Impact des tests génétiques dans la médecine de demain

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IMPACT DES TESTS GENETIQUES HUMAINS DANS LA MEDECINE DE DEMAIN

Etude sur les tests génétiques Sondage réalisé entre octobre et décembre 2009 Flore Areas, Bérénice Bastien, Nawel Bouchaib, Brigitte Brun, Marie Feyfant, Leslie Miditouka, Rishmi Prince, Laura Simon Equipe Sup’Biotech


Bérénice BASTIEN Chef de projet Promo 2010 Flore AREAS Chargée d’étude Promo 2012 Nawel BOUCHAIB Chargée d’étude Promo 2012 Brigitte BRUN Chargée d’étude Promo 2012 Marie FEYFANT Chargée d’étude Promo 2012 Leslie MIDITOUKA Chargée d’étude Promo 2012 Rishmi PRINCE Chargée d’étude Promo 2012 Laura SIMON Chargée d’étude Promo 2012

Comité de pilotage Mme Proux Directrice de Sup’Biotech Mme Pezet Chef d’enquête à l’Usine Nouvelle Mme Babel Chargée des relations presse Mme Aubertin Chargée des relations presse

Nous souhaitons remercier les entreprises et les particuliers ayant répondu à nos questionnaires, ainsi que ceux qui ont contribué à la diffusion du sondage. Nous tenons aussi à remercier les experts scientifiques pour leurs conseils et leurs encouragements.

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I. Résumé Dans cette étude, nous faisons l’état des lieux quant à l’avenir de l’emploi des tests génétiques dans le domaine médical. Nous nous sommes intéressées aussi bien au point de vue des entreprises qui développent les traitements de demain qu’à l’acceptation du grand public. 90% des entreprises interrogées pensent que la demande en tests génétiques va augmenter dans les prochaines années. Pourtant, parmi les entreprises qui développent des médicaments et/ou des diagnostics, plus de 70% ne travaillent pas sur les tests génétiques, même dans le cadre d'un partenariat. De plus, alors que la médecine personnalisée est considérée être une solution pour raccourcir la durée des essais cliniques, la moitié des entreprises pensent que ce n’est pas le cas. Quant au grand public, 75% des personnes sondées seraient prêtes à faire un test génétique pour détecter une maladie grave sans traitement. Et les professionnels et le grand public s’accordent à dire qu’une dérive de l’utilisation de ces tests est possible.

II. Méthodologie Cette étude a été réalisée à partir du recueil d’informations (questionnaires électroniques, micro-trottoir, entretiens téléphoniques…) auprès de dirigeants ou des directeurs de département en entreprises, et auprès du grand public. Les données ont été nettoyées afin d’enlever les doublons et les questionnaires non suffisamment complétés. Nous avons contacté 207 entreprises francophones développant des diagnostics in vitro et/ou des médicaments dans le domaine de la santé humaine, qui parfois font aussi de la prestation de services. Parmi les sociétés de diagnostic, celles dont la spécialité est un secteur assez éloigné des tests génétiques humains (par exemple la microbiologie) ont rarement participé au sondage. Parmi les entreprises contactées, 46 ont répondu à notre questionnaire, soit un taux de réponses de 22%. Afin de diffuser le sondage auprès du grand public, nous avons utilisé un serveur d’envoi en ligne, des sites de réseaux sociaux et un micro-trottoir. De plus, les étudiants de Sup’Biotech ont été invités par e-mail à y répondre. Nous avons obtenu 519 réponses pour le questionnaire grand public. Néanmoins notre échantillon est biaisé : la majorité sont des étudiants Sup’Biotech qui ont ensuite transféré le lien vers le questionnaire à leurs propres contacts. On ne peut donc pas dire que les résultats soient représentatifs de la population française. Certaines questions du sondage étaient obligatoires alors que d’autres étaient facultatives. Pour tous les graphiques nous avons mentionné le nombre de réponses à la question. Dans cette étude, les pourcentages sont arrondis à l’entier. Afin de garantir la confidentialité des réponses, les résultats sont présentés sous forme agrégée et anonymisée, sauf lorsque nous avons obtenu l’autorisation de mentionner leurs prénoms.

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III.Introduction Lorsqu’on parle de tests génétiques, nous avons peut-être le réflexe de penser aux tests de paternité, ou bien alors aux empreintes génétiques utilisées par la police. Néanmoins les tests génétiques (cf. définition page 8) sont aussi couramment utilisés en médecine, par exemple le test de dépistage des hémoglobinopathies (drépanocytose, thalassémies,…). En utilisant des techniques génétiques traditionnelles, presque deux milles gènes impliqués dans des maladies rares monogéniques ont été identifiés avant l’an 2000. 1 Le projet de séquençage du génome humain, mené de 1990 à 2003, a été la base d’une avancée considérable dans le domaine de la génétique. Et les progrès technologiques tels que les « puces ADN » ont permis l’identification de centaines de gènes impliqués dans la prédisposition héréditaire à des maladies plus communes, comme le diabète ou les problèmes cardiovasculaires. Depuis une dizaine d’années, parmi les nouveaux anticancéreux, certains sont utilisés en fonction du profil génétique des patients : on parle alors de médecine personnalisée et de biomarqueurs génétiques (cf. définitions pages 5 et 6).

IV. Résultats A. Entreprises 1. Profil des entreprises 15% 4%

37%

Start‐up PME Grande entreprise

43%

Filiale d'une entreprise étrangère

Start-up ou très petite entreprise : < 10 salariés PME Petites et moyennes entreprises : entre 10 et 249 salariés Grande entreprise : 250 salariés et plus

Nombre de réponses : 46

Figure 1: Taille des entreprises sondées

80% des entreprises ayant participé au sondage sont des PME ou des start-up (Fig. 1). Néanmoins, parmi les grandes structures, nous comptons trois des principales sociétés du secteur du diagnostic. 2

1 2

« Genomic Medicine », Chambre des Lords, Grande-Bretagne, Juillet 2009 « Produits de diagnostics », Xerfi 700, Octobre 2008

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80%

74% 70%

70%

65%

Oui

60%

En cours

50%

En projet

40%

Non

30% 22%

20%

20%

15% 9%

10%

2%

11%

9%

4% 0%

0%

Pour la recherche fondamentale

En test compagnon pour un médicament

Autres Nombre de réponses : 46

Figure 2 : Le développement des tests génétiques dans les entreprises

100%

Non

90%

Oui

80%

54%

70% 60%

76%

72%

50% 40% 30%

46%

20% 10%

24%

28%

0%

Partie majeure de l'activité Partenariat avec des de l'entreprise ? entreprises développant des tests génétiques ?

Nombre de réponses : 46

Equipes/projets de recherche sur l'identification de marqueurs génétiques ?

Biomarqueur : Il s’agit d’une caractéristique mesurée de manière objective qui sert d’indicateur de processus biologiques normaux, malades ou de réponses pharmacologiques suite à une intervention thérapeutique.

Figure 3 : La place actuelle des tests génétiques dans les entreprises

Vu que certaines des entreprises interrogées sont positionnées uniquement dans le secteur du médicament, il est naturel que seul le quart des sondés déclarent les tests génétiques comme une partie majeure de leur activité (Fig. 2 et 3). Par contre, presque la moitié des sociétés sondées s’intéressent à l’identification de marqueurs génétiques, ce qui dénoterait une réelle tendance pour un domaine qui n’existait pas à la fin du siècle dernier.

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2. L’avenir des tests génétiques Les entreprises pensent‐elles qu'une part croissante des médicaments sera associée à un diagnostic génétique sélectionnant les patients répondeurs ? Non 7%

Non

Oui

Oui

93% 0%

20%

40%

60%

80%

100%

Nombre de réponses : 46

Figure 4 : Association des médicaments aux diagnostics génétiques

Théragnostic : Traitement stratégique combinant la thérapeutique et le diagnostic. Cela permet l’identification de patients susceptibles de répondre favorablement ou défavorablement à un certain type de médicament, et donc d’augmenter l’efficacité et/ou l’innocuité du médicament en fonction du patient.

L’écrasante majorité s’accorde à dire qu’une part croissante des médicaments auront des tests compagnons de type diagnostic génétique (Fig. 4). La théragnostic est donc supposée avoir de beaux jours devant elle, bien que beaucoup des entreprises interrogées ne travaillent pas encore sur ce sujet (Fig. 3). 3

La médecine personnalisée est une réponse pour obtenir des traitements : Non Oui

100%

13%

90%

20%

39%

80%

52%

70% 60% 50%

87%

40% 30%

80% 61%

20%

48%

10% 0% Plus efficaces Nombre de répons es : 46

Plus sûrs

Moins coûteux

Plus efficaces ? Plus sûrs (moins d'effets secondaires) ? Moins coûteux pour la collectivité ? Plus rapides à tester en essais cliniques ? Médecine personnalisée : Adapter la prise en charge de chaque patient (prévention, diagnostic, traitement, suivi) en fonction de ses biomarqueurs génétiques ou d’autres types de biomarqueurs.

Plus rapides

Figure 5 : Les avantages de la médecine personnalisée pour les traitements thérapeutiques ?

Les entreprises interrogées sont persuadées de l’avantage des tests génétiques utilisés dans le cadre de la médecine personnalisée pour améliorer les traitements thérapeutiques, ainsi que pour diminuer ou éviter les effets secondaires indésirables provoqués par les médicaments. 4 L’avis est plus partagé en ce qui concerne les coûts engendrés pour la collectivité et le temps nécessaire pour tester les médicaments en essais cliniques (Fig. 5).

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« Toward theragnostics », F. Pene, 2009, Crit Care Med « Personalized medicine: elusive dream or imminent reality? », LJ. Lesko, 2007, Clin Pharmacol Ther

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Oui Non 100%

L'avenir des tests génétiques prédictifs selon les entreprises : 96%

96%

89%

89%

Tests prédictifs : Tests génétiques établissant la prédisposition d’un individu pour certaines maladies. Selon la complexité du déclenchement de la maladie, cette valeur prédictive est plus ou moins fiable.

90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 11%

20%

11% 4%

4%

10% 0%

Utiles au patient ?

Développement de la demande ?

Nombre de réponses : 45

Possibilité de dérive ?

Besoin d'harmoniser les législations européennes ?

Figure 6 : L'avenir des tests génétiques prédictifs

Cette question a fait le consensus : selon les entreprises, ces tests génétiques prédictifs peuvent être utiles au patient, la demande va se développer bien qu’il y ait des possibilités de dérives et qu’il faudrait harmoniser les législations européennes (Fig. 6).

3. Point de vue personnel des répondants Pour cette dernière partie nous avons demandé à ceux qui représentaient les entreprises d’y répondre à titre personnel. En effet il s’agissait des mêmes questions que nous avions posées au grand public. 60% Oui Probablement oui Probablement non

50%

48%

48%

Non Pas d'avis

39%

40% 34%

34%

30%

27% 25%

27%

25%

23%

20%

18% 16% 11%

11% 9%

10% 2%

0%

2% 0%

Test génétique pour détecter une maladie grave ?

Tests prédictifs sur l'ensemble de vos gènes ?

0%

Dossier médical en ligne ?

0%

Risque lié à la communication des résultats à des tiers ?

Nombre de réponses : 44

Figure 7 : Questions grand public auxquels ont répondu à titre personnel les professionnels

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Il est intéressant de noter que parmi les dirigeants d’entreprises, les directeurs R&D, les directeurs scientifiques…une majorité (59%) ne chercherait pas à détecter une maladie grave sans traitement, et 73% n’analyserait pas l’ensemble des gènes (Fig. 7). Après avoir croisé les données, une explication pourrait être la crainte de dérives. Néanmoins, cela pourrait être tout simplement leur plus grande expérience quant aux implications de ce type de tests.

B. Grand public 1. Profil des personnes sondées 44%

56%

Homme Femme

Nombre de réponses : 457

Figure 8 : Répartition homme / femme

4%

2%

1%

1%

GWAS (Genome-wide Association Studies) : Ces études identifient des centaines de variants génétiques (les single nucleotide polymorphisms ou SNP) associés à des maladies complexes. Ces dernières, comme le diabète, ont le plus souvent des causes héréditaires (qui ne sont pas toutes élucidées) et des causes environnementales (le style de vie).

1% Elève, étudiant(e) Salarié(e)

24%

Sans profession Ouvrier Retraité(e) Artisan, commerçant 67%

Chef d'entreprise

Test génétique : Analyse réalisée sur du matériel génétique humain (ADN, ARN, gènes et/ou chromosomes) afin de détecter des génotypes hérités ou acquis.

Nombre de réponses : 448

Figure 9 : Catégorie socioprofessionnelle

Plus de 150 étudiants de Sup’Biotech ont participé à ce sondage, et en tout plus de 300 élèves ou étudiants (Fig. 8 et 9).

2. Point de vue du grand public -

Prêt à faire un test génétique pour détecter une maladie grave sans traitement ? Prêt à demander l'analyse de l'ensemble des gènes pour avoir les pourcentages de risques de développer telle ou telle maladie ? Envie d'avoir le dossier médical en ligne (avec un accès sécurisé bien entendu) ? Risque que les résultats de tests génétiques soient communiqués à des organismes d'assurances, de crédit ou de banques, voire à de futurs employeurs ?

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60% Oui Probablement oui 50%

Probablement non

47%

Non 40%

Pas d'avis

39%

40% 35%

34% 30%

28%

27%

26% 24%

21%

19%

20% 14% 11%

10%

9%

10%

5% 1%

2%

2%

4%

0%

Test génétique pour détecter une maladie grave ?

Tests prédictifs sur l'ensemble de vos gènes ?

Dossier médical en ligne ?

Risque lié à la communication des résultats à des tiers ?

Nombre de réponses : 519

Figure 10 : Avis du grand public sur les tests génétiques et leurs implications

Nous notons un paradoxe : les sondés sont mitigés quant à l’idée de pratiquer une analyse de l’ensemble des gènes pour déceler d’éventuelles maladies. Cependant, ils sont favorables à la réalisation d’un test génétique pour détecter une maladie grave sans traitement (Fig. 10). Nous pouvons expliquer cela par le fait que les gens semblent davantage prêts à détecter une maladie seulement si elle présente un risque certain.

C. Comparaison entre les entreprises et le grand public Beaucoup d’entreprises pensent que la demande pour des tests génétiques prédictifs va se développer, et que la médecine personnalisée est une réponse pour des traitements plus sûrs et plus efficaces. Selon notre sondage le grand public y serait plutôt favorable. Pourtant cela se reflète peu sur la stratégie de ces entreprises. Il est intéressant de noter quelques-unes des différences entre les réponses du grand public et celles du monde professionnel. Par exemple, 73% des professionnels ne sont pas tentés par l’analyse de l’ensemble de leurs gènes contre seulement 43% pour le grand public. Par contre, plus de 80% des professionnels et du grand public s’accordent à dire qu’il existe un risque que les résultats de ces tests génétiques soient communiqués à des tiers (organismes d’assurance, banques, employeurs,…).

V. Discussion A. Points de vue des personnes sondées Joseph, retraité : Ce sont des questions qui demandent réflexion, il est donc difficile d'y répondre à « main levée ».

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Nous devons prendre en compte que les personnes sondées ne mesurent pas forcément l’impact des questions posées vu la possibilité de remplir très rapidement le questionnaire. Leurs réponses pourraient différer un peu si ces personnes étaient véritablement confrontées à la perspective de réaliser un test génétique dans un contexte particulier. Anne-Laure, étudiante : Mais si on considère le facteur psychologique, à savoir que l'on peut être sujet à telle ou telle maladie avec une probabilité plus forte que la moyenne, cela risque de faire stresser les gens et au final leur faire développer cette maladie plus vite que prévu. Chose qui ne serait peut-être pas arrivée s'ils ne l'avaient jamais su ! Et où en est le droit à ne pas savoir ? Comment gérer une réponse qui semble inquiétante, et qui peut-être n’est pas aussi définitive qu’on le croit au prime abord ? Le besoin que nous avons tous d’avoir une médecine qui nous soit plus adaptée, à notre héritage, à nos caractéristiques, à notre vécu, ne doit pas nous rendre fautifs d’avoir de « pas assez bon gènes ». Déjà car notre connaissance du génome humain n’explique pas toute l’hérédité, surtout lorsqu’il s’agit de maladies complexes (c’est-à-dire multifactorielles), et finalement notre environnement, notre style de vie pèsent parfois plus lourds que les dizaines de variations génétiques qui ont été trouvées. 5

B. Les tests prédictifs D’après notre sondage, 55% des personnes seraient disposées à réaliser l’analyse de l’ensemble de leurs gènes. Aux Etats-Unis il existe des entreprises telles que 23andMe et Navigenics qui commercialisent directement auprès du grand public des tests prédictifs (par exemple à partir d’un simple prélèvement de salive) et facilement accessibles (la commande se fait via le net). Leurs tests déterminent la probabilité de développer telle ou telle maladie pour quelques centaines de dollars. Or une étude récente a comparé les résultats de ces deux sociétés : s’il n’y a pas de raison de mettre en doute la précision des tests, l’interprétation est plus délicate. Par exemple un même individu peut s’attendre à être plus disposé à développer un diabète de type 2 selon 23andMe, et moins selon Navigenics. 6 En effet, nous parlons ici de nombreuses petites différences génétiques qui ont des impacts faibles sur la survenue d’une maladie, et selon l’origine ethnique de la personne, et les GWAS choisies comme références par ces entreprises, l’interprétation des résultats sera plus ou moins pertinente. De plus, les résultats de ces examens ne tiennent pas compte des examens cliniques et biologiques qui pourraient améliorer leur interprétation. Parfois les antécédents, les facteurs environnementaux et de simples examens de routine pourraient répondre plus précisément à leur attente. Les résultats sont disponibles en ligne, or tout patient devrait apprendre une nouvelle qui peut être très négative en présence d’un professionnel apte à les lui expliquer, et surtout on leur expliquerait la véritable portée, ou les limites inhérentes, de cette nouvelle technologie. Il existe bien des tests génétiques dont la portée prédictive est très fiable. Il s’agit le plus souvent de maladies monogéniques (un seul gène impliqué), relativement rares, aux 5 6

« Finding the missing heritability of complex diseases », Manolio et al, October 2009, Nature « An agenda for personalized medicine », Ng et al, Octobre 2009, Nature

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conséquences graves, par exemple la Chorée de Huntington. Seuls des médecins agréés sont autorisés à les prescrire, et bien entendu la personne est accompagnée et conseillée tout au long de sa démarche.

C. Les biomarqueurs génétiques Cible moléculaire molé moléculaire La molécule a-t-elle atteint sa cible ?

Le processus physiopathologique a-t-il été altéré ? Rôle de la cible dans le processus physiopathologique ? Le traitement est‐il adapté à la technologie ?

Le m Le médicament Le médicament Processus physiopathologique L’impact thérapeutique ? Les paramètres cliniques ont-ils été améliorés ?

Soin du patient

L’amélioration de l’état du patient peut-elle être mesurée ?

Symptômes Adapté de “Les biomarqueurs : found in translation”, Lockhart et al, Médecine/sciences, 2009

Figure 11 : Les questions auxquelles les biomarqueurs peuvent apporter des réponses

Les biomarqueurs (génétiques ou autres) peuvent impacter la médecine de demain en adaptant la prise en charge du patient à plusieurs niveaux (Fig. 11). Avec les progrès de la biologie moléculaire, nous arrivons de mieux en mieux à lier des processus moléculaires à des pathologies, un peu comme des lignes entrecroisées de dominos : un domino commence à tomber et le reste suit. Malgré tous les avantages qu’ils peuvent apporter au monde pharmaceutique, les biomarqueurs génétiques présentent tout de même des limites. Déjà, les variances génétiques ont été plus longuement étudiées dans certaines populations, telles que les Européens. Or la comparaison des données génétiques du patient avec les études de référence est plus fiable s’il s’agit de la même population. Lorsqu’un patient ne correspond pas aux critères étudiés pour l’élaboration du test génétique, les résultats risquent d’être faussés. L’élaboration de médicaments « sur mesure » peut mener à définir des groupes de personnes selon leur origine ethnique ou leur phénotype, ce qui est un sujet très sensible en Europe. 7 De plus, il est difficile de considérer une régularisation de la mise sur le marché d’un médicament ne visant qu’une minorité ethnique, et les industriels peuvent être amenés à penser que développer des médicaments pour des marchés de plus en plus petits est un véritable casse-tête. 7

« Legal and ethical concerns in personalized medicine: a European perspective », Regniault et al, 2009, Future Medicine

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D. Les perspectives De manière générale, il faudrait que les données issues de tests génétiques soient systématiquement sécurisées, surtout celles obtenues dans des situations que la législation ne couvre pas encore, comme les tests génétiques achetés sur internet. Où sont stockées ces données ? Qui y a accès ? Sont-elles revendues à des tiers ? L’anonymat, le consentement : sont-ils respectés ? De plus, les progrès en bioinformatique font qu’en croisant des bases théoriquement anonymes, il est désormais possible d’identifier des données personnelles. 8 A quand les données génétiques auxquelles on accorde autant d’attention et de protection que les coordonnées bancaires ? Pourtant, les dossiers médicaux en ligne, et mutualiser les informations qu’ils contiennent tout en respectant la confidentialité des patients, pourraient permettre à la recherche médicale d’avancer d’autant plus vite. Le nombre de médicaments avec des recommandations pharmacogénomiques augmente de manière régulière, et cela s’élargit à des domaines autres que la cancérologie. Et bien que les investissements dans la médecine personnalisée commencent à montrer des résultats valables, son intégration dans la médecine de routine a été lente, et n’impacte pas pour le moment les soins de la plupart des patients. 9 Afin d’élargir les bénéfices de la médecine personnalisée dans les années à venir, différentes problématiques doivent être abordées : les aspects réglementaires, le remboursement par les systèmes de santé, la démonstration de l’utilité clinique, les besoins en bioinformatique, et la formation du personnel médical à ces nouveaux outils. Il reste donc encore beaucoup de travail : la preuve de concept est faite, mais il est nécessaire de l’améliorer et de mettre en place des tests fiables et abordables pour tous. De plus, les lois concernant ces tests sont différentes dans chaque pays européen et il est nécessaire de les uniformiser afin de les réglementer et d’éviter les dérives.

VI. Conclusion A l’issue de cette étude, il apparait clairement que les entreprises perçoivent les tests génétiques comme un outil très prometteur en termes de médecine personnalisée et de théragnostic. De plus le grand public semble enthousiaste à l’idée d’utiliser ces tests tout en étant conscient du risque éventuel de divulgation à des tiers et de ses dérives. Malgré les aspects très prometteurs des biomarqueurs génétiques, la médecine personnalisée utilisera probablement aussi d’autres types de biomarqueurs (comme les ARN, les protéines, l’imagerie IRM…), et cela ne remplacera pas pour autant les données cliniques et épidémiologiques habituelles (âge, style de vie, antécédents familiaux, etc). La médecine personnalisée aura donc une place très importante dans la médecine de demain en plus des applications qui se développent déjà pour certains cas précis, la plupart dans le domaine de la cancérologie. Mais ces avancées technologiques pourraient tout aussi bien mettre 20 ou 30 ans à se mettre en place, ou beaucoup moins (à peine 10 ans), selon les efforts consacrés à son développement et sa mise en place dans nos systèmes de santé.

8

« Resolving Individuals Contributing Trace Amounts of DNA to Highly Complex Mixtures Using High-Density SNP Genotyping Microarrays », Homer et al, Août 2008, PLoS Genetics 9 « Expanding Applications of Personalized Medicine », Falkingbridge, 2009, Business Insights

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