{
La mondialisation menace-t-elle notre culture ?
{
Quelle responsabilité pour les citoyens, l’État, le privé, les médias ? {
Quel rôle pour l’éducation dans la transmission de la culture ? {
Quel avenir voulons-nous pour la culture québécoise ? 1500 citoyens se prononcent
Résultats d’un grand dialogue citoyen à travers le Québec { 97 propositions {
21 priorités citoyennes
{
Des rêves collectifs
{
Et… une invitation au dialogue
notre avenir ! 21 priorités citoyennes pour la culture québécoise
Sous la direction de
Aude Lecointe et Céline Saint-Pierre
© Illustration : Philippe Beha
Aude Lecointe Saint-Pierre et Céline
le dialogue entre les régions
Sous la direction de
la langue française
Supplément de
L’Annuaire du
Québec
ISBN 978-2-7621-2852-9
ISBN 978-2-7621-2852-9
Une collection dirigée par
9 782762 128529
9,95 $ • 9 e
sur les valeurs communes
21 priorités citoyennes pour la culture québécoise
Les nouvelles technologies, une révolution culturelle ?
{ Favoriser
notre avenir !
{
l a c u l t u r e , n o t r e a v e n i r !
{ Vers une culture commune ou une mosaïque d’identités ?
Quel avenir pour la langue française ?
{ Promouvoir
La culture,
La culture québécoise à l’heure des choix {
{ Des états généraux
La culture,
Résultats du Rendez-vous stratégique sur la culture de l’Institut du Nouveau Monde
fides
Michel Venne
fides Une collection dirigée par
Michel Venne
L A C U LT U R E , N OT R E AV E N I R !
Sous la direction de
Aude Lecointe et Céline Saint-Pierre
la culture, notre avenir ! 21 priorités citoyennes pour la culture québécoise
Supplément de L’Annuaire du Québec Une collection dirigée par Michel Venne
La culture, notre avenir ! est un supplément de L’Annuaire du Québec. Ce livre rend compte des débats du Rendez-vous stratégique de l’Institut du Nouveau Monde (INM) sur la culture québécoise tenu à l’hiver 2007. L’Annuaire du Québec est un ouvrage de référence annuel publié par l’INM aux Éditions Fides. direction : Aude Lecointe, Céline Saint-Pierre rédaction : Aude Lecointe, Céline Saint-Pierre, Michel Venne édition : Miriam Fahmy conseillers : Lynda Champagne, Stéphane Dubé, Arthur Prévot, Linda Vallée couverture: Gianni Caccia illustration: Philippe Beha mise en pages: Gaétan Venne et Gianni Caccia révision : Denis Desjardins, Carine Fahmy, François Roberge photographies : Mathieu Leblanc, bénévoles de l’INM et participants du Rendez-vous stratégique (sauf indication contraire)
l ’ institut du nouveau monde 630, rue Sherbrooke Ouest, Bureau 1030, Montréal (Québec) H3A 1E4 info@inm.qc.ca • www.inm.qc.ca les éditions fides 306, rue Saint-Zotique Est, Montréal (Québec) H2S 1L6 www.fides.qc.ca Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada Vedette principale au titre : La culture, notre avenir ! : 21 priorités citoyennes pour la culture québécoise « Supplément de L'annuaire du Québec » Comprend des réf. bibliogr. Publ. en collab. avec: Institut du Nouveau Monde. ISBN 978-2-7621-2852-9 1. Québec (Province) – Civilisation – 21 e siècle. 2. Québec (Province) – Relations interethniques. 3. Citoyenneté – Québec (Province). I. Lecointe, Aude. II. Saint-Pierre, Céline. III. Institut du Nouveau Monde. FC2919.N67 2007
971.4’05
C2007-942267-5
Dépôt légal : 4 e trimestre 2007 Bibliothèque nationale du Québec © Éditions Fides IMPRIMÉ AU CANADA EN DÉCEMBRE 2007
Imprimé sur du papier 100 % recyclé
SOMMAIRE
6
avant-propos Faire le point sur qui nous sommes Michel Venne
9
introduction Un grand dialogue citoyen Aude Lecointe
première partie
Que devient la culture québécoise ? Que voulons-nous qu’elle devienne ? 19
1. Des valeurs communes
31
2. La relation à l’autre : construire des ponts
53
3. La langue française : ciment de la culture québécoise
61
4. Les nouvelles technologies : un virage culturel
73
5. L’importance de la culture : du local au mondial
103
6. La responsabilité des médias
111
7. L’éducation : moteur de culture
deuxième partie
Des pistes d’action à privilégier, des rêves collectifs à réaliser 122
1. Les 21 priorités citoyennes
130
2. Des rêves collectifs pour le Québec de demain
138
conclusion La culture en devenir : des actions et des rêves Céline Saint-Pierre
144
annexes A- Remerciements aux artisans du Rendez-vous stratégique
146
B- L’École d’hiver de l’INM : des pistes d’action pour un Québec interculturel
149
C- Références
152
D- Cartes
l’ institut du nouveau monde
Faire le point sur qui nous sommes Michel Venne Directeur général, Institut du Nouveau Monde
Bien avant qu’éclate la controverse sur les accommodements raisonnables, l’Institut du Nouveau Monde (INM) était à pied d’œuvre pour organiser un rendez-vous stratégique sur la culture québécoise. Nous avions identifié non pas un malaise mais une forme d’insécurité au sein de la population à l’égard de l’avenir de notre culture, et nous croyions nécessaire de créer un espace de dialogue pour faire le point. Nous parlons de culture au sens large. Sont en jeu tout autant notre identité collective, nos traditions, nos croyances que notre capacité à produire de la littérature, du cinéma ou du théâtre de qualité. L’un n’allant pas sans l’autre. À quoi cette insécurité était-elle imputable ? Certains phénomènes ont eu une influence importante sur nos mentalités. La mondialisation est l’un de ceux-là. Avec l’ouverture des frontières, les repères sont brouillés. Pour être citoyen du monde, faut-il abandonner son identité nationale ? Comment maintenir une nation de langue française dans un environnement international dominé par l’anglais ? Depuis le référendum de 1995 sur la souveraineté du Québec, qui s’est soldé par un match nul, le concept de nation québécoise a fait l’objet d’incessants débats qui ont contribué eux aussi à ébranler les certitudes au sujet de l’identité collective québécoise. Celle-ci est bousculée par des influences extérieures mais aussi par des questionnements intérieurs. Immigration, technologies, commerce
La mondialisation induit trois autres phénomènes qui mettent en déséquilibre notre rapport à la culture. L’immigration accroît la diversité des populations. Le pluralisme pose des défis d’intégration et de relations interculturelles. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication
Avant-propos
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sont en train de transformer le rapport que nous avons aux autres personnes et aux autres cultures. Elles sont également en train de créer, si on n’y prend garde, un fossé entre les générations. Enfin, la mondialisation induit subrepticement la commercialisation de tout et pourrait avoir pour effet d’uniformiser les cultures. Dialogue entre experts et citoyens
Un rendez-vous stratégique est un grand dialogue entre citoyens et experts sur les grands enjeux de notre temps. La formule est éprouvée. L’INM l’avait déjà expérimentée avec succès sur des thèmes comme la santé et l’économie. De ces rendez-vous ont émergé des recommandations que nous avons ensuite portées jusqu’aux décideurs et auprès du grand public. Ce dialogue entre citoyens et experts est essentiel à la fois pour poser le diagnostic avec plus de précision et pour élaborer les pistes d’action. C’est la conciliation des attentes et de l’expérience des citoyens avec le savoir des experts qui produit les meilleures solutions. Nous avons posé la question : « Que devient la culture québécoise et que voulons-nous qu’elle devienne ? » La réponse est contenue dans ce livre. Près d’une centaine de propositions émanent de cet exercice qui s’est étalé sur plusieurs mois. Un comité directeur, présidé par Gérard Bouchard et Céline SaintPierre, et formé de 15 des meilleurs spécialistes sur l’ensemble des sujets qui nous intéressent, ont formulé des questions. Quelque 1 500 citoyens ont répondu à l’appel et ont participé à l’une ou l’autre des deux rencontres régionales organisées simultanément dans 11 villes du Québec, en février et mars 2007, puis à la rencontre nationale du mois d’avril. Le pouvoir de la parole
Nous parlons d’un succès sans précédent. Qu’un organisme indépendant et non partisan comme l’INM parvienne à mobiliser autant de citoyens pour participer à un débat sur un enjeu aussi complexe est du jamais vu. L’INM n’est ni un groupe de pression ni un mandataire gouvernemental. Nous n’avons pas le pouvoir de mettre en œuvre les recommandations issues de nos délibérations. Pourtant, les citoyens étaient au rendez-vous. Les experts également, artistes, chercheurs ou gestionnaires. Nous avons compris que toutes
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ces personnes avaient besoin de se parler, avaient besoin de faire le point. Il était temps de refaire consensus sur ce que nous sommes et sur ce que nous voulons devenir. La controverse sur les accommodements raisonnables est un autre indicateur qui nous donne raison. Il faut remettre de l’ordre dans notre pensée identitaire et réaffirmer l’importance de la culture pour toute société, mais peut-être encore davantage pour une petite nation minoritaire dans son pays et sur son continent. Le Rendez-vous stratégique de l’INM sur la culture met en évidence et en pratique le pouvoir de la parole. Il va de soi qu’il n’est qu’un jalon et que l’exercice de mise en ordre n’est pas terminé. Il doit se poursuivre. Nous vous proposons, dans ce livre, un parcours de réflexion qui vous aidera, comme il nous a aidés, à faire le point. Puis des idées d’action pour aller plus loin. Enfin, des priorités que résume Céline Saint-Pierre à la fin de l’ouvrage. Ce livre est l’un des moyens pris par l’INM pour remplir son engagement de faire connaître la parole citoyenne, une parole citoyenne informée et raffinée par une démarche de délibération structurée, décrite en introduction par la codirectrice de ce livre, Aude Lecointe, qui fut aussi coordonnatrice du Rendez-vous stratégique. L’INM a pour mission de favoriser la participation des citoyens aux débats publics, à la vie démocratique et au développement de la société. Nous croyons que la participation citoyenne est essentielle au renouvellement des idées et à l’amélioration du monde dans lequel nous vivons. Ce livre en témoigne. Je vous souhaite une bonne lecture. Mais surtout, j’espère que vous serez des nôtres lors de nos prochaines activités, si ce n’est déjà fait, pour contribuer à votre tour et à votre manière à renouveler les idées au Québec.
Photo : Jean-François Méthé
Un grand dialogue citoyen Aude Lecointe Coordonnatrice, Rendez-vous stratégique de l’INM sur la culture
L’hiver 2007 a été une saison riche en idées pour la culture au Québec. Durant quatre mois, à l’invitation de l’Institut du Nouveau Monde, plus de 1 500 participants se sont mobilisés à travers le Québec pour discuter de l’état actuel de la culture québécoise et de son avenir. On peut parfois avoir l’impression que la culture est jugée futile et que l’économie, la santé, l’environnement méritent toute l’attention. Et pourtant, que serait notre monde sans la culture? Imaginons la disparition de toute musique, de tout langage, de toute couleur. Effaçons tout ce qui nous entoure qui soit de l’architecture, du patrimoine, des créations artistiques, des livres, de la mémoire, et même de nos pensées. Il manque alors l’essentiel de notre identité, tant personnelle que collective. La culture représente une dimension fondamentale de la vie en société. La culture, tout un sujet !
D’emblée, le concept de « culture » est difficile à définir et évoque pour chacun d’entre nous des idées variées. Cela fait la particularité tout autant que la richesse d’un débat sur le sujet. Dans le cadre du Rendez-vous stratégique, le Comité directeur, coprésidé par les sociologues Gérard Bouchard et Céline Saint-Pierre et composé de chercheurs de diverses disciplines, d’artistes et d’écrivains1, a proposé de partir d’une formulation large de la culture : a) Un ensemble de valeurs, d’idéaux, de croyances et d’orientations collectifs, b) constitué de mémoire, d’identité et de vision d’avenir, c) soutenu par une (ou des) langue(s) nationale(s), d) incarné dans des traditions, des coutumes, des manières de faire plus ou moins institutionnalisées, e) partagé par la plupart des membres d’une collectivité ou d’une société, f) traversé néanmoins par des questionnements, des tensions, des inquiétudes qui la poussent toujours à
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se remettre en cause, à se redéfinir, g) constamment travaillé, de l’intérieur, par des forces de création, d’invention et, de l’extérieur, par un apport d’idées, d’esthétiques, de sensibilités, de modes. De cette définition, retenons qu’au sein d’une société, il n’y a jamais consensus. Toute culture fait place à la diversité, à la dissension, aux tensions et au changement2. L’expression « culture québécoise » ne va pas de soi elle non plus. Que faut-il entendre par là ? Quelles en sont les composantes ? Quelles influences subit-elle? En fonction des réponses données, on en arrive à des conceptions différentes de la nature et de la situation de la culture québécoise. Par exemple, certains croient qu’elle est menacée, même en voie de disparition. D’autres, au contraire, s’émerveillent de sa vigueur et de sa capacité de renouvellement. La culture québécoise est-elle particulièrement vulnérable devant la mondialisation et le pluralisme, ou est-elle devenue plus forte et résistante que d’autres ? Le retour du religieux dans l’espace public, l’immigration, les nouvelles technologies, les clivages régionaux, la place des créateurs, le rôle de l’école et celui de l’État : comment tout cela influence-t-il la culture québécoise? Voilà les questions fondamentales que l’INM a soumises au débat public. Se projeter dans l’avenir
Les Rendez-vous stratégiques de l’INM ont pour objectif de dégager, par des débats ouverts et informés, une vision du Québec dans lequel nous voulons vivre dans 20 ans. Deux Rendez-vous stratégiques ont précédé celui sur la culture : l’un portait sur la santé, en 2005, et l’autre sur l’économie, en 2006. La démarche est similaire d’un Rendez-vous à l’autre : susciter la formulation d’idées et de pistes d’action pour l’avenir. Ce troisième Rendez-vous stratégique s’articule autour des trois questions suivantes : 1. Que devient la culture québécoise sous l’influence du pluralisme culturel et religieux, des régionalismes et des réalités autochtones ? Que voulons-nous qu’elle devienne ? Une culture commune ou une mosaïque d’identités ? 2. Que devient la culture québécoise sous l’influence des nouvelles technologies et de la mondialisation ? Que voulons-nous qu’elle devienne?
Introduction
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3. L’avenir de la culture québécoise : quels sont nos rêves collectifs ? Deux Rencontres à l’échelle régionale permettaient de répondre aux deux premières questions du Rendez-vous. Une troisième Rencontre, nationale cette fois, abordait la troisième question. Un dialogue régional Les citoyens se sont d’abord réunis dans l’une des 11 villes hôtesses du Rendez-vous stratégique. Événement de proximité, les forums stratégiques s’adressaient à une région entière et, parfois, à plusieurs régions regroupées lorsque géographiquement proches. Des rencontres régionales ont eu lieu simultanément dans 11 villes au Québec : Carleton-sur-Mer et Gaspé (région : Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine), Gatineau (Outaouais), Montréal (pour les régions de Lanaudière, des Laurentides, de Laval, de la Montérégie et de Montréal), Québec (pour les régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches), Rimouski (Bas-Saint-Laurent), Saguenay (Saguenay–Lac-Saint-Jean), Sherbrooke (Estrie), Trois-Rivières (Mauricie), Val-d'Or et Rouyn-Noranda (Abitibi-Témiscamingue). Voir l'annexe D pour la carte du Québec. Les deux Rencontres régionales ont eu lieu les fins de semaine des 2 et 3 février puis des 16 et 17 mars 2007. Le vendredi soir, les participants ont accueilli des invités réunis en tables rondes et ont identifié avec eux des réalités et enjeux de la culture au Québec. Le samedi, ils ont pris part à des ateliers de discussion en vue de relever des constats, identifier des orientations et élaborer des propositions. En guise de conclusion à la journée, une plénière a dévoilé les résultats des échanges tenus lors des ateliers. Par ailleurs, des Midis citoyens organisés par l’INM et Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) ont eu lieu à Montréal le 18 janvier (« La culture québécoise au contact du pluralisme culturel et religieux ») et le 22 février 2007 (« La culture au Québec : cancre ou premier de classe ?). Ces tables rondes mettaient en présence des personnalités invitées à échanger directement avec le public. Ces débats ont été diffusés lors de chacune des Rencontres régionales en vue d’alimenter les réflexions3. Un dialogue national
Les 27 et 28 avril 2007 a eu lieu à Montréal la Rencontre nationale sous le
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l a c u lt u r e , n o t r e av e n i r !
thème : « L’avenir de la culture québécoise : quels sont nos rêves collectifs ? » La majorité des participants avaient déjà pris part à une ou aux deux Rencontres régionales et presque toutes les régions du Québec étaient représentées. Point culminant du Rendez-vous stratégique, la Rencontre nationale a fait le bilan des Rencontres régionales et a permis de se projeter toujours un peu plus dans l’avenir, en dégageant des priorités d’action. Le premier jour, à l’occasion d’un grand dialogue, des porte-parole régionaux ainsi que des spécialistes ont échangé sur les grands thèmes issus des Rencontres régionales. Le deuxième jour des ateliers délibératifs ont eu lieu afin de retenir 21 priorités citoyennes. Notons la tenue d’une table ronde ayant pour thème : « Le Québec et la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO ». Quatre anciennes ministres de la Culture ou du Patrimoine des deux paliers de gouvernements sont venues témoigner des dimensions, souvent insoupçonnées, de la bataille politique qu’elles ont menée au niveau international pour l’élaboration et l’adoption de la Convention. Soulignons également la tenue d’une plénière sur : « Quels sont nos rêves collectifs pour le Québec de demain ? » au cours de laquelle les participants ont laissé libre cours à leur imagination. La méthode INM
La démarche du Rendez-vous stratégique est rythmée autour de trois verbes d’action : informer, débattre et proposer. « Informer » passe par la contribution de tous aux discussions ainsi que par la mise à disposition d’une documentation variée et accessible. L’INM a produit un Cahier spécial sur la culture, document de 30 pages contenant des articles écrits par des chercheurs. Ce Cahier spécial, publié dans Le Devoir le 20 janvier 2007, fut distribué à tous les participants, mais aussi diffusé dans des lieux publics et remis à plusieurs organismes et institutions du Québec. Un centre de documentation sur le site Internet de l’INM a, en outre, offert des informations sur de nombreux sujets concernant la culture québécoise. « Débattre » est au cœur du Rendez-vous stratégique de l’INM. Tout au long du parcours, les citoyens ont pris part à des ateliers de discussion par groupes de 15 personnes en moyenne pour favoriser l’échange d’idées.
Introduction
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Guidé par un animateur, chaque groupe a été appelé à discuter de certaines questions liées aux thèmes du Rendez-vous stratégique. Un rapporteur a recueilli les propos tenus lors de ces ateliers, en relevant tant les consensus que les points de discordance. « Proposer » est la suite logique des étapes d’information et de débats. Les participants ont été amenés à énoncer des pistes d’action pour relever les défis de l’heure. Celles-ci ont ensuite été rendues publiques et acheminées aux instances concernées par les sujets abordés. La culture au cœur de la démarche
Grâce à son cadre neutre et non partisan, l’INM favorise la « culture du dialogue ». Avec le Rendez-vous stratégique, il a réuni des citoyens de diverses origines, milieux, régions et générations. Ont pris part aux débats des artistes et travailleurs du monde culturel, mais également une population plus large composée d’étudiants, de chercheurs, de professionnels des secteurs public et privé, de retraités, etc. Les conditions étaient réunies pour avoir un véritable dialogue régional, national, intergénérationnel, intersectoriel et interculturel. Conscient que la culture habite non seulement les individus mais aussi le territoire, l’INM a compté sur la collaboration et le dynamisme de coordonnateurs, de présidents d’honneur et de partenaires régionaux pour préparer les Rencontres et accueillir les citoyens. Une attention particulière a été accordée au choix des lieux afin que ceux-ci permettent de rejoindre les gens dans leurs milieux. Les musées, les bibliothèques, les cégeps, les universités, les centres communautaires, les théâtres, les cafés et autant de carrefours sociaux et culturels ont été des lieux par excellence pour tenir les débats. La programmation du Rendez-vous intégrait aussi des activités culturelles. Des 5 à 7 conviviaux de même que des repas servis sur place étaient offerts. Que ce soit autour du vin, d’une bière, de spécialités régionales, les participants ont pris plaisir à vivre et à goûter la culture. Dans plusieurs régions, ils ont assisté à des prestations d’artistes et apprécié le talent, l’œuvre qui inspire. Et ils ont, surtout, fait preuve d’originalité et de créativité lors de l’élaboration de pistes d’action et de rêves collectifs pour définir l’avenir de la culture québécoise.
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Les grands résultats
Le Rendez-vous stratégique a permis de faire le point sur les enjeux du présent. La situation actuelle de la culture québécoise a été décryptée à travers sept thèmes qui se sont précisés au fil des échanges entre citoyens et qui forment le cœur de cet ouvrage : • des valeurs communes; • la relation à l’autre, en lien avec le pluralisme culturel et religieux; • la langue française; • les nouvelles technologies; • l’importance de la culture à toutes les échelles, du local au mondial; • la responsabilité des médias; • l’éducation, un thème transversal. Les participants ayant pris part aux Rencontres régionales ont formulé un total impressionnant de 283 propositions. Comme des similitudes apparaissaient entre plusieurs idées venues des diverses régions participantes, il a été possible d’opérer quelques fusions et d’en arriver à un regroupement de 97 propositions. Ces dernières se retrouvent tout au long de la première partie du livre, leur provenance régionale étant précisée à la fin de chaque énoncé. À la Rencontre nationale, les citoyens ont pris connaissance des propositions. Répartis en plusieurs ateliers thématiques, ils ont exprimé leurs points de vue et argumenté en faveur de celles qui leur paraissaient les plus importantes. Les travaux en ateliers ont conduit à un résultat de 21 priorités citoyennes réunies dans la deuxième partie du livre. Sont aussi rassemblés dans cette seconde partie, sous une forme créative, des rêves d’avenir exprimés par les citoyens au terme du Rendez-vous stratégique. Des retombées pour l’avenir
La culture québécoise se trouve enrichie d’idées novatrices et remarquablement utiles à la suite du Rendez-vous stratégique de l’INM sur la culture. Lors de la clôture de la Rencontre nationale, des partenaires de l’événement ont pris la parole. Le président du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), Yvan Gauthier, exprimait l’enthousiasme que lui inspirait le Rendez-vous: « Les résolutions vont être présentées à notre Conseil d’administration. C’est une retombée que vous pouvez inscrire dès maintenant. On va les mettre à l’ordre du jour et on va en discuter […]. Comme tout ce
Introduction
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qui est vivant, la culture québécoise est à la fois forte et vulnérable. Ce que nous pouvons lui souhaiter de mieux pour l’avenir, c’est d’avoir les moyens d’occuper la place importante qu’elle mérite. » Soraya Martinez, conseillère associée à la Ville de Montréal pour les dossiers culturels, soulignait dans le même ordre d’idées l’intérêt d’une telle initiative de la part de la société civile qui contribue à l’action culturelle : « Les questions abordées avec le Rendez-vous stratégique sont extrêmement intéressantes et enrichissantes pour les années à venir. » Plus généralement, le Rendez-vous stratégique de l’INM s’inscrit dans une dynamique de réflexion sur la culture québécoise. Nombreux sont les milieux professionnels culturels qui organisent des colloques, états généraux et travaux divers visant à faire le bilan de leurs actions et à envisager de nouveaux chantiers d’action culturelle. Le Rendez-vous stratégique a ceci de très particulier qu’il donne la parole directement aux citoyens; une dimension qui complète les débats dans le secteur culturel. Quelque temps après le Rendez-vous stratégique, l’INM était déjà invité à faire part des résultats des débats citoyens auprès du ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine du Québec. Une délégation de l’Institut s’est aussi rendue chez Son Excellence la gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean, et Son Excellence Jean-Daniel Lafond, pour partager les conclusions des participants auprès de représentants d’institutions culturelles, d’artistes et de hauts dirigeants de diverses provinces du Canada lors d’un Point des arts spécialement consacré à la culture québécoise. Par ailleurs, le Rendez-vous stratégique de l’INM sur la culture a fait l’objet d’une remarquable couverture journalistique, tant dans les médias écrits que les médias électroniques, et ce, dans la plupart des régions. Il s’agissait d’un forum citoyen sans précédent par son rayonnement dans la majorité des régions du Québec. Il a tout à fait été en phase notamment avec les préoccupations et les controverses concernant les relations interculturelles, au moment où la question des accommodements raisonnables défrayait abondamment les manchettes. Plusieurs propositions citoyennes posent certains jalons en réponse aux grands débats de société. Les participants ont manifesté une grande ouverture au dialogue, de même qu’une détermination à lutter contre la fracture
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dont on parle parfois entre régions, entre générations et entre communautés culturelles. Le Rendez-vous stratégique a permis d’accomplir des pas significatifs dans la voie de la compréhension mutuelle. En juillet 2007, l’INM se voyait confier par la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles, mieux connue par le nom de ses deux coprésidents, la Commission Bouchard-Taylor, un mandat d’organiser quatre forums nationaux citoyens dont le premier s’est tenu durant l’École d’été de l’INM, fin août. Ces forums de consultation constituent un moment privilégié de dialogue autour de questions liées aux différences culturelles. Un livre rempli d’idées et de projets
Les retombées du Rendez-vous stratégique sont appelées à se poursuivre dans l’avenir. Loin de clore la réflexion sur la culture québécoise, ce foisonnement d’idées citoyennes sert d’amorce pour poursuivre le débat et encourager l’action dans chaque milieu. Cet ouvrage vous fera vivre tout un cheminement à partir de ce qui a été exprimé lors de ce rendez-vous citoyen. L’INM favorise la prise de parole des citoyens et veille à ce qu’elle soit diffusée, connue et comprise dans l’ensemble de la société. Les idées, tout comme la culture, ne sont-elles pas des richesses à partager ? Nous espérons avant tout que cette lecture inspire des démarches éclairées et fécondes. Il s’agit, au fond, d’une invitation à entrer dans le dialogue, à contribuer à la mise en œuvre des propositions, à s’en servir, à les partager et à les transformer en parole signifiante et en action concrète.
NOTES 1. Voir l’annexe A pour consulter la liste des membres du Comité directeur. 2. Source : Comité directeur, « Présence, avenir de la culture québécoise », Cahier spécial de l’INM sur la culture, Que devient la culture québécoise ? Que voulons-nous qu’elle devienne ?, Le Devoir, 20 janvier 2007, p. 4. 3. Des extraits de ces deux Midis citoyens sont disponibles sur le site Internet de l’INM, www.inm.qc.ca.
première partie
Que devient la culture québécoise ? Que voulons-nous qu’elle devienne ?
1
2
3
4
> constats Un des thèmes les plus débattus durant le Rendez-vous stratégique de l’INM sur la culture a été celui des valeurs communes au Québec. La réflexion sur le « nous collectif » s’inscrit dans le contexte d’une société québécoise en mutation.
> propositions citoyennes Comment vivre ensemble dans un Québec pluriel ? Il y a une nécessité de s’entendre sur les éléments centraux qui subsistent au-delà de la diversité des identités. La recherche de valeurs communes est la voie que privilégient les citoyens pour se rassembler.
1
Des valeurs communes
UNE DIFFICULTÉ À SE DÉFINIR COLLECTIVEMENT ■ Il y a à peine 40 ans, la Révolution tranquille faisait entrer le Québec dans la modernité. Ce qui est déroutant pour certains et prometteur pour d’autres est certainement la vitesse étonnante à laquelle la culture québécoise s’est transformée en quelques décennies. Le sociologue Guy Rocher rappelle que « la culture québécoise est passée en quelques années d’une province à une société distincte, à une nation québécoise, à une nation québécoise pluraliste. L’effervescence, le renouvellement critique et réflexif que l’on porte sur notre culture est un des éléments les plus intéressants de notre vie collective », évoque celui qui a été l’un des principaux analystes de la société au cours des 40 dernières années5. Les citoyens au Rendez-vous stratégique reconnaissent une difficulté du peuple québécois à se définir, aujourd’hui, collectivement. Plusieurs enjeux ou facteurs de déstabilisation sont évoqués par les participants : • Le manque de dialogue entre les générations et de connaissance de l’histoire du Québec affecte la transmission de la culture. La volonté de se « défaire » du passé, qu’a reflétée la Révolution tranquille, a « des conséquences néfastes sur les jeunes Québécois, qui souffrent d’un manque de repères lié à la méconnaissance de l’histoire du Québec ». • Le déséquilibre démographique entre les régions et l’immigration essentiellement concentrée à Montréal font que « les réalités entre les régions ne sont pas toujours les mêmes ». Les situations de diversité
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s’expriment différemment selon les régions et les générations qui vivent à des degrés divers le pluralisme. • La montée de l’individualisme et d’une culture de consommation, induite par la mondialisation, favorise une « brisure des liens entre les membres d’un même peuple ». • La mauvaise couverture médiatique des régions nuit à la cohésion sociale. Il y a une méconnaissance entre les régions : « Difficile dans ce contexte de parler de culture québécoise commune si elle n’est pas reflétée dans les médias. » • Certains participants reconnaissent l’existence d’un « malaise », d’un sentiment de culpabilité chez nombre de Québécois francophones à vouloir identifier et affirmer une culture commune. À cet égard, ils évoquent un certain « complexe de la majorité francophone », terme décrypté par Jacques Beauchemin, professeur de sociologie. « Le Québec diffère peu dans ses questionnements actuels des autres sociétés
UNE SOCIÉTÉ QUI RENOUVELLE SES MYTHES En l’espace de quelques décennies, le Québec a beaucoup évolué dans sa représentation de lui-même, explique le coprésident du Comité directeur du Rendez-vous stratégique, l’historien et sociologue Gérard Bouchard. Les mythes qui existent de nos jours ne sont plus tout à fait les mêmes que ceux de la Révolution tranquille. À l’époque de la Révolution tranquille, le Québec s’est donné des mythes projecteurs : la modernité, l’américanité, la laïcité, le développement (le « rattrapage »), l’affirmation des Canadiens français, la souveraineté politique, la « québécitude », etc. Puis, au cours des décennies 1980 et 1990, d’autres mythes, plus fragmentés, ont émergé tels que l’interculturalisme, l’ouverture au monde, la citoyenneté, la culture publique commune, les identités multiples, l’éthique publique, l’idéal individualiste de l’excellence. Alors que la culture québécoise des années 1960 et 1970 était porteuse d’un « archémythe » (les mythes vont dans la même direction, ils se conjuguent entre eux), aujourd’hui le paysage culturel et identitaire est fragmenté8.
Des valeurs communes
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occidentales », soutient ce dernier. « La plupart des sociétés modernes contemporaines ont vu croître, depuis plusieurs années, un genre de mauvaise conscience des collectivités majoritaires », alors qu’est contestée leur prééminence en tant que sujet collectif unique de l’histoire6. Se réconcilier avec l’histoire
« Depuis les années 1960-1970, le Québec s’est réinventé sur le plan social et éthique comme une société pluraliste », constate M. Beauchemin. Cela signifie qu’aujourd’hui, « dans un cadre démocratique, le pluralisme a une place et une légitimité7 ». Néanmoins, cela ne veut pas dire que le pluralisme au Québec est chose nouvelle. Il a toujours existé. L’histoire du Québec a été fondée sur le pluralisme. On semble aujourd’hui redécouvrir des « sujets de l’histoire » jusqu’alors délaissés. « La société québécoise est à la base une rencontre entre de nombreuses cultures. On a trop souvent insisté sur le côté pure laine ou homogène d’avant 1960 pour oublier le croisement entre les cultures », note l’anthropologue Serge Bouchard9. Pour les participants, il est nécessaire de se réconcilier avec l’histoire. Se réconcilier ne veut pas dire retourner vivre dans le passé. L’objectif de cette démarche est de « cicatriser les blessures », selon des participants. Il s’agit de reconnaître les divers apports historiques à la culture québécoise d’aujourd’hui : l’héritage catholique et canadien-français, la culture autochtone, les influences anglaise, écossaise et irlandaise, l’apport de la communauté juive et de toutes les cultures transportées par les différentes vagues d’immigration qu’a connues le Québec. Faire le point sur les valeurs communes
« Ce qui me vient à l’esprit pour penser la culture québécoise d’aujourd’hui, relève Georges Leroux, professeur de philosophie, sont les mots “érosion”, “mutation”, “transformation”; en fait, des mots très dynamiques. Il y a beaucoup de mouvement. Cela bouge énormément. En même temps, je sens la nécessité de quelque chose qui nous est commun et qui va subsister dans ce maelström dans lequel en quelque sorte on se trouve plongé10. » Le regretté Fernand Dumont, dans son dernier livre, dit tout l’enjeu du débat : avons-nous des raisons communes de vivre ensemble11 ? Qu’est-ce qui,
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aujourd’hui, réunit les habitants du Québec ? Les rapports des ateliers régionaux formulent de nombreuses réponses. Une proposition fait clairement consensus : les participants s’entendent sur la nécessité de faire le point sur les valeurs communes au Québec. Plusieurs souhaitent la tenue d’états généraux sur les valeurs collectives, d’autres suggèrent que l’INM procède à une enquête ou tienne des colloques sur des thèmes liés comme la solidarité nationale et les rapports entre nations autochtones et nation québécoise. Une fois discutées et définies, les valeurs communes pourraient être consignées dans une charte, un code, un projet de société, voire une constitution du Québec. D’aucuns rappellent que le Québec dispose déjà d’une Charte des droits et libertés de la personne, et que ces valeurs collectives devraient être compatibles avec celles exprimées par la Charte. Mais l’existence de la Charte des droits et libertés de la personne ne semble pas suffire. Les citoyens expriment avec insistance leur besoin de discuter de ces valeurs, de les codifier de nouveau si nécessaire ou, du moins, de préciser les limites et les champs d’application de la Charte. Une culture québécoise pour réduire les clivages
Il faut réfléchir aux éléments centraux qui rassemblent et qui fondent le « nous collectif ». Les citoyens au Rendez-vous stratégique parlent de l’importance de « savoir qui on est pour savoir où l’on va » et de « l’urgence de
TENTATIVE D’ÉNUMÉRATION DE VALEURS COMMUNES En regroupant les propos des participants, toute une liste de valeurs communes apparaît : l’entraide, la solidarité, le partage, le sens de la famille, la paix, la laïcité, la démocratie, le respect, la tolérance, l’éducation pour tous, l’inclusion sociale, la fierté, l’égalité entre les hommes et les femmes, la justice, l’écologie, la sympathie envers les immigrants, la dignité de l’être humain, l’ouverture sur le monde, la réduction des écarts entre les riches et les pauvres, la liberté, la responsabilité.
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se redéfinir en vue de mieux intégrer les immigrants ». La culture est un aimant de cohésion sociale, une façon de travailler sur des valeurs communes, que « nous », au pluriel, choisissons de partager. Bien qu’une bonne partie des débats du Rendez-vous stratégique aient porté sur les relations interculturelles, le besoin de faire le point sur les valeurs communes se rapporte également à d’autres défis. Plusieurs participants ont mentionné la nécessité de réparer ou d’éviter les fractures entre les générations mais aussi entre les groupes sociaux. Il faut aussi éviter les clivages entre les régions. Plusieurs participants des régions invitent chacun (individu, institution, médias, État, etc.) à reconnaître l’apport des cultures régionales et de la ruralité dans la définition de la culture québécoise (voir 5.b) Le rôle des régions). La géographie est l’une des choses qui nous réunissent, avec la langue française, affirment des participants de Québec. La nordicité est l’une des caractéristiques oubliées de l’identité québécoise, signalent des Saguenéens, tout comme la culture maritime, dit-on en Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine. L’entente sociale sur des valeurs partagées aurait aussi pour effet de consolider une solidarité nationale au sens d’une solidarité entre les régions du Québec. Maintenir le dialogue et la transmission
S’il faut énoncer des valeurs communes, il demeurera toujours important, dans un contexte changeant, d’entretenir un dialogue permanent entre les habitants du Québec, d’où qu’ils viennent, où qu’ils vivent. Pour développer un sentiment d’appartenance, il faut renforcer les espaces de dialogue, favoriser la participation des citoyens de toutes les origines aux débats publics. La culture québécoise sera fortifiée par l’éducation à la citoyenneté et par la multiplication des lieux de débats. Il faut favoriser toutes les formes de dialogue (interculturel, interrégional, intergénérationnel) par la création de forums publics, par des jumelages et par des formules d’accompagnement. Enfin, plusieurs participants mentionnent l’importance de la transmission. C’est pourquoi l’éducation fait l’objet d’une attention particulière (voir 7. L’éducation : moteur de culture). C’est sans oublier que l’identité est à la base une dynamique. « L’identité est comme une rivière » et il est normal que celle-ci évolue, note une participante à Québec. « L’identité québécoise
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est en transformation, les identités le sont probablement toutes, soutient un participant à Carleton-sur-Mer, car c’est ainsi qu’elles demeurent vivantes. » Que proposent les citoyens au Rendez-vous stratégique pour amener le peuple québécois à se projeter dans l’avenir ? Comment, en particulier, préciser cette vision d’une culture québécoise faite de valeurs partagées ?
Propositions citoyennes « Nous proposons de tenir des états généraux pour définir les valeurs fondamentales communes du Québec. Que ces états généraux favorisent la participation du plus grand nombre de Québécois et de Québécoises de tous les horizons. Ces valeurs communes pourront être regroupées dans une charte, un code ou une éventuelle constitution de l’État québécois, ou prendre la forme d’un projet social, politique, économique et culturel pour le Québec. Ces valeurs communes sont compatibles avec la Charte des droits et libertés de la personne du Québec (Montréal, Québec, Outaouais).
DES ÉTATS GÉNÉRAUX SUR LES VALEURS COMMUNES
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« Qu’à cet égard, l’INM réalise auprès de la population une enquête afin de repérer et évaluer les forces et les faiblesses des racines et de l’identité culturelle québécoise (par exemple, les classiques, le syndicalisme, la religion, la social-démocratie) afin de rédiger un « texte fondateur » de la culture québécoise. (Montréal)
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« Considérant le clivage Montréal-régions et la nécessité d’y remédier, que l’INM tienne une activité de réflexion sur le thème de la solidarité nationale. » (Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine)
Des valeurs communes
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Faites l’exercice ! Yvan Lamonde, professeur d’histoire et de littérature du Québec à l’Université McGill, Rencontre nationale, Montréal
« Faites un exercice tout simple. Procurez-vous un exemplaire de la Charte des droits et des libertés de la personne du Québec12. Vous avez là une arborescence de droits fondamentaux, politiques, juridiques, économiques et sociaux. Faites l’exercice de mise en place de ce que peuvent être des “valeurs civiques communes”. Le mot “civique” est très important. C’est un excellent point de départ. La réflexion doit être menée par et dans la société civile. Ce n’est pas au ministère chargé de l’immigration ou de la citoyenneté de faire cela. Ce sont nous, les citoyens, qui devons le faire. Une fois que l’on aura trouvé les valeurs civiques communes, il faudra veiller à leur diffusion partout au Québec, parmi les citoyens, les personnes ayant acquis la citoyenneté et celles qui veulent l’acquérir. »
■ « Nous proposons de revaloriser et favoriser la réappropriation et la diffusion la plus large possible de l’histoire du Québec, faite de pluralité. » (Montréal, Québec)
NE PAS OUBLIER L’HISTOIRE
Je me souviens… de quoi au juste ? Raymond Ouimet, président d’honneur du Rendez-vous stratégique, écrivain et président du Centre d’archives régionales de l’Outaouais, Rencontre régionale, Rimouski
« On ne connaît plus notre histoire. Un peuple ne peut pas survivre sans mémoire. »
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« Nous proposons de reconnaître et affirmer l’importance, la vitalité et la contribution des régions et des cultures régionales à l’enrichissement de la culture commune québécoise et ainsi favoriser l’émergence d’une solidarité nationale. » (Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine) LES RÉGIONS FAÇONNENT L’IDENTITÉ QUÉBÉCOISE
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L’identité est liée au territoire France Cayouette, citoyenne et auteure, Carleton-sur-Mer
Les paysages modèlent notre façon de penser et d’envisager la vie. Je pense que notre tempérament collectif est lié à ce contact étroit que nous avons avec la nature. Par exemple, il me semble que vivre à proximité d’éléments majestueux et imposants comme la mer et la montagne a fait de nous des gens posés qui, en dépit de leurs difficultés et de leurs petits travers, font généralement preuve de “gros bon sens”. Dans cet esprit, les paysages de la Gaspésie, c’est beaucoup plus qu’un attrait touristique ! »
« Nous proposons de créer des espaces publics, institutionnels ou populaires, physiques et virtuels dans lesquels seront favorisés l’échange, le partage et le dialogue entre les cultures, les classes sociales et les générations. Ces espaces peuvent prendre la forme d’un bureau d’audiences publiques sur les accommodements raisonnables, d’un conseil des sages, de forums Internet, de maisons des cultures du monde, de franco-fêtes, de jumelages scolaires, familiaux et professionnels, etc. L’INM est un bon exemple de ce genre d’espace. L’école peut être considérée comme un lieu privilégié pour instaurer ce genre d’échange. L’État devrait reconnaître ces espaces. » (Bas-Saint-Laurent, Estrie, Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Montréal, Québec) Québec en image
CRÉER DES ESPACES POUR SE PARLER
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« Nous proposons de concevoir la société québécoise comme une “courtepointe13” francophone faite d’identités multiples. » (Montréal)
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« L’image de la courtepointe est un clin d’œil à la spécificité de l’approche québécoise en matière d’interculturalisme qui cherche à tisser un lien entre la diversité culturelle et la tradition québécoise ». Rencontre régionale, rapport d’atelier, Montréal, 3 février 2007. Pour se représenter le Québec d’aujourd’hui, d’autres constructions ont été évoquées dans plusieurs régions participantes, notamment : une société interculturelle; une culture commune enrichie par celles des immigrants; un « fondu culturel » plutôt qu’une multitude de particules en interaction; un creuset; un arbre avec un tronc, des racines, des branches, des feuilles ayant des significations spécifiques; un projet commun de valeurs et de croyances propres au Québec; une citoyenneté; un contrat social.
Quelques pistes de réflexions
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Qu’est-ce que la société québécoise pour vous aujourd’hui ? Peut-on parler de culture commune ? De mosaïques d’identités ? D’un mélange des deux ? Ou autre chose ?
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Faut-il enseigner l’histoire en commençant par l’épisode le plus récent, le xxe siècle, pour ensuite remonter aux racines, ou l’inverse ?
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Est-ce qu’on exploite suffisamment notre caractère nordique au Québec ? Et l’hiver, est-ce plus qu’une saison ?
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Faut-il élaborer un contrat social pour rassembler les valeurs communes des Québécois ?
Échanges à Carleton-sur-Mer, le 3 février 2007.
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NOTES 1. Participants lors de la Rencontre nationale à Montréal, le 28 avril 2007. 2. Atelier de discussion à Carleton-sur-Mer, le 3 février 2007. 3. Atelier de discussion à Montréal, le 17 mars 2007. 4. Table ronde à Québec, le 16 mars 2007. 5. Guy Rocher, table ronde à Montréal, le 2 février 2007. Guy Rocher est professeur au département de sociologie et chercheur au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal. 6. Jacques Beauchemin, « La mauvaise conscience de la majorité franco-québécoise », Cahier spécial de l’INM sur la culture, op. cit., p. 30. Jacques Beauchemin est professeur de sociologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). 7. Jacques Beauchemin, Midi citoyen à Montréal, le 18 janvier 2007. 8. Gérard Bouchard, « La culture est-elle en crise ? », Cahier spécial de l’INM sur la culture, op. cit., p. 28-29. 9. Serge Bouchard, cité par Nicolas Houle, « La culture québécoise sous observation. Entre la vigueur artistique… et les risques d’implosion », Le Soleil, 27 janvier 2007, p. A15. 10. Georges Leroux, Midi citoyen à Montréal, le 18 janvier 2007. Georges Leroux est professeur au département de philosophie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). 11. Fernand Dumont, Raisons communes, Montréal, Boréal, 1995. Fernand Dumont présente son projet comme un « bref essai philosophique », où il s’attache « à ces raisons communes susceptibles d’inspirer le projet d’une société démocratique » (p. 13). 12. La Charte des droits et libertés de la personne est disponible notamment sur le site Internet de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, www.cdpdj.qc.ca. 13. Par définition, une courtepointe consiste en des épaisseurs de tissu maintenues ensemble. Les artisans jouissent d’une grande liberté artistique pour en choisir les matériaux, les motifs et les usages. Chaque courtepointe porte la marque spécifique de son créateur. Source : Encyclopédie canadienne, http://thecanadianencyclopedia.com.
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> constats Quelle est la situation des relations interculturelles sur le territoire du Québec ? Où en sommes-nous en matière d’interculturalisme et d’intégration ? Comment se vivent le pluralisme religieux et la laïcité au Québec ? Qu’en est-il de la connaissance et de la reconnaissance des nations autochtones?
> propositions citoyennes Les enjeux sont différents selon les trois thèmes de ce chapitre, mais les solutions se ressemblent. Les participants souhaitent renforcer le dialogue, créer des ponts entre les individus, les communautés et les peuples habitant le territoire du Québec.
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La relation à l’autre : construire des ponts
A) Interculturalisme et intégration L'INTERCULTURALISME AU QUÉBEC ■ Les participants au Rendez-vous stratégique ont abordé le sujet de l’interculturalisme essentiellement en se référant au modèle d’intégration socioculturelle institué, et spécifique, au Québec. Depuis les années 1970, l’État fédéral canadien a mis en œuvre le multiculturalisme comme modèle d’agencement de la diversité ethnoculturelle au Canada. Cette politique vise le respect et la promotion de la pluralité canadienne. Or, pour diverses raisons, notamment parce que le multiculturalisme mettait fin à la vision d’un Canada binational mettant à parité les anglophones et les francophones, le Québec a tenu à élaborer sa propre politique en matière de rapports interethniques. Ce fut l’origine de l’interculturalisme4. L’approche interculturelle a été définie pour la première fois en 1978 dans la Politique québécoise de développement culturel. Elle a cependant évolué depuis. En 1990, l’Énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration proposait un projet véritablement inclusif par un contrat moral. « L’Énoncé tentait de dépasser l’opposition dichotomique entre les Québécois de souche et les “communautés culturelles”. Il appelait à l’émergence d’une nouvelle identité inclusive, où les Québécois de toutes les origines pourraient se reconnaître, entre autres par leur capacité équivalente de l’influencer et de la transformer », explique Marie McAndrew, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’éducation et les rapports ethniques5. Les objectifs du contrat moral ont été, pour l’essentiel, suivis par les gouver-
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nements successifs. En effet, on trouve plus une continuité qu’une rupture dans la politique interculturelle québécoise. Des avancées positives
L’interculturalisme a-t-il rempli ses promesses envers les immigrants et les différentes communautés culturelles à l’égard de l’intégration ? s’interroge-t-on au cours du Rendez-vous. Depuis 1990, relève Marie McAndrew, d’importants efforts ont été accomplis par diverses institutions publiques pour mieux refléter l’ensemble de la population québécoise. L’exemple de l’école est particulièrement éclairant : « Dans le cadre de la réforme de 1998, non seulement les anciennes structures scolaires confessionnelles ont-elles été remplacées par des structures linguistiques, mais l’intégration des jeunes immigrants et l’éducation interculturelle figurent désormais au cœur de ses mandats prioritaires. » De plus, les attitudes positives des Québécois à l’égard de l’immigration et, plus largement, de la diversité culturelle, ont progressé : « Les contacts sont de plus en plus fréquents – et généralement harmonieux – entre Québécois de toutes les origines, au travail, dans les loisirs, au sein des institutions et dans leur quartier, même si un important hiatus entre Montréal et les régions persiste6. » Si l’immigration est encore largement concentrée dans la région de Montréal, elle représente, selon l’avis des participants, une occasion de déve-
LES TROIS PRINCIPES DU CONTRAT MORAL 1. Le principe de la langue. Une société dont le français est la langue commune de la vie publique. 2. Le principe de la participation. Une société démocratique où la participation et la contribution de tous sont attendues et favorisées. 3. Le principe du pluralisme. Une société pluraliste ouverte aux multiples apports dans les limites qu’imposent le respect des valeurs démocratiques fondamentales et la nécessité de l’échange intercommunautaire. Chacun de ces trois volets comprend des droits et responsabilités tant pour les immigrants que pour la société d’accueil8.
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lopper la créativité des régions, de même que l’entrepreneuriat. « L’immigration est devenue une préoccupation, car c’est un levier de développement régional important », relève l’un d’eux à Saguenay. Les citoyens misent sur une stratégie d’occupation du territoire et d’accueil des immigrants en vue de soutenir le dynamisme régional et d’y contribuer. D’autre part, l’apport des immigrants est important, car il contribue au renouvellement des générations. Vis-à-vis du vieillissement de la population, le Québec, souligne-t-on à Saguenay, comme le Canada dans son ensemble, a fait le choix d’une immigration forte. Les derniers chiffres le confirment : le Québec prévoit 48 000 nouveaux immigrants pour l’année 2007, selon le plan annuel d’immigration du gouvernement du Québec7. Des obstacles à l’intégration
Plus d’un obstacle freine l’intégration socioculturelle au Québec. Plusieurs aspects ont été relevés au cours du Rendez-vous stratégique. • Des problèmes d’insertion dans le monde du travail Les participants notent que l’intégration économique de la population immigrée se trouve entravée par un manque de reconnaissance des acquis professionnels. Elle rencontre un autre obstacle de taille : la discrimination à l’embauche, phénomène qui concerne une plus large frange de la population, c’est-à-dire qui n’est pas seulement immigrante. Certains faits inquiètent : « Le taux de chômage de la population immigrée est supérieur à celui de la population non immigrée; la proportion de chômeurs est encore plus forte chez les membres des minorités visibles, immigrés comme nés ici et installés au Québec depuis longtemps ! » souligne-t-on dans un atelier à Montréal. • Une intégration d’apparence contre une intégration de proximité Les critères d’inclusion ou d’exclusion sont variés. Un citoyen à Québec s’interroge : « Pourquoi différencier un Québécois d’un Néo-Québécois ? Pourquoi, encore aujourd’hui, on appelle “immigrant” une personne qui a immigré au Québec depuis 20 ans ? » Les participants demandent de dépasser ce que certains qualifient, en Estrie, « d’intégration d’apparence » et de miser sur « une intégration de proximité » pour faire entrer les immigrants dans les réseaux. • Une sous-représentation dans divers secteurs Les participants déplorent le fait que les nouveaux immigrants, les mino-
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rités visibles, les anglophones et les autochtones soient sous-représentés dans la plupart des secteurs. Cela concerne autant les milieux culturels et médiatiques que la fonction publique. En mars 2005, les minorités ethnoculturelles constituent 3,5 % de l’effectif régulier au sein de la fonction publique. Les immigrants et minorités visibles comptent pour 2,5 %, les anglophones pour 0,7 % et les autochtones, 0,3 %. À titre indicatif, les immigrants et les minorités visibles représentent 13 % de la population active du Québec en 2003, les anglophones, 8 %, et les autochtones, 1 %, pour un total de ces trois catégories de 22 %9. • Des dérapages conjoncturels inquiétants Des indices de dérapages sont à surveiller. Micheline Labelle, professeure de sociologie à l’Université du Québec à Montréal, révèle plusieurs signes inquiétants : la montée du néoconservatisme et la légitimation de l’expression ouverte du racisme, la confusion dans le dossier des accommodements raisonnables, la réaffirmation de la majorité canadienne-française dans des milieux intellectuels, les arguments contre la Charte provenant de certains milieux, les préjugés et bien d’autres exemples10. En tout, les participants au Rendez-vous stratégique de l’INM sur la culture appuient très majoritairement les principes qui guident l’actuelle politique interculturelle du Québec, fondée sur le dialogue et l’intégration. Cependant, ils déplorent le fait que l’identité inclusive et pluraliste du Québec demeure encore à géométrie variable. En vue de résoudre les enjeux soulevés, ils proposent de consolider la politique actuelle en favorisant une meilleure cohérence des actions des pouvoirs publics, en développant des modes de gestion appropriés au contexte de la diversité en milieu de travail et en promouvant un dialogue soutenu au sein de la société civile.
Propositions citoyennes « Nous proposons de favoriser le dialogue interculturel dans l’espace public, au niveau des régions, des villes, des villages et des quartiers, par la création de forums, par des échanges culturels, des jumelages et des formules d’accompagnement, afin de favoriser la tolérance, la cohésion, le respect et l’acceptation de la diversité, d’une part, et de l’identité québécoise, d’autre part. » (Estrie, Montréal, Québec) ENTRER EN DIALOGUE INTERCULTUREL
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La relation à l’autre : construire des ponts
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Si le Québec m’était conté Vania Jimenez, médecin et écrivaine, Montréal
Photo : Louise Leblanc
« Le Québec est un lieu propice où prend place un mouvement perpétuel de réflexion. Il existe une tension féconde entre anglophones et francophones. Le Québec est un terreau mouvant pour toutes les cultures. » Kevin McCoy, comédien, auteur et metteur en scène, Québec
« J’espère que la culture québécoise deviendra une culture qui cherche comment respecter la vision de chaque personne, de chaque communauté. »
FAVORISER L’ACCUEIL DES IMMIGRANTS ■ « Nous proposons de favoriser l’accueil des immigrants dans toutes les régions du Québec, notamment par les moyens suivants : ■
« Préparer les municipalités, les intervenants sociaux et les structures d’accueil à accueillir les immigrants en développant les comportements et les politiques nécessaires, dont un kit d’accueil culturel des immigrants en région et une campagne de sensibilisation et promotion à l’accueil des immigrants dans tous les secteurs d’activité de la région. » (Québec, Saguenay–Lac-Saint-Jean)
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« Décentraliser l’immigration vers les régions dans une optique d’occupation du territoire. » (Abitibi-Témiscamingue)
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« Amener chacune des collectivités à tracer son portrait identitaire afin de développer un modèle national d’accueil et d’intégration adaptable aux collectivités locales. Ce modèle s’appuierait, d’une part, sur les lignes directrices et les valeurs communes des Québécois, et permettrait, d’autre part, d’informer davantage les immigrants sur la dimension irréductible de
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l’identité culturelle commune (langue, chartes des droits, démocratie, etc.), ses codes culturels et sa part évolutive. » (Bas-Saint-Laurent) ■
« Investir dans les régions pour favoriser l’entrepreneuriat et développer des emplois pour faciliter l’intégration des immigrants et pour retenir les immigrants et les jeunes en région. » (Saguenay–Lac-Saint-Jean)
S’intégrer, comment ça marche ? Monireh Jafari, citoyenne, Québec
« Bien sûr, les immigrants doivent s’intégrer, apprendre la langue, la culture, les modes de vie. Cela, c’est facile à dire. Dans les faits, il y a plusieurs profils d’immigration et d’intégration. Il y a ceux qui vivent ici comme s’ils vivaient dans leur ancien chez-eux. D’autres qui aimeraient s’intégrer, mais voient leur vie bouleversée parce qu’ils doivent apprendre à côtoyer des nouveaux modes de vie. Puis, il y en a d’autres qui s’intègrent plus facilement, surtout les jeunes. Les efforts pour intégrer les immigrants doivent venir des deux côtés : des immigrants et de la société d’accueil. » Rachida Azdouz, psychologue, Rencontre nationale, Montréal
« Le dialogue interculturel n’est pas que bidirectionnel. Le temps est venu de comprendre qu’il ne s’agit pas simplement d’un dialogue entre des accueillants et des accueillis, mais d’un dialogue aussi entre immigrants eux-mêmes. Une personne immigrante a aussi ses préjugés, même parfois envers un autre immigrant. Par ailleurs, le dialogue interculturel ne prend tout son sens que s’il investit également le champ de la délibération citoyenne. Il ne vise pas seulement la rencontre avec l’altérité, mais la construction d’une nouvelle éthique du vivre-ensemble. »
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« Nous proposons de consolider la politique interculturelle et de gestion de la diversité du Québec, en augmentant la cohérence des divers programmes ministériels concernés, notamment dans les domaines de l’emploi, de l’éducation, de la culture et des affaires sociales, et en s’assurant qu’elle soit compatible avec la politique québécoise contre le racisme et la discrimination. » (Montréal, Outaouais, Québec) AUGMENTER LA COHÉRENCE ENTRE LES MINISTÈRES
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Plus de cohérence pour plus de résultats Anne-Marie Field, coordonnatrice du Centre de recherche sur l’immigration, l’ethnicité et la citoyenneté (CRIEC), Montréal
« Une approche plus concertée est nécessaire. Trop souvent les politiques d’intégration et de lutte contre le racisme sont associées au ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles quand, dans les faits, il s’agit d’une politique gouvernementale qui doit être mise en application par l’ensemble des ministères.
« Nous proposons d’offrir des programmes de formation interculturelle aux gestionnaires, employeurs et professionnels pour favoriser l’inclusion et la présence économique des minorités culturelles et des autochtones dans le monde du travail, les organisations, les médias et les institutions. » (Estrie, Montréal) PROMOUVOIR LA DIVERSITÉ : L’ÉTAT, LE PRIVÉ ET LA SOCIÉTÉ
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« Nous proposons de faire tomber les barrières structurelles et culturelles au plein exercice de la citoyenneté, dans le domaine de l’emploi, l’éducation, le logement et la vie sociale, notamment pour les autochtones et les communautés culturelles. » (Montréal, Québec)
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LA DIVERSITÉ, UN GRAND COMBAT POUR TOUS ! • L’État, parce qu’il légifère dans divers domaines, notamment lorsqu’il s’agit de favoriser l’intégration socioéconomique de catégories sociales désavantagées ou lorsqu’il cherche à favoriser la cohésion sociale, au nom de l’intérêt général. • La société civile, parce que diverses organisations non gouvernementales ou associations ont pour mission de représenter les intérêts d’un ou plusieurs groupes ou catégories sociales. • Le marché car, en tant qu’institution où notamment se rencontrent des producteurs et des consommateurs, des entreprises privées gèrent au quotidien, avec plus ou moins d’intensité, la diversité au sein de leur organisation respective11.
« Nous proposons de mettre fin à la politique du multiculturalisme canadien. » (Mauricie)
MISE EN QUESTION DU MULTICULTURALISME CANADIEN
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Quelques pistes de réflexions
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Quelles doivent être les conditions pour qu’un débat public fasse avancer les discussions plutôt qu’il les réduise à des chicanes?
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Est-ce que nommer (ex. « immigrant », « communauté ethnoculturelle », « minorité visible », « anglophone », « francophone », « allophone », etc.), c’est déjà exclure ?
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Les questions liées à l’immigration trouvent-elles le même écho en région, dans les centres urbains ou à Montréal ?
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L’interculturalisme vise-t-il au renforcement de la culture québécoise ?
B) Pluralisme religieux et laïcité ■ Les participants au Rendez-vous stratégique sur la culture s’accordent à dire qu’il y a rupture dans le temps entre l’avant et l’après-Révolution tranquille. La Révolution tranquille lors des années 1960 a marqué un tournant, en voulant se défaire d’éléments du passé. Avec l’idéal progressiste de la Révolution tranquille, note Louis Rousseau, chercheur en sciences religieuses, la génération d’après-guerre s’est donné une forme culturelle « éclairée » en se dotant d’un opposant symbolique désigné par l’image de la Grande Noirceur : « Qu’importait que le passé prenne ainsi la couleur d’une mémoire honteuse puisque l’histoire repartait à zéro avec le nouveau chantier de la culture québécoise émancipée et inclusive. » La génération des baby-boomers a ainsi largement défini son identité en brisant les amarres de la tradition représentée par l’institution catholique, et c’est pourquoi aujourd’hui « nous nous retrouvons démunis devant la tâche d’aménager un pluralisme religieux fécond », explique M. Rousseau. « [P]our penser l’avenir de la diversité culturelle, ne serait-il pas le temps, ajoute-t-il, d’accepter le fait d’un Québec d’accueil né dans une pluriethnicité marquée par la différence religieuse occidentale ? » Sa conclusion : « [N]ous avons tous beaucoup à gagner si nous acceptons de réfléchir publiquement et de discuter des rôles de la religion dans le champ culturel en recomposition au Québec12. »
LA RELIGION, UN ÉLÉMENT OCCULTÉ DE L'HISTOIRE DU QUÉBEC
Le retour du religieux sur la scène publique
Le retour du religieux sur la scène publique n’a rien de spécifique au Québec. Cette situation se retrouve à l’échelle mondiale et jusqu’au cœur des États démocratiques laïcisés. Comme d’autres sociétés, le Québec est à la recherche de nouvelles solutions pour faire face aux requêtes de reconnaissance de la diversité religieuse. Pour Louis Rousseau, dans le cadre d’une société québécoise s’affirmant diverse et ouverte sur le monde, la réponse de la Révolution tranquille visà-vis de la religion n’est plus satisfaisante : « L’heure est venue de mettre fin à la censure du religieux dans l’espace de la délibération démocratique
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publique. » Le chercheur invite à se poser des questions neuves et à le faire avec « une sorte de tranquillité d’esprit, d’écoute, sur soi et sur l’autre. » Rappelons quelques-unes des questions qu’il soulève. « La place du facteur religieux dans l’évolution actuelle de la culture québécoise peut-elle se réduire à la gestion de la diversité de croyances et de conduites ? Si oui, doit-on confier ce travail d’adaptation uniquement au pouvoir judiciaire et à l’instrument de l’“accommodement raisonnable” ? Comment redonner au débat public sa place dans ce qui concerne, ici, non seulement les droits individuels, mais la texture même de la culture commune ? Faut-il continuer à refouler le dialogue avec la mémoire réelle canadienne-française catholique ? Quelle place accorder au passé donnant accès aux héritages catholique, protestant, juif et autochtone et à leurs visions du monde13 ? » Quelle réponse pour le Québec ?
Comment les participants au Rendez-vous stratégique abordent-ils le sujet de la place de la religion dans l’espace public et quelles réponses avancent-ils ? Bien que la première Rencontre régionale de l’INM ait eu lieu en pleine tempête médiatique sur les accommodements raisonnables, ceux-ci ne dominent pas les discussions. Plusieurs blâment plutôt les médias d’avoir monté en épingle quelques cas particuliers qui ne le méritent pas. Certains suggèrent toutefois que l’État adopte des mécanismes plus transparents pour déterminer ce qui est un accommodement raisonnable par rapport à ce qui ne l’est pas. Cette question semble être vue comme un débat de fond autant que de forme. « Je suis inquiète et préoccupée par la manière dont le débat s’engage. Mais je suis rassurée, car on ne peut pas faire l’économie d’un débat sur le sujet. Il faut s’entendre sur une manière de vivre ensemble », exprime Karina Goma, journaliste et documentariste, lors d’une table ronde à Montréal14. À Rimouski, la chercheuse Dany Rondeau suggère de partir d’un postulat de base. « Il faut éviter toute polarisation entre un “eux” et un “nous” qui tend à dévaloriser les religions et qui est non fondée. Il n’y a qu’un “nous”, pluriel, hétérogène qui constitue le Québec. Tous “nous” sommes citoyens. » Elle poursuit : « On peut espérer que le Québec soit encore une société distincte, qu’il se distingue par un nouveau modèle de laïcité qui repense la place de la religion dans l’espace public15. » Déjà, le Québec se différencie en ouvrant
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un espace entièrement neuf à l’école, consacré à l’éthique et à la culture religieuse, et ce, à partir de l’automne 2008. Pour Georges Leroux, professeur de philosophie, « dans ce nouvel espace, le pluralisme sera accueilli et l’expérience démocratique sera reliée aux vertus qui la rendent possible : la rationalité, le respect, la tolérance, la connaissance des traditions des autres16 ». Dans l’ensemble, les participants souhaitent que soit maintenue la distinction entre espace public et vie privée, la religion et la foi étant de nature essentiellement privée. La plupart d’entre eux reconnaissent que le cadre de vie commun doit être laïc et ne peut mettre de l’avant une religion plus qu’une autre. La laïcité s’inscrit précisément dans le contexte du pluralisme religieux de la société.
Propositions citoyennes « Nous proposons que les institutions publiques québécoises soient complètement laïcisées tout en préservant l’expression symbolique dans l’espace public. » (Outaouais)
UNE APPROCHE RESPECTUEUSE DU PASSÉ ET DU PRÉSENT
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« Nous proposons de reconnaître la laïcisation de l’espace public. » (Mauricie)
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« Nous proposons de vivre le pluralisme religieux en reconnaissant notre ancrage judéo-chrétien, en donnant un sens aux symboles religieux et en transmettant des connaissances sur les cultures religieuses et l’histoire des religions. » (Estrie)
Les institutions québécoises doivent être laïques afin de « faciliter l’intégration et la participation civique de tous les citoyens ». Des participants pensent qu’il faut reconnaître la présence de symboles religieux (des fêtes, par exemple) dans l’espace public, en vue de véhiculer l’histoire et la tradition du Québec. Plusieurs soulignent l’importance d’acquérir et de transmettre des connaissances sur les cultures religieuses afin de favoriser une meilleure compréhension entre les citoyens.
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Notre mémoire est courte ! Jean-Pierre Kesteman, historien, Sherbrooke
Nous réagissons contre des comportements ou des mentalités d’immigrants de fraîche date alors que notre propre “modernité” n’a pas encore 50 ans ! Repensez à Sherbrooke en 1957 : costumes religieux, décence, femmes et chapeau, interdiction des shorts, de la musique swing ou du rock en public. On a trouvé cela normal ou supportable jusque dans les années 1960. » Il ne suffit pas du regard, il faut le contact Guy Rocher, sociologue, Montréal
« La laïcité suppose d’abord un travail de regard, des uns sur les autres et de chacun sur soi. Le Québec anciennement catholique apprend à regarder les communautés religieuses qui, elles, doivent apprendre à négocier dans un Québec laïc et anciennement catholique. Mais il ne suffit pas du regard. Il faut établir des contacts entre les différentes communautés, briser les zones de silence. Il faut l’échange, la communication. » Liberté et dignité Karina Goma, journaliste et documentariste, Montréal
« La liberté d’expression religieuse est fondamentale, mais elle ne doit jamais servir à porter atteinte à la dignité des personnes. »
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Quelques pistes de réflexion
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Est-ce que la religion est un sujet tabou au Québec ?
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Le Québec est-il réellement devenu un État laïc ?
La religion est-elle du domaine privé ou du domaine public ? Les pratiques d’accommodement raisonnable ont-elles leur place à l’école, au travail, dans les services de santé, dans le domaine de la justice ?
C) Connaissance et reconnaissance des nations autochtones ■ Les participants au Rendez-vous stratégique déplorent le fait que les ponts semblent avoir été coupés entre les Québécois dans leur ensemble et les nations autochtones. Les nations autochtones sont des peuples à part entière, mais bien souvent oubliés, invisibles, méconnus pour beaucoup. Caroline Lemire, une des porte-parole des citoyens à la Rencontre nationale, constate : « Quand on évolue à l’ouest du Québec, on se sent bien loin des préoccupations de ce que nous appelons le cœur du Québec, soit la vallée du Saint-Laurent, le 418, le 514, le 450. Quand on évolue en AbitibiTémiscamingue, nous constatons que nous ne sommes pas dans le même corridor dans les faits, qu’on ne figure pas toujours parmi les préoccupations des décideurs. Si nous avons cette impression, imaginez celle qu’ont les membres des nations autochtones.17 » Au Canada, on compte plus d’un million d’autochtones18, et au Québec, près de 83 00019. Les Québécois entretiennent avec les 11 nations autochtones habitant le Québec un contact utilitaire et ne leur accordent pas de reconnaissance, déplorent des participants. Il s’agit d’un sujet très sensible. Certains ressentent de la culpabilité à leur endroit. Propos d’un citoyen au Saguenay–Lac-Saint-Jean : « Comment voulez-vous réussir à accueillir des immigrants si vous n’êtes même pas capables de vous entendre avec ceux qui étaient là avant, les autochtones ? » « Pouvons-nous dire que nous vivons réellement ensemble ? » se questionne-t-on en Gaspésie–Îlesde-la-Madeleine.
DES PONTS COUPÉS
Un manque de connaissance et de reconnaissance
« Si je vous disais que vous êtes invité à venir parler de la situation et de l’avenir de la culture crie ou de la culture algonquine, que le thème était : “Que devient la culture algonquine ou crie ? Que voulons-nous qu’elle devienne ?”, est-ce que vous vous sentiriez interpellé, concerné ? », demande Janet Mark, agente de liaison auprès des Premières Nations lors d’une table ronde à Val-d’Or. Elle constate encore une grande méconnaissance des Québécois à propos de la culture, de l’histoire, des valeurs, des modes de vie des Premières Nations et des Inuits. « Cette ignorance encourage les préju-
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gés. Nous sommes toujours surpris, évoque-t-elle, lorsque nous donnons des conférences auprès de différents groupes. La plupart du temps, les gens nous disent qu’ils n’étaient pas au courant de cette histoire. Au bout de deux heures, leurs préjugés ont diminué20. » Pourtant, on ne peut pas dissocier l’histoire et la culture québécoise de l’histoire et la culture autochtone, puisqu’elles sont entremêlées. Les Québécois ignorent leurs racines autochtones. De plus, « Que fait-on de l’histoire des peuples autochtones qui a été longtemps passée sous silence et l’est toujours ? » s’interrogent des citoyens. L’école québécoise montre une certaine préoccupation envers les autochtones par des cours d’histoire et de géographie, mais la représentation qui en est faite demeure encore souvent stéréotypée ou négative, fait-on remarquer. Les participants qui se sont exprimés sur le sujet souhaitent que le Québec reconnaisse aux nations autochtones des droits sur des territoires et que les démarches de négociation déjà entamées aboutissent. Or, le non-règlement de ces différends envenime les relations et crée des barrières. Pour assurer le succès de ces pourparlers, il est essentiel d’impliquer et de bien informer la population. L’ouverture à l’autre et le dialogue sont convoqués. Invitation au dialogue
Au cours de leurs échanges, les participants ont exploré des pistes d’action en vue de changer les regards des uns envers les autres. « Il faut partir des points communs et reconnaître les différences comme une richesse », suggère un citoyen à Saguenay. Le souci de préserver son héritage, son territoire et sa langue, ainsi que la volonté d’affirmer sa particularité ou son caractère distinct ne nous rejoignent-ils pas? En matière d’environnement, ne partage-t-on pas le souci d’assurer la pérennité des ressources ? À Québec, un citoyen propose d’« inverser la traditionnelle domination de l’humain sur la nature ». Il annonce : « Ici, la rencontre entre autochtones et Québécois pourrait être riche d’enseignements. » Les participants expriment le besoin de débats pour mieux se connaître et se reconnaître, et recommandent de multiplier les espaces de rencontre. En AbitibiTémiscamingue, on invite l’INM à organiser un colloque sur l’occupation du territoire. D’autres propositions portent sur l’abolition des réserves, l’intégration de cours d’histoire et de langues autochtones dans le cursus scolaire.
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Propositions citoyennes APPUYER LES DÉMARCHES, LUTTER CONTRE LES STÉRÉOTYPES ■ « Nous proposons d’appuyer les démarches de négociations entreprises entre les gouvernements du Québec et du Canada et les communautés autochtones (notamment, l’Approche commune avec les Innus) et de mettre les ententes en œuvre au plus tôt, tout en informant la population à ce sujet et en tenant des débats publics pour que disparaissent les stéréotypes de part et d’autre de l’imaginaire collectif. » (Saguenay–Lac-Saint-Jean)
« Nous proposons que l’INM organise un colloque national pour discuter et clarifier l’occupation des lieux entre les peuples québécois et autochtones. » (Abitibi-Témiscamingue) COLLOQUE NATIONAL AVEC L’INM
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« Nous proposons de multiplier les espaces communs entre les autochtones et les non-autochtones et de mettre fin à la politique des réserves afin de briser l’isolement des communautés. » (AbitibiTémiscamingue)
BRISER L’ISOLEMENT
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DES PONTS À RECONSTRUIRE • Deux Québécois sur trois (67 %) estiment ne pas connaître les peuples autochtones du Québec et leurs conditions socioéconomiques. • Trois Québécois sur quatre (78 %) sont d’accord pour que les communautés autochtones soient impliquées directement dans la gestion des ressources naturelles sur leurs territoires ancestraux. • La moitié de la population appuie l’autonomie gouvernementale des peuples autochtones21.
■ « Nous proposons de faire de la sensibilisation sur les cultures autochtones, comme à travers une campagne publicitaire. » (Abitibi-Témiscamingue)
PLUS DE PLACE À L’HISTOIRE ET À LA CULTURE AUTOCHTONE
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« Nous proposons d’intégrer un cours d’histoire autochtone dans le cursus scolaire des Québécois. » (Abitibi-Témiscamingue)
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SAVIEZ-VOUS QUE… ... Autochtones et Premières Nations sont deux termes différents Autochtones : personnes qui descendent des premiers habitants de l’Amérique du Nord. La Constitution canadienne reconnaît trois groupes d’autochtones, soit les Indiens, les Métis et les Inuits. Il s’agit de trois peuples, chacun se distinguant des autres par ses patrimoines particuliers, ses langues, ses habitudes culturelles et ses croyances spirituelles. Premières Nations : terme entré dans l’usage au cours des années 1970 pour remplacer le mot « Indien », que de nombreuses personnes jugeaient offensant. Même si « Premières Nations » est un mot largement répandu, il n’en existe aucune définition légale. Entre autres choses, les « membres des Premières Nations » désignent les Indiens du Canada, tant inscrits que non inscrits. De nombreux Indiens ont aussi adopté le terme « Première Nation » pour remplacer le mot « bande », qui désigne leur collectivité22. ... Il y a 11 nations autochtones au Québec Le Québec compte 11 nations autochtones (voir l’annexe D pour consulter la carte). Les 10 nations amérindiennes et la nation inuite représentent environ 1 % de la population du Québec. Elles sont réparties dans 55 communautés autochtones dont la taille varie de quelques centaines à quelques milliers de personnes23. La diversité est au cœur de la réalité autochtone. Elle se manifeste de plusieurs manières, dans la langue, les traditions, les styles de vie, les croyances, et elle se trouve à la base d’identités spécifiques à chaque nation24. ... Il existe une Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones Le 13 septembre 2007, au terme de plus de vingt ans de négociations, l’Assemblée générale a adopté la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, le premier instrument universel à affirmer le droit de ces peuples à jouir pleinement de l’ensemble des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de ne faire l’objet d’aucune discrimination fondée sur leur origine et leur identité autochtones25.
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La voie du dialogue et du respect mutuel Janet Mark, crie, agente de liaison auprès des Premières Nations à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Rencontre nationale, Montréal
« Une campagne de sensibilisation ? L’idée est bonne. On pourrait imaginer des capsules qui traitent de sujets différents et qui permettent de réduire les préjugés, revaloriser l’image des autochtones. Un cours d’histoire autochtone ? Oui. D’ailleurs, en Alberta, il existe un baccalauréat en études autochtones. Les diplômés vont ensuite enseigner dans les écoles et collèges l’histoire autochtone. »
Quelques pistes de réflexions
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La spécificité des nations autochtones est-elle connue et reconnue ?
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Comment qualifieriez-vous la relation entre les autochtones et les non-autochtones au Québec ?
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Comment établir un meilleur dialogue et un respect mutuel ?
Jusqu’où les gouvernements du Québec et du Canada doivent-ils aller vis-à-vis de l’autodétermination des nations autochtones du Québec ?
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NOTES Interculturalisme et intégration 1. Affiche de l’exposition Nous, les Premières Nations. Photo : Musée de la civilisation, Québec. 2. Atelier de discussion à Québec, Chapelle du Musée de l’Amérique française, le 31 mars 2007. 3. Grand dialogue, Rencontre nationale, Montréal, le 27 avril 2007. 4. Comité directeur, « Présence, avenir de la culture québécoise », Cahier spécial de l’INM sur la culture, op. cit., p. 4. 5. Marie McAndrew, « Entre identité inclusive et culture pluraliste : où en sommes-nous ? » Cahier spécial de l’INM sur la culture, op. cit., p. 9. 6. Ibid. 7. Source : Plan d’immigration du gouvernement du Québec, année 2007. En ligne : www.micc.gouv.qc.ca. 8. Source : ministère des Communautés culturelles et de l’Immigration, gouvernement du Québec, Au Québec pour bâtir ensemble, Énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration, 1990, p. 15-18. En ligne : www.micc.gouv.qc.ca. 9. Source : Conseil des relations interculturelles, Pour un modèle québécois intégré de lutte contre le racisme et les discriminations, 6 septembre 2006, p. 25. 10. Micheline Labelle, table ronde à Montréal, le 2 février 2007. 11. Source : Conseil des relations interculturelles, Pour un modèle québécois intégré de lutte contre le racisme et les discriminations, op. cit., p. 27. Selon Patricia Rimok, présidente du Conseil, bien que la recommandation du Conseil faite à l’État vise la diversité ethnoculturelle, elle pourrait fort bien s’élargir à l’ensemble des groupes marginalisés tels que les autochtones, les homosexuels, les personnes handicapées. L’idée centrale est de combattre l’exclusion et d’impliquer autant l’État que le marché et la société civile.
Pluralisme religieux et laïcité 12. Louis Rousseau, « Les rôles inattendus de la référence religieuse dans le champ de la culture commune », Cahier spécial de l’INM sur la culture, op. cit., p. 10. Louis Rousseau est directeur du Groupe de recherche ethno-religieux et professeur au Département des sciences religieuses. 13. Ibid., p. 11. 14. Karina Goma, Midi citoyen à Montréal, le 18 janvier 2007. 15. Dany Rondeau, table ronde à Rimouski, le 2 février 2007. Dany Rondeau est chercheuse au Groupe de recherche Ethos. 16. Georges Leroux, « La transmission de la culture : les enjeux du présent », Cahier spécial de l’INM sur la culture, op. cit., p. 8. Georges Leroux est professeur au Département de philosophie à l’Université du Québec à Montréal.
50 • l a c u lt u r e , n o t r e av e n i r ! Connaissance et reconnaissance des nations autochtones 17. Caroline Lemire, grand dialogue, Rencontre nationale, Montréal, le 27 avril 2007. 18. En 1996, 1 101 960 personnes ont déclaré une ascendance autochtone. Source : recensement de 1996, Statistique Canada, www.statcan.ca. 19. En 2005, on dénombrait 82 824 Amérindiens et Inuits au Québec. Source : Registre des Indiens, Affaires indiennes et du Nord Canada (AINC), 31 décembre 2004 et Registres des bénéficiaires cris, inuits et naskapis de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois, ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, 31 janvier 2005. 20. Janet Mark, table ronde à Val-d’Or, le 2 février 2007. 21. Source : Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, résultats d’un sondage omnibus sur la perception de la population québécoise à l’égard des peuples autochtones, Léger Marketing, octobre 2006. 22. Source : Affaires Indiennes et du Nord Canada, www.ainc-inac.gc.ca. 23. Source : Secrétariat aux affaires autochtones, gouvernement du Québec, www.saa.gouv.qc.ca. 24. Source : Pierre Lepage, Mythes et réalités sur les peuples autochtones, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2005, p. 69. 25. Source : Communiqué de presse de l’Assemblée générale des Nations Unies, 13 septembre 2007, www.ohchr.org/french/issues/indigenous/declaration.htm
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> constats La langue française exprime la spécificité du Québec en Amérique du Nord. Depuis la naissance de la Charte de la langue française en 1977, la situation de la langue française s'est grandement améliorée, mais les acquis restent fragiles.
> propositions citoyennes Les participants appellent à ce que la langue française demeure la langue commune au sein de l'espace public. Ils s'entendent pour promouvoir la langue comme le vecteur, le point d'ancrage, le ciment de la culture québécoise.
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La langue française : ciment de la culture québécoise
■ Plusieurs s’accordent à dire que la Charte de la langue française (loi 101) a modifié le cours de l’histoire moderne du Québec. La cause première qui déclencha le mouvement en faveur d’une législation destinée à protéger la langue française, analyse le sociologue Guy Rocher, fut la prise de conscience, au début des années 1960, du fait que les familles immigrantes inscrivaient très majoritairement leurs enfants à l’école anglaise. Comme le courant d’immigration allait croissant depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il apparut évident que la majorité francophone allait être bientôt minorisée, au moins dans la région montréalaise. Cette prise de conscience fut à l’origine de la « crise linguistique » que connut le Québec de 1967 à 19774. La loi 101 adoptée par l’Assemblée nationale du Québec en 1977, sous le gouvernement du Parti québécois de René Lévesque, impose l’usage exclusif du français dans l’affichage public et la publicité commerciale (langue de l’affichage commercial), étend les programmes de francisation à toutes les entreprises employant 50 personnes ou plus (langue du travail), restreint l’accès à l’école anglaise aux seuls enfants dont l’un des parents a reçu son enseignement primaire en anglais au Québec (langue de l’enseignement). Enfin, seule la version française des lois est officielle (langue de la législation et de la justice)5.
REPÈRE HISTORIQUE : LA CHARTE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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30 ans après, où en sommes-nous ?
Trente ans après l’adoption de la Charte, quel bilan peut-on faire de la loi 101 dans son application, dans ses résultats ? Certains aspects de cette loi, soulève Guy Rocher, ont été au fil du temps atténués à la suite de jugements de tribunaux et d’interventions du législateur. « La Charte a été écorchée en plusieurs de ses chapitres et la plupart du temps affaiblie. Malgré cela, elle demeure le principal vecteur de la définition que s’est donnée de lui-même le Québec contemporain et de l’image qu’il se fait de lui et qu’il veut projeter6. » Nadia Brédimas-Assimopoulos, ancienne présidente du Conseil supérieur de la langue française, dresse un bilan des progrès accomplis. « L’école française est fréquentée par la grande majorité des jeunes immigrants, ce qui constitue la plus grande réussite de la loi; les disparités salariales liées à la langue ont disparu; la connaissance et l’usage du français chez les anglophones et chez les allophones se sont considérablement améliorés; l’usage du français parmi les travailleurs s’est accru; les immigrants s’intègrent de plus en plus à la vie collective en français; l’accueil et le service en français dans les commerces et les services sont presque partout assurés; le français est prédominant dans l’affichage à Montréal. Il devient dès lors une valeur civique commune de la société. » Pourtant, si les acquis sont considérables, ils n’en demeurent pas moins fragiles, notamment en situation de travail où l’usage du français est loin d’être généralisé, en particulier à Montréal et dans les milieux immigrants.
Échanges à Montréal, le 17 mars 2007.
La langue française : ciment de la culture québécoise
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« Plus de la moitié des travailleurs allophones n’a pas le français comme langue principale de travail et dans les milieux linguistiquement mixtes, l’anglais est très souvent la langue de convergence. Le mécanisme de francisation des milieux de travail prévu par la loi repose essentiellement sur le processus de certification des entreprises, et cela comporte évidemment des limites. D’une part, 19 % des entreprises visées par la charte, celles ayant 50 employés et plus, ne possédaient pas de certificat de francisation en 2005; d’autre part, le tiers des travailleurs du secteur privé est exclu de ce processus puisque les entreprises de moins de 50 employés n’y sont pas soumises7. » Plusieurs défis à relever
Pour les participants au Rendez-vous stratégique, il devient nécessaire de réaffirmer le sens de la loi 101, de la repositionner dans le contexte de la mondialisation et d’évaluer son efficacité comme outil d’inclusion dans la société d’accueil, et en particulier à l’école et au travail. Ils voient l’importance d’une langue commune qui rassemble tous les citoyens dans un espace de communication et de culture. Plusieurs s’inquiètent des lacunes dans l’apprentissage de la langue française. Dans quelques régions, les participants déplorent le manque de structure adéquate ou d’accès à des cours de langue française, qui permettent la francisation et facilitent l’intégration des immigrants. Ils constatent une tendance des francophones à « parler automatiquement en anglais lorsqu’ils sont en présence d’une personne qui ne maîtrise pas bien la langue », ce qui n’aide pas à l’apprendre. Si la langue française doit s’affirmer, il faut en même temps encourager l’apprentissage d’autres langues qui rend possible la rencontre avec les Québécois venus d’ailleurs, en même temps que l’ouverture au monde. Plusieurs préoccupations se font entendre également sur la qualité de la langue. Certains appellent à repenser l’enseignement de la langue à l’école, l’usage courant des sacres, la langue des nouvelles technologies ainsi que celle des médias. Dans un atelier à Saguenay, on reproche aux émissions télévisées de s’interdire d’utiliser des mots de plus de trois syllabes : « Cela est dénigrant pour les gens. » Selon Conrad Ouellon, président du Conseil supérieur de la langue française, il faut décrisper le débat : « Le français est
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une langue qui peut s’apprendre. De plus, les différences régionales, la variété et l’accent font les qualités d’une langue et non les vices. C’est une position courante qu’il s’agit de renforcer. C’est le signe que la langue est en vie et qu’elle n’est pas en train de mourir.8 » Il ressort de ces constats plusieurs orientations claires vis-à-vis de la langue française. La maîtrise de la langue française prend son sens en tant que langue de l’espace civique, ce qui ajoute à sa caractéristique de langue nationale. La langue est vue comme « l’élément primordial permettant d’envisager la culture comme quête de sens et quête de fierté ». Elle se présente comme le « dénominateur commun », qui crée et doit créer chez soi, chez l’autre, un lien d’appartenance, un lien social.
Propositions citoyennes « Nous proposons de réaffirmer et promouvoir l’usage de la langue française comme : la langue commune au sein de l’espace public; le véhicule privilégié de la culture québécoise; le vecteur de l’expression de l’identité collective; un moyen propice à la réduction des clivages en fonction de l’âge, de la religion, de l’ethnie, de la langue maternelle, etc. » (Montréal, Québec)
PROMOUVOIR LA LANGUE FRANÇAISE
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LANGUE IDENTITAIRE OU UTILITAIRE ? Chez la plupart des Québécois d’origine canadienne-française, le français est demeuré une matrice identitaire. Par contre, pour la minorité anglo-québécoise, pour les membres des communautés culturelles et pour les nouveaux Québécois qui en ont fait plus récemment l’apprentissage, le français est plutôt pratiqué comme une langue de communication. Entre les deux, des francophones, les Haïtiens par exemple, se font une place; ils préservent leur référence d’origine, mais ils publient, participent aux débats publics, investissent leur sensibilité dans la culture au quotidien. Enfin, il y a aussi des « parlant-français » auxquels on n’accorde pas assez d’attention, qui semblent repoussés au large du champ identitaire : ce sont les nombreux autochtones (environ 50 %) qui ont été très tôt assimilés à la langue française et qui ont perpétué cet héritage parallèlement à leur identité propre9.
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«Nous proposons de renforcer l’apprentissage de la langue française, notamment: • par les nouveaux arrivants, par exemple en modifiant les quotas pour accueillir plus d’immigrants dans les régions, en s’assurant que les règles soient respectées et en augmentant les ressources dans les régions à cet égard; • dans toutes les matières à l’école; • à l’école, comme langue identitaire, et faciliter l’apprentissage d’au moins deux autres langues, la découverte d’une langue autochtone devant être favorisée.» (Abitibi-Témiscamingue, Mauricie, Québec, Saguenay–Lac-Saint-Jean)
RENFORCER L’APPRENTISSAGE DE LA LANGUE
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D’accord, mais tout dépend d’abord de… nous ! Conrad Ouellon, président du Conseil supérieur de la langue française, Rencontre nationale, Montréal
«C’est bien beau l’apprentissage de la langue, mais il faut s’organiser pour que notre société soit de langue française. Si ceux qui ne s’expriment pas en français ne voient pas d’avantages à apprendre la langue, en matière de travail mais aussi d’intégration – si cette société leur parle toujours en anglais dès qu’on sent un accent étranger –, le principe ne fonctionne pas. Il y a une part de responsabilité des francophones. Ce n’est plus la faute des autres. Cela relève vraiment de nous, francophones.»
RÉTABLIR L’ESPRIT ET LA LETTRE DE LA LOI 101 ■ « Nous proposons de rétablir l’esprit et la lettre de la loi 101 autant dans l’affichage que comme langue de travail. » (Estrie) INITIATIVES CULTURELLES EN FRANÇAIS ■ « Nous proposons que l’État attribue 1 % de ses budgets consacrés aux initiatives culturelles à celles qui
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favorisent la fierté et l’apprentissage de la langue française dans tous les domaines de ses activités, dont les écoles, les rapports avec les citoyens, l’accueil des immigrants, les communications. » (Saguenay–Lac-Saint-Jean) RAPPEL AUX GOUVERNEMENTS ■ «Nous proposons de sensibiliser les gouvernements du Québec et du Canada au caractère périlleux de tout accroissement du bilinguisme sur la pérennité de la nation québécoise. » (Outaouais) ■
« Nous proposons de rappeler aux gouvernements du Québec et du Canada le fait que l’Outaouais, en tant que région frontalière de la capitale fédérale, est la vitrine du Québec, et à ce titre, exiger d’eux qu’ils promeuvent l’identité francophone de l’Outaouais, qu’ils fassent en sorte qu’en Outaouais la langue française redevienne prééminente dans la pratique quotidienne des organismes publics et des entreprises qu’ils appliquent rigoureusement la Charte de la langue française [loi 101] et remettent en place les Centres d’orientation et de formation des immigrants adultes ou COFI10.» (Outaouais)
Quelques pistes de réflexions
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Est-ce que c’est la langue qui forge la société ou est-ce que c’est la société qui fait la langue ? Est-ce que ce sont les mots qui forgent les idées ou les idées qui appellent les mots ?
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La langue française au Québec est-elle en santé ou en péril ? La langue française au Québec est-elle suffisamment protégée ?
La langue française : ciment de la culture québécoise
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NOTES 1. Jérôme Cyr (violon) et Pierre-André Bujold (guitare) lors de l’ouverture de la Rencontre régionale à Carleton-sur-Mer, le 2 février 2007. 2. Atelier de discussion à Rouyn-Noranda, le 17 mars 2007. 3. Charte de la langue française. Source : Office québécois de la langue française. 4. Guy Rocher, «Les origines et les raisons de la Charte de la langue française », L’Annuaire du Québec 2007, Michel Venne et Miriam Fahmy (dir.), Éditions Fides, p. 218. 5. Office québécois de la langue française, Repères et jalons historiques, www.oqlf.gouv.qc.ca. 6. Guy Rocher, op. cit., p. 222. 7. Nadia Brédimas-Assimopoulos, «Le français au Québec: enjeux et réalités», Cahier spécial de l’INM sur la culture, op. cit., p. 12-13. Nadia Brédimas-Assimopoulos a été présidente du Conseil supérieur de la langue française de 1996 à 2005. 8. Conrad Ouellon, grand dialogue, Rencontre nationale, Montréal, le 27 avril 2007. 9. Comité directeur, Cahier spécial de l’INM sur la culture, op. cit., p. 5. 10. Par le passé, les COFI, Centres d’orientation et de formation des immigrants du gouvernement du Québec, offraient 30 semaines de cours de français. Ils ont été fermés en 2000.Voir à ce sujet: RadioCanada, archives, http://archives.radio-canada.ca.
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> constats Les nouvelles technologies constituent un virage pour la culture québécoise. Elles changent à la fois les comportements des citoyens et la façon de produire et de diffuser la création. Les participants y voient autant d'enjeux à relever que d'occasions à saisir.
> propositions citoyennes Dans l'ensemble, les citoyens proposent de monter dans le train de l'innovation, pourvu que les nouvelles technologies profitent à tous et à toutes et qu'elles permettent à la culture québécoise de s'épanouir.
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Les nouvelles technologies : un virage culturel
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication exercent une grande influence sur nos façons de pratiquer des activités culturelles. Chaque révolution technologique provoque un impact sur le visage de la société et de la culture. Pour appréhender ce phénomène, René Barsalo, directeur recherche et stratégie à la Société des arts technologiques (SAT), a développé un schéma basé sur les changements de technologies qui retrace l’histoire des modèles de communication utilisés par l’homme. (voir Graphique 1) L’exposition technologique caractérise le dernier siècle. René Barsalo explique : « Chacune des sept dernières générations a vu son environnement graduellement transformé par les nouvelles technologies au rythme accéléré d’une à deux transformations par génération. En fait, c’est la première fois dans l’histoire des communications humaines que cela arrive4 ! » Nous sommes entrés dans l’ère du numérique. L’explosion des cellulaires, des iPod et d’Internet dans notre vie quotidienne ne date encore que de quelques années, mais ces phénomènes s’amplifient et se généralisent au Québec comme ailleurs dans le monde. Selon une enquête menée par le Centre francophone d’informatisation des organisations (CEFRIO) et par Léger Marketing, le pourcentage d’adultes québécois à naviguer régulièrement dans Internet est passé de 34% en janvier 2000 à 72% en novembre 20065. LE DÉ « CLIC » GÉNÉRATIONNEL
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Les nouvelles technologies modifient-elles nos vies ? L’ordinateur relié à Internet permet à tous, amateurs et professionnels, de partager des contenus au moyen d’une simple adresse électronique. Ce changement donne naissance à des millions de diffuseurs instantanés. Quel est l’impact du courriel sur nos manières de communiquer ? Selon l’auteur et cinéaste Dany Laferrière, les gens ont développé l’habitude d’envoyer des invitations virtuelles à la dernière minute. «Eh bien moi, je prends pour répondre exactement le même temps que prendrait la poste pour livrer ma lettre », rétorque-t-il en riant6. Ce qu’en pensent les citoyens
Durant le Rendez-vous stratégique, des réactions contradictoires quant à l’impact des nouvelles technologies de l’information et des communications (NTIC) sur la culture se font entendre. Faisons attention ! • «Il manque des règles du jeu. » C’est le cas sur le plan de la défense de la propriété intellectuelle et des droits d’auteur. Les pratiques de piratage et de téléchargement illégal d’albums ou de films persistent. «Les lois du Canada à ce sujet sont probablement les plus laxistes du monde et il faudrait les réviser.» • Les instances de validation du contenu qui circule sur le Web font défaut : « On n’a aucune garantie quant à la validité des choses qui circulent sur le Web. N’importe qui peut créer un blogue et lancer toutes sortes de discours. » • Les NTIC favorisent la fragmentation de la culture : « Elles développent le “je” plutôt que le “nous”. » Elles forment des « solitudes habitables » : les individus vivent dans un monde virtuel qui n’a plus rien de réel. Tout y est anonyme, éphémère. • Elles entraînent une homogénéisation des contenus culturels, conséquence d’une libéralisation économique et d’une concentration des entreprises culturelles. • Elles provoquent la disparition de rencontres entre les publics et les créateurs. « Le créateur fait une œuvre qui peut être consommée tout seul devant son ordinateur », ce qui fait que « le contact humain est en train de disparaître ».
Les nouvelles technologies : un virage culturel
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GRAPHIQUE 1 Le dé « clic » générationnel
Il y a 1700 générations l‘homme « moderne » émerge et commence à développer le langage Il y a 300 générations il invente l‘écriture Il y a 35 générations il développe l’imprimerie et puis...
2000 Cellulaire / Web 1985 PC / Réseautique 1970 F ax / Électronique 1955 Télévision / MassMédia 1940 Radio / Cinéma parlant 1925 Téléphone / Cinéma muet 1910 Télégraphe / Photographie
• Il y a 1 700 générations, l’homme commence à développer le langage. • Il y a 300 générations, l’écriture est inventée. L’intégration s’est faite doucement, le passage d’un système à un autre se faisant progressivement. • Il y a 35 générations, on développe l’imprimerie. L’information est disséminée plus facilement et une culture de masse commence à apparaître. Encore une fois, l’évolution se fait progressivement. Chaque génération a le temps d’assimiler les changements et de les enseigner à celle lui succédant. • Au cours du XXe siècle, l’explosion arrive avec trois vagues de changement. La première vague (télégraphe, téléphone) permet au message d’aller plus vite que le messager. La deuxième (radio, cinéma, télévision) rend possible la diffusion de masse à des millions d’auditeurs. La troisième amène avec elle l’informatique, la réseautique et l’interactivité. Source: René Barsalo, 2004
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Saisissons les occasions ! • L’offre culturelle est plus diversifiée. Les créateurs peuvent se faire connaître par Internet, en concevant leurs propres sites et en se constituant un réseau de contacts, « sans avoir à prendre la route, l’avion ou le bateau ». C’est « une chance pour le rayonnement des œuvres québécoises ainsi que pour les cultures régionales ». • L’accès à la culture croît. On peut avoir accès aux autres cultures. Cela fait tomber des murs entre les classes sociales et entre les genres de culture (celle d’élite et celle de masse). • Internet permet de « contourner les grands médias » et d’avoir accès à d’autres sources d’information : « On peut savoir ce qui se passe dans le monde grâce à Internet », en utilisant ou en croisant plusieurs sources d’information. • Les NTIC facilitent la participation, la création et la production des citoyens qui non seulement peuvent être des « consommateurs » mais aussi des « producteurs » de culture. Tout compte fait, l’impact des nouvelles technologies, qu’il soit positif ou négatif, est majeur, reconnaissent plusieurs participants. De nouveaux défis pour la société
Les transformations technologiques imposent des défis. Les participants relèvent en particulier des fractures de deux natures : celles se rapportant au territoire et celles concernant les générations à l’ère du numérique. Une première fracture s’opère déjà sur le territoire du Québec. Certaines régions accusent un retard en matière de possibilités technologiques et souhaitent avoir un accès plus soutenu à Internet haute vitesse. D’après les analyses du CEFRIO, c’est dans les régions urbaines bénéficiant d’une situation économique favorable que l’on trouve les plus grandes proportions d’internautes réguliers (voir Graphique 2). La deuxième fracture se situe sur le plan des générations. On croit que les parents sont dépassés par les nouvelles technologies et que celles-ci sont devenues le canal privilégié des jeunes à la réalité du monde. Les jeunes qui se sont exprimés lors du Rendez-vous stratégique ne ressentent pas ce fossé générationnel aussi grand qu’on le prétend. Pour René Barsalo, deux catégories de personnes cohabitent au Québec, comme c’est le cas dans d’autres
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sociétés: les «natifs du numérique» et les «immigrants du numérique». Autrement dit, la société québécoise d’aujourd’hui abrite plusieurs catégories d’individus plus ou moins familiers du numérique (voir Graphique 3). Comment faire le pont entre la culture classique et la culture du numérique? Comment éviter les fractures, préserver la cohésion sociale? Comment profiter des avancées technologiques ou relever les défis qui se posent ? Les propositions de participants ouvrent la voie.
GRAPHIQUE 2 Utilisation d’Internet sur une base régulière dans chacune des régions du Québec (Base : les adultes québécois)
72,4 % 68,9 %
Outaouais
71,1 % 68,6 %
Montréal
67,9 % 65,1 %
Capitale-Nationale
66,9 % 63,4 %
Laval
66,2 % 63,2 %
Montérégie
63,8 %
Côte-Nord
55,9 % 63 %
Lanaudière
57,3 % 60,5 % 55,9 %
Laurentides
58,8 % 56,4 %
Estrie
58,4 %
Saguenay–Lac-Saint-Jean
52,9 % 57,2 %
Chaudière-Appalaches
50,9 % 56,3 % 52,4 %
Abitibi-Témiscamingue
55,6 %
Centre-du-Québec
50 %
Mauricie
50 %
55,6 % 54,5 % 52 %
Bas-Saint-Laurent 46,3 % 44,2 %
Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine
0%
10 %
2005-2006
20 % 2004-2005
Sources : CEFRIO et Léger Marketing, Rapport NETendances 2006
30 %
40 %
50 %
60 %
70 %
80 %
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GRAPHIQUE 3
Natif
Immigrant numérique
L‘ADN culturel : natifs et immigrants du numérique Culture
Âge
Décisionnel
Radio/Cinéma parlant
55/70+
Dirigeants & CA
Télévision/MassMédia
40/54
Cadre
Fax/Électronique
30/39
Directeur
PC/Réseautique
10/29
Employé
Cellulaire/Web
5/19
Étudiant
Source : René Barsalo 2004
Propositions citoyennes ■ « Nous proposons que les gouvernements fassent en sorte de réduire la fracture numérique et de rendre accessibles les nouvelles technologies de l’information, notamment Internet à haute vitesse, à toutes les régions. » (Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine)
COUVRIR TOUT LE TERRITOIRE
MILIEU CULTUREL ET NOUVELLES TECHNOLOGIES ■ «Nous proposons que les gouvernements rendent accessibles les nouvelles technologies aux organismes et entreprises culturelles (promotion, diffusion, création, réseautage) par notamment la création d’un fonds dédié exclusivement à l’achat et la mise à jour d’équipement pour les artistes et les organismes culturels.» (AbitibiTémiscamingue, Montréal)
Équipement technologique Selon les participants, l’acquisition d’équipement technologique par le milieu culturel facilite la création et la mise en réseau des artistes, de même que la promotion et la diffusion d’œuvres auprès des publics. En plus, grâce aux technologies, les institutions culturelles ont une chance de se renouveler : elles peuvent adapter les salles pour répondre aux nouvelles tendances technologiques des visiteurs.
Les nouvelles technologies : un virage culturel
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« Nous proposons que soit créée une chaire de recherche multimédia concernant les impacts des nouvelles technologies sur la culture en Abitibi-Témiscamingue afin de découvrir comment, à partir d’ici, on peut préserver, affirmer notre identité, se faire connaître et rayonner. » (Abitibi-Témiscamingue). CRÉER UNE CHAIRE DE RECHERCHE
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La culture technologique doit être reconnue Maurice Fallu-Landry, directeur d’Aster, station de vulgarisation et de loisirs scientifiques, Rimouski
«La culture scientifique et technologique fait aussi partie du monde culturel, tout autant que l’art! Elle s’étend à presque tous nos gestes quotidiens. Beaucoup de nos problématiques en santé, en éducation, en environnement vont venir du secteur des sciences et des technologies. Si on veut que le Québec se développe et se transforme en véritable société du savoir, la science et la technologie doivent faire partie de tous les secteurs de la société.» La pensée technologique écrase notre imaginaire Jean-Pierre Vidal, professeur émérite, Saguenay
«Ce qui est le plus inquiétant, c’est l’écrasement de tous les modes de pensée dans la pensée technologique, une pensée sans délai ni recul. Le discours dominant est celui de la communication mais, en fait de communication, il ne s’agit en réalité que de branchement; nous ne sommes plus qu’une présence au bout du cellulaire, de la télévision, de l’écran d’ordinateur; et l’ordinateur réduit la communication à sa plus simple expression: le logiciel ne nous dit-il pas toujours de faire des phrases courtes?»
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« Nous proposons que l’on saisisse l’occasion qu’offrent les nouvelles technologies de l’information et des communications pour la démocratisation, la création, la conservation et la diffusion des arts et de la culture, notamment en région. » (AbitibiTémiscamingue, Québec) LA TECHNOLOGIE AU SERVICE DE LA CULTURE
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« Nous proposons que les écoles aient accès aux nouvelles technologies de l’information et des communications comme moyen de promotion de la culture. » (Québec)
■ «Nous proposons d’encourager l’établissement d’un site Internet incluant un calendrier info culture ayant pour objectif d’informer le public particulièrement sur les créations et les produits culturels québécois intégrant un intranet avec base de données des principaux organismes culturels, banques d’emplois, blogues, espaces d’échanges et formations.» (Montréal)
UN SITE INTERNET 100 % CULTURE QUÉBÉCOISE
Un Québec branché sur la culture Aïda Kamar, directrice et présidente de Vision Diversité, Montréal
«Les nouvelles technologies permettent aujourd’hui à une société de mieux être inclusive et rassembleuse. Il serait fort intéressant que tout le Québec apprenne par la culture, largement soutenue par l’ensemble des moyens technologiques actuels, à mieux se connaître, aimer dialoguer et agir avec chacun de ses concitoyens. Je pense que pour la relève, les artistes de toutes les origines, les évènements qui enrichissent considérablement la culture québécoise, toute cette créativité, qui parfois a du mal à être connue et à prendre sa place, serait largement servie par cette proposition.»
Les nouvelles technologies : un virage culturel
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«Nous proposons de favoriser le développement du contenu francophone dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication.» (Montréal)
OCCUPER LE TERRITOIRE VIRTUEL
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Il faut s’affirmer «La langue française, ce véhicule de notre pensée, devra-t-elle effectuer un repli stratégique au risque de se folkloriser ou profitera-t-elle de ce monde à notre portée pour s’affirmer?» se questionne un citoyen à Sherbrooke. «Si les Québécois ne développent pas des contenus dans Internet, ce sont les autres nations qui occuperont le territoire virtuel», affirme une citoyenne à Montréal. D’accord, mais il faut de l’argent pour cela! Jean Gagnon, directeur général, Fondation Daniel Langlois pour l’art, la science et la technologie, Montréal
«Si la culture québécoise, qui est francophone, doit être visible dans Internet, il va falloir mettre les moyens. Au Québec, il n’y a presque pas de subventions pour le contenu en ligne. Tout l’argent pour produire du contenu dans Internet, on va le trouver à Patrimoine Canada et à Téléfilm Canada, mais rien à la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) ou au Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), à moins d’être un artiste en arts médiatiques. La production du contenu francophone veut dire d’avoir une présence constante. Il faut du financement soutenu.»
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Quelques pistes de réflexions
>
La culture québécoise est-elle capable de se retrouver dans l’univers des technologies? Va-t-elle tomber dans la facilité, dans l’instantané, dans le futile ou utilisera-t-elle ce nouveau monde pour affirmer sa créativité et sa durée ?
>
Comment les artistes québécois peuvent-ils trouver leur place dans ce nouvel univers ?
> >
Comment la langue française peut-elle s’épanouir à l’ère du numérique ? Pensez-vous que l’usage d’Internet, du iPod ou du cellulaire facilite les liens sociaux ou développe l’individualisme ?
Les nouvelles technologies : un virage culturel
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NOTES 1. Le Festival de musique électronique et de créativité numérique Mutek, présenté chaque printemps depuis 2000 à Montréal. Photo : Mutek. 2. Plénière à Québec, le 3 février 2007. 3. Aqua, exposition de sculptures sonores, du sculpteur Gilles Pennaneac’h et du compositeur Philippe Le Goff, présentée lors des Escales Improbables 2004. Photo : Simon Ménard et Gerald Ortiz. 4. René Barsalo, Midi citoyen à Montréal, le 22 février 2007. 5. Source : Enquête de NETendances, menée par le CEFRIO et Léger Marketing. Voir: www.cefrio.qc.ca. 6. Dany Laferrière, allocution d’ouverture lors de la Rencontre régionale à Montréal, le 16 mars 2007.
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> constats Les participants du Rendez-vous stratégique soutiennent que, globalement, la culture québécoise est en bonne santé. Ils reconnaissent les succès des politiques culturelles, mais celles-ci s'avèrent parfois mal appliquées : pauvreté de la majorité des artistes et créateurs, disparités sociales de l’accès à la culture, propension à la commercialisation et insuffisante occupation culturelle du territoire.
> propositions citoyennes Les participants voudraient que la culture soit reconnue comme un moteur du développement économique, social et durable du Québec. Ils souhaitent que la culture soit considérée comme un service public au même titre que la santé ou l'éducation.
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L’importance de la culture du local au mondial
A) Politiques culturelles et financement de la culture ■ Les participants ne perçoivent pas le métissage culturel et la rencontre entre les cultures, induits par la mondialisation, comme des menaces à la culture québécoise. Ce ne sont pas des phénomènes nouveaux. Certains à Québec désirent même que la culture québécoise « se laisse mouiller par les autres cultures », ce qui ne représente pas un risque parce que notre culture a « une capacité de résistance à la mondialisation », dit-on à Gaspé, et elle rayonne à travers le monde. C’est aussi ce que soutient l’anthropologue Serge Bouchard, qui croit que la cohabitation de produits d’ici et d’ailleurs et l’influence de ces derniers sur les premiers n’ont pas nécessairement de quoi nous alarmer. Cela est enrichissant. « Toute société créatrice, note-t-il, a un caractère cannibale : elle se nourrit de ses pairs pour avancer4. » Si la mondialisation ne fait pas peur, en revanche, la fuite vers la commercialisation inquiète. Lors d’une table ronde à Rimouski, Claude Fortin constate que le rapport entre les créateurs et les publics s’est instrumentalisé au fil du temps. Il n’est plus aussi intime qu’auparavant. De plus en plus, relève-t-il, le créateur doit rejoindre les publics à domicile. Il doit passer par un écran, par l’ordinateur ou la télévision; les contacts entre
LE CONTEXTE DE LA MONDIALISATION
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les artistes et les publics sont de moins en moins directs. « Il y a toute une chaîne entre le créateur, le producteur, le diffuseur, l’annonceur, jusqu’à l’actionnaire; ce qui, ironise-t-il, fait tourner l’économie. » Pourtant, selon lui, « les créateurs et les artistes ne sont pas des machines à reproduire et les publics ne sont pas des marchandises à échanger5 ! » Un citoyen revient sur ces propos : « La culture de masse et du divertissement, qui génère des profits monstres, occulte d’autres dimensions de la culture, plus artistique. » L’offre culturelle : bilan de santé
Du côté de l’offre culturelle, les participants soutiennent que la création et la production culturelle au Québec sont riches et diversifiées, en effervescence. La vitalité culturelle est là, y compris dans les zones rurales et dans l’ensemble des régions du Québec. Néanmoins, est-elle reconnue ? La création est en santé, mais il manque des ressources. Deux dimensions sont à surveiller et doivent mobiliser les actions nouvelles : • Les artistes et les créateurs ont souvent du mal à vivre de leur art et les ressources humaines dans les organismes culturels, souvent mal payées et bénévoles, s’essoufflent, d’où les revendications récurrentes dans ce domaine. • Les publics ne sont pas toujours au rendez-vous. Il est souvent difficile de les attirer dans les lieux de diffusion, dans les institutions telles que les musées, les théâtres, ou dans le domaine des arts visuels. Leur renouvellement n’est pas garanti et le manque de moyens financiers n’aide pas à développer les publics. La demande culturelle : des clivages dans la société
Sur le plan de la demande culturelle, deux types de clivage font l’objet d’une attention particulière. Le premier est générationnel (l’âge du public), le second est social (les exclus de la culture). D’une part, on assiste à un clivage intergénérationnel sur le plan de la culture. Une culture classique plus homogène et traditionnelle est soutenue par les baby-boomers, tandis qu’un éclectisme des pratiques se localise majoritairement chez les jeunes (voir Graphique 4). Ce clivage amène à s’interroger sur la place des jeunes dans les institutions et dans la société. « Depuis sa jeunesse, explique Rosaire Garon, la génération des baby-boomers a joué un rôle déterminant dans la
L'importance de la culture du local au mondial
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demande culturelle et on prévoit qu’elle continuera de le faire encore durant une ou deux décennies6 »; le grisonnement des publics va donc se poursuivre. Selon le sociologue, « Le pouvoir culturel et l’argent sont concentrés parmi les baby-boomers, ce qui confine les jeunes dans des milieux moins institutionnalisés. Les festivals sont des formes qui correspondent plus à la sensibilité des jeunes ». Alors que le public des babyboomers est en train de décliner et les jeunes en train de renouveler les pratiques culturelles, le sociologue Fernand Harvey, invité à Gaspé, appelle à « se préparer au changement » et à « éviter la rupture » dans les comportements culturels des Québécois. D’autre part, l’exclusion culturelle de nombreux citoyens demeure un fait largement documenté. Qui accède réellement à la culture au Québec ? Les analyses effectuées par Rosaire Garon montrent une sous-participation à la vie culturelle de la population d’immigration récente; elles révèlent aussi une sous-participation en fonction de l’âge, du niveau de scolarité et de revenu, du lieu d’habitation et d’un handicap. Une partie importante de la population, estimée au tiers environ, demeure largement écartée des bienfaits de la culture. Ces exclus se recrutent plus fréquemment parmi la population âgée, moins scolarisée et plus pauvre (voir Graphique 5). Préoccupés par ces inégalités persistantes dans l’accès à la culture, les participants souhaitent le renforcement de la politique de démocratisation de la culture et l’accessibilité de cette dernière à tous les Québécois. Faire de la culture une priorité
Malgré les avancées significatives des politiques culturelles du Québec depuis les dernières décennies, plusieurs défis restent à relever. Une idéeforce est de faire de la culture une priorité. Selon les participants, l’État a un rôle moteur à jouer dans le soutien à la culture. Il faut faciliter l’accès à la culture, soutenir la médiation culturelle, développer les pratiques culturelles, valoriser le patrimoine. Il faut aussi favoriser le potentiel créatif et innovateur dans les régions et permettre une meilleure diffusion sur le territoire. L’État doit agir directement, mais il lui est demandé d’exiger des entreprises qu’elles fassent leur part, tout comme on exige qu’elles la fassent pour d’autres secteurs tels que la formation, la recherche ou l’environnement. Plusieurs participants ont observé une absence de la culture des enjeux électoraux. Il ne semble pas y avoir de vision de la culture ni à court ni à
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long terme dans la classe politique. L’essor des arts et des lettres est déterminant pour l’avenir du Québec, retiennent les participants. La culture peut « favoriser l’occupation du territoire », selon des citoyens réunis à Gaspé. Elle devrait être considérée comme « un maillon essentiel du développement économique régional », soutiennent des Saguenéens. De plus, la culture est médiatrice et facilite les liens sociaux. Selon les participants, les médiateurs culturels représentent des « relais » ou « passeurs » entre les artistes et les publics. Leur mission : participer à une vision inclusive et participative de la culture ainsi que favoriser des
GRAPHIQUE 4 Pratiques de type humaniste et éclectisme selon les groupes d’âges, 2004
Au-dessus de la moyenne
Moyenne québécoise
Éclectisme Pratique classique Sources : Enquête sur les pratiques culturelles des Québécois 2004, ministère de la Culture et des Communications et Rosaire Garon
Sous la moyenne 15-24 ans
25-34 ans
35-44 45-54 ans ans Groupe d’âge
55-64 ans
65 ans et plus
• Les pratiques de type classique sont celles valorisées par la culture humaniste. Elles s'expriment par un intérêt pour la philosophie, l'art, la littérature et le patrimoine. L'indice « pratique classique » est mesuré à partir de 20 activités relatives à la lecture des imprimés, à la fréquentation des établissements culturels, à la sortie au spectacle et à l'achat d'œuvres d'art et des métiers d'art. • L'éclectisme, pour sa part, se caractérise par l'aptitude d'apprécier une vaste gamme de formes culturelles qui englobent les formes classiques, mais aussi tout un éventail de pratiques plus populaires. L'indice « éclectisme » est mesuré à partir de 55 activités différentes relevant à la fois de la culture populaire, par exemple l'écoute télévisuelle, Internet et la participation à des festivals populaires, et de cultures plus élitistes, comme la fréquentation des musées ou du concert classique.
L'importance de la culture du local au mondial
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mécanismes de rapprochement entre les secteurs trop souvent encore cloisonnés : les disciplines artistiques, les universités, les cégeps, les bibliothèques, les secteurs public et privé, les médias. Par ailleurs, les participants veulent que l’on valorise la culture comme porteuse de sens. Au-delà de la simple consommation superficielle de produits culturels, il faut que les enfants soient amenés à en comprendre le sens, à goûter la signification d’une chanson populaire, d’une pièce de musique, d’un poème et d’un tableau. Réflexion d’un participant gaspésien : « Le bonheur est manifestement dans l’être. Mais la société de l’avoir a réussi à convaincre la masse que posséder rend heureux. » Plusieurs citoyens ont voulu insister pour que la culture ne soit pas considérée seulement comme un produit, mais comme un processus auquel les non-professionnels peuvent participer. La pratique amateur doit être mieux reconnue.
GRAPHIQUE 5 Variété des pratiques culturelles selon le statut socioéconomique, en 2004
Sources : Enquête sur les pratiques culturelles des Québécois 2004, ministère de la Culture et des Communications et Rosaire Garon
Au-dessus de la moyenne
Participation aux activités culturelles
Moyenne québécoise
Sous la moyenne
Bas
Moyennement Moyennement bas élevé Statut socioéconomique
Élevé
• L'indice est mesuré à partir de 55 activités différentes appartenant aux pratiques culturelles domestiques, aux sorties et aux pratiques engagées. • La moyenne québécoise est zéro. Plus un groupe s'écarte négativement de cette moyenne, moins grande est la diversité de ses pratiques. À l'inverse, un groupe situé au-dessus de la moyenne aura un éventail plus diversifié de pratiques.
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FINANCEMENT DE LA CULTURE PAR L’ÉTAT > Dépenses culturelles publiques du Québec À l’échelle canadienne, c’est au Québec que les dépenses culturelles publiques totales de niveau provincial sont les plus élevées. En 20042005, elles s’élèvent à 746,7 millions de dollars (soit 96,36 $ par tête)7. > Budget du ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine du Québec Le budget en 2005-2006 s’établit à 535,8 millions de dollars, soit 1,1 % du budget des dépenses de programmes du gouvernement du Québec8.
Propositions citoyennes « Nous proposons de proclamer le statut prioritaire de la culture, notamment de : • réaffirmer le rôle de l’État dans le développement de la culture; • donner à la culture le statut de service public au même titre que l’éducation et la santé; • reconnaître l’importance de la culture au développement durable de notre collectivité; • reconnaître la nécessité d’identifier, développer et soutenir des moyens de transmission et de diffusion pérennes de celle-ci; • reconnaître le rôle de l’artiste et l’impact de ses activités dans les différentes sphères de la société; • réaffirmer le devoir de l’État de favoriser la démocratisation et l’accessibilité à la culture; • réaffirmer l’importance du rôle de l’État dans le financement de la culture, dans l’établissement de politiques et dans sa promotion; • exiger l’application rigoureuse des politiques culturelles déjà en vigueur. » (Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Montréal, Québec)
STATUT PRIORITAIRE DE LA CULTURE
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L'importance de la culture du local au mondial
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Culture et biodiversité Bernard Gilbert, citoyen, Québec
« Nous devons faire la promotion de la dimension humaine de la biodiversité terrestre. »
■ « Nous proposons de soutenir le rôle des médiateurs culturels qui font le pont entre la culture et la population, et de développer un réseau de passeurs-médiateurs culturels, afin de promouvoir une plus forte intégration et une certaine cohésion sociale en : • identifiant les pôles et en renforçant les liens (entre culture, éducation, université, municipalités, etc.); • favorisant les contacts interinstitutionnels : écoles, municipalités, entreprises; • valorisant l’enseignement des arts; • accentuant les efforts de promotion de la culture dans les cégeps et les universités; • améliorant la formation des enseignants pour les sensibiliser aux arts et à la culture; • mettant à contribution l’ensemble des intervenants (ex. : animateurs dans les écoles). » (Montréal, Québec, Saguenay–LacSaint-Jean)
DÉVELOPPER LA MÉDIATION CULTURELLE
SOUTENIR LA CRÉATION ■ « Nous proposons que, pour le financement de la création artistique : • l’État assure un soutien récurrent adéquat; • l’État favorise le développement du mécénat individuel et collectif dans le secteur privé pour assurer de meilleures conditions de
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vie aux artistes et aux organismes culturels, par des mesures fiscales appropriées; • l’État mette en place des mécanismes pour contrer les effets négatifs du statut de travailleur autonome pour les artistes, notamment en ce qui a trait à l’accès au crédit, la retraite et les mesures fiscales, etc. » (Montréal, Outaouais, Saguenay–Lac-Saint-Jean)
L’appel au privé, tendance en Occident Diane Saint-Pierre, professeure, chercheuse à l’Institut national de recherche scientifique (INRS) Urbanisation, Culture et Société, Québec
« À des rythmes et à des degrés divers, plusieurs gouvernements tendent à stabiliser leurs investissements publics dans la culture, voire à les réduire. Pour se maintenir et se développer, les acteurs et les institutions culturelles se tournent vers d’autres sources de financement, alors que du côté des gouvernements, on multiplie les stratégies afin d’accroître les pratiques de partenariat et le mécénat privé. »
■ « Nous proposons d’assurer l’accessibilité à la culture afin que chacun puisse goûter les fruits de la culture, notamment que : • l’État s’assure d’une offre culturelle de qualité dans toutes les régions du Québec; • l’on multiplie les lieux de diffusion dans un plus grand nombre de communautés, et ce, par un soutien financier accru et systématique aux productions et au rayonnement, par divers moyens, dont l’accès aux nouvelles technologies; • soit encouragée une production culturelle diversifiée au sein de l’espace public; l’expression “production culturelle diversifiée” est employée
ASSURER L’ACCESSIBILITÉ À LA CULTURE
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au sens de diversité ethnoculturelle (il est donc ici question de la promotion de contenus culturels représentant la très grande diversité ethnoculturelle, propre à la réalité québécoise); • soient repensés les espaces culturels déjà existants en les rendant plus invitants, ouverts, accueillants, adaptés à toutes les clientèles; • l’on suscite une plus grande demande à l’égard des manifestations culturelles.» (Estrie, Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Montréal, Québec)
Les clés magiques de la culture Louise Sicuro, présidente-directrice générale des Journées de la Culture/Culture pour tous et présidente d’honneur du Rendez-vous stratégique, Montréal
« Les arts et la culture représentent des clés d’apprentissages fondamentaux : apprendre à être, apprendre à connaître et apprendre à vivre ensemble. Le développement harmonieux d’une collectivité passe par le développement de la créativité de chacun. Il ne peut se faire sans une véritable préoccupation pour l’éducation et par un accès généralisé et un contact assidu avec les arts et la culture. »
VALORISER LE PATRIMOINE ■ « Nous proposons que l’État valorise le patrimoine bâti, naturel, culturel et vivant du Québec, qu’il en favorise la conservation et la connaissance, qu’il légifère et augmente les budgets des organismes responsables aux niveaux national et régional (par exemple, les conseils régionaux de la culture et la Commission des biens culturels), qu’il s’assure de la transmission de ce patrimoine de génération en génération par l’éducation des jeunes et de la communauté en général. » (Gaspésie–Îles-de-laMadeleine, Montréal, Québec)
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Les multiples dimensions du patrimoine Mario Dufour, président de la Commission des biens culturels du Québec, Québec
« De la protection des monuments historiques dans les années 1920 à la reconnaissance des biens culturels dans les années 1970, la compréhension du patrimoine s’ouvre aux dimensions intangibles et paysagères. Le patrimoine est constitué de tout objet ou ensemble, matériel ou immatériel, chargé de significations reconnues, appropriées et transmises collectivement. La sauvegarde du patrimoine culturel devient une activité socioculturelle plutôt qu’une seule pratique professionnelle. »
« Nous proposons de soutenir le développement de la pratique amateur des arts pour augmenter la teneur culturelle dans la vie quotidienne. » (Québec, Montréal)
SOUTENIR LA PRATIQUE AMATEUR
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« Nous proposons d’adopter une charte culturelle sur laquelle chaque politicien doit se prononcer, qui servira de grille d’évaluation pour tous leurs projets afin d’évaluer leurs impacts culturels. » (Saguenay–Lac-Saint-Jean) UNE CHARTE POUR ÉVALUER LES IMPACTS CULTURELS
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Un genre de « BAPE » culturel Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) a inspiré les participants à l’origine de cette proposition. Il faudrait penser à un genre de « BAPE » pour évaluer tout projet à travers un filtre culturel.
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Un engagement politique et citoyen Simon Brault, président de Culture Montréal, Montréal
« Cette proposition s’inscrit en ligne directe avec la mouvance internationale de l’Agenda 21 de la culture adopté à Barcelone en 2004. Les collectivités qui l’adoptent s’engagent à conférer aux arts et à la culture une importance renouvelée en les considérant comme une facette essentielle de la citoyenneté, ce qui implique un engagement à préserver le financement public de la culture et à respecter et à garantir les droits moraux ainsi que la juste rémunération des artistes professionnels. La charte ici proposée devrait permettre d’évaluer l’impact des décisions publiques sur la vie culturelle et le patrimoine d’une municipalité ou d’une région9. »
« Nous proposons de multiplier les lieux et les occasions de rencontre, de partage et de pratique culturelle, de promotion et de discussion sur la culture en utilisant entre autres les nouveaux médias, les associations, les institutions. » (Québec, Saguenay–LacSaint-Jean) FAVORISER LES RENCONTRES AUTOUR DE LA CULTURE
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« Nous proposons de favoriser les rencontres entre les artistes professionnels et le public, en particulier les jeunes, notamment lors de grands évènements culturels, ainsi qu’avec les groupes communautaires. » (Montréal, Outaouais)
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Rencontre et interculturalité Joseph Nakhlé, directeur artistique du Festival du Monde Arabe, Montréal
« Il faut encourager et favoriser la création d’espaces de rencontre qui œuvrent pour une véritable interculturalité. La pertinence d’une telle démarche est d’inscrire dans la réalité vécue et exprimée une vision conséquente et consistante d’un Québec pluriel et unique, capable de conjuguer les différences et non seulement de les superposer. La culture est, et restera toujours, paradoxalement une et plurielle. »
■ « Nous proposons d’éduquer la population et les élus au travail des artistes et d’assurer l’amélioration de leur condition socioéconomique. » (Montréal)
TRAVAIL ET CONDITIONS DES ARTISTES
Photo : Serge Lafortune
Quelle égalité entre les artistes ? Marquise Lepage, réalisatrice et scénariste, Montréal
« L’égalité entre les hommes et les femmes est inscrite dans les lois. Cependant, c’est une égalité de droit mais pas de fait encore : la culture est un milieu encore majoritairement réservé aux hommes. Dans le domaine de la réalisation audiovisuelle, les budgets alloués aux femmes diminuent depuis 20 ans. Le déséquilibre est particulièrement criant en ce qui concerne les longs métrages de fiction. Si la tendance se maintient, dans 30 ans, il pourrait ne plus y avoir de femmes réalisatrices dans le cinéma québécois. Il faut inscrire cette question dans nos priorités et préoccupations publiques. »
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« Nous proposons de faire en sorte que l’urgence et la pression engendrée par la société de consommation ne viennent pas brimer l’authenticité du travail créatif. » (Mauricie)
PRÉSERVER L’AUTHENTICITÉ DE L’ART
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La culture ce n’est pas… Dany Laferrière, écrivain et président d’honneur du Rendez-vous stratégique, Montréal
« La culture, ce n’est pas une propriété, une exclusivité, ou encore du copyright. »
« Nous proposons que soient rapatriés d’Ottawa, sous la juridiction exclusive du Québec, les trois secteurs suivants : immigration, télécommunications, culture. » (Mauricie)
RAPATRIER DES CHAMPS DE COMPÉTENCE
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Quelques pistes de réflexions
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La société québécoise a-t-elle une dent contre les élites ?
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Le fait de pratiquer la culture, les arts et les lettres, contribue-il au bonheur d’une société ?
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La culture est-elle une expérience individuelle ou collective ?
Pourquoi dit-on que la culture (théâtre, cinéma, musique, danse, etc.) est importante pour l’être humain ?
B) Le rôle des régions Le Rendez-vous stratégique, riche de la présence de citoyens de plusieurs régions du Québec, a permis de nommer différentes perceptions relativement à la « régionalisation » et à la « montréalisation » de la culture. D’aucuns prétendent qu’une fracture culturelle irrémédiable scinde nos territoires. Les participants ont plutôt à cœur de souligner que les régions sont les composantes privilégiées de la culture québécoise tant dans ses valeurs que dans ses pratiques. Elles déterminent toutes son avenir. Lorsque le dialogue s’amorce, on découvre que le sentiment d’appartenance à sa région est le corollaire d’une valorisation de la vitalité sur le territoire. Que ce soit par les festivals de poésie, de cinéma, du conte, en passant par l’animation de la vie publique autour d’enjeux sociaux ou environnementaux, ces différentes manifestations participent de la culture québécoise. Une volonté de transmettre aux jeunes le patrimoine culturel régional ressort avec conviction, comblant un besoin de connaissance et de compréhension de nos lieux de vie. Les participants sont nombreux à vouloir partager leur richesse culturelle régionale au-delà de leur milieu d’émergence. L’offre culturelle est de qualité et plusieurs artistes obtiennent la reconnaissance nationale ou internationale. Au contraire d’une fragmentation ou d’un repli, les citoyens en appellent à la reconnaissance des cultures régionales considérées dans leur particularité et leur complémentarité.
LES RÉGIONS AU CŒUR DE LA CULTURE QUÉBÉCOISE
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Volonté de dialogue interrégional
Si l’identité culturelle québécoise est formée de l’ensemble des régions, nombreux sont les participants à regretter que la contribution de celles-ci à la culture québécoise ne soit pas suffisamment reconnue. « Reconnaître la culture des régions serait déjà un grand pas. Je garde trois minutes de silence parce que c’est tout ce qu’on connaît des régions », déclare Marlène Dubé, mairesse d’Esprit-Saint dans le Bas-Saint-Laurent10. « Nous sommes fiers des produits culturels qui sortent de Montréal, mais l’inverse ne se fait pas », observe un citoyen. Cette situation crée un véritable problème, car elle constitue une perte et un déficit pour la culture, un avis partagé autant par les participants de Montréal que ceux des autres régions.
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Les médias nationaux sont considérés comme les principaux responsables de l’ignorance et de l’incompréhension entre les régions par la majorité des intervenants sur le sujet (voir 6. Responsabilité des médias). À la Rencontre nationale, un groupe de participants a décidé d’adopter une déclaration spéciale dans laquelle ils s’élèvent « contre le clivage entre Montréal et le reste du Québec, dont les médias exagèrent l’ampleur ». Leur message : le renforcement du dynamisme régional est la clé pour l’avenir de la culture québécoise. Ils déclarent avec vigueur l’importance d’un « dialogue constant » entre les régions, fortes de leurs particularités et de leurs richesses culturelles. Ils revendiquent la reconnaissance du « rôle respectif des régions rurales et urbaines » et une plus grande place de la culture régionale dans les médias. Considérant la nécessité de sortir du « clivage Montréal/régions », les participants au Rendez-vous stratégique proposent que l’INM organise une rencontre de dialogue entre Montréal et les autres régions, afin d’accroître la compréhension des réalités de chacune et de favoriser la solidarité nationale (voir 1. Des valeurs communes). Par ailleurs, les participants souhaitent que les régions accentuent leur présence dans la métropole montréalaise, par les médias, les technologies ou à travers des représentations directes. Pourquoi pas une « ambassade gaspésienne à Montréal ? » suggère l’un d’entre eux. Affirmer des politiques régionales fortes
Les participants souhaitent que les régions se prennent en main au lieu d’attendre que d’autres le fassent à leur place : « Aux régions d’être proactives ! » dit-on à Québec. « Affirmons-nous en tant que culture », renchériton à Gaspé. Il y a une nécessité de régionaliser le développement culturel du Québec; chaque région doit avoir sa politique culturelle. « Les citoyens et leurs communautés doivent s’approprier les politiques culturelles, au niveau des municipalités, des commissions scolaires, des municipalités régionales de comté, et miser sur des politiques qui favorisent l’appartenance », précise-t-on en Estrie. Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, on propose que la culture soit prise en compte dans les plans stratégiques de développement économique local. Les voix se lèvent pour que les pouvoirs et les moyens de la culture soient remis aux régions et que les ambitions soient plus hautes. « Les politiciens ne s’intéressent pas assez aux investissements dans le secteur culturel. Ils
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devraient jouer un rôle majeur, moteur et mobilisateur », affirme-t-on à Rimouski. « Il est important que nos artistes puissent créer dans leur milieu sans être obligés de s’expatrier. Mais cela demande de la volonté et des sous », déclare une citoyenne de Trois-Rivières. « Une nation, complète-t-on à Montréal, n’a aucun avenir sans investir radicalement dans la culture. » L’enjeu de Montréal pour le Québec
Évoquant le cas de Montréal, qui livre aujourd’hui contre Toronto et Barcelone une compétition culturelle internationale, Simon Brault, président de Culture Montréal note : « Les villes et les nations qui ne font pas un virage radical vers la culture vont se faire absorber. » Une stratégie de différenciation de la métropole par rapport aux autres grandes métropoles du monde est discutée. La création doit se faire essentiellement en français, le patrimoine doit être valorisé, il faut favoriser la création. La ville est aussi bien positionnée, résiliente; elle abrite des institutions et organismes artistiques. « Tous ces atouts donnent à Montréal une capacité de renouvellement étonnante. Elle est capable de se renouveler au gré des saisons. C’est un avantage important. » L’enjeu de la métropole culturelle ne devrait pas seulement intéresser les Montréalais mais l’ensemble du Québec, soutient M. Brault11. Un grand défi : la diffusion de la culture
Un des défis majeurs : la diffusion de la culture à travers les régions. La diffusion de l’art, distincte de la diffusion commerciale, est inégale sur le territoire, souligne le sociologue Rosaire Garon. « Le goût de la population régionale est laissé à l’industrie et aux médias12. » Autrement dit, la culture ne se répand pas partout. « Il y a un réel problème d’accessibilité à la culture et c’est encore pire en milieu rural », rapporte Pierre Berbier, vice-président de la Corporation du salon des régions et du livre en Outaouais13. Montréal et ses alentours ne font pas exception à ce phénomène, car « il y a des quartiers ou des banlieues qui sont mal desservis » remarque une citoyenne. Vis-à-vis de cette situation, les participants souhaitent que l’État favorise mieux la diffusion de la culture et de l’art. Les participants en Abitibi-Témiscamingue soulignent que « le financement des lieux de diffusion et des infrastructures est aussi important
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que le financement des créateurs ». Investir dans les institutions culturelles, soutenir les déplacements des artistes mais aussi développer l’entraide intermunicipale et les échanges intrarégionaux et interrégionaux sont des besoins mentionnés dans plusieurs régions. En somme, comment s’assurer de la contribution des régions, des villes et des villages à la définition de la culture québécoise ? Il ressort des propositions citoyennes qu’il faut réunir les forces de beaucoup d’acteurs pour qu’il y ait un développement culturel soutenu au Québec. Tout le monde a un rôle à jouer, autant les entrepreneurs, les éducateurs, les artistes, les médias, les pouvoirs publics à tous les échelons que, bien sûr, la population elle-même.
Propositions citoyennes « Nous proposons de favoriser la transmission de la culture régionale par les moyens suivants : • que l’école devienne un lieu concret d’apprentissage de l’histoire et de la culture régionales; • qu’on développe un système d’éducation populaire et intergénérationnelle permettant l’apprentissage de l’histoire et de la culture régionales; • que les médias rendent compte davantage des réalités régionales contribuant, elles aussi, à l’identité et à la culture québécoises. » (Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine)
TRANSMETTRE LA CULTURE RÉGIONALE
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La Gaspésie, autrement Pascal Alain, historien et philosophe, Carleton-sur-Mer
« La Gaspésie pourra-t-elle survivre à la montréalisation du Québec ? Montréalisation de la recherche, de la haute technologie, de l’économie du savoir, de la culture, des valeurs, etc. Oui, si elle parvient à conserver son authenticité, son identité, son histoire, ses traditions. Oui, si le reste du Québec peut faire preuve d’une solidarité nationale.»
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« Nous proposons que les pouvoirs publics favorisent la diffusion culturelle en région : • favorisent et encadrent, notamment par un réseau de partenaires, la circulation des artistes, la diffusion des œuvres et des organismes culturels dans et à l’extérieur de leurs régions respectives afin de renforcer l’identité régionale et québécoise, de réduire les fractures interrégionales et de combler la méconnaissance culturelle des régions; • créent des bourses pour les artistes à mi-carrière qui tiennent compte des particularités régionales; • favorisent l’implantation de centres d’artistes; • assouplissent la politique de financement des déplacements des artistes des régions. » (Abitibi-Témiscamingue, Bas-Saint-Laurent, Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Québec, Saguenay–Lac-Saint-Jean) DES MOYENS ACCRUS POUR LA VITALITÉ CULTURELLE
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« Nous proposons qu’afin d’assurer une vitalité culturelle sur tout le territoire québécois, l’État revoie ses programmes de financement dans le domaine culturel pour se doter d’une politique d’action régionale significative – incluant des outils financiers substantiels – pour soutenir la recherche, la création, la diffusion, la production, la diversité des pratiques artistiques et l’accessibilité. » (Abitibi-Témiscamingue, Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Mauricie, Québec)
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« Nous proposons de rééquilibrer les ressources affectées à Montréal et aux régions. » (Estrie)
Vitalité culturelle à préserver Denise Turcotte, porte-parole des citoyens, Saguenay–LacSaint-Jean, Rencontre nationale, Montréal
« Quand on vient d’une région qui est une pépinière d’artistes, des fois, on se prend à rêver d’être une forêt. Mais pour cela, il faut avoir des moyens accrus pour les régions. »
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Vitalité culturelle à préserver Antoine Sirois, professeur émérite en littérature québécoise comparée, Sherbrooke
«Notre bouillonnement culturel régional n’a pas seulement enrichi la région. Il a aussi rayonné à l’extérieur. Les ambassadeurs sont nombreux. Tout heureux que nous soyons en région de contribuer au développement culturel de la métropole et du Québec, les régions ont le devoir de garder une masse critique pour assurer leur propre vitalité. Pour ce faire, elles doivent bénéficier d’une infrastructure et de conditions de création et de production qui leur permettent de s’épanouir.»
NOUVELLE DYNAMIQUE ENTRE LES RÉGIONS ■ « Nous proposons que le gouvernement du Québec s’engage dans une véritable décentralisation des pouvoirs en matière culturelle et les cristallise dans les régions, l’État conservant le rôle de gardien de principes universels comme l’accessibilité, la démocratisation et l’intégration. » (Abitibi-Témiscamingue, Estrie, Outaouais) ■
« Nous proposons que chaque région adopte une politique culturelle avec un plan d’action tenant compte entre autres de la diversité des pratiques culturelles (types, territoires), du besoin d’interpénétration des pratiques culturelles rurales et urbaines et de l’importance des interactions interrégionales et internationales.» (Mauricie, Outaouais, Québec, Saguenay–LacSaint-Jean)
DES POUVOIRS ENTRE LES MAINS DES RÉGIONS ■ « Nous proposons de reconnaître le rôle des régions comme participant à la promotion de la culture québécoise. » (Mauricie) ■
« Nous proposons de soutenir le potentiel créatif et innovateur dans les régions éloignées pour nourrir culturellement les régions centrales et la métropole, de s’inspirer des modèles créatifs des régions (communautaires et
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de développement) pour la préparation des politiques nationales. » (BasSaint-Laurent, Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Québec) ■
« Nous proposons que le gouvernement du Québec reconnaisse la valeur que représente l’Outaouais en tant que vitrine de l’identité québécoise, favorise l’intensification des relations avec le reste du Québec et contribue à déterminer et à affirmer un constituant identitaire fort qui ferait la fierté de la région. » (Outaouais)
Notre richesse : nos différences Marlène Dubé, mairesse d’Esprit-Saint, Rencontre nationale, Montréal
« On essaie toujours d’être comme tout le monde, mais ce qui fait notre richesse, ce sont nos différences. Nous avons intérêt à travailler ensemble, nous, les ruraux et les urbains. Nous habitons un territoire et nous sommes gardiens de notre devenir. Nos actions sont inter-reliées. Unissons nos forces pour un but commun : le mieux-être de nos collectivités. »
« Nous proposons d’inclure la culture dans les plans stratégiques économiques des Conférences régionales des élus14. » (Saguenay–Lac-Saint-Jean)
ALLIER CULTURE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL
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« Nous proposons d’accentuer la participation des jeunes aux arts et à la culture dans leur communauté, pour prévenir et enrayer, entre autres, le décrochage scolaire, très et trop répandu. » (Estrie)
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Culture et économie, un jeu à somme positive Yvon Paré, président d’honneur du Rendez-vous stratégique, chroniqueur à Lettres québécoises et au journal Le Quotidien, Saguenay
« La culture, il faut l’insérer dans les plans de développement économique. Il faut sortir de l’isolement, faire en sorte que les artistes se parlent entre eux. Les Conférences régionales des élus ont un rôle à jouer. » Thérèse Boutin, directrice générale de l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières, Rencontre nationale, Montréal
« On doit être capable d’offrir dans nos régions la même qualité de vie du côté culturel que n’importe quelle autre grande ville, comme Montréal, Toronto ou New York. Et le développement économique de ma région va s’en porter mieux si je peux offrir à ceux intéressés à revenir des festivals de nature internationale, des grands concerts de musique avec des chefs renommés. Cela va de soi à mon avis. »
« Nous proposons de poursuivre la “révolution” culturelle de l’Outaouais, dans la relation entre la région urbaine et rurale notamment, en revendiquant une plus grande place de la culture régionale dans les médias et en accroissant, par tous les moyens, la participation à des activités culturelles auprès de toutes les clientèles. » (Outaouais) « RÉVOLUTION » CULTURELLE EN OUTAOUAIS
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« Maintenir le cap dans l’affirmation de notre culture, en dépit des contraintes budgétaires et démographiques. » (Outaouais)
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DÉCLARATION SPÉCIALE Les participants d’un atelier sur le thème des régions, à la Rencontre nationale, ont adopté la déclaration suivante : « Nous reconnaissons que la culture est universelle. Son expression étant diversifiée, nous nous élevons contre le clivage entre Montréal et le reste du Québec dont les médias exagèrent l’ampleur. En matière de dynamique régionale, l’avenir de la culture québécoise repose sur : > un dialogue constant entre toutes les régions du Québec; > une juste distribution des ressources disponibles (humaines, financières, matérielles et médiatiques); > la mise en valeur des particularités et richesses de chaque région; > la reconnaissance du rôle respectif de chacune des régions urbaines et rurales; De plus, nous revendiquons une plus grande place de la culture régionale dans les médias en accroissant, par tous les moyens, la participation à des activités culturelles auprès de tous les citoyens, notamment des jeunes. »
Quelques pistes de réflexions
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Comment rapprocher les villages et les villes sans urbaniser le territoire ?
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Pouvez-vous identifier les particularités et les forces culturelles de quelquesunes des 17 régions du Québec ?
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Selon vous, quels sont les acteurs clés qui doivent soutenir la culture québécoise à l’échelle locale et régionale ?
Êtes-vous en faveur ou non de l’installation d’ambassades des régions du Québec dans la métropole montréalaise ?
Photo : Journal de Montréal (Luc Bélisle)
C) Le Québec et la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO
Table ronde, Rencontre nationale, 28 avril 2007. De gauche à droite : Liza Frulla, Line Beauchamp, Ariane Émond (animatrice), Sheila Copps, Louise Beaudoin.
Le développement culturel est un enjeu local, régional et national. Mais c’est aussi un enjeu mondial, lorsqu’il s’agit d’affirmer l’égale dignité des cultures du monde. Initiative portée par le Québec, la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO est entrée en vigueur en 2007. Mais comment en est-on arrivé là? Lors du Rendez-vous stratégique de l’INM sur la culture, quatre femmes, toutes des anciennes ministres de la Culture ou du Patrimoine ayant siégé à l’un ou l’autre, voire aux deux, des ordres de gouvernement (Québec et Canada), sont venues témoigner de leur rôle dans l’élaboration de la Convention. Line Beauchamp, Louise Beaudoin, Sheila Copps, et Liza Frulla16 se sont prêtées au jeu de questions et réponses de l’animatrice Ariane Émond. Ci-dessous, des éléments recueillis à partir des échanges tenus lors de la table ronde du 28 avril 2007. La Convention avant d’exister : un long combat
La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions
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culturelles de l’UNESCO est le fruit d’une bataille extrêmement complexe. Le Québec et le Canada ont joué un rôle majeur dans son élaboration. Ensemble, ils ont voulu porter les considérations culturelles à un aussi haut niveau que les considérations commerciales qui dirigent les accords internationaux. Voici quelques grandes dates ayant marqué l’avènement de la Convention. À la fin des années 1990, du côté du gouvernement du Québec, Louise Beaudoin a joué un rôle clé dans la mise sur pied d’un groupe de travail francoquébécois sur la diversité culturelle, coprésidé par Marie Malavoy et Catherine Lalumière, dont le rapport fut rédigé par les juristes Ivan Bernier et Hélène Ruiz Fabri. Ce groupe de travail permit à la France et au Québec de développer des positions communes dans l’Évaluation de la faisabilité juridique d’un instrument international sur la diversité culturelle17. Dès 1998, au niveau fédéral, une bataille déclenchée par les États-Unis a amené Sheila Copps et le gouvernement canadien à défendre la diversité culturelle ici et partout dans le monde. À cette époque, les États-Unis se plaignaient devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) des politiques canadiennes trop avantageuses pour les magazines du Canada. Les États-Unis ont obtenu gain de cause devant l’OMC, mais le Canada a décidé d’instaurer une loi fédérale empêchant la publicité étrangère dans les magazines canadiens. Le conflit entre les deux pays prit fin avec la conclusion d’un traité, signé par le premier ministre canadien, Jean Chrétien, et le président des ÉtatsUnis, Bill Clinton, accordant au Canada un droit de protection culturelle. En juin 1998, sous l’impulsion du Canada, fut créé le Réseau international sur la politique culturelle (RIPC), regroupement mondial des ministres nationaux responsables de la culture. À la deuxième rencontre du réseau, à Oaxaca au Mexique (septembre 1999), les États-Unis, sans ministre fédéral de la culture et invité à titre d’observateur, tentèrent d’empêcher les États présents d’initier la création d’un instrument légal sur la diversité. Malgré cette pression, certaines résolutions furent conclues à l’occasion de cette rencontre. En 2003, à une réunion de l’UNESCO, le Directeur général de l’époque a été mandaté pour développer ce qui allait devenir la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO. Line Beauchamp y était : « J’étais extrêmement inquiète parce que lorsqu’on était dans la salle et qu’on entendait les pays se lever et expliquer pourquoi ils étaient en faveur, c’était n’importe quoi […]. Il y en avait qui étaient en faveur parce qu’ils
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pensaient que la Convention voulait dire : la protection des minorités religieuses. D’autres qui s’y opposaient parce qu’ils pensaient que cela allait jusque-là. » Selon Line Beauchamp, l’idée de créer la Convention visait à protéger le fruit du travail de la création humaine. À partir de 2003, une vaste promotion nationale et internationale de la part des gouvernements québécois et canadien visait à amener les États à soutenir la naissance de la Convention de l’UNESCO. Sheila Copps s’est attelée à faire la promotion de la diversité auprès de plusieurs États. Son action a permis d’encourager la création de coalitions d’artistes afin de séduire les milieux financiers publics. Louise Beaudoin, alors envoyée spéciale sur la diversité culturelle à l’Organisation internationale de la Francophonie en 2004, a joué un rôle déterminant, aux côtés d’Yvan Bernier et Robert Pilon, en Corée du Sud notamment pour convaincre les dirigeants locaux de signer la Convention, malgré les pressions américaines exercées sur le pays dans le cadre d’ententes commerciales sur l’industrie du cinéma. Dans la dernière étape avant l’adoption du texte, Liza Frulla et Line Beauchamp ont également joué un rôle majeur en vue de convaincre l’ensemble des provinces du Canada des bien-fondés de la Convention. Ces deux ministres, au niveau fédéral et au niveau de la province du Québec, ont été les porte-parole du dossier de la diversité culturelle devant l’UNESCO, avec l’appui de l’ensemble des provinces canadiennes. Le 20 octobre 2005 les États membres de l’UNESCO ont adopté la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles à l’occasion de leur 33e Conférence générale, à Paris. Et c’est seulement deux ans après que le Directeur général de l’UNESCO eut été mandaté, ce qui demeure un exploit dans le monde de la diplomatie internationale. La situation n’était plus celle de 2003. Line Beauchamp explique : « À l’UNESCO, à Paris, il y avait un nombre vraiment impressionnant de pays qui ont tenu à prendre la parole, et là les gens savaient de quoi on parlait. » C’est à cette époque que les Américains deviennent plus agressifs, faisant pression jusqu’au bureau du premier ministre Jean Chrétien. Mais la suite est celle que l’on connaît. Liza Frulla précise : « Un grand moment a été lorsque nous avons vu le vote et quand nous avons vu tous les pays lever leur pancarte. Et le meilleur moment, assurément, c’est quand Line et moi, ensemble, on a pris notre main et on a levé notre pancarte. »
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La Convention aujourd’hui : un texte et une réalité
Quelles sont les grandes dates ? • Le 20 octobre 2005, la Convention est adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO. • Le 10 novembre 2005, le Québec est le premier État du monde à avoir approuvé la convention par un vote unanime à son Assemblée nationale. • En décembre 2005, le Canada devient le premier pays à ratifier la convention. • Le 18 mars 2007, la convention entre en vigueur, soit trois mois après le dépôt du trentième instrument de ratification. • En date d’avril 2007, 53 États au total ont ratifié le texte. Les objectifs de la convention sont (article 1) : • de protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles; • de créer les conditions permettant aux cultures de s’épanouir et interagir librement de manière à s’enrichir mutuellement; • d’encourager le dialogue entre les cultures; • de stimuler l’interculturalité; • de promouvoir le respect de la diversité des expressions culturelles et la prise de conscience de sa valeur; • de réaffirmer l’importance du lien entre culture et développement; • de reconnaître la nature spécifique des biens et services culturels en tant que porteurs d’identité, de valeurs et de sens; • de réaffirmer le droit souverain des États d’élaborer des politiques culturelles; • de renforcer la coopération et la solidarité internationales en vue de favoriser les expressions culturelles de tous les pays. La convention consacre le rôle de la culture comme acteur du développement (article 13), mobilise la société civile pour la réalisation de ses objectifs (article 11) et place la solidarité internationale au cœur de son dispositif (articles 12 à 19), en prévoyant, entre autres, la création d’un Fonds international pour la diversité culturelle (article 18). Elle souligne aussi « l’importance des droits de propriété intellectuelle pour soutenir les personnes qui participent à la créativité culturelle » et réaffirme que « la liberté de pensée, d’expression et d’information […] permettent l’épanouissement des expressions culturelles au sein des sociétés18 ».
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Qu’est-ce que cela signifie juridiquement ? La Convention est un instrument juridique international contraignant. Elle est sur un pied d’égalité avec les autres traités internationaux. L’UNESCO dispose à présent d’un cadre juridique complet, comprenant sept conventions19 qui couvrent la diversité culturelle dans son ensemble, en particulier les deux piliers de la culture : le patrimoine matériel et immatériel et la création contemporaine. La convention contribue donc à consacrer la diversité culturelle en droit international. La Convention demain : ce qu’il reste à accomplir
Line Beauchamp: « Nous sommes 54 pays signataires. Ce n’est pas assez, cela ne fait pas une convention forte. C’est la première chose sur laquelle il faut continuer à travailler […] Nos gestes au quotidien comptent aussi. Derrière le fait qu’on achète un livre, qu’on regarde une émission à la télé, qu’on écoute un disque, qu’on admire un tableau, derrière cela, il y a des politiques culturelles de gouvernement. Notre culture québécoise repose sur des politiques culturelles. » Louise Beaudoin: « Lorsque les États-Unis vont décider de contester une mesure considérée comme protectionniste, que ce soit au Québec, au Canada ou ailleurs dans le monde, c’est là que l’on va voir si cette convention passera le test de la réalité. » Sheila Copps: «Il faut sensibiliser nos jeunes. C’est la relève qui va s’assurer si oui ou non il y aura des cultures à défendre d’ici 100 ans... » Liza Frulla : « Il faut que la convention non seulement dure dans sa signification même, mais qu’on l’applique. Il faut absolument que la société civile reste mobilisée. » Ce qu’elles ont dit… en images Line Beauchamp: « On aurait beaucoup la tentation, derrière le mot “protection” de penser que la convention agit comme une barrière, mais c’est tout le contraire. Donc, je préfère employer l’image du tremplin. La convention est là pour assurer qu’il y ait des tremplins entre chaque peuple et qu’on soit capable à l’avenir de se parler et d’avoir accès non seulement à notre propre culture, mais aussi à la culture des autres. » Louise Beaudoin: « Pour saisir l’importance de l’enjeu, je dirais que la convention est comme un Kyoto de la culture. On sait jusqu’à quel point l’environne-
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Participants du Rendez-vous stratégique, lors de la table ronde, 28 avril 2007.
ment, cela intéresse, cela impressionne, cela mobilise. J’aurais tellement voulu que les citoyens soient aussi mobilisés sur cette question de la diversité culturelle. Dans le fond, la convention vise à sortir la culture des négociations multilatérales commerciales. » Sheila Copps: « On vit dans la première période de l’histoire du monde où le nombre de langues est en train de diminuer. Quand il y a des langues qui disparaissent, il y a des cultures qui disparaissent en même temps. La question de la diversité, c’est celle de porter la diversité humaine sur le même plan que la diversité des espèces menacées. » Liza Frulla: « C’est tout simplement un outil de survie dans ce que nous sommes, dans notre essence même, aussi de ce que nous sommes comme Québécois et Canadiens. Et c’est littéralement cela, et c’est aussi grave que cela. Un outil de survie. » > À visionner : vidéo de la table ronde, 28 avril 2007, www.inm.qc.ca Quelques pistes de réflexions
>
Avec l’impact de la mondialisation, le Québec perd-il sa spécificité ? S’américanise-t-il, s’uniformise-t-il ou se distingue t-il d’un point de vue culturel ?
>
La libération des échanges et des produits culturels est-elle une menace ou une bonne occasion pour la culture québécoise ?
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Comment l’État québécois doit-il agir dans le contexte de la mondialisation pour que sa culture s’épanouisse ? À quel niveau doit-il agir ? Quel doit être le rôle du Canada ?
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En image, comment représenteriez-vous la diversité culturelle dans le monde ?
L'importance de la culture du local au mondial
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NOTES Politiques culturelles et financement de la culture 1. Damian Nisenson et Ziya Tabassian jouent une improvisation musicale lors du lancement du Conseil des arts de Montréal en tournée 2007-2008. Photo : Tayaout-Nicolas. 2. L’Île d’Entrée, dans l’archipel des Îles-de-la-Madeleine. Photo : Gabrielle Leblanc, VVAP Îles-de-laMadeleine. 3. Azafran Or Rouge du Ballet Flamenco Arte de España, une chorégraphie de Laura Lynne McGee. Photo : Hervé Leblay. 4. Serge Bouchard cité par Nicolas Houle, « La culture québécoise sous observation. Entre la vigueur créatrice… et les risques d’implosion ! », Le Soleil, 27 janvier 2007, p. A15. 5. Claude Fortin, table ronde à Rimouski, le 16 mars 2007. Claude Fortin est directeur d’un centre d’accès en arts médiatiques. 6. Rosaire Garon, « Le Québec, des pratiques culturelles en mutation », Cahier spécial de l’INM sur la culture, op. cit., p. 15. M. Garon est sociologue et professeur associé à l’Université du Québec à TroisRivières. Il a été responsable, à partir de 1979, de l’enquête sur les pratiques culturelles des Québécois, au ministère de la Culture et des Communications. 7. Diane Saint-Pierre, « Les politiques culturelles du Québec : état des lieux et défis », Cahier spécial de l’INM sur la culture, op. cit., p. 18. 8. Comptes publics 2005-2006, vol. 2. 9. Pour en savoir plus sur l’Agenda 21, un document à vocation mondiale, voir : www.agenda21culture.net. Le rôle des régions 10. Marlène Dubé, grand dialogue, Rencontre nationale à Montréal, le 27 avril 2007. 11. Simon Brault, table ronde à Montréal, le 16 mars 2007. 12. Rosaire Garon, grand dialogue, Rencontre nationale à Montréal, le 27 avril 2007. 13. Pierre Bernier, cité dans Le Droit, « Culture et identité », 10 mars 2007, p. A2. 14. « Les conférences régionales des élus (CRE) sont les interlocuteurs privilégiés du gouvernement en matière de développement régional pour le territoire ou la communauté qu’elle représente. La CRE est une instance composée d’élus municipaux qui s’adjoint des représentants des divers secteurs socioéconomiques et des communautés autochtones pour favoriser la concertation des principaux intervenants et assumer la planification du développement régional. » Source : ministère des Affaires municipales et des Régions, www.mamr.gouv.qc.ca. 15. Source : Observatoire en économie sociale et en développement régional, www.uqo.ca. Le Québec et l’UNESCO 16. Leurs fonctions reliées à la culture : Line Beauchamp : ministre de la Culture et des Communications du Québec de 2003 à 2007. Louise Beaudoin : ministre de la Culture, des Communications et des Relations internationales du gouvernement du Québec de 1994 à 2003, envoyée spéciale sur la diversité culturelle à l’Organisation internationale de la Francophonie en 2004. Sheila Copps : ministre du Patrimoine canadien de 1996 à 2004. Liza Frulla : ministre de la Culture et/ou des Communications du Québec de 1989 à 2004, ministre du Patrimoine canadien de 2004 à 2006. 17. Titre du rapport, avril 2002. En ligne : www.mcc.gouv.qc.ca 18. Voir le texte de la Convention : http://portal.unesco.org/culture/fr. 19. Convention sur la protection et promotion de la diversité des expressions culturelles (2005); Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003); Convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique (2001); Convention pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel (1972); Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels (1970); Convention pour la protection du patrimoine culturel en cas de conflit armé (1954); Convention universelle sur le droit d’auteur (1952, 1971). Source : Communiqué de presse n°2007-23, UNESCOPRESSE, 13 mars 2007.
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> constats Les participants reprochent aux médias nationaux l'insuffisance de contenu régional. D'autre part, ils déplorent l'homogénéisation et la pauvreté de certains contenus diffusés dans les médias d'information en général.
> propositions citoyennes Les médias doivent prendre conscience de leur devoir d'informer et de bien le faire. Ce faisant, ils peuvent devenir des acteurs relais de la culture québécoise démocratique et pluraliste.
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La responsabilité des médias
■ Peu d’efforts sont faits de la part des médias nationaux pour rendre compte des réalités régionales du Québec et de la culture québécoise dans son ensemble. Cette « paresse médiatique » provoque une méconnaissance entre les régions et une perte de cohésion nationale. Les participants soulignent plusieurs enjeux qui en témoignent : • Il y a peu de débat public dans les médias en général. • Quand il est question des régions plus rurales, c’est très souvent l’angle folklorique qui est privilégié. On fait peu de cas de la vitalité culturelle des régions éloignées des grands centres. • La recherche de rentabilité amène à faire de la télé pour plaire à un public. Comme le plus gros du public est à Montréal, on fait de la télé pour plaire aux Montréalais. • Les régions se sentent isolées. Plusieurs se disent mal desservies sur le plan médiatique. Les médias locaux et communautaires ne sont pas assez soutenus. Les participants reviennent sur une question qui a circulé dans les médias, début 2007 : doit-on fermer les régions? Le fait que les médias nationaux se sont posé cette question vaut des critiques acerbes de la part de participants. « Je trouve cela scandaleux d’entendre : “faut-il fermer les régions?” On participe au bien-être du Québec et de Montréal ! » s’exclame un citoyen.
PARESSE MÉDIATIQUE INQUIÉTANTE
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Échanges à Gatineau, le 3 février 2007.
La concentration des médias
La concentration des médias à Montréal est contestée. Selon Myriam Ségal, animatrice d’affaires publiques au Saguenay–Lac-Saint-Jean : « Montréal a pris une enflure dangereuse au Québec. On est en train de devenir un pays sous-développé parce que le Québec n’a pas développé son territoire de façon équitable et intelligente depuis une quarantaine d’années. On a permis à la moitié de la population de s’installer dans une métropole qui vit dans un monde. Ces gens pensent qu’ils sont le Québec. » Ce regroupement des institutions et des personnes a des conséquences énormes sur les contenus culturels diffusés : « Cela est dramatique, ajoute-t-elle, dans le domaine artistique, dans le domaine des médias, dans le domaine des idées, parce qu’aucune idée ne peut être approuvée si elle n’est pas passée par le filtre des grandes émissions ou des grands éditeurs montréalais4. » À cette concentration géographique des médias à Montréal s’ajoute une concentration de la propriété des médias eux-mêmes. L’information est concentrée dans quelques entreprises qui contrôlent plusieurs médias. C’est le cas du groupe Quebecor qui a acheté Vidéotron et TVA. Pour Jean-Claude
La responsabilité des médias
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Leclerc, professeur de journalisme, «les géants médiatiques répercutent partout des nouvelles qui restaient auparavant limitées à un public local5 ». Plusieurs participants estiment que la convergence contribue à l’homogénéisation de la culture québécoise. Ces «monopoles médiatiques» ont un effet néfaste sur l’épanouissement culturel et en constituent l’une des principales barrières. Cela causerait même un clivage entre Montréal et les autres régions. Contenu artistique insuffisant
On reproche aux médias de masse d’entretenir le star system et de négliger une multitude d’expressions artistiques et d’activités culturelles, pourtant dynamiques, sur l’ensemble du territoire du Québec. Fort peu d’artistes font partie du « secteur culturel organisé » auxquels contribuent les médias de masse, explique Guy Bellavance, professeur à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). On y rencontre surtout des interprètes, des médiateurs et des communicateurs. En revanche, il y a peu de créateurs visuels, d’auteurs littéraires ou de compositeurs de musique. On y trouve peu d’anglophones et de Québécois issus de l’immigration récente, et que dire de l’absence quasi totale des peuples autochtones. «La fixation actuelle sur le star system, note M. Bellavance, nuit à la diversité interne et freine nos capacités d’innovation. On ne peut que souhaiter que cesse une telle fixation et que s’ouvrent de nouveaux horizons6.» Les participants déplorent le peu de place accordée aux communications intercommunautaires dans les médias et souhaitent que l’interculturalisme au sein de la société se reflète dans les médias. Comment résoudre ces problèmes? Sensibiliser les médias à leur mission éducative en matière culturelle et interculturelle, en appeler à la responsabilité des médias régionaux, soutenir les médias communautaires et indépendants, forcer les médias publics (Radio-Canada et Télé-Québec) à produire du contenu régional et faire de Télé-Québec un véritable réseau national.
Propositions citoyennes ■ «Nous proposons d’augmenter, de renforcer et d’améliorer l’image des régions véhiculée par les médias, notamment par les moyens suivants:
REVALORISER L’IMAGE DES RÉGIONS
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• développer des médias alternatifs et soutenir les médias indépendants et communautaires; • améliorer la qualité des médias régionaux; • faire en sorte que les médias nationaux traitent de sujets régionaux; • élargir et/ou régionaliser le mandat de Télé-Québec; • intégrer davantage de débats dans les médias; • intégrer plus d’intervenants régionaux; • faire appel à des correspondants régionaux pour les bulletins et émissions nationales.» (Abitibi-Témiscamingue, Bas-Saint-Laurent, Estrie, Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine)
Médias locaux et artistes : un même combat! Myriam Ségal, animatrice d’affaires publiques, Saguenay
«Ce que les artistes semblent vivre vis-à-vis de Montréal, les médias locaux le vivent également. Cela arrive souvent que l’on sorte une nouvelle dans la région, on l’envoie à Montréal, laquelle n’en veut pas. Le jour où cette même nouvelle apparait dans La Presse, notre réseau la reprend. Mais on la lui avait envoyée il y a deux semaines!»
■ « Nous proposons de faire de TéléQuébec un véritable réseau de télévision national. » (Gaspésie–Îles-de-laMadeleine)
MISSIONS POUR LES MÉDIAS PUBLICS
« Nous proposons d’affirmer et de consolider les missions éducative et culturelle aux diffuseurs publics tels que Radio-Canada et Télé-Québec. » (Montréal)
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■ «Nous proposons de sensibiliser les médias au rôle majeur qu’ils ont au niveau de la transmission de la culture et des valeurs
MÉDIAS SOUS SURVEILLANCE
La responsabilité des médias
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communes ainsi que de l’ouverture au monde, en faisant preuve de la plus grande objectivité.» (Estrie, Mauricie, Québec) «Nous proposons d’interroger les médias régionaux (éthique, vision) sur leur contribution à la définition de la culture québécoise.» (Estrie)
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«Nous proposons que les subventions gouvernementales faites aux médias soient conditionnelles à une programmation inclusive et diversifiée qui favorise l’intégration socioculturelle au Québec.» (Montréal)
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La situation doit changer ! Aurélien Bisson, porte-parole des citoyens, Gaspésie–Îlesde-la-Madeleine, Rencontre nationale, Montréal
Pour l’instant ce sont les médias nationaux, pour ne pas dire montréalais, qui nous définissent, qui débattent de notre avenir. Doit-on fermer les régions du Québec? Cette question que personne ne se pose en Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, en Abitibi-Témiscamingue ou sur la Côte-Nord, certains médias de Montréal se la posent. Les médias nationaux projettent des régions rurales du Québec une image qui les conforte dans l’idée qu’ils s’en font. Cette image tient trop souvent du folklore. Les téléséries ou téléromans présentés sur les chaînes de télévision nationales perpétuent cette représentation. Malheureusement, les médias communautaires et régionaux font peu de place aux débats régionaux et sont trop souvent les relais de l’activité culturelle montréalaise. »
PLACE AUX ARTISTES DES RÉGIONS ■ « Nous proposons de dégager un espace médiatique national au profit des créateurs et artistes œuvrant dans les régions autres que celle de Montréal. » (Québec)
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«Nous proposons de créer un observatoire pour qu’il y ait un équilibre au niveau de la couverture culturelle dans chaque région.» (Bas-Saint-Laurent)
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Des artistes bien vivants Véronique Marcotte, porte-parole des citoyens, Mauricie, Rencontre nationale, Montréal
Dans la communauté artistique, on constate une mainmise de Montréal. Mais cela ne nous empêche pas de vivre et de créer. Ce n’est pas parce que les médias montréalais ne parlent pas de nous qu’il ne se passe rien ici pour autant.»
■ «Nous proposons que le Québec favorise la déconcentration, la décentralisation et l’appropriation régionale des outils de communication pour stimuler la responsabilisation des citoyens. » (Mauricie, Outaouais)
NOUVEAUX OUTILS EN RÉGION
«Nous proposons d’exiger la production d’un téléjournal pour la région du Bas-Saint-Laurent.» (Bas-Saint-Laurent)
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«Nous proposons de créer un groupe de concertation régionale dans le cadre de la Conférence régionale des élus ayant comme mandat d’accroître la couverture médiatique des événements et des pratiques culturelles de la région.» (Outaouais)
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«Nous proposons de créer un fonds sur les revenus publicitaires dans les hebdos régionaux au profit des médias indépendants.» (Bas-Saint-Laurent) SOUTIEN AUX MÉDIAS INDÉPENDANTS
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FORMER LES FUTURS JOURNALISTES ■ «Nous proposons d’offrir une formation en communication aux journalistes, dispensée par l’Université du Québec à Rimouski, pour améliorer la qualité de la couverture médiatique.» (Bas-Saint-Laurent)
La responsabilité des médias
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Quelques pistes de réflexions
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Est-ce que les régions rurales du Québec intéressent les médias nationaux ?
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Comment les médias régionaux et nationaux pourraient-ils mieux jouer leur rôle de mise en valeur de la diversité culturelle ?
Le comportement des médias nationaux n’a-t-il par pour effet de renforcer le sentiment, chez certains, que « le Québec, c’est Montréal » ?
NOTES 1. Daniel Gagné au micro, lors de la Rencontre régionale à Val-d’Or le 3 février 2007. 2. Atelier de discussion à Gatineau, le 3 février 2007. 3. Article sur le Rendez-vous stratégique dans La Tribune, le 17 mars 2007. Photo: IMACOM Maxime Picard. 4. Myriam Ségal, table ronde à Saguenay, le 16 mars 2007. 5. Jean-Claude Leclerc, «Accommodements raisonnables. Les médias ont-ils exagéré?», Le Devoir, 5 février 2007, p. B6. 6. Guy Bellavance, «Les artistes, le star system et la nouvelle économie culturelle», Cahier spécial de l’INM sur la culture, op.cit., p. 20-21. Guy Bellavance est professeur à l’INRS, Urbanisation, Culture et Société et membre de la Chaire Fernand-Dumont sur la culture.
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> constats
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L'éducation, thème transversal du Rendez-vous stratégique de l'INM sur la culture, représente, selon les participants, l'avenue privilégiée pour consolider la culture québécoise. L'école en particulier, mais aussi la famille et l'ensemble de la société ont un rôle clé à jouer.
> propositions citoyennes Les citoyens s'entendent sur la nécessité de rapprocher l'éducation et la culture, autant en matière de pratique culturelle (développer l'éducation à l'art et à la culture) que de transmission des valeurs (consolider une culture commune pluraliste).
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L’éducation : moteur de culture
■ L’école s’impose comme le lieu privilégié pour développer les pratiques culturelles, ce qui n’exclut pas l’influence de la famille. L’éducation à la culture est une occasion de rapprocher les jeunes et les artistes, de susciter des vocations de créateurs, de permettre aux artistes de se produire dans les écoles, lesquelles permettent ainsi d’agir positivement sur la demande et l’offre culturelle. Les participants fixent un mandat prioritaire pour l’école : donner le goût de notre culture, de notre langue et de notre histoire. Des participants suggèrent d’instaurer un cours de curiosité culturelle.
DE LA PRATIQUE AU GOÛT DE LA CULTURE
Apprendre pour transmettre L’école doit transmettre le patrimoine, l’histoire, la culture tant régionale que nationale ainsi que des valeurs. Elle doit être porteuse de références culturelles québécoises. Mais pour transmettre, il faut avoir appris. Les participants veulent que l’on renforce à l’école l’apprentissage de la langue, des arts et des lettres, de la philosophie, des sciences humaines. L’école est aussi le lieu où l’on doit favoriser l’intégration des cultures, la connaissance de l’Autre. Favoriser l’apprentissage de la citoyenneté est le gage de la construction d’une société pluraliste et inclusive.
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Propositions citoyennes «Nous proposons de faire de l’école un vrai milieu de vie qui stimule la créativité et qui intègre les arts et la culture, afin de redonner le goût de la culture, de notre culture, de notre langue et de développer la sensibilité à la chose commune.» (Québec)
MANDAT POUR L’ÉCOLE : DONNER LE GOÛT DE LA CULTURE
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«Nous proposons de développer à l’école des pratiques pédagogiques et des activités utilisant les œuvres culturelles comme matériau afin d’en découvrir le sens, le message, favorisant ainsi chez les jeunes un lien plus personnel, plus solide avec la culture.» (Québec)
La culture, une recette qui marche! Louis Germain, porte-parole des citoyens de Québec, Rencontre nationale, Montréal
« Il faut que le matériel que les enfants reçoivent serve aussi dans les autres matières. Pourquoi en mathématiques faut-il toujours qu’on soit en train de calculer la vitesse à laquelle le robinet remplit le bain ? On peut fort bien utiliser des événements culturels comme matériau scolaire. Transformer le milieu scolaire en milieu culturel. La pédagogie se servirait de la production culturelle comme matériau. »
« Nous proposons d’accroître l’importance de la culture dans la formation des maîtres et de rehausser les exigences lors de la sélection des candidats à l’enseignement. » (Québec, Outaouais)
REVOIR L’ENSEIGNEMENT DES ARTS ET DE LA CULTURE
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L’éducation : moteur de culture
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« Nous proposons de prioriser l’enseignement de la culture et de la littérature québécoise dans toutes les institutions d’enseignement. » (Saguenay–Lac-Saint-Jean)
Éducation à la culture Lorraine Pintal, directrice artistique et générale du Théâtre du Nouveau Monde (TNM), Montréal
Depuis des années, on a imposé au système d’éducation une absence désastreuse de l’enseignement des arts et on n’a pas encouragé la fréquentation des arts en très bas âge. Comment peut-on penser que l’adulte, après 10 ans de désert culturel, va tout à coup s’intéresser à la culture ? Il y a un travail énorme à faire du côté de l’éducation. »
LA RESPONSABILITÉ DE TOUS L’école ne peut assumer seule le rôle d’éducation et de transmission de la culture. C’est pourquoi les participants recommandent des maillages entre le milieu scolaire et le milieu culturel mais aussi avec les autres secteurs de la société. La responsabilité est partagée et chacun a un rôle à jouer pour construire le Québec : • le monde de l’éducation (le ministère de l’Éducation, les Commissions scolaires, les professeurs, les élèves etc.), • le milieu culturel (les organismes culturels, les artistes, etc.), • les pouvoirs publics, les médias et la société civile. Enfin, des participants reconnaissent le rôle primordial de la famille dans le partage et la transmission de la culture et des valeurs communes.
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«Nous proposons d’augmenter significativement le nombre de prestations d’artistes à l’intérieur des écoles dans le but : • d’initier les jeunes aux différentes pratiques culturelles; • de créer des habitudes de pratiques culturelles; • d’introduire la culture à l’école; • de maintenir les sorties culturelles, en groupe; • de soutenir financièrement les artistes.» (Québec) AMENER LES ARTISTES DANS LES ÉCOLES
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«Nous proposons que le ministère de l’Éducation adopte des moyens concrets pour intégrer les artistes aux activités culturelles ainsi qu’aux curriculums scolaires et qu’il s’assure de la qualité et de la diversité de ces activités.» (Abitibi-Témiscamingue, Mauricie)
Une solution au renouvellement des publics? Olivier Kemeid, directeur artistique de l’Espace Libre, Rencontre nationale, Montréal
«Le renouvellement des publics est un des plus grands défis à relever pour le milieu culturel, un renouvellement qui n’aura pas le choix de passer par le système éducatif. Les sorties culturelles doivent être inscrites dans le cursus scolaire et ne devraient pas être accomplies dans le seul but d’une “utilité académique”. Ce qui me semble fondamental – et hélas peu fréquent – est la mise en contact avec le geste créateur, le cri. Cela veut dire voir du théâtre de création, de la danse contemporaine, des expositions d’art moderne, etc. Il en va de notre survie, comme artistes, mais aussi comme peuple.»
L’éducation : moteur de culture
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DES PRATIQUES CULTURELLES TOUT AU LONG DE LA VIE ■ « Nous proposons
de développer une politique permettant d’initier, favoriser, valoriser, implanter et promouvoir les pratiques culturelles et l’intérêt pour les arts dès la petite enfance à travers les lieux d’enseignement (du préscolaire à l’université), d’éducation populaire (centres communautaires) et de diffusion culturelle (maisons de la culture). » (Abitibi-Témiscamingue, Bas-Saint-Laurent, Estrie, Montréal, Outaouais, Québec) ■
«Nous proposons d’accroître le financement et l’offre de formation initiale et spécialisée, générale et professionnelle, à tous les niveaux reliés aux pratiques culturelles afin d’assurer la continuité, l’accessibilité et l’enrichissement de la culture.» (Outaouais)
« Nous proposons de bonifier et de promouvoir le programme La culture à l’école et d’en simplifier les processus. » (Bas-Saint-Laurent, Estrie) PROGRAMME LA CULTURE À L’ÉCOLE
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QU’EST-CE QUE LA CULTURE À L’ÉCOLE ? Créé en 2004, le programme La culture à l’école encourage la mise sur pied de projets d’activités culturelles par des enseignants et des ressources culturelles professionnelles. Il vise également à soutenir la réalisation de projets régionaux liés, notamment, à l’application de la politique culturelle d’une commission scolaire5.
■ « Nous proposons de mettre en place une politique culturelle dans les commissions scolaires. » (Estrie)
COMMISSIONS SCOLAIRES ET POLITIQUES CULTURELLES
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«Nous proposons de mettre de l’avant le partenariat entre les commissions scolaires et les villes. » (Estrie)
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Comment ça marche ? Monique Nadeau-Saumier, présidente d’honneur du Rendez-vous stratégique, représentante du secteur culture à la Conférence régionale des élus de l’Estrie, Sherbrooke
«En Estrie, plusieurs commissions scolaires se sont dotées de politiques culturelles. Par exemple, la Commission scolaire de Sherbrooke (CSS) s’est dotée d’un comité culturel qui élabore et coordonne les activités culturelles dans ses 41 écoles. Il existe déjà un protocole d’entente entre la CSS et la Ville de Sherbrooke qui augure favorablement la mise en place et le développement des activités culturelles. Cela dit, trop souvent, les activités culturelles sont limitées, principalement à cause des frais de déplacement (en autobus scolaire), surtout dans les régions rurales. Il est à souhaiter que l’on bonifie les budgets affectés aux activités culturelles dans les commissions scolaires et que les municipalités s’impliquent financièrement à soutenir ces activités. »
«De responsabiliser davantage les éducateurs et les citoyens à la transmission de la culture et à l’importance de la qualité du français par: • la mise sur pied de cours de philosophie dès le primaire, • l’augmentation du nombre de sorties culturelles, • l’initiation des jeunes à l’importance du patrimoine québécois, • la formation des éducateurs en matière culturelle.» (Montréal) LES RESPONSABILITÉS DANS LA TRANSMISSION
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■ «Nous proposons de développer un sentiment d’appartenance et de fierté régionale chez les jeunes d’âge scolaire par l’acquisition de connaissances patrimoniales régionales et par des échanges interculturels et intergénérationnels.» (Gaspésie–Îles-de-laMadeleine)
RENFORCER LA FIERTÉ RÉGIONALE DES JEUNES
L’éducation : moteur de culture
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«Nous proposons de mettre en place des programmes éducatifs visant à faire connaître le Québec actuel dans sa totalité à tous ses citoyens, dans le but de favoriser la compréhension d’une région à l’autre et d’une minorité à l’autre.» (Montréal) PROGRAMMES POUR CONNAÎTRE LE QUÉBEC
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«Nous proposons de mettre en place des programmes éducatifs et d’échanges interrégionaux sur la culture destinés aux jeunes, dans une perspective d’éducation à la citoyenneté.» (Bas-Saint-Laurent)
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«Nous proposons d’implanter un programme d’éducation aux médias.» (BasSaint-Laurent)
INTERCULTURALISME ET CITOYENNETÉ ■ «Nous proposons de profiter de la mise en place de la réforme pour renforcer le rôle de l’école comme lieu d’apprentissage et de transmission de la culture québécoise, d’ouverture et de sensibilisation à l’interculturalisme et d’apprentissage de la citoyenneté.» (Estrie, Mauricie, Montréal, Québec, Saguenay–Lac-Saint-Jean) ■
«Nous proposons d’intégrer la dimension interculturelle du Programme d’éducation internationale (PEI) dans les programmes d’éducation réguliers en mettant l’accent sur la mémoire collective (histoire universelle), la philosophie, la psychologie.» (Estrie)
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« Nous proposons d’améliorer le programme de l’éducation à la citoyenneté à l’école.» (Bas-Saint-Laurent)
«Nous proposons que l’éducation soit reconnue comme la valeur centrale,le fondement de notre société et de son développement, en considérant particulièrement l’amélioration de l’enseignement du français et de l’histoire, pour tous.» (Montréal) L’ÉDUCATION AU FONDEMENT DE LA SOCIÉTÉ
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« Nous proposons d’élargir l’enseignement de l’histoire universelle et nationale incluant l’apport des autochtones, des anglophones et des minorités, aux niveaux primaire et secondaire, c’est-à-dire un élargissement du contenu et du nombre d’années d’enseignement (transmission élargie des savoirs historiques, référence au modèle français). » (Montréal)
ÉLARGIR L’ENSEIGNEMENT DE L’HISTOIRE
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« Nous proposons que l’école soit porteuse de références historique, artistique, littéraire. » (Québec)
RÉFÉRENCES CULTURELLES À L’ÉCOLE
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■ «Nous proposons d’enrichir les programmes éducatifs en augmentant la rigueur au plan de l’enseignement de la langue et en incluant des références culturelles québécoises.» (Outaouais)
RIGUEUR DE LA LANGUE FRANÇAISE
Rigueur et… amour des mots Sylvie-Luce Bergeron, porte-parole des citoyens d’Estrie, Rencontre nationale, Montréal
«L’école s’impose comme le vecteur principal de transmission de la langue française au Québec. N’est-il pas alors nécessaire d’y enseigner d’abord et avant tout l’amour des mots, de leur histoire, de leurs nuances et surtout de leur portée?»
« Nous proposons de valoriser la profession d’enseignant auprès des parents et favoriser l’échange entre professeurs et étudiants, et même entre professeurs. » (AbitibiTémiscamingue)
LIENS ENTRE PROFESSEURS, ÉLÈVES ET PARENTS
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« Nous proposons de modifier le curriculum de formation des professeurs de manière à favoriser la transmission aux étudiants de notions de sciences humaines obligatoires et développer leur sens critique. » (Montréal)
■ «Nous proposons de revaloriser le rôle et la place de la famille dans la transmission des valeurs fondamentales et de la culture identitaire québécoise, en complémentarité avec les institutions publiques, notamment l’école. Outiller les parents à cet égard.» (Québec, Mauricie)
RÔLE PRIMORDIAL DE LA FAMILLE
L’éducation : moteur de culture
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La famille, notre noyau… Celeste Fabricio, étudiante en anthropologie, Université Laval, Québec
«La famille est un aspect sociologique important oublié au Québec et qui a un lien direct avec la société. La famille est le noyau de la société, de la culture et de l’éducation. » …qui se désintègre? Rosaire Garon, sociologue, spécialiste des pratiques culturelles, Rencontre nationale, Montréal
«Il faut humaniser les rapports familiaux dans un univers de plus en plus déterminé par les machines. Celles-ci envahissent les foyers et nous bombardent de messages culturels. Cette diffusion amène une individualisation des pratiques qui a des conséquences importantes sur la vie familiale. Il y a une perte de lien social entre les membres de la famille. Maintenant, les jeunes se réfugient dans leur chambre pour regarder la télé, écouter leur musique. Chacun s’isole pour sa consommation culturelle. Auparavant, le poste de télé ou de radio était un élément rassembleur. »
Quelques pistes de réflexions
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L’école québécoise est-elle devenue le lieu souhaité d’une culture publique commune, l’incubateur d’une culture qui se renouvelle dans la diversité ?
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Est-elle un lieu concret d’apprentissage du pluralisme ou reproduit-elle à son insu les clivages ethniques ?
>
Comment l’école doit-elle transmettre la culture commune, la mémoire collective?
120 • l a c u lt u r e , n o t r e av e n i r ! NOTES 1. La petite Janeth dans Si j'avais un chapeau, un film d’Anaïs Barbeau-Lavalette. 2. Atelier de discussion à Gaspé, le 17 mars 2007. 3. Participantes à Carleton-sur-Mer, le 2 février 2007. Sur le mur, une projection d'un texte : « Je me souviens… de quoi au juste? » 4. Liu Fang au guzheng interprète un extrait du concert Dans un jardin chinois lors du lancement du Conseil des arts de Montréal en tournée 2005-2006. 5. Source : ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, programme La culture à l'école 2007-2008, www.mels.gouv.qc.ca
deuxième partie
Des pistes d'action à privilégier, des rêves collectifs à réaliser
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Les 21 priorités citoyennes
PROCESSUS ■ Le choix de priorités pour l’action constitue l’aboutissement de la démarche du Rendez-vous stratégique. Les participants de la Rencontre nationale d’avril 2007 ont été appelés à trier parmi les 97 propositions provenant des Rencontres régionales celles qui leur apparaissaient devoir être retenues en tant que pistes d’action à privilégier pour réaliser l’avenir qu’ils souhaitent pour la culture québécoise. Réunis en sept ateliers, ils ont délibéré sur un ensemble de propositions reliés à un axe thématique particulier, puis ils ont voté individuellement pour choisir trois priorités (par atelier). RÉSULTAT DU VOTE ■ 21 propositions sur les 97 soumises au débat ressortent comme prioritaires. Pour chaque axe thématique, l’ordre dans lequel se suivent les priorités correspond au résultat du vote en atelier. Ex : pour l’axe Culture commune : valeurs, citoyenneté et langue française, la priorité 1 a réuni plus de votes que les priorités 2 ou 3.
Nous reproduisons ces 21 priorités ensemble, mais elles se trouvent aussi tout au long des chapitres avec les autres proposées par les régions.
Les 21 priorités citoyennes
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Culture commune : valeurs, citoyenneté et langue française Priorité 1 Réaffirmer et promouvoir l’usage de la langue française comme : la langue commune au sein de l’espace public; le véhicule privilégié de la culture québécoise; le vecteur de l’expression de l’identité collective; un moyen propice à la réduction des clivages en fonction de l’âge, de la religion, de l’ethnie, de la langue maternelle, etc. Priorité 2 Tenir des états généraux pour définir les valeurs fondamentales communes du Québec. Que ces états généraux favorisent la participation du plus grand nombre de Québécois et de Québécoises de tous les horizons. Ces valeurs communes pourront être regroupées dans une charte, un code ou une éventuelle constitution de l’État québécois, ou prendre la forme d’un projet social, politique, économique et culturel pour le Québec. Ces valeurs communes sont compatibles avec la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. • Qu’à cet égard, l’INM réalise auprès de la population une enquête afin de repérer et évaluer les forces et les faiblesses des racines de l’identité culturelle québécoise (par exemple : les classiques, le syndicalisme, la religion, la social-démocratie) afin de rédiger un « texte fondateur » de la culture québécoise. • Considérant le clivage Montréal-régions et la nécessité d’y remédier, que l’INM tienne une activité de réflexion sur le thème de la solidarité nationale. Priorité 3 Revaloriser et favoriser la réappropriation et la diffusion la plus large possible de l’histoire du Québec, faite de pluralité.
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Culture commune : la relation à l’autre, immigration, pluralisme religieux et culturel Priorité 4
Favoriser le dialogue interculturel dans l’espace public, au niveau des régions, des villes, des villages et des quartiers, par la création de forums, par des échanges culturels, des jumelages et des formules d’accompagnement, afin de favoriser la tolérance, la cohésion, le respect et l’acceptation de la diversité, d’une part, et de l’identité québécoise, d’autre part. Priorité 5
Que les institutions publiques québécoises soient complètement laïcisées tout en préservant l’expression symbolique dans l’espace public. Priorité 6
Favoriser l’accueil des immigrants dans toutes les régions du Québec, notamment par les moyens suivants :
DÉCLARATION SPÉCIALE Nous reconnaissons que la culture est universelle. Son expression étant diversifiée, nous nous élevons contre le clivage entre Montréal et le reste du Québec dont les médias exagèrent l’ampleur. En matière de dynamique régionale, l’avenir de la culture québécoise repose sur : > un dialogue constant entre toutes les régions du Québec; > une juste distribution des ressources disponibles (humaines, financières, matérielles et médiatiques); > la mise en valeur des particularités et richesses de chaque région; > la reconnaissance du rôle respectif de chacune des régions urbaines et rurales. De plus, nous revendiquons une plus grande place de la culture régionale dans les médias en accroissant, par tous les moyens, la participation à des activités culturelles auprès de tous les citoyens, notamment des jeunes.
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• préparer les municipalités, les intervenants sociaux et les structures d’accueil à accueillir les immigrants en développant les comportements et les politiques nécessaires, dont un kit d’accueil culturel des immigrants en région et une campagne de sensibilisation et promotion à l’accueil des immigrants dans tous les secteurs d’activité de la région; • décentraliser l’immigration vers les régions dans une optique d’occupation du territoire; • amener chacune des collectivités à tracer son portrait identitaire afin de développer un modèle national d’accueil et d’intégration adaptable aux collectivités locales. Ce modèle s’appuierait, d’une part, sur les lignes directrices et les valeurs communes des Québécois et permettrait, d’autre part, d’informer davantage les immigrants sur la dimension irréductible de l’identité culturelle commune (langue, chartes des droits, démocratie, etc.), ses codes culturels et sa part évolutive; • investir dans les régions pour favoriser l’entreprenariat afin de développer des emplois pour faciliter l’intégration des immigrants et pour retenir les immigrants et les jeunes en région.
Les régions Priorité 7
Favoriser la transmission de la culture régionale par les moyens suivants : • que l’école devienne un lieu concret d’apprentissage de l’histoire et de la culture régionales; • qu’on développe un système d’éducation populaire et intergénérationnelle permettant l’apprentissage de l’histoire et de la culture régionales; • que les médias rendent compte davantage des réalités régionales contribuant, elles aussi, à l’identité et à la culture québécoises. Priorité 8
Que les pouvoirs publics favorisent la diffusion culturelle en région : • favorisent et encadrent, notamment par un réseau de partenaires, la circulation des artistes, la diffusion des œuvres et des organismes
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culturels dans et à l’extérieur de leurs régions respectives afin de renforcer l’identité régionale et québécoise, de réduire les fractures interrégionales et de combler la méconnaissance culturelle des régions; • créent des bourses pour les artistes à mi-carrière qui tiennent compte des particularités régionales; • favorisent l’implantation de centres d’artistes; • assouplissent la politique de financement des déplacements des artistes des régions. Priorité 9
Qu’afin d’assurer une vitalité culturelle sur tout le territoire québécois, l’État revoie ses programmes de financement dans le domaine culturel pour se doter d’une politique d’action régionale significative – incluant des outils financiers substantiels – pour soutenir la recherche, la création, la diffusion, la production, la diversité des pratiques artistiques et l’accessibilité.
Les politiques culturelles et le financement de la culture Priorité 10
Proclamer le statut prioritaire de la culture, notamment : • réaffirmer le rôle de l’État dans le développement de la culture; • donner à la culture le statut de service public au même titre que l’éducation et la santé; • reconnaître l’importance de la culture au développement durable de notre collectivité; • reconnaître la nécessité d’identifier, développer et soutenir des moyens de transmission et de diffusion pérennes de celle-ci; • reconnaître le rôle de l’artiste et l’impact de ses activités dans les différentes sphères de la société; • réaffirmer le devoir de l’État de favoriser la démocratisation et l’accessibilité à la culture; • réaffirmer l’importance du rôle de l’État dans le financement de la culture, dans l’établissement de politiques et dans sa promotion; • exiger l’application rigoureuse des politiques culturelles déjà en vigueur.
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Priorité 11
Soutenir le rôle des médiateurs culturels qui font le pont entre la culture et la population et développer un réseau de passeurs-médiateurs culturels, afin de promouvoir une plus forte intégration et une certaine cohésion sociale en : • identifiant les pôles et en renforçant les liens (entre culture, éducation, université, municipalités, etc.); • favorisant les contacts interinstitutionnels : écoles, municipalités, entreprises; • valorisant l’enseignement des arts; • accentuant les efforts de promotion de la culture dans les cégeps et les universités; • améliorant la formation des enseignants pour les sensibiliser aux arts et à la culture; • mettant à contribution l’ensemble des intervenants (ex. : animateurs dans les écoles). Priorité 12
Que, pour le financement de la création artistique : • l’État assure un soutien récurrent adéquat; • l’État favorise le développement du mécénat individuel et collectif dans le secteur privé pour assurer de meilleures conditions de vie aux artistes et aux organismes culturels, par des mesures fiscales appropriées; • l’État mette en place des mécanismes pour contrer les effets négatifs du statut de travailleur autonome pour les artistes notamment en ce qui a trait à l’accès au crédit, la retraite et les mesures fiscales, etc.).
Les médias d’information et les nouvelles technologies Priorité 13
Que les gouvernements fassent en sorte de réduire la fracture numérique et de rendre accessibles les nouvelles technologies de l’information, notamment Internet à haute vitesse, à toutes les régions.
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Priorité 14
Augmenter, renforcer et améliorer l’image des régions véhiculée par les médias, notamment par les moyens suivants : • développer des médias alternatifs et en soutenant les médias indépendants et communautaires; • améliorer la qualité des médias régionaux; • faire en sorte que les médias nationaux traitent de sujets régionaux; • élargir et/ou régionaliser le mandat de Télé-Québec; • intégrer davantage de débats dans les médias; • intégrer plus d’intervenants régionaux; • faire appel à des correspondants régionaux pour les bulletins et émissions nationales. Priorité 15
Faire de Télé-Québec un véritable réseau de télévision national.
L’éducation et le rôle de l’école : de la pratique au goût de la culture Priorité 16
Accroître l’importance de la culture dans la formation des maîtres et rehausser les exigences lors de la sélection des candidats à l’enseignement. Priorité 17
Faire de l’école un vrai milieu de vie qui stimule la créativité et qui intègre les arts et la culture, afin de redonner le goût de la culture, de notre culture, de notre langue et développer la sensibilité à la chose commune. Priorité 18
Développer à l’école des pratiques pédagogiques et des activités utilisant les œuvres culturelles comme matériau afin d’en découvrir le sens, le message, favorisant ainsi chez les jeunes un lien plus personnel, plus solide avec la culture.
Les 21 priorités citoyennes
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L’éducation et le rôle de l’école : apprendre pour transmettre Priorité 19
Responsabiliser davantage les éducateurs et les citoyens à la transmission de la culture et à l’importance de la qualité du français par : • la mise sur pied de cours de philosophie dès le primaire; • l’augmentation du nombre de sorties culturelles; • l’initiation des jeunes à l’importance du patrimoine québécois; • la formation des éducateurs en matière culturelle. Priorité 20
Développer un sentiment d’appartenance et de fierté régionale chez les jeunes d’âge scolaire par l’acquisition de connaissances patrimoniales régionales et par des échanges interculturels et intergénérationnels. Priorité 21
Mettre en place des programmes éducatifs visant à faire connaître le Québec actuel dans sa totalité à tous ses citoyens, dans le but de favoriser la compréhension d’une région à l’autre et d’une minorité à l’autre.
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Des rêves collectifs pour le Québec de demain
Après avoir réfléchi, délibéré et mis en priorité les propositions qui ont émané de toutes les Rencontres régionales, les participants rassemblés à la Rencontre nationale ont vécu un moment plutôt… magique. Ils ont été réunis dans une salle à haut plafond et à fenêtres immenses où ils ont été plongés dans une atmosphère hors du commun : une plénière sur les rêves collectifs. Inspirant vous dites ? Renversant ! Un accordéoniste et une danseuse aux costumes oniriques ont donné le ton en créant une ambiance chaleureuse et intimiste. Dans un premier temps, chacun a mis sur un bout de papier un rêve qu’il ou elle souhaiterait pour l’avenir du Québec. Puis, les citoyens ont été invités à le partager à leurs voisins et à formuler ensemble un rêve collectif, lequel allait être livré publiquement à partir de mises en scène fort imaginatives. Les groupes ont énoncé leur rêve en poème, ou l’ont joué en dramatique ou en chanson. On ne pouvait rester indifférent devant ces métaphores et ces visions heureuses pour le devenir du peuple québécois. La parole des citoyens a joui d’un espace d’expression où le social rejoint l’affectif, où le réel et l’imaginaire peuvent, quelque part, se croiser. Cette plénière, réunissant 200 personnes de tous les âges, a produit des rêves dont vous trouverez quelques extraits dans les pages qui suivent. L’ensemble des rêves exprimés est aussi disponible sur le site Internet de l’INM. Laissez-vous porter !
Des rêves collectifs pour le Québec de demain
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> Je rêve que nous vainquions nos peurs : peur de notre langue, peur de l’autre, peur de notre propre pays, peur du monde entier. Je rêve que nous nous accordions une bonne bouffée de confiance et de fierté de ce que nous sommes et de ce que nous voulons devenir. > Un Québec dont le lien ou le ciment serait le français, l’égalité, le mélange des influences, la solidarité et où la culture aurait la première place. > Que chaque jeune entre 16 et 22 ans ait fait le tour du Québec, région par région, sac à dos et auberge de jeunesse, transport gratuit. > Que les Québécois valorisent davantage, améliorent et soient fiers d’une langue française bien parlée. > Une société égalitaire qui partage ce qu’elle a, qui soit sensible à l’autre et porteuse d’espoir. Une société de savoirs et de cœur. > Je rêve d’un Québec dont l’ensemble des personnes serait capable d’un double mouvement pour plus de bonheur, de paix et de compréhension : un mouvement vers l’intérieur, vers soi, vers ses racines, vers sa culture; un autre mouvement vers l’extérieur, vers l’Autre, vers d’autres cultures dans le partage et l’accueil mutuel.
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> Affirmer très fortement nos valeurs culturelles collectives sous toutes les formes (langue, éducation, religion, arts) dans une charte, tout en laissant de la place pour les autres cultures afin que nous puissions profiter mutuellement de tout ce que la diversité peut apporter à l’être humain. > Un pays francophone multiculturel qui intègre ses immigrants par un apprentissage et une maîtrise de sa langue française, riche de sa diversité régionale, membre de la famille universelle des nations – son drapeau flottera à l’ONU entre celui du Qatar et celui de la Roumanie –, un pays ouvert sur la francophonie universelle et la latinité des Amériques, une société égalitaire, écologique et social-démocrate. > Rendre accessible pour tous les moyens, la connaissance et la diffusion de l’art et de la culture, et ce, dans la connaissance de nos différences et la recherche de ce qui nous rassemble comme citoyen. > Que l’art soit présent dans le quotidien de tous, qu’il soit un lieu de partage, de débat, d’émotions sur tout le territoire du Québec. Que l’art soit une respiration quotidienne. > Que l’éducation soit une priorité collective afin de favoriser le vivre ensemble comme vecteur de créativité et moyen d’intégration sociale. > Faire du Québec le modèle de développement durable en formant avec tous les citoyens une société « apprenante » basée sur ses valeurs et sa culture.
Des rêves collectifs pour le Québec de demain
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> Un Québec aux cultures multiples qui s’entremêlent au quotidien dans toutes les sphères de la société avec le français comme véhicule principal de communication et toutes ses petites sœurs linguistiques pour la beauté de toutes les langues parlées et écrites. > Mon rêve est que le Québec devienne un citoyen qui inspire le monde de par ses innovations en matière d’éducation citoyenne. > Créer dans chacune des régions du Québec un genre d’Expo 67 en modèle réduit. Le président du comité sera quelqu’un de la région élue. Il sera le dernier immigrant arrivé. Le but : faire connaître sa région aux autres régions, y compris Montréal. > Qu’il soit connu, reconnu et valorisé par le plus grand nombre de Québécois que la culture, en plus de générer du bonheur identitaire, est un moteur économique puissant. > Que les acteurs culturels du Québec participent de façon significative à la gouvernance des projets culturels de leurs milieux, de leurs régions. > Que la société québécoise amène son industrie culturelle à un niveau où elle aura un impact décisionnel important auprès des gouvernements. > Que tous les Québécois fassent une activité culturelle par mois à l’extérieur de leur résidence. Celle-ci exclut les activités organisées par l’école. Pour une jeune famille, cela pourrait être une activité incluant tous ses membres. > Nos enfants doivent baigner dans un lac culturel (famille, école) afin de vivre leur sentiment identitaire et leur histoire. Que par la culture, tous les jeunes Québécois puissent se connaître et s’ouvrir à l’autre, quelle que soit leur origine.
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> Naître, grandir et vieillir au sein d’une nation souveraine diverse et ouverte se préoccupant du bien-être de ses individus et de leur bonheur (bonheur national brut) et vivant en harmonie avec la nature qui l’accueille, la nourrit, l’entoure et avec le reste du monde. > Que mes enfants grandissent dans un Québec où ils n’auront pas honte de se dire féministes, de gauche et humanistes. > Que les enfants expriment leurs rêves et qu’ils apprennent à écouter ceux des autres. > Que le Québec s’affirme comme nation pacifique, respectueuse de la vie humaine, absolument engagée contre la guerre. Une nation sans armes, sans armée, ni fabrique ou commerce d’armes et qui véhicule ses valeurs à travers le monde. > Faire du Québec un lieu de paix modèle pour l’humanité, c’est-à-dire un lieu sans pauvreté, sans pollution, lieu d’équité sur le plan économique, lieu d’ouverture pour les nouveaux arrivants, lieu d’expression de la VIE. > Que la fierté collective des Québécois ne soit plus exprimée en réaction à une autre culture (ex : anglophone ou canadienne), mais plutôt en une affirmation positive de ce que nous sommes comme peuple. Que la culture québécoise devienne positive et sûre d’elle-même.
Des rêves collectifs pour le Québec de demain
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> Un Québec pacifique, ouvert et sans « laissés-pour-compte », dans lequel la recherche du bonheur est possible pour tous. > Avoir un pays souverain et démocratique : un Québec inclusif, juste et créatif. > Je rêve d’un Québec pacifique, féministe, respectueux de sa magnifique nature et fou, non seulement de ses enfants, mais carrément de culture… de toutes les cultures ! Je rêve qu’il soit fier de sa langue et heureux de la parler correctement. Je rêve d’un Québec qui aime réfléchir, débattre, lire, chanter et, de temps en temps, manifester sa joie avec une petite « stepette » ! > Que tous les citoyens aient un plaisir à s’engager dans un projet de développement durable, tant sur le plan social, culturel qu’environnemental. > Mon rêve serait que la priorité de notre société soit toujours les plus défavorisés. > Dialogue entre les villes, les villages, les quartiers, entre les générations, sur les éléments essentiels de la vie en société : paix, conscientisation de la portée de nos actes sur l’humanité et la planète.
Du rêve à la réalité… Quel rêve collectif aimeriez-vous promouvoir pour le Québec ?
conclusion
La culture en devenir : des actions et des rĂŞves
La culture en devenir : des actions et des rêves C É L I N E S A I N T -P I E R R E Coprésidente du Comité directeur du Rendez-vous stratégique
Les délibérations du Rendez-vous national ont mené à l’adoption de 21 propositions découpées en sept grands axes d’action. Ceux-ci peuvent se penser comme autant d’éléments d’un plan stratégique à mettre en œuvre dans les prochaines années. Les débats ont été intenses et fort riches. Par ailleurs, les consensus ont été atteints en toute harmonie. Reconnaissant d’emblée que la culture québécoise actuelle est en pleine transformation plutôt qu’en état de crise ou de stagnation, et considérant l’influence du pluralisme culturel et religieux, des régionalismes et des réalités autochtones, de la mondialisation, d’Internet et des nouvelles technologies, les participants ont d’abord été amenés à s’entendre sur un certain nombre de constats sur la situation actuelle de la culture québécoise. Forts de ces constats, ils ont été appelés à faire des choix de priorités d’action et à partager les rêves collectifs qui les habitent pour dessiner l’avenir qu’ils souhaitent pour la culture québécoise. Ces propositions se conçoivent comme autant de pistes d’action dont certaines demandent à consolider des orientations et des pratiques actuelles, alors que d’autres exigent d’initier de nouvelles façons de faire, voire de les inventer, pour prendre en compte les particularités de la société québécoise. La culture québécoise : une culture commune ou une mosaïque d’identités ?
Une réponse claire à cette question a été donnée et un travail de fond a été initié par les participants. D’abord, un consensus fort a émergé des délibérations pour définir la culture québécoise à partir d’une culture commune et non comme une mosaïque d’identités cohabitant les unes à côté des autres. Tout en étant un choix clair, cette culture commune que l’on veut ouverte à la diversité ne demande pas mieux que d’être définie plus rigoureusement.
Conclusion
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Un travail de fond pour identifier les éléments fondamentaux qui composent cette culture commune a donc été initié durant ce Rendez-vous et il faut souligner sa pertinence. Il devra être poursuivi et des moyens ont été proposés à cette fin. Il m’apparaît important de rappeler la teneur de ces éléments, compte tenu de l’importance accordée à cette question dans l’ensemble des thématiques abordées lors de ce Rendez-vous. C’est un acquis sur lequel on peut déjà miser pour poursuivre les prochains débats sur cette question. Les fondements de la culture commune, dont la mise en œuvre requiert des actions précises, se déclinent ainsi : • La reconnaissance de la langue française comme langue de l’espace public, comme langue privilégiée de la culture et comme vecteur de l’expression de l’identité collective. • La nécessité de s’entendre sur des valeurs fondamentales communes dont le contenu devra faire l’objet d’un consensus à établir parmi les Québécois et les Québécoises à la suite de consultations et de débats. Dans le même ordre d’idées, on croit important de réfléchir sur le sens de la solidarité nationale, à partir du constat d’un clivage ressenti entre les régions et Montréal. • Une histoire du Québec faite de pluralité qu’il faut revaloriser et transmettre le plus largement possible. • La promotion du dialogue interculturel dans l’espace public, dans les régions, les villes et les quartiers, par la multiplication des formes d’échanges culturels favorisant l’acceptation de la diversité et de l’identité québécoise. • Des institutions et un espace public complètement laïcisés. • Un modèle d’accueil et d’intégration des immigrants à développer à travers toutes les régions du Québec, axé sur les valeurs et l’identité culturelle communes des Québécois; pour cela, il est proposé de mener dans toutes les municipalités des campagnes de sensibilisation à l’accueil des immigrants dans tous les secteurs d’activité. L’élaboration de cette culture commune et son partage ne renvoient pas uniquement au contexte de la diversité ethnoculturelle et à un travail spécifique dans cet espace. Ils font apparaître une autre facette de la société québécoise : celle des régions. Il est important de noter que les participants
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ont élaboré des propositions allant dans le sens d’un renforcement des liens entre les régions elles-mêmes et, en particulier, entre Montréal et les autres régions. Si on ne veut plus qualifier les rapports entre les régions par un clivage entre Montréal et le reste du Québec, on s’entend sur l’urgence de mettre en place plusieurs moyens pouvant favoriser la rencontre des identités régionales et de l’identité québécoise. Plusieurs des moyens proposés sont tout à fait innovateurs et d’autres appellent à un renforcement de ce qui existe actuellement ou aurait déjà existé. À titre d’exemple, il est proposé de travailler à la mise en valeur de la culture de chaque région et d’assurer sa transmission par l’école et par les médias. La circulation des artistes et des œuvres et la présence d’organismes culturels et de centres d’artistes sont aussi sollicitées pour maintenir ou accroître la vitalité culturelle sur tout le territoire. La culture québécoise à l’heure d’Internet et de la planète
Le contexte de la mondialisation et l’impact majeur des nouvelles technologies sur la production et la diffusion culturelles frappent toutes les sociétés et se présentent de prime abord comme une menace pour plusieurs d’entre elles. Cependant, les participants ont voulu aller au-delà d’un positionnement défensif et examiner comment ce contexte pourrait aussi se transformer en opportunité pour le Québec, d’où l’importance d’examiner les conditions à réunir pour y arriver. Vis-à-vis d’une mondialisation qui a tendance à produire une homogénéisation des cultures, il faut d’autant plus miser sur le plein épanouissement des cultures tant locales que régionales et nationales. Il faut aussi pouvoir être partie prenante de processus créatifs à l’échelle de la planète et, à cet égard, les créateurs et les artistes du Québec y occupent une place significative. Par ailleurs, le combat mené par le Québec, tout particulièrement, et par le Canada dans l’élaboration et la ratification de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO est aussi un exemple édifiant. Compte tenu cependant de la position précaire de la société québécoise dans l’ensemble nord-américain, il s’avère nécessaire, selon les participants, de proclamer le statut prioritaire de la culture et de maintenir le rôle prépondérant de l’État à plusieurs égards.
Conclusion
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Dès lors, plusieurs actions doivent être posées : • Réaffirmer le rôle de l’État dans le développement de la culture et de reconnaître la culture en tant que service public au même titre que l’éducation et la santé. • Rappeler à l’État son devoir de favoriser la démocratisation et l’accessibilité pour tous, et d’assumer sa responsabilité dans le financement de la culture; les participants ont voulu rappeler que si la création et la production se portent plutôt bien au Québec, un travail important doit être fait sur l’expression de la demande en vue d’attirer ou de renouveler différents publics dans les divers lieux de diffusion. • Soutenir le rôle de médiateurs culturels chargés de faire le pont entre la culture et la population et, au besoin, de créer cette fonction dans diverses institutions. • Mieux reconnaître le rôle de l’artiste dans la société. Par ailleurs, reconnaissant que le Québec a fait un travail majeur dans la formulation et l’adoption de politiques culturelles depuis une quinzaine d’années, le temps est venu d’exiger leur application rigoureuse. Les médias d’information et les nouvelles technologies ont fait l’objet de propositions qui manifestent une réelle inquiétude concernant la croissance de la fracture numérique en voie de se transformer en fracture sociale. Pour cela, il est apparu impérieux aux participants de rendre Internet haute vitesse accessible dans toutes les régions. En outre, les participants s’entendent pour que le mandat de Télé-Québec en soit un national et que toutes les régions y trouvent leur place dans la programmation. L’éducation au cœur de la culture
L’éducation et le rôle de l’école sont au cœur du travail de transmission de la culture et des valeurs communes et du développement du goût de la culture chez les jeunes. Tous s’entendent pour reconnaître en l’école l’institution centrale devant prendre en charge cette transmission. À cet égard, il devient crucial de sensibiliser les éducateurs au rôle qui leur revient en tant que passeur culturel. Par ailleurs, on insiste pour que l’école favorise la créativité et intègre davantage les arts dans l’enseignement et dans la vie culturelle de l’école.
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Des sujets peu traités et sur lesquels il faudra se pencher
Toutes les composantes de la culture identifiées dans la définition retenue au début de notre démarche ainsi que les thématiques proposées aux débats des deux rencontres régionales n’ont pu être abordées et elles demanderaient à être reprises. Elles concernent les divers modes d’expression artistiques, les rapports entre les créateurs et les publics, les cultures en émergence, la culture anglophone et les cultures amérindiennes. Les rêves collectifs
Ce fut un moment magique durant lequel chaque participant a été appelé à énoncer et à partager avec les autres le rêve collectif qu’il veut promouvoir pour le Québec de demain. Les contenus qui s’en dégagent font mentir ceux qui parlent de pessimisme et de cynisme caractérisant la vision qu’auraient plusieurs citoyens. Si c’est le cas, ils n’étaient pas présents ce jour-là. On y voit poindre une société québécoise qui serait plus affirmative dans la promotion de sa culture, de ses valeurs et de sa langue, et qui aurait trouvé la façon de faire de la diversité et du pluralisme un enrichissement de ce qu’elle est et de ce qu’elle veut devenir. Une société où la culture est prioritaire, où chaque enfant a voyagé à travers le Québec, où les citoyens de toutes générations et de tous les milieux participent de la culture et utilisent les technologies pour apprendre et dialoguer. On y voit aussi un Québec qui peut assurer à ses artistes un niveau de vie convenable, une société axée sur le bonheur, la paix, la solidarité et le développement durable, qui soit accueillante pour tous les nouveaux arrivants, une société faite de cultures multiples qui s’entremêlent au quotidien et dont les porteurs communiquent à travers la langue française. Bref, on rêve d’un Québec citoyen qui inspire le monde… En sommes-nous si loin ? À vous d’en juger.
annexes
A – Remerciements aux artisans du Rendez-vous stratégique
L’INM remercie tous les artisans du Rendez-vous stratégique sur la culture :
> Les 1 500 participants à travers le Québec. > Les bénévoles ayant prêté leur concours à l’organisation des rencontres (animation, rapports d’ateliers, accueil et communication). > Les présidents d’honneur du Rendez-vous stratégique : Jules Bélanger, Aurélien Bisson, Sandy Boutin, Éric Forest, Marie Gignac, Patrick Lacombe, Dany Laferrière, Chantal L’Espérance, Michel Létourneau, Monique Nadeau-Saumier, Raymond Ouimet, Yvon Paré, Robert Poupart, Louise Sicuro, Fabiola Toupin. > La centaine de conférenciers invités. > Les auteurs du Cahier spécial de l’INM sur la culture, René Barsalo, Jacques Beauchemin, Guy Bellavance, Gérard Bouchard, Nadia Brédimas-Assimopoulos, Dorval Brunelle, Micheline Cambron, Michel Coulombe, Rosaire Garon, Marie-Andrée Lamontagne, Georges Leroux, Marie McAndrew, Louis Rousseau, Alain Roy, Céline Saint-Pierre, Diane Saint-Pierre. > Les membres du Comité directeur : Gérard Bouchard et Céline SaintPierre (coprésidents), Rachad Antonius, Guy Bourgeault, Dorval Brunelle, Pierre Curzi, Jean-Claude Icart, Paul Inchauspé, MarieAndrée Lamontagne, Vincent Lavoie, Marie McAndrew, Ira Robinson, Louis Rousseau, Alain Roy, Florian Sauvageau. > Les membres du Comité national de coordination : Roch Bilodeau, Lynda Champagne, Ariane Émond, Aude Lecointe, Jean-François Méthé, Rajae Nuiji, Céline Saint-Pierre, Linda Vallée, Michel Venne. > Les membres des Comités régionaux de coordination et autres collaborateurs : Pascal Alain, Sylvie-Luce Bergeron, Christian Bouchard, Ariane Cabirol, Lynda Champagne, Simon-Olivier Côté, Mahnaz Fozi,
Annexes
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Charles Guillemette, Gilles Héon, Guy Latreille, Caroline Lemire, Véronique Marcotte, Joanne Mineault, Andrée Pelletier, Françoise Perreault, Mireille Tremblay, Tommy Tremblay, Claude Sirois. > Tous les partenaires et commanditaires à travers le Québec, dont les deux principaux : le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles et le Conseil des arts et des lettres du Québec.
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B – L’École d’hiver de l’INM : des pistes d’action pour un Québec interculturel La première édition de l’École d’hiver de l’Institut du Nouveau Monde a eu lieu au Collège de Bois-deBoulogne du 16 au 18 janvier 2007. Sous le thème « Un Québec interculturel : comment vivre ensemble, égaux et différents ? », plus de 100 jeunes cégépiens de toutes les régions du Québec et d’origines diverses ont pris part à des activités variées, dont des conférences, une table ronde d’experts, un théâtre-forum et une visite guidée du Montréal interculturel. À différents moments de l’École d’hiver, les participants ont été encouragés à exprimer leurs points de vue sur la thématique et à rechercher des façons de contribuer au vivre-ensemble. Les participants ont été invités à formuler des pistes d’action pour construire un Québec interculturel. À la question « comment passer à l’action pour améliorer l’intégration des personnes immigrantes à l’échelle du Québec ? », ils ont proposé plusieurs pistes. La participation civique
> Affirmer clairement quelles sont les valeurs fondamentales de la société québécoise. > Lutter contre la ghettoïsation des cultures et favoriser une approche interculturelle en matière d’intégration des personnes immigrantes et d’origines diverses. > Favoriser le développement du sentiment d’appartenance de tous les citoyens à la société québécoise. > Encourager et soutenir la participation civique des Québécois issus de l’immigration et de diverses origines aux débats publics. > Encourager et soutenir les échanges interculturels, et ce, dès le jeune âge. > Créer à l’échelle locale des assemblées populaires rassemblant les résidants d’un même quartier afin de favoriser l’engagement citoyen et le dialogue interculturel; ces assemblées disposeraient de certains pouvoirs délégués par l’État et fonctionneraient selon le principe de la démocratie directe.
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> Favoriser la vie de quartier en milieu urbain en incitant les résidants à se côtoyer davantage. > Mettre sur pied des comités interculturels à l’échelle municipale. L’éducation et la sensibilisation
> Pour lutter contre le racisme, la discrimination, la peur de l’autre, l’incompréhension, le rejet, les stéréotypes et les préjugés, mettre en place des programmes d’éducation interculturelle destinés à l’ensemble de la population québécoise et, conséquemment, développer des stratégies diversifiées et innovatrices pour rejoindre chacun de ses segments. > Introduire dans le curriculum de l’école secondaire un cours d’éducation interculturelle. > Mettre sur pied des comités de réflexion sur l’interculturalisme dans les écoles, les milieux de travail, les institutions publiques, etc. > Développer l’ouverture d’esprit, le sens du respect de la différence et l’esprit critique de la population, et ce, dès le jeune âge. > Effectuer des jumelages entre des classes d’accueil et d’intégration d’immigrants et des classes d’enseignement régulier afin de favoriser la connaissance de l’autre et le dialogue interculturel. > Organiser des activités dans les écoles visant à faire ressortir les ressemblances entre les élèves par delà leurs différences culturelles. > Financer la tournée régionale d’une pièce de théâtre interactive abordant les enjeux liés à l’intégration des immigrants et à l’aménagement de la diversité culturelle au sein de la société québécoise. > Encourager et soutenir la tenue d’événements permettant la rencontre des cultures. Médias
> Sensibiliser les médias d’information aux impacts négatifs du sensationnalisme lorsqu’il est question d’enjeux liés à l’intégration des immigrants et à l’aménagement de la différence culturelle. > S’assurer que l’image véhiculée par les médias d’information reflète le caractère multiculturel de la population québécoise. > Faire appel à la télévision publique pour sensibiliser et informer la population quant aux enjeux de la diversité culturelle.
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L’insertion socioprofessionnelle
> Mettre en place un véritable système de reconnaissance des acquis et des qualifications professionnelles pour les nouveaux arrivants. Autres
> Favoriser l’établissement de personnes immigrantes en région en mettant sur pied un programme de parrainage jumelant un Québécois établi depuis longtemps avec un Québécois nouvellement arrivé, et ce, en partenariat avec le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles.
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C – Références Voici des références bibliographiques autour des sujets abordés au cours du Rendez-vous stratégique de l’INM sur la culture. Cette liste est ordonnée selon les chapitres de la première partie du livre. Elle n’est pas exhaustive, mais suggère des pistes de réflexion. Des valeurs communes
> Bouchard, Gérard et Alain Roy, La culture québécoise est-elle en crise ?, Montréal, Boréal, 2007. > Charte canadienne des droits et libertés : http://laws.justice.gc.ca/en/charter/const_fr.html. > Charte des droits et libertés de la personne, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse : www.cdpdj.qc.ca. > Dumont, Fernand, Raisons communes, Montréal, Boréal, 1995. La relation à l’autre
Interculturalisme et intégration > Centre de recherche sur l’immigration, l’ethnicité et la citoyenneté : www.criec.uqam.ca. > Conseil des relations interculturelles : www.conseilinterculturel.gouv.qc.ca. > Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles : www.micc.gouv.qc.ca. Nations autochtones > Affaires indiennes et du Nord Canada : www.ainc-inac.gc.ca. > Assemblée des Premières Nations : www.afn.ca. > Droits et Démocratie, section Droits autochtones : www.dd-rd.ca. > Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme - Peuples autochtones : www.ohchr.org. > Lepage, Pierre, Mythes et réalités sur les peuples autochtones, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Montréal, 2005. > Secrétariat aux affaires autochtones (gouvernement du Québec) : www.saa.gouv.qc.ca.
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Pluralisme religieux > Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles : www.accommodements.qc.ca. > Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec : www.cdpdj.qc.ca. > Leroux, Georges, Éthique, culture religieuse, dialogue : Arguments pour un programme, Montréal, Fides, 2007. La langue française
> Commissariat aux langues officielles (gouvernement du Canada) : www.ocol-clo.gc.ca. > Conseil supérieur de la langue française (gouvernement du Québec) : www.cslf.gouv.qc.ca. > Office québécois de la langue française : www.oqlf.gouv.qc.ca, incluant notamment la Charte de la langue française. > Organisation internationale de la francophonie : www.francophonie.org. > Rocher, Guy, « Les origines et les raisons de la Charte de la langue française », Annuaire du Québec 2007, Venne, Michel et Miriam Fahmy (dir.), Montréal, Fides, p. 217-222. Les nouvelles technologies
> Centre francophone d’informatisation des organisations : www.cefrio.qc.ca. > Conseil de la science et de la technologie (gouvernement du Québec) : www.cst.gouv.qc.ca. > Fondation Daniel Langlois pour l’art, la science et la technologie : www.fondation-langlois.org. > Société des arts technologiques : www.sat.qc.ca. La culture du local au mondial > Conseil des arts et des lettres du Québec : www.calq.gouv.qc.ca. > Institut de la statistique du Québec : www.stat.gouv.qc.ca. > Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine : www.mcc.gouv.qc.ca, notamment pour consulter les
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coordonnées des Conseils régionaux de la culture, des statistiques et des répertoires. > Ministère des Affaires municipales et des Régions : www.mamr.gouv.qc.ca. > Ministère du Patrimoine canadien : www.pch.gc.ca. > Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture : www.unesco.org. L’éducation
> Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport : www.mels.gouv.qc.ca, où vous pouvez consulter les publications, les statistiques et trouver des liens vers d’autres sites Internet sur l’éducation. Sur l’ensemble des thèmes du Rendez-vous, le lecteur peut se référer au Cahier spécial de l’INM sur la culture, Que devient la culture québécoise? Que voulons-nous qu’elle devienne?, publié dans Le Devoir du 20 janvier 2007 et disponible en ligne au www.inm.qc.ca.
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D – Cartes du Québec Le Québec, régions administratives
Source : Institut de la statistique du Québec
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Les nations autochtones
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Fondé en 2003, l’Institut du Nouveau Monde (INM) est un organisme indépendant, non partisan, sans but lucratif, voué au renouvellement des idées et à l’animation des débats publics au Québec. L’Institut travaille dans une perspective de justice sociale, dans le respect des valeurs démocratiques et dans un esprit d’ouverture et d’innovation. Par ses actions, l’INM encourage la participation civique des citoyens, le renforcement du lien social et la valorisation des institutions démocratiques. L’INM est lauréat du Prix Claire-Bonenfant 2005, prix de la citoyenneté remis par le gouvernement du Québec pour les valeurs démocratiques et l’éducation civique. Les activités de l’INM sont certifiées Planetair par l’organisme Unisféra, ce qui signifie qu’elles ont un impact carboneutre sur l’environnement. L’Institut du Nouveau Monde, c’est... ... L’École d’été, une école de citoyenneté aux airs festifs réunissant annuellement de 500 à 800 jeunes âgés de 15 à 35 ans. ... L’École d’hiver, une école de citoyenneté pour les cégépiens sur le thème du dialogue interculturel. ... Les Rendez-vous stratégiques, des grands débats ouverts et informés qui permettent de dégager une vision du Québec dans lequel nous voulons vivre dans 20 ans.
L’Institut du Nouveau Monde
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…La Grande Déclaration, portant sur les principes et les valeurs que la jeunesse désire promouvoir à l’échelle mondiale. ... À go, on change le monde !, un programme de soutien de l’entrepreneuriat social des jeunes âgés de 15 à 35 ans. ... Jeunes, science et démocratie, qui vise à faire entendre la voix de jeunes citoyens sur des enjeux technoscientifiques. ... Le Projet bonheur – Indicateurs de bien-être, qui propose un ensemble d’indicateurs de développement et de bien-être pour le Québec. ... Santé et citoyenneté, qui consiste à mettre en œuvre un plan de mobilisation des citoyens à l’égard de la santé et de la prévention. …Des conférences, des Midi citoyens, des ciné-débats, organisés tout au long de l’année et qui traitent de sujets d’actualité au Québec et dans le monde. ... L’Annuaire du Québec, et ses suppléments. Publié une fois l’an depuis 1995, L’Annuaire du Québec s’affirme d’année en année comme un ouvrage essentiel et incontournable sur l’actualité québécoise. Les suppléments permettent d’aborder en profondeur une thématique précise.
{
La mondialisation menace-t-elle notre culture ?
{
Quelle responsabilité pour les citoyens, l’État, le privé, les médias ? {
Quel rôle pour l’éducation dans la transmission de la culture ? {
Quel avenir voulons-nous pour la culture québécoise ? 1500 citoyens se prononcent
Résultats d’un grand dialogue citoyen à travers le Québec { 97 propositions {
21 priorités citoyennes
{
Des rêves collectifs
{
Et… une invitation au dialogue
notre avenir ! 21 priorités citoyennes pour la culture québécoise
Sous la direction de
Aude Lecointe et Céline Saint-Pierre
© Illustration : Philippe Beha
Aude Lecointe Saint-Pierre et Céline
le dialogue entre les régions
Sous la direction de
la langue française
Supplément de
L’Annuaire du
Québec
ISBN 978-2-7621-2852-9
ISBN 978-2-7621-2852-9
Une collection dirigée par
9 782762 128529
9,95 $ • 9 e
sur les valeurs communes
21 priorités citoyennes pour la culture québécoise
Les nouvelles technologies, une révolution culturelle ?
{ Favoriser
notre avenir !
{
l a c u l t u r e , n o t r e a v e n i r !
{ Vers une culture commune ou une mosaïque d’identités ?
Quel avenir pour la langue française ?
{ Promouvoir
La culture,
La culture québécoise à l’heure des choix {
{ Des états généraux
La culture,
Résultats du Rendez-vous stratégique sur la culture de l’Institut du Nouveau Monde
fides
Michel Venne
fides Une collection dirigée par
Michel Venne