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La « nouvelle » taxe annuelle sur les comptes-titres
La « nouvelle » taxe annuelle sur les comptes-titres
Avec la publication de la loi relative à la taxe annuelle sur les comptes-titres (ci-après : la TCT) au Moniteur belge du 25 février dernier (et son entrée en vigueur le 26 février 2021), le ministre des Finances engrange son premier trophée. En vue d’exécuter l’accord de gouvernement, dans lequel les partis au pouvoir promettaient de demander « une contribution équitable aux individus qui ont la plus grande capacité contributive, dans le respect de l’entrepreneuriat », le ministre s’était attelé à la tâche dès la fin octobre 2020 avec un premier (avant-)projet (v. la publication d’une disposition anti-abus au MB du 4 novembre 2020). Contraint par le Conseil d’État, qui avait émis une critique technique juridique, le ministre a finalement changé son fusil d’épaule et a présenté la « nouvelle » taxe comme un simple instrument budgétaire pour faire rentrer de l’argent supplémentaire dans les caisses (tristement vides) [1].
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1. Champ d’application
La taxe annuelle sur les comptestitres est incorporée au Code des droits et taxes divers (CDTD) : Livre II – Titre X – Taxe annuelle sur les comptes-titres, qui contient les articles 201/3 à 201/9/5, qui est présentée en néerlandais comme une « taxe d’abonnement » et qui est applicable à l’existence ou au maintien d’un compte-titres en tant que tel.
En résumé, la taxe sera due : sur un compte-titres (1.1) détenu auprès d’un intermédiaire (1.2) pendant une période de référence (1.3) et dont la valeur moyenne (1.4) des instruments financiers imposables (1.5) du compte-titres dépasse 1 000 000 € (1.4).
Ci-dessous, nous développons brièvement ces différents éléments.
1.1. Compte-titres
Un compte-titres est défini comme suit : « un compte sur lequel des instruments financiers peuvent être crédités ou duquel des instruments financiers peuvent être débités, peu importe qu’il soit détenu en indivision ou en propriété divisée » (article 201/3, 3° CDTD).
Pour les résidents, il s’agit des comptes-titres détenus auprès d’un intermédiaire, peu importe où cet intermédiaire est établi (donc, qu’il s’agisse d’intermédiaires belges ou étrangers).
Pour les non-résidents, il s’agit des comptes-titres détenus auprès d’un intermédiaire belge (voir également ci-après au sujet de l’application des conventions préventives de double imposition). Dans le cas spécifique des établissements belges pour les non-résidents (v. l’article 229 CIR 92), il s’agit toutefois des comptes qui font partie de l’actif de l’établissement belge, peu importe où ces comptes ont été constitués (en Belgique ou à l’étranger). Ainsi, un établissement stable en Belgique est traité de la même manière que, par exemple, une société belge [2].
Pour la définition de résidents et non-résidents, le texte (de l’article 201/3, 1° et 2° CDTD) renvoie aux dispositions applicables du CIR 92 (articles 2 § 1, 1° ; 2 § 1, 5° ; 220 et 227 CIR 92). [3]
Comme la définition l’établit clairement, la question de la qualité du propriétaire du compte-titres ne joue en principe aucun rôle. Cela signifie que la taxe sera également due pour les comptes-titres qui appartiennent à une société ou à une ASBL, voire à des personnes morales de droit public. En outre, les constructions juridiques, soumises à la taxe Caïman, sont concernées également. Ici, ni le nombre de propriétaires du compte ni le type de propriété (pleine propriété, propriété divisée, indivision) n’a d’importance.
[1] Loi du 17 février 2021 portant introduction d’une taxe annuelle sur les comptes-titres, MB 25 février 2021. Voir aussi Doc. parl. 1708/0011708/007 et Criv 55 Plen. 087. Il semblerait que l’objectif soit d’affecter le revenu de la taxe à la sauvegarde de la sécurité sociale et, en particulier, au financement des soins de santé mis largement sous pression par la gestion de la crise du COVID-19. D’après les estimations, la taxe permettrait annuellement de récolter environ 400 millions d’euros.
[2] De cette façon, ces comptes-titres peuvent, eux aussi, être imposés conformément aux « règles fiscales internationales », v. article 22, 2 du Modèle de convention de l’OCDE où l’imposition du patrimoine mobilier faisant partie de l’actif de l’établissement stable est confiée au pays où ledit établissement est établi.
[3] Remarque : par ailleurs est également pertinent l’article 201/3, points 9° et 10°, du CDTD, sur la base duquel les fondateurs d’une « construction juridique » (v. taxe Caïman ») sont, eux aussi, considérés comme « titulaires » d’un compte-titres pour la TCT.
1.2. Intermédiaire
Pour la définition d’intermédiaire, nous renvoyons à la législation financière. Dans ce cadre, les intermédiaires les plus fréquents sont les établissements de crédit (banques), les sociétés de bourse et les entreprises d’investissement (v. article 201/3, 6° CDTD).
Un intermédiaire belge est un intermédiaire constitué conformément au droit belge ou établi en Belgique. L’intermédiaire étranger qui travaille avec un représentant responsable est assimilé à un intermédiaire belge (v. article 201/3, 7° CDTD).
1.3. Période de référence
La période de référence est une période de douze mois successifs qui commence le 1er octobre et se termine le 30 septembre de l’année suivante. Dans certains cas, la période de référence peut également se terminer plus tôt, à savoir au moment de la clôture du compte-titres pendant la période de référence, si le compte-titres ne fait plus partie de l’actif d’un établissement belge ou si l’unique ou le dernier titulaire déménage et devient résident d’un État avec lequel la Belgique a conclu une convention préventive de double imposition. Les deux derniers cas s’appliqueront toutefois uniquement si la convention concernée n’octroie plus la compétence d’imposition de l’actif à la Belgique. Enfin, la période de référence se termine également si le compte-titres cesse de répondre à la définition de « compte-titres » telle que susmentionnée (article 201/3, 5° CDTD).
À titre d’exception, la première période de référence « normale » ne durera toutefois pas douze mois et courra du 26 février 2021 (date de l’entrée en vigueur) au 30 septembre 2021 (y compris).
1.4. La valeur moyenne se monte à plus de 1 000 000 €
Pour calculer la valeur moyenne, nous devons identifier la valeur des instruments financiers contenus par le compte-titres aux différents points de référence. Pour une période de référence normale, on compte quatre points de référence, à savoir le 31 décembre, le 31 mars, le 30 juin et le 30 septembre. Après la fin de la période de référence, nous calculons la valeur moyenne en divisant par quatre la somme des quatre valeurs. Si la période de référence est plus courte, alors des points de référence peuvent tomber. Par exemple, pour cette année, la période de référence court du 26 février au 30 septembre 2021, on ne compte par conséquent que trois points de référence, à savoir le 31 mars, le 30 juin et le 30 septembre 2021. Pour la prochaine période de référence, soit du 1er octobre 2021 au 30 septembre 2022, il y aura donc bel et bien quatre points de référence, sauf en cas de clôture préalable du compte-titres (v. ci-dessus).
Remarque. L’ouverture ou la clôture d’un compte-titres n’implique pas de points de référence supplémentaires. En d’autres termes, en cas d’ouverture ou de clôture d’un compte, seuls les points de référence visés ci-dessus et auxquels le compte existait seront pris en compte.
1.5. Instruments financiers imposables
En l’occurrence, il s’agit de tous les instruments financiers détenus sur un compte-titres, entre autres ceux visés à l’article 2, 1° de la loi du 2 août 2002 tels que les actions, obligations, fonds d’investissement, options, produits dérivés, etc. Les fonds sont également explicitement mentionnés (article 201/3, 4° CDTD). Certes, pour la plupart des comptes-titres, cela ne pose pas de souci (les fonds sont normalement enregistrés sur un compte épargne ou un compte en banque) ; mais cela peut être un problème dans certains cas. Le titulaire a dès lors tout intérêt à veiller à ce que les fonds ne se trouvent plus sur le compte-titres lors d’un point de référence (sauf s’il envisage encore un réinvestissement en titres).
Les actions/titres nominatifs ne feront partie des instruments financiers imposables que s’ils ont été versés sur un compte-titres. Dans le cas contraire, ils ne seront pas concernés par la TCT (en effet, en principe, il s’agit d’une taxe sur les comptes-titres).
Ni la loi ni les travaux préparatoires n’évoquent l’appréciation de la valeur de ces instruments financiers.
Mais il est logique que l’on puisse invoquer l’évaluation trimestrielle par l’institution financière (v. l’évaluation nécessaire pour la directive MiFID II). Faute de quoi, on pourra manifestement retomber sur une valeur (de marché) évaluée dans la mesure du possible.
2. Base imposable
La base imposable se compose de la valeur moyenne du compte-titres aux (différents) points de référence pendant la période de référence (article 201/5 CDTD). La TCT n’est due que si la valeur moyenne est supérieure à 1 000 000 €. Dans ce cas, la taxe est calculée à partir du premier euro (voir exemples ci-dessous).
3. Tarif
Le tarif de la taxe se monte à 0,15 %. Elle s’applique dès le premier euro.
Aucune progressivité n’a (à ce jour) été prévue et le tarif n’est pas non plus exprimé au prorata dans le cas où la période de référence est plus courte que douze mois.
Par contre, il est intéressant de constater que la TCT due est limitée à 10 % de la différence entre la base imposable et le montant de 1 000 000 € (soit le seuil).
Sans cette correction (un genre de « plafond »), un compte de 1 000 001 € serait imposé à raison de 1 500 € en TCT, ce qui ferait diminuer sa valeur à 998 501 € alors qu’un compte de 1 000 000 € (soit d’une valeur tout juste inférieure) ne serait absolument pas imposé. Toutefois, l’intérêt de cette « règle de limitation » reste restreint, car elle ne sera pertinente que si la valeur moyenne du compte-titres est ≤ 1 015 228,43 € [4].
4 Pour une valeur moyenne de précisément 1 015 228,43 €, la TCT due de 1 522,84 € est en effet égale à la limitation.
4. Exonération
L’article 201/4 du CDTD reprend une série d’exonérations qui, pour résumer, concernent spécifiquement les intermédiaire et visent plus particulièrement à éviter une cascade de la taxe et préserver le « custodion business » (y compris les dépositaires centraux de titres) en Belgique.
Il est important ici de noter que (pour résumer brièvement) l’exonération ne vaut que pour les comptes-titres détenus par les intermédiaires concernés pour leur propre compte et sans qu’un tiers (sauf à ce que ce tiers soit un autre intermédiaire (pouvant bénéficier des exonérations)) dispose d’un droit de créance direct ou indirect lié à la valeur du comptetitres détenu. C’est cette disposition qui pose des problèmes pour les assurances vie dites de la branche 23 pour lesquelles la compagnie d’assurance devrait s’acquitter de la taxe sur les comptes-titres qu’elle détient en fonds propres dans ce cadre [5]. Le risque que la taxe soit ensuite refacturée au petit investisseur (même si, lui-même, n’atteint pas les 1 000 000 €) est alors bien sûr tout à fait réel [6].
Dans cette contribution, nous ne discuterons pas de manière plus approfondie des exonérations.
5. Déclaration – Contribuable
La taxe est due le premier jour qui suit la fin de la période de référence (article 201/8 CDTD).
[5] Remarque : une assurance vie de la branche 23 contractée auprès d’une compagnie d’assurance étrangère qui détient les investissements sous-jacents sur un compte-titres à l’étranger ne sera en principe pas concernée puisqu’il s’agit alors d’un compte-titres non imposable détenu (auprès d’un intermédiaire étranger) par un non-résident (la compagnie d’assurance).
[6] Une assurance vie branche 21 (pouvant notamment prendre la forme d’une assurance pension), une assurance vie PLCI et un contrat branche 26 ne seront par contre pas concernés. En principe, une assurance groupe, une épargne pension par le biais, par exemple, d’un fonds d’épargne pension et les régimes EIP et PLCS ne seront pas concernés non plus.
5.1. Retenue libératoire, déclaration et paiement par l’intermédiaire
En principe, l’intermédiaire belge se charge du prélèvement, de la déclaration et du paiement de la taxe (article 201/9, § 1 CDTD). Dans le cas d’un intermédiaire étranger ayant désigné un représentant responsable, les mêmes obligations sont remplies par le représentant responsable.
La déclaration et le paiement doivent alors avoir lieu au plus tard le vingtième jour du troisième mois qui suit la fin de la période de référence. Pour la période de référence normale, cela tombe donc le 20 décembre. Par exemple, pour la première période de référence, qui se terminera normalement le 30 septembre 2021, l’intermédiaire devra déclarer et payer la taxe au plus tard le 20 décembre 2021.
Dans cette perspective, le dernier jour du mois qui suit la fin de la période de référence, donc normalement le 31 octobre, l’intermédiaire doit communiquer un aperçu au(x) titulaire(s) (article 201/7 CDTD).
5.2. Déclaration et paiement par le titulaire
Dans tous les autres cas, le titulaire effectue lui-même la déclaration et le paiement de la taxe, sauf s’il peut prouver que la taxe a déjà été déclarée et payée par un intermédiaire (belge) (article 201/9, § 2 CDTD) [7].
Si un compte-titres est détenu par plusieurs titulaires, chaque titulaire peut déposer la déclaration pour tous les titulaires (article 201/9, § 3 CDTD). S’il y a plusieurs titulaires, par exemple si plusieurs personnes sont titulaires d’un compte, dans le cas d’une indivision ou d’une propriété divisée entre nue-propriété et usufruit, alors un titulaire peut donc déclarer et payer la taxe pour l’intégralité du compte (en fonction de la valeur moyenne de l’intégralité du compte). Chaque titulaire reste donc solidairement responsable du paiement de la taxe, des amendes et des intérêts (de retard).
Si le titulaire (par exemple une personne physique, une société, une ASBL, etc.) doit se charger lui-même de la déclaration, alors le délai de dépôt de cette déclaration est identique à celui qui vaut pour la déclaration à l’impôt des personnes physiques, par un contribuable luimême, via MyMinfin [8]. Le cas échéant, la taxe doit être payée au plus tard le 31 août de l’année suivant la fin de la période de référence (article 201/9/3 CDTD) [9].
Ne vous y trompez pas : il s’agit d’une déclaration séparée, indépendante de la déclaration à l’impôt des personnes physiques, des sociétés, des personnes morales ou des non-résidents. Il est donc important de noter les échéances de cette nouvelle déclaration et du paiement dans votre agenda.
6. Mesures anti-abus
En vue de bloquer des possibilités évidentes de contournement de la taxe, le législateur a introduit, directement dans la loi, une série de mesures qui sont applicables avec effet rétroactif à partir du 30 octobre 2020.
6.1. Présomptions irréfragables d’abus
Ainsi, l’article 201/4, dernier paragraphe du CDTD édicte que deux opérations déterminées ne sont pas opposables à l’administration fiscale.
D’une part, l’article 201/4, dernier paragraphe 1° du CDTD prévoit spécifiquement une présomption irréfragable lors de la « scission d’un compte-titres en plusieurs comptes-titres détenus auprès du même intermédiaire ».
D’autre part, l’article 201/4, dernier paragraphe 2° du CDTD prévoit une présomption irréfragable d’abus lors de la conversion d’instruments financiers imposables en titres nominatifs non détenus sur un compte-titres.
Pour éclaircissement, le ministre a établi que cette non-opposabilité ne s’appliquait que s’il s’agissait initialement d’un compte-titres imposable. Par exemple : la scission d’un comptetitres ayant une valeur de 1 200 000 € en deux comptes-titres de 600 000 € détenus auprès de la même institution sera ici visée.
[7] En règle générale, le titulaire devra déclarer et payer la taxe lui-même dans les situations suivantes (énumération non exhaustive) : le titulaire est un résident ou un établissement stable belge ayant un compte-titres auprès d’un intermédiaire étranger sans représentant responsable en Belgique pour la TCT (dans la pratique, il n’y aura généralement pas de représentant), le titulaire est un fondateur d’une construction juridique réputé avoir un compte-titres imposable (à l’étranger) par l’intermédiaire de la construction juridique concernée ou dans le cas d’une application (spontanée) d’une disposition anti-abus.
8 Donc, en général, à un certain moment dans la première moitié du mois de juillet de l’année qui suit l’année au cours de laquelle la période de référence s’est terminée. Il faudra s’attendre à ce que la date tombe tous les ans exactement au même moment (défini annuellement).
9 Ici, nous nous demandons pourquoi faire tant de complications. N’aurait-il pas été plus simple d’imposer un seul et unique délai de déclaration et de paiement ?
6.2. Disposition générale anti-abus
Ensuite, afin de combattre toutes les autres stratégies possibles de contournement de la taxe, le législateur prévoit également une disposition générale anti-abus pour l’intégralité des CDTD (qui vaut donc également pour la taxe sur les opérations de bourse).
Le nouvel article 202 des CDTD contient, en la matière, une disposition qui est inspirée de l’article 344, § 1 du CIR 92.
La notion de violation de l’objectif des dispositions du CDTD, en l’occurrence l’application de la TCT (v. motivation budgétaire ci-dessus), occupe une place centrale dans l’application de cette disposition générale anti-abus.
Il est important toutefois de souligner que l’application de cette disposition générale anti-abus peut être renversée, ce qui donne le droit au contribuable de démontrer que d’autres motifs que le contournement de la taxe sont à la source de son opération. Il va sans dire que l’application des dispositions anti-abus susmentionnées pourra conduire, dans la pratique, à de nombreuses discussions, a fortiori compte tenu de l’objet purement budgétaire de la TCT.
7. Aspects procéduraux [10]
En cas d’absence de déclaration, de déclaration tardive, inexacte ou incomplète ainsi qu’en cas d’absence de paiement ou de paiement tardif, une amende pourra être infligée selon une échelle déterminée par arrêté royal et allant de 10 % à 200 % de la taxe due. En l’absence de mauvaise foi, il n’est pas dû d’amende.
Les intérêts de retard sont dus à partir du jour où le paiement aurait dû être fait.
Le Roi élaborera une procédure fixant les modalités de remboursement en cas de paiement d’un montant supérieur à celui dû pour la taxe, y compris l’éventuel intérêt moratoire.
L’administration en charge du recouvrement de la taxe peut demander au titulaire les renseignements nécessaires afin d’assurer la juste perception de la taxe. Pour tout défaut de réponse à cette demande, une amende allant de 750 € à 1 250 € peut être infligée. En l’absence de mauvaise foi, il n’est pas non plus dû d’amende.
8. Application des CPDI
Pour l’application des conventions préventives de double imposition (CPDI), l’article 22 du Modèle de convention de l’OCDE concernant l’imposition de la fortune s’applique à la taxe. Comme dit ci-dessus, le patrimoine mobilier qui fait partie de l’actif d’un établissement stable peut être imposé dans l’État où l’établissement stable est établi.
Les autres biens mobiliers (par exemple le patrimoine mobilier d’une personne physique sans établissement stable ou base stable) peuvent être imposés dans l’État où la personne concernée est résidente (article 22, 4 Modèle de convention OCDE). Partant, la taxe ne s’applique en principe pas sur le compte-titres belge d’un non-résident si ce dernier habite dans un pays concerné par une CPDI dont l’article 22, 4 octroie la compétence de prélèvement (exclusive) à l’État où la personne concernée est résidente.
Toutefois, nous devons souligner que toutes les conventions de la Belgique ne comprennent pas nécessairement un article relatif à l’imposition de la fortune (par exemple avec la France, l’Irlande, l’Italie, le Portugal, le Royaume-Uni et les États-Unis). Parmi les pays avec lesquels la Belgique a bel et bien conclu une CPDI couvrant l’imposition de la fortune et comportant un tel article, on compte l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Espagne, la Suisse...
[10] Voir e.a. articles 201/9/2, 201/9/3, 201/9/4 et 201/9/5 des CDTD. 11 C. const. 17 octobre 2019, n° 138/2019.
9. Différences avec l’ancienne taxe sur les titres
Pour clôturer, nous aimerions citer les cinq différentes majeures entre la nouvelle TCT et l’ancienne taxe sur les titres (cassée par la Cour constitutionnelle11).
1. Taxe sur les comptes-titres en tant que tels (objectif purement budgétaire) ←→ taxe sur la fortune.
2. Impôt calculé par compte-titres > 1 000 000 € ←→ impôt calculé pour tous les comptes-titres considérés conjointement si ≥ 500 000 € par personne physique.
3. Applicable aux personnes physiques, personnes morales, ASBL, sociétés... ←→ uniquement dans le chef des personnes physiques.
4. Tous les instruments financiers qui sont détenus sur le comptetitres (y compris les fonds) ←→ liste exhaustive d’instruments financiers visés par la loi.
5. Nombre limité de points de référence (maximum quatre) et nombre titulaires/propriété aucun effet ←→ points de référence spéciaux supplémentaires et répartition proportionnelle sur l’ensemble des titulaires.
Ensuite, on remarque également que la TCT a été introduite conjointement à un large arsenal de moyens anti-abus alors que la taxe précédente ne prévoyait que deux dispositions anti-abus particulièrement limitées et applicables dans des cas spécifiques.
10. Conclusion
Un nouveau gouvernement = une nouvelle taxe sur les titres. En quelque sorte, l’évolution de la législation coulait de source. Sur la base de ce que nous venons de voir, nous pouvons dire que le ministre a bien fait ses devoirs et a su adapter la taxe afin de réduire autant que possible les obstacles constitutionnels. Toutefois, l’on est en droit de se demander si la loi résistera à un éventuel examen, car il reste malgré tout une série d’inégalités. Pensons par exemple à une fortune qui serait répartie sur deux comptes ←→ un seul compte. Ici, la taxe ne sera due que dans la seconde situation en raison du seuil des 1 000 000 €. Citons également le fonctionnement du seuil. Si ce dernier est dépassé, la taxe sera bel et bien applicable dès le premier euro.
Maintenant que la loi existe, il ne nous reste plus qu’à observer comment elle sera appliquée dans la pratique. En effet, pour l’instant, plusieurs questions restent en suspens. L’administration planche actuellement, nous dit le ministre, avec Febelfin, sur une FAQ afin d’apporter (rapidement) des réponses.
Le ministre a fait son travail et mérite donc son trophée. Pourra-t-il le mettre bien en évidence sur la cheminée ou devra-t-il le ranger dans une boîte qu’il ira vite oublier dans le grenier ? Que celui qui a une boule de cristal nous le dise.