International Ink n°4

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Journal d’Etudiants en Science Politique et Relations Internationales

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DOSSIER

LES RESSOURCES VITALES


SOMMAIRE INTERNATIONAL.ink – n°04 Novembre 2008 Edité par l’Association des Etudiants en Sciences Politiques et en Relations Internationales (AESPRI) Imprimé par l’atelier d’impression de l’Université de Genève Financé par la Commission de Gestion des Taxes Fixes (CGTF)

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RÉDACTION Rédacteurs en chef Romain Aubry et Clément Bürge Membres Danica Hanz, Mélanie Escobar Vaudan, Matthieu Heiniger, Lionel Thorens, Claire Monari, Antoine Roth, Lukas à Porta, Adrià Budry, Alice El-wakil, Anna Schmidt, Annouck Bénichou, Cindy Helfer, Cléa Comninos, Damien Callegari, Dorothea Schmidt, Flurina Marugg, Hanna Krasmann Kayla Jenni, Leticia Tapia, Lucas Lazzaroto, Mateo Broillet, Sara Zeines, Sarah Ramos, Vivian Rosenbaum Graphiste Thomas Betschart Illustration Matthieu Heiniger Rédacteurs externes Mylène Hauri, Camilla Alabor et Maxence Garin Retrouvez-nous sur notre site web www.aespri.unige.ch/journal !

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ÉDITORIAL Tant de questions...

PORTRAIT • Sandro Cattacin, professeur • au département de Sociologie DOSSIER  : LES RESSOURCES VITALES • (Res)sources de conflit • Entretien avec Barbara Boyle Saidi • du CICR • Utilisation et partage de l’eau, • le débat sans fin • Alimentaire, mon cher Watson… • Lorsque l’écologie rejoint l’art • La société du risque • Petrol and politics – How the Kremlin • uses Russia’s energy resources to • control the country • Pour toi, gringo  ! POLITIQUE • Longévité de l’armée suisse, les raisons • de la pérennité • Médias, opinion publique et politique • gouvernementale LOI SUR L’UNI • L’ AESPRI se prononce VOYAGE • Carnets de route  : Cuba OPINION • Où sont les informations  ? SOURCES • Les références de ce numéro REMPLISSAGE • Parce que l’inutile a son importance… ÉVENEMENT • Conférence du 11 décembre 2008 • « Quelle diplomatie pour la Suisse  ? »

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ÉDITORIAL

TANT DE QUESTIONS... Quatre mois de tergiversations, d’angoisse, d’incertitude, de stress et de peur… mais soyez soulagés chers lecteurs  ! Votre précieux et adoré International.ink est de retour. Plus mordant qu’un carlin, plus enthousiaste que Droopy, plus fort que le rectorat et plus déjanté que l’inspecteur Derrick, il est à nouveau dans vos mains et son savoir n’attend que de se faire dévorer par votre esprit si raffiné. La rentrée 2008 amène avec elle un flot de questions auxquelles seul le temps pourra répondre. Tout d’abord, la volée ayant fraîchement gonflé les rangs de nos formations respectives s’est avérée particulièrement nombreuse, notamment en Bachelor de Relations Internationales. Alors que l’université peine déjà à fournir un encadrement correct à ses étudiants, sera-t-elle capable de surmonter le défi de former correctement des étudiants en constante augmentation ? Le 15 Septembre marque également la 4ème rentrée universitaire des étudiants en Relations Internationales depuis les sinueuses réformes de l’ancien programme de licence HEI. Pour la première fois, des étudiants de Relations Internationales achèvent leur titre et rentrent de plein pied dans leur programme de master. Un véritable test commence alors. Est-ce-que les étudiants ayant accédés aux masters consécutifs en Sciences économiques, Science politique, Histoire et Droit auront les outils nécessaires afin de réussir avec succès leurs formations ? Ou au contraire, cette première volée, qui a subit les affres des réformes et des défauts inhérents à toute jeune formation, va-t-elle couler à pic ? Peut-on imaginer qu’un échec des étudiants de RI en master (que ce soit à l’UniGe ou ailleurs) permettrait à cette formation de continuer à jouer son rôle de pôle d’excellence, voire même d’exister ? Des doutes subsistent. Polémique perpétuelle depuis 4 ans, le feuilleton de la nouvelle loi sur l’Université prendra fin lors du « Super Sunday », jour de clôture des prochaines votations, le 30 novembre. Autonomie de l’Université, transfert du pouvoir en direction du rectorat au détriment des facultés, augmentation des taxes universitaires, autant d’éléments qui suscitent la controverse. L’AESPRI a d’ailleurs décidé de s’opposer officiellement contre cette loi pour des motifs qui vous sont communiqués dans ce journal. Tant de questions soulevées dont les réponses, incertaines, seront données dans les prochains temps. Quelles en seront les effets ? Nul besoin d’être Tirésias pour affirmer que les étudiants, avertis ou non, seront les premiers à en subir les conséquences.

Romain Aubry et Clément Bürge

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PORTRAIT

PORTRAIT

PROFIL DE M. SANDRO CATTACIN En franchissant la porte du bureau 4225, on a les mains moites. Je tente de calmer mon anxiété en se disant que ce n’est qu’un professeur comme les autres, qu’il ne devrait pas être plus intimidant que n’importe quel enseignant. Cependant, Sandro Cattacin n’est pas un professeur ayant un rapport banal avec ses étudiants. En plus d’être le directeur du département de sociologie, il a toujours dégagé une aura mystérieuse. Ceux qui ont eu l’opportunité de l’avoir comme professeur se rappellent sans doute les conversations spéculatives auxquelles ils s’’adonnaient avec leurs camarades pendant les pauses de « HPS ». Les étudiants tentaient en vain de simplifier les théories complexes qui venaient de leur être exposées dans un accent inidentifiable. Pendant ces séances théoriques, Cattacin, sérieux et introverti, se laissait aller à de longs monologues sociologiques. Celui ou celle qui avait le malheur de lever la main au cours d’un de ces discours se voyait froidement ignoré. Malgré une grande peine à déchiffrer tous les éléments du cours, personne n’osait l’interpeller ouvertement. Intimidés ? Sûrement... Mais par quoi ? Lors de notre entretien, M. Cattacin a fait tomber ces barrières ressenties en cours, donnant lieu à un échange humainement enrichissant. Installés tous deux sur des chaises, l’interview commence par une question sur son parcours de vie. Contemplatif, M. Cattacin ne répond pas tout de suite, mais préfère dévier la question sur la notion de parcours de vie dans la théorie sociologique. Progressivement, il fait des liens avec son expérience personnelle. Je découvre un homme soucieux de modestie, presque timide, ayant subi de nombreux bouleversements culturels qui, selon lui, ont contribué à le mener au poste prestigieux qu’il occupe aujourd’hui. Italien habitant en Suisse alémanique, Cattacin se décrit comme persécuté dès son plus âge en raison de ses appartenances culturelles. Sans cesse, il aurait subit ce qu’il appelle « des petites histoires de discrimination » de la part des ses camarades et professeurs. Décidé à réagir, il envisage deux solutions : « Je me casse ou je m’énerve ! »

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Sarah Zeines

Finalement, il opte pour la deuxième option et se focalise sur sa réussite scolaire. Il dit ne trouver « aucun intérêt » à l’école, si ce n’est la motivation, qu’il qualifie de « perverse », à écraser les autres. Lorsqu’il entre à l’Université, il s’interroge sur son futur parcours. Sorti deuxième de son lycée, il est bon élève dans toutes les branches et ne manifeste pas un intérêt privilégié pour l’une ou l’autre des disciplines. C’est alors que Walter, son parrain, lui donne une mission académique, à savoir étudier la politique. Une fois son cursus commencé, il dit y trouver « une clarification de ses angoisses émotionnelles » relatives aux études. Cependant, malgré ses résultats scolaires brillants, il ne trouve pas de poste d’assistant à Zürich. C’est alors qu’il postule pour une place de ‘PhD student’ à Florence dans l’Institut Universitaire Européen. Cette initiative, bien que très constructive, le laisse dans une ville qu’il ne connaît pas, sans repères. Le début de ce séjour, Cattacin le décrit comme une période de grande souffrance, de dépression. Heureusement, il finit par rencontrer un groupe d’étrangers dans la même situation. Ensemble, ils font un « travail de conscientisation de la difficulté ». Une fois sa thèse terminée, il devient maître assistant à Genève. Après plusieurs années et quelques détours académiques, il est promu à la place de directeur du ‘Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population.’ Il postule ensuite pour un poste de professeur au Département de Sociologie à l’Université de Genève. Il dit avoir fini dans cette discipline parce que toutes ses recherches ont été orientées par des problématiques sociales : « J’étais toujours entre la Sociologie et la Science Politique. » Le poste acquis, il constate que l’environnement départemental est mal organisé et, en reprenant la direction, il se donne pour humble mission de redynamiser la Sociologie genevoise.

Quant à sa vie privée, il rencontre sa femme à Bologne. Ils s’installent ensemble en Suisse et font deux enfants : Irene et Nicola (13 et 15 ans). Avide d’approfondir son rapport à la vie familiale, Cattacin décrit les obstacles rencontrés lorsque l’on cherche à concilier un parcours professionnel élitiste avec une stabilité affective : « Quand on fait des choix de métier comme moi, la famille en souffre. J’existe pour mes étudiants, pour la recherche, pour le travail... C’est beaucoup plus qu’un job. » Il se dit très chanceux d’avoir trouvé une femme aussi tolérante et respectueuse de ses choix. Il affirme tout de même accorder des moments privilégiés à sa famille bien qu’elle ne vienne qu’au second plan.

Une personnalité qui l’a marqué : Hanspeter Kriesi (politologue de l’Université de Genève qui l’a pris comme assistant) Un moment qu’il aimerait revivre : Le concert de Bob Marley en 1977 Une équipe de sport : L’Inter de Milan Film culte : « Aprile » de Nani Moretti Rituel avant les cours : Faire un petit pipi. Il se dit très nerveux avant les cours. « J’ai besoin de 5 minutes de calme avant... j’apprends par cœur les 3 premières minutes. » Il dit entrer « dans une quasi transe » au cours de ses discours. Ce n’est pas le nombre de gens qui lui fait peur, mais plutôt le risque de ne pas être à la hauteur de son audience, de ne pas transmettre « la juste complexité théorique. »

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(RES)SOURCES DE CONFLIT Pour ceux qui la rejettent comme pour ceux qu’elle hante, la question des ressources n’est plus seulement réelle et reconnue, elle est maintenant ressentie. Les problèmes liés au renouvellement des ressources et à leur accès ne datent pas d’hier ; la prise de conscience relative à ces questions n’est pas tellement plus récente. Ce qui est nouveau, en revanche, c’est l’étrange sentiment de responsabilité qui découle de cette prise de conscience. En tant qu’individu ou en tant que simple partie de l’opinion publique, on échappe difficilement aux griffes du spectre vert. Bien sûr, certains continuent à éviter le sujet, se disent irrités par ce leitmotiv médiatique pendant que d’autres s’efforcent d’effectuer au quotidien des petits gestes écologiques ou, dans des instants de faiblesse, se contentent de ressentir un soupçon de culpabilité. Si les problématiques liées aux ressources dominent plus que jamais l’actualité, il ne semble pas pour autant aisé de s’accorder sur une définition claire. Avant d’aller plus en avant, il est donc important de définir la notion de « ressource » que nous avons retenue pour ce dossier thématique. Le terme renvoie à celui de moyen, à tout ce qui permet de parvenir à une fin. Cette fin, dans le cas de l’être humain, est souvent la satisfaction d’un besoin. A des ressources telles que l’eau, l’air ou le charbon on peut donc associer des besoins dits élémentaires qui « garantissent » ou du moins favorisent le développement de l’être humain en tant qu’individu évoluant dans la société. L’établissement d’une liste de ces besoins est évidemment sujette à caution, étant donné qu’il apparaît difficile de s’accorder objectivement sur ce dont doit disposer l’être humain pour bien vivre (pour une définition plus détaillée voir l’interview p. 9). Quoi qu’il en soit, il apparaît important de hiérarchiser les besoins en tenant compte en premier lieu de ceux qui sont vitaux, de ceux dont dépend le fonctionnement du métabolisme humain. Avant d’aller à l’école, il faut s’alimenter et non pas l’inverse. A noter que la plupart des besoins sont « éternels », dans le sens où ils ne peuvent être satisfaits que momentanément, à l’opposé des ressources qui sont la plupart du temps limitées. De cette inadéquation naît une tension. Tension qui est d’autant plus grave qu’elle concerne des ressources dites non renouvelables comme le pétrole.

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Par ailleurs, la notion de ressources étant en lien direct avec celle d’intérêt, il n’y a rien d’étonnant à ce que nombre de conflits soient causés par la difficulté à y accéder. Mais au-delà des conflits actuels que la rivalité pour les ressources alimente, il en est un de type nouveau : au nom de la durabilité c’est un conflit intergénérationnel que l’on voit poindre. Dans les médias, c’est principalement autour du développement des biocarburants (voir à ce sujet l’article p. X), qualifié de « crime contre l’humanité » par Jean Ziegler, que le sujet a été abordé. De façon plus générale, on conçoit aisément que le fait de protéger les ressources engendre inévitablement une limitation de l’accès immédiat à ces dernières. D’un côté, il est impératif de préserver les ressources de la Terre afin de garantir aux générations futures des conditions d’existence décentes. De l’autre, nous devons permettre à chacun d’y accéder à court terme, ce qui engendre un dilemme. La création de réserves

Cléa Comninos et Lukas à Porta

naturelles s’est parfois faite au détriment des êtres humains qui vivaient sur ces sites. Dans l’est de l’Afrique, par exemple, des tribus massaï ont été chassées de leur lieu de vie suite à l’établissement de ce type de réserves. A tel point qu’un chef massaï, Martin Saning’o, déclara en novembre 2004 à Bangkok lors d’une session du Congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature : « Nous sommes désormais des ennemis de la conservation »(1). Pour préserver la planète et atteindre cette fin, on est tentés de soustraire ou de relativiser le facteur humain. Or on ne doit pas perdre de vue que dans l’équation environnementale, la variable « être humain » est la plus importante. A ce titre, les ressources, en plus d’être des moyens, ne doivent être considérées comme des fins que parce qu’elles servent, à plus long terme, la finalité de l’humanité, à savoir sa préservation.

ENTRETIEN AVEC BARBARA DOYLE DU CICR Propos recueillis par Cléa Comninos

Barbara Boyle Saidi a travaillé pendant quelques années à Médecins Sans Frontières après sa Licence et son DES en Relations Internationales, à Genève. Elle entre au Comité International de la Croix Rouge en 1995 en tant que « déléguée polyvalente détention », en Angola, pour sa 1ère mission. Après avoir occupé pendant plusieurs années des postes de gestion sur le terrain et au siège elle devient en octobre 2006 chef de l’Unité de la sécurité économique, au siège. Elle a accepté de répondre à quelques questions concernant la crise d’accès aux ressources et les rôles respectifs des acteurs structurels et conjoncturels qui tentent d’y remédier.

Le CICR a-t-il une définition type des termes « ressources vitales » ? Plus qu’aux termes de « ressources vitales » le CICR se réfère au concept des besoins élémentaires. Selon la définition de Malinowski les besoins élémentaires englobent « l’ensemble des conditions biologiques et des conditions de situation dont la satisfaction est nécessaire à la survivance de l’individu et à celle du groupe ». Ces conditions comprennent le fonctionnement du métabolisme, la capacité de reproduction, le bien-être corporel, la sécurité, le mouvement, la croissance et la santé. La satisfaction de ces besoins n’est plus seulement tributaire du déterminisme biologique, mais également des réponses culturelles apportées par les sociétés. Ainsi l’hygiène favorisera la santé, l’éducation favorisera la croissance, le fait de disposer d’un abri favorisera le bienêtre corporel etc.

Aujourd’hui les médias ont quelques peu délaissé le thème de la crise alimentaire. Pensez-vous que la situation se soit améliorée ou croyez-vous qu’il s’agit simplement d’une saturation médiatique du sujet ? Il n’y a aucune amélioration concrète et immédiate, mais il y a, en revanche, une prise en considération du problème par les organisme internationaux et par les Etats (les discussions sur la Banane au sein de L’OMC pour ne citer qu’un exemple) qui n’est en rien négligeable. En d’autres termes, si les résultats ne sont pas tangibles aujourd’hui, la mise à l’agenda du problème d’accès aux ressources est une amélioration en soi. Cependant, je reste sceptique vis-à-vis de l’engagement global qui serait nécessaire pour dépasser cette crise. La production d’énergie fossile est un exemple parlant : des gisements majeurs sont souvent inaccessibles pour des raisons politiques comme c’est le cas en Irak ou au Nigeria. La recherche d’alternatives, 9


DOSSIER sous forme de biocarburants, est ainsi intimement liée à la crise alimentaire en raison du déséquilibre qu’elle provoque dans l’attribution de terres cultivées et le détournement de l’utilisation de denrées, a priori, alimentaires. On notera par ailleurs que la crise d’accès aux ressources n’est pas une crise sans précédent, contrairement à une idée couramment répandue. Dans le sillage de la crise du pétrole des années 70 le même genre de situation s’était présenté, à laquelle la Révolution verte notamment a fourni un certain nombre de réponses. C’est dans l’espoir d’aboutir à une solution similaire que des initiatives telles que l’Alliance pour une révolution verte en Afrique, dirigée par Kofi Annan, se développent. En conclusion, si le sujet fait aujourd’hui débat, j’ai deux craintes : premièrement, que le problème soit peu à peu occulté par les impératifs des marchés globaux (politiques protectionnistes, spéculation sur les denrées) ; deuxièmement, que les « solutions » telles que les biocarburants ne profitent ni aux petits producteurs, ni aux petits consommateurs, mais toujours aux poids lourds du marché – que ce dernier soit domestique ou global.

DOSSIER besoins immédiats ; elle peut néanmoins contribuer à sensibiliser les acteurs-clef quant aux causes plus profondes. Dans le cadre de la crise d’accès aux ressources, le Programme Alimentaire Mondial consacre environ un tiers de ses opérations à l’urgence, tandis que l’essentiel de son action est plus structurelle ; la complémentarité entre le PAM et le CICR est souvent géographique, dans les contextes dits d’»urgence» (Le CICR est souvent présent dans les zones plus reculées, en revanche le Programme Alimentaire Mondial est présent dans les lieux les plus centraux, mais à une échelle autrement plus importante). L’importance du structurel dans de tels contextes est considérable, et elle revient aux Etats (on peut citer en exemple l’Inde qui, depuis nombre d’années, travaille sur les mécanismes régulateurs du marché agricole et n’a connu que peu – voire pas – d’émeutes de la faim) et aux acteurs tels que le PAM. Les plans d’action structurels permettent d’éviter les effets sournois et moins immédiats (tels que l’absentéisme à l’école ou le détournement de fonds familiaux normalement consacrés à la santé) de la crise d’accès aux ressources. Quel est le plan d’action du CICR ?

Quelles sont les causes structurelles et conjoncturelles retenues par le CICR comme étant à l’origine de la crise d’accès aux ressources vitales ? La crise alimentaire s’inscrit dans le contexte plus large d’une crise structurelle. Les principaux facteurs qui contribuent à exacerber le problème des prix céréaliers face à une demande toujours croissante sont : la sécheresse, les changements climatiques, la production de plus en plus massive de biocarburant, l’évolution des mœurs alimentaires des pays occidentaux et des économies dites émergentes (Inde, Chine), la hausse du prix du pétrole, les mesures protectionnistes prises par certains Etats et la spéculation sur le marché des denrées alimentaires. Que peut-on espérer de l’aide humanitaire dans cette situation ? Le travail humanitaire est avant tout conjoncturel et il fonctionne donc en « sparadrap ». La seule chose que l’on puisse faire est, par une connaissance approfondie du contexte, anticiper les troubles politiques ou sociaux, l’insécurité économique et d’autres retombées. L’aide humanitaire agit en cas d’urgence, pour répondre à des 10

Le CICR entre en ligne de compte à partir du moment où il y a rupture dans le processus alimentaire, que ce soit au niveau des étapes de production (à cause de la sécheresse, des sauterelles, des inondations, du manque d’accès aux semences et aux pesticides etc.) ou d’approvisionnement (problème d’apport des denrées au marché, problème d’accès pour les consommateurs, insolvabilité des consommateurs etc.). Selon les circonstances, la réponse au problème n’est pas toujours de fournir de la nourriture. En effet, si la distribution de denrées est une réponse aux besoins immédiats, elle peut également poser des problèmes pour les producteurs en inondant et en déstructurant le marché local. Un type de réponse alternatif utilisé par le CICR est donc la distribution d’argent liquide ou de coupons (dans ce dernier cas un contrat est passé au préalable avec des fournisseurs choisis et dédommagés en conséquence). Avec l’explosion des prix des denrées alimentaires, l’aide alimentaire coûte considérablement plus cher. Les bailleurs de fond suivent de près la question. Cependant, le CICR est proportionnellement moins vulnérable à cette hausse des coûts alimentaires que le PAM pour la simple et

bonne raison que pour le premier l’alimentaire n’est qu’une action parmi d’autres (protection, santé, eau et habitat, diplomatie humanitaire etc.) alors qu’il représente l’essentiel de l’action du PAM. Le CICR étant présent dans des contextes de conflits, que pouvezvous dire de l’interaction entre les conflits en question et la difficulté d’accès aux ressources ? L’insécurité économique est réputée, à juste titre, pour exacerber les tensions déjà présentes ou faire surgir des tensions jusque là contenues. La grande majorité des tensions dans la corne de l’Afrique est liée au contrôle des ressources et aux difficultés d’accès à ces dernières. On peut donc bien évidemment établir une corrélation directe entre la crise d’accès aux ressources et les manifestations et violences. La corrélation fonctionne d’ailleurs dans les deux sens : non seulement la difficulté d’accès aux ressources attise les tensions, mais les rivalités déjà présentes dans les pays rendent souvent encore plus difficile l’accès aux ressources vitales pour une partie de la population. Ces tensions ne risquent d’ailleurs pas de s’atténuer tant que des solutions structurelles n’auront pas été mises en application.

UTILISATION ET PARTAGE DE L’EAU, LE DEBAT SANS FIN Antoine Roth

On ne compte plus les discussions, débats, articles et prises de positions en tout genre concernant l’eau et son caractère indispensable. Et cette préoccupation, vieille comme le monde, n’est pas près de perdre de son intérêt à l’heure de l’explosion des besoins tout autour du globe. Indépendamment de leur niveau de développement ou de richesse, bon nombre de pays se retrouvent confrontés à des problèmes d’approvisionnement, de partage ou d’utilisation des ressources aquifères. Petit rappel des faits. Toute activité humaine implique l’utilisation d’une certaine quantité d’eau. C’est néanmoins l’agriculture qui absorbe l’essentiel de notre consommation d’eau douce. Ainsi, si dans les pays développés l’irrigation ne représente que 30% des besoins en eau, cette proportion dépasse dans nombre de pays du Tiers-Monde les 80%, élevant la moyenne mondiale à 70% (1). Et si l’eau est ainsi nécessaire avant tout à l’alimentation de l’ensemble de la population mondiale, elle est également indispensable à la création de biens industriels, à la production d’énergie – près de 20% de la puissance électrique mondiale (2), proportion destinée à une forte croissance à l’heure de la prise de conscience écologique – et bien entendu se trouve au centre de toute politique de santé effective. Villes assoiffées Vu l’importance de l’eau comme ressource vitale, on ne s’étonnera pas que les problèmes qui y sont liés se multiplient tout autour du globe. Dans le monde occidental déjà, plusieurs villes situées dans des régions sèches commencent à affronter de sérieuses difficultés d’approvisionnement. On pensera notamment à Barcelone qui, poussée par la crainte d’un hiver sec, se voit forcée d’importer des bateaux entiers d’eau du port de Marseille (3), ou encore à Las Vegas, qui menace d’être vaincue par le désert qu’elle avait cru pouvoir soumettre (4)… Ces situations problématiques sont souvent le résultat de la collision entre deux tendances : expansion démographique et diminution du niveau des rivières et des nappes phréatiques, la seconde étant grandement due à la longue absence de politique de prévoyance en matière d’utilisation d’eau. De par leurs places centrales comme première source d’approvisionnement d’eau douce, ainsi que comme pourvoyeuses d’énergie grâ-

ce aux barrages hydroélectriques, on ne s’étonnera pas que la question du partage des eaux des rivières cristallise les conflits opposant villes, états, et pays tout autour du globe. En voici deux exemples, issus du sous-continent indien. La question du contrôle des rivières La rivière Cauvery, d’abord, fait l’objet d’une dispute entre l’état indien du Karnataka et celui du Tamil Nadu (sud de l’Inde) ; dispute remontant à l’ère coloniale et n’ayant toujours pas trouvé de règlement définitif à ce jour (5). Après de multiples rebondissements et quelques explosions de violence populaire, c’est finalement un tribunal national spécialement créé pour l’occasion qui fut chargé de déterminer un partage équitable des eaux de la rivière entre les deux états. Le jugement rendu le 5 février 2007 alloue une part d’eau plus importante au Tamil Nadu qu’au Karnataka, qui a déjà annoncé qu’il combattrait cette décision. Celle-ci est d’ailleurs vivement critiquée (6) et il semble qu’un accord direct entre les protagonistes reste la seule possibilité d’issue définitive au conflit. Mais après plus de 100 ans de controverses, il est malheureusement peu probable que les deux états acceptent de revoir leurs prétentions à la baisse. Le conflit du Cachemire (7) démontre quant à lui que des tensions politiques interétatiques peuvent cacher des questions de ressources naturelles. En effet, l’un des points de désaccord non négligeable entre l’Inde et le Pakistan porte à nouveau sur les différentes rivières qui trouvent leur source dans les montagnes du Cachemire. Celles-ci sont d’une importance primordiale pour le système aquifère des deux pays, et le tracé frontalier effectué lors de la partition en 1947 accorde à l’Inde la souveraineté sur la région d’origine des principales rivières du Pakistan, plaçant ce dernier dans un état de dépendance et de vulnérabilité jugé intolérable. Un traité (8) fut signé en 1960 pour résoudre les différends au sujet du partage des eaux et instituer des mécanismes de coopération entre les deux frères ennemis. Il n’empêche que plusieurs sujets de tensions demeurent, notamment la construction côté indien de barrages réduisant le débit des rivières pakistanaises. A ces disputes interétatiques s’ajoutent les mouvements de colère populaire fréquents des habitants du Cachemire indien – à majorité musulmans – contre le gouvernement fédéral.

Au centre de leurs revendications, le sentiment que Dehli pille leur terre natale, l’une des régions du pays la plus riche en ressources naturelles… Nouveaux défis Il est d’autant plus urgent de trouver des solutions aux nombreux conflits liés à l’eau que le 21e siècle nous réserve de nouveaux défis, changements climatiques en tête. Toujours sur sol indien, des centaines de millions de petits paysans dépendent de la mousson qui balaie tout le pays avec plus ou moins d’intensité, et dont le passage a toujours été la condition sine qua non d’une récolte abondante. Or cette mousson source de vie, jusqu’à présent très régulière, est devenue ces dernières années de plus en plus imprévisible et volatile (9), dispensant suivant les années de maigres pluies – forçant nombre de paysans à puiser dans les rivières de quoi irriguer leurs champs et menaçant de famine des régions entières – ou des averses torrentielles inondant villes et campagnes et poussant des centaines de milliers de personnes à fuir leurs foyers. Le dérèglement de la mousson met donc en danger toute l’agriculture du sous-continent et induit une utilisation accrue de l’eau des rivières, déjà trop sollicitées. Par ailleurs, l’augmentation du niveau de vie et l’accroissement de la classe moyenne des géants démographiques asiatiques, de même que l’urbanisation croissante au niveau planétaire, sont vouées à créer de nouveaux besoins en eau. Face à l’explosion de la demande, on cherche de nouvelles solutions d’approvisionnement – notamment le dessalement de l’eau de mer (processus encore long, coûteux et polluant) – mais il devient de plus en plus évident que, pour éviter une pénurie d’eau planétaire, nous sommes voués à réduire notre consommation à tous les niveaux, ce qui implique autant des améliorations dans les techniques d’irrigation et de production industrielle que des mesures d’économie, voire de rationnement, en milieu urbain.

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ALIMENTAIRE, MON CHER WATSON…

Romain Aubry

D’après les différentes projections démographiques, la population mondiale devrait atteindre, en fonction des scénarios, entre 7,4 et 10,6 milliards en 2050. Or, pour nourrir ce surplus de population, il faudrait mettre en culture l’équivalent de la surface du Brésil. Devant ce défi, le professeur Despommiers (Columbia University) propose une solution ambitieuse : verticaliser l’agriculture.

transport campagne-centre urbain serait évitée. Enfin, de nombreux aléas de la production seraient écartés. Plus de risque de voir une récolte gâchée par des sécheresses ou des inondations ; mais aussi de la voir perdue à cause des vermines (rats, etc.) De même, les risques commerciaux seraient atténués. La récolte serait prévisible donc les prix des marchés aussi si cette agriculture se généralise.

Des buildings de 30 étages capables de nourrir 50 000 personnes et de produire un surplus électrique, impossible ? Pas d’après le très sérieux projet de recherche mené à Columbia depuis 2001. Il s’agit de développer des méthodes agricoles déjà existantes à grande échelle. Dans la ferme verticale esquissée par le groupe, toutes les cultures seraient faites hors-sol, en hydroponie et aéroponie, ainsi que certains élevages. Le soleil, mais aussi des lampes, seraient utilisés pour fournir la lumière nécessaire, ce qui permet un rendement 4 à 30 fois supérieur et quatre récoltes par an. Le bâtiment fonctionnerait comme un écosystème fermé, récoltant l’eau générée par l’évapotranspiration des plantes pour la retraiter. De même, l’électricité serait produite à partir du biogaz obtenu des déchets agricoles et matières fécales. Cela en y incluant une usine à digérer les déchets.

Le but ultime du Pr. Despommiers est donc d’intégrer l’agriculture dans les centres urbains afin que les actuels espaces de culture retrouvent leur aspect originel6 et remplissent à nouveau leur fonction régulatrice.

Bien que très difficile à réaliser, cette nouvelle génération de ferme résoudrait de nombreux problèmes liés à l’agriculture intensive pratiquée actuellement. Par exemple, l’immense majorité des exploitations commerciales emploient des fertilisants dans la mesure où aucune terre n’est assez riche pour l’agriculture de rente. Ceux-ci favorisent aussi la prolifération de mauvaises herbes, d’où la nécessité d’utiliser des herbicides. Enfin, toute monoculture connaît sa gamme de parasites indésirables contre lesquels une toute une gamme d’insecticides est répandue. Tous ces produits, outre le fait qu’ils risquent de contaminer aussi bien le produit final que les travailleurs agricoles, aboutissent dans les nappes phréatiques et les cours d’eau, créant ainsi de vastes étendues d’océans stériles. La Ferme Verticale limiterait l’usage de produits chimiques aux seuls nutriments étant donné qu’un écosystème clos serait exempt de toute contamination. De plus, la consommation d’énergies fossiles pour les machines et le 12

Certains obstacles s’opposent néanmoins au développement rapide de l’agriculture verticale urbaine. En premier lieu, 18 milliards de dollars seraient nécessaires pour

financer une recherche complète permettant de créer des modèles commercialisables massivement. Or, aucun investisseur ne souhaite s’engager pour une telle somme. Cependant, des prototypes de fermes (d’une valeur de 20 millions de $) devraient être construits à Las Vegas et à Dubaï. Enfin, même si les prix du foncier baissent, il est probable que de produire des tomates en centre ville, avec un terrain à plus de 10 000$/m2, ne soit pas profitable dans un futur proche. Mais, tout de même, la voie est ouverte pour une nouvelle agriculture industrielle plus respectueuse de l’environnement… Affaire à suivre.

LORSQUE L’ECOLOGIE REJOINT L’ART Clément Bürge

De récents progrès architecturaux ont permis le développement de nouveaux logements écologiques confortables et accessibles, non plus réservés à un groupuscule de nantis ou à des militants extrémistes, mais aussi à des familles à faible revenu. BEDZED La création la plus médiatisée, l’éco village BEDZED, (pour Beddington Zero Energy Development) en Angleterre a enfin montré que le concept de développement durable est applicable à l’échelle d’une ville. Ce village comprend 82 logements et 2300m2 de bureaux et commerces. Pour réaliser leur objectif, les concepteurs ont effectué une gigantesque analyse de cycle de vie, qui consiste à évaluer l’impact environnemental de la vie d’un produit depuis sa réalisation jusqu’à sa mort ou son recyclage. Une analyse qui a été appliquée, non pas de manière banale à l’échelle d’un pneu ou d’une voiture, mais à l’échelle d’une petite ville. L’utilisation de produits locaux, de matériaux recyclés, ainsi que le design, pensé en terme d’efficience énergétique et de qualité de vie (par exemple : l’isolation renforcée, l’ensoleillement maximum, système de ventilation avec récupération, etc.) ont permis à ces bâtiments d’obtenir des résultats prodigieux. Le soin apporté au concept a offert la possibilité de réduire l’empreinte écologique du bâtiment de 50% (l’empreinte écologique est une estimation de la superficie dont la terre a besoin pour subvenir aux besoins d’un individu, d’un quartier ou d’une ville). Le chauffage est réduit de 90%, la consommation totale énergétique de 70% et le volume de déchets de 75%.

L’exemple suisse En juillet, la Suisse a inauguré un de ses premiers bâtiments au label énergétique très exigeant : Minergie-P-Eco. A Fribourg, l’architecte Conrad Lutz a réalisé un ensemble de bureaux de 1300m2 nommés « Green Office ». Tout comme chez BEDZED, chaque matériau de construction a fait l’objet d’une étude poussée pour calculer son impact sur l’environnement. Son originalité réside dans le fait que l’édifice a été construit, excepté quelques rares éléments, entièrement en bois. Le choix du bois n’est naturellement pas le fruit du hasard puisqu’il s’agit du bois de sapin blanc récolté dans la région de Semsales qui permet une isolation des plus efficaces. A titre de comparaison, la différence de consommation entre un type de bâtiment Minergie-P, qui constitue la norme de construction écologique la plus élevée après le modèle Green Office, et MinergieP-Eco correspond à l’énergie nécessaire pour chauffer une maison durant 60 ans.

Une réelle réflexion Ce qui caractérise ce projet et tous les autres développés selon des normes écologiques, est la manière de reconsidérer notre façon d’utiliser l’espace. Les efforts sont concentrés à la fois sur l’utilisation des matériaux, comme les matières recyclées de BEDZED et le bois de sapin blanc chez Green Office et sur d’autres aspects habituellement perçu comme négligeables tels que les toilettes ou le système de ventilation. La force des architectes de notre siècle, c’est cette capacité d’allier l’efficacité des nouvelles technologies à notre utilisation de l’espace. Plus qu’un simple artisan, l’architecte qui réussit à concilier au mieux cet alliage devient un véritable artiste.

Autre exploit, le bâtiment est CO2 négatif, c’est-à-dire qu’il absorbe plus de gaz carbonique qu’il en a rejeté lors de sa construction. De plus, l’énergie qu’il emploie est à 94% renouvelable. S’ajoute à cela quelques éco-gadgets comme un système de récupération des eaux de pluie pour l’alimentation des robinets, ou encore des toilettes sèches qui, grâce à des copeaux de bois, transforment les déjections en humus naturel…belle illustration de la volonté de penser un logement entièrement en termes d’écologie !

De plus, les habitations ont été vendues à un prix égalant ceux du marché traditionnel et le surcoût de certaines installations a été comblé par les revenus fournis par les activités de commerce et de bureau développées dans le quartier.

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LA SOCIETE DU RISQUE L’état actuel des ressources vitales est désespérant. En effet, les indicateurs témoignant de cette réalité sont nombreux. L’élévation des prix pétroliers est un des derniers en date, accompagné des prix de certains aliments de base tels que le riz ou la farine. Jusqu’à la première grande crise des ressources des années 1970, cette problématique inquiétait peu les Occidentaux. Cependant, de nombreux phénomènes sont venus perturber notre niveau de vie, nous forçant à faire enfin face à l’évidence : les ressources ne sont pas illimitées. Certaines formes de consommation empêchent même la régénération de celles-ci. La prise de conscience d’un tel risque d’apocalypse devrait inciter plus d’un acteur social à prendre des mesures allant à l’encontre de la crise. Toutefois, les statistiques nous montrent encore et toujours un désengagement citoyen vis-à-vis de la raréfaction des ressources. Pour soutenir cette affirmation, les chiffres d’Eurostat démontrent que les pays les plus impliqués dans l’épuisement de matériaux vitaux ont des taux de récupération des déchets se situant presque toujours en dessous de la barre des 50% à quelques exceptions près. De plus, ces taux de recyclage insuffisants ne sont qu’un indicateur de désengagement citoyen parmi d’autres.

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Sarah Zeines

Afin d’être fidèle à la méthode d’analyse sociologique, il est souhaitable de ne pas se limiter à cette simple incrimination des citoyens occidentaux. En effet, la responsabilité de ce désengagement ne peut pas être entièrement attribuée aux citoyens eux-mêmes, mais revient sans aucun doute aux organisations qui les englobent. La présence de la crise écologique est le résultat de l’inefficacité des structures mises en place pour remédier à celle-ci. Que ces institutions défaillantes se trouvent au niveau local (Commune, Canton) ou au niveau international (‘OMC’, ‘ONU’, ‘OMS’), elles sont au moins partiellement responsables de la gestion des contraintes environnementales. Ainsi, quelque soit l’échelon systémique adopté pour procéder à une analyse organisationnelle, les acteurs sociaux sont conditionnés par un modèle général défavorable à l’environnement et par conséquent au maintien des ressources vitales. Par contrainte spatiale, je me vois obligée de me focaliser sur un des deux niveaux. De cette manière, je me concentrerai sur les organisations ayant une influence de portée macroscopique.

Pour commencer, analysons les normes appliquées dans les industries autorisées sur le marché, soit les règles de l’OMC. Les grandes catégories de systèmes productifs sont : l’agro-alimentaire (viandes, fruits, légumes...), la ‘techno-production’ (voitures, machines, électroménagers...) et les fabrications pétrochimiques (plastiques, pesticides, produits de beauté...). Un élément que toutes ces catégories partagent, est leur tendance à envoyer une somme supérieure au seuil fixé par l’OMS de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. En plus de provoquer ce phénomène néfaste, la présence même de ces industries implique une exploitation des ressources portant un grand préjudice aux occupants des écosystèmes. Dans l’objectif de se montrer proactif à l’égard de la crise des ressources vitales, les représentants de l’économie de marché fixent des normes limitant la production « polluophile ». Toutefois, ces normes demeurent dérisoires dans de nombreux cas en raison d’un phénomène cumulatif propre à certains polluants intégrés aux processus de fabrication (PCB, métaux lourds, déchets nucléaires...) sans parler du manque d’assainissement post-productif. L’OMC affirme dans un communiqué que « ... certaines mesures prises pour réaliser des objectifs de protection de l’environnement peuvent, de par leur nature même, restreindre le commerce et porter de ce fait atteinte aux droits d’autres membres dans le cadre de l’OMC. Elles peuvent enfreindre des règles fondamentales du commerce, telles que l’obligation de non-discrimination et la prohibition des restrictions quantitatives. » Ces principes de « non-discrimination » et de « restrictions quantitatives » forment le ‘GATT’, l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. Malgré une reconnaissance de l’urgence de la situation, ces fondements demeurent prioritaires. L’OMC laisse la priorité au maintien d’un certain niveau de consommation plutôt qu’à la revitalisation d’un écosystème ou à l’assainissement aquatique (phénomènes engendrés eux-mêmes par l’application de normes aussi attentives aux besoins des entreprises).

Analysons maintenant les initiatives environnementales employées par l’ONU. Celle-ci, afin de ne pas sembler complètement passive face à la crise écologique, a crée le PNUE (en Anglais UNEP  : United Nations Environmental Program). Selon les affirmations prélevées dans un communiqué du PNUE, cette division stipule que, « Outre l’appui à la mise en œuvre d’évaluations et le renforcement des capacités juridiques et institutionnelles, le PNUE encourage le dialogue et la coopération entre toutes les parties prenantes, l’échange de meilleures pratiques et d’expériences réussies, le transfert de connaissances et de technologies et la mise en œuvre de projets pilotes.». Au premier abord, nous avons envie d’avoir foi en cette organisation qui promet d’agir dans l’intérêt de notre planète. En somme, elle promeut des comportements adaptés aux intérêts de l’environnement. Elle tente d’établir une marche à suivre, un idéal pratique à adopter. Néanmoins une lecture plus attentive révèle un manque d’approfondissement général quant à la mise en œuvre de ce beau discours. En réalité, le PNUE n’est utile que dans la mesure où il sert de modèle aux citoyens du monde. Il n’utilise pas son pouvoir institutionnel pour imposer des normes écologiques et n’agit qu’avec l’accord des gouvernements. Ces limites de pouvoir constituent l’éternel dilemme normatif. Le pouvoir de l’ONU est relativement faible en ce qui concerne l’action directe sur les territoires en crise. Dilemme parce que la remise en cause des puissances locales aurait une cascade de conséquences négatives à commencer par des guerres de portée internationale. Cependant, du moment que les actions d’un ensemble local impliquent un conditionnement des niveaux supérieurs, n’est-il pas légitime de revendiquer un statut de citoyen du monde  ? La Déclaration des Droits de l’Homme reconnue par la communauté internationale n’affirme-t-elle pas que sa liberté s’arrête là où commence celle des autres  ? En tout cas, une telle inefficacité rend légitime une remise en question de la distribution des pouvoirs entre puissances locales et puissances internationales.

Evoquons maintenant les initiatives environnementales développées par l’OMS sur la scène mondiale. En effet, celle-ci, désireuse de se montrer préoccupée par la crise, a publié le premier atlas sur la santé de l’enfant et l’environnement. Selon un communiqué de presse de 2004, l’OMS stipule que « …l’industrialisation, l’augmentation de la population urbaine, les changements climatiques, le recours croissant aux produits chimiques et la dégradation de l’environnement exposent les enfants à des risques inimaginables il y a encore quelques générations, ce sont des dangers anciens et bien compris qui, aujourd’hui encore, sont responsables de la plus grande partie des décès : mauvaise qualité de l’eau, assainissement insuffisant, paludisme et pollution de l’air intérieur. » Cette initiative a le mérite d’approcher une efficacité discursive. Ils instrumentalisent la figure de l’enfant dans le but d’encourager les individus à une adhésion à la problématique. Attendris par l’image d’un enfant (peut-être le leur), les récepteurs de ces informations vont être plus enclins à un comportement soucieux de leur environnement. Toutefois, cette bonne volonté ne stimule pas une réelle conscientisation de la crise et peut même engendrer une mauvaise interprétation de celle-ci. A force de se focaliser sur l’importance de la progéniture humaine, les écosystèmes risquent d’être délaissés.

Pour conclure, toutes ces organisations témoignent de l’incompétence dont fait preuve la communauté mondiale pour remédier à la crise des ressources vitales  : l’OMC en raison de son anthropocentrisme, l’ONU du fait de son faible pouvoir et l’OMS à cause d’une formulation douteuse de la problématique. L’existence d’une telle prise de mesures démontre pourtant une préoccupation macroscopique de la situation. Cependant, des facteurs isolés font stagner continuellement les processus de remède. Nombre de médias, d’intellectuels, de citoyens s’affolent autour de la crise des ressources. Cela ne suffit malheureusement pas à un réel progrès pour la nature. Ces inquiétudes n’ont que peu de valeur dans l’incitation à une prise d’initiative… Car pour soigner la nature de notre activité parasitaire, il faut qu’elle soit reconnue et traitée comme une priorité. Ce n’est ni la régulation économique de l’OMC, ni les périples idéologiques de l’ONU, ni les corrélations biaisées de l’OMS qui sauveront notre planète. Ces caractéristiques constituent des avantages provisoires pour l’espèce humaine et des pressions cœrcitives pour les écosystèmes. Quelque soit le chemin normatif que prennent les systèmes qui nous gouvernent, notre obstination à donner la priorité aux divers intérêts de notre espèce est l’élément même qui nous conduira à notre perte.

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PETROL & POLITICS – HOW THE KREMLIN USES RUSSIA’S ENERGY RESOURCES TO CONTROL THE COUNTRY Camilla Alabor

Russia holds the world’s largest natural gas reserves and was, as of 2006, the world’s largest natural gas producer as well as the world’s largest exporter. At the same time, it holds the eight largest oil reserves. Together with soaring gas and oil prices, these facts at least partly explain Russia’s new self-confidence as an actor on the stage of world politics – for the energy sector and politics are closely connected. To understand the present-day situation, one has to go back to the nineties and the troubled years under President Yeltsin. After the collapse of the Soviet Union, the mass privatization of former state-owned companies led to the enrichment of a happy few and the emergence of the so-called oligarchs who took advantage of the political turmoil and rampant corruption. For the majority of the population however, the years under western-oriented President Yeltsin meant declining living standards and economical and social instability.

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When Putin was elected President in 2000, he pledged to strengthen the role of the state, which he did, amongst other things, by re-nationalizing the central energy companies. He equally promised to bring an end to a situation in which the oligarchs considered themselves to be above the law. Foremost, he wanted them to give up any political aspirations : « During President Putin’s meeting with a group of 21 oligarchs in July 2000, some kind of ‘new deal’ was established. This included several rules that were to apply to oligarchs in the subsequent years : the business representatives were to give up any political ambitions, not interfere with political reforms, and stay clear of the media. In exchange, the Kremlin pledged to treat all businessmen equally. »

The Yukos Case Not all the oligarchs heeded Putin’s advice, and some of them had to pay a high price for it. With gas and oil CEO’s meddling with politics and pressuring the Kremlin to act according to their interests and the government determined to use Russia’s energy resources as a foreign policy instrument, a clash was inevitable. In the wider context of the President’s intention to suppress any opposition – whether it came from politicians or the media –, Mikhail Khodorkovsky’s idea to openly criticize the Kremlin and to support opposition parties was indeed a bad idea. Khodorkovsky was the founder of Yukos, then one of Russia’s largest private companies and was, as of 2004, Russia’s richest man. In April 2003, the petroleum company announced its merger with another company, Sibneft, which would have made it the largest oil company. In July 2003, Platon Lebvedev, the second most important person in Yukos, was arrested. Khodorkovsky was arrested in October, charged with tax evasion and sentenced to 8 years in prison. In staged auctions, Yukos’ assets were sold at ridiculously low prices – mostly to the state-controlled Rosneft oil company. This way, the Kremlin simultaneously eliminated Khodorkovsky and took control of Russia’s main oil company.

But Khodorkovsky’s arrest was just part of a broader attempt to take control of the energy sector. In the same year, Dmitri Medvedev (who was elected President in 2008) was nominated president of Gazprom’s board of directors. Two other members of the presidential administration became presidents of Rosneft and Transneftprodukt respectively. This not only secured the government’s control over these companies, it also sent a strong signal to the remaining private companies as to what was going to happen if they didn’t play by the rules set by the Kremlin. The energy sector is considered to be of national interest and must not fall into the hands of foreign investors or oppositional forces. Putin made sure to have the main companies’ leading positions occupied by his loyal ex-KGB friends. The Kremlin’s grasp on the media The fact that business and politics are that closely entwined is in itself alarming enough. Yet, the presidential administration’s influence is not limited to the energy sector. The energy companies themselves are an instrument that serves the government to control the media. To that effect, Russia’s biggest natural gas company, statecontrolled Gazprom, is eagerly buying the little that is left of Russia’s independent media. In 2001, Gazprom’s hostile takeover of NTV, the biggest independent television station, was already making headlines and brought protesters to the street. However, it would have taken more to impress Gazprom, which continued its course and, in 2005, bought Izvestia, one of Russia’s major newspapers – replacing the government-critical editor-inchief with someone more convenient to its interests.

The internet althought allows people to express their opinions without censorship, which is why in 2008, Gazprom decided to purchase Rutube, the russian equivalent of Youtube. To be fair, one has to mention that most Russians approved Putin’s grasp on the energy industry and the restrictions of the oligarchs’ power. There is a widespread opinion that the government’s control of the economy will guarantee a fairer distribution of the money than if it is controlled by a few ‘independent’ oligarchs. Many consider that Russia has found in Putin the strong leader it so desperately needed after Yeltsin’s presidency and his failed attempt to integrate Russia into the West. In addition, an independent media scene is not the top priority for many Russians who still struggle to make ends meet.

However, from a Western perspective, the ever-closer connection between the presidential administration and the energy companies – most of them government-controlled – is an unsettling trend. It will continue to affect the course that the country will take and the way it defines its national interests. The Kremlin’s grip on the media and the fact that there is no independent nation-wide television station left is another source of concern for Western countries ; especially since an independent media scene is a pre-condition for an active and influential civil society to exist. Only the Russians themselves can, if they are inclined to do so, challenge the Kremlin’s and the energy companies’ authoritarian policies.

If the Kremlin no longer fears a public indignation over its energy policies, there is still a danger in the economy’s dependency on foreign investors and their money. Russia is still heavily dependent on its oil and gas revenues : According to IMF and World Bank estimates, the oil and gas sector generated more than 60 percent of Russia’s export revenues (64% in 2007), and accounted for 30 percent of all foreign direct investment in the country. However, foreign investors have generally shied away from criticizing the government ; possibly out of fear of retaliation. This means that, the way things are today, the government dœs not face any serious opposition concerning its activities in the energy sector.

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POUR TOI, GRINGO ! Quand dans ce merveilleux continent appelé « Amérique du Sud », tu donnes l’équivalent de 2 francs suisses à un enfant qui mendie au détour d’une rue et que celui-ci te remercie comme si tu lui avais donné un million, alors tu te sens bien. Tu te dis que vraiment c’est triste qu’ils soient aussi pauvres, mais que c’est une bonne chose qu’il t’ait rencontré, parce-que toi t’es un mec bien. Ce gamin fera manger sa famille pendant une semaine avec le pactole que tu lui as laissé. Tu es bon gringo. Un gringo c’est un blanc de type nord américain, un européen ou quelqu’un qui vient d’une de ces contrées dites « du nord ». Voici l’histoire d’une « gringa » qui sans savoir trop comment ni pourquoi est partie dans le magnifique continent des mojitos de la salsa et des gens souriants. Gringa travaille dans une garderie d’un bidonville du nord de Lima au Pérou, son travail c’est d’essayer d’apporter un petit plus à ces enfants qui arrivent à l’école le ventre vide, fatigués d’avoir travaillé toute la soirée à vendre des bonbons dans la rue ou à cirer des chaussures pour aider leurs parents. Elle se dit que c’est vraiment différent de l’enfance qu’elle a eue ! Eux semblent déjà l’avoir quittée. Ils ont parfois perdu cette petite étincelle qui devrait continuellement faire briller leurs yeux, et qui se rallume parfois quand elle prend le temps de s’occuper d’eux.

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Claire Monari (Gringa, c’est moi)

Lorsqu’elle les aide dans leurs devoirs, qu’elle joue et discute avec ces enfants, ils lui rendent tout l’amour qu’elle leur donne. Alors elle s’attache à eux. Quand elle arrive ils la dévisagent avec insistance, « ils sont tous grands et blancs comme toi dans ton pays ? » Elle leur montre où est la Suisse sur la carte du monde, eux lui expliquent de quelle province ils viennent. « Tu élèves des poules chez toi, dans ton patio, pour les vendre ?». Une fois les présentations faites, Gringa est des leurs. Dans une lettre à ses parents, elle raconte sa peine lorsqu’elle vit un enfant de 8 ans nettoyer les vitres des voitures aux feux rouges, et se faire écraser sans qu’aucun parent ne vienne le réclamer. « Il faut voir les morsures de chiens sur les joues des gosses, il faut en voir un autre pleurer parce qu’il a perdu sa gomme et qu’il sait que papa va le frapper. » C’est tellement injuste qu’elle ne peut pas y croire… ça lui fait de la peine, la pauvre ! Elle veut retourner ciel et terre pour changer ça. Elle pleure ! C’est très émouvant tout ce que Gringa nous raconte, mais que sont ces émotions quand on sait que telle est la vie de la plupart des enfants de cette planète ? Le travail infantile, la sous-nutrition, le non-accès à l’eau courante, les maladies, le coût trop élevé des soins médicaux sont une réalité de ces bidonvilles. Ce n’est pas la

peine, mais bien la colère qui te prend. Tu te rends bien vite compte que si les choses sont comme elles sont, c’est qu’il y a une raison, et que tu as besoin d’une aide d’en haut pour réaliser tes projets. Mais là-bas, sauf exception, les gouvernements se préoccupent peu de l’éducation et l’enfance. Les problèmes sociaux touchent de très loin tous ces pots-de-vin. Alors tu comprends pourquoi les gens qui sont arrivés avant sont un peu résignés aussi. Hé oui, tu n’es pas la première gringa à vouloir changer le monde et à t’investir dans un projet de développement. Eux travaillent quotidiennement avec des gens du pays, et t’expliquent pourquoi ils ne font que ce qu’ils peuvent à leur échelle. Toi tu voudrais sauver tous les enfants de la planète : « hey petite, tu crois qu’on n’y a pas pensé avant toi ? ». Le changement se fait pierre après pierre ; au fil des années, des écoles apparaissent, les classes se remplissent, les gens se mobilisent. Même à cette petite échelle, il ne faut cesser de tendre le plus de perches possibles, de donner aux enfants des chances de vivre dignement. Je ne parle ni de réussite professionnelle ni de richesse matérielle, mais bien de dignité humaine. Alors tiens-toi le pour dit gringo : tes émotions, d’autres les ont eus avant toi, ta pitié ne sert à rien. Et ne sois pas si naïf, creuse un peu plus profond, car un sourire ne veut pas toujours dire qu’on est heureux.

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POLITIQUE

POLITIQUE

LONGEVITE DE L’ARMEE SUISSE LES RAISONS DE LA PERENNITE Comment l’armée suisse a-t-elle réussi à assurer sa pérennité ? Comment est-elle parvenue à s’affirmer comme indispensable à la vie du pays ? Quels ont été les éléments clés, les tournants qui ont permis la consolidation de cette institution ? Comment s’est-elle sortie de la tourmente de 1989 ? Quels éléments laissent penser qu’elle poursuivra son existence dans les années à venir ? Éclairage. Le tournant de 1939-1945 Un événement fondateur de génération La perception familière de la Suisse durant la Seconde Guerre Mondiale correspond bien souvent à celle d’un îlot, havre de paix, isolé au beau milieu d’une Europe déchirée par les hostilités. Bien sûr, la Suisse n’a eu à subir ni attaques ni occupations. Il n’empêche, le pays tout entier fut confronté à la dureté de la guerre, éprouvant le rationnement, l’obscurcissement et d’intenses angoisses. Parée, l’armée suisse l’était ! Tout du moins de par ses effectifs gigantesques : 430’000 mobilisés le 2 septembre 1939, 450’000 en juin 1940, soit près d’un tiers de la population active masculine de l’époque ! Tous ces hommes allaient participer à un véritable événement fondateur de génération, dont le souvenir resterait à jamais gravé dans leur mémoire. Mais au-delà des chiffres (1000 jours de services pour la plupart des conscrits) il y eut une réalité âpre, celle des marches éreintantes : « Au cours de la mob, j’ai parcouru la Suisse à pied ! », du froid, et de la peur ! L’angoisse fut effectivement bien présente. Sinon comment expliquer, en mai 1940, les déplacements des populations limitrophes de l’est du pays vers le centre, après l’annonce de l’attaque imminente de la Wehrmacht ? Le pays trembla durant la guerre, il frémit même et, pour lutter contre cette peur, on en vint à sacraliser l’armée. N’hésitant pas à la comparer à un rempart indestructible, on mythifia son effort qui, selon la conviction de l’époque, dissuadait Hitler d’attaquer. Bien plus, cette idéalisation se cristallisa autour d’une figure marquante, celle du Général Guisan. Le charisme de Guisan Il convient tout d’abord de bien saisir ce que représente le Général pour les gens de l’époque. Tout simplement celui qui a su 20

redonner au pays tout entier l’espoir et l’envie de résister à l’Allemagne nazie. De fait, à la suite de la défaite française infligée par la Wehrmacht (juin 1940), les Suisses se trouvaient transis de peur, persuadés qu’ils étaient d’avoir à subir à leur tour une annexion et de devenir ainsi un état vassal du IIIe Reich. L’anxiété et l’abattement étaient d’autant plus grands que le Président de la Confédération, Marcel Pilet-Golaz, lors d’un discours très attendu, plaida l’accommodation au « nouvel ordre européen », message perçu par la population comme un appel à la capitulation et l’alignement. Dans ce contexte de désespoir exacerbé, le Général ne prononce quant à lui qu’un seul mot : « tenir ! », optant ainsi pour la résistance à outrance. Dès lors, sa popularité ne va cesser de s’accroître, recevant notamment le qualificatif dithyrambique de « père de la patrie ». On ne tarde en effet pas à couvrir d’éloges le créateur de la caisse de compensations et des gardes locales, lesquelles rassurent la population. En outre, Guisan est partout, commémoration de la bataille de Morgarten, de Sempach, 650ème de la Confédération. Tout le monde se presse pour admirer celui que l’on considère alors comme un sauveur. Homme chaleureux, proche du peuple, le Général excelle dans l’art oratoire et c’est en ces termes qu’il s’adresse aux citoyens-soldats le 8 mai 1945 au lendemain du fameux victory day : «Après cinq ans et huit mois de guerre, l’ordre de cesser le feu vient de retentir en Europe. La guerre s’éloigne de notre territoire. L’armée a rempli la mission principale qui lui a été confiée en automne 1939. [...] Cette armée est notre sauvegarde. Sans elle, nous aurions été exposés à souffrir les misères qui nous furent évitées : la guerre, l’occupation, la destruction, la captivité ou la déportation [...]. Il importe enfin que les fruits de cette expérience et de cette épreuve ne soient pas perdus. Au contraire, il faut que, si dans un avenir proche ou lointain, notre armée devait être appelée sous les armes pour défendre encore notre indépendance, les hommes de 1939 à 1945 se retrouvent, se reconnaissent et se dressent. Mais ces hommes ne seront dignes de leur œuvre que s’ils ne la renient en aucune manière [...] et qu’ils transmettent à ceux qui viendront après eux leur valeur, leur sens du devoir et de la fidélité. Soldat, tu comprends, je le sais, mon souci de l’avenir et l’espoir que je place en toi. C’est pourquoi, confiant, je puis te dire aujourd’hui ma satisfaction et ma fierté : tu es demeuré ferme à ton poste, fidèle à ton serment ; tu as bien mérité de ton pays ! »

Maxence Garin

Un discours qui marque donc la fin des hostilités, mais qui cherche avant tout à assurer la continuité de l’existence de l’armée. Tel est effectivement le « souci de l’avenir » de Guisan. Ne s’agit-il pas d’un pacte de fidélité éternelle que le Général cherche alors à conclure avec le soldat ? Un pacte aux allures d’assurance-vie pour l’armée dont l’existence n’était alors pas garantie à perpétuité. Guisan tente ici de transformer une génération en dépositaire d’un feu sacré, celui de l’expérience du service actif qui ne doit être perdu à aucun prix. Et il y parviendra, son aura et sa thèse de l’armée « sauveuse du pays » emportant l’adhésion de tous ! Dès lors, l’armée se trouve élevée au rang des institutions indispensables à la bonne marche du pays. Une preuve toute simple, jusqu’en 1961, le service militaire prit des allures d’engagement à vie. En effet, la règle qui voulait que les hommes soient mobilisables jusqu’à l’âge de 60 ans ne sera pas remise en cause avant cette date ! On peut donc dire que le contexte de troubles issu de la « drôle de guerre » et le charisme du Général ont façonné le socle à partir duquel l’armée suisse s’est érigée en monolithe inébranlable ! 1939-1945 constitue en somme un tournant dans la façon de percevoir l’armée (véritable ange gardien de l’indépendance du pays) mais aussi dans le désir de la préserver, et ce sous l’impulsion de la figure héroïque de Guisan.

dent. Au cours du premier semestre 89, les coupures de la presse écrite suisse qui lui sont consacrées ne représentent pas moins qu’un volume de 550 pages recto verso ! De multiples ouvrages sont également publiés parmi lesquels Suisse sans Armée ? Un Palabre de Max Frisch qui s’attaque à l’armée et à ses mythes issus de la Seconde Guerre mondiale. Le Réduit, l’esprit de résistance helvétique, le mythe de l’armée salvatrice : tout est passé à la moulinette ! De leur côté, les défenseurs de la « grande muette » ne sont pas en reste. Les cahiers de la Renaissance vaudoise éditent ainsi au mois d’octobre un ouvrage collectif au titre évocateur : Pas d’armée, pas de Suisse !, tandis que Jacques Freymond, ancien directeur de l’Institut Universitaire des Hautes Etudes Internationales à Genève et colonel à l’armée, publie Pas d’armée, pas de guerre ?, ouvrage dans lequel il présente comme une folie le désir d’ébranler le monument historique que constitue l’armée suisse. Les arguments des initiants Mais pourquoi désire-t-on désarmer le pays ? Tout d’abord, les tenants du GSsA partent du principe que le risque de guerre n’existe plus pour la Suisse et que même en cas de conflit, l’armée se montrerait im-

puissante à défendre le pays, les moyens employés par les belligérants (armes de destruction massive, ogives nucléaires) étant incontrôlables. Bien plus, la présence de l’armée constitue pour les initiants la pire ennemie de la paix : « En temps de paix, l’armée détruit plutôt ce qu’elle ne peut pas défendre en temps de guerre : les valeurs réellement civiles, la solidarité, la démocratie, l’ouverture envers ceux qui pensent autrement, ainsi qu’une partie de nos ressources naturelles ! » clame alors Andreas Gross, cofondateur du GSsA. Et par ailleurs, d’autres dangers plus réels comme celui de la pollution ou du mal développement se trouvent prioritaires. D’où la volonté de supprimer dans un délai de 10 ans toutes les écoles de recrue et les cours de répétitions. En somme, l’armée dans son intégralité. La défense de l’armée où l’héritage de 1939-1945 De leur côté, les militaristes arguent que la présence de l’armée constitue la manifestation de notre volonté d’indépendance. De surcroît, le danger d’une agression n’a pas encore disparu selon eux et, au vu de l’agitation internationale, la Suisse pourrait avoir à faire face à de grandes vagues de migration en provenance des pays de l’Est, d’où la nécessité du maintien de l’armée. La neutralité légendaire du pays est

également convoquée, et ce pour le bien de l’Europe entière. L’Helvétie doit effectivement rester ce « verrou neutre » au cœur du vieux continent, offrant la certitude à tous d’un lieu de paix et de non-hostilité. Et puis, si la Suisse venait à déléguer sa sécurité à l’ONU ou à l’OTAN, le pays entier subirait la déconsidération des Etats voisins et la souveraineté de l’Helvétie s’en trouverait fragilisée. Dès lors, le Gouvernement fédéral, le Parlement et les partis gouvernementaux (à l’exception du parti socialiste) se rallient à cette perception, recommandant au peuple de maintenir l’armée en l’état. Ces principes énoncés, il convient d’examiner la manière qu’ont eue les pro-armée de défendre leur institution. Heureux hasard, l’année 1989 correspond aux 50 ans d’anniversaire de la première mobilisation générale. Les défenseurs de l’armée vont alors exploiter au maximum ce filon, le gouvernement débloquant même un crédit supplémentaire de 6.5 millions de francs destinés aux festivités. Une multitude d’événements commémoratifs s’échelonnent de ce fait entre le mois d’août et celui de septembre 1989. La figure de Guisan est à nouveau magnifiée comme lors du Comptoir Suisse de Lausanne (9-24 septembre), qui présente l’exposition intitulée « Henri Guisan – une époque – un chef ».

1989 : L’armée suisse dans la tourmente L’envergure du débat L’armée suisse connaît des « jours paisibles » au cours de la guerre froide, légitimant son existence par la menace que fait planer sur l’Helvétie la redoutable Armée Rouge. Toutefois, l’année 1989, marquée par l’éclatement de l’URSS, fait jaillir une crainte sérieuse pour le corps militaire suisse. Le 26 novembre, le pays est effectivement amené à se prononcer ni plus ni moins sur la suppression de l’armée. Déferle alors une vague colossale d’agitation, de réflexions, de débats et de controverses quant à l’avenir de l’institution militaire. Immédiatement, l’initiateur du projet, le modeste et jusque là inconnu Groupement pour une Suisse sans Armée (GSsA), rencontre un écho médiatique sans précé21


POLITIQUE

POLITIQUE

Mais au-delà de la personne du Général, on recourt à ses préceptes et notamment celui de la transmission de l’esprit de 19391945 aux générations futures. On note ainsi dans La Liberté du 31 août 1989 une invitation particulière aux écoliers pour les diverses expositions commémoratives. Des tirs commémoratifs rassemblant vétérans et jeunes tireurs se multiplient également à travers toute la Suisse. La défense de l’armée transite donc à nouveau par la transmission d’une mémoire, d’un vécu et de valeurs particulières. Bien plus, la rhétorique employée par les pro-armée offre les mêmes résonances que celle utilisée par le Général cinquante ans plus tôt. « Je pense que le service militaire est une bonne chose, qui nous forme le caractère. L’armée, dans notre pays, est la représentation de notre volonté de sauvegarder notre neutralité ». Tels sont les dires de Jacques, collégien du Collège St-Michel (Fribourg). Guisan, dans son Rapport sur le service actif (1946), parlait quant à lui de l’armée comme « d’une école magnifique forgeant le caractère et l’intelligence ». Le refrain est donc le même.

L’avenir de l’armée

Dès lors, même si le contexte est totalement différent – il ne s’agit en effet plus de prémunir la « grande muette » de l’altération du temps mais plutôt de parer les coups de ses adversaires – les recettes employées perdurent. L’héritage de 19391945 constitue bien une réalité.

Un monolithe inébranlable ? Dix ans plus tard, le GSsA reviendra à la charge avec son initiative populaire fédérale intitulée « pour une politique de sécurité crédible et une Suisse sans armée ». Toutefois, le scrutin débouchera cette fois-ci sur une déception pour les opposants à l’armée suisse dans la mesure où seuls 21.9% des citoyen-ne-s diront « oui » le 2 décembre 2001.

Un grand « oui » certes, mais un grand « non » également ! Les résultats de la votation du 26 novembre 1989 donnent lieu à un dénouement singulier. D’un côté, les antimilitariste parlent incrédules d’« un formidable séisme politique », se félicitant que 1’052’442 de citoyen-ne-s (35,6 %) ainsi que les cantons de Genève et Jura aient approuvé leur initiative. Toutefois, le véritable triomphe revient bel et bien aux protecteurs de l’armée, qui évoquent quant à eux un « colossal coup de semonce ». L’armée l’emporte effectivement, mais elle subira la réforme « armée 95 » prévoyant la réduction des effectifs, de la durée des ER et des CR ainsi que l’abaissement de l’âge de libération des obligations militaires (42 ans). La stratégie de défense du corps militaire a donc une nouvelle fois réussi, le peuple suisse ayant été touché par les fêtes commémoratives et la vision d’une armée protectrice de l’indépendance et de la souveraineté du pays.

Il n’empêche, l’armée a perdu de sa superbe. Son budget a quasiment diminué de moitié de 1989 à aujourd’hui (on est passé de 7 à 3.9 milliards de francs). En outre, nombreux sont les jeunes qui parviennent aujourd’hui à la contourner par le biais de la protection civile. Et, de surcroît, l’examen de conscience, que devaient jusquelà endurer les civilistes, n’est plus ! Le service civil risque donc de connaître un certain essor, réduisant du même coup les effectifs du recrutement militaire. Par ailleurs, les multiples scandales qui ont récemment incriminé l’armée (drames de la Jungfrau (juillet 2007) et de la Kander (juin 2008), scandale du chef de l’armée Roland Nef, meurtre d’une jeune fille à Zürich sur la voie publique (novembre 2007)) exposent un édifice pour le moins fragile. Toutefois, l’institution militaire ne risque pas sa peau, étant donné que malgré les remous, 72% de la population a estimé l’été dernier que le pays devait conserver ce « grand corps malade ». Le principe de milice semble effectivement s’effriter toujours plus et, de nos jours, on tend toujours plus, non pas vers du professionnalisme, mais vers du volontariat. L’avenir dira si officiellement le titre « armée volontaire » sera donné à l’institution militaire suisse.

MÉDIAS, OPINION PUBLIQUE ET POLITIQUE GOUVERNEMENTALE Les médias jouent un rôle fondamental dans nos sociétés. Au-delà de la simple diffusion d’informations, ils ont un réel impact sur l’opinion publique et la politique du gouvernement. Afin de comprendre l’étendue de cette influence, il est indispensable de resituer les médias au sein des théories y relatives. Une nouvelle ère ? L’information est omniprésente, partout et en tout temps. Nous sommes quotidiennement entourés de journaux payants ou gratuits, de radios à ondes modulables, de télévision à chaînes variables et enfin d’Internet dont le clic est aussi simple que rapide. La technologie a fait avancer autant la quantité que la rapidité de diffusion de l’information. Ce foisonnement des sources et des contenus donnent à boire et encore plus à manger. Néanmoins, une sélection ou un regroupement dans la gamme proposée offrent la possibilité d’obtenir une information sérieuse et complète pour les plus fins gourmets. L’ère de la communication de masse n’a pas seulement frappé à nos portes, elle a surtout investi nos espaces publics et privés.

Le rôle des médias est aussi important que pluriel. Ces derniers permettent aux gens d’appréhender le monde de manière concise et ciblée, de se positionner dans la communauté, de fournir une plateforme d’échange, un forum et enfin de divertir. Dans la théorie normative de la démocratie, les médias sont le canal de transmission privilégié reliant les deux pans du système politique : le gouvernement et ses électeurs. En ce sens, les médias remplissent deux fonctions essentielles à la bonne marche de la démocratie : fournir une information de qualité aux citoyens – leur permettant de se faire une opinion sur les enjeux politiques – et réciproquement refléter au mieux l’opinion publique. Malgré des voix dissonantes, les chercheurs s’accordent sur la réalité de l’influence des médias sur l’opinion publique et dans une certaine mesure sur la politique gouvernementale. Néanmoins la relation entre ces trois variables n’est pas à sens unique et chacune à tour de rôle a des répercussions sur les deux autres. Médias, opinion publique et politique gouvernementale forment donc un triptyque dont

Danica Hanz

les fresques sont indissociables les unes des autres. Médias et opinion publique Longtemps on a cru que l’opinion publique était peu influencée par les médias. Différentes théories ont été développées dans ce sens. Selon Lazarsfeld, l’information est traitée par les leaders d’opinion qui la filtrent, puis racontent et disséminent les faits pertinents à la lumière de leur opinion. La communauté leur attribue un statut spécial du fait de leur savoir, de leur charisme ou de leur position sociale, ce qui les rend crédibles et aptes à influencer les opinions ou actions des autres éléments du groupe. D’autres théories soulignent le rôle de la socialisation pour expliquer la propension d’un même groupe à perpétrer la même tendance : orientation politique ou vote partisan par exemple. Toutes ces approches dénient aux médias une quelconque influence significative ou durable. Les tenants du camp adverse stipulent, quant à eux, que les médias ont un impact non négligeable sur l’opinion publique et

L’armée apparaît donc comme une institution inébranlable et toute idée de suppression semble dès lors irréalisable. De fait, même si la génération de la « mob » arrive en bout de course, elle a fait suffisamment d’émules pour assurer la continuité du service militaire dans les années à venir.

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POLITIQUE identifient dans ce sens trois de leurs effets : l’« agenda setting », le « framing » et le « priming ». Les trois répercussions, au-delà d’une simple relation médias et opinion publique, incorporent à divers degrés la variable politique gouvernementale. L’effet « agenda setting » ou « mise à l’agenda politique » correspond aux capacités des médias à prioriser certaines problématiques aux yeux des électeurs. Inévitablement, la sélection d’information effectuée par les médias met en avant certains événements au détriment d’autres faits. Par ailleurs, la fréquence d’émission d’une information fait souvent écho à l’importance ou l’urgence d’une certaine situation. En termes d’apparition et de fréquence, ce choix influence les priorités politiques et sociales du public. Le « framing » est le cadre de narration construit par les différents médias autour d’un événement. Il influe sur la perception et la compréhension par l’audience de ce dernier. Toute situation, pour être racontée, doit être analysée, comprise et expliquée ; le compte rendu de ce processus est une digestion individuelle et subjective de l’information brute. En relatant des faits, les journalistes les empreignent de leur propre interprétation. Selon le consensus entre les différentes sources d’informations, ce cadre de référence est largement repris par le grand public. Le dernier effet, le « priming », se réfère à l’aptitude des médias à construire un contexte normatif qui sera utilisé pour l’interprétation des communications ultérieures. Au-delà du « framing » discuté précédemment, le « priming » établit en plus un système normatif au travers duquel on analyse un événement et les solutions envisageables. Ce contexte normatif est façonné par les prédispositions idéologiques, les faits historiques ainsi que par les sensibilités diplomatiques et les intérêts nationaux de la communauté.

LOI SUR L’UNI Médias et politique gouvernementale L’étude de cette relation démontre un profond désaccord entre les chercheurs. Dans l’opposition, l’école dite du « manufacturing consent », menée par Noam Chomsky, dénie une quelconque influence des médias sur la politique, médias par ailleurs manipulés et contrôlés par les élites gouvernementales. Des approches plus nuancées dissocient la politique intérieure de la politique étrangère, la seconde éloignée et peu connue du public étant plus soumise à l’influence médiatique que la première. Les partisans d’une influence effective des médias sur la politique gouvernementale illustrent cet effet de trois manières différentes. Le « television diplomacy » est la propulsion des journalistes au rang de diplomates durant des négociations importantes prenant place dans l’arène médiatique. Leur rôle dépassant le cadre informatif, ils s’immiscent dans le processus délibératif et décisionnel. D’autre part les médias sont une source d’informations auprès de laquelle les différents leaders peuvent eux-mêmes puiser une information critique. A leur tour ils subissent les effets « agenda setting », « framing » et « priming » dévolus au public. Finalement à un niveau individuel, tout particulièrement lors de crises humanitaires, les images véhiculées peuvent avoir un impact sur les émotions et perceptions des dirigeants politiques et donc influer sur leurs décisions. Limites et contraintes Étudier les médias, c’est aussi énumérer les contraintes auxquelles ceux-ci sont confrontés. Les limites au sein des institutions médiatiques sont de différents ordres. Les limitations législatives contraignent le journaliste à rester dans le cadre juridique imposé par son métier, règles variables selon le pays dans lequel ils exercent. La pression de l’audience soumet les médias aux lois de la consommation car bon nombre de sources d’information restent payantes. Les exigences du directeur ou des actionnaires établissant objectifs, buts à atteindre et cadre informatif limite la marge de manœuvre des journalistes. Enfin au quotidien, l’informateur doit jongler entre place, temps et moyens disponibles pour son traitement d’information.

Dans une vision plus globale, replacer les médias au sein du modèle plus complet – médias, opinion publique et politique gouvernementale –, pose à son tour des problèmes. Les difficultés sont notamment d’identifier le sens de l’influence entre les trois variables, de démêler la multitude des influences entre celles-ci et finalement de réussir à étudier empiriquement le processus et les dirigeants politiques.

L’AESPRI SE PRONONCE

Une question en suspens ? Les médias sont un facteur essentiel à prendre en compte afin de comprendre aussi bien le mode de fonctionnement de notre société que les devoirs et pouvoirs des différents corps la composant. La question de savoir dans quelle mesure ces derniers influencent l’opinion publique et la politique gouvernementale reste controversée. Néanmoins les médias jouent un rôle essentiel en théorie comme en pratique, comme le soutien une majorité de chercheurs dans le domaine, rôle qu’il s’agit d’établir clairement. D’autre part l’impact des médias doit être étudié à la lumière des deux autres variables : opinion publique et politique gouvernementale. Comprendre l’emboîtement de ses trois composantes élucidera le rôle et l’impact véritable de l’institution que sont les médias.

En 2006, suite à la crise1 de l’Université, une commission externe est nommée par le Conseil d’Etat dans le but d’offrir à l’Uni de Genève une nouvelle loi. Le 4 avril 2007 la commission rend public un avant-projet de loi ; une consultation publique est ensuite ouverte jusqu’au 7 mai. La nouvelle loi sur l’Uni (NLU) est finalement votée le 13 juin 2008 par les députés ; suite à quoi, un comité référendaire s’organise durant l’été et recueille le nombre de signatures requis de manière à s’opposer au texte de loi. Ainsi la loi sera soumise au vote du peuple le 30 novembre prochain. Dans l’argumentaire suivant, l’Association des EtudiantEs en Science Politique et Relations Internationales (AESPRI) s’est prononcée officiellement contre celle-ci. Premièrement, une critique générale que l’AESPRI adresse au DIP concerne le délai de consultation trop court de l’avant projet de loi auprès des milieux concernés : 33 jours (21 au sein de l’Uni) seulement,

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bien peu en regard de l’importance et de l’ampleur de la tâche visée par ce projet de loi. Par ailleurs, un délai tombant en pleine préparation des examens a rendu difficile la mobilisation du corps estudiantin. Deuxièmement, l’AESPRI a entrepris de se prononcer sur deux points précis qu’elle juge primordiaux de par leurs conséquences sur les étudiantEs : la gouvernance et les taxes. Concernant la gouvernance, la nouvelle loi accorde un pouvoir démesuré au rectorat au détriment de l’Assemblée de l’Université (AU), qui remplacera l’actuel Conseil de l’Université. L’AU doit être comprise comme l’autorité représentante de la communauté universitaire2. La NLU stipule que « le rectorat assure le pilotage stratégique et opérationnel de l’Université en exerçant toutes les tâches et en prenant toutes les décisions que la loi ou le statut n’attribuent pas à un autre organe […] » (art. 29 NLU). Parmi ces tâches, on trouve notamment l’élaboration du budget et du plan straté-

gique à long terme ainsi que la création ou suppression d’unités d’enseignement (art. 29 al.1). Le rectorat est seul à avoir un pouvoir décisionnel sur ces objets, ce qui n’est pas le cas dans la loi actuelle. En effet, ces objets sont pour le moment soumis à un vote du Conseil de l’Université3 (art. 76) et donc à un contrôle de la communauté universitaire sur le travail du rectorat. Ce mécanisme de contrôle disparaît dans la nouvelle loi, et l’AU devient un organisme exclusivement consultatif à l’exception de quelques objets définis dans la loi4. L’AU peut donner des préavis sur les objets dont elle est saisie, comme par exemple la convention d’objectifs qui sera négociée entre le rectorat et le Conseil d’Etat (art. 32 al. 3), mais sans mécanisme garantissant que son opinion sera prise en compte. En ce qui concerne la représentation des étudiantEs au sein de l’AU, la situation s’avère défavorable. De fait, la loi améliore la représentation numérique des étudiantEs, même si on est encore loin de la parité entre les quatre corps5. Néanmoins 25


LOI SUR L’UNI

LOI SUR L’UNI

ce propos doit être nuancé : certes, la part des étudiantEs augmente, mais dans un organe qui perd son pouvoir décisionnel. Cela restreint in fine la participation des étudiantEs par rapport à la situation actuelle. Ôter aux étudiantEs tout pouvoir décisionnel au sein de l’AU, revient à nier leur contribution à la politique universitaire. Similairement, c’est aussi désavouer la participation des associations étudiantes à cette dernière. En effet, les élus étudiants qui siègent à l’AU et les associations ont un intérêt commun, à savoir la défense du corps estudiantin dans son ensemble. La NLU n’aborde pas directement la question cruciale des taxes universitaires. Cela peut être expliqué notamment par le trop grand désaccord qui règne à ce sujet parmi les partis politiques. Ainsi la seconde critique que l’AESPRI adresse à la NLU est son caractère indéfini et le fait d’être sans garantie à ce jour. En effet, il est stipulé dans la NLU qu’ « une loi spéciale fixe le montant maximum des taxes universitaires en s’assurant qu’il se situe dans le cadre des montants des taxes des HES 6 ». Cependant, on constate que la moyenne des taxes des HES est supérieure à l’actuel plafond genevois, « dont le montant ne peut être supérieur à 500 CHF par semestre et par étudiant7 ». Or, l’AESPRI juge important de mentionner l’éventuelle conséquence liée à l’adoption de la NLU, à savoir l’augmentation des taxes universitaires. Dans cette hypothèse, l’AESPRI estime primordial de prendre en considération

certaines spécificités de la vie étudiante suisse. Deux éléments méritent ici notre attention : la question du travail rémunéré chez les étudiantEs et la situation du système boursier suisse. Selon l’étude « Etudiants 2006 » publié par l’observatoire de la vie étudiante à Genève8, 80,9% des étudiantEs déclarent travailler pendant leurs études. 24,1% des étudiantEs travaillent en moyenne de 6 à 10 heures par semaine, et 35,3% travaillent entre 11 et 20 heures par semaine, et ceci hors périodes des vacances d’été. Ainsi celles et ceux dont l’activité rémunérée est indispensable, une augmentation –même légère- des taxes constituerait un obstacle majeur à la poursuite de leurs études. Par ailleurs, il faut rappeler que l’étude a été menée avant l’introduction du système dit « de Bologne », ce dernier impliquant entre autre que les études soient considérées comme une occupation à plein temps 9. Dans un tel contexte les conséquences d’une activité rémunérée sur la poursuite des études doivent d’autant plus être prises au sérieux. Par ailleurs, l’étude nous dit que « plus l’aide parentale est réduite, plus la nécessité ressentie de l’activité rémunérée est importante », ceci soulignant le fait que l’origine sociale de la famille reste prépondérante dans l’accès aux études10.

ambition. Un système boursier11 adéquat garantirait une telle égalité. On constate malheureusement que seul 15.5%12 des étudiants touchent des bourses. Bien peu lorsque l’on considère le nombre d’étudiants qui travaillent. Malgré l’effort des Cantons d’harmoniser les systèmes boursiers par un accord intercantonal récent13, il n’y a pas d’améliorations visibles quant à une attribution plus large d’allocations de formation.

Notes de bas de page de l'article « L'AESPRI se prononce »

Nous estimons qu’il est de notre devoir d’étudiant de nous prononcer sur de tels changements. Ces derniers impliquent notamment que les étudiantEs ne puissent plus participer à la politique universitaire. De plus l’égalité des chances se voit menacée par l’éventualité d’une hausse des taxes.

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1 La crise de l’Uni fait référence à des irrégularités

de notes de frais par des professeurs découvertes par un rapport d’audit interne à l’Uni. Le Grand Conseil décide alors d’ouvrir une enquête externe que l’on connaîtra par la suite sous le nom de « rapport Béguin ». C’est sur la base des conclusions de ce rapport que la Commission externe à la loi sur l’Uni est mandatée par le Conseil d’Etat. Cette dernière comprend le corps estudiantin, le corps du personnel administratif et technique, le corps des collaboratrices et collaborateurs d’enseignement et de recherche et le corps professoral. 3

A l’exception des propositions de création et de suppression d’unités d’enseignement (actuelles facultés) sur lesquelles ni le rectorat ni le Conseil de l’Uni ne peuvent se prononcer.

5

De 2 étudiantEs sur 21 membres dans le Conseil de l’Uni (art. 77), on passe à 10 étudiantEs sur 45 membres pour l’Assemblée de l’Université. Y siègeront aussi 20 membres du corps professoral, 10 collaboratrices/collaborateurs de l’enseignement et de la recherche et 5 représentants du personnel administratif et technique (art. 31 NLU).

10

Par exemple 88,8% des étudiantEs ne touchant aucune aide parentale considèrent leur activité rémunérée comme « absolument nécessaire », page 89 11

Par bourses nous entendons des subsides versées par les pouvoirs publics en fonction du niveau social.

6

Les Hautes Ecoles Suisses rassemblent les Universités, les Ecoles Polytechniques, et les Hautes Ecoles Spécialisées.

12 Selon une enquête de l’Office Fédérale de la Sta-

tistique de 2005, « Situation sociale des étudiante-s 2005 »

7 La moyenne des EPF et des Universités a été éva-

luée entre 1500 et 2000 CHF. Malheureusement, la moyenne des Hautes Ecoles Spécialisées est difficilement calculable, d’une part à cause leur nombre important dans chaque canton, d’autre part en raison de leur statut (public, privé et affilié à une Hautes Ecoles Spécialisées).

13

« Cet accord doit permettre d’harmoniser, sur certains points importants, les 26 législations cantonales en la matière » (communiqué de presse de la Conférence suisse des Directeurs cantonaux de l’Instruction Publique du 16.09.2008). Il ne s’agit en aucun cas d’une réforme du système boursier dans son ensemble.

8

http ://www.unige.ch/rectorat/observatoire/publications/

4

Notamment l’adoption du statut de l’Université sur proposition du recteur (art. 32 al. 3) et la désignation du recteur sur proposition du Conseil d’Etat (art. 32 al. 2)

9

Cela s’explique par une pause estivale raccourcie de 4 à 5 semaines ainsi que des programmes d’études compressés (par exemple l’ancienne licence en 4 ans a été transformée en baccalauréat en 3 ans).

L’AESPRI considère qu’une telle situation constitue une menace à l’égalité des chances face aux études. En effet tous les étudiants doivent avoir une chance équitable d’étudier, et les moyens financiers ne doivent pas constituer un frein à cette

La nouvelle loi sur l’Uni nous concerne tous. Notre avis ne doit pas être négligé. Protégeons une Université démocratique. L’AESPRI votera « NON » le 30 novembre. ET VOUS ?

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VOYAGE

VOYAGE

CARNETS DE ROUTE : CUBA 17 août 2008 : La Havane Après près de douze heures de vol, via Paris, en compagnie d’une remuante équipe de Judo cubaine (récemment décorée aux jeux de Beijing), l’aéroport de La Havane se prépare à accueillir ses héros. Un peu à l’écart de cette vive agitation, une télévision tente de mettre en garde qui veut bien l’entendre contre le danger imminent d’un ouragan. Les yeux embués de fatigue, c’est à peine si quelques voyageurs daignent porter un regard incrédule sur l’infatigable « Monsieur météo » local. Et pour cause, après les contrôles frontaliers et administratifs d’usage, le soleil ne tarde pas à affirmer son hégémonie. Taxi rapidement hélé et aussitôt les panneaux publicitaires défilent : « La Révolution en marche », « L’ALBA est l’affaire de tous », « Contre l’impérialisme »… Bientôt les rues de la capitale se découvrent devant mes yeux. Deux ans seulement depuis mon dernier voyage mais déjà ses trottoirs inégaux, usés, parcourus par le temps, m’emplissent de mélancolie. Nostalgie dans la ville où l’Histoire s’est arrêtée. « Locos por mi Habana » disait la chanson… Car La Havane est avant tout musique, pas une ville de carte postale. Elle est à prendre comme un tout : les beaux quartiers d’Havana Vieja, restaurés par un scrupuleux historien, les petits « palais » du Vedado, les luxueux hôtels, façades du tourisme et vestiges du dernier passage des Américains, mais aussi les quartiers de Centro Habana, plus difficiles, où de nuit la vie semble se terrer sous de vieilles bâtisses dans de sombres ruelles. A défaut d’un véritable plan de restauration, la Révolution n’aura apporté aux habitants du quartier qu’un vaste réseau de caméras. Plongeant jusqu’au Malecón, ces dernières ont pour fonction de protéger les touristes contre les fripouilles en tout genre qui sévissaient dans la zone. 22 août 2008 : Jineteros, jineteras… L’impression qu’ici tout s’achète. Bienheureusement je suis logé chez des amis, un peu à l’extérieur de la ville, dans la cité des Jeux Panaméricains de 1992 ; ce quartier offre une véritable bulle d’oxygène loin de la rue et de ses modernes assaillants. Le droit à la ville ne se reçoit pas, il se conquiert. Cigares, « marijuana » et même cocaïne… tout le monde semble avoir quelque chose à proposer. Etrange comme l’apparition de drogue à l’air de frapper le pays, étrange quand on sait que Fidel Castro avait mené une guerre impitoyable aux trafiquants jusqu’à quasiment éradiquer le phénomène. Mais le plus désolant réside 28

sans doute dans la marchandisation de ce que le pays a de plus beau et de plus cher : ses femmes. Chaque soir, le Malecón se pare de ses plus beaux bijoux pour le seul plaisir des touristes italiens ou espagnols qui n’ont alors plus que l’embarras du choix. Jineteras, littéralement cavalières car vivant sur le dos des touristes. Hôtels, plages, discothèques, on les retrouve partout, à la recherche de quelques sous pour se payer des biens de luxe, indisponibles par carnet de rationnement. L’abrogation de la loi interdisant aux Cubains d’entrer dans les hôtels ne poussera pas le commerce dans une autre direction. Au fort contrôle policier, les Cubains ont répondu par un système particulier de prostitution. Pas de grand réseau mais un marché du sexe plus « soft ». Les filles ne se séparent jamais du jinetero, qui est souvent le copain. Feignant le couple parfait devant les patrouilles, le danger passé les deux tourtereaux s’empresseront déjà d’inviter le premier touriste venu à venir partager un brin de conversation. Rien que pour « compartir » (partager) disent-ils. Malgré tout, les Cubains risquent gros. Les rumeurs parlent de 4 à 8 ans de prison après trois avertissements amendés pour ce qui est appelé textuellement « assiègement de touriste ». Débordé, le gouvernement semble un peu perdu dans sa lutte contre la prostitution ; et l’association des femmes cubaines, qui n’entend pas laisser ternir l’image de ses consœurs, se mobilise. « Les femmes à Cuba sont comme ces fleurs aux couleurs vives, belles d’apparence mais sans parfum ». Paraît-il… 28 août 2008 : Oriente L’Orient. Ni extrême, ni moyen… simplement l’Orient cubain peuplé de ce que les habitants de la capitale appellent, méprisants, les « Palestiniens ». Venant des provinces les plus pauvres, les Santiagueros et Guantanameros auraient la réputation d’être des « sans-terres » car émigrant souvent vers un Ouest et un futur plus prometteurs. Partir à l’aventure, muni du strict nécessaire pour on ne sait où. Qu’importe. Comme disait Bouvier : « La vertu d’un voyage, c’est de purger la vie avant de la garnir ». Pour moi, ce voyage à travers ces routes escarpées est surtout l’occasion de rencontrer des gens un peu différents, plus simples et surtout moins intéressés. C’est aussi l’occasion de découvrir ou de confirmer à quel point le système éducatif fait des merveilles. Des étudiants en médecine comme s’il en pleuvait et les provin-

Adrià Budry Carbó

ces les plus reculées possèdent toutes des facultés accueillant bon nombre d’élèves venant de pays du tiers-monde. La Cuba internationaliste peut continuer à envoyer ses médecins aux quatre coins du monde, la relève est assurée. Les étudiants sont tenus de participer à des heures de travail « volontaire » dans des dispensaires plusieurs jours par semaine ou dans les champs lors des récoltes. Les étudiants reçoivent également une compensation financière pour leurs études. Il s’agit de contribuer un peu à la maison et que le manque de revenus n’y soit plus une excuse. Tous ces futurs diplômés viendront renforcer le système de santé cubain… totalement gratuit à l’exception des médicaments qui viennent parfois à manquer (blocus oblige). Cela dit, même la chirurgie esthétique est gratuite (pour autant qu’on paye l’éventuel silicone), mais, selon mon hôte, les Cubaines n’en ont pas besoin. Bienheureuses soient-elles.

politiques (cyniquement admis ici), ont tous été exaucés par la patronne de l’île. En pleine expansion, la Santería apparaît comme la solution pour un pays en mal de mysticisme. Les Orishas rythment la vie des Cubains, syncrétisme entre catholicisme et cultes Yoruba. Un Dieu pour chaque problème, des Dieux si proches des hommes, affublés de leurs défauts. Ochosi, patron de la Justice et des forces de la Nature (c’est à lui que l’on s’adresse si l’on a des problèmes avec la police) : « Vis dans ma maison pour que je ne vive pas dans la tienne ». Yemaya, déesse de la mer et des marins : « Accorde-moi la permission de traverser ton royaume ». 8 Septembre 2008 : La Havane Le départ approche. Difficile de quitter tout cela à nouveau. Suite au long périple dans l’île, l’impression de laisser des choses importantes à La Havane. Des souvenirs. Après avoir dévasté Holguín et le centre du pays, un nouvel ouragan s’ap-

proche dangereusement des provinces occidentales. Le compte à rebours est lancé. Ça et là les gens s’affairent à réaliser les derniers achats, barricader les vitres, assurer ce qui est branlant. La télévision continue à chanter infatigablement : mesures à prendre, organisation, déportations massives des zones à risques… Le pays se veut un modèle du genre, vitrine internationale. Et l’on ne manque pas de faire du zèle pour limiter au maximum les pertes humaines. Le précédent ouragan, lui, avait fait l’effet d’une attaque nucléaire dans l’Ouest (les morts en moins), paroles de Fidel. Les récoltes sont d’ores et déjà gâchées. Quid de la suite ? Le plus long blocus de l’histoire restreint fortement la marge de manœuvre. Sans aide alimentaire, la famine est à craindre. Les presque 48 heures promises sans électricité invitent à réflexion. Pas évident de juger de la situation dans un pays aussi atypique. Liberté de presse ? Non, pas la moindre. Mais pas facile de maintenir son régime

avec un voisin aussi puissant que les USA. Qu’on le demande au Guatemala, au Nicaragua, à la République Dominicaine ou au Chili… TV Miami, elle, darde ses néfastes ondes vers les nombreux récepteurs pirates. Rêve américain. Luxe et opulence. Strass et paillettes, fugitives images de Cubains, désormais Etasuniens, riches et célèbres. Humble vie opposée à l’utopique réussite capitaliste. C’est Pitbull et Eva Mendes contre les « barbus » ; et les jeunes ont bien vite fait de choisir leur camp et leurs modèles. Rêves d’une autre terre, d’une épique traversée. Mais qu’en est-il des oubliés de la mer ? Elvis Manuel, néopromu star du reggaeton cubain à 18 ans – « El que mejor la tiraba » – noyé quelque part entre La Havane et Miami, mort de n’avoir su se contenter de la gloire locale. Le secret de ceux qui restent réside peut être dans les paroles de ce vieil homme du Cerro : « Notre vin est amer mais permet néanmoins d’en faire un bon vinaigre ».

1 septembre 2008 : Santa María del Cobre Lundi, premier jour de la semaine. Jour d’Eleggua, Orisha détenteur des clés du destin. De l’importance de bien commencer sa semaine, de ne pas ouvrir les portes du malheur. Une petite route au milieu de la Sierra Maestra. Un vert vif à en perdre haleine. C’est ici qu’il y a bien longtemps un petit groupe de guerilleros barbus avait prit le maquis pour mettre à bas la hiérarchie socio raciale de l’époque. Le sanctuaire, d’abord petite tache dans une mer de végétation et de monts, apparaît au loin. Pas une âme qui vive en ce jour mis à part les quelques vendeurs de reliques le long de la route menant à l’édifice. Un temple perdu sorti tout droit d’un film d’Indiana Jones ; et pourtant nulle part ailleurs le monde spirituel et le monde temporel n’ont été si intimement liés, se façonnant l’un l’autre. A quelques mètres de là, en contrebas, la plus célèbre mine de cuivre de Cuba s’offre à nous. C’est elle qui a nommé la patronne de Cuba. 2001 : chute du cours du cuivre. La mine est contrainte de fermer ses portes. Depuis, un étrange lac virant tantôt au vert tantôt à l’azur, a surgi de la vallée. Un détail de plus à la somptuosité du site dans lequel, chaque année, se rendent des milliers de pèlerins catholiques ou santeros. Vierge du Cuivre pour les uns, Ochún, déesse de l’amour, de la fécondité et des fleuves, pour les autres. Auréolée de la réputation d’accomplir des miracles, les ex-voto fleurissent dans sa demeure. Sportifs, étudiants, mères de familles, étrangers et mêmes prisonniers 29


OPINION

SOURCES

OÙ SONT LES INFORMATIONS ? Le système administratif des Relations Internationales a encore beaucoup de progrès à faire en ce qui concerne l’information aux étudiants ! 13 juin, période post-examens, nous (étudiants en BARI première année) recevons un seul et unique courrier électronique nous informant de la séance de consultation de nos copies, celle du cours d’Introduction à l’Economie. En ce qui concerne le cours du département de Science Politique, la date était trouvable sur la page web du département. Pour les autres cours : rien sur dokeos, rien sur les pages web des départements, rien non plus sur le tableau du troisième étage normalement voué à cela et aucune réponse des professeurs « concernés ». A une des seules séances de consultation, une étudiante nous informe que la consultation des copies du cours de Statistiques avait lieu le matin même, elle l’a su par sms d’une de ses camarades ! A part quelques personnes qui font bien leur travail (merci aux assistants du Prof. Olarreaga), nous n’avons que des rumeurs, des sms et par chance parfois un e-mail alors qu’il s’agit d’importantes informations ! Il est tout à fait légitime pour un étudiant de pouvoir consulter sa copie d’examen et ceci sans devoir courir après les professeurs et les assistants en vain. Ceux-ci devraient s’investir plus dans le suivi des étudiants. L’Université attend des étu-

diants d’être dans les délais et de suivre le règlement à la lettre, elle devrait également être exigeante avec le corps professoral en ce qui concerne son engagement envers les étudiants du BARI non seulement pour permettre à ceux-ci de consulter leurs copies mais aussi pour d’autres sortes d’informations essentielles comme des renseignements quant aux débouchés de notre Bachelor, aux cours nécessaires pour une spécialisation, aux conditions de réussite des examens, aux possibilités d’échange, etc. Mais pour ces derniers exemples, le personnel administratif a aussi sa part de responsabilité, faudrait-il ensuite qu’il ait la possibilité de la remplir. Le Bachelor en Relations Internationales rassemble trois facultés qui doivent fonctionner ensemble, il est par conséquent normal qu’il soit plus difficile d’échanger des informations et de les transmettre aux étudiants. Mais les étudiants le paient cher, et ce n’est pas normal. Les outils nécessaires au transfert d’informations devraient être plus conséquents que dans d’autres facultés ; ce bachelor pluridisciplinaire est séduisant mais il manque cruellement de moyens administratifs. La Conseillère aux Etudes du BARI, Monica Gonzalez, débordée, a un poste à 80% pour 880 étudiants. C’est pour cela que la Commission de Direction du BARI a demandé au Rectorat d’augmenter le poste

Mylène Hauri

de Mme Gonzalez à 100% afin qu’elle soit plus à même de répondre aux besoins légitimes des étudiants du BARI. Mais le Rectorat a refusé. Faut-il lui rappeler le nombre important d’étudiants qui dans certains cours ne peuvent pas tous s’asseoir sur une chaise ? Et que par conséquent, une seule conseillère à 80 % ne suffit pas ! Il s’agit là d’une décision incohérente, si nous comparons les autres bachelors dont les étudiants sont beaucoup moins nombreux et qui ont également un conseiller. Le Rectorat devrait se mettre à la place des étudiants qui, lorsqu’ils essaient d’appeler la conseillère pendant une de ses rares heures de réception, tombent continuellement sur une ligne occupée… Bref, ces conditions sont très pénibles pour les étudiants du jeune bachelor inter facultaire. A bon entendeur !

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Lorsque l’écologie rejoint l’art

POLITIQUE (pages 20 à 24)

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Alimentaire, mon cher docteur…

Policy, Press/Politcs, 1998, Vol.3, 1, p.65-91.

1 Voir le rapport de l’ONU « world population to 2300 »

3 Brenda M. Seaver, The Public Dimension of Foreign

http ://www.un.org/esa/population/publications/lon-

Policy, Press/Politcs, 1998, Vol.3, 1, p.65-91.

grange2/WorldPop2300final.pdf

4 Jin Yang, Framing the NATO Air Strikes on Kosovo

2 The vertical farm project, essay II, Dickson

Across Countries, Gazette : The International Journal for

Despommiers

Communication Studies, 2003, Vol.65, 3, p.231-249.

http ://www.verticalfarm.com/VfEssays2.aspx

5 Piers Robinson, Theorizing the Influence of Media on

3 L’hydroponie est une culture hors-sol où les racines se

World Politics, Europen Journal of Communication, 2001,

développent dans un substrat (billes d’argile ou fibre de

Vol.16, 4, p.523-544.

coco). L’aeroponie fonctionne sur le même principe mais

6 Kuusisto, Riikka., Framing the Wars in the Gulf and in

ici les racines sont directement plongées dans un bain

Bosnia : The Rhetorical Definitions of the Western Power

de nutriments.

Leaders in Action, Journal of Peace Research, 1998,

4 Par l’ajout de bactéries dans un réservoir contenant

Vol.35, 5, p.603-620.

des déchets organiques, la décomposition produit un

7 Brenda M. Seaver, The Public Dimension of Foreign

mélange de méthane et de CO2 (Biogaz).

Policy, Press/Politcs, 1998, Vol.3, 1, p.65-91.

5 Pour le phénomène des zones mortes, voir l’article

8 Jean-Luc Martin-Lagardette, Le guide de l’écriture

de Robert J.Diaz et Rutger Rosenberg dans le Science

journalistique, Paris, La Découverte, 2005 pp :19-21.

d’Aout 2008 : http ://www.sciencemag.org/cgi/content/

9 Brenda M. Seaver, The Public Dimension of Foreign

full/321/5891/926

Policy, Press/Politcs, 1998, Vol.3, 1, p.65-91.

6 Voir les études LTER (Long Term Ecological Research) de la National Science foundation(US)

30

31


REMPLISSAGE

REMPLISSAGE

HOROSCOPE

BÉDÉ

Bélier : A mettre dans l’ordre, je pue/

Scorpion : Vous rencontrerez l’homme

aliénation/ toujours/ périmé/

ou la femme de votre vie, de signe

bouffie/ avec son cerf-volant vert

balance, le 19. Faites quand même

à pois rose/ plus loin.

attention à cette personne.

Taureau : Période cordiale

Sagittaire : (QCM)

potentiellement marquée par

a) Vous prendrez 15 kilos le 25 du mois

un divorce ou un suicide.

b) Vous gagnerez 15 kilos le 25 du mois c) Vous perdrez 15 kilos le 25 du mois

Gémeaux : Soyez relâché, laissez parler vos émotions ! Conseil : ne par-

Capricorne : Ecoute Capri,

lez pas à vos parents aujourd’hui.

quand c’est fini, c’est fini !

Cancer : Possible contagion de la

Verseau : Alors…vous prenez au

lèpre. Evitez de jouer de la guitare.

giratoire à gauche, au stop à droite, continuez cent mètres et hop !

Lion : Signe placé sous l’influence de

Vous arrivez vers Seau.

Venus, vous prendrez un agréable plaisir à noyer des chats.

Poisson : A ton tour de voir ton avenir. Envoie ta prédiction à

Vierge : Toujours à cet âge là ? Bon

international.ink0@gmail.com !

sang ! Songez à aller consulter les professionnelles du métier.

AU CAS OU…vous souhaitez exercer une quelconque influence sur les

Balance : Vous rencontrerez une

horoscopes du prochain numéro,

personne insupportable, de signe

Faites un versement de 3’000 CHF sur

scorpion, le 19 du mois. Essayez de

le compte CP 09-438478-9 et indiquez

vous en débarrasser. Un conseil :

votre signe. Tous vos problèmes

faites le de manière violente.

seront résolus.

32

33


ÉVENEMENT Jeudi 11 décembre 2008: – Quelle diplomatie pour la Suisse ? Entre "Bons Offices" et médiation active. (Salle MS1150) En raison de sa politique de neutralité traditionnelle sur le plan international, la Suisse est connue et reconnue pour son rôle en tant qu'intermédiaire et facilitateur entre des Etats en situation de conflit, notamment en offrant ses "Bons Offices". Par nature discrète et confidentielle, la question se pose aujourd'hui de savoir si la Suisse, en tant qu'intermédiaire, doit et peut mener une diplomatie davantage active et incluant des acteurs de la société civile, par exemple par le biais de médiations de paix. Des événements à l'instar de l'Initiative de Genève, les négociations avec les FARC pour la libération des otages en Colombie ou la récente allusion de la Cheffe de la diplomatie suisse d'envisager un dialogue avec Ben Laden ont été largement médiatisés et créé des polémiques partisanes. Il n'en reste pas moins qu'une interrogation plus fondamentale persiste. La Suisse peut-elle et doit-elle avoir un impact sur une scène internationale affectée en profondeur par la fin de la Guerre froide et une internationalisation grandissante des intérêts des Etats, petits et grands, et de leurs populations respectives. Intervenants: Jean-Pierre GONTARD, Professeur (HEID, Genève) François NORMANN, Ambassadeur Modérateur : Jean-Marc Rickli, (Département de science politique, Université de Genève)

Les Midis de Science Po 12h15-13h45, UniMail

Tiré de la brochure « Les Midis de Science Po » – Automne 2008 34



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