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Bulletin de la Direction Madame, Monsieur, chers Parents, Depuis quelques années, à Florimont, nous parlons beaucoup de « constructions ». Il est vrai que, dans le plan de réaménagement du campus, nous venons de franchir une étape supplémentaire dont le complexe sportif, ­récemment inauguré, témoigne. Il n’échap­ pera à personne que l’édification de nouveaux ­bâtiments, la rénovation d’espaces existants, contribuent à la qualité de l’enseignement – à condition, bien sûr, qu’ils soient conçus comme instruments au service d’un « projet pédagogique ». Nous parlons également de « construc­ tion » lorsque, pour chaque département (Sciences, Lettres, etc.) nous évoquons les programmes dont l’ensemble constitue jus­ tement le « projet pédagogique ». Ces pro­ grammes doivent non seulement répondre aux impératifs officiels (suisses et français), mais également être marqués du « label ­Florimont ». En clair, cela signifie que, tout en assurant les exigences menant a priori à la réussite des examens officiels de fin de Secondaire, ils doivent en sus permettre aux élèves d’acquérir progressivement des mé­ thodes et des habitus (au sens où l’entend Bourdieu) qui vont structurer positivement leur cursus universitaire voire la carrière qui s’ensuivra.

Ce « ciment », c’est la formation spiri­ La notion de « structure » est évidem­ ment liée à celle de « construction ». Nous tuelle et morale. C’est elle qui donne du en arrivons donc fort logiquement à la sens à tout le reste. Quelle que soient les « construction » essentielle, qui est celle de confessions, les choix philosophiques, il l’« individu élève » : construction humaine – ­importe que notre établissement demeure voire spirituelle – qu’un établissement à en phase avec sa vocation catholique origi­ ­prétentions humanistes se doit de mettre nelle, tout en ­restant ouvert aux valeurs en place et, dans la mesure du possible, en ­spirituelles et ­morales des autres confessions. L’essentiel est que soient mises en pra­ très bonne place… C’est peu dire que nous devons travailler tique des valeurs universellement partagées dont le dénominateur commun est le respect à plusieurs niveaux : – intellectuel ; c’est la vocation première et l’amour du prochain. Le projet construit et partagé avec de toute école : former de jeunes esprits aux apprentissages et aux connaissances ­Olivier Föllmi, est un exemple concret de cette volonté. La présence de cet artiste ­nécessaires à la réussite de leur avenir ; – culturel et artistique ; dimension fonda­ ­inspiré ne s’est pas réduite à une conférence mentale, non seulement à nos yeux – ce qui eût pu, à plus ou moins juste titre, ­(formation du goût, de la sensibilité, apti­ être considéré comme une opération pro­ tude à l’émerveillement…) mais, de plus motionnelle pour notre Institut… Le projet en plus exigés dans des cursus ambitieux dont il est le pivot court sur toute l’année et qui font la différence dans les recrute­ scolaire. Les rencontres sont multiples, les liens permanents, marqués d’émotion et de ments en vue de hautes études ; – niveau de la « vie citoyenne » ; les élèves sincérité… L’empreinte que sa venue aura doivent être rendus conscients des res­ laissée, restera gravée dans plus d’un esprit. ponsabilités auxquelles ils auront de plus Pour certains elle aura valeur de pierre angu­ en plus à répondre s’ils prétendent à des laire, certes plus ou moins résistante, mais postes de leaders soucieux d’autrui et essentielle à ce « jeu de construction » qu’est ­respectueux des différences en tous genres. aussi l’édification patiente et complexe La « construction » que nous visons est donc d’une personnalité adolescente. composite mais il y manque le « ciment » sans lequel il n’est pas d’édifice capable de Sean Power tenir debout… Directeur Général


L a me s s e de rentr é e : u n de s temp s f ort s de l’ ann é e s cola i re Le mardi 21 septembre Mgr Pierre Farine a célébré la messe de rentrée pour toutes les classes du secondaire de ­Florimont. ­Environ cinq cent élèves ­occupaient l’église du Christ-Roi pour l’occasion. S’inspirant du texte de l’Evangile qui relate l’envoi en ­mission des soixante-douze disciples, Mgr Farine a rappelé aux jeunes quelques concepts simples mais efficaces : l’appel adressé à tous, l’envoi qui ne concerne pas que les meilleurs,... « Mais être envoyés pour faire quoi ? » En réponse à cette question Mgr Farine a proposé un petit engagement pour l’année aux élèves : « Soyez artisans de paix. Je sais que c’est difficile : nous sommes tous égoïstes, repliés sur nous-mêmes, mais lorsque nous y parvenons nous commençons a con­struire

le Royaume de Dieu ». A la sortie de la célébra­tion, Mgr Pierre Farine s’est arrêté pour saluer les jeunes qui sortaient de

l’église pour recevoir une nourriture plus matérielle !

M. Youssef BENTAYEB (1955-2010) M. Bentayeb s’est éteint le 16 juillet 2010 après avoir lutté avec courage et déter­ mination contre le mal incu­ rable qui a fini par l’emporter. Il laisse une veuve, enseignante elle aussi, et deux enfants : une fille de 16 ans et un g­arçon de 12 ans. Ses dernières conversations témoignaient de l’attachement qu’il avait pour eux et de ses préoccupations pour leur avenir. Il repose dans sa terre natale à Moula ­Slissen (Sidi Bel Abbès) en Algérie. C’est là qu’il a acquis les bases de sa formation jusqu’au bac qu’il est venu com­ pléter en étudiant à l’EPFL (1974). Pour financer ses études, il a donné des appuis et des cours privés à des étudiants et à des collégiens. Puis il a enseigné dans ­plusieurs écoles privées de Lausanne. C’est dans ce cadre qu’il a fait preuve de réels ­talents pédagogiques, rendant accessibles des notions souvent complexes. Cette réputation l’avait précédé quand il a postulé pour un poste d’enseignant à l’Institut Florimont en 2000. Au cours de cette dernière décennie, ses élèves ont pu apprécier sa connaissance

affinée des matières pourtant difficiles qu’il ­enseignait : les mathématiques et la ­physique. Il savait intéresser des élèves qui n’ont pas nécessairement l’esprit scientifique par des démonstrations ou des travaux pra­ tiques. Très au fait des nouvelles techno­ logies, il tirait profit des installations des ­laboratoires : tableau blanc interactif en ­expérimentation assistée par ordinateur. Il invitait ses élèves à manipuler eux aus­ si les produits et les appareils. On se ­souvient comment il a animé un atelier de physique lors des journées « Portes ouvertes ». Il établissait des liens avec la réalité en ­prenant des exemples simples et concrets pour illustrer ses démonstrations. M. Bentayeb luttait contre le cloisonne­ ment des connaissances, montrant les liens entre les différents chapitres, invitant les élèves à utiliser ce qu’ils savaient déjà pour innover dans les méthodes de résolutions. Après quelques années, il avait repris la responsabilité de conduire les élèves de matu­ rité à l’examen de mathématiques au niveau supérieur. Il s’est imprégné de ce programme exigeant et a multiplié les exercices et les en­ traînements si bien que des élèves moyens ont fait de beaux progrès. Il donnait des sujets

de matu d’une dizaine de sessions pour que chacun puisse s’entraîner à son rythme. Il suivait individuellement leurs travaux, les corrigeait immédiatement. Il a ainsi montré une totale disponibilité que ce soit en répon­ dant aux messages des élèves et à leurs questions même pendant les vacances ou encore lors des oraux, apportant un soutien technique et rassurant. M. Bentayeb laisse un vide dans l’équipe ­pédagogique. Ses collègues appréciaient ses compétences et sa disponibilité. En conseil de classe, il allait à l’essen­ tiel, portait un jugement concis et fondé, respectueux de la personnalité de l’élève et de l’avis des autres enseignants. Dans les réunions de département, il parlait avec franchise, sans arrière pensée ni préoc­ cupation personnelle et faisait des proposi­ tions avec un esprit positif. L’hommage touchant que l’ensemble des professeurs et éducateurs a rendu à M Bentayeb lors de la réunion de rentrée le 26 août 2010 traduisait certes l’émotion de voir partir un collègue en activité, mais aussi la reconnaissance de ses qualités profession­ nelles et humaines. Daniel Coulot Doyen de la section Maturité


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© Olivier Föllmi

notre école. Il s’agit d’une certaine concep­ tion de la culture. Outre les disciplines aca­ démiques et leur apprentissage nécessaire, Florimont vise plus que jamais à développer « ­l’entendement raisonné des choses », comme on disait à l’époque de Montaigne2. Notre époque, elle, tend à former des ­spécialistes, se nourrit beaucoup d’abstrac­ tions… Or les jeunes esprits ont besoin d’une culture plus ouverte et qui soit en symbiose avec le réel, celui qui se voit, s’écoute, se touche… Le fonds photo­ graphique qu’Olivier Föllmi a mis dans sa totalité à la libre disposition des enseignants permet d’ajouter une dimension visuelle aux cours, (expérimentale, pourrait-on dire) que ce soit en Économie, en Histoire-géographie, en Sciences, etc. Des projets ont fleuri dans chaque discipline et se développeront tout au long de l’année scolaire. Nul doute qu’ils donneront aux sujets appréhendés ­intellectuellement une plus-value sensible, un relief, une densité qui sont ceux de la « vraie vie » et non de son évocation abstraite. Nos enfants voyagent. Mais comment voyagent-ils ? Comment regardent-ils ?­ Pour­ raient-ils reprendre à leur compte le conseil du philosophe déjà cité, à savoir : ­visiter les pays voisins « pour frotter et limer [leur] ­cervelle contre celle d’aultruy »; en d’autres termes, pour se débarrasser de leurs pré­ jugés nationaux, élargir l’horizon de leur ­intelligence ? Cette découverte de ­l’authentique qui n’appartient plus au « ­tourisme » – avec ce qu’il suppose souvent de vulgaire – non seulement ils entendent Olivier Föllmi leur

© Olivier Föllmi

Ignorer l’existence d’Olivier Föllmi est de l’ordre du possible. En ignorer les photo­ graphies, beaucoup moins : chacun de nous en a déjà vu, peut-être même regardé. Dans ce cas, chacun n’a pu qu’admirer certains ­clichés particulièrement saisissants. Certes, Olivier Föllmi est un photographe interna­ tionalement reconnu. Mais cela n’explique pas le pourquoi de cette conjonction entre ce photographe-voyageur en particulier et l’Institut Florimont… Il n’est pas de conjonction sans conver­ gences. Certaines d’entre elles font que cette rencontre devait avoir lieu… Depuis 2003 surtout, Olivier Föllmi parcours la ­planète. Pour lui, la recherche de beaux ­paysages ou de beaux visages n’est pas en soi un but mais un moyen : « Je souhaite montrer qu’il existe une humanité profonde au-delà des différences de culture, de croyance, de peau […] Mes photos cherchent à montrer cette unité, cette humanité »1. Autant dire que le photographe, avide de connaître autrui et sa multiplicité, décou­ vrait à l’Institut une sorte de condensé du monde puisque Florimont accueille des élèves de soixante nationalités. De leur côté, les enfants (à qui il s’adresse, classe par classe) ne s’y trompent pas : quelqu’un leur parle un langage qu’ils entendent parfaite­ ment. Le petit Éthiopien, l’Indien, le Mexicain… retrouvent dans son témoignage les échos d’une sensibilité qui vibre seulement chez ceux qui ont expérimenté un lieu. Hormis ce cosmopolitisme vécu, un autre trait d’union relie Olivier Föllmi et

© Olivier Föllmi

Olivier Föllmi et Florimont : le sens d’une rencontre

en parler, mais mieux, ils en ressentent le sens profond, la nécessité ; non pas comme on ressent un discours convenu, mais comme on s’imprègne en ­direct d’une expérience irremplaçable : celle du vécu montré… « J’ai appris au cours de trente ans de voyages à ne pas estimer les hommes selon leur ­nationalité ni leur croyance, ni leur statut », dit celui qu’on ­désigne aussi comme le « photographe d’humanité ». Ses œuvres, plus que tous les mots (jamais uniques, eux, par conséquent bien usés) ne disent que cela. Chaque ­portrait est une expérience d’humanité, d’empathie pour des êtres ­saisis dans leur vérité, donc dans ce qu’ils possèdent de plus universel. Chaque por­ trait, à qui se laisse ­aller simplement à regar­ der (ce n’est pas si facile), est une confron­ tation avec ce que l’humain porte en lui de plus essentiellement humain… et qui, finale­ ment est de l’ordre du sacré. Rares sont les chercheurs d’absolu, les artistes animés par ce don : franchir la gangue des apparences pour atteindre la Pépite. Le monde qu’on voit et qu’on donne à voir est d’abord celui qu’on porte en soi. Celui qu’Olivier Föllmi capte est a priori ­visible par tous. Pourtant ses photographies donnent accès à ce qui, sans son regard à lui, resterait caché, un


mieux comprendre autrui, à s’ouvrir davan­ tage à la ­différence, à accueillir ce qui heurte les habitudes sclérosantes. Son exemple, en tout cas celui d’Olivier Föllmi, ne peut qu’in­ citer les adolescents à aimer ce qui est digne de l’être, à considérer les ­antagonismes, les ­hasards et les crises comme des compa­ gnons d’apprentissage, des guides, et non des menaces. Nous retrouvons alors cette vérité de ­Nicolas Bouvier : nous ne faisons pas de voyages, ce sont eux qui nous font. Nous font en nous aidant à découvrir d’autres paysages, tout intérieurs ceux-là, et si rayonnants, qu’aucun appareil photo­ graphique ne peut les capturer. Rien de mieux que la fréquentation d’un tel voyageur pour faire naître, surtout dans des consciences en devenir, le désir d’une expérience plus éclairante, une soif d’ouverture sur le monde, sur autrui et, au final, sur soi. J’ai croisé (dans ma vie et dans mes lectures) un certain nombre de globetrotters : aucun qui ne soit habité ! Tous, malgré les épisodes parfois tragiques qu’ils ont traversés, se sont sentis « reliés ». Aux esprits d’un lieu, au cosmos… A Dieu, parfois,

à l’humanité, toujours (… mais est-ce si ­différent ?) Plus rien de mesquin en eux. Ils ont redéfini leurs priorités, appris à respirer plus généreusement, à voir plus juste et à penser plus profond, au-delà des appa­ rences. Ceux qui ont quitté les sentiers ­battus et rebattus savent que le seul moyen d’être en harmonie avec les autres, les­ « différents », c’est d’accepter d’être celui qu’on est – et de l’être le plus justement possible. Donc d’être fidèle à soi-même – à ce qui est plus beau et plus grand que soi, qu’en Inde on appelle le Self et en Occident le Divin. Que souhaiter de mieux à nos ­enfants – à nos élèves ? C’est aussi cela (cette ­découverte d’une identité intrinsè­ quement universelle, nécessaire à la vraie compréhension du monde) que retiendront les jeunes Florimontains, bien longtemps après le ­passage d’Olivier Föllmi. Peut-être, à leur tour, partiront-ils à la recherche de leurs semblables et, aux confins de ce qui les ­distingue, de cette part commune qui échappe au petit moi, le transcende. Recherche qui dit rarement son nom jusqu’au jour où, ­surprise, une part de nous-même, la plus précieuse, touche au rivage de ce Lieu ­inconnu et pourtant reconnu immédiate­ ment… parce qu’on le porte au plus ­profond de soi. Pour ce faire il n’est pas ­nécessaire de viser les lointains de notre ­planète. On l’a compris, c’est d’abord à cette découverte, à ce dévoilement que le travail d’Olivier Föllmi peut nous inviter. Les kilo­ mètres favorisent cette démarche, certes, mais aussi nombreux soient-ils, ils sont là d’abord pour nous ramener à une proximité toute intérieure qui peut aussi se cultiver sans mise à distance préalable. L’essentiel d’un voyage est l’esprit dans lequel nous le faisons. Comme le suggère Saint François de Sales3, mieux vaut accomplir de « petits pas » que de grandes enjambées si ces « petits pas » nous permettent d’avoir « des ailes à voler » ! Gérard Duc Directeur Pédagogique

Interview accordée au Monde 14.10.2009 (Claire Gilly)

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mystère. Elles ont un surprenant pouvoir de dévoilement. Si c’est une question de ­lumière, alors ce n’est pas seulement de ­lumière physique qu’il s’agit… Ce dernier point est peut-être le plus important quant au rôle que peut jouer la présence d’Olivier Föllmi en un lieu tel que Florimont. Il appartient à cette catégorie rare des « passeurs – éveilleurs ». Juristes, médecins, industriels, commerçants, ban­ quiers, enseignants, nous risquons de nous laisser emprisonner dans notre profession. A longueur d’année nous côtoyons des gens qui nous ressemblent, et l’espace dans ­lequel vivent aussi nos enfants, peut ­manquer de lumière – ou d’air frais. Notre actualité, nos centres d’intérêts, se limitent à des fron­ tières parfois étriquées. Le contact avec des êtres aux ­semelles de vent n’en ­devient que plus ­nécessaire. « Depuis trente ans, mon actualité est essentiellement faite de rencontres bouleversantes, enrichissantes, généreuses, constructives. Je ne peux qu’être séduit par le monde et les hommes ». Celui qui élargit, dans l’espace géographique et social, son cadre de vie, devient apte à

Qui, lui-même, affirmait : « Il faut s’enquérir qui est mieulx sçavant, non qui est plus sçavant. »

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Lettre à une novice, sept. 1620, E.A. Livres XIX, p. 332

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Comment naissent les vocations

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mon travail photographique s’est orienté vers l’humanisme, à travers l’échange et la rencontre. D’origine latino américaine, multi­ culturelle, mon épouse Danielle a développé sa vision humaniste à travers la médecine : ­aider et sauver l’autre, dans des camps de ré­ fugiés à travers le monde, puis en ­pratiquant l’anesthésie pour essayer de ­supprimer ou limiter la douleur. Un lourd handicap de la vue l’a cependant contrainte à renoncer à son métier. Danielle a décidé alors de soigner l’âme et de se consacrer à un travail commun

pour valoriser les sagesses de l’humanité. Pendant qu’elle lirait et recenserait les pen­ sées fondamentales des principales cultures de l’humanité, j’arpenterais le monde pour ramener des images d’hommes, de femmes, de familles qui contribuent humblement à développer une humanité paisible avec cou­ rage et dignité. C’est ainsi qu’est né le projet des Sagesses de l’Humanité qui sert de trame pédagogique cette année à l’Institut Flori­ mont. (A suivre…) Olivier Föllmi Photographe © Olivier Föllmi

Je suis parti à 17 ans pour tenter la première d’une ascension en Afghanistan avec une ­expédition genevoise. Dans le bazar de ­Kaboul, dans une échoppe poussiéreuse, j’ai souhaité acheter un turban qui me plaisait. J’en ai demandé le prix au marchand qui, d’un air dédaigneux, m’a dit : « Je ne te le vends pas ! » « Pourquoi ?! » « Parce que tu ne l’as pas marchandé ! ». Vendre plus ou moins cher son turban n’intéressait pas le moins du monde le ­marchand. Pour lui, le profit passait après l’échange. Il était satisfait de sa vie sobre et l’essentiel était partager du temps et des ­paroles agréables. Piteux, je me suis assis et nous avons bu le thé dans de petits verres. Nous avons parlé une heure, de ma vie, de la sienne. Puis nous avons commencé à ­marchander, en prenant encore le thé assis sur le kilim, entourés des myriades de ­turbans. Puis j’ai payé ma coiffe et nous nous sommes quittés comme deux amis. Du fond du bazar poussiéreux, ce ­marchand m’avait enseigné la base de mon ­métier : photographier non pas comme un but mais comme un prétexte, pour échanger avec les autres et mettre au cœur de tout échange la relation humaine. C’est ainsi que


Témoignage sur la Shoah : un travail de mémoire fondamental L’ambition florimontaine inscrite dans l’histoire de l’Institut a toujours été de proposer une ouverture intellectuelle, spirituelle, culturelle qui dépasse l’objectif annuel de réussite ­scolaire. Cet objectif permet aux élèves d’enrichir leur bagage en créant des ponts entre la formation reçue à Florimont et le monde au-delà de nos murs. C’est ainsi que chaque année scolaire s’organise autour de la transmission exigeante de savoirs et avec des activités lors desquelles ils découvrent des expériences spirituelles et des parcours artistiques originaux, mais aussi des œuvres et des vestiges architecturaux. Ces moments d’ouverture se font sur le campus et lors de sorties planifiées. L’ensei­ gnant présente l’intervenant, replace les faits dans une perspective précise et peut intervenir lorsqu’il le juge nécessaire. Au cours du mois de juin dernier, suite à la bienveillante sollicitation de parents, les élèves des classes de troisième des sections baccalauréat et maturité ont pu assister lors de deux conférences, au témoignage ­important et marquant d’un vieil homme, ­Monsieur Nico Kamp, témoin et acteur de l’histoire tragique du XXe siècle qu’il a vécu. C’est de son histoire et de celle de sa famille – particulièrement de sa maman – qu’il est question mais c’est aussi une occasion rare de mettre en perspective une histoire fami­ liale avec l’Histoire. L’intervention s’appuie sur un ouvrage historique très documenté publié en Italie où monsieur Kamp vit,

I ­ricordi di Inge e dei suoi figli Rolf e Nico Kamp (éditions Proedi, 2007). La famille Kamp, les parents et leurs deux jeunes garçons, vit en Allemagne dans une petite ville proche de la frontière avec les Pays-Bas lorsqu’Hitler arrive au pouvoir. Ils vivent assez paisiblement jusqu’en 1938 puis les difficultés se multiplient et avant que les frontières ne se ferment, la famille (grands-parents, parents et enfants) quitte l’Allemagne pour les Pays-Bas alors neutres. Cette neutralité doit les protéger des troubles sociaux et raciaux qui secouent ­l’Allemagne mais le pays est envahi dès le 10 mai 1940. La situation se dégrade alors rapidement, les enfants sont séparés de leurs parents qui choisissent de les placer dans des familles afin qu’ils échappent aux rafles. A travers le témoignage de celui qui fut ce petit garçon de 6 ans, caché dans une douzaine de familles néerlandaises, seul avec son frère, qui doit fuir dans la nuit et appeler des inconnus « oncle et tante » ; les élèves ont ressenti physiquement le concen­ tré de violence que les nazis imposèrent aux populations européennes et particulière­ ment à la population juive. La conférence s’enrichit aussi de quelques illustrations ­tirées du livre et projetées sur le TBI. Ils approchent aussi un nom connu ou entendu, celui d’Anne Frank. Les histoires familiales sont proches pour ses deux ­familles allemandes réfugiées aux Pays-Bas et déportées vers la Pologne où le papa et

les grands-parents disparaissent. Pendant que les enfants se cachent, leurs parents sont arrêtés et torturés afin de révéler la ­cachette de leurs enfants. Puis Inge, la mère est déportée vers Auschwitz, dans le même convoi que celui que prit celle que son ­Journal a rendu célèbre à titre posthume. Ce témoignage, Monsieur Kamp le porte depuis quelques années dans des écoles ­italiennes, mais à Florimont, ces moments de transmission sont particulièrement importants pour lui, puisqu’ils ont lieu dans l’école de ses petits-enfants. Son fils qui l’accompagne, conscient de la difficulté qu’il y a pour cette jeune génération d’appréhender la brutalité de cette société totalitaire et de la mise en œuvre de la solution finale, l’interrompt parfois pour préciser ou éclaircir quelques points. L’attention est forte et l’émotion palpable grandit dans l’assistance, lorsqu’après l’ou­ verture des camps et un périple hivernal qui fit encore des milliers de victimes épuisées, la maman réussit enfin à retrouver ses fils, inquiète pourtant de ne pas être reconnue. La conférence se clôt par une discus­ sion et par la mise à disposition d’une BD pédagogique qui évoque une histoire simi­ laire et qui permet de prolonger la réflexion sur l’oppression du régime nazi et sur le ­nécessaire travail de mémoire à effectuer en direction des jeunes générations. Tibor Pazmandy Responsable Département Sciences humaines

Une nouveauté : le coin des anciens… Monsieur Sean Power, Directeur Général de l’Institut Florimont a souhaité faire participer l’Association des Anciens Elèves de­Florimont (AAEF) à la rédaction du bulletin de la ­Direction. Certains pourraient se ­demander à quel titre ? Il convient de ­rappeler les liens étroits tissés au fil des ­années – l’AAEF existe depuis 1920 – entre l’Institut et ses anciens. Etre ancien c’est un état de fait. Tout élève qui a été scolarisé à Florimont pendant une ­certaine période (allant de quelques mois à sa ­scolarité complète) devient ancien dès qu’il quitte Florimont. Ce statut résulte rarement d’un choix personnel. C’est en effet souvent les ­parents qui décident d’inscrire leur enfant… Etre membre de l’Association des ­Anciens découle en revanche d’un choix de

l’ancien élève. L’inscription est un acte qui ­témoigne d’un sentiment d’appartenance à la Communauté de Florimont. Devenir ­Ancien – membre de l’AAEF – c’est vouloir ­garder un lien avec l’Institut à travers ­l’Association. Pour répondre à sa vocation, l’Association des Anciens maintient une rela­ tion étroite avec l’Institut, elle participe à la vie de Florimont et est un acteur dans tous les évènements qui marquent l’année scolaire. Etre Ancien donne également l’occa­ sion de revoir d’autres Anciens, de toute ­génération (1860 membres), de partager ­ensemble l’amitié et les valeurs que les ­Missionnaires de Saint François de Sales ont su insuffler au fil des décennies : une petite étincelle que l’on nomme « l’esprit de Flo » et que tout Ancien sait reconnaître...

L’AAEF veut communiquer avec les autres intervenants de la vie de l’Institut et faire connaître ses activités aux enseignants, aux élèves actuels, aux parents d’élèves. C’est le sens de ces quelques lignes annon­ ciatrices, nous l’espérons, de partage avec les lecteurs du bulletin. Christiane Coulot Comité de l’AAEF Site de l’AAEF : www.floanciens.ch Adresse de courriel : info@floanciens.ch


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R a i d Flo 1 0 5 e  : D e N otre - D ame - de la G orge à Flor i mont, po u r f lo ’ s ol i da i re

Courir, pour quoi ? – Courir pour dépasser le plaisir égoïste de chausser ses chaussures pour aller s’aérer afin de se tourner vers un ­objectif collectif et symbolique. – Courir pour réunir et dépasser les frontières spirituelles, temporelles et physiques qui nous séparent. – Courir pour se dépasser ensemble à cinq, sorte de métaphore idéale de toute collectivité humaine, de toute institution.

– Courir pour l’exemplarité, afin de montrer à des enfants qui se construisent une personnalité, que l’on peut réaliser de petits ou de grands exploits pour autant que l’on se donne les moyens d’y parvenir. – Courir pour rassembler au-delà des coureurs, tous les services de l’Institut qui participent à la logistique, à la coordination et à la mise en im­age et qui montre la réactivité, la souplesse, et la réserve d’intelligence qui existe au sein de l’établissement. – Courir parce que c’est un luxe et que nous dé­dions cet effort inutile à ceux que nous aidons en leur remettant un chèque… Vous pouvez retrouvez les exploits de nos 5 coureurs sur http ://web.me.com/ exercice/Site/Bienvenue.html


Le nouvel espace sportif de Florimont a été inauguré ! C’est en présence de M. le Conseiller d’Etat Charles Beer, des autorités de Lancy et de Me Pierre Mottu, président de la Fondation Hans Wilsdorf que notre nouvel espace sportif a été inauguré le mardi 28 septembre dernier. Près de 200 personnes, élèves compris, ont pu admirer l’œuvre d’art de M. Dominic Taylor, le jardin japonais, la magnifique salle d’escrime et la grande salle multisports. Partiellement enterré, le bâtiment privi­ légie la lumière naturelle. L’emploi de maté­ riaux comme le bois, la qualité d’isolation de l’enveloppe, une toiture végétalisée, et ­l’utilisation d’une pompe à chaleur alimentée par des sondes géothermiques pour le chauf­

fage et l’eau chaude sanitaire, démontrent la volonté de respecter l’environnement par une consommation d’énergie limitée. Si les sports d’équipe usuels seront ­pratiqués dans des conditions optimales ­(basket, volley, handball, badminton, uni-­ hockey, tchoukball, gymnastique, agrès), d’autres disciplines plus inhabituelles bénéfi­ cieront d’équipements sophistiqués. Un mur de grimpe surplombe la salle principale, ­tandis que la plus petite permet de proposer des cours de judo et d’initiation à l’escrime à l’ensemble des élèves dans le cadre de leurs programmes sportifs. Il faut relever que pour la première fois

en Suisse, une infrastructure sportive a été conçue autour de l’escrime. Esthétique, ­pratique et utilitaire, la salle d’armes de ­Florimont bénéficie de huit pistes intégrées, que les utilisateurs futurs, y compris l’équipe nationale suisse, estiment être tout simple­ ment l’une des plus belles d’Europe. Parmi les nombreuses surprises de cette ­cérémonie, relevons les magnifiques combats d’escrime et l’arrivée, sous les vi­ vats des élèves, des coureurs du Raid Flo 105e, qui, après 100 kms de course, avaient bien ­mérité leurs médailles et surtout l’accès au splendide buffet ! Les discours prononcés à cette occa­ sion relèvent la complémentarité entre structures privées et publiques et leur néces­ saire ­collaboration. La commune de Lancy se réjouit en parti­ culier que les associations de la ville puissent profiter de ces nouvelles infrastructures et M. le Conseiller d’Etat a noté l’importance des écoles privées dans l’économie genevoise et leur ­impact, souvent novateur, sur l’enseignement (développement du bilinguisme par exemple). Karen Troll Responsable Communication


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