1 - Séjour

8,75m² 7 - Salle de musique 8,75m² 7 - Salle de musique 31,5m² 6 - Salle de bain parentale

3 - Buanderie 3 - Buanderie 2 - Cuisine

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4 - Chambre parentale 4 - Chambre parentale 3 - Buanderie 5 - Toilettes 5 - Toilettes 4 - Chambre parentale 6 - Salle6 de baindeparentale - Salle bain parentale 5 - Toilettes

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CoupeCoupe CC 1:100 CC 1:100

6 - Salle de bain parentale

4m²

8 - Chambre des enfants 4m² 8 - Chambre des enfants 8,75m² 7 - Salle de musique

12,25m² 9 - Salle de bain des enfants 12,25m² 9 - Salle de bain des enfants 4m² 8 - Chambre des enfants 1,5m²1,5m² 10 - Escaliers 10 - Escaliers 12,25m² 9 - Salle de bain des enfants 5,25m²5,25m² Total Total surface habitable surface habitable 1,5m² 10 - Escaliers Compacité Compacité 5,25m² Total surface habitable

5,25m² 5,25m²

Plan R+2 1: 100

4,25m² R+2

4,25m²

5,25m²

31,5m² 31,5m² 4,25m² 12,25m² 12,25m² 31,5m² 21m² 21m² 12,25m² 181,25m² 181,25m² 21m² 0,450,45 181,25m²


Coupe AA 1:100

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Cette trame permettait d’assembler les espaces d’une façon à créer différentes doubles hauteurs dans la surface de la maison, à la façon d’une sculpture, qui aurait été évidée par endroits, permettant une qualité d’espace particulière, marquée par une traversée de lumière en diagonale dans le bâtiment. C’est une façon de concevoir l’espace, plus en volumes qu’en surfaces, qu’encore aujourd’hui j’entretiens lors de mes démarches de conception. GSPublisherVersion 0.78.100.100

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Coupe BB 1:100

Coupes

Plan de situation 1:1000

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Coupe CC 1:100

Coupe AA 1:100

S31• Atelier Palacios 2019

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HABITERMAISON UN LIEU: CONCEPTION D’UNE INDIVIDUELLE

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Perspectives extérieures

Coupe BB 1:100

Parcours et vues

Espaces de distribution

Structure

ACIER CORTEN

PISÉ

BÉTON

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5 GSPublisherVersion 0.68.100.100

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Coupe CC 1:100

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S31• Atelier Palacios 2019

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HABITERMAISON UN LIEU: CONCEPTION D’UNE MAIS INDIVIDUELLE Plan RDC 1: 100

Plan de situation 1:1000

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Coupe AA 1:100 GSPublisherVersion 0.78.100.100

Plan R+1 1: 100

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Coupe BB 1:100

Plan R+2 1: 100 1 - Séjour

31,5m²

6 - Salle de bain parentale

5,25m²

2 - Cuisine

8,75m²

7 - Salle de musique

4,25m²


EN ARTS-PLASTIQUES Une des toiles que nous avons étudié lors des cours d’histoire de l’art, et qui m’a particulièrement marquée est le Serment des Horaces de Jacques Louis-David. Je connaissais déjà ce tableau : représentatif du mouvement néo-classique, il met en scène les frères Horaces qui prêtent serment à leur père de vaincre ou de mourir pour la défense de Rome contre les Curiaces. J’ai toujours considéré cette œuvre comme une scène historique, cependant, lors de son analyse que nous avons pu voir à l’école, on réalise qu’elle est en réalité régie par une géométrie expressive, qui donne son équilibre à la toile, et explique uniquement de par son organisation, des informations implicites contenues dans la scène.

La division en tiers

On y retrouve par exemple des principes géométriques comme le point de fuite, qui mène au niveau des mains du père, une division en tiers, aussi bien horizontale que verticale, qui donne leur statut aux personnages de la scène, ainsi que l’utilisation du nombre d’or. Le point de fuite

Cette analyse m’a permis de comprendre que, chaque toile, et œuvre artistique que j’admirais pour ses représentations anatomiques, est souvent implicitement régie par une règle supérieure qui donne à l’œuvre son équilibre : la géométrie.

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C’est, induite par cet enseignement, mais aussi par la pratique de la trame en architecture, que l’idée d’insérer une géométrie dans mes travaux artistiques est venue : plus loin qu’une composition de scène, comment la géométrie elle-même peut elle régir, former l’anatomie humaine et le monde qui nous entoure ? J’eus la volonté d’appliquer, la même rigueur tramée que je connaissais avec mon kustch et mon rouleau de calque, sur mes travaux personnels, car je trouvais les logiques de composition similaires en art et en architecture. Je savais que je n’étais pas la première à nourrir une réflexion autour de ces sujets en art, à l’instar de Picasso, cependant, le passage d’une reproduction voulue à l’identique de la figure humaine, à la production d’images toujours figuratives, mais peu réalistes, me permit d’entrevoir en quoi le dessin pouvait être rigoureux, et porteur de sens, sans pour autant se référer a une anatomie parfaite.

Les demoiselles d’Avignon, Pablo Picasso

A cette même période, en enseignement d’arts plastiques, nous avons pratiqué l’usage de la trame, induit par la couleur : à travers plusieurs exercices, nous avons du, sur du papier, découper des dizaines de carrés, et de rectangles. Nous avons ensuite dû diviser ces trames, en deux de deux façons différentes : en diagonale (image avec diagonales et division normale) ou en deux parallèlement. Cette première étape, l’élaboration d’un quadrillage, fut ensuite suivie par un travail sur la couleur qui, à l’issue de cet enseignement, m’ouvra enfin la voie vers une nouvelle pratique artistique.

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EN ARCHITECTURE Après la trame, vient la couleur. Comment peuton définir la couleur en architecture ? Elle peut être induite par l’usage de différents matériaux, créant les espaces, remplissant cette trame, mais pas uniquement. La question de la couleur en architecture est un réel enjeu pour les architectes. Nous sommes des façonneurs d’espace, d’environnements et d’ambiances, et la couleur ne peut être dissociée de ces notions. En effet, c’est bien elle, qui, accentue, diminue, ou change la lumière des espaces ; met en valeur les volumes ; révèle les structures, et crée une signalétique dans le bâti.

Le clavier de couleur

Le Corbusier est connu pour son usage quasi systématique des couleurs primaires dans les bâtiments qu’il a conçu. Il a même édité à partir de 1931 plusieurs « claviers de couleurs », dont le premier réunit 43 nuances réparties en 14 séries. Les séries se composent de couleurs pleines, d’éclaircissements graduels parfaitement maîtrisés.

La cité radieuse

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Celui ci a toujours considéré que la couleur était « apporteuse d’espace », et il mettra en pratique cette philosophie dans son Cabanon de St- Martin, par exemple, mais aussi dans Église du couvent Sainte-Marie de la Tourette. Lors de ma formation, et plus particulièrement ma seconde année, influencée par les architectures de Khan ou de Zumthor, la couleur en architecture n’était que matériaux, ombres et lumières naturelles se reflétant sur les parois. En effet, dans la vie courante, nous sommes habitués à voir l’utilisation de peinture, dans le bâtiment, comme un « camouflage » du matériau brut, ou bien même des défauts de conception des espaces. Dans certains bâtiments, celle-ci brouille la lisibilité des espaces et des compositions de façade.

Cabanon de St-Martin

Il y a bien d’autres façons, pour la couleur, d’influencer l’architecture, et, c’est à l’issue de ma seconde année, que j’ai pu le découvrir, en atelier de projet, autour d’une étude que j’ai effectuée au sujet du quartier de la Reynerie, à Toulouse. La couleur, tout comme l’architecture elle-même, n’est pas uniquement du ressort de l’architecte. Les habitants, usagers des lieux ont un pouvoir d’action sur la couleur des espaces dans lesquels ils vivent, à travers les graffitis, tags, et inscriptions sur les murs, qui, encore aujourd’hui, sont rejetés par la plupart des architectes. Ces formes et inscriptions, sont pourtant une des formes d’expression les plus utilisées, et révélatrices de la société dans laquelle nous vivons : c’est bien au Mirail, lors de la construction des immeubles d’habitation de Candilis, qu’on pouvait trouver des murs exprimant le désarroi de la population. Comment l’architecte peut-il, s’en emparer, sans pour autant maîtriser, cet art de rue pour nourrir l’architecture ?

Eglise du couvent Sainte Marie de la Tourette

Quartier du Mirail , Toulouse Stéphane Gruet

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C’est autour, d’une étude des graffitis qui se trouvent sur mon lieu de vie, en premier lieu, puis autour des revendications habitantes que j’ai réalisé mon travail lors de ce semestre

Quartier de la Reynerie, Toulouse

Il s’agissait, ensuite, lorsque le projet serait abouti, d’utiliser les murs, que j’avais voulus en plexiglass remplaçable et modulable, de permettre aux habitants de s’exprimer sur les murs de ce bâtiment. Les couleurs engendrées par la peinture à la bombe, seraient visibles en intérieur, créant des ambiances changeantes au sein du bâtiment.

La trace, projte de S4

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EN ARTS-PLASTIQUES Le travail sur la trame, lors des cours d’arts plastiques fut suivi par un travail en plusieurs parties sur la couleur. Celle-ci, peut créer, de par sa présence seule sur du papier, des effets d’optique, d’ombre et de lumière, par elle-même, et pour elle-même. C’était l’intérêt de cet enseignement : la couleur qui s’exprime sans intêret, uniquement pour la visualisation de la couleur elle-même. Nous avons réalisé plusieurs exercices : Travaux d’arts plastiques

Le premier, consistait, suite a une découpe de carrés sur une trame réalisés a l’avance, de peindre une alternance d’aplats bleus et jaunes, puis ensuite, par couches successives, de les repeindre, de façon plus ou moins opaques, avec différentes couleurs. Lors du passage en noir et blanc, par exemple, de nos travaux, on pouvait distinguer la luminosité des nuances, certaines devenant noires, et d’autres grises claires, mais aussi plusieurs plans et profondeurs qui se dégageaient. Nous avons réalisé d’autres exercices, toujours autour de ce thème, par exemple en peignant à l’avance différents aplats de couleur, puis en mélangeant des superpositions : le passage en noir et blanc, reste toujours révélateur, et nous permet de comprendre nos intuitions initiales liées aux nuances, profondeurs et plans des couleurs que nous assemblons.

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Cet exercice, au début de nos travaux et de nos expérimentations, me paraissait vide de sens (pourquoi utiliser la couleur uniquement pour elle-même ? Que cela nous apprend t’il sur l’architecture ?) puis au fil du semestre, m’a permis de m’amuser, et de découvrir le plaisir du mélange de couleurs. Cela permît de déclencher la forme finale des travaux que j’effectuais personnellement : comment utiliser des aplats de couleur pour réaliser des formes, des personnages, des images célèbres, sur une simple trame de 6.4 par 6.4 centimètres ? Je savais désormais, que la couleur en soi suffisait à créer l’illusion visuelle de lumière, d’ombre, de formes, et même de mouvement.

La Reconde, peinture 2020

J’ai donc pu, à travers ces nouveaux apprentissages, nourrir mon amour pour l’anatomie, la figure représentative de l’homme, mais aussi et surtout l’art classique d’une forme d’abstraction qui manquait pour donner, en plus de la forme, un réel fond à mon travail. Il ne s’agissait donc plus de reproduire des figures artistiques célèbres et classiques, mais de diversifier mon travail afin de pouvoir utiliser, sur chaque toile, des couleurs différentes, et toucher, en termes de références, des domaines liés à la pop culture qui m’intéressaient. En les traitant sur la même trame qu’une œuvre célèbre et sérieuse, l’effet de série m’a permis de donner une importance équivalente à la Joconde, à la Marylin d’Andy Wharol, mais aussi même à Kim Kardashian.

Marylin, peinture 2021

KKarré, peinture 2021

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La Joconde, Léonard de Vinci

Marylin, Andy Wharol

Kim Kardashian, 2013



EN ARCHITECTURE Dans le langage courant, on distingue un bâtiment d’un autre au sein de la ville, d’un quartier ou d’une rue, par sa couleur, mais pas uniquement: la texture de l’architecture, bien plus que la couleur, imprime sa trace dans nos sens. L’architecture à la différence des pièces artistiques, ne peut pas être de taille moyenne: les édifices, de la simple maison à la tour, ne sont pas des éléments contrôlés par l’usager à l’issue du chantier: l’architecture, de grande ampleur principalement, devient un objet intouchable, presque sacré, pensé par une figure supérieure, qui serait l’architecte.

Pierre

C’est en cela qu’il est important pour l’architecte de ramener l’architecture au service de la senisbilié humaine, et ce par différents moyens. La texture, consititue, de la même façon qu’en art, le premier moyen: l’Homme, à son échelle, n’est pas nécessairement sensible à la rigueur d’un plan tramé: il est sensible au volume des espaces, influencé par la texture. L’homme construit une relation intime avec l’architecture, en premier lieu par la vue, mais bien plus encore par le toucher: la rugosité de la pierre, l’aplanéité du béton, les jointures de la brique sont autant de matérialités, qui, de par leur mise en oeuvre, donnent vie à l’architecture.

Brique

Béton

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C’est la beauté de la brique, au sein des villages en périphérie Toulousaine, qui, lors de cette troisième année m’a permis de mettre en application ces principes. Il m’a fallu, pour répondre au programme de maison individuelle imposé, m’ancrer dans le site, m’affirmer architecturalement, et s’est exprimé, suite a la réflexion autour d’une rigueur tramée, directement par la texture et les matérialités. Deux espaces au sein de l’habitation se distinguent: ceux, en porte-à-faux, en bardage bois, ainsi que le socle, et la partie sur rue, entièrement en brique. Allant au coeur de la matière, notamment par le biais d’une visite de briquetterie, et par une refléxion sur les différents appareillages de brique possibles, j’ai pu réfléchir, en détail, à la façon dont la lumière revèle la matière. L’usage d’un claustra, melé au double mur, permet d’utiliser l’appareillage de la brique en lui retirant des éléments et en permettant des ouvertures.

Façades, projet S6

Essais appareillage de brique, échelle 1:1

La réalisation de ce type d’effet, en architecture, passe par l’élaboration de détails constructifs particuliers et adaptés à la volonté de l’architecte. C’est ainsi que l’architecte s’approprie les techniques constructives structurelles pour transformer un détail constructif, en détail architectural. C’est en celui ci que l’on retrouve la réalité archtecturale d’un bâtiment. Façade et coupe de détail

André Chiote, un architecte et illustrateur portugais, travaille sur la texture de façon minimaliste, pour faire référence aux architecrures celèbres à travers un travail d’iconographie poussé et représentatif. Il montre, à travers ses représentations, quelque part entre le dessin d’architecture et la pièce artistique, à quel point la texture est le biais qui donne toute l’identité d’un projet architectural, dans l’imaginaire collectif, en touchant les émotions bien plus particulièrement, que leur plan, ou leur silhouette. Cette texture permet de ramener l’oeuvre architecturale, à échelle humaine.

Travaux graphiques, André Chiote 22


EN ARTS-PLASTIQUES

Comme le résultat du projet, la genèse d’une architecture aboutie se trouve dans les détails qui font l’atmosphère du projet, en peinture, c’est la texture finale qui donne vie et touche finale à la peinture. Il existe plusieurs façons, pour l’artiste, de créer de la texture: elle peut être visuelle, avec un jeu de hachures, d’ombres et de lumières, en fonction du médium utilisé, mais elle peut ausis être réelle, tridimensionnelle, visible, palpable, et mobile en fonction de l’angle d’observation de l’oeuvre. Il faut s’armer de patience : la texture ne vient qu’avec plusieurs couches et un temps de séchage, plus ou moins long, qui donne matière à l’oeuvre, la transforme en un objet, en non pas seulement en une image. Comme bien des artistes travaillant sur toile, l’empâtement, la teneur de la peinture sur la toile, constitue pour moi la touche finale nécessaire à mon travail. Cette volonté, loin d’être un geste «spontané» d’artiste, comme j’aurais pu l’expliquer et le dramatiser, était pleinement réfléchi, en me questionnant autour de différents sujets: allais-je suivre la trame géométrique sans y déroger, par des tracés droits et des aplats de peinture parfaitement mairisés? 23


La réponse se trouvait dans la question: la peinture n’est pas une simple couleur, abstraite, c’est un mélange de matière, de minéraux et de colorants au service de la nuance, alors, pourquoi ne pas montrer, assumer ses potentitalités, mais aussi ses défauts, ses variations? Qu’est ce qui pourrait donner a mon travail plus de valeur qu’une pixellisation informatique de ces images? J’ai trouvé chacune des solutions dans la texture: c’est celle ci, qui crée des ombres mouvantes sur la toile, et différencie l’image synthétique qui est créée initialement a l’ordinateur de l’oeuvre finale et réelle: c’est la texture qui transforme l’image en objet, qui permet à la toile de prendre vie. Cette représentation pour moi, en plus d’une expression de ma maîtrise technique de melange de couleurs, est venue comme une critique, ou bien une raisonnance aux arts numériques: la pixellisation étant un procédé purement informatique, utilisé majoritairement à des fins de censure, celle ci était une façon pour moi de donner un nouveau souffle a ces oeuvres, comme une actualisation critique, d’aujourd’hui, à l’heure ou nos médiums ont changé. La notion de censure était aussi pour moi importante, non pas pour sa dimension sociétale, mais par l’effet d’optique que celle ci engendre: cette censure permet elle d’anonymiser n’importe quel entitée? Une chose qui vous est familière, pourrait elle totalement vous échapper si celle ci était visuellement censurée? Il m’était aisé de tester cette dualité à travers ma pratique: la reproduction de la Joconde, connue de tous, n’échappait à personne, tandis que la reproduction de la Naissance de Vénus de Botticelli, contenant plus de détails, d’arrières plans et de couleurs, étant aussi celèbre, ne se revelait pas être une évidence aux yeux de mon public. Alors, comment l’oeuvre se revèle?

La Renaissance de Vénus, peinture 2020 24



CONCLUSION Comme le détail fait l’oeuvre, que ca soit en architecture, ou en arts plastiques, la contemplation s’opère en observant une globalité. C’est lorsque l’on recule, pensif, que l’on voit le résultat final, mais surtout que l’on arrive à mesurer le chemin parcouru. L’architecture, et ma pratique de peintre ont cela de commun: il m’a fallu, par étapes, réussir à m’enrichir de compétences, d’expériences, et mûrir ces sujets d’une reflexion complémentaire. Je sais cependant que cette réflexion est en évolution continuelle, et n’est pas arrivée à sa fin, ni même à mi-chemin: l’apprentissage dure toute la vie, reste en perpétuel mouvement, et c’est cela que l’architecture et l’art ont en commun. Aujourd’hui, forte de cette évolution, je sais mieux qu’auparavant vers où je me dirige, autant dans ma pratique artistique qu’architecturale. Ces deux, sont, pour moi indissociables, et j’espère, dans les suites de ma formation, pouvoir continuer à jouer de cette dualité de mon travail, de ce double apport, et réussir à mieux le mettre en valeur, car c’est cette particularité dans ma reflexion qui crée mon individualité en tant qu’artiste, mais surtout en tant qu’étudiante architecte. Etre étudiante, pour moi, n’est pas seulement le fait de se placer dans une position d’apprentissage, mais aussi de devenir une force de proposition, de par nos qualités propres, particulières, qui nous différencient des autres étudiants: il est primordial de cultiver ces différences. C’est un réel atout, en tant que futurs architectes d’avoir plusieurs atouts dans sa manche: l’architecture est un domaine pluridisciplinaire, qui, nous permet de mener plusieurs activités en même temps, d’utiliser notre plein potentiel au sein de notre carrière. Suite à ma licence, j’effectue une année de césure à Genève, en Suisse, afin de travailler dans une agence d’architecture. J’espère profiter de cette expérience pour poursuivre ma diversification, et avoir une idée précise d’où je me positionnerai, dans un futur proche en tant qu’étudiante en Master, mais aussi en tant qu’architecte en devenir dans ma pratique. « Ce qui compte, ce n’est pas une oeuvre, c’est la trajectoire de l’esprit durant la totalité de la vie. » Joan Miro

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BIBLIOGRAPHIE - ICONOGRAPHIE • Louis I. Kahn: Complete Work 1935-74. Ronner, Heinz / Jhaveri, Sharad / Vasella, Alessandro • https://chroniques-architecture.com/le-pavillon-de-mies-barcelone-bijou-cache/ • https://fr.wikipedia.org/wiki/Supermarket_Lady • https://designspartan.com/presentation/mike-darkas-et-ses-peintures-de-portraithyperrealistes/ • https://www.moma.org/artists/4675 • http://juliemercey.com/blog/2012/10/23/analyse-doeuvre-le-serment-des-horaces/ • https://www.picasso.fr/ • http://www.fondationlecorbusier.fr/ • Le projet à l’épreuve de la ville Stéphane Gruet • Texture d’espaces - Territoires d’emotion : L’architecture comme objet intime Nathalie Wolberg • https://cargocollective.com/andrechioteillustration

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Ce rapport d’études traite, à travers un parrallèle entre architecture et art plastiques, l’évolution de ma vision, technique et réflexion personnelle sur mes trois années d’études à l’ENSA de Toulouse. L’architecture nourrit l’art, l’art nourrit l’architecture, pour ne faire qu’un.


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