Idep inews debat and co 6

Page 1

Débat&Co

Le site des sciences économiques et sociales AOÛT 2016

L’Union européenne et la zone euro Après avoir connu une forte baisse en 2009, le PIB de la zone euro1 s’accroît à nouveau en 2010 et dans une moindre mesure en 2011. Mais cette reprise est éphémère : le taux de croissance du PIB de la zone euro est à nouveau négatif en 2012 et 2013. Depuis, le PIB des pays membres de la zone euro augmente en moyenne de moins de 2% par an.

de l’Union européenne. Ce Brexit pose également le problème de l’adhésion des peuples au projet européen.

La crise a mis à mal l’entité européenne à différents niveaux de son intégration. La Grèce a failli sortir de la zone euro à plusieurs reprises en 2010, 2012 et 2015 (le Grexit 2) tout en demeurant membre de l’Union européenne 3. En juin 2016, c’est le Brexit 4 : le Royaume-Uni, qui n’est pas dans la zone euro, décide de sortir de l’Union Européenne3 ! Une incertitude plane sur l’avenir de l’Union européenne (UE) et la zone euro. L’éventualité du Grexit par le passé met en lumière les faiblesses de la monnaie unique ; la réalité du Brexit révèle les limites de l’intégration européenne. La faible croissance actuelle au sein de l’UE ou/et de la zone euro ne peut pas faire oublier leurs fragilités : seuls 19 des 28 pays membres de l’UE (avant la sortie du Royaume-Uni) partagent une monnaie unique ; les situations macroéconomiques des pays membres de l’UE sont fortement hétérogènes ; la gouvernance européenne est partiellement déficiente ; la solidarité entre les membres de l’UE est parfois insuffisante.

Pour répondre à ces questions nous avons demandé à Patrick Artus, directeur de la recherche chez Natixis de nous faire part de son analyse de la situation. Bruno Labrosse, Directeur du développement stratégique de l’entreprise SEB, de son côté, nous a éclairés sur les rapports que son entreprise entretient avec la monnaie unique n

À la suite de la crise des subprimes, survient au printemps 2010 la crise de la dette souveraine : des pays comme la Grèce, l’Irlande ou le Portugal, ne parviennent plus à faire face au service de la dette 5 publique. Afin de faire face aux échéances, ces pays sont conduits à mener des politiques de rigueur, qui, risquant de renforcer la récession, peuvent s’avérer pro-cycliques. L’épisode de la crise grecque met en exergue la question de la solidarité des membres de la zone euro en cas de défaillance de l’un des leurs. Il met également en évidence la question du rôle de la Banque centrale européenne (BCE) dans la régulation des crises. Au-delà de la zone euro, les institutions européennes sont ébranlées. Lors du référendum du 23 juin 2016, le Royaume-Uni a décidé de sortir

Débat&Co / page 1

Deux questionnements émergent alors : Quels mécanismes de solidarité entre les États-membres doivent être mis en place pour consolider l’euro ? Comment l’Union européenne peut-elle retrouver un nouveau souffle alors que d’autres pays membres de l’UE peuvent être tentés de la quitter ?

1. Zone euro : 19 membres au 1er janvier 2015. 2. Grexit : néologisme apparu en 2012 dans la presse internationale, formé de l’anglais Greece (Grèce) et exit (sortie) ; il désignait l’exclusion de la Grèce de la zone euro ou son départ volontaire qui étaient envisagés. 3. Union européenne : 28 membres avant la sortie du Royaume-Uni en 2016. 4. Brexit : de British (britannique) et exit (sortie). 5. Le service de la dette est mesuré chaque année par le remboursement du capital emprunté et le versement des intérêts.

Source : Eurostat.com

À partir de 2009, le PIB en volume de la zone euro diminue plusieurs années et lorsqu’il s’accroît le taux de croissance demeure inférieur à 2%. Sur cette même période, le taux de chômage de la zone euro se maintient nettement au-dessus de 10%.


3 questions à Patrick Artus

Directeur de la Recherche et des Études chez NATIXIS

Débat&Co / page 2

Quelles fragilités de l’Union économique et monétaire la crise grecque a-t-elle révéléES ? La crise grecque a révélé une fragilité dans l’économie financière, mais aussi dans l’économie réelle. Un pays membre d’une Union monétaire est d’autant plus enclin à se spécialiser et à échanger au sein de l’Union monétaire qu’il n’a pas à craindre un quelconque risque de change. Toutefois, certains des pays de cette Union monétaire peuvent se spécialiser dans des activités qui leur rapportent des revenus commerciaux plus faibles que ceux que d’autres spécialisations peuvent permettre d’envisager. Ainsi au sein de l’Union monétaire, les niveaux de revenus de ses différents membres peuvent diverger. Or dans la zone euro, aucun mécanisme de correction de ce phénomène n’existe, car un certain nombre de pays qui la constituent rejettent tout fédéralisme qui pourrait l’instituer. Il n’y a plus de circulation des capitaux entre les pays de la zone euro. Ceux qui réalisent des excédents d’épargne, refusent de les prêter aux pays qui ont besoin d’emprunter pour investir. Ainsi la situation empêche que le développement des pays plus pauvres soit financé par l’épargne des pays plus riches n

Faut-il alors sortir de l’euro ou d’autres solutions sont-elles possibles ? En l’absence de fédéralisme et tant que la circulation des capitaux et la mobilité de l’épargne ne sont pas rétablies, l’euro est conduit à sa disparition. Cependant sortir de l’euro, même en dévaluant, ne réglera pas pour autant le problème du règlement de la dette. Aujourd’hui la dette extérieure brute1 de la France représente 320% de son PIB. Cette dette est libellée en euros ; si la France sort de l’euro et dévalue le franc de 30%, le montant de cette dette libellée en franc sera 30% plus élevé. C’est pourquoi aucun gouvernement censé n’essaiera de sortir de l’euro. La seule solution intelligente envisageable est le fédéralisme. Il est nécessaire d’avancer vers le fédéralisme en proposant des dispositifs qui fassent l’unanimité des pays membres de la zone euro ; par exemple la création d’un système européen d’indemnisation du chômage ou l’instauration généralisée d’un revenu minimum. Mais un grand saut fédéraliste est politiquement irréalisable aujourd’hui ; seule la politique « des petits pas » est envisageable n 1. La dette extérieure mesure l’endettement de tous les agents économiques d’un pays à l’égard du reste du monde ; elle est brute lorsque ne sont pas déduites les créances que les agents économiques du pays détiennent sur le reste du monde.

Les mesures prises par les européens comme celles qui ont mis en place le mécanisme européen de stabilité (MES) sont-elles satisfaisantes ? Le MES est un mécanisme défensif. Sommairement la situation est la suivante : on prête aux pays quand les marchés financiers s’y refusent. Le seul dispositif un peu offensif de type fédéraliste, est celui prévu par le plan Juncker. La Banque européenne d’investissement (BEI) au Luxembourg étudie les projets proposés par les États. Après avoir sélectionné ceux qu’elle identifie comme pertinents, elle les finance en partie. Il s’agit de fédéralisme : par exemple, des infrastructures d’énergies renouvelables au Portugal sont financées grâce à des obligations émises par la BEI et achetées par des Allemands. Mais ce dispositif, mesuré à hauteur 70 milliards d’euros par an, demeure bien trop modeste pour dépasser les difficultés posées par l’hétérogénéité dans la zone euro. Si on voulait établir un système fédéraliste, il faudrait un taux d’imposition de 8% ; on prélèverait ainsi par exemple 8% de leur PIB aux Allemands, ce qui bénéficierait ensuite aux Portugais ou aux Espagnols. À ce jour, on peut observer quelques signes de fédéralisme dans certains mécanismes en vigueur, mais ils restent bien trop ténus n


L’essentiel sur l’Union européenne et la zone euro • Définitions

• Repères historiques

POLITIQUE BUDGETAIRE ensemble des mesures prises par les pouvoirs publics afin de corriger les déséquilibres macroéconomiques en agissant sur le budget de l’État. Au sein de la zone euro, la politique budgétaire est définie par chaque État.

1997 adoption du Pacte de stabilité et de croissance dans la continuité du traité de Maastricht ratifié en 1992.

Politique monétaire ensemble des mesures prises par les pouvoirs publics afin de corriger les déséquilibres macroéconomiques en agissant sur la quantité de monnaie en circulation. Pour la zone euro, la politique monétaire est indépendante et définie par la Banque centrale européenne. Pacte de stabilité et de croissance adopté en 1997, le PSC permet aux États membres de l’Union économique et monétaire de coordonner leurs politiques budgétaires dans l’objectif de limiter le déficit public à un niveau inférieur à 3% du PIB et la dette publique en deçà de 60% du PIB. Banque centrale européenne la BCE est créée en 1999. Elle émet la monnaie unique et mène au sein de la zone euro, une politique monétaire indépendante. Elle a pour but la stabilité des prix et se fixe une cible d’inflation de 2% par an.

2001 entrée de la Grèce dans la zone euro. 2002 mise en circulation de la monnaie unique pour l’ensemble des agents économiques, notamment les ménages. 2009 la crise des subprimes née aux États-Unis se propage à l’Europe ; les États s’endettent pour sauver leurs banques. 2012 création du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) pour réguler les crises financières. 2015 menace d’un Grexit. Le pays risque de quitter la zone s’il ne parvient pas à rembourser sa dette. 2016 Brexit ; après référendum, le Royaume-Uni décide de sortir de l’Union européenne.

Testez vos connaissances

1,50%

A) En quelle année la Banque centrale européenne (BCE) a-t-elle été créée ?

1,1389%

1) 1992 2) 1999 3) 2002

taux de croissance moyen du PIB dans la zone euro en 2015. taux de change de l’euro en dollars, c’est-à-dire prix d’un euro en dollars à la veille du résultat du référendum sur le Brexit, le 23 juin 2016.

pour “faire le point ” QUE PEUT LA BCE ? En 1999, lors de sa création, la Banque centrale européenne (BCE) a pour objectif prioritaire d’assurer la stabilité des prix pour éviter l’inflation qu’elle cible à 2% par an maximum. Cette lutte contre la crainte inflationniste passe par une indépendance vis-à-vis des États qui pourraient être tentés d’avoir la mainmise sur la création monétaire et laisser l’inflation déraper. La BCE met en œuvre une politique monétariste selon laquelle l’inflation est uniquement causée par un excès de monnaie en circulation. Ainsi elle contrôle la création monétaire grâce à son principal taux directeur qui permet aux banques centrales de chaque pays de se refinancer de façon plus ou moins onéreuse. Cependant la BCE n’a pas été conçue pour lutter contre… la déflation qui menace aujourd’hui la zone euro. De fait, ses outils sont limités et ses marges de manœuvre étroites. La première mesure prise par la BCE fut d’utiliser le levier du taux directeur en l’abaissant à des niveaux historiquement bas pour stimuler le crédit et en faciliter l’accès. Ce levier fut toutefois relativement faible et aujourd’hui le principal taux directeur qui est à 0% n’écarte pas pour autant la menace déflationniste. La suite sur Melchior : http://www.melchior.fr/Faisons-le-point.

Débat&Co / page 3

B) Selon le Pacte de stabilité et de croissance, un État-membre doit maintenir son déficit public à un niveau inférieur ou égal à : 1) 2% du PIB 2) 3% du PIB 3) 60% du PIB C) Le principal taux directeur de la BCE est : 1) Le taux auquel elle prête de la monnaie aux États 2) Le taux de croissance de la masse monétaire 3) Le taux d’intérêt auquel chaque banque de second rang de la zone euro peut se refinancer Réponses : A 2 / B 2 / C 3

Chiffres clés

Taux directeur (unique pour l’ensemble de la zone euro ; ici, il s’agit du taux des opérations principales de refinancement) : taux d’intérêt auquel les banques centrales nationales se refinancent auprès de la BCE. Grâce à son taux directeur, la BCE contrôle la création monétaire et veille à la stabilité des prix.

1999 naissance de la BCE et de l’euro comme unité de compte.


Idées et débats

Brexit : catastrophisme récurrent Nouriel Roubini 1 nous a prévenus : le Brexit provoquera une récession au Royaume-Uni et la disparition de l’Union européenne. Une catastrophe de plus dans la liste impressionnante dont il nous menace depuis 20 ans. Il est rejoint par Georges Soros 2 qui anticipe une dévaluation de la livre de 15% et a déclaré que la désintégration de l’Union européenne est « pratiquement irréversible ». Et depuis la sortie de la livre du SME (système monétaire européen) le 16 septembre 1992, qu’une analyse rapide des événements lui a attribuée, il sert de référence. Revenons au 16 septembre 1992. Les responsables du Trésor britannique ont imposé en octobre 1990 à Mme Thatcher l’adhésion de la livre au SME car pour eux, la consolidation de la désinflation réalisée dans les années 80 passe par l’alignement de la politique monétaire anglaise sur celle de l’Allemagne. En septembre 1992, la spéculation contre la livre se déchaîne. […] Un an après, le 16 septembre 1993, […] certes la livre a perdu 30% de sa valeur par rapport à l’écu (l’ancêtre de l’euro), mais la fin de la discipline du SME a permis de desserrer la politique monétaire et d’alléger ainsi la charge d’intérêt de beaucoup de ménages endettés à taux variables.

Contribution des pays au mécanisme européen de stabilité (MES)

Sept ans après, nouveau dilemme : le Royaume-Uni doit décider de candidater ou non à l’euro. Cette fois, le premier ministre est Tony Blair. Il tergiverse tandis que le chancelier de l’échiquier, Gordon Brown, plaide que le cycle anglais est trop décalé par rapport au cycle allemand pour rejoindre la zone euro. Plusieurs économistes annoncent un décrochage anglais si le Royaume-Uni s’isole, si bien que Blair se sent obligé d’affirmer : « rejoindre la zone euro est conforme à notre intérêt national ». Et le décrochage ne s’est pas produit. En fait le véritable enjeu, c’est le même Tony Blair qui l’énonce le 20 avril 2004 à la Chambre des communes : « Il est temps de déterminer une fois pour toutes si ce pays, si la Grande-Bretagne, veut ou non être au centre et au cœur de la prise de décision européenne ». L’enjeu du Brexit est politique et la décision du peuple britannique a été politique. N’oublions pas que le baron Louis, ministre des finances du roi Louis Philippe, lui disait « Faites moi de la bonne politique, je vous ferai de la bonne finance ». Plus que des annonces fantaisistes de Roubini ou Soros, l’Europe a besoin d’annonces réfléchies de Merkel ou de Hollande n Jean-Marc Daniel, L’Opinion, 6 juillet 2016. 1. Économiste et professeur américain. 2. Financier milliardaire américain.

Le mécanisme européen de stabilité (MES) met en place un fonds destiné à effectuer des prêts aux États membres de la zone euro pour qui l’endettement sur les marchés financiers est trop onéreux (en raison de leur fragilité, une prime de risque supplémentaire leur est imposée). Chaque pays de la zone euro contribue au financement du fonds. L’Allemagne apporte environ 27% des ressources du fonds contre 20% pour la France et 6% pour les Pays-Bas. Source : esm.europa.eu

Taux directeur de la Banque centrale européenne (ici taux des opérations principales de refinancement) entre 2008 et 2016 (%) 12 novembre 2008 3,25 10 décembre 2008

2,50

21 janvier 2009

2,00

11 mars 2009

1,50

08 avril 2009

1,25

13 mai 2009

1,00

13 avril 2011

1,25

13 juillet 2011

1,50

09 novembre 2011 1,25 Des solutions à la crise de la zone euro Quitter la monnaie unique

Conserver la monnaie unique

14 décembre 2011

1,00

11 juillet 2012

0,75

08 mai 2013

0,50

13 novembre 2013 0,25 Retour aux monnaies nationales

Monnaie commune

Mécanismes de secours

Fédéralisme budgétaire

11 juin 2014

0,15

10 septembre 2014 0,05 Chaque pays revient à sa monnaie antérieure d’avant l’euro. La France revient au franc.

Débat&Co / page 4

L’euro reste la monnaie de l’Union européenne pour les échanges extérieurs. En revanche chaque pays a un euro national convertible en euro commun

Aide financière aux États en difficultés budgétaires comme le MES (Mécanique Européen de Stabilité, 2012)

Créer un budget commun de la zone euro et éviter des politiques économiques non coordonnées dans la zone euro (course à l’austérité)

09 décembre 2015

0,05

16 mars 2016

0,00

Source : Banque de France https://www.banque-france. fr/economie-et-statistiques/changes-et-taux/les-taux-directeurs.html


Quelle union budgétaire pour la zone euro ? Agnès Bénassy-Quéré

Présidente déléguée du Conseil d'Analyse Economique (CAE)

L’Union monétaire s’est faite en 1999 sans rien changer à l’organisation politique et économique de l’Union européenne. En particulier, la politique budgétaire et la surveillance des banques sont demeurées la responsabilité exclusive des États. Ces derniers se sont simplement engagés à respecter une règle de discipline budgétaire – le Pacte de stabilité – afin de protéger l’Union d’une crise financière provoquée par une insolvabilité budgétaire. La crise de la zone euro a démontré l’inadéquation de cette architecture. Le Pacte de stabilité n’a pas été respecté en Grèce. […] Enfin, l’ensemble de la zone euro souffre aujourd’hui d’un déficit de demande, sans que la Banque centrale européenne (BCE) ne parvienne seule à résoudre le problème. Il faudrait l’épauler par une politique budgétaire active, mais la zone euro n’a pas d’instrument pour cela. Les réformes opérées depuis 2010, en particulier la création du Mécanisme européen de stabilité pour prêter aux pays en crise et le transfert au niveau de la zone euro de la surveillance des banques, ont contribué à « normaliser » cet objet étrange qu’est la zone euro - une monnaie sans État - par rapport aux

Débat&Co / page 5

fédérations existantes (Canada, États-Unis, […], etc.). Dans les pays fédéraux, toutefois, les entités locales (États, provinces, régions, […], etc. appliquent des règles budgétaires beaucoup plus simples et strictes que le Pacte de stabilité européen. […] Rien de tel dans la zone euro où la stabilisation budgétaire continue d’être la responsabilité exclusive des États membres. Il en résulte des règles budgétaires de plus en plus compliquées puisqu’il faut combiner, au niveau de chaque pays, la discipline budgétaire avec un volant de stabilisation. Si les chances sont minces qu’un vrai budget soit mis en place au niveau de la zone euro dans les années qui viennent, on peut réfléchir à un fonds d’indemnisation du chômage qui permettrait, en période de forte hausse du chômage dans un ou plusieurs États-membres, d’allonger transitoirement la durée d’indemnisation […]. Un tel système soutiendrait les revenus dans les pays en crise (contre une contribution quand ça va mieux) et marquerait le début d’une solidarité entre travailleurs européens. […] Certes, un tel projet exigerait une certaine convergence des marchés du travail, pour éviter qu’un même choc ne provoque une hausse du chômage dans un pays et une baisse des salaires dans un autre. Cependant, convergence ne veut pas dire harmonisation. L’essentiel est d’éliminer les effets d’une trop forte dualité

du marché du travail, d’encadrer le niveau du salaire minimum par rapport au salaire médian, de définir une couverture minimale de l’assurance chômage. La solution alternative est de coordonner les politiques budgétaires nationales dans les périodes exceptionnelles, bonnes ou mauvaises, de manière à « mimer » ce que ferait un gouvernement fédéral dans de telles circonstances. Mais on se heurte alors aux souverainetés nationales. Paradoxalement, une solution « fédérale » est peut-être plus acceptable qu’une coordination des instruments nationaux n

Source : Agnès Bénassy-Quéré - Quelle union budgétaire pour la zone euro ?, La lettre PSE, n°25, mars 2016


Regard sur l’entreprise et son écosystème

Les conséquence d’une monnaie unique pour les entreprises

SEB en 5 chiffres clés

L’adoption d’une monnaie unique a des conséquences importantes pour les entreprises multinationales soumises à des échanges avec des monnaies différentes. À l’intérieur d’une zone qui l’adopte, une monnaie unique a trois avantages. Tout d’abord, elle supprime les frais de change qui sont le prix à payer pour passer d’une monnaie à une autre. L’absence de ces frais réduit grandement les coûts de production des entreprises. Ensuite elle annule la question du risque de change. Par exemple une entreprise française achetant des consommations intermédiaires à une entreprise allemande devait, avant l’adoption de la monnaie unique dans la zone euro, la régler en Deutsch Mark. Toutefois le cours du Deutsch Mark pouvant varier, une même quantité de produits achetés pouvait coûter plus cher à l’entreprise française en cas d’augmentation du taux de change de la monnaie allemande. Les entreprises se prémunissaient contre ces risques via un système d’assurance qui leur garantissait un taux de change fixe pour une certaine durée. Ce système d’assurance représentait, pour les entreprises françaises, l’équivalent de 10 milliards d’euros par an avant l’adoption de cette monnaie. Là encore la disparition du risque de change réduit les coûts de production des entreprises liés à l’instabilité des variations de change. Enfin une monnaie unique permet aussi d’améliorer la concurrence entre les entreprises car les prix sont facilement comparables. Les entreprises peuvent donc choisir d’une part, sur un marché plus grand, les produits les moins chers, et d’autre part se voient obligées d’être compétitives, ce qui améliore le bien-être du consommateur.

• 4,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2015 • 26 024 salariés dans le monde en 2015

Toutefois une monnaie unique n’a pas que des avantages. Par exemple, l’euro est plutôt une monnaie forte, voire trop forte parfois. De fait le taux de change risque d’être désavantageux pour les échanges en dehors de la zone monétaire. Par exemple en juillet 2008, il fallait 1,57 dollars américains pour obtenir 1 euro. Un euro trop fort rend chers les produits européens et risque de limiter les exportations de certaines entreprises de la zone euro. Inversement un euro plus faible peut stimuler les exportations mais renchérit le coût des importations. Cette question du taux de change touche les pays différemment. Ainsi pour des pays comme la France ou l’Espagne qui fabriquent des produits de moyenne gamme, sensibles à la variation des prix, un euro fort pénalise leurs exportations. Inversement les entreprises de pays comme l’Allemagne qui s’orientent vers le haut de gamme peuvent continuer à exporter malgré un euro élevé. Les entreprises européennes multinationales développent alors des stratégies pour améliorer leur compétitivité n

Répartition géographique des ventes de SEB en 2015

Lecture : En 2015, 16% des ventes des produits SEB se font en France. Source : http://www.groupeseb.com/fr/chiffres-cles-finance

pour “ALLER PLUS LOIN ”

• 29 sites industriels répartis sur les 5 continents en 2015

Agnès Benassy-Quéré, Xavier Ragot, Guntram Wolff, « Quelle union budgétaire pour la zone euro ? », notes du CAE, février 2016

• 316 millions de dette en Euro en 2015

« L’Euro, un dessein inachevé », Questions internationales, n°76, 2015

• 117 brevets déposés en 2014

Agnès Benassy-Quéré, Benoît Coeuré, Économie de l’Euro, La Découverte (Repères), 2014 Frédéric Lordon, La Malfaçon, Les liens qui libèrent, 2014, Étienne Farvaque, La Banque centrale européenne, La Découverte (Repères), 2010

Débat&Co / page 6


3 questions Bruno Labrosse

Directeur du développement stratégique chez SEB (Société d’Emboutissage de Bourgogne, leader mondial du petit équipement domestique).

Le passage à l’euro a-t-il stimulé vos échanges avec les autres pays européens ? D’une part, le passage à l’euro a été un vecteur de croissance. Précédemment, certains pays comme l’Espagne ou l’Italie, pratiquaient régulièrement des dévaluations compétitives déstabilisant les échanges commerciaux entre les différents pays européens. L’euro a permis d’édifier des règles du jeu communes aux pays participants. Le Groupe SEB en a bénéficié. D’autre part et plus récemment, la perspective de l’intégration de nouveaux pays plus pauvres dans la zone euro a généré un surcroît de croissance. Le calendrier du passage à l’euro a contraint les pays qui devaient intégrer la zone euro, à respecter un certain nombre de règles et à se rapprocher des standards de l’ensemble des pays membres. Sur le moyen terme, il en ressort toujours une accélération de la croissance du PIB et de la consommation intérieure des nouveaux pays membres, ce qui a stimulé notre activité. L’euro a permis de réduire les divergences économiques au sein de la zone euro, ce qui a été générateur de développement n Un euro fort vous a-t-il pénalisé sur les marchés internationaux ? En principe, une monnaie faible est le reflet d’une économie défaillante ou en récession. L’euro fort ne devrait donc pas être considéré comme un élément négatif. Pour mémoire, l’Allemagne a vécu pendant des années avec

Débat&Co / page 7

un Deutsch Mark fort qui n’a pas été nocif à son économie et qui ne l’a pas empêchée d’exporter sa technologie à haute valeur ajoutée. Par contre, la fabrication de produits standardisés avec une monnaie forte ne peut pas se faire dans des conditions économiques acceptables. Pour ce qui concerne SEB, un euro fort a obligé l’entreprise à améliorer sa compétitivité en se réinventant continuellement, en créant des process plus performants et en innovant. C’est cette stratégie qui lui a permis de garder des sites européens compétitifs. Des entreprises localisées dans des pays à devises faibles ne font pas ce type d’effort. Un cas tangible est celui du Brésil. Le pays dévalue régulièrement sa monnaie mais les entreprises ne sont pas pour autant compétitives et se tournent vers leur marché intérieur. D’autre part, la force d’une entreprise comme SEB réside dans son internationalisation. SEB se désensibilise ainsi au risque de change en équilibrant au mieux les flux d’achats et la localisation de ses sites de production pour pouvoir servir ses marchés. Une telle stratégie lui permet bien évidemment d’optimiser sa compétitivité n Pensez-vous qu’une sortie de l’euro renforcerait votre compétitivité ? Pas du tout. D’un point de vue purement technique, je ne vois pas comment cela peut fonctionner. Aucun mécanisme ne prévoit l’éventualité d’une sortie d’un pays de la zone

euro. Néanmoins, en supposant cette éventualité, les effets seraient néfastes. À court terme, un effet d’électrochoc pourrait stimuler nos exportations, mais rien de bénéfique n’est à attendre à plus long terme. Une sortie de l’euro aurait pour conséquence immédiate une dévaluation de la nouvelle monnaie nationale et aurait immédiatement un impact sur nos comptes. Que ferait-on de l’ensemble des dettes du Groupe libellées en euro contractées sur les marchés financiers ? Nous n’aurions d’autres choix que de les conserver et d’enregistrer très certainement des pertes de change importantes. Nos flux commerciaux internationaux sont libellés principalement en euro ou en dollar. Si nous sortions de la zone euro, le Groupe ne pourrait pas facturer ses ventes dans la nouvelle monnaie française, en dehors du territoire national ; cela induirait une certaine volatilité et un risque pour la compétitivité. Néanmoins, le caractère résolument international du Groupe limiterait les effets d’une sortie de la France de l’euro. La part du marché domestique et des produits fabriqués en France dans l’activité totale du Groupe est de moins en moins importante n


Chiffre étonnant 0,0% Adossé au site melchior.fr, ce journal thématique mensuel est le fruit de la collaboration d’une équipe de professeurs de ses. Contributeur : Romain Carron Relecteurs : VINCENT BAROU ; Stéphanie Le Cler ; DANIEL DIDIER ; AGATHE ROY ; CLAIRE VANHOVE. AGENCE de CRÉATION : RGB.

taux directeur de la BCE au 16 mars 2016 (ici taux des opérations principales de refinancement). Ce taux lorsqu’il est nul a pour but de relancer l’investissement, mais il prive la BCE d’une marge de manœuvre supplémentaire.

ENTRETIENS ENSEIGNANTSENTREPRISES (EEE) 25 et 26 août 2016 « L’Europe dans tous ses Etats : un impératif de réussite ! » Lieu : à l’Ecole polytechnique (91) La thématique de l’Europe choisie pour ces EEE vise à faire un état des lieux sur les défis de l’Europe au regard des crises qu’elle traverse (crise économique, crise des dettes souveraines, immigration, diplomatie, terrorisme, Brexit, etc). Articulés autour de grandes conférences et d’ateliers destinés à éclairer l’analyse académique par des cas pratiques d’entreprise, ces EEE sont le fruit d’un travail collaboratif qui mobilise plus d’une vingtaine d’enseignants de Sciences économiques et sociales (SES), d’Economie-gestion et d’Histoire-Géographie pleinement impliqués dans la préparation de ces échanges et qui animeront les ateliers. Au-delà de cette thématique, de nombreux temps d’échanges vous seront proposés, notamment des rencontres libres avec des Directeurs de ressources humaines, des visites de sites d’entreprises, etc. Informations et inscriptions sur : www.eee2016.fr

Intervenants confirmés : Emmanuel Macron, Philippe Aghion, Harlem Desir, Hubert Védrine, Pascal Lamy, etc.

Débat&Co , le site Melchior et Les Entretiens Enseignants-Entreprises, s’inscrivent dans le cadre du Programme Enseignants Entreprises (PEE) de l’Institut de l’Entreprise.

Débat&Co / page 8


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.