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Entretien Kristof Vanfleteren, Jeroen Rabaey et Tinne Van der Straeten
La nouvelle norme
Les exigences énergétiques en matière de bâtiment se font de plus en plus strictes et le secteur de l’immobilier fait face à des défis de taille.
Les défis de la durabilité pour 2050
Selon les nouveaux objectifs énergétiques de la Flandre, chaque bâtiment devra avoir le label énergétique A d’ici 2050. Le défi est de taille pour les propriétaires et les promoteurs immobiliers. Mais comment fait-on pour construire durable ? Nous avons posé la question à Kristof Vanfleteren, CEO de ION, à Jeroen Rabaey, cofondateur de Noven, ainsi qu’à Tinne Van der Straeten, ministre fédérale de l’Énergie. — Comment le secteur de la construction
peut-il construire plus durable ?
Kristof : « Quand on parle de construction durable, les gens pensent surtout aux applications techniques. Chez ION, nous avons d’abord cherché à être plus durables en tant qu’entreprise. C’est sur cette base que nous avons défini nos piliers durables : impact building, total cost of living et communicate as one. Ces piliers font partie de notre ADN. Nous utilisons également le Calculateur de durabilité des quartiers, un outil du gouvernement flamand qui permet de calculer notre score par rapport au cadre légal et aux autres entreprises. Nous tenons donc compte des aspects techniques, mais nous réfléchissons aussi en permanence à la façon d’intégrer l’axe durable dans chaque projet de nouvelle construction. »
De g. à dr. : Jeroen Rabaey (co-CEO et cofondateur de Noven), Tinne Van der Straeten (ministre fédérale de l’Énergie) et Kristof Vanfleteren (CEO et cofondateur de ION).
— Kristof Vanfleteren
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— Dans la pratique, observez-vous une
transition des énergies conventionnelles vers les énergies durables ?
Jeroen : « Dans le cas des nouvelles constructions, nous observons une nette transition du gaz ou du mazout à la chaleur résiduelle ou à la géothermie. Ce dernier système exploite la température du sol pour produire de l’air froid à l’aide d’une pompe à chaleur. Il s’agit d’une solution de refroidissement durable et respectueuse du climat. Elle fait partie d’un groupe de technologies durables qui gagnent en notoriété et qui passent du ’nice to have’ au ’must have’. »
Attentes
— La durabilité et le respect de
l’environnement s’accompagnent de nombreux défis. Qu’attendez-vous des promoteurs immobiliers ?
Tinne : « Beaucoup de passion et d’expertise. Il y a beaucoup de bâtiments anciens en Belgique : pour atteindre les objectifs climatiques européens, il faudrait rénover onze maisons par heure. Une des tendances actuelles dans les projets neufs consiste à travailler à l’échelle du quartier pour mettre en place des solutions énergétiques intelligentes de commun accord. Pour le gouvernement, veiller à ce que le cadre et les règles soient clairs est donc un immense défi. »
— Et qu’attend le secteur de la
construction du gouvernement ?
Kristof : « Dans le cadre de toute une série d’initiatives, nous travaillons avec des installations énergétiques et des bâtiments privatisés. Il manque actuellement un cadre légal pour ces activités, ce qui effraie parfois les gens. »
Jeroen Rabaey
Cofondateur et co-CEO de Noven. Cette startup gantoise se spécialise dans le développement et le financement de solutions énergétiques permettant de limiter l’empreinte écologique ainsi que la consommation énergétique des bâtiments.
Collaborer, c’est la clé
— L’habitat et la construction durables
ont également un impact sur nos systèmes de chauffage. Est-ce que les structures et systèmes actuels peuvent suivre la tendance ?
Jeroen : « Le réseau électrique est de plus en plus sous pression. Il est donc capital de faire le bon choix technique. Si nous optons pour une pompe à chaleur, nous devons garder à l’esprit qu’elle utilisera le réseau électrique, qui est déjà surchargé. Nous sommes convaincus que tout doit être connecté et géré de manière centralisée. Les sociétés de services énergétiques ont selon nous un rôle important à jouer, car elles sont responsables de l’efficacité et du bon fonctionnement de ces installations. » — Il est en effet important de bien se
coordonner, surtout en matière d’énergie. Quelle est votre vision en tant que ministre de l’Énergie ?
Tinne : « Il est important d’avoir une gestion intelligente de l’énergie, ce qui se joue effectivement à un échelon supérieur. Nos équipes travaillent actuellement à rendre la gestion du réseau plus intelligente et plus flexible. J’espère pouvoir boucler une série de modifications de la loi sur l’électricité et les présenter au parlement cette année. Je pense par exemple à changer ’électricité et gaz’ en ’chaleur’ parce que le tarif social ne s’applique pour l’instant qu’à la consommation de gaz ou d’électricité. Il faut également lancer un débat plus large sur une réforme fiscale qui promeut ces énergies renouvelables et taxe plus lourdement les sources d’énergie polluantes. » Jeroen : « Sans oublier les frais d’installation ! Si nous voulons proposer une chaleur abordable et durable dans les logements sociaux en tant qu’entreprise privée, nous devons la subsidier. Ce n’est pas une solution durable : le gouvernement doit mettre en place des outils pour compenser la différence. »
Tinne : « Si nous voulons mener à bien la transition énergétique, nous devons collaborer davantage. Nous avons déjà abaissé la TVA sur la rénovation des logements à 6% pour lui donner un coup de boost et créer de l’emploi. »
— Tinne Van der Straeten
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— Jeroen Rabaey
Le défi
— Comment rendre la construction
durable plus soutenable ?
Kristof :« Si nos acheteurs sont prêts à consentir des investissements supplémentaires pour des constructions durables, nous remarquons qu’il est important de maintenir la facture dans certaines limites. »
Jeroen : « En ce qui concerne les nouvelles constructions, nous sommes partisans d’une énergie durable mais nous nous heurtons au faible prix du gaz et au fait qu’il faut encore acheter de l’électricité. Nous observons le même phénomène sur le marché de la rénovation. Pour soutenir ces projets, une réforme fiscale est nécessaire. Pour l’instant, il n’est pas possible de rentabiliser l’investissement d’une pompe à chaleur parce que la somme investie est plus importante et que les dépenses de consommation ne diminuent pas ou pratiquement pas. »
— Nous savons que la volonté est là. Mais
à quand ce soutien du gouvernement ?
Tinne : « Il est prévu cette année encore d’introduire des modifications dans la loi sur l’électricité portant notamment sur la transition numérique et le tarif social. Nous étudions également comment atteindre les objectifs Fit for 55, l’initiative de la Commission européenne qui vise à réduire de 55% les émissions de CO2 dans tous les secteurs d’ici 2030. »
Kristof : « Notre rôle d’entrepreneurs est de continuer à chercher comment faire la différence. Pour certains projets, nous sommes déjà bien plus loin que les gens ne le pensent. Nous récupérons par exemple la chaleur des eaux usées. ION emploie deux personnes dont la seule et unique mission est d’étudier les innovations durables. »