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Quelle est la meilleure façon de réduire la dette de compte courant d’un administrateur ?

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Quelle est la meilleure façon de réduire la dette de compte courant d’un administrateur ?

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Dans les PME, il arrive régulièrement que l’(les) administrateur(s) se constitue(nt) une dette importante par le biais du compte courant. Comme une telle dette de compte courant présente plusieurs inconvénients, il est généralement conseillé de s’en acquitter ou du moins de la réduire. Comment y parvenir et quel est le moyen le moins coûteux sur le plan fiscal ?

Les inconvénients d’une dette de compte courant

Difficulté à obtenir un crédit pour la société

Une société dont le compte courant a un solde débiteur important envers son (ses) administrateur(s) aura normalement plus de difficultés à obtenir un financement externe. En effet, la banque, lorsqu’elle calcule la solvabilité de l’entreprise, déduira le montant de la dette de compte courant des fonds propres de l’entreprise, et les fournisseurs seront également moins enclins à accorder un crédit à la société.

Responsabilité des administrateurs

Lorsqu’un administrateur emprunte (gratuitement ou à faible coût) à la société ou que celle-ci lui avance des frais privés, cela peut mettre en jeu sa responsabilité d’administrateur (art. 2:56 CSA). Si l’entreprise connaît des difficultés financières à la suite de ce prêt ou de ces avances, les actionnaires (minoritaires) peuvent présenter une demande d’expertise et/ou une action en responsabilité.

Dans certaines circonstances, le retrait (gratuit) de fonds de la société via le compte courant peut également constituer une violation du principe général de diligence, de sorte que l’administrateur peut également être tenu responsable par des tiers tels que les fournisseurs, les banques, le fisc, etc. des dommages qu’ils subissent en tant que conséquence directe et immédiate du comportement fautif (art. 1382 CC).

En cas de faillite de la société, le retrait (supplémentaire) de fonds via le compte courant d’une entreprise en difficulté financière peut constituer une faute grave et caractérisée, de sorte que l’administrateur peut être condamné à payer l’intégralité ou une partie des dettes de la société à concurrence de l’insuffisance d’actif (art. XX.225 CDE).

Enfin, le retrait de fonds par le biais d’un compte courant peut également constituer un délit, à savoir l’abus de biens sociaux. C’est le cas si l’administrateur utilise le crédit de la société à des fins personnelles avec une intention frauduleuse et s’il savait que cela portait un préjudice significatif aux intérêts patrimoniaux de la personne morale et à ceux de ses créanciers ou associés (art. 492bis Code pénal).

La dette doit bien finir par être acquittée

La dette d’un administrateur envers sa société doit finir par être acquittée à un moment donné. Si l’on attend la liquidation de la société, il peut s’avérer que la dette de compte courant est supérieure au boni de liquidation net, de sorte que la société ne dispose plus de fonds suffisants pour payer le précompte mobilier sur le bonus de liquidation. Illustrons cela par un exemple simple.

Une SRL avec un seul actionnaire, qui est aussi le seul administrateur, est liquidée. Après la vente des actifs immobilisés et le paiement des créanciers, l’actif est encore constitué du compte courant sur l’administrateur, qui s’élève à 170 000 euros, et d’un compte bancaire de 30 000 euros. Ce montant est compensé par des fonds propres de 200 000 euros au passif, soit 18 600 euros en capital (fiscal) et 181 400 euros en réserves. Ces réserves ne sont pas des réserves de liquidation, de sorte qu’un précompte mobilier de 54 420 euros (= 181 400 euros x 30 %) doit être déduit de leur distribution. Cependant, comme la société n’a plus que 30 000 euros sur son compte bancaire, l’administrateur devra mettre 24 420 euros dans sa société pour payer le précompte mobilier sur le bonus de liquidation.

Si l’on veut vendre les actions d’une société, l’administrateur devra également d’abord rembourser sa dette de compte courant, éventuellement – s’il est également actionnaire (unique) de la société – en déduisant cette dette du prix des actions.

Avantage de toute nature

Un administrateur qui emprunte à son entreprise gratuitement ou à faible coût bénéficie d’un avantage. L’administration fiscale et la

jurisprudence partent du principe que cet avantage est accordé en raison ou à la suite de l’exercice de l’activité professionnelle d’administrateur et qu’il est donc imposable comme rémunération d’administrateur (art. 32, alinéa 2, 2° en liaison avec 31, alinéa 2, 2° CIR 1992). Le montant de l’avantage de toute nature des intérêts débiteurs dits fictifs est calculé en appliquant un pourcentage d’intérêt forfaitaire au découvert mensuel ou, si il varie peu, annuel du compte courant. Pour l’année de revenus 2020, ce taux d’intérêt s’élève à 10,20 % (art. 18, § 3, 1, d AR/ CIR 1992).

Les avantages de toute nature étant imposables comme des salaires, l’impôt est calculé à des taux progressifs et des cotisations de sécurité sociale sont également dues sur les avantages. De cette manière, emprunter gratuitement auprès de l’entreprise est (para)fiscalement coûteux.

L’imposition de l’avantage peut être évitée en créditant les intérêts débiteurs fictifs sur le compte courant, mais le problème ne fera que s’aggraver de cette manière, car la dette du compte courant augmentera encore. Si l’on fait cela chaque année, la dette aura doublé en moins de 10 ans.

L’avantage imposable peut être réduit en convertissant l’intégralité ou une partie de la dette de compte courant en un prêt à terme fixe, car les intérêts débiteurs fictifs de celui-ci sont calculés à un taux d’intérêt inférieur (art. 18, § 3, 1, d AR/CIR 1992).

Toutefois, si l’on veut s’attaquer au problème de manière structurelle, il faut réduire la dette et, idéalement, l’éliminer complètement.

Comment réduire une dette de compte courant ?

La façon la plus simple pour un administrateur de réduire sa dette de compte courant est, bien sûr, de la rembourser. Toutefois, le plus souvent, l’administrateur n’est pas en mesure de le faire, ou ne peut le faire que partiellement, et c’est là le problème pour lequel une solution est recherchée. Dans ce qui suit, nous examinerons les possibilités de réduire la dette de compte courant, avec les règles du droit des sociétés et les conséquences fiscales : • attribution d’un salaire ou d’un tantième ; • attribution d’un dividende ; • réduction du capital ; • compensation de la dette de compte courant avec une créance de compte courant de l’administrateur sur une autre société.

Attribution d’un salaire ou d’un tantième

De quoi s’agit-il, et quand est-ce possible ?

L’administrateur se fait attribuer un salaire supplémentaire ou un tantième. La société en déduit le précompte professionnel et ne verse pas le montant net, mais le crédite sur le compte courant afin qu’il soit déduit de la dette du compte courant. Cette façon de réduire la dette de compte courant est, en principe, toujours possible.

Du point de vue du droit des sociétés

La rémunération des administrateurs est une compétence de l’assemblée générale. Pour un salaire « ordinaire », son attribution est généralement implicite, par le biais de l’approbation des comptes annuels. Pour l’attribution d’un tantième, qui est une distribution de bénéfices, une décision explicite de l’assemblée générale est requise lors de l’affectation du résultat. Le montant du salaire ordinaire n’est pas plafonné. Toutefois, le montant d’un tantième est limité par le test d’actif net (art. 5:142 CSA pour une SRL et art. 7:212 CSA pour une SA) et dans une SRL également par le test de liquidité (art. 5:143 CSA).

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Conséquences fiscales

Le salaire brut ou le tantième brut est une dépense déductible pour la société. La société doit retenir le précompte professionnel, de sorte que seul le salaire net ou le tantième net peuvent être utilisés pour réduire la dette du compte courant. L’administrateur doit déclarer le salaire ou le tantième et paie des impôts sur ceux-ci au taux progressif, ce qui règle le précompte professionnel déduit. En outre, l’administrateur doit payer des cotisations de sécurité sociale sur le salaire supplémentaire ou le tantième deux à trois ans plus tard.

Évaluation

Comme le salaire ou tantième est déductible pour la société, cela réduit son bénéfice imposable (ou augmente éventuellement ses pertes), mais en raison du montant élevé de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et des cotisations de sécurité sociale, la réduction d’une dette de compte courant au moyen d’un salaire ou tantième est généralement la solution la plus coûteuse, et donc la dernière à envisager.

Attribution d’un dividende

De quoi s’agit-il, et quand est-ce possible ?

L’administrateur se fait attribuer un dividende. Comme pour un salaire ou un tantième, l’entreprise déduit un précompte, en l’occurrence le précompte mobilier, de sorte que seul le montant net peut être utilisé pour réduire la dette du compte courant par une inscription au crédit de ce dernier. Cette solution n’est possible que si l’administrateur est également actionnaire de la société. S’il y a d’autres actionnaires, il faut également tenir compte du fait que le montant total du dividende ne peut pas être attribué à l’administrateur.

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Du point de vue du droit des sociétés

L’attribution d’un dividende est une compétence de l’assemblée générale ou, si des acomptes sur dividendes sont autorisés par les statuts et dans certaines limites, de l’organe de gestion. Le montant du dividende est limité par le test d’actif net et, dans une SRL, également par le test de liquidité.

Conséquences fiscales Évaluation

Le dividende n’est pas une dépense déductible pour la société, car les dividendes versés font partie du bénéfice imposable. Toutefois, dans la mesure où le dividende provient de réserves précédemment imposées, par exemple des réserves de liquidation, il n’augmente pas le revenu imposable de la société. Le taux de précompte mobilier est, en principe, de 30 %, mais des taux inférieurs sont possibles pour les dividendes dits VVPR-bis (20 % et 15 %) et les distributions de réserves de liquidation (17 % ou 20 %, ou 5 % lorsqu’elles sont distribuées au plus tôt cinq ans après la constitution de la réserve de liquidation).

La réduction de la dette de compte courant au moyen d’un dividende est généralement aussi assez coûteuse, en raison de la non-déductibilité pour la société et du précompte mobilier à retenir. Le caractère plus coûteux qu’un salaire supplémentaire ou tantième dépend des taux de l’impôt sur les sociétés, de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et du précompte mobilier.

iStockphoto.com/vgajic.

Réduction du capital

De quoi s’agit-il, et quand est-ce possible ?

Cette façon de réduire une dette de compte courant n’est possible que si l’administrateur est également actionnaire de la société. La principale différence avec une distribution de dividendes est qu’un précompte mobilier n’est pas retenu sur l’entièreté du montant distribué, et parfois même aucun précompte mobilier.

Du point de vue du droit des sociétés

La décision de réduire le capital ou, dans la société sans capital qu’est la SRL, de rembourser le capital indisponible, doit être prise par une assemblée générale extraordinaire. Le montant de la distribution est limité par le test d’actif net et, dans une SRL, également par le test de liquidité. Dans une SA, le capital ne peut en outre pas descendre en dessous du minimum légal de 61 500 euros.

Conséquences fiscales

Le capital fiscal pour une SA est égal au capital social, et pour une SRL, il est égal aux fonds propres – dans la mesure où il est composé d’apports en espèces ou en nature (art. 2, §1er, 6° CIR 1992). Le capital libéré est la partie de ce capital fiscal qui est formée par les apports en espèces ou en nature réellement libérés, et pour autant qu’aucune réduction ou remboursement n’ait eu lieu (art. 184, al. 1er CIR 1992). La distribution du capital libéré n’est pas déductible pour la société.

La question de savoir si le précompte mobilier est dû, et dans quelle mesure, dépend de la composition des fonds propres, et plus particulièrement du statut fiscal des réserves. La réduction de capital s’impute non seulement sur le capital libéré, mais aussi proportionnellement sur la plupart des réserves taxées – à l’exception principalement des réserves de liquidation – et sur les réserves exonérées incorporées au capital – à l’exception principalement des plus-values de réévaluation exonérées (art. 18, al. 1er, 2° et al. 2-7 CIR 1992). La partie de la distribution à imputer sur les réserves est un dividende soumis au précompte mobilier. La partie imputée au capital libéré peut être remboursée sans précompte mobilier.

Il est intéressant de noter que la partie du capital qui provient de réserves « incorporées » dans le capital en 2013 ou 2014 est considérée comme du capital libéré (art. 537 CIR 1992). Il faut néanmoins que la période dite d’intangibilité ait expiré, mais pour les entreprises qui étaient petites lorsque les réserves ont été incorporées, c’est toujours le cas en 2021. En outre, une réduction de capital est réputée provenir en premier lieu de ces réserves incorporées (art. 537, al. 5 CIR 1992) et l’imputation proportionnelle sur les réserves ne s’applique pas (art. 18, al. 2 CIR 1992).

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Évaluation

Dans la mesure où la réduction de capital doit être imputée sur les réserves, la même circonspection que pour une distribution de dividendes s’applique. Dans la mesure où une réduction de capital est imputée sur le capital libéré, par exemple sur les réserves incorporées, il n’y a pas de coût fiscal supplémentaire et la distribution peut donc être entièrement utilisée pour la réduction de la dette du compte courant.

Compensation avec une créance de compte courant sur une autre société

De quoi s’agit-il, et quand est-ce possible ?

Si un administrateur a une créance de compte courant sur une autre société, il ne peut pas la déduire lors du calcul des intérêts débiteurs fictifs sur sa dette de compte courant, car la créance et la dette ne se rapportent pas à la même personne morale (voir par exemple Anvers 26 janvier 2021). Toutefois, la compensation de la dette et de la créance est possible si elles se trouvent dans la même société. Cela peut se faire en transférant la créance sur une société à la société dans laquelle l’administrateur a une dette de compte courant.

Supposons qu’un administrateur ait une dette de compte courant de 75 000 euros dans la société X et une créance de compte courant de 60 000 euros dans la société Y. Les intérêts débiteurs fictifs seront alors calculés sur 75 000 euros. Si l’administrateur transfère sa créance sur Y à X, X devient le créancier de Y pour 60 000 euros et lui-même devient le créancier de X pour ce montant. Après le transfert de la créance, il a donc une dette de compte courant de 75 000 euros chez X et une créance de compte courant de 60 000 euros. La dette et la créance sont compensées l’une par rapport à l’autre, de sorte que les intérêts débiteurs fictifs sont désormais calculés sur une dette de compte courant de 15 000 euros.

Du point de vue du droit des sociétés

La décision de transférer la créance relève de la responsabilité de l’administrateur ou des administrateurs. Comme c’est dans l’intérêt de l’administrateur qui cède sa créance, mais pas nécessairement dans l’intérêt des sociétés concernées, la procédure de conflit d’intérêts doit être suivie dans ces sociétés.

Conséquences fiscales

Le transfert de la créance n’a aucune conséquence fiscale autre qu’une réduction de l’avantage de toute nature pour l’administrateur. Il n’y a pas d’impact direct sur le résultat imposable des sociétés et aucun précompte ne doit être déduit.

Évaluation

Le transfert d’une créance de compte courant sur une autre société à la société dans laquelle l’administrateur a une dette de compte courant est, avec une réduction de capital dans la mesure où elle ne doit pas être imputée sur les réserves, le moyen le moins coûteux sur le plan fiscal de réduire la dette de compte courant.

Felix Vanden Heede

juriste fiscaliste

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