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Octroi de chèques aux travailleurs : la fiscalité démêlée

Octroi de chèques aux travailleurs : la fiscalité démêlée

Dans la loi dite « CORONA III » [1], le législateur a introduit un nouveau type de chèque intitulé « chèque consommation ». Ce chèque poursuit un double objectif. Il vise tout d’abord à améliorer la situation économique et le pouvoir d’achat des travailleurs. En outre, il entend également soutenir les activités et l’emploi dans les établissements impactés par la crise du COVID-19 et relevant du secteur horeca, culturel ou sportif. Si toutes les conditions légales sont remplies, le chèque consommation est exonéré d’impôt sur les revenus pour le travailleur et déductible à titre de frais professionnels pour l’employeur. Nous examinerons ci-après le traitement fiscal du chèque consommation et nous le comparerons avec les chèques sport/culture, les chèques-repas et les éco-chèques.

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1. Chèque consommation

En principe, le chèque consommation octroyé par les employeurs à leurs travailleurs constitue une rémunération. Cet avantage de toute nature (ATN) est toutefois exonéré de l’impôt sur les revenus si un certain nombre de conditions cumulatives strictes sont remplies (article 19quinquies de l’arrêté royal du 28 novembre 1969). La circulaire 2020/C/131 du 22 octobre 2020 clarifie ces conditions juridiques.

L’arrêté royal opère une distinction entre les chèques papier et les chèques électroniques. Les conditions suivantes s’appliquent aux deux types :

• le chèque consommation ne peut pas être octroyé en remplacement ou en conversion de la rémunération, de primes, d’avantages en nature ou de tout autre avantage ou complément à tout ce qui précède. En d’autres termes, le chèque consommation doit être octroyé en plus de la rémunération existante du travailleur concerné ;

• l’octroi du chèque consommation doit (comme pour les chèques-repas) faire l’objet d’une convention collective de travail (CCT) ou d’une convention individuelle écrite. En ce qui concerne le secteur public, l’octroi du chèque consommation doit être prévu par un acte règlementaire ayant fait l’objet au préalable d’une négociation au sein du comité de négociation compétent ;

• le chèque consommation est valable jusqu’au 31 décembre 2021 inclus. Initialement, le chèque n’était censé être valable que jusqu’au 7 juin 2021 [2]. La durée de validité d’un chèque papier portant cette date est automatiquement prolongée jusqu’au 31 décembre 2021. Le chèque consommation émis sur support papier doit clairement mentionner sa durée de validité ;

• le chèque consommation ne peut pas être échangé ;

• le chèque consommation doit être délivré au nom du travailleur ;

• le chèque consommation ne peut être dépensé qu’au sein des (1) établissements relevant du secteur horeca ou dans les commerces de détail qui ont été contraints de rester fermés pendant plus d’un mois et qui, en la présence physique du consommateur dans l’unité d’établissement, proposent des biens ou des services au consommateur et qui constituent des micro-entreprises au sens de l’article 15/1 du Code des sociétés ; (2) établissements relevant du secteur culturel qui sont reconnus, agréés ou subventionnés par l’autorité compétente ou (3) les associations sportives pour lesquelles il existe une fédération, reconnue ou subventionnée par les communautés, ou qui appartiennent à l’une des fédérations nationales. Les chèques consommation émis sur support papier doivent mentionner ces informations.

L’arrêté royal prévoit deux limites à la valeur du chèque consommation. D’une part, la valeur d’un chèque consommation ne peut pas excéder la valeur nominale maximale mentionnée dans la convention collective de travail ou la convention individuelle, avec un montant maximum de 10 euros. D’autre part, un employeur ne peut pas octroyer plus de 300 euros de chèques consommation à un même travailleur. Un chèque consommation dont la valeur nominale serait supérieure à 10 euros ne donne ainsi pas droit à l’exonération de l’impôt sur les revenus. En outre, un chèque consommation octroyé à un travailleur ayant déjà bénéficié, de la part du même employeur, de chèques consommation pour une valeur totale de 300 euros ne donne pas non plus droit à l’exonération. Les chèques consommation sont dans ce cas imposables dans le chef du travailleur dans leur totalité et non uniquement pour la partie qui excède la limite de 300 euros.

[1] Loi du 15 juillet 2020 portant diverses mesures fiscales urgentes en raison de la pandémie du COVID-19 (CORONA III), MB 23 juillet 2020.

[2] Voir la circulaire 2021/C/25 du 12 mars 2021, addenda à la circulaire 2020/C/131.

La circulaire 2020/C/131 clarifie ce qui précède à l’aide des exemples suivants.

Le législateur a également introduit, avec effet rétroactif à partir du 17 juillet 2020, la possibilité d’émettre des chèques consommation sous forme électronique [3]. Pour ne pas être considérés comme une rémunération, les chèques consommation électroniques doivent non seulement remplir toutes les conditions applicables aux chèques consommation papier (cf. supra) mais également les conditions suivantes :

• le nombre de chèques consommation sous forme électronique et le montant brut sont mentionnés sur le relevé remis au travailleur concerné lors de chaque paiement final ;

• avant l’utilisation des chèques consommation électroniques, le travailleur peut vérifier de manière simple le solde ainsi que la durée de validité des chèques consommation qui lui ont été délivrés et qui n’ont pas encore été utilisés ;

• le choix en faveur de chèques consommation électroniques doit être réglé par une convention collective de travail ou par une convention individuelle écrite ;

• les chèques consommation électroniques ne peuvent être mis à disposition que par un éditeur agréé ;

• enfin, l’utilisation de ces chèques consommation ne peut pas entraîner de coûts pour le travailleur.

[3] Loi du 31 juillet 2020 modifiant diverses dispositions introduisant le chèque consommation électronique, MB du 17 août 2020. iStockphoto.com/:ljubaphoto.

Contrairement aux frais pour les chèques-repas (électroniques), chèquessport, chèques-culture et éco-chèques, le chèque consommation répondant à toutes les conditions est en principe déductible dans le chef de l’employeur à titre de frais professionnels au sens de l’article 49 du CIR 92. Le fait de ne pas remplir cumulativement toutes les conditions susmentionnées rend non seulement le chèque consommation imposable à titre de rémunération pour son bénéficiaire, mais, pour être déductible dans le chef de l’employeur, le montant total du chèque consommation doit être mentionné (article 57, 2°, CIR 92) en tant qu’avantage de toute nature dans le chef du travailleur sur la fiche individuelle appropriée parmi les rémunérations imposables.

Si toutes les conditions légales sont remplies, le chèque consommation est exonéré d’impôt sur les revenus pour le travailleur et déductible à titre de frais professionnels pour l’employeur.

Dans cette circulaire, l’administration a pris position sur la question de savoir si les dirigeants d’entreprise indépendants pouvaient également bénéficier de l’exonération de l’impôt sur les revenus si des chèques consommation leur étaient octroyés. L’administration estime que les dirigeants d’entreprise indépendants tombent en dehors du champ d’application de l’arrêté royal, de sorte que les chèques consommation dont ils seraient les bénéficiaires ne sont pas exonérés. En revanche, les dirigeants d’entreprise qui sont également des travailleurs salariés (avec contrat de travail) entrent dans le champ d’application de cette mesure si toutes les conditions sont remplies.

2. Chèques sport et culture

Les chèques sport et culture peuvent être utilisés par le bénéficiaire pour payer des cotisations à des organisations culturelles et/ou sportives, louer des terrains de sport, acheter des abonnements et des billets d’entrée, par exemple à la piscine, au musée, au théâtre, etc. Ces chèques ne peuvent pas être utilisés pour acheter du matériel ou des équipements sportifs.

Comme nous l’avons déjà mentionné, les frais encourus par un employeur ou une entreprise afin de fournir à ses travailleurs ou à ses dirigeants des chèques sport et culture ne sont pas déductibles à titre de frais professionnels.

En principe, ils constituent un avantage de toute nature imposable pour le travailleur ou le dirigeant. Toutefois, l’intervention de l’employeur ou de l’entreprise dans les chèques sport et culture est exonérée dans le chef du bénéficiaire, tant des travailleurs que des dirigeants d’entreprise (article 38, § 1, 25° CIR 92 et article 38/1 CIR 92), s’ils ne sont pas octroyés en remplacement d’une rémunération ou de toute autre compensation et si les conditions suivantes sont remplies.

L’octroi des chèques sport et culture doit faire l’objet d’une CCT ou d’une convention individuelle. En outre, les chèques ne peuvent être échangés qu’auprès d’institutions culturelles reconnues ou subventionnées ou d’organismes sportifs affiliés à une fédération reconnue ou à l’une des quatre fédérations nationales. Le chèque sport et culture, qu’il soit papier ou électronique, doit être émis au nom du travailleur ou du dirigeant et a une durée de validité limitée à 15 mois, allant du 1er juillet de l’année en cours au 30 septembre de l’année suivante. À la demande du Conseil national du Travail (CNT) et en raison de la pandémie du COVID19, la durée de validité des chèques qui expiraient le 30 septembre 2020 a été prolongée jusqu’au 30 septembre 2021 [4] . Le montant total des chèques sport et culture octroyés par l’employeur ou l’entreprise ne peut dépasser 100 euros par an par travailleur ou dirigeant. Enfin, le chèque ne peut pas être échangé contre des espèces.

3. Chèques-repas électroniques

Le chèque-repas est bien connu du grand public. Il s’agit d’une intervention de l’employeur dans les frais de repas de ses travailleurs et dirigeants.

Depuis le 1er janvier 2016, les chèques-repas ne peuvent plus être émis que par voie électronique et le montant maximum est plafonné à 8 euros par chèque-repas. Ce montant maximum se compose d’une intervention de l’employeur de 6,91 euros maximum et d’une intervention propre du travailleur d’au moins 1,09 euro.

Les frais encourus par une entreprise pour l’octroi de chèques-repas aux travailleurs ou dirigeants ne sont pas déductibles à titre de frais professionnels, à l’exception, le cas échéant, de l’intervention de l’employeur limitée à 2 euros par chèque-repas. Dès lors que l’intervention de l’entreprise par chèque-repas atteint ou dépasse les 2 euros, 2 euros par chèque-repas peuvent être déduits à titre de frais professionnels.

Les chèques-repas constituent un revenu exonéré pour le bénéficiaire s’ils ne sont pas octroyés en remplacement d’une rémunération ou de toute autre compensation et si les conditions suivantes sont remplies.

L’octroi des chèques-repas doit faire l’objet d’une CCT ou d’une convention individuelle. Le nombre de chèques-repas octroyés doit être égal au nombre de journées de travail effectivement fournies par le travailleur ou le dirigeant d’entreprise. Le chèque-repas est délivré au nom du travailleur ou du dirigeant d’entreprise et a une durée de validité limitée à douze mois. La durée de validité des chèques-repas électroniques qui expiraient entre le 1er mars 2020 et le 30 juin 2020 inclus et entre le 1er novembre 2020 et le 31 mars 2021 inclus a été prolongée de six mois en raison de la pandémie du COVID-19. En outre, la durée de validité des chèques-repas électroniques qui expiraient en mai et juin 2020 et dont la validité avait été prolongée de six mois peut être prolongée une nouvelle fois de six mois [5]. Le chèque ne peut être utilisé que pour payer un repas ou pour acheter des aliments prêts à l’emploi. L’intervention de l’employeur dans le coût du chèque-repas ne peut pas dépasser 6,91 euros par chèque, tandis que l’intervention du travailleur ou du dirigeant doit être d’au moins 1,09 euro.

Depuis le 1er janvier 2011, une condition supplémentaire s’applique aux cotisations de sécurité sociale qui n’a pas (encore) été intégrée dans le droit fiscal. Un chèque-repas ne peut être cumulé avec un défraiement pour le même repas le même jour.

4. Éco-chèques

Les éco-chèques sont destinés à l’achat de produits et de services à caractère écologique, tels que des appareils ménagers à faible consommation d’énergie, des installations d’économie d’eau, des investissements dans la mobilité durable, etc.

[4] Voir la circulaire 2021/C/28 du 16 mars 2021 relative à la prolongation de la durée de validité des chèques-repas, éco-chèques et chèques sport et culture, suite à la pandémie du COVID-19.

[5] Voir la note de bas de page 4.

iStockphoto.com/:JohnnyGreig.

Les éco-chèques peuvent être octroyés aux travailleurs et aux dirigeants d’entreprise (article 38, § 1, 25° CIR 92). Les frais encourus par l’employeur ou l’entreprise pour la fourniture des éco-chèques ne sont pas déductibles à titre de frais professionnels.

Les éco-chèques constituent un revenu exonéré pour le bénéficiaire (travailleur ou dirigeant) s’ils ne sont pas octroyés en remplacement d’une rémunération ou de toute autre compensation et si les conditions suivantes sont remplies.

L’octroi des éco-chèques doit faire l’objet d’une CCT ou d’une convention individuelle. La convention individuelle ou la CCT détermine la valeur de l’éco-chèque, avec un maximum de 10 euros par éco-chèque et un montant total maximum par travailleur ou dirigeant de 250 euros par an. L’éco-chèque est émis au nom du bénéficiaire et a une durée de validité limitée à 24 mois. En raison de la pandémie du COVID-19, la durée de validité des éco-chèques papier et électroniques qui expiraient entre le 1er mars 2020 et le 30 juin 2020 inclus et entre le 1er novembre 2020 et le 31 mars 2021 inclus a été prolongée de six mois. En outre, la durée de validité des éco-chèques qui expiraient en mai et juin 2020 et dont la validité avait été prolongée de six mois peut être prolongée une nouvelle fois de six mois [6]. L’éco-chèque ne peut être utilisé que pour l’achat de produits et de services à caractère écologique. Les éco-chèques ne peuvent pas être échangés partiellement ou totalement contre des espèces.

Si toutes les conditions cumulatives ne sont pas remplies, les éco-chèques octroyés seront considérés dans leur intégralité comme des avantages de toute nature imposables. Leur coût est alors déductible pour l’employeur s’il mentionne les éco-chèques comme rémunération sur les fiches de paie individuelles au nom des travailleurs ou des dirigeants d’entreprise.

Les éco-chèques sont des bons à usage multiple. Par conséquent, la TVA n’est pas due au moment de l’émission mais seulement au moment de leur utilisation. Toutefois, la TVA est due sur la commission perçue par la société émettrice des éco-chèques. Cette TVA facturée est alors également déductible.

[6] Voir la note de bas de page 4.

Isabelle Montmorency

Tomas Dujardin

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