Mémoire Aperçu des connaissances sur l’éradication de l’habitat précaire

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MASTER 2 « Urbanisme et Aménagement »

Parcours Urbanisme et Expertise Internationale Option Villes Des Suds

Mémoire de fin d’études

Aperçu des connaissances sur l’éradication de l’habitat précaire dans les pays en développement : Difficultés, outils, et mise en application dans le bidonville « El Relleno » dans le quartier précaire Finca San Juan de Pavas au Costa Rica Étudiante : Irene CARRANZA VARGAS Directeur de mémoire : Jérôme MONNET

Année universitaire 2017 - 2018


SOMMAIRE Introduction .......................................................................................................................... 3 I Aperçu général sur l’habitat précaire ................................................................................. 8 I.1 Des origines de l’habitat précaire et des difficultés à le prévenir ............................................. 9 I.1.a La paupérisation des campagnes comme moteur principal ? ...........................................................10 I.1.b La (re)distribution démographique : des politiques difficiles et aux résultats peu convaincants.........11 I.1.c L’urbanisation : moteur de développement inévitable ? ...................................................................12

I.2 De la résorption de l’habitat précaire : outils, difficultés et limites ........................................ 17 I.2.a Les acteurs : un système bien rodé avec comme point faible le financement ....................................17 I.2.b Le logement social et ses limites......................................................................................................23 I.2.c L’accès à la propriété et régularisation de l’informel ........................................................................25 I.2.d L’auto-construction : participation des habitants ou abandon du pouvoir public ?............................26 I.2.e Conclusion sur la résorption de l’habitat précaire : l’importance des institutions ..............................29

II Le cas du bidonville « El Relleno » dans le quartier précaire Finca San Juan de Pavas .... 32 II.1 Le contexte légal sur l’habitat social et l’urbanisme au Costa Rica ........................................ 32 II.1.a De 1900 à 1960 : conscientisation du problème et essor disparate des politiques de logement ........32 II.1.b De 1960 à 1986 : efforts d’harmonisation freinés par la crise économique ......................................35 II.1.c De 1986 à de nos jours : créations du ministère du logement, nationalisation totale de la politique du logement précaire ..................................................................................................................................36 II.1.d Bilan comparatif avec les autres pays d’Amérique Latine ................................................................37

II.2 Histoire et développement du bidonville « El Relleno » dans le quartier précaire Finca San Juan de Pavas .............................................................................................................................. 40 II.2.a L’émergence des bidonvilles au Costa Rica .....................................................................................40 II.2.b Brève revue historique de Pavas. ....................................................................................................43 II.2.c Brève revue historique du bidonville « El Relleno », dans Finca San Juan de Rincón Grande en Pavas. ..............................................................................................................................................................45

III Mise en application : Projet d’habitat social pour le quartier précaire El Relleno .......... 47 III.1 Les projets et l’organisation du service ................................................................................ 47 III.2 Ma mission ........................................................................................................................... 49 III.3 Étude Socio-Urbaine de la communauté « El Relleno » ....................................................... 51 III.3.a Présentation de la communauté « El Relleno » et de la coopérative COOPEBERACA .......................51 III.3.b Étude Sociale ................................................................................................................................54 III.3.c Étude Urbaine ...............................................................................................................................57

III.4 Proposition de solution originale ......................................................................................... 64 III.5 Nouvelles variables et difficultés d’implémentation ............................................................ 68 III.6 Nouvelle solution ................................................................................................................. 73

Conclusion ........................................................................................................................... 83 Annexes .............................................................................................................................. 87 Acronymes .......................................................................................................................... 94 Bibliographie ...................................................................................................................... 95

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Introduction L’urbanisme dans les pays en voie de développement comporte de nombreux défis parmi lesquels le déficit en logement décent est peut-être le plus important. En effet, la concentration de l’activité économique dans les métropoles de ces pays qui incite à la migration urbaine, est souvent accompagnée du développement de nombreux bidonvilles. Ces quartiers exclusivement composés de logements précaires caractérisent une expansion des villes que l’on peut qualifier de chaotique et difficile à planifier. En 2008, l’ONU indiquait que 10% de la population mondiale vivait dans des bidonvilles et ce pourcentage devrait doubler d’ici 2030 d’après ses prévisions. Outre les défis urbains de mobilité et d’aménagement durable que représente cette situation, elle constitue une réelle urgence économique et humanitaire. Pour réaliser la gravité de cette urgence il faut d’abord bien cerner ce que signifie « logement précaire ». Selon la définition opérationnelle établie par l’ONU-Habitat, un logement est précaire s’il fait état d’un manque dans au moins l’un des domaines suivants : accès à l’eau potable, installation de sanitaires adéquates, durabilité du logement, espace de vie décent, sécurité face à l’éviction. Dans la pratique, les quartiers alors qualifiés de précaires sont souvent caractérisés par une marginalisation économique ainsi qu’un manque de services d’hygiène et de soins élémentaires. L’habitat informel cantonne alors ces habitants à des emplois et offres de financements informels ainsi qu’à un manque de droits et de reconnaissance de l’État. Les conséquences se constatent bien empiriquement, notamment au niveau de la santé, avec par exemple des taux de mortalité infantile dans les bidonvilles supérieurs au reste de la ville, et dans certains cas même aussi qu’en campagne (Garenne, 2003). Il en va de même pour l’éducation qui est dans l’exemple du Costa Rica significativement en retrait dans les bidonvilles. Or, lorsque l’on prend en compte le rôle déterminant du capital humain dans le développement et la lutte contre la pauvreté, on peut donc réaliser que l’habitat précaire constitue en lui-même une véritable trappe au développement.

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Pour capturer au mieux ces enjeux sociaux et économiques qu’ont les quartiers de logements précaires sur leurs habitants, on parlera finalement plutôt d’habitat précaire, pour retenir que ce ne sont pas uniquement les caractéristiques physiques du logement qui sont en jeu mais bien aussi les opportunités économiques et sociales que celui-ci offre à ses habitants. Cependant ces enjeux sociaux et économiques sont complexes à capturer mais ils sont néanmoins corrélés avec les conditions de précarité du logement telles que définies par l’ONU. On utilisera donc le logement précaire comme approximation pour mesurer l’habitat précaire. Mais le logement précaire est lui-même difficile à bien cerner. Les définitions et mesures en rapport avec celui-ci foisonnent et incitent parfois à la confusion. Le terme logement précaire est en effet subjectif. Certains le rattacheront à la définition très large de l’ONU, quand d’autres l’assimileront à logement informel, ou encore logement au sein d’un bidonville. Or précaire n’est pas informel, et vice-versa, mais il est vrai qu’ils sont souvent liés. On trouve également les mesures plus standardisées de déficit de logements, parmi lesquels on trouve 2 sous-catégories : (i) le déficit de logement qualitatif et (ii) le déficit de logement quantitatif. Le premier caractérise les conditions précaires du logement, telles que définies par l'ONU (en excluant ceux qui sont surpeuplés en raison de la présence de plusieurs ménages par foyer), lorsque celles-ci peuvent être améliorées. Le deuxième caractérise les logements dans les mêmes situations mais ne pouvant pas être améliorées, ainsi que les logements en surpopulation en termes de familles vivant par logement. Ce deuxième déficit rentre ainsi également dans la définition du logement précaire donnée par les Nations Unies. La somme de ces deux indicateurs, le déficit de logement total, constitue donc une bonne mesure de la précarité du logement, capturant bien l’ensemble de ses différentes composantes. Le déficit de logement constituera donc notre indicateur de choix pour mesurer le problème de l’habitat précaire. Cependant, il a comme caractéristique d’être complexe à estimer. Il repose en effet en partie sur les déclarations des habitants lors de recensements ou de sondages, et les résultats varient fortement d’une année à une autre et d’une source à une autre. L’analyse de son évolution et les comparaisons entre pays sont donc délicates. Les mesures du logement précaire basées sur le nombre de logements informels, ou de logements aux seins d’un bidonville ont pour elles le mérite d’être plus objectives et faciles à mesurer. On utilisera donc soit l’un, soit l’autre, en fonction des données disponibles, tout en gardant à l’esprit que les chiffres en question ne sont qu’un indicateur 4


donnant une idée de l’importance de la réalité du problème de l’habitat précaire, sans pour autant le quantifier exactement. Le Costa Rica dont la population a presque quintuplé en 50 ans, n’échappe pas à ce problème. Sa bonne stabilité politique et son relatif succès économique des dernières décennies n’ont par ailleurs pas manqué d’attirer les habitants des pays environnants à la situation moins favorable tels que son voisin limitrophe, le Nicaragua, dont viennent la majorité des immigrants costariciens, avec plus de 280 000 immigrés nicaraguayens en 2012, soit plus de 6% de la population cette année-là. On comprend bien que cette situation est économiquement et politiquement difficile à gérer. On retrouve, de fait, cette donnée dans la composition des bidonvilles du pays qui montre que ces flux d’immigration contribuent significativement à la croissance de l’habitat précaire au Costa Rica. L’INEC (L’Institut Nationale des Statistiques et du Recensement) révèle d’ailleurs que la tendance est explosive avec un doublement du nombre de familles vivant dans des bidonvilles chaque décennie entre 1991 et 2011. Intéressée par le sujet dès mes premiers cours d’urbanisme lors de mes études d’architecture, j’avais choisi de faire ma thèse de fin de master sur le sujet en me concentrant sur l’habitat précaire dans El Relleno, l’un des quartiers précaires de Finca San Juan de Pavas dans la capitale du Costa Rica. J’y avais donc réalisé une étude sociale et urbaine, et élaboré une proposition complète et intégrée d’habitat social pour mettre fin à la précarité du quartier. Aujourd’hui à l’occasion de mon stage et de mon mémoire de master en urbanisme, j’ai choisi de continuer à travailler sur ce projet qui avait retenu l’attention de la municipalité de San José qui souhaite désormais le concrétiser en partenariat avec l’INVU (L’Institut National de l’Habitat et de L’Urbanisme). La situation depuis mon étude initiale a beaucoup changé, que ce soit les acteurs en jeu dans le projet, l’espace disponible sur le terrain ainsi que sa topographie. Tout est désormais plus complexe et nécessite une redéfinition complète de la solution d’habitat. Ce cas pratique mène à s’interroger sur les difficultés de l’éradication de l’habitat précaire dans les pays en développement et plus particulièrement dans le cas des quartiers

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précaires de Finca San Juan de Pavas au Costa Rica. Quelles sont ces difficultés et quelles sont les pistes pour en venir à bout ? Dans un premier temps, je chercherai à répondre à ces questions dans un cadre général en m’appuyant sur quelques publications de littérature traitant du sujet de l’habitat précaire pour mieux appréhender sa complexité et poser le contexte et les bases théoriques dans lesquels s’insère mon projet de stage. Cette première partie sera l’occasion de distinguer deux types de stratégie de lutte contre l’habitat précaire, ainsi que les limites et difficultés qui y sont liées. Les stratégies et mesures préventives, seront l’occasion de comprendre les origines de l’habitat précaire, ainsi que ses mécanismes. Nous verrons alors que dans l’état actuel du monde, il ne semble pas raisonnable de se baser uniquement sur ce type de mesure pour faire face au problème ; et ce même en adoptant une vision de long terme. Ce qui nous amènera au deuxième type de stratégies : les stratégies et mesures curatives. Elles constituent les mesures visant à résorber la précarité d’habitats déjà existants, que ce soit en réhabilitant des quartiers où en relogeant leurs populations dans de nouveaux habitats plus décents. Dans la deuxième partie, nous approfondirons la contextualisation du projet en nous intéressant au contexte légal sur le logement social et l’urbanisme au Costa Rica, puis à l’histoire et au développement des quartiers Finca San Juan de Pavas. De plus, en montrant à quel point l’histoire et le cadre institutionnel du pays sont déterminants pour comprendre la formation d’un quartier précaire, cet exemple très concret et détaillé nous permettra d’illustrer que chaque cas d’habitat précaire est unique.

La troisième partie portera sur le projet d’habitat social pour El Relleno. Cette expérience de terrain sera l’occasion de prendre du recul sur le cadre théorique développé en première partie. Comment met-on en application ces résultats et connaissances dans un cas pratique ? A la lumière du cadre théorique, le projet devrait-il s’avérer efficace sur le long terme ou comporte-t-il des lacunes ? Sur un plan plus personnel, ce sera également l’occasion de prendre du recul sur l’expérience professionnelle qu’aura constituée ce stage. A quelles difficultés ai-je été confrontée en tant qu’urbaniste ? Comment les ai-je abordées et surmontées lorsque j’y suis arrivée ? Quelles compétences en ai-je acquises ou améliorées ? 6


Pour répondre à toutes ces questions, je commencerai donc cette dernière partie par contextualiser ma mission en décrivant mon service et les projets qui y sont en cours. Je m’attarderai ensuite sur le projet et la solution initiale. Je détaillerai notamment les études urbaines ou encore socio-économiques, que j’avais effectué pour cerner au mieux les besoins de la communauté, dans le but de proposer la solution la plus pertinente et intégrée au reste de la ville possible. Je présenterai ensuite les nouvelles variables qui sont entrées en jeu durant les deux ans qui se sont écoulés depuis ma première solution. J’expliquerai notamment les principales difficultés que j’ai rencontrées, pour finalement présenter la nouvelle solution sur laquelle mon stage a abouti.

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I Aperçu général sur l’habitat précaire Les causes de la marginalité et de la précarité urbaine sont nombreuses et spécifiques à chaque cas et il en va de même pour les difficultés à éradiquer ou à endiguer le phénomène. Cependant, en se penchant sur la littérature on peut identifier certaines difficultés qui semblent communes à un grand nombre de cas, tout comme des mesures et des stratégies que l’on retrouve dans de nombreux projets. Sans être exhaustive, cette section s’efforce de donner une bonne vue d’ensemble des connaissances actuelles sur l’habitat précaire dans les pays des Suds, afin de bien comprendre et contextualiser mon projet dans le quartier précaire El Relleno. J’ai donc naturellement abordé essentiellement ce qui me semblait pertinent pour comprendre où en est l’état général des connaissances sur l’habitat précaire, mais surtout toutes les stratégies, mesures et difficultés que j’ai pu retrouver dans ce projet et auquel je me suis retrouvée confrontée lors de mon stage. Nous allons ainsi voir que l’urbanisation d’un rythme sans précédent dans une grande partie des pays en développement couplée à l’efficacité mitigée des méthodes de prévention de l’habitat précaire, rendent très ambitieux l’idée de réussir à empêcher tout développement de nouveaux logements et quartiers précaires dans les années à venir. Cela nous mène donc naturellement à porter un intérêt crucial sur les méthodes curatives de l’habitat précaire. On s’intéressera donc à quelques-unes des stratégies les plus utilisées pour résorber l’habitat précaire1. Nous verrons l’efficacité et les limites de ces méthodes, ainsi que les ressources qu’elles nécessitent, et le complexe système d’acteurs en jeu dans leur mise en place.

L’expression résorption ou éradication de l’habitat précaire peut porter à confusion, et dans l’ensemble de ce texte nous entendrons uniquement par-là résorption et éradication de la précarité et non de l’habitat. C’est-àdire que l’effet recherché est bien de chercher à aboutir à améliorer les conditions de vie pour les habitants en question et non la simple éradication géographique d’un quartier précaire pour des raisons foncières, esthétiques ou politiques. 1

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I.1 Des origines de l’habitat précaire et des difficultés à le prévenir Parmi les causes admises au développement de l’habitat précaire, on retrouve la mauvaise planification urbaine, la financiarisation de l’immobilier ou encore la faiblesse ou l’inadéquation des réponses publiques face aux problèmes. Par exemple, une réponse type mais pas nécessairement efficace est la construction d’un grand nombre de logements pour combler le déficit, sans s’intéresser suffisamment à l’intégration de ces nouveaux logements au reste du tissu urbain (Couret, Metzger et URBI, 2009 (IRD) ; Deboulet & AFD, 2016; Bartel, 2017 (AFD) ). Mais une cause sous-jacente à toute celles-ci est bien l’existence et l’arrivée massive de migrants urbains pauvres attirés par les opportunités économiques que présente l’urbanisation. Par la suite, la croissance démographique des zones en question peut empirer le problème ou tout simplement prendre le relai dans son alimentation. Une première manière de comprendre l’habitat précaire serait donc de le voir comme l’expression de transformations urbaines rapides et complexes sous l’effet d’intenses flux migratoire engendrés par d’importantes inégalités spatiales. Cette explication permet deux approches possibles. Tout d’abord on peut penser que ce sont les politiques favorisant les inégalités ruralesurbaines qui créent ou accentuent le phénomène d’urbanisation et ses habitats précaires. L’habitat précaire urbain est alors attribuable à la paupérisation des campagnes qui seraient délaissées au profit du développement des villes. En ce sens il est donc possible, au moins en partie, d’inverser la tendance en investissant suffisamment dans les zones rurales pour éviter ce phénomène. On peut même aller plus loin et essayer la mise en place de politiques visant à avoir un meilleur contrôle de la distribution démographique, pour non seulement limiter l’exode rural mais aussi éviter les points de trop grandes concentrations en favorisant une urbanisation décentralisée. Mais en pratique, ces politiques semblent cependant compliquées et leurs résultats paraissent mitigés, comme nous le verrons par exemple avec la Chine. L’autre approche plus fataliste, c’est de voir l’urbanisation comme l’expression du développement économique et notamment de la diversification sectorielle d’une économie qui semble empiriquement accompagnée si ce n’est en partie motorisée par l’urbanisation. Ce

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serait donc alors l’évolution et les bouleversements structurels de l’économie qui entraineraient les inégalités rurales-urbaines, et l’ampleur et le manque de contrôle sur ce phénomène rendrait sa maitrise impossible ? Si nous n’aboutirons sur aucune réponse clairement tranchée après avoir développé ces deux points, nous pourrons au moins conclure que les habitats précaires peuvent se voir comme une zone de transition dans un phénomène plus large de mutation économique et spatiale. Les villes attirent plus qu’elles ne peuvent offrir, et l’intégration des nouveaux arrivants s’y fait alors de manière informelle et précaire.

I.1.a La paupérisation des campagnes comme moteur principal ? Les liens étroits entre urbanisation et développement ont incité beaucoup de pays à accentuer leur politique de développement des villes. C’est par exemple le cas de la Chine qui a fait du développement urbain rapide l’une de ses priorité dans les années 80 (Dupont & Lelièvre, 1990). Ces efforts portés sur le développement urbain peuvent alors se faire au détriment du développement rural menant à une paupérisation progressive de ces zones comme cela est le cas pour les pays Arabes (El Kadi, 1997). Cette paupérisation du monde rural accroissant les inégalités avec le monde urbain accélère alors le phénomène d’urbanisation et le rend d’autant plus compliqué à contrôler. Mais l’exemple de la Chine est en cela intéressant qu’il montre que la simple prise en compte de ce phénomène et sa correction ne suffit pas à stopper le développement de l’habitat précaire. Malgré une politique d’urbanisation intense la Chine a en effet continué à soutenir et développer sa population et son économie rurale (Dupont & Lelièvre, 1990). Si la Chine a placé très tôt l’urbanisation au centre de sa politique de développement économique, elle a en effet aspiré à le faire de manière contrôlée et raisonnée. Pour ce faire, elle a cherché à favoriser le développement des villes de petites et moyennes tailles, à contrôler et limiter celui des plus grandes et ce tout en continuant d’investir dans les zones rurales, notamment en infrastructures mais aussi en y diversifiant l’économie (Colin, 2006). Pour mener à bien ses

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objectifs le gouvernement chinois dispose de sa politique du Hukou, système de permis de résidence par ville qui lui sert à contrôler les flux migratoires internes. Le résultat est cependant pour le moins mitigé et la Chine n’est en effet pas épargnée par le problème d’habitat informel et précaire. Dès 1990, l’Institut National D’Études Démographiques estimait entre 10 et 20 le pourcentage de la population urbaine issue de l’exode rural et résidant dans les grandes agglomérations de manière informelle. Aujourd’hui encore le gouvernement chinois mène une lutte intense contre les « villages urbains » (bidonvilles chinois) qui concentrent une partie2 de ces habitants informels. Cette situation témoigne bien de la difficulté de contrôler les flux migratoires liés à l’urbanisation et d’y répondre par une planification urbaine suffisamment rapide et adéquate malgré des investissements et des efforts massifs en la matière. Ce constat est à mettre en relation avec les observations et conclusions de Harris (1990) vis-à-vis de la question plus générale de l’intérêt et des moyens des politiques de contrôle et de gestion de la distribution démographique.

I.1.b La (re)distribution démographique : des politiques difficiles et aux résultats peu convaincants Outre l’importance du développement des zones rurales pour limiter son exode, il semble y avoir consensus sur le fait qu’il est préférable de favoriser des politiques de développement régional et de déconcentration urbaine en privilégiant le développement de villes de petites et moyennes tailles plutôt que des zone urbaines de plusieurs dizaines de millions d’habitants telles que Sao Paulo au Brésil (Dupont & Lelièvre, 1990). Mais pour Harris (1990) les effets de telles recommandations sont pour le moins mitigées. Pour revenir sur l’exemple de la paupérisation des campagnes, il prend le cas de l’éducation, élément supposé clé dans le développement. Dans la pratique, il semble en effet que l’amélioration de l’éducation, dans le secteur rural, ne permette pas de réduire son exode. Elle le favoriserait même en aboutissant à de meilleures opportunités d’emploi, une fois émigrés en ville. Cela

Une partie des logements informels réside dans les sous-sols des immeuble formels et rends leur existence moins évidente aux yeux de l’extérieur 2

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ne signifie pas qu’il ne faille pas lutter contre les paupérisations des campagnes - dans l’exemple de l’éducation, il est d’ailleurs bénéfique que l’émigrant rural arrive en ville avec des opportunités économiques plus larges qu’une simple insertion dans le secteur informel mais il montre que la corrélation ente la pauvreté et l’exode rural est plus complexe qu’attendue. Harris conclut finalement sur les plus larges politiques de redistribution démographique en exhibant des exemples en Chine, Indonésie, Philippine et Tanzanie qui montrent leur manque de succès. Pour Harris, la taille et la distribution d’une population n’est pas un facteur explicatif de sa pauvreté pas plus que celui des problèmes spécifiques que connaissent les villes. Ses exemples tendent effectivement à montrer que des politiques basées sur ces idées ont non seulement des résultats discutables, mais elles sont aussi très complexes à mettre en place. L’attrait des opportunités économiques que présente l’urbanisation, serait donc plus fort que n’importe quelle politique de contrôle sur les migrations ou d’aménagement du territoire ? La mauvaise planification urbaine, voire géographique, ne semble en tout cas pas suffire à expliquer le développement de l’habitat précaire dans son ensemble. On peut donc se demander si vis-à-vis du caractère exponentiel de l’urbanisation, il existe réellement des politiques et des planifications d’aménagement susceptibles d’absorber intégralement ce développement de manière formelle et organisée ?

I.1.c L’urbanisation : moteur de développement inévitable ? Le taux de population urbaine mondiale est passé de 30 à 50% de 1950 à 2007 alors que l’effectif total de la population triplait pour dépasser les 6,5 milliards d’êtres humains. Selon l’ONU, la tendance devrait continuer pour atteindre 70% de la population mondiale résidant dans des villes d’ici 2050. Conséquence de la poursuite du phénomène mondial d’exode rurale ainsi que de la croissance démographique au sein même des agglomérations, l’essentiel de la croissance de population urbaine devrait être absorbé à 95% par les villes de pays en développement, précisément celles qui sont le plus confrontées au problème de l’habitat précaire. Ainsi les pays développés semblent avoir atteint une phase de plateau dans leur niveau d’urbanisation. Dès 1942 Tisdale évoquait l’hypothèse de l’existence d’une

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maturité urbaine, et l’évolution des dernières années semble lui avoir donné raison (Henderson, 2003) d’autant aux vues des liens étroits entre développement urbain et développement économique qu’exposent Spence, Annez et Bucley (2009), ou encore S.Tolley (1988), qui laissent entrevoir le parallèle entre maturité économique et maturité urbaine comme on peut le voir sur le graphique suivant :

Graphique 1 : Corrélation partielle entre ln(population urbaine) et ln(PIB par habitant) Source : Henderson (2003), données issu des prospects urbains de l’ONU et du Penn Word Table.

Ce graphique affiche la relation entre le logarithme du pourcentage de la population urbaine3 et le logarithme du revenu national brut par habitant pour un ensemble de pays représentatif du monde4 suivis entre 1960 et 1995. On y constate une relation assez forte entre développement et urbanisation. On voit ainsi que l’élasticité développementurbanisation est en moyenne d’environ 0,7. C’est-à-dire que pour une augmentation d’un pourcent du revenu par habitant (l’indicateur de développement), le taux d’urbanisation varie de 0,7 pourcent à la hausse. Le graphique permet cependant d’observer deux autres résultats fondamentaux. La relation semble concave, c’est-à-dire que plus le niveau de développement

L’auteur précise « nombre d’habitants urbains corrigé de la population totale », c’est-à-dire que le graphique montre la relation entre population urbaine et développement en excluant l’impact de la taille de la population. Cela revient donc à étudier la relation entre le pourcentage de la population urbaine et le développement 3

Pays pour lesquels les données d’urbanisation sont disponibles dans les prospects de l’ONU en même temps que le PIB par habitant dans le Penn Word Table 4

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est élevé moins un accroissement de ce dernier à d’incidence sur l’urbanisation du pays. D’autre part, la relation est très disparate et ne saurait faire lieu d’une règle ou loi absolue. Elle est donc à prendre avec précaution, notamment dans le cas des pays aux plus faibles revenus où la relation semble plus faible. L’Amérique Latine est également une exception intéressante. Son niveau d’urbanisation est déjà équivalent à celui des pays développés mais le revenu par habitant y est bien plus faible. Ce résultat important est à retenir pour deux raisons. D’une part car c’est la région qui nous intéresse le plus pour contextualiser le projet dans le quartier El Relleno au Costa Rica, et l’on sait désormais que dans le cas de l’Amérique latine nous sommes donc déjà dans une phase avancée du phénomène d’urbanisation et que la relation énoncée y est moins forte. D’autre part, la variabilité de la relation montre bien l’importance d’autres facteurs dans le phénomène de l’urbanisation. Mais les résultats d’Henderson nous permettent au moins de conclure qu’urbanisation et développement sont fortement liés. Ce n’est donc pas un hasard si les pays qui connaissent actuellement un fort problème de croissance et d’existence de l’habitat précaire, sont les pays en développement et donc, en majorité, ceux en phase d’urbanisation rapide. Et si les pays développés sont relativement épargnés par le phénomène de nos jours, il n’en va pas de même pour leur période d’urbanisation post-révolution industrielle où l’arrivée massive de travailleurs ouvriers résultat en l’émergence des premiers bidonvilles modernes. L’Europe connut également une deuxième phase de développement des bidonvilles face aux intenses flux migratoires d’après-guerre, dès les années 50. Finalement, les observations récentes et passées semblent montrer qu’historiquement aucune politique, ressource et planification n’ont été suffisantes pour prévenir et contenir le développement de l’informalité et de l’habitat précaire face à des rythmes de développement urbain très soutenus. Or les rythmes d’urbanisation et d’expansion urbaine à venir dans les pays en développement, en particulier d’Asie et d’Afrique, sont partis pour atteindre des niveaux historiquement inégalés. L’ONU prévoit ainsi 2,5 milliards d’habitants urbains en plus d’ici 2050, soit autant de nouveaux habitants urbains en 30 ans que des débuts de l’humanité jusqu’à l’an 2000. 14


On pourra penser qu’il coûte moins cher de prévenir que de corriger, mais à l’heure actuelle ni la littérature scientifique ni l’expérience des gouvernements n’ont été en mesure de fournir les moyens nécessaires pour anticiper et planifier cette métamorphose de manière complètement contrôlée et formelle lorsqu’elle était d’ordre plus faible. On peut donc penser qu’il est illusoire que cela soit le cas dans les années à venir. Le nombre et la part de personnes vivant dans un habitat précaire continuera donc à augmenter dans les années à venir et ce indépendamment de l’aménagement et des politiques mises en places. Cela ne signifie pas que les efforts pour prévenir l’habitat précaire ou tenter de réaliser cette urbanisation de manière planifiée et durable ne servent à rien. Il est évidemment important de continuer et d’intensifier ces efforts. Il est cependant important de réaliser que dans un avenir proche ces mesures ne seront pas suffisantes et qu’elles devront donc être accompagnées par des efforts d’autant plus importants en terme d’ amélioration et de résorption de l’habitat précaire. L’habitat précaire est donc une réalité du phénomène urbain avec lequel il faudra faire face pendant encore longtemps. Certains auteurs la considèrent d’ailleurs comme partie intégrante du processus d’urbanisation. I.1.d L’habitat précaire : zones de transition d’un phénomène d’urbanisation à l’ampleur historiquement inégalée Paquot (1996) développe notamment l’idée que l’habitat précaire représente un phénomène de transition dans un phénomène d’urbanisation aux dimensions historiquement inégalées, et constituerait en ce sens un élément positif au phénomène. Le bidonville intègre ce que la ville n’arrive pas à intégrer, notamment les arrivants les plus pauvres et les moins qualifiés pour lesquels elle n’a pas suffisamment d’emplois. Les bidonvilles constituent alors une première entrée dans le monde urbain, une entrée qui avec ses structures sociales et économiques informelles, offre bien souvent une meilleure qualité de vie que celle du milieu rural duquel vient l’immigrant. Harris (1990) tout comme Ward (1996) rappellent également que les conditions des plus démunis dans les quartiers précaires sont souvent bien meilleures

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que celles des ouvriers des bidonvilles anglais du 19ème siècle. L’économie informelle qui se déroule dans ces quartiers, constitue d’ailleurs parfois une part importante de l’économie nationale dans certains pays en développement. Mais ce premier stage d’intégration n’est évidemment pas satisfaisant, surtout vis-àvis des conditions de vie. Laissée à elle-même la situation stagne, et peu d’habitants de ces quartiers s’en émancipent par eux-mêmes. C’est pourquoi si les quartiers précaires peuvent être considérer comme une phase de transition dans l’urbanisation ils n’en doivent pas moins être accompagnés pour améliorer les conditions de vie immédiates de leurs habitants, avec par exemple le développement des équipements et services tels que le transport, les infrastructures sanitaires, l’éducation ou encore la sécurisation de l’habitat (vis-à-vis des dangers physiques comme de l’expulsion). A terme il s’agit de donner l’opportunité à leurs habitants de vivre dans des habitats formels et décents complètement intégrés au reste de la ville, pour aboutir ainsi à la résorption de l’habitat précaire et de ses externalités négatives.

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I.2 De la résorption de l’habitat précaire : outils, difficultés et limites Daniel Biau (2016) résume très bien la complexité du combat contre l’habitat précaire : « La Question Urbaine est à la fois trop vaste (la ville est un espace complexe où se mêlent tous les secteurs d’activité et où convergent toutes les problématiques) et trop locale (chaque ville est spécifique) pour constituer une priorité Internationale ». Comment donc en faire une priorité internationale tout en offrant les outils adaptés à chaque occurrence du problème ? Avec comme fil conducteur l’importance de l’intégration au tissu urbain et l’importance de la participation des populations concernées, nous analyserons dans un premier temps le système d’acteurs en jeu pour comprendre son efficacité et ses défauts. Puis nous nous attarderons sur trois outils majeurs des politiques de lutte contre l’habitat précaire que sont : le logement social, l’accès à la propriété et la régularisation, et la gestion participative sous la forme de l’auto-construction. Nous conclurons finalement par une brève analyse de l’importance de la qualité institutionnelle dans les pays en question pour que l’ensemble des résultats obtenus puissent s’appliquer efficacement.

I.2.a Les acteurs : un système bien rodé avec comme point faible le financement Face au problème énoncé par Daniel Biau, on peut identifier 7 types d’acteurs majeurs impliqués à des échelles différentes qui coopèrent de manière plus ou moins efficace dans cette lutte : (i) la recherche, (ii) ONU-Habitat, (iii) les gouvernements, (iv) les autorités locales, (v) les ONG, (vi) Les associations et coopératives locales, et pour finir (vii) les organismes de financements externes, telles que la Banque Mondiale et les agences et banque de développement international, ou encore les bailleurs de fond privés. L’agence onusienne dédiée aux problématiques de l’habitat est en quelque sorte le chef d’orchestre de ce système. Elle tente de synthétiser l’état de la recherche et d’émettre les lignes directrices et définitions des politiques les plus adéquates au vue des connaissances actuelles. Elle tente également de rassembler les différents acteurs concernés pour les

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sensibiliser aux problèmes et déboucher sur des consensus et des plans d’actions concrets, notamment avec ses conférences exceptionnelles Habitat tenues tous les 20 ans (Vancouver 1976, Istanbul 1996 et Quito 2016), et depuis 2001 avec le rassemblement biennal que constitue le Forum Urbain Mondial. Ce sont ensuite, dans des proportions variées, les gouvernements et les autorités locales chargées de suivre et d’implémenter ces recommandations en œuvrant à la réalisation et au financement d’actions concrètes en partenariat avec les ONG ainsi que les associations locales. La part de responsabilité, de pouvoir décisionnel et de ressources apportée par chacun des acteurs varie considérablement d’un pays, ou même d’un quartier, à un autre, mais le consensus s’accorde sur le fait que le plus efficace consiste en la décentralisation de la gouvernance au niveau le plus local possible avec une coopération importante entre les différents acteurs. Ainsi le jeu d’acteur le plus efficace possible serait des gouvernements et autorités locales chargés de poser le cadre régulateur et réglementaire favorisant les recommandations de l’ONU-Habitat, puis les ONG ainsi que les autorités et associations locales en charge de la prise de décision. Le fait d’inclure le niveau le plus local possible et notamment les communautés concernées dans la prise de décision et l’application de mesures, est souvent désigné sous les termes de démocratie locale, ou encore gestion participative. Cela semble logiquement une bonne mesure pour pouvoir répondre efficacement à la diversité et aux spécificités de chaque quartier précaire. Qui en effet connait mieux que les habitants d’un quartier ses besoins ? L’histoire de Villa El Salvador, en banlieue de la capitale péruvienne, est le parfait exemple de ce que la participation des habitants permet d’accomplir. Si elle possède encore de nombreux problèmes qu’elle doit résoudre, cette ville de 300.000 individus qui est « le fruit de l’association de l’État et de ses premiers habitants » (Burgos-Vigna, 2003), témoigne d’indicateurs socio-économiques très positifs pour une ville issus de quartiers informels. Elle offre non seulement un réseau de services publics disponibles pour l’ensemble de ces habitants (espaces de loisirs, écoles et services sanitaires) mais elle est également l’unique 18


district populaire à proposer un pôle productif suffisamment développé pour que ces habitants puissent y travailler (parc industriel de plus de 30 000 emplois). Elle dispose également d’infrastructures très avancées en terme d’eaux usées qu’elle recycle pour irriguer une zone d’agriculture et d’élevage. Ce succès a véritablement été capitalisé sur les premier tissus socio-économiques existant lors de la création de la ville, et on peut le comparer au programme brésilien Minha Casa Minha Vida. Dans ce programme, l’État brésilien planifie seul les déplacements et relogements des populations dans des lotissements décents mais non intégrés à la ville et à la réalité économique et sociale des habitants de ces quartiers (Perlman, 2016). En délocalisant et redistribuant aléatoirement les populations des favelas, les programmes brisent les liens sociaux, économiques et de solidarité établis dans les quartiers informels. Bon nombre de délocalisés perdent ainsi leur commerce ou leur emploi informel pour ne retrouver ni travail formel ni informel. Dans les années 90 Cernea (1997) pointe lui aussi du doigt une paradoxale précarisation des conditions de vie des populations visées par les projets d’aide financés par la Banque Mondiale. Les projets aboutissaient à des conséquences finalement négatives pour les populations bénéficiaires, faute de chercher à réellement comprendre leurs besoins et de les traiter comme de simples victimes qui n’ont pas leur mot à dire. Lors de son discours durant le premier sommet mondial sur les établissements humains, désormais connu sous le nom d’Habitat I, Barbara Ward identifiait elle aussi déjà ce phénomène. Elle concluait qu’il est finalement beaucoup plus efficace de considérer les personnes concernées comme des partenaires et non comme des victimes, ce qui n’était pas alors l’approche employée dans la majorité des projets. Reste la question primordiale du financement. Toujours lors du même discours Barbara Ward nous apprenait qu’en théorie les ressources suffisantes existent. Elle chiffrait en effet les ressources immédiates pour résoudre le problème de l’accès à l’eau potable dans le monde à 30 milliards de dollars, tandis que l’ensemble des pays membres de l’OCDE dépensaient à cette époque 300 milliards de dollars par an en programmes d’armement. Évidemment les ressources financières nécessaires pour résoudre intégralement les 19


problèmes d’habitat, qui incluent en partie les problèmes d’accès à l’eau potable, sont plus importantes. Mais cet exemple est révélateur d’une donnée primordiale dans la question du financement. Ce n’est pas tant l’existence des ressources que la difficulté à les mobiliser qui pose problème. D’autant que si les ressources financières existent, la majorité de celles-ci se situent dans les pays développés qui ne se sentent pas directement concernés par le problème. Dans la pratique le financement intervient à 3 niveaux différents. Tout d’abord au niveau local et gouvernemental et dépend donc fortement des politiques publiques mises en places et des mécanismes de financement qui s’avèrent profondément insuffisants dans beaucoup de pays. Ensuite les bailleurs de fond privés que de bonnes politiques peuvent convaincre en leur laissant entrevoir des profits suffisamment intéressants. Et pour finir intervient finalement une certaine redistribution nord-sud via les banques et agences de développement. Avec 22 milliards de dollars engagés sous forme de dons et prêts par la Banque Mondiale en 2014, ces aides ne sont malgré tout toujours pas suffisantes pour combler les difficultés de financement rencontrées par bon nombre de pays en développement sur le sujet de l’habitat précaire. A cela s’ajoute les débats suscités par ce type de financement qui historiquement faisait l’amalgame entre croissance économique et développement humain. Dès 1987 l’UNICEF expliquait, dans son rapport L’ajustement à visage humain, comment la priorité donnée aux réformes structurelles axées sur la réduction de l’endettement pouvait avoir des conséquences dramatiques sur la pauvreté. Ces réformes favorisaient en effet la réduction des dépenses consacrées à la santé et à l’éducation. Et si officiellement le discours a changé depuis les objectifs du millénaire, pour réellement se concentrer sur le développement humain, Couret (2009) affirme que les programmes d’aide continuent de s’accompagner d’objectifs de croissance et de réformes structurelles. Il explique également que ces programmes suivent une logique néolibérale et une vision occidentale traditionnelle de la pauvreté, c’est-à-dire focalisées sur la caractérisation économique et non humaine de la pauvreté.

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Dans la pratique si les objectifs de développement humain sont donc clairement définis (amélioration de la sécurité du logement, accès à l’eau potable, à l’éducation et au système de santé, etc.) les programmes sont mis en place dans une logique néolibérale où l’on laisse ensuite l’efficience des marchés suivre son court naturel. Cette évolution creuse alors les inégalités de la population ciblée en profitant à certains mais pas à d’autres. « Dans un marché urbain spéculatif, basé sur la propriété privée » les plus pauvres ne sont alors plus qu’une ressource s’inscrivant en bout d’ « une chaîne de profits et de rentes qui unit depuis les grands capitaux immobiliers et du bâtiment internationaux, jusqu’aux plus modestes » développe Couret. Paulais (2003) explique bien ce phénomène en prenant l’exemple où la gestion participative se fait alors avec les groupes locaux qui contrôlaient déjà le quartier de manière informel. Il peut s’agir d’une mafia ou d’une majorité religieuse, qui vont alors s’accaparer les nouvelles ressources obtenues (e.g. propriété) et y exploite un groupe plus vulnérable du quartier qui lui ne profitera pas de toute les opportunités offertes par le programme, par exemple en louant des parties des logements obtenues via le programme à de nouveaux arrivants qui n’en ont pas bénéficié. On retrouve des exemples attestant clairement des externalités négatives de ce système néolibéral dès les années 80, avec l’expulsion des résidents les plus pauvres des colonias populares à Mexico suite à la plus-value très rapide des terrains après la légalisation des droits de possession et l’installation de services publics (Ward & Connely, 1982), ou encore en Thaïlande où deux-tiers des 1200 familles devant bénéficier d’un programme d’assainissement de parcelles ont été substitués par des familles plus aisées à l’issu du projet (Rodell, 1983) Les projets financés internationalement auraient donc du mal à aboutir sur une gestion participative réellement inclusive de l’ensemble de la population concernée. Le cas du projet Mumbai Urban Transport Project (MUTP) est en cela révélateur. Initié en 2002 il est le premier projet financé par la Banque Mondiale qui inclut un budget dédié et des conditions strictes en matière de relogement et de réhabilitation des personnes affectées (Ozel, 2011). Parmi les directives, la Banque Mondiale impose le recours à des ONG locales devant avoir une réelle légitimité auprès des personnes touchées par le projet. Ceci afin de contribuer à la compréhension des besoins des habitants concernés, et réaliser les plans de relogement et de 21


réhabilitation avec leur participation active. Ils doivent notamment inciter les habitants à s’organiser en sociétés coopératives (cooperative housing societies) chargées de participer à la mise en place d’infrastructures et de programmes sociaux dans les nouveaux quartiers. On constate donc des directives très précises pour promouvoir une gestion partenariale et participative complète dans le but de minimiser toute externalité sociale négative du programme. Cependant dès 2004, des habitants et commerçants affectés par le projet se plaignent à la Banque Mondiale de détériorations de leurs conditions de vie en mettant en cause un manque de concertation de la part des ONG avec leurs besoins. Ces plaintes aboutissent alors à la suspension temporaire des financements de la Banque Mondiale. Ozel nous apprend que dans la réalité il n’y a finalement eu que très peu de travail d’information, de consultation et de codécision. D’après les témoignages des habitants, les ONG semblent au contraire tenter de limiter la participation des habitants, en les informant par exemple de la tenue d’une réunion la veille de celle-ci, en venant à leur domicile durant la journée, c’est-à-dire quand le chef du foyer n’est en général pas là. Si elles respectent sur la forme leurs engagements, les ONG semblent plus concernées par la réalisation court-terme des objectifs qui leur sont imposés, sans se soucier réellement des externalités socio-économiques des populations en question sur le long-terme. Dans l’un des quartiers, elles ont par exemple privilégié les échanges avec le leader du bidonville qui n’est autre que le propriétaire du terrain et qui se charge de faire accepter le déplacement des habitants contre de l’argent. On retrouve donc bien le spectre de la logique néolibérale dont parle Couret. La présence d’acteurs privés impliqués dans les projets, les constructeurs dans le cas du MUTP, et des plus-values potentielles à la portée des groupes dominants au sein de ces populations vulnérables poussent à des logiques de court-terme et de mauvaise redistribution des externalités des projets. Des mesures et systèmes de contrôle et transparence allant à l’encontre de ces effets semblent donc indispensables. En ce sens le mécanisme de la Banque Mondiale ayant permis aux ménages pénalisés de se faire entendre et d’interrompre le programme constitue une bonne première approche.

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Les acteurs en jeu dans le combat contre l’habitat précaire sont donc nombreux mais bien organisés. On sait qu’une organisation partenariale incluant des acteurs au plus proche de la réalité locale des populations concernées est primordiale. Cette gestion participative est dans la pratique compliquée, et elle est notamment freinée par les logiques de financement qui tendent encore à favoriser les intérêts de ceux qui apportent les ressources au détriment d’une réelle amélioration sur le long terme des populations vulnérables. On retiendra également qu’un deuxième défaut concernant le financement est sa persistante insuffisance, d’où l’importance de promouvoir des politiques favorisant l’augmentation des budgets alloués à ce problème, que ce soit au niveau local, national ou international. Cette analyse du jeu d’acteurs nous a permis de faire ressortir quelques résultats intéressants sur ce qui fonctionne et ce qui reste compliqué, mais nous nous sommes cantonnés à des niveaux d’analyse et de mesure relativement conceptuels. Intéressons-nous maintenant à quelques types de mesures concrètes qui sont utilisées dans le cadre de projet d’éradication de l’habitat précaire.

I.2.b Le logement social et ses limites L’une des premières mesures utilisée historiquement est la construction de logements sociaux, c’est-à-dire des unités d’habitations, à destination de populations en situation d’habitat précaire, financées au moins en partie par les pouvoirs publiques. C’est notamment la solution utilisée par les pays développés et elle semble y fonctionner dans la mesure où les pays développés sont comparativement aux pays en développement très peu affectés par le problème des bidonvilles et de l’habitat précaire. Cependant, cette solution n’est pas exempte de critiques et, comme le rappel Deschamps (2001) ou encore Perlman (2016), elle n’améliore pas toujours les conditions des personnes visées si elle n’est pas accompagnée d’une réelle intégration au tissu urbain. En France, l’exemple des tours construites dans les années 60 et 70 pour accueillir l’afflux massif des populations étrangères montre bien les limites de ces logements construits en périphérie, loin des pôles économiques. Ces solutions de logement semblent en effet avoir parfois contribué à la marginalisation et au communautarisme. Pour faire face à ce problème,

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la France s’est très tôt fixé des objectifs de mixité sociale, et désormais de solidarité urbaine, c’est-à-dire d’objectifs de répartition homogène du parc social dans le tissu urbain afin d’éviter la création de poches de pauvreté et de favoriser l’intégration et l’émancipation des classes les plus pauvres. Cet exemple chez les pays développés témoigne là-aussi de l’importance sur le long terme à accorder à la composante intégration de la solution proposée. En fait, dans le cas de la résorption des bidonvilles dans les pays en développement, cette intégration pose des questions d’autant plus difficiles (que les simples questions de mixité) que les populations en question sont souvent installées depuis longtemps et ont commencé à développer une réelle organisation sociale et économique qui constitue leur première étape d’intégration à la ville. Comme évoqué en fin de partie I.1, l’habitat précaire et le développement des bidonvilles constituent une phase de transition dans l’intégration urbaine, et la redistribution des populations de ces quartiers pause le problème de la déstructuration de leur liens socioéconomiques et donc la perte de ce premier niveau d’intégration à la ville. Il est donc important d’essayer de prendre en compte les dynamiques sociales existantes dans les quartiers précaires et de capitaliser dessus plutôt que de repartir à zéro. C’est ce que nous avons vu plutôt lorsque nous avons abordé l’importance de la gestion participative avec l’exemple du programme Brésilien Minha Casa Minha Vida ou le programme Indien MUTP qui montrent que dans le cas contraire les conditions de vie sont détériorées et non améliorées. S’il l’on ajoute à cela, les coûts très élevés que constituent le logement social, on comprend qu’il n’est pas une solution évidente pour beaucoup de pays en voie de développement et qu’il doit s’accompagner si ce n’est être substitué, par d’autres types de programmes. On pourra donc chercher à réaliser des solutions d’habitat social et non pas seulement de « logement », afin de prendre en compte l’importance de l’aspect intégratif de la solution. C’est notamment pour saisir et préserver les dynamique socio-économiques existantes dans les quartiers que le consensus consiste actuellement à privilégier autant que possible la réhabilitation des quartiers existants au détriment des déplacements et relogements. 24


I.2.c L’accès à la propriété et régularisation de l’informel Une politique qui peut aller dans ce sens et aux potentiels effets bénéfiques contre la précarité de l’habitat est l’accès à la propriété. Elle fut notamment développée et plébiscitée par De Soto dès 1987. Cette mesure peut par exemple simplement consister en la régularisation des populations installées illégalement sur des terrains publiques en octroyant des titres de propriété, ou constituer une mesure complémentaire ou compensatoire dans des programmes de réallocation dans des logements sociaux par exemple. Si elle ne résout pas intégralement à elle seule la précarité de l’habitat, elle contribue à atténuer une de ses composantes majeures : la sécurité du logement, dont l’importance en terme de développement et d’émancipation dans la pauvreté et la précarité de l’habitat fait consensus. De Soto évoque notamment la potentielle émancipation financière que peut avoir cette mesure en favorisant l’accès au crédit et à l’investissement. Mais Fernandes (2011) évoque un constat mitigé sur ce dernier point en exhibant l’exemple de la titrisation de 1,5 millions de logements informels au Pérou sur la période de 1996 à 2006 sans aucun impact significatif sur l’accès au crédit. Mais ces régularisations ont tout de même eu un impact significatif, bien que léger, sur la réduction de la pauvreté et l’amélioration des conditions de vies. Il insiste sur le fait que la régularisation doit être faite en prenant en compte les spécificités de chaque quartier précaire et dans l’idéal faire partie d’un ensemble de politiques visant à l’intégration sociale plus large, et comportant notamment des mesures d’amélioration des services publics, de création d’emplois et de structures de suivi et d’aides aux communautés. Il prend l’exemple de certains programmes Brésiliens, qui s’ils sont 50 à 60 fois plus chers que le programme péruvien, permettent une plus-value immobilière supérieure à leur coûts, ce qui peut être alors utilisé pour contribuer ultérieurement à leur financement. Il faut cependant bien faire attention à ce phénomène de plus-value et veiller à ce qu’il soit efficacement redistribué sur l’ensemble des populations concernées, au lieu de laisser les forces de marché s’exercer librement, ce qui aboutit alors souvent à l’expulsion des plus vulnérables, comme dans le cas des colonias populares de Mexico.

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On retrouve donc toujours des recommandation vis-à-vis de l’importance de la dimension intégrative du projet, et plus particulièrement de l’importance de prendre en compte les spécificités de chaque quartier et population pour aboutir à des programmes dont les résultats ne sont pas négatifs.

I.2.d L’auto-construction : participation des habitants ou abandon du pouvoir public ? Et comme nous l’avons vu le meilleur moyen d’y arriver est de favoriser l’inclusion et la participation des populations concernées dans l’élaboration des projets. L’autoconstruction assistée et encadrée, où les habitants concernés participent en tant que main d’œuvre à la réalisation du projet, est en ce sens une mesure qui a le mérite de favoriser grandement cette approche. Elle suscite cependant depuis longtemps de vifs débats que Vallardes synthétisait dès 1987 dans sa revue de littérature de l’époque. La participation des habitants dans la construction de leur logement ou encore l’aménagement du quartier (e.g. réseaux d’égout, électricité) favorise de fait la circulation de l’information et permet en théorie d’éviter des situations comme le projet de MUTP de Mumbaï où les ONG locales s’arrangent pour piloter le projet à leur façon, sans prendre en compte la volonté des habitants, grâce à un manque d’information subtilement organisé. Mieux informés et au cœur de la mise en place du projet, les habitants ont alors plus de poids dans la prise de décisions et l’orientation du projet. Cela permet d’aboutir alors à des habitat ou des quartiers plus à même de prendre en compte leurs besoins, mais aussi leur culture, et surtout les tissus socio-économiques près-existants. L’auto-construction favorise d’ailleurs l’éducation et la socialisation : c’est en effet l’opportunité pour une partie de la communauté d’apprendre de nouvelles compétences, notamment dans le domaine de la construction, mais aussi de favoriser la mise en place d’associations et de coopératives solidaires au sein des quartiers en question. Pour finir, en diminuant la main d’œuvre et les ressources externes au projet, elle aboutit sur des projets plus faciles à financer.

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Mais en pratique la population des quartiers précaires n’est pas sans emploi. Leur emploi est d’ailleurs lui aussi le plus souvent précaire et informel, et caractérisé par des conditions difficiles et des journées déjà longues, dont dépendent leurs faibles revenus. Ainsi les supposés gains de coûts économiques de ce type de programmes pourraient entrainer d’importants coûts sociaux allant à l’encontre des objectifs du projet. Ils précariseraient encore plus le travail des habitants pour lesquels il deviendrait difficile de cumuler les deux activités aux risque de prolonger encore plus leurs journées de travail. Outre ces coûts sociaux pour les habitants locaux ,il peut s’ajouter des coûts économiques élevés à leur charge, ce qui en plus de les affaiblir économiquement favorisent des projets de mauvaise qualité. Prenons le cas par exemple des simples programmes d’assainissement de parcelle qui consistent à financer uniquement une partie du terrain aux bénéficiaires qui doivent alors financer les matériaux de constructions. Dans ce cas-ci, et dans le cas plus générale où l’auto-construction est peu encadrée et assistée, les projets aboutissent alors à des logements de mauvaise qualité voire dangereux. Pour finir l’auto-construction contribue bien souvent à la poursuite de l’étalement urbain en aboutissant à des quartiers à faible densité dans des villes qui souffrent déjà d’un étalement urbain problématique et mal contrôlé, comme s’est souvent le cas en Amérique Latine. Dans bien des cas l’auto-construction peut donc ne pas remplir ses objectifs sociaux mais au contraire fragiliser encore plus la situation des habitants touchés par ces projets. Dans les année 70 et 80, Vallardes nous rappelle d’ailleurs que de nombreuses études empiriques tendaient à montrer des résultats plutôt négatifs sur ce type de programme. Les études témoignaient quasi-systématiquement de l’expulsion des habitants les plus pauvres à l’issue de ces projets en raison des plus-values immobilières résultantes et des coûts économiques d’entrée parfois trop élevés pour les plus pauvres. On retrouve une fois de plus l’impact négatif des forces de marché. Mais ce qui caractérise justement la présence de ces forces de marchés qui évincent les plus pauvres, de même que pour les autres arguments à l’encontre de l’auto-construction, c’est le manque d’implication, d’encadrement et de participation du pouvoir public ou parapublic dans les projets. En d’autres termes l’auto-construction n’est clairement pas

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efficace lorsqu’elle sert de transfert de coûts des pouvoirs publics vers les populations bénéficiaires, et lorsqu’elle n’est pas suffisamment accompagnée et régulée. Ainsi, pour répondre au problème de la précarisation de l’emploi, tout en favorisant la socialisation et solidarisation d’une population cible, on pourrait par exemple favoriser la mise en place d’une coopérative dans laquelle les habitants s’organisent pour définir des rotations sur la participation au projet en fonction des possibilités de chacun. Les heures de participation seraient alors encadrées par des professionnels formant les participants sur un sujet bien précis. Une fois le projet fini, cela laisse alors le choix à chaque habitant de conserver son type d’activité économique d’origine ou de s’orienter par la suite dans le domaine de la construction dans lequel il aura accumulé des connaissances. Un tel type de fonctionnement n’a rien d’illusoire et l’on peut d’ailleurs prendre l’exemple de coopératives se spécialisant dans un domaine précis de la construction, tel que la réalisation de dalles de bétons préfabriquées alors utilisées par une entreprise publique ou privée pour construire les logements planifiés de façon modulaire selon les dimensions des dalles. C’est notamment le cas de mon projet comme nous le verrons en partie III mais on retrouve également une approche très similaire sur un projet à Santiago au Chili dès 2002 avec Uribe. La création d’une coopérative des habitants se spécialisant dans la construction d’une unité simple de construction est facilement réalisable et permet la construction de logements encadrée par des professionnels de la construction sûrs et de bonne qualité à moindre coût, tout en laissant la possibilité à la coopérative de perdurer ultérieurement son activité. Cela permet également de construire des logements plus complexes tels que des immeubles de moyenne taille et donne ainsi une meilleure marge de manœuvre pour intégrer la question de la densité de logement dans le projet, qui peut alors être inséré plus facilement dans une stratégie de planification urbaine plus large. Finalement plus que d’auto-construction on pourra parler de construction participative ou de contribution à la construction comme mesure à même d’apporter une approche intéressante dans les projets visant à résoudre le problème de l’habitat précaire.

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I.2.e Conclusion sur la résorption de l’habitat précaire : l’importance des institutions Gestion participative, logement social, régularisation de l’informel et accès à la propriété, ainsi que participation à la construction, sont donc toutes des mesures qui peuvent être intéressantes pour réduire et éliminer la précarité dans l’habitat des personnes qui y sont vulnérables. Elle peuvent d’ailleurs toutes se mêler les unes aux autres dans des proportions diverses pour aboutir à des programmes dont l’efficacité semble en grande partie conditionnée par l’intégration de la solution finale au reste du tissu urbain et par la prise en compte des spécificités propres à chaque programme. Il faut en particulier prendre en compte l’intégration socio-économique préexistante chez les populations ciblées, et veiller à ne pas la fragiliser. De même il est important de détecter des inégalités et disparités existantes au sein de la population cible afin de mettre en place des mesures pour ne pas les accentuer, voir si possible de les réduire. La mise en place d’un tel programme suppose une excellente coordination entre les différents acteurs en jeu dans la lutte contre l’habitat précaire ainsi que des systèmes de contrôle et de transparence efficaces. On peut saluer à ce titre l’efficacité du Panel d’Inspection de la Banque Mondiale, système mis en place dès 1993 par l’institution, pour permettre aux personnes affectées par un projet de se plaindre directement auprès d’elle, si l’un des acteurs en jeu ne respectent pas ses engagements ou les règles et procédures en vigueur. C’est notamment grâce à ce système que des citoyens du projet indien MUPT avaient pu faire remonter les dysfonctionnements du projet et le non-respect des ONG concernant leur droit à l’information. S’il n’empêche pas les disfonctionnements, ce système permet au moins de les détecter plus facilement pour laisser ensuite la possibilité aux acteurs en question de les corriger. La lutte contre l’habitat précaire est donc complexe et pour bien fonctionner tout ceci nécessite à priori des institutions efficaces et transparentes. Plus que les institutions internationales, se sont même les institutions nationales qui semblent les plus importantes. Des politiques suffisamment conscientes et concernées par le problème sont indispensables pour assurer un minimum de financement à la résolution du problème. Il faut ensuite un cadre

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légal pertinent, en mesure de protéger les personnes concernées, régulant les projets et leurs potentielles externalités négatives en terme foncier, autorisant et favorisant la mise en place d’associations citoyennes capables de faire valoir et protéger les droits de chacun, et suffisamment flexible pour s’adapter aux changements rapides qu’amènent les complexes dynamiques d’urbanisations. La pertinence des lois n’est d’ailleurs en soit pas suffisante, encore faut-il qu’elles soient bien appliquées et respectées, c’est ce que l’on peut appeler la qualité de l’État de droit. Autant d’institutions qui sont souvent de faible qualité dans les pays en développement, où corruption et inertie politiques sont d’ailleurs à même de rendre la réalisation d’un projet très lente, ou bien encore ces financement mal utilisés. Autre canal indirect par lequel les institutions sont à même de favoriser l’éradication de l’habitat précaire : le développement. Les institutions, que l’on peut formellement définir comme l’ensemble des règles formelles ou informelles de fonctionnement d’une société dans les domaines politiques, économiques et des interactions sociales, semblent en effet avoir un lien fort avec le développement. Ce lien fait l’objet d’une littérature importante et tend à se vérifier empiriquement par de nombreux auteurs, et ce malgré les difficultés à mesurer la qualité institutionnelle et les divers indicateurs utilisés. On peut notamment citer Rodrik, Subramanian, et Trebbi (2004), qui utilisent un index prenant en compte la qualité de l’État de droit et le respect du droit de propriété comme approximation de la qualité institutionnelle et montrent que celle-ci est une part déterminante, si ce n’est prédominante dans l’explication du développement. Or, comme nous l’avons vu, le problème de l’habitat précaire est aussi un problème financier. En favorisant le développement, les institutions permettraient alors également d’augmenter les capacités financières du pays pour combattre la précarité de l’habitat. Il serait d’ailleurs intéressant d’étudier empirement cette relation en répliquant l’étude de Rodrik, Subramanian, et Trebbi mais avec l’évolution du logement précaire comme variable explicative au lieu du développement économique.

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Finalement on retiendra que sur le court-terme, pour mener à bien des projets efficaces de résorption de l’habitat précaire, il faut encourager une gestion participative de la population concernée pour aboutir à des solutions prenant en compte le mieux possible leurs spécificités et leurs besoins. Qu’on utilise la construction de logements sociaux, la régularisation de quartiers informels ou encore la construction participative, une autre donnée importante est l’intégration du nouveau quartier, ou du quartier réhabilité, au reste de la ville. Sur le long terme, pour favoriser le financement et le bon fonctionnement de l’organisation complexe que nécessite un tel projet, on comprendra l’importance du rôle des institutions et de leurs qualités, tant au niveau international que national. Voici donc l’essentiel des résultats à retenir pour mettre en contexte et comprendre au mieux le projet de solution d’habitat social du quartier El Relleno à San José. Mais avant de rentrer dans le vif de ce projet, poursuivons d’abord sa contextualisation en nous intéressant au cadre légal au Costa Rica et à l’histoire du développement du quartier.

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II Le cas du bidonville « El Relleno » dans le quartier précaire Finca San Juan de Pavas Si chaque cas d’habitat précaire est unique, c’est notamment le résultat de son histoire ainsi que de son contexte. Développer l’évolution du cadre légal de l’habitat social au Costa Rica, et l’histoire du bidonville El Relleno, va donc nous permettre non seulement de bien contextualiser le projet d’habitat social dont le quartier doit bénéficier, mais cela va aussi illustrer le poids de l’histoire et des réponses publiques dans la compréhension du développement et des spécificités uniques de chaque cas d’habitat précaire. Sauf mention contraire, les informations de cette partie sont issues de Chacón & Freer (1999), Montero (2011) et MIVAH (2012b). II.1 Le contexte légal sur l’habitat social et l’urbanisme au Costa Rica En raison de son histoire coloniale, l’expansion des villes de la vallée centrale du Costa Rica s’est développée d’une manière spontanée et diffuse et sans aucun type de planification. La construction des infrastructures s’est alors faite ultérieurement aux logements en suivant les routes qui reliaient les villes et les villages, sans véritable ordre ou planification. Ce contexte a facilité le développement de quartiers précaires de manière anarchique et difficile à contrôler. Le gouvernement a relativement tôt pris conscience du problème et n’a eu de cesse de tenter de le résoudre au travers de la création d’une succession de lois et institutions, sans jamais parfaitement y parvenir. Mais si les résultats sont mitigés et que le problème persiste on pourra finalement constater que l’habitat précaire est un problème relativement bien contenu si l’on compare la situation actuelle avec celle des autres pays d’Amérique Latine. II.1.a De 1900 à 1960 : conscientisation du problème et essor disparate des politiques de logement Au début du siècle dernier, le problème de la précarité des logements se faisait déjà sentir, et c’est pour y répondre que la mairie du canton central de San José émis, le 5 avril 1904, une loi concernant les maisons de quartiers, connues vulgairement sous le nom « chinchorros », qui fut approuvée par le pouvoir législatif. Motivée par le surpeuplement et 32


les mauvaises conditions d’hygiène des chinchorros, cette loi définissait une série de conditions auxquelles chaque logement devait répondre : avoir de l’éclairage, que ce soit à l’huile, à l’alcool ou électrique ; avoir du parquet ; une arrivée d’eau ; des chambres bien ventilées et des sanitaires et salles de bain adéquates. Toutes les maisons qui ne remplissaient pas les conditions mentionnées avaient deux ans pour se mettre à jour et un mois pour que les propriétaires construisent des toilettes. En 1911, le Congrès autorisa le pouvoir exécutif, par l’intermédiaire de la loi n ° 10, à officialiser avec une société anglaise un contrat pour la construction de logements pour les familles à faible revenu, dans lequel la société investirait jusqu'à 500 000 livres sterling. Mais les maisons construites furent finalement attribuées à des personnes de revenu moyen et élevé qui avaient des terres non hypothéquées. Le 17 Octobre de 1922, le Congrès de la république promulgua le décret n ° 23 par lequel il autorisait le pouvoir exécutif à effectuer un emprunt d'un montant maximum de 400.000 colones, destiné exclusivement à la construction de maisons bon marché et offrant les services d’hygiène de base dans la ville de San José, pour les familles pauvres et « sans vices ». En 1937, un projet de loi est présenté au Congrès pour résoudre le problème du logement au Costa Rica, il est concrétisé par l'accord n ° 10 du pouvoir exécutif du 1er mai 1939. C’est ainsi que fut fondé la « Junta Nacional de la Habitación » qui débuta avec un capital d'un million de colones et un budget de 200.000 colones par an pour la construction de maisons pour les familles à faible revenu. De sa création à 1942, le conseil construit 85 unités de logements pour une valeur de 573.000 colones. Ces efforts furent cependant insuffisants, car la pénurie de logements pour les pauvres était bien plus grande. La Cooperativa de Casas Baratas La Familia est alors crée en 1942. Avec l’aide d’un grand nombre de citoyens, cette coopérative élabore un projet appelé Ley de casas baratas municipales la familia, qui devint par la suite une loi de la république par le décret n ° 190 du 13 Août de 1942. Les maisons construites dans le cadre de cette loi sont alors destinées aux ouvriers, artisans et employés. Pour apporter un soutien économique à la loi, une taxe de dix cents est imposée sur tous les billets de théâtre et de cinéma. 33


Mais le problème de l’habitat continue de s’aggraver suite à la forte croissance de la population, en particulier en région métropolitaine, et à l’exode rural. La préoccupation du gouvernement pour le problème s’accentue alors et il fait table raz d’une bonne partie des mesures précédentes avec l’adoption du décret n°188 le 23 Août 1945, connu sou le nom de « Loi du Logement ». La Junta Nacional de la Habitación ainsi que la Cooperativa de Casas Baratas La Familia sont alors abrogées et leurs ressources et patrimoine immobilier sont transférés à la Caja Costarricense del Seguro Social qui a désormais pour vocation d’améliorer la qualité des logements populaires dans tout le pays L’article 65 de la constitution de 1949 va ensuite plus loin en déclarant la promotion du logement d’intérêt social comme précepte constitutionnel et énonce notamment que « l’État encouragera la construction de logements populaires et créera le patrimoine familial du travailleur ». C’est de cette manière qu’apparait plus concrètement le droit au logement et le rôle officiel de l’État comme facilitateur de l’habitat. Sur la base de ce principe constitutionnel et inspiré par un sentiment social élevé, l’Institut National du Logement et de l’Urbanisme (INVU) est créé par la loi n ° 1788 du 24 août 1954. Ses objectifs fondateurs sont d’accroître le bien-être économique et social, en offrant à la famille costaricienne une meilleure place ; planifier le développement et la croissance des villes ; fournir aux familles costariciennes qui manquent de logements adéquates et, dans des conditions normales, les moyens nécessaires pour obtenir un logement répondant aux exigences essentielles afin de faciliter le développement et la conservation de la santé physique et mentale de ses résidents. La priorité est également donnée à la classe des ressources les plus faibles, à la fois dans les villes et à la campagne. C’est à cette même époque qu’est créé le système en charge du financement des logements. Ce système institutionnel mélange d’entités publiques et privées met notamment en place aussi un mécanisme d’épargne et crédit à vocation des ménages, qui aboutit en 1969 à la création du Département Central d’Épargne et Crédit (DECAP), au sein de la Banque du Crédit Agricole du Cartago dont l’objectif est de canaliser les ressources financières et humaines pour faire face au problème du logement.

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II.1.b De 1960 à 1986 : efforts d’harmonisation freinés par la crise économique Mais malgré ces efforts de l’État, le problème continue d’empirer dans les années 60 et 70. Cette longue évolution hétérogène et fragmentée avait finalement abouti à un ensemble d’institutions ayant chacune leurs objectifs et procédures propres, notamment en termes de crédit et d’exigences pour devenir bénéficiaire de leurs programmes. Il manquait donc toujours une réelle politique uniformisée au niveau national pour traiter le problème du logement chez les familles à faible revenu de manière globale et transparente. En outre, la plupart des institutions financières de l’époque restait très réticente à investir dans le secteur des familles les plus vulnérables qui avaient des ressources et des capacités d’endettement trop limitées pour elles. Quant aux mécanismes de financements spécifiques déjà en place, ils s’avéraient toujours insuffisants. Dans les années 70, le phénomène se poursuit et le nombres d’institutions concernées par le problème du logement social augmentent. On assiste notamment à l’apparition de l’Institut de Développement Agraire (IDA), l’Institut National d’Assurances (INS), l’Institut Mixte d’Aide Social (IMAS), diverses autres institutions du système bancaire national et finalement des mutuelles. Les efforts d’harmonisation et d’uniformisation des politiques de logements au niveau national arrivent finalement en 1979 comme réponse à l’Agenda Habitat de l’ONU établit durant la conférence Habitat I en 1976. Le Costa Rica nomme alors pour la première fois un ministre, sans portefeuille, chargé d’un programme de logement et d’établissements humains devant permettre de regrouper les efforts ponctuels et diversifiés de l’ensemble des institutions concernées, maintenant regroupées dans un seul et même secteur. C’est d’ailleurs pour la première fois que le terme établissements humains apparait officiellement dans une institution du pays. La conférence Habitat I semble donc avoir permis au gouvernement de commencer à voir le problème de l’habitat comme un problème de société humaine et non plus seulement comme un problème centré uniquement sur le logement en tant qu’entité physique.

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Mais le problème de l’habitat précaire continue d’augmenter de manière soutenue pendant la première partie des années 80. Le pays entre ensuite dans une grave crise économique, causée par un ensemble de déséquilibres nationaux et internationaux qui détériorent le revenu des ménages, et augmentent les coûts du secteur de la construction. L’inflation va alors aggraver le problème en limitant encore plus l’accès de la population au financement bancaire. Les lacunes des politiques de l’habitat couplées à la crise sont alors le contexte propice à de grandes invasions de terres de l’État en 1986, telles que Los Guido, Los Cuadros, San Pedro de Pavas, Los Diques et Paraíso ; qui sont les lieux d’apparition de grands bidonvilles sans infrastructure ou service urbains. Le déficit de logement qui était de 15% dans les années 50 atteint alors 21% en 1986. Le problème du logement est alors déclaré urgence nationale. II.1.c De 1986 à de nos jours : créations du ministère du logement, nationalisation totale de la politique du logement précaire C’est dans ce contexte que le 22 décembre de 1986 née officiellement le Ministère du Logement et des Établissements Humains (MIVAH) grâce à la loi n ° 7055, qui a pour mission les objectifs du Programme Habitat de l’ONU. Dans la même année, suite à la loi n ° 7052, le Système National de Financement du Logement (SFNV), la Banque Hypothécaire du Logement (BANHVI) et le Fonds de Subventions au Logement (FOSUVI) sont créés pour financer une nouvelle mesure de résolution du problème : la prime « Bono Familiar para la Vivienda ». Cette subvention prend la forme d’une offre de crédit sans intérêts pour les familles les plus démunies, qui peuvent commencer à le rembourser 3 ans après l’aménagement dans le logement financé, et en 180 versements. Cette loi devient un jalon fondamental dans le champ du logement social. Elle permet la participation de nouvelles banques, coopératives, mutuelles mais aussi des associations ; qui vont démocratiser les processus d'épargne, subventions et financement de solutions et projets de logement, aux groupes à faible revenu, les plus vulnérables de la société.

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En 1990, lors du mandat du président Rafael Ángel Calderón, la loi du Bono Familiar para la Vivienda est modifiée et les logements du programme ne sont alors plus financés par des prêts mais gratuitement. Cette mesure très sociale marque ainsi une augmentation significative de l’investissement public en terme financier dans le domaine. Mais due au manque de contrôle initial, cette nouvelle mesure favorise alors également un certain nombre d’abus ou des individus profitaient du système pour revendre ou louer ces logements obtenus gratuitement et retourner vivre dans des quartiers informels, menant ainsi à des situations similaires au cas des colonias populares de Mexico. Quatre ans plus tard le président de la République, José Figueres Ferrer, décide d’exclure la participation des organisations privées du système national de logement pour tenter de stopper les projets d’auto-construction peu encadrés qui n’aboutissaient pas à des solutions durables. Si cela peut éventuellement avoir pour effet de raréfier les sources de financement et le nombre d’acteurs impliqués, cette mesure marque néanmoins la volonté du gouvernement d’accorder plus d’importance à la qualité des solutions. Dans la pratique la participation d’acteurs privés restera permise mais elle sera alors plus encadrée. II.1.d Bilan comparatif avec les autres pays d’Amérique Latine En 2000, on constate que depuis les années 80 le déficit de logement social augmente en terme absolu, mais néanmoins diminue en terme relatif. Cela montre que si la croissance du déficit de logement a continué, elle est désormais moins rapide et donc potentiellement mieux contrôlée comme on peut le voir sur le tableau suivant :

Tableau 1. Déficit de logement au Costa Rica (1984-2000-2011). Source : FUPROVI-UNIN, 2017 basé sur les statistique de BANHVI.

La tendance continue de s’améliorer et on constate que le déficit de logements en terme absolu diminue de 9% entre 2000 et 2011. Cette amélioration n’est cependant pas constante et elle cache de régulières fluctuations en nombre absolu d’après les estimations de

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l’INEC effectuées entre les recensements (FUPROVI, 2008). Si les politiques et le cadre légal mis en place n’ont toujours pas permis de résoudre le problème du logement précaire, elles ont peut-être cependant contribué à le contenir et à ralentir sa progression. Se pose alors la question de savoir dans quelle mesure précisément le cadre légal et les politiques sur le logement précaire sont-elles efficaces ? Il est difficile de répondre de manière certaine, mais la comparaison avec les autres pays d’Amérique Latine tend à soutenir l’hypothèse d’une certaine efficacité sur les dernières années. En effet sur les graphiques suivants issus de la Banque Interaméricaine de Développement (BID), on voit qu’en 2009, le Costa Rica est le pays d’Amérique Latine ayant le plus faible déficit de logements alors qu’il est seulement le 4ème pays en terme de développement économique :

Graphique 2. Deficit qualitatif de logement en Amerique Latine en fonction du revenu par habitant – 2009 Source : BID

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Graphique 3. Deficit quantitatif de logement en Amerique Latine en fonction du revenu par habitant – 2009 Source : BID

Le développement économique ne permet donc pas à lui seul d’expliquer le relatif succès du Costa Rica en terme de déficit de logement. On peut donc supposer que ce sont, au moins en partie, les efforts continus d’amélioration du cadre légal et de politiques du logement et de l’habitat précaire qui portent leur fruit. Le ministère du logement (MIVAH) lui l’affirme très clairement : sans sa politique d’aide aux financement pour l’accès à des logements décents, le déficit de logement totale en 2011 auraient été de 49% au lieu de 13,8%, soient un peu plus de 310 000 familles qui ne vivent pas dans des conditions de logement précaire grâce à ce programme (MIVAH, 2012b). Cependant nous nuancerons cette conclusion par deux points importants. D’une part aux vues des tendances fluctuantes de l’évolution du déficit de logements ces dernières années, ce système semble toujours insuffisant pour résoudre le problème du logement précaire sur le long terme. D’autre part ces politiques et ces institutions semblent financer des solutions focalisées sur le logement en tant que tel, mais pas sur l’habitat dans son ensemble. Qu’en est-il concrètement des conditions de vie des 310 000 familles qui ne vivent pas dans des logements précaires grâce au programme ? Sont-elles significativement meilleures que s’ils n’avaient pas bénéficiés du programme ? Les logements en question offrent-il vraiment un cadre d’habitat favorisant l’intégration économique et sociale ? Nous pourrons trouver une première piste de réponse à ces interrogations au travers de mes observations durant mon expérience de stage décrite plus loin en partie III.5 où je décrie les difficultés que j’ai rencontré durant ma mission.

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II.2 Histoire et développement du bidonville « El Relleno » dans le quartier précaire Finca San Juan de Pavas Au travers de l’évolution du cadre légal, nous avons commencé à entrevoir l’histoire de l’habitat précaire au Costa Rica. Nous allons maintenant approfondir ce sujet pour comprendre réellement comment les bidonvilles se sont développés au Costa Rica. Quelles ont été leurs raisons précises ? Leur mode et vitesse d’apparition ? Mais surtout comment cette évolution a, entre autre, abouti à l’émergence des bidonvilles au sein de Pavas, district de San José, et plus précisément au bidonville en son sein qu’on y surnomme El Relleno sur lequel porte mon stage. II.2.a L’émergence des bidonvilles au Costa Rica Comme nous l’avons vu en première partie l’émergence des bidonville est fortement associée à la pauvreté, aux inégalités géographiques et aux rythmes d’urbanisation intenses qui marquent fortement la réalité politique et socio-économique des pays en développement. Le Costa Rica n’a pas échappé à ces phénomènes et la majorité de ses bidonvilles se situent dans sa grande agglomération métropolitaine (appelé GAM) centrée autour de la capitale San José. Bouleversement structurels majeurs de son économie et de sa société causant la paupérisation des habitants ruraux, urbanisation rapide durant une période de forte croissance démographique, fort flux d’immigrations externes et crises économiques ont été autant d’éléments propices à diverses vagues d’invasions illégales de terrains publics et privés inutilisés. Ces invasions se sont le plus souvent faites sur des zones à risques, sur lesquels les logements informels se sont alors développés de manière non planifiée et désorganisée. Ces constructions de fortune sur des terrains non aptes pour le logement deviennent alors un problème dangereux pour la santé des individus et de l'environnement. Les premières traces attestées du phénomène remontent au début du 19ème siècle puis il s’accentue de manière notable à partir des année 80, notamment sur la zone Ouest de la capitale où rien que dans le district de Pavas se développent 18 bidonvilles, dont Finca San Juan. Les premières attestations officielles de logements précaires et informels au Costa Rica se font dès 1907 avec un grand nombre de squats sur les terres de la United Fruit Company, la 40


compagnie bananière transnationale qui s’installe dans le pays vers la fin du 19ème siècle. Mais le problème des bidonvilles devient plus important dans le milieu rural à partir de 1958 quand les petits producteurs de café commencent à se dédier exclusivement à la production de café pour l’exportation et arrêtent de produire des biens pour leur propre subsistance. Ce bouleversement de la production agricole entraine une grave crise socio-économique du secteur rural marquée par une forte paupérisation de ses habitants qui n’arrivent plus à acheter bon nombre de produits basiques qu’ils produisaient et exportaient auparavant. C’est ainsi que commence l’invasion de terres privées et publiques par des paysans dans une situation de grande pauvreté. C’est pour faire face à ce phénomène qu’est créé en 1961 l’Institut de Terres et Colonisation (ITCO), aujourd’hui Institut de Développement Agraire (IDA), qui a comme objectif principal d’arrêter ces invasions notamment en soutenant l’économie du secteur agricole. L’IDA réussit à faire descendre le nombre d’invasions pendant 5 ans mais à partir de 1970 les mouvements s’intensifient de nouveau. C’est notamment à la fin de cette décennie que bon nombre de terrains vacants de l’État commencent à être envahis dans le district Pavas de San José. L’envahissement des terrains publics est alors la stratégie la plus utilisée car elle constitue une forme de pression politique sur le gouvernement pour essayer d’obtenir une solution plus durable. Le problème continue d’empirer dans les années 80 suite à des phénomènes comme la migration rurale, interurbaine, internationale, l’industrialisation, la crise économique et la pénurie des terrains de faible coût qui rendent de plus en plus difficile le développement de solutions de logement par l’État pour les plus démunis de la population. C’est notamment sur cette période qu’un mouvement de contestation populaire se met en place, sous la forme de groupes organisés appelés « frentes de vivienda » qui luttent pour satisfaire les besoins en habitat et en services basiques. Ils contribuent ainsi à planifier et organiser les invasions illégales sur les terrains de la GAM appartenant à l’État. « En 1986 le déficit de logement était de 132 000 domiciles, et avait pour facteurs la diminution du pouvoir d’achat, la diminution des investissements de l’état dans le secteur du logement, l’augmentation des prix des matériaux de construction à partir de 1979 et 41


l’accélération du processus d’urbanisation dans toute l’aire métropolitaine de San José depuis 1950 couplé à la croissance démographique. » (Chacón, Freer, 1999) La crise économique des années 80 provoque une profonde détérioration des niveaux de vie de la population et augmente fortement la part des ménages qui ne sont plus en mesure d’accéder à l’achat ou à la location d’un habitat formel. La marginalisation de ces groupes avec l’aide des frentes de vivienda amplifie alors les invasions de terrains illégaux qui aboutissent à la construction de nombreux établissements humains classifiés comme bidonvilles du fait de leurs conditions d’illégalité, de leur précarité, des matériaux utilisés (principalement issus de déchets), ainsi que de leurs manques en services basiques et en infrastructures sanitaires. Nombre de ces terrains auparavant à vocations agricoles ou vacantes, se voient alors raccordés aux systèmes d’infrastructures urbaines de San José et participent ainsi à son étalement complètement incontrôlé. Malgré les importantes dépenses sociales de l’État et notamment la mise en place des primes Bono Familiar para la Vivienda, le problème du logement persiste et continue même d’augmenter. Les statistiques sur les établissements informels réalisés par le ministère du logement (MIVAH) montrent que 13 800 familles vivaient dans 104 bidonvilles en 1987 contre 39 054 familles dans 384 bidonvilles en 2011, dont environ 60% au sein de la GAM. Comme on peut le voir sur la Carte 1 qui suit (cf. Annexe 1, p.86 pour format pleine page), c’est finalement dans le canton de San José que la concentration de bidonvilles est la plus forte, ce qui en fait une zone d’action prioritaire :

Carte 1 - Bidonvilles dans la Grand Aire Métropolitaine (GAM). Source : Plan GAM 2013.

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II.2.b Brève revue historique de Pavas. Durant cette section et la suivante, on pourra s’appuyer de l’infographie suivante (Carte 2) pour visualiser la localisation de Pavas au sein de San José et de certains de ces quartiers.

La GAM au sein du Costa Rica

El Relleno et Finca San Juan, au sein de Rincon Grande De Pavas

Canton de San José, au sein de la province de San José dans la GAM

District de Pavas au sein du canton San José

Carte 2 – Localisation du bidonville El Relleno, pas d’échelle. Source : propre + Unité d'Exécution de Rincón Grande de Pavas.

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Pavas constitue le 9ème district du canton central de San José et est situé à l'extrême ouest de la ville. « Il provient d'un grand terrain qui appartenait à la riche famille Rohrmoser » (Montero, 2011, p.1). C’est le district le plus grand du canton, avec une superficie de 9.34 km2, et également celui qui compte le plus d’habitants. En terme de densité de population, il est uniquement dépassé par San Sebastián et Hatillo. Le quartier est délimité par la rivière Torres et le district Uruca au nord, la rivière Tiribí et le cantón Escazú au sud et à l’ouest et par le district Mata Redonda à l’est. Pavas ou, encore las Pavas, faisait partie des terres offertes par le prêtre Chapuí pour que les gens puissent y vivre et y exercer l’agriculture. Les premiers habitants du district de Pavas étaient des ouvriers travaillant dans les grandes exploitations de café existantes et pour lesquels les propriétaires avaient fait construire des maisons. C'est dans les années 60 que son développement urbain commence par le développement de quartiers destinés aux classes moyennes et supérieures. Mais au fur et à mesure que le district s’urbanise, se développe l’établissement de quartiers précaires suites aux invasions. Les premiers squatters arrivent en 1969 dans ce qu’on appelle aujourd’hui Pueblo Nuevo de Pavas. Vers 1978 un second groupe arrive et envahit un terrain qui appartenait à la Municipalité de San José. Ultérieurement la municipalité leur donne les terres avec des titres de propriétés officiels. En 1979-1980 les invasions se poursuivent, cette fois-ci dans le quartier aujourd’hui appelé Libertad 1 en adoptant la même stratégie, puis en 1984 c’est au tour des bidonvilles Metropolis 1, 2 et Rincón Grande d’apparaitre. Les alentours de la rivière Pavas, entre Libertad 2 et Villa Esperanza, étaient initialement prévus comme une zone d’espace vert et de récréation, mais des invasions de 1986 à 1991 y fondent le bidonville Paz 96 de plus de 2000 habitants. Cette année-là, le ruisseau déborde et emporte les logements de fortunes de plus de 300 familles. Ces familles et d’autres situées informellement le long de l’autoroute Moreno Cañas à Guachipelín sont relocalisées dans le quartier aujourd’hui appelé Finca San Juan où se trouve notamment le bidonville El Relleno. Quant à la rivière, elle est désormais canalisée et officiellement déclaré inhabitable.

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L’émergence de nouveaux bidonvilles continue ainsi durant les années 90, et Rincón Grande, où se situe Finca San Juan et El Relleno, continue de s’agrandir. Les invasions de ces décennies sont marquées par la participation importante de nombreux migrants externes provenant essentiellement du Nicaragua, d’El Salvador et du Guatemala. Il est difficile de connaître les chiffres exacts mais le recensement de 2011 établi par l’INEC indique que 17% des habitants de l’ensemble des quartiers informels en 2011 sont de nationalité étrangère, nés à l’étranger. Comme on peut le constater, le district de Pavas se caractérise par un nombre élevé de logements en conditions précaires. Cette réalité dérive de l’urbanisation intense, du manque de planification urbaine, des migrations, du coût élevé de la terre et de la construction, de la pauvreté et du manque de logement accessible pour les populations les plus vulnérables. Les indicateurs socio-économiques de ce district y sont donc assez défavorables et c’est d’ailleurs le deuxième district avec le moins de m2 de zones vertes ou récréatives par habitant. C'est aussi un district très hétérogène qui possède des quartiers résidentiels à la valeur foncière élevée, une grande zone industrielle et en même temps de nombreux établissements humains spontanés et précaires. II.2.c Brève revue historique du bidonville « El Relleno », dans Finca San Juan de Rincón Grande en Pavas. Le bidonville El Relleno de Finca San Juan a été fondé en 1995. La population totale y est d'environ 450 personnes, pour 110 familles5. Il est situé dans le secteur sud de Finca San Juan à Rincón Grande, dans le district de Pavas, dans le canton central de San José. Il est délimité à l'ouest par le bidonville Los Guindos et la rivière Tiribí, au sud avec la même rivière et le quartier de Santa Fé et encore une fois le quartier de Santa Fé à l’est. Le terrain dans lequel le bidonville est installé appartient à l’INVU.

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Données fournies par les habitants de la commune

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« Il s’appelait Rincón Grande, car il ne débouchait nul part » (Montero, 2011, p.1), et constituait le coin de la grande propriété qui appartenait à la famille Rohrmoser. L’endroit commence à se peupler avec deux urbanisations formelles promues par les institutions de l’État : l’ICE (compagnie nationale d’électricité) et la CCSS (caisse de sécurité sociale), conçues pour répondre aux besoins de logement de leurs employés. C'est ce qu'on appelle Lomas 1 et Lomas 2. En 1978, les établissements informels prolifèrent dans toute la zone métropolitaine, et le gouvernement acquiert Finca San Juan pour transférer ces terres à l’Institut national du logement et du développement urbain (INVU) qui, de concert avec le Ministère du logement et des établissements humains (MIVAH), commencent à y développer des projets d'intérêt social au service des familles en situation d’extrême pauvreté. Mais ces programmes sont mal planifiés et ils aboutissent finalement à la création de grands bidonvilles et ce secteur devient alors Metropolis 1, 2 et 3, Los Laureles et Cristal. En cause dans cet échec on retrouve un nombre de familles excédant les capacités offertes par l’espace disponible et la non prise en compte de leur croissance démographique. « Le transfert ne tenait pas compte du phénomène de la croissance démographique naturel. Les familles sont nombreuses et on constate de nombreuses grossesses chez les adolescentes. Bon nombre des nouvelles familles ne pouvaient alors pas vivre avec le noyau familial auquel elles appartenaient et ont alors envahi les espaces restant de Finca San Juan : des parcs, des zones réservées, des zones en bordure de la rivière, ou encore des zones très escarpées. » (Montero, 2011, p.2) C’est ainsi que le bidonville s’étale et donne lieu à la création de ce que l'on appelle aujourd'hui « El Relleno ». « Suite au manque de places, El Relleno apparait le 5 septembre 1995. Ce secteur de Finca San Juan était initialement utilisé comme décharge pour les déchets hospitaliers et autres déchets en tout genre qui en s’accumulant , finir par lui donner son nom d’El Relleno6» (Montero, 2011, p.2).

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Littéralement El Relleno signifie « le rempli »

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III Mise en application : Projet d’habitat social pour le quartier précaire El Relleno Nous connaissons l’histoire de l’habitat précaire au Costa Rica et nous avons vu les recommandations théoriques pour faciliter au mieux sa résorption. Il est donc maintenant temps d’aborder une mise en application concrète de l’ensemble de ce que nous avons vu avec le projet d’habitat social et d’espaces publics à destination des habitants du bidonville El Relleno. Ce projet a été réalisé dans le cadre de mon stage au sein de la Mairie de San José, Costa Rica, qui a duré quatre mois et demi dans le Département de l'Amélioration de l'Habitat Humain et de la Régénération Urbaine. Je commencerai par décrire tout d’abord l’organisation et les projets en cours dans mon service, puis je détaillerai succinctement les objectifs de ma mission. Je rentrerai alors dans le vif du projet en présentant l’étude socio-urbaine de la communauté, la première solution proposée en 2015, puis la nouvelle, suite aux changements et aux nouvelles contraintes qui sont apparues depuis. III.1 Les projets et l’organisation du service A la mairie de San José, le Département de l'Amélioration de l'Habitat Humain et de la Régénération Urbaine est subdivisé en trois services qui sont : Participation Citoyenne, Amélioration des Quartiers, et Gestion du Logement et des Établissements Humains, service au sein duquel s’est déroulé mon stage. Les trois objectifs principaux du département sont :

La repopulation urbaine du centre de San José et la régénération urbaine de la ville.

La création d’une Ville Technologique.

La création d’un tram urbain entre Pavas et la station de l´Atlantique.

La subdivision spécifique du département pour laquelle j´ai travaillé, se focalise spécialement sur le premier objectif. C’est également l´unité chargée d'assister et d'éradiquer les établissements précaires du canton. Présentement, il existe 46 bidonvilles dans le canton central de San José, dont le bidonville El Relleno sur lequel porte ma mission de stage.

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Le service des Établissements Humains est actuellement en train de préparer les dossiers techniques pour compléter les avant-projets de trois projets d’habitats sociaux pour les bidonvilles : « El Relleno » à Pavas, « Gracias a Dios » à Sagrada Familia et « El Tapón » à Pavas. En ce moment, il réalise par exemple l’étude des sols, des courbes de niveau et des perforations pour connaître la capacité de soutien des sols dans les trois endroits. Ce service dispose aussi du budget pour réaliser les études d'impacts environnementaux nécessaires au processus d'approbation. Ces études commenceront une fois les propositions de conception de site terminées. Parallèlement, le service organise des ateliers participatifs avec les communautés, dirigés par des anthropologues, sociologues, psychologues et travailleurs sociaux, avec l´objectif de mieux comprendre les fonctionnements et les tissus sociaux des communautés. Le service des Établissements Humains travaille également sur la proposition de régénération urbaine pour Rincón Grande dans son ensemble et la proposition d'un plan global de développement social municipal pour le bidonville « La Carpio » à La Uruca, le plus grand bidonville du pays qui compte plus de 5000 familles. L´équipe du service est composée de l’ingénieur M. Jorge Mora Oconitrillo, coordinateur général de cette subdivision du département, l´architecte Mme Karen Solera Rojas et l´activiste et leader communautaire Mme Yerlin Montero Molina. C’est cette dernière qui est en charge de faire le lien entre les communautés et la municipalité. C’est par exemple elle qui organise les réunions et discussions regroupant ces acteurs.

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III.2 Ma mission Mon objectif principal était de reformuler la conception du site du projet d’habitat social et d’espaces publics pour le bidonville « El Relleno » que j´avais autrefois réalisée comme projet dans le cadre de ma thèse de diplôme d´architecture à l’Institut Technologique du Costa Rica (ITCR). La municipalité avait choisi mon projet comme modèle pour réaliser la solution à implémenter. Je dois désormais reformuler cette proposition puisque l'INVU a décidé d’implanter une rue au centre du terrain du projet, ce qui divise le site en deux. Cette rue est située à cet endroit parce que prochainement une usine de traitement des eaux usées y sera construite pour être utilisée pour les futures habitations de mon projet, mais aussi plus généralement pour collecter toutes les eaux usées du quartier existant Finca San Juan. La proposition a pour but de fournir un habitat décent pour chacune des 110 familles vivant actuellement dans le bidonville, dont 8 familles qui comptent au moins une personne en situation de handicap. Le solution proposée doit notamment posséder des espaces verts et de loisirs, comme des aires de jeux pour enfants, pour répondre aux besoins sociaux de la communauté. Très complémentaire à mon travail de fin d’étude en architecture, cette mission est l’occasion de le reprendre et le compléter, mais cette fois-ci avec un regard d’urbaniste grâce aux nouvelles compétences que j’ai acquises lors de mon master. C’est l’opportunité de réellement approfondir l’intérêt et l’objectif social de la solution, et faire en sorte d’aboutir à la solution la plus intégrée possible au niveau urbain. J’ai donc accordé un intérêt majeur aux résultats de mon étude sociale, et à ceux de mon étude urbaine. J’ai ainsi cherché à les retranscrire dans la solution le plus fidèlement possible. Plus qu’un ensemble de bâtiments, la solution proposée est un véritable quartier, cette fois-ci non précaire, qui doit permettre à ses habitants de s’émanciper définitivement de la précarité de leur vie actuelle. Pour se faire, l’attention accordée aux espaces publics est primordiale, c’est eux qui faciliteront la cohésion sociale au sein du quartier, pour permettre ainsi de préserver et encourager le développement de la bonne dynamique de solidarité déjà existante. La solution s’efforcera également de faciliter l’émancipation des habitants au secteur de l’informel, en les 49


reliant plus facilement et de manière durable à l’économie formelle de la ville. Pour se faire le projet final constituera un réel soutient au développement économique de la coopérative du quartier. La solution comportera également un plan de mobilité alternative et une attention particulière sera portée à la connexion du quartier avec les transports déjà existants.

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III.3 Étude Socio-Urbaine de la communauté « El Relleno » Nous allons maintenant chercher à comprendre en profondeur la communauté d’El Relleno et cerner ses besoins. Outre une étude sociale et une étude urbaine, nous allons tout d’abord commencer par présenter une partie importante du tissu social existant dans cette communauté : la coopérative COOPEBERACA qui est notamment l’un des piliers du projet et de la solution proposée. III.3.a Présentation de la communauté « El Relleno » et de la coopérative COOPEBERACA L’ensemble des informations contenues dans cette section proviennent de Montero (2011). Comme mentionné auparavant le bidonville « El Relleno » existe depuis 1995 et a une population d´environ 450 personnes pour 110 familles, qui vivent actuellement dans 79 logements, dans des conditions de précarité et d’insalubrité très avancées. Dès les débuts, juste après s’être établie lors des invasions, la communauté s’organise pour s´informer et faire pression sur les institutions, avec pour dirigeant Elisanías García Marín. Le 6 septembre 1995, ils présentent le premier Recurso de Amparo, qui consiste en un dépôt de plainte vis-à-vis de droits constitutionnels, dans le but de pouvoir rester sur le terrain envahi, mais également qu’à terme on leur propose une réponse à leur problème d’habitat de manière durable et décente. Mais malgré les efforts faits par la communauté, en 2000 suite à la mort du leader de la communauté Elisanías García, le processus juridique qui s’était déroulé jusque-là s’arrête et on ne donne pas suite à leur demande. La communauté réagit donc en décidant d’établir un comité provivienda, chargé de la lutte pour avoir un habitat décent, avec un conseil composé de sept membres en charge de la gestion de l’institution. Le comité entreprend alors des recherches pour connaître les raisons du rejet social auquel les gens en situation de précarité, font face. Ils arrivent à la conclusion que ce rejet est la conséquence de l’image et des à priori négatifs que les gens associent aux personnes des 51


quartiers précaires, qui sont souvent imaginés comme désorganisés, ne respectant pas les standards en terme d’hygiène, mais surtout sujets à la délinquance. Ils comprennent alors que pour être candidat et éligible à un projet d’habitat, ils doivent réussir à faire changer l’image de leur communauté. La communauté d’El Relleno continue donc de s’organiser et commence par développer la sécurité et l’hygiène communautaire, en établissant des rôles de nettoyage pour garder propres les espaces de vie commune. Elle établit notamment des règles de coexistence et de respect de ceux qui y vivent. Les nouveaux arrivants doivent eux aussi respecter ces règles de coexistence. Le comité poursuit ensuite ses recherches pour trouver quel type de démarche et quelle organisation permettraient de formaliser et légaliser ses actions. C’est ainsi qu’il s’intéresse aux différents types d’associations existant et s’oriente naturellement vers la coopérative qui correspondait déjà de manière implicite au mode de fonctionnement de la communauté au cours des 6 dernières années. Mais la formalisation de sa structure est rendue complexe par un accès à l’information difficile, notamment vis-à-vis des démarches administratives nécessaires. Les recherches intensives mènent entre temps à étudier les différentes coopératives de logement qui existent ou ont existé dans le pays et les raisons de leurs échecs ou succès. La communauté envisage alors la possibilité de devenir une coopérative autogérée qui générerait de l’emploi, et au travers de celui-ci stimulerait potentiellement l’éducation, s’attaquant ainsi à deux autres problèmes majeurs du quartier, en plus de celui du logement. Plutôt qu’une simple coopérative de logement dont l’activité s’arrêterait à la fin des travaux des nouveaux logements, le comité adopte une optique de long terme en créant une Coopérative Autogérée de Production d’Habitat dont la mission est de fournir à l’être humain tout ce dont il a besoin pour se développer. L’une de ses activités principales sera notamment la production de dalles de béton préfabriquées, dans un format unique, devant permettre d’une part aux habitants de se construire des logements décents et de bonne qualité, d’autre part de pérenniser cette activité à des visées commerciales et pourquoi pas d’aides à d’autres bidonvilles. En proposant des formations et des emplois, elle constitue ainsi une coopérative 52


qui cherche à contribuer à l’amélioration de la qualité de vie des habitants au-delà de la simple amélioration de leurs logements. Mais la démarche pour concrétiser le projet est longue et fastidieuse. Le comité veut notamment prouver à l’État que cette activité sera génératrice d’emplois mais également que son produit est de qualité professionnelle. Or malgré la réalisation d’une étude technique l’État reste méfiant en raison du manque d’éducation des membres de la communauté. Les 17 membres fondateurs de la coopérative décident alors de suivre des formations formelles et forment alors ensuite eux-mêmes les autres membres de la communauté. Ils montrent ainsi non seulement leurs compétences pour accomplir leurs objectifs mais aussi leur sérieux vis-àvis du projet et de leurs capacités en terme d’éducation. C’est ainsi que le 18 octobre 2008, COOPEBERACA, la première Coopérative Autogérée de Production d’Habitat du Costa Rica, voit officiellement le jour. La coopérative compte alors 63 associés. Il aura fallu 13 années de lutte avec les institutions pour y aboutir et commencer à réellement produire quelque chose. En 2011, une première associée achète un terrain, s’endette et hypothèque ses biens pour obtenir les ressources nécessaires à la construction de sa maison. Elle investit dans la coopérative, en salaire, équipements et matériaux, pour construire les premiers moules et dalles. D’une manière très artisanale débute de manière concrète l’activité de la coopérative. Avec un premier apport de 15 millions de colones (environ 21 000€), l’associée crée ainsi de nouveaux emplois, et réussit à financer la construction d’un logement formel qu’elle n’aurait pas réussi à obtenir autrement. En participant à l’augmentation du revenu des habitants impliqués dans la coopérative, cette première construction facilite alors le financement des autres logements et crée ainsi un cercle vertueux de construction de logements décents et d’emplois. L’usine de production et cette première maison, qui fait office de modèle, sont bâtis à l’aide des conseils techniques de l'ingénieur Jorge Mora Oconitrillo. La coopérative commence alors à travailler sur la conception de moules à colonnes, de dalles de béton préfabriquées, de tables vibrantes, etc. "Nous avions décidé que ce lot et cette maison allaient être notre 53


laboratoire, notre atelier de test." Petit à petit, chaque erreur apparaissant dans la pratique était corrigée, notamment avec l’aide et l’assistance de l’ingénieur. Ce processus a considérablement enrichi la formation des associés, ce qui n’aurait pas été possible si une entreprise de construction externe avait réalisé les logements.

III.3.b Étude Sociale L’étude sociale qui suit a été réalisée en 2015 par moi-même, dans le cadre de ma thèse de diplôme d´architecture, pour mieux comprendre le tissu social de la communauté. Les résultats ont été obtenus sur un échantillon de 46 logements parmi les 79 logements du quartier qui hébergent 110 familles, sur la base de questionnaires ainsi que d’observations notées de manière méthodiques durant la visite de chaque logement. On retrouvera les figures présentant les résultats complets en Annexe 7, p.94. Caractéristiques du chef de famille La Figure 1 montre que les familles sont essentiellement d’origine nicaraguayenne avec près de 72% de chefs de famille originaires du Nicaragua et le reste du Costa Rica, ce qui est largement au-dessus de la moyenne nationale des 17% d’habitants de bidonvilles d’origines étrangères (chiffre fourni par l’INEC). Dans la même proportion, on observe que la majorité des chefs de ménage sont des femmes (Figure 2), ce qui croisé avec l’activité la plus exercée, femme au foyer, nous laisse entrevoir la grande précarité économique de certains foyers. Caractéristiques du foyer Pour une moyenne de 5 membres par foyer, on observe (Figure 3) que les ménages les plus courants sont constitués de familles de 3 membres (20%) ou 6 membres (20% également). Plus exhaustivement, 71% des familles comptent entre 2 et 6 membres, 20% entre 7 et 9, et les 9% restant sont répartis de manière équivalentes entre des ménages de 12 et 16 membres (des ménages constitués de plusieurs familles).

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Dans la pratique l’ONU-Habitat recommande un maximum de 3 personnes par pièce mais nous préférons privilégier un maximum de 2 autant que possible. Ainsi, on pourrait potentiellement résoudre la question du logement avec 2 modèles d’habitation types. Par exemple, si possible on pourra loger les familles du premier groupe (2 à 6 membres), dans des solutions comportant 3 chambres, ou 2 en fonction de nos contraintes de coûts. Les familles du deuxième groupe (7 à 9 membres) logeraient alors dans des solutions qui comptent au mieux 4 chambres, ou 3 en fonction des contraintes de coûts. Et les familles de plus de 9 membres qui dans la pratique sont constituées de plusieurs noyaux familiaux, seraient séparées et réparties dans ces même types de solution. Sur la Figure 4, on peut observer la constitution des familles par tranche d’âge. Près de trois quart des ménages (73%) comportent des enfants de moins de 12 ans. Parmi eux le ménage moyen en compte 2, et 12% en compte plus de 4 (jusqu’à 6). La moitié comptent également deux adolescent (entre 12 et 18 ans) en moyenne. Seulement 7% des ménages comptent des personnes âgée de plus de 65 ans, et le plus souvent (67%) un seul. Pour finir tous les ménages comportent des adultes en âge de travailler, et deux tiers en comptent plus de 3. Emploi et revenu Sur la Figure 5 on observe que parmi les chefs de famille les 3 activités les plus exercées sont femme au foyer (38%), employé domestique (11%) et commerçant (9%). Ces activités sont toutes associées à de faible revenus et sont bien représentatives de la pauvreté dans laquelle se trouvent ces familles. On observe aussi (Figure 6) que tous les ménages (98%) possèdent au moins un membre qui exerce une activité à revenu. En moyenne il existe d’ailleurs 2 travailleurs par familles, 10% des foyers en compte même entre 4 et 6. Une part non négligeable des foyers voit au moins l’un de ses membres travailleurs exercer son emploi (le plus souvent informel) depuis l’habitat. Ainsi 23% des logements sont également des épiceries, des ateliers de charpentier, des lieux de ventes par catalogue ou encore de ventes de plats cuisinés sur place. Pour prendre en compte cette réalité et ne pas

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pénaliser les habitants, les logements proposés dans la solution doivent donc posséder un espace suffisant pour permettre et favoriser ces activités. C’est ainsi qu’idéalement, en plus du nombre de chambres nécessaires à chaque famille, certains des logements posséderont au moins une pièce supplémentaire suffisamment grande pour l’exercice d’une activité.

Conditions de logements actuel La majorité des logements possèdent entre 2 et 3 chambres (respectivement 53 et 27%). Pour une moyenne de 5 habitants par foyer le problème de surpeuplement semble donc modéré. La qualité de construction est en revanche plus problématique. La plupart des habitations sont faites de plaques de zinc : 76% pour les murs et 98% pour les toits. On constate quelques cas extrêmes (2%) qui n’ont que de simples toiles en guise de toit. La qualité du sol est en général moins problématique avec du béton pour la moitié des logements. Seulement 4 % des logements n’ont pas de couverture du sol. Enfin de manière plus qualitative, les problèmes dont les ménages se plaignent de souffrir le plus sont : •

la chaleur : 87%

le manque de ventilation : 86%

la surpopulation : 84%

les infiltrations d’eau par le toit : 76%

les problèmes d’odeur : 62%

le manque de lumière : 40%

les glissements de terrain : 33%

les inondations : 18%

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III.3.c Étude Urbaine Nous avons donc cerné les besoins sociaux principaux des habitants de la communauté. Mais comme nous l’avons vu la solution doit aussi s’intégrer de manière efficace au tissu urbain existant. Nous allons donc analyser dans un premier temps l’emplacement du site d’un point de vue macro, en s’intéressant à son emplacement par rapport aux réseaux de transport mais aussi des différents pôles d’activités et à l’offre de services. Puis nous terminerons l’étude par une analyse plus micro, en s’intéressant à l’exposition du terrain aux éléments climatiques et risques naturels ainsi que les connexions les plus proches aux infrastructures de mobilités. Analyse macro : Analyse de connectivité, hydrologie et des zones vertes : La Carte 3 (cf. page suivante, ou Annexe 2 p.87 pour format pleine page) représente les connexions du site avec le reste de la zone urbaine et de son environnement. On voit que le site est situé dans l’une des zones les plus denses du canton et qu’il reste peu d’espace disponible. Une solution favorisant l’augmentation verticale de cette densité semble donc s’imposer afin d’éviter une poursuite désorganisée de l’étalement. On observe qu’il est également en bordure de rivière, zones qui, en raisons du climat tropical sont sujettes aux inondations. On voit également que les espaces verts se concentrent essentiellement autour des rivières, et qu’il y a donc dans l’ensemble très peu d’espaces verts aménagés. Vis-à-vis des connexions au reste de la ville le site semble en revanche assez privilégié. En effet il est seulement à 5km du centre-ville, et 4 km du grand parc public « La Sabana », auxquels il est relié par une voie automobile rapide, le train et le bus. Dans la pratique cependant ces moyens de transports sont très saturés. Le système de bus n’arrive notamment pas à répondre aux besoins induits par la forte densité du quartier aux heures de pointe. Il

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semble donc nécessaire d’améliorer les transports pour améliorer les connexions du site avec le centre-ville et les autres zones d’emplois.

Carte 3. Canton de San José - Site du projet de logement social pour El Relleno, au sein de San José Source : propre basée sur les données de la municipalité de San José

Au vu des distances relativement faibles, un réseau de pistes cyclables semblerait idéale pour compléter le système de transport de manière efficace et à coûts modérés. J’ai donc essayé de développer ce point dans ma proposition de solution.

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Analyse macro : Analyse de répartition de l’usage du territoire On peut maintenant observer (Carte 4) la répartition des activités dans les sites alentours. On observe une prédominance des espaces résidentiels (65%), et à l’inverse, très peu d’espaces verts et récréatifs pour lequel on constate une réelle carence (1,5%). La présence de l’état est bien marquée, il occupe en effet 15% des environs. Et pour finir la zone est également marquée par de nombreuses zones d’emplois (18,5%). Dans l’ensemble et hormis le manque d’espaces verts, le site semble donc bien placé pour s’intégrer dans le tissu socio-économique de la ville.

Carte 4. Canton de San José – Répartition de l’usage des sols Source : propre basée sur les données de la municipalité de San José (cf. Annexe 3, p.88, pour format pleine page)

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Analyse macro : Infrastructures publiques La Carte 5 représente les points de repère les plus connus des alentours, avec notamment les bidonvilles environnants évoqués lors de l’histoire des bidonvilles à Pavas. On y constate un manque assez important en infrastructures publiques : il n’y a qu’un seul hôpital publique et il est spécialisé en psychiatrie ; et il y a seulement 2 écoles et 2 lycées, ce qui peut sembler peu au vu du nombre de logement.

Carte 5. Canton de San José - Points de repères et nœuds notables des alentours du site du projet Source : propre basée sur les données de la municipalité de San José (cf. Annexe 4, p.89, pour format pleine page)

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Analyse micro : analyse de fragilité environnementale On peut maintenant observer (Carte 6) l’exposition du site au risque de glissement de terrain. Pour la majeur partie du site le risque est bien présent mais modéré.

Carte 6. Alentours de Rincón Grande dans San José Représentation des risques de glissements de terrains Source : propre basée sur les données de la municipalité de San José

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Analyse micro : analyse des flux climatiques On s’intéresse maintenant (Carte 7) aux conditions climatiques du terrain pour bien les prendre en compte dans la solution et favoriser ainsi un meilleur confort et cadre de vie pour les habitants. Comme objectif on essaiera notamment de faciliter la circulation de l’air à travers les logements, mais aussi d’éviter l’incidence directe du soleil sur les fenêtres, et ce afin de répondre aux problèmes de chaleur et de ventilation dont se sont plaints la majorité des habitants devant bénéficier du projet (cf. fin du paragraphe III.3.b).

Ainsi conformément aux observations que l’on peut faire sur la carte, lorsque l’on ne pourra pas éviter d’avoir des fenêtre sur les façades Est et Ouest, on mettra en place des systèmes de parasols verticaux pour minimiser l’incidence du soleil.

On essaiera également de tirer parti de la forte pente du terrain qui évacue naturellement l’écoulement des eaux vers la rivière, pour mettre en place un réservoir récupérant ces eaux afin d’être réutilisées pour les sanitaires

et

l’irrigation

des

plantes des espaces publiques de la solution.

Carte 7. Alentours de Rincón Grande dans San José Cartographie des flux climatiques sur le site de construction. Source : propre

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Analyse micro : connexion aux infrastructures de transport Sur cette carte on observe que la meilleure voie d’accès au terrain est celle de la face Nord. Elle est en effet large et densément connectée aux routes alentours, notamment la rue 104 qui est bien desservie en bus.

Carte 8. Alentours de Rincón Grande dans San José Connexion du site aux transports Source : propre basée sur les données de la municipalité de San José

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III.4 Proposition de solution originale A l’issu de ces analyses sociales et urbaines j’ai abouti à une première solution en 2016 dans le cadre de ma thèse de master d’architecture. Au niveau urbain, cette proposition visait à intégrer ce projet d’habitat au reste de la ville en appliquant le schéma défini par le ministère du logement, i.e. le schéma des Centres-Villes Denses Intégraux (CDI), un schéma qui vise à s’attaquer au problème de l’étalement urbain auquel est confronté la GAM. Le projet proposait notamment une mobilité alternative pour se déplacer dans la ville. La proposition conceptuelle de l’ensemble prend comme point central l’intégration à son environnement, proposant l'espace public en tant que médiateur d'espace, interlocuteur et élément de coexistence pour le quartier et la communauté.

Image 1. Rendu 3D de la première proposition de solution – Vu d’ensemble. Source : propre

Cette solution propose 8 bâtiments de 4 étages chacun, répartis sur le site comme indiqué par l’Image 1. Chacun de ces bâtiments propose 5 logements à chaque étage, pour un total de 20 logements par bâtiment. En complément, pour favoriser la communauté et le 64


développement de la coopérative, deux des bâtiments du complexe sont conçus différemment des autres pour permettre l’activité de la coopérative: des espaces réservés pour l’installation d’ateliers de productions des dalles de béton sont prévus au rez-de-chaussée ; et aux 4ème étages on retrouve des espaces conçus pour accueillir des bureaux pour la coopérative, ainsi qu’une salle de réunion et d'étude pour pouvoir y tenir des formations ou ateliers à destination des jeunes de la communauté. Les mesures des immeubles du complexe ont été conçus en utilisant les mesures des dalles produites par la coopérative de sorte que tous les murs puissent être construits avec leurs dalles. Ceci dans le but de promouvoir l’emploi de la communauté en renforçant l’activité productive de cette coopérative communautaire.

Image 2. Rendu 3D de la première proposition de solution – Vu sur les places en terrasse. Source : propre

La structure principale des bâtiments est en bois lamellé-collé, de sorte que l'empreinte carbone est réduite et que l'assemblage soit plus respectueux de l'environnement. Les interstices qui séparent les bâtiments constituent les espaces publiques et comprennent: des places, un terrain de football, une aire de pique-nique, des plateformes pour le yoga et les arts martiaux, des aires de repos, des points de vue, un amphithéâtre, une aire de jeux pour les enfants et un espace pour créer un jardin potager urbain. En raison de 65


l’inclinaison et des raideurs des flancs du terrain, tous les espaces publiques ont dû être conçus en terrasse. L’utilisation de rampes est impérative pour rendre l’ensemble de la résidence accessible à tous. En général, une priorité piétonne est proposée pour l’ensemble du projet, et les habitants de la communauté sont incités à se promener dans l’ensemble du complexe. Les espaces publics cherchent ainsi à encourager la coexistence et à favoriser la cohésion sociale du groupe.

Image 3. Rendu 3D de la première proposition de solution – Vue sur les escaliers et rampes. Source : propre

Les immeubles sont de 4 étages et chaque étage dispose de 5 appartements. Trois des appartements contiennent 2 chambres et les 2 autres en ont 3. A chaque étage un appartement de chaque type comporte également un espace de travail, étant donné que l'analyse sociale de la communauté avait révélé que plusieurs familles possèdent leur source de revenu ou leur travail, de manière informelle, à la maison. Au niveau de la façade, un jeu de couleurs géométriques est proposé à partir du nombre d'or en partant des fenêtres. Cette dégradation des tons cherche à générer l’identité dans la communauté, et également symboliser la vie et un contraste avec le gris et le terne de

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leur ancien quartier précaire. Ce jeu de couleur des façades représente un arc-en-ciel urbain dont le but est d’apporter le bonheur aux gens de la communauté d’El Relleno.

Image 4. Bâtiment de la solution avec espaces dédiés à la coopérative

Image 5. Bâtiment de la solution classique (seulement logements)

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III.5 Nouvelles variables et difficultés d’implémentation Au moment de commencer le stage, il était déjà clair que de nombreuses variables avaient changées depuis que j'avais proposé ma solution d’habitat dans le cadre de ma thèse de master d’architecture. Pour commencer l'Institut du logement et du développement urbain (INVU), le propriétaire du terrain, veut maintenant implémenter sur le site une rue et une station d'épuration pour tous les logements des quartiers précaires de Finca San Juan, qui jettent actuellement leurs eaux usées dans la rivière Tiribí. Aussi en comparant les courbes de niveau les plus récentes, faites par l'INVU, et les courbes avec lesquelles j'avais fait la conception du site il y a plus de 2 ans, je me rends compte qu'elles sont complètement différentes et qu'il est nécessaire de refaire la modélisation du terrain en 3D. Ajouté à cela, j'ai également appris qu'une bonne partie du terrain a entre-temps été envahie et approprié par la communauté voisine de Santa Fé. Maintenant l'espace dont je dispose pour faire une nouvelle proposition est donc plus petit, et je dois donc complètement repenser la conception du site, en m’ajustant à ces nouvelles contraintes. Quand j’ai commencé à redéfinir la conception du site, je me suis vite rendu compte que je manquais d'informations, les courbes que l'INVU nous avait envoyées n'étaient pas aux bonnes hauteurs et étaient également incomplètes : il manquait notamment une partie du site situé à l'Est. De plus dans mon ancienne proposition il y avait 8 bâtiments résidentiels mais avec la nouvelle rue que veux implémenter l’INVU et la partie du site envahi seulement 4 bâtiments entrent dans le terrain disponible restant. Nous avons donc demandé une réunion avec les responsables du projet à l’INVU, pour obtenir l'information manquante et demander de repenser l'emplacement de la dite rue et de la station d'épuration, pour avantager le lot et bénéficier ainsi aux deux projets. Tous ces problèmes ont ainsi contribué à ralentir mon processus de conception de la nouvelle solution. Finalement l’INVU m’a accordé l’autorisation de modifier l'emplacement de la rue à l'intérieur du terrain tant que l'entrée ou le début de sa disposition est conservée mais ils n'ont en revanche pas pu me fournir les courbes de la partie Est du terrain. Ils m’ont donné un très vieux plan du terrain avec les courbes de niveaux, de sorte que j'utilise cette information pour compléter la zone manquante, mais quand je dessine ces courbes, je réalise qu'elles ne 68


coïncident pas du tout avec les nouvelles et qu'elles n'incluent pas non plus l’altitude. J’ai donc communiqué ce problème au département et mes chefs m’ont alors dit qu’en attendant d’obtenir mieux je devais continuer à travailler avec ce que l’on avait, même si les informations sur ce terrain ne sont pas completes, et qu'à terme, il faudra payer pour faire l'étude des courbes de la partie manquante du terrain. Une fois ces premières difficultés passées, et après avoir fini la modélisation du nouveau terrain et modifié l'emplacement de la rue et de la station d'épuration, j’ai alors pu commencer à reformuler tout le projet. J’ai donc laissé seulement 4 bâtiments mais cette foisci de 8 étages, pour pouvoir conserver le nombre de logements nécessaires tout en faisant tenir la solution dans ce nouvel espace plus restreint. C’est à ce moment-là que j’ai aussi rencontré des difficultés au niveau institutionnel. Il m’est apparu que la manière dont les lois étaient établies, mais aussi interprétées, étaient souvent trop restrictives, voire obsolètes. Par exemple aucun bâtiment de plus de 4 étages n’avait jamais été construit avant dans le cadre d’un projet de logement social. La loi oblige en effet les immeubles de plus de 4 étages à posséder des ascenseurs, et il est alors avancé l’argument que cela rajoute un coût trop élevé pour un projet de logement social. Pour espérer pouvoir construire des immeubles de plus de 4 étages il faudrait donc d’abord prouver la rentabilité du projet à l’INVU ce qui dans la pratique pourrait s’avérer très lourd et long. En effet les institutions gouvernementales du pays sont très frileuses à l’innovation et à la transgression des codes dans ce type de projet. Elles ont des idées bien arrêtées sur ce qui est adéquat et acceptable pour les pauvres, et dans la pratique la presque intégralité des solutions de logements sociaux réalisés sur ces dernières années sont identiques dans le moindre détail. J’étais donc à ce moment-là confronté à une impasse. Il m’a fallu tout repenser encore une fois. Je devais non seulement reformuler la conception urbaine de l’ensemble mais cette fois-ci je devais également reformuler à partir de zéro les nouveaux bâtiments. Je devais réduire toutes les surfaces des logements et essayer de mettre le plus d’appartements possible par étage pour chaque bâtiment, pour pouvoir faire rentrer dans le terrain les 110 appartements nécessaires. Avec la limite de 4 étages, cela a réellement constitué un gros défi qui m’a pris plusieurs semaines à résoudre. J’attachais en 69


effet beaucoup d’importance à conserver également de la place pour les espaces publics, ce qui rendait la tâche encore plus complexe. Après cela, j’ai également dû changer les matériaux que j’utilisais dans la conception. Le bois lamellé-collé est très résistant structurellement et il a une empreinte carbone très réduite, mais une fois de plus, n’ayant jamais été utilisé pour des projets de logements social, leur acceptation auprès des institutions gouvernementales posait problème. Il m’a donc fallu les remplacer dans les plans par du béton armé moulé sur place. Parmi les autres difficultés qui ont ralenti mon processus de conception, il y a également eu la réglementation spécifique pour le logement social qui n’est parfois pas très cohérente. Par exemple, la directrice 27 est très spécifique et détaillée pour certains éléments comment le matériaux ou les dimension de cadres de portes par exemple, mais pour des choses plus importants comment les mesures minimales des pièces elle ne dit rien. La superficie des pièces est donc déterminée de manière informelle en utilisant dans chaque cas le strict minimum légale dans le cadre général du logement. Or le paragraphe en question sur ces mesures est très ambigu spécifiant bien qu’il ne s’applique pas aux logement d’intérêts sociaux. Je m’étais donc permis d’utiliser légèrement plus que ces minimums, mais dans la pratique l’usage est de se cantonner à ces minimums pour les logements sociaux, et leur dépassement implique une fois de plus des procédures de justifications lourdes et complexes auprès du gouvernement. Si l’on peut critiquer d’une part le manque de flexibilité dans ce fonctionnement on se demande pourquoi cette ambiguïté juridique et cette loi complétement obsolète, puisque dans la pratique elle n’est pas appliquée, existent encore ? Il semble que cela soit plus les usages du secteur que la loi elle-même qui définisse donc les pratiques. Autre élément qu’il m’a fallu supprimer face à la rigidité du gouvernement envers l’innovation : les espaces d’études pour la jeunesse et la communauté, ainsi que les ateliers et les bureaux pour accueillir l’activité de la coopérative. De même j’ai dû enlever les espaces de travail des logements prévus pour les familles ayant un travail et des revenus basés à domicile. Le système n’accorde en effet des Bonos que pour des structures qui ne soient qu’exclusivement dédiées au logement.

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Finalement cette expérience de terrain contraste quelque peu avec les observations faites sur l’efficacité des politiques du Costa Rica en terme d’habitat précaire dans la partie II.1. Si ces politiques semblent avoir effectivement contenu en nombre le problème du logement précaire, qu’en est-il de la situation socio-économique des familles qui ont bénéficié des différents types de programmes du gouvernement ? D’après mes collègues du service, tout comme mes observations de terrain, la quasi-totalité des logements sociaux construits ces dernières années reposent sur un même modèle de maison unique qui se contente de respecter les minimums légaux pour ne plus être catégorisée comme précaire. Comme on peut le voir sur les images suivantes, ces solutions ressemblent d’ailleurs fortement aux quartiers développés dans le programme Minha Casa Minha Vida du Brésil :

Image 6. Photo d’un quartier de logements sociaux au Costa Rica. Source : MIVAH, 2016

Image 7. Photo d’un quartier de logements sociaux du programme Minha Casa Minha Vida au Brésil. Source : Epoca Negocios

Faute d’avoir trouvé des études sur le sujet, on peut donc imaginer que les résultats de ces programmes n’ont pas dépassé ceux de leurs homologues brésiliens et ont potentiellement détérioré la vulnérabilité socio-économique de certains des ménages plus qu’ils ne l’ont améliorée. Mais l’existence même du projet sur lequel je travaille permet tout de même de relativiser ce constat. Si la municipalité n’a pas encore toute la liberté qu’elle souhaiterait dans la mise en place de ses programmes, il semble cependant que les mentalités soient en train

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de changer dans le bon sens, de sorte que j’ai malgré tout pu prendre en compte une grande partie des besoins que j’ai détectés grâce aux études sociales et urbaines. Il semble donc finalement y avoir une amélioration qualitative des programmes en rapports avec l’habitat précaire sur les dernières années. Cette idée est aussi confirmée par une étude de Zúñiga (2018) qui analyse 5 programmes récents portant sur l’habitat précaire et constate un impact social positif pour chacun d’eux.

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III.6 Nouvelle solution La nouvelle solution cherche à reprendre les idées présentes dans la première solution, telles que la promotion d’une ville compacte où l’espace public est le ciment qui donne de la cohérence à la ville. Les espaces publics y sont des espaces qui facilitent la cohésion sociale, encouragent la rencontre autour d'activités et permettent le développement de la vie en communauté. Intégration urbaine et mobilité La solution cherche notamment à intégrer le projet d’habitat au reste de la ville en appliquant le schéma des Centres-villes Denses et Intégraux (CDI), et la solution propose ainsi une mobilité alternative pour se déplacer dans la ville.

Carte 9. Canton de San José – Identification des 3 noeuds socio-économiques majeurs dans les environs du projet. Source : propre basée sur les données de la municipalité de San José (cf. Annexe 5, p. 90, pour format pleine page)

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A la suite de l’analyse urbaine du site et de la prise en compte de la réalité du chaos routier dans lequel vivent les costariciens tous les jours dans la GAM, on comprend bien la nécessité de proposer des voies de mobilité alternative, comme les pistes cyclables. Celles-ci vont atténuer l’encombrement routier et ce de manière plus écologique. Au niveau urbain je propose donc une piste cyclable qui relie le projet d’habitat social au nœud résidentiel/travail(A), au nœud sportif / récréatif (B) de La Sabana, et au nœud commercial / de travaux (C) qui est le centre de San José et possède une connexion ferroviaire avec les autres provinces (cf. Carte 9). La Carte 10 (ci-dessous) montre les distances parcourues à partir de chaque nœud : en jaune les distances habituelles parcourues à pied et en violet les distances en vélo effectuées sans effort supplémentaire. On peut alors constater qu’il est bien possible de se déplacer entre les nœuds à vélo, ce qui préserve non seulement la ville d’un point de vue écologique, mais également la santé de ses habitants. Un trajet du site de la solution jusqu’au centre-ville prendrait par exemple environ 40 minutes à vélo.

Carte 10. Canton de San José – Visualisation de la mobilité piétonne et cyclable autour des nœuds socio-économique majeurs. Source : propre basée sur les données de la municipalité de San José (cf. Annexe 6, p. 91, pour format pleine page)

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A plus petite échelle j’ai proposé que la rue qui mène à la station d’épuration serve également comme accès pompier et voie d’urgence dans la partie Nord-Ouest du terrain. Chacune des 3 grandes terrasses sur lesquelles se trouvent les 4 bâtiments est ainsi directement reliée à la route, facilitant la connexion des habitants de chaque bâtiment avec le reste de la ville, qu’ils choisissent de se déplacer en vélo, bus ou voiture. Cela permet aussi aux urgences et pompiers d’accéder facilement à chaque bâtiment en cas d’urgence, améliorant ainsi l’accès des habitants à ces services de soins élémentaires. Espaces publiques et cohésion sociale La nouvelle solution cherche également à donner une priorité aux piétons dans l’ensemble du complexe proposé, de manière à ce que les habitants de la communauté puissent marcher et profiter des espaces publiques librement. Pour achever cet objectif j’ai donc attaché une grande importance à l’aménagement des 3 terrasses et des escaliers et rampes qui les relient. Ce système en terrasse permet de gérer efficacement les grandes pentes du terrain mais a l’inconvénient d’être très compact en terme d’espace. Pour user au mieux de l’espace disponible j’ai donc dans un premier temps cherché à intégrer à part entière les voies

Image 8. Rendu 3D de la proposition de solution finale – Vue d’ensemble. En haut à droite, la première terrasse qui comporte des places publiques ainsi qu’un petit bâtiment pour le recyclage des déchets Au centre à gauche, rue d’accès pompier en pavés Source : propre

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d’urgences au reste des espaces publiques. Ainsi les rues se différencient du reste des espaces publics par les matériaux utilisés : il s’agit de pierres de type pavé ; qui permettent un accès facile tout en s’intégrant à la place publique de manière naturelle pour que les habitants puissent également utiliser et s’approprier l’espace en temps normal. Dans cette même optique d’optimisation de l’espace disponible j’ai cherché à aménager autant que possible les espaces reliant les terrasses, de manière à ce qu’ils soient plus que de simples points de passages. Plutôt que d’en faire de simples escaliers j’ai donc choisi de les découper en différents niveaux séparés par de petites places et des gradins incitant à s’approprier l’espace comme point de repos, de partage, ou encore de point de vue. Sur l’image suivante (Image 9) on peut visualiser un exemple de ce découpage au niveau de la première terrasse :

Image 9. Rendu 3D de la proposition de solution – Places de la première terrasse. Source : propre

Cette première terrasse est marquée par un dénivelé de 4,5m qui est donc aménagé par un système d’escalier en 3 terrasses, d’1,5m de dénivelé chacune. Au premier niveau, qui est à hauteur de la rue principale, je propose un centre de recyclage pour l’ensemble des habitants du complexe. Cette place compte également des points de vue et de vivre ensemble en plus d’une rampe pour personnes à mobilité réduite et vélo qui s’intègrent de façon harmonieuse à la place pour que le projet soit accessible à tous. Dans la partie arrière du

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premier bâtiment se situe une aire de pic-nic ainsi qu’un potager urbain devant aider à produire des aliments au service de la communauté. Pour apporter de l’intimité aux appartements des rez-de-chaussée j’ai proposé d’entourer chaque édifice de végétation, ce qui sert également de barrière naturelle contre le soleil. Les chemins entre chaque édifice sont les plus directs possible afin de faciliter l’accès des habitants. Pour ce qui est des types d’arbres utilisés dans les espaces verts, je propose des arbres d’origines locale à feuille persistante. L’entrée de chaque bâtiment est également marquée par un arbre coloré, comme par exemple un Roble Sabana, Cortés Amarillo ou un Poró. Les différences de hauteur entre les différentes terrasses sont importantes. Par exemple elle est de 6 mètres entre la première et la deuxième. Outre les mini-terrasses intermédiaires, pour résoudre ce problème tout en rendant ces espaces conviviaux, j’ai élaboré un système de « pots » à plantes hexagonaux coulés en béton sur place, pour servir de contention au terrain et embellir ces espaces. On peut notamment visualiser l’un de ces espaces publics sur l’image suivante (Image 10):

Image 10. Rendu 3D de la proposition de solution - Vue sur l’espace public en face du deuxième bâtiment. Source : propre

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Dans le prolongement de ces pots hexagonaux, je propose des escaliers mélangés avec des estrades de blocs hexagonaux de même motifs mais plus petits (cf. Image 10 et 12). Comme nous l’avons vu, ces espaces de transitions ont pour but de se convertir en aire de partage, point d’observation ou aire de repos, qui incitent à l’interaction social au sein de la communauté. Il est prévu également que l’ensemble de ces éléments soient réalisés par la coopérative, pour non seulement profiter de cette ressource mais aussi permettre de montrer son potentiel. Afin de pallier au manque important d’infrastructures de loisirs et récréatives environnantes (cf. III.3.b) la deuxième terrasse possède aussi de nombreux espaces de loisirs et de partage. Elle possède notamment un espace de sport dans la partie arrière du deuxième bâtiment qui compte un petit (demi) terrain de basket ainsi qu’une plateforme en bois destinée à la pratique du yoga, des arts martiaux, ou quelconque activité artistique ou communautaire, comme par exemple le théâtre. Il y a ainsi des gradins entourant cette place, toujours avec le système de gradins en hexagone, pour favoriser les représentations de tous types et le regroupement autour de cet espace.

Image 11. Rendu 3D de la proposition de solution – Vue sur les aires de jeux de la deuxième terrasse. Source : propre

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Sur cette même terrasse, en face du 3eme bâtiment se trouve l’aire de jeux pour enfants, divisée en 2 catégories selon l’âge. La première est pour les enfants plus petits entre 2 et 7 ans et la deuxième est pour les enfants plus grands entre 8 et 14 ans. Ces zones de jeux sont entourées par des espaces où les parents peuvent s’assoir pour superviser et surveiller leurs enfants. La dernière terrasse qui n'avait pas beaucoup d'espace constructible, en raison du retirement de 20 mètres requis par la station d'épuration, est traitée avec un espace public similaire à celui situé entre la première et la seconde terrasse, qui comporte des escaliers, une rampe, des pots hexagonaux pour soutenir la différence de hauteur, un espace niveleur de gradins formé à nouveau par les petits hexagones en béton et une mini place au milieu des escaliers servant d’amphithéâtre ou de lieu de réunion.

Image 12. Rendu 3D de la proposition de solution – Vue sur les escaliers. Le système de gradins hexagonaux le long des escaliers à pour but de permettre aux habitant de s’approprier ces espaces. Source : propre

Prise en compte des besoins mis en avant par l’étude sociale Les bâtiments changent beaucoup par rapport à la solution d’origine, et ce à la fois spatialement et structurellement, en raison des contraintes mentionnées dans la partie précédente (Nouvelles variables et difficultés d'implémentations).

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Au niveau spatial, les superficies de tous les logements de la solution ont été réduites afin de pouvoir intégrer 7 logements par étage, divisées en 3 appartements de 3 chambres et 4 de 2 chambres. Il y a des exceptions aux 1ers niveaux des 3 premiers bâtiments qui ont des logements différentes pour répondre aux besoins des familles qui comptent une personne handicapée. Dans ces appartements, les typologies des 3 chambres sont modifiées en typologies de 2 chambres afin de fournir l'espace requis par la réglementation pour les fauteuils roulants. Cette nouvelle distribution interne permet de disposer de 28 logements par bâtiment, pour un total de 112 logements, ce qui permet de satisfaire au nombre requis par la communauté. Certaines spécifications exprimées par la communauté dans les entretiens et les questionnaires élaborés dans l’étude socio-urbaine sont conservées, telles que l’espace commun interne de chaque bâtiment, conçu pour favoriser la cohésion sociale entre voisins et les balcons dans chaque logement afin de générer également une communication plus directe avec les espaces publics.

Image 13. Rendu 3D du bâtiment type de la solution proposé Vue de derrière Source : propre

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Toujours au niveau spatial cette solution propose 4 patios internes, par bâtiment, qui permettent la ventilation et l'éclairage corrects de certains espaces des nouvelles typologies réduites, répondant ainsi à 2 des problèmes quotidiens les plus évoqués par les habitant du quartier précaire. Ces patios éclairent les couloirs internes et apportent ainsi de l’harmonie à l'espace interne du bâtiment en y ajoutant également un peu de nature.

Image 14. Rendu 3D du bâtiment type de la solution proposé Vue de face Source : propre

Toujours pour répondre au problème de manque de lumière et favoriser des espaces de vie commune conviviaux, on utilise un mur de verre qui permet à la lumière de passer dans cette zone vestibulaire et dans les espaces communs. Au niveau des façades, l’idée du labyrinthe arc-en-ciel urbain multicolore basé sur le nombre d’or partant des fenêtres est reprise, pour générer l’identité à travers la couleur de chacune des maisons, donner vie au complexe résidentiel d’intérêt social et encore une fois pour contraster avec le gris typique des précaires. 81


Participation constructive et soutient à la vie économique des habitants La structure principale des nouveaux bâtiments est proposée avec des murs en béton structurel moulés sur place de 15 cm d'épaisseur et des dalles plates pour les sols. Les divisions internes restantes sont résolus avec les dalles de béton préfabriqués produits par la coopérative communautaire. L’ensemble du plan de distribution a donc été modulé avec les mesures spécifiques des dalles COOPEBERACA, afin non seulement de réduire les coût mais de soutenir le développement et l’activité de leur structure. Prise en compte du risque de glissement de terrain Pour finir et pour répondre efficacement au risque modéré de glissement de terrain vue en partie III.3.b, les fondations sont proposées comme une dalle flottante reliée à des pieux coulissants liés aux strates solides.

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Conclusion La littérature semble montrer que l’on peut identifier deux causes profondes majeures à l’existence et au développement de l’habitat précaire et des bidonvilles : la première est l’urbanisation et le développement économique avec les bouleversements sectoriels et structurels qui l’accompagnent ; la seconde cause est la paupérisation des zones rurales. L’intensité de la concrétisation de ces phénomènes en terme de croissance de l’habitat précaire dépend alors de nombreux autres facteurs en rapport avec les politiques et les modèles socio-économiques en vigueur. La financiarisation de l’immobilier et une planification urbaine absente ou inadéquate sont ainsi des facteurs aggravants. Parallèlement l’histoire du développement des bidonvilles au Costa Rica, et plus précisément dans le district de Pavas du canton de San José, montre quant à elle l’importance du rôle de l’histoire du pays et du quartier, qui fait de chaque cas d’habitat précaire un cas unique et spécifique résultant de la combinaison elle-même unique de chacun des facteurs aggravants et de leur contexte sociologique et géographique. Face aux causes profondes majeures de l’habitat précaire, on ne peut que s’efforcer de limiter leurs impacts en prévenant autant que faire se peut le développement de nouveaux habitats précaires par une planification et des aménagements avisés ainsi que des investissements en habitat en adéquation avec le problème. Mais la réalité démographique de celui-ci nous force à admettre qu’il ne sera pas résolu dans les années à venir. Les efforts pour offrir, aux personnes souffrant d’habitat précaire, une vie et des logements acceptables devront donc se poursuivre et s’intensifier. Leur succès dépendra alors de la cohérence des programmes mis en place et des projets réalisés. Sur ce sujet l’ensemble des textes étudiés dans notre bibliographie et les recommandations et directives d’ONU-Habitat en terme d’habitat précaire nous mènent à conclure qu’un projet efficace dépend essentiellement de la prise en compte de cette histoire et de ces spécificités uniques à chaque cas, et notamment de la structure et des tissus sociaux et économiques des communautés concernées. La régularisation de la situation des familles en situation informelle et l’octroi de droits de propriétés constituent alors une première

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couche de mesures simples et indispensables. La participation des habitants, tant en terme d’information, que dans la prise de décision ou même encore de participation concrète à la construction, est ensuite déterminante pour aboutir à des projets efficaces. C’est cela qui permet de prendre en compte au mieux leurs besoins et d’offrir à terme une réelle amélioration de leur qualité de vie de manière pérenne. Une importance majeure doit d’ailleurs être donnée à l’intégration du logement et des quartiers au reste du réseaux urbains, en terme de transport mais aussi social. Cela implique finalement l’existence d’acteurs suffisamment concernés par le problème, une excellente coordination entre ceux-ci, de bons mécanismes de contrôle et de transparence, ainsi que des financements et des ressources suffisantes, et tout ceci dépend fortement de la qualité des institutions en jeu. La corruption et l’inertie politique constituent ainsi des cadres néfastes à la mise en place de projets efficaces tandis qu’un État de droit qui fonctionne bien et une gouvernance décentralisée et transparente sur la question de l’habitat, les faciliteront. A ce titre et notamment de manière relative par rapport à ses voisins d’Amérique Latine, le Costa Rica possède de bonnes institutions. Le tâtonnement des diverses lois et entités créées au fil du 20ème siècle pour tenter de résoudre le problème du logement précaire, témoigne d’un souci constant vis-à-vis des questions sociales. Et si l’on peut considérer l’évolution de ses politiques quelque peu erratiques, ou encore trouver leurs résultats mitigés, force est de constater que le Costa Rica fait figure de bon premier en terme de gestion du logement précaire dans l’ensemble des pays d’Amérique Latine qui ont pourtant une histoire et une culture proche. L’ONU associait d’ailleurs déjà la qualité institutionnelle du Costa Rica avec son relatif succès dans le domaine social en 1990 (PNUD, 1990), confortant bien l’idée de l’importance des institutions. C’est donc dans ce cadre « privilégié » qu’est en cours de réalisation le projet d’habitat social et d’espaces publics pour les habitants du bidonville El Relleno, et sur le papier le projet a tout pour réussir : une implication importante de ses habitants, avec notamment la leader de leur coopérative comme acteur et décisionnaire majeur du projet, leur participation à la construction via l’utilisation des dalles de bétons produites par leur coopérative, ce qui devrait 84


stimuler leur emploi, une étude sociologique et urbaine approfondie pour comprendre au mieux leur besoins et offrir une solution réellement intégrée aux reste de la ville et non plus marginalisée comme beaucoup de bidonvilles. Mais dans la pratique j’aurais malgré tout ressenti quelques difficultés induites par le cadre institutionnel notamment. Les lois en vigueur en rapport aux logements sociaux semblent parfois obsolètes et compliquent inutilement la résolution du problème. Quant à l’interprétation et l’application de certaines lois - elles sont parfois très informelles, et l’observation des usages mènent à penser qu’ils sont majoritairement le résultats d’objectifs réalisés dans une optique de quantité plutôt que de qualité. Pour finir, la lenteur des procédures administratives pour concrétiser les projets présentés constitue un réel problème face aux rapides dynamiques avec lesquels se produisent les invasions et le développement du logement informel. Les espaces disponibles et alloués peuvent alors se raréfier et remettre le projet en question avant même son commencement. Par ailleurs l’importance et la place déterminante de la participation des habitants dans le projet n’est pas le résultat des politiques de l’État mais bien le fruit et l’aboutissement d’un long combat de cette communauté pour s’organiser et faire valoir ses droits. Cet esprit d’initiative efficace devrait pourtant servir de modèle, et au lieu de se contenter de le laisser émerger de manière aléatoire et sporadique, des efforts d’information et de formation pourraient être mis en place pour favoriser l’émergence de modèles similaires dans l’ensemble des quartiers précaires. La connaissance des mesures efficaces contre l’habitat précaire n’est donc pas tout, encore fautil être dans un cadre où l’on peut les appliquer. En ce sens le cadre institutionnel au Costa Rica n’est donc pas parfait et ces exemples montrent bien son importance dans l’efficacité de la lutte contre l’habitat précaire. Ceci dit la situation semble allé en s’améliorant et les projets des derniers années témoignent d’un intérêt accru porté sur la qualité de l’habitat dans l’ensemble de ses composantes sociales et non plus seulement physiques. Pour ma part j’ai notamment pu aboutir à une proposition de solution satisfaisante. Comme nous l’avons vu, elle a tout pour réussir et constitue un beau modèle de projet pour s’attaquer au problème de l’habitat précaire de manière efficace. Les années à venir nous permettront de quantifier exactement son efficacité. Mais, il ne fait nulle doute que cette approche très locale et à petite échelle, tout en restant dans la logique et le 85


cadre général de la planification durable définie pour l’ensemble de la ville, constitue une voie très prometteuse. Il reste cependant la question du financement et de la rapidité. Une fois ce projet concrétisé, quid des 17 bidonvilles restants de Pavas ? Des 383 bidonvilles du Costa Rica et de leurs 153 000 habitants vivant dans des logements précaires ?7 Si durant le temps de concrétisation d’un projet à l’échelle d’El Relleno, deux autres nouveaux bidonvilles de taille similaire se créent, alors malgré tout le problème continue d’aller en s’empirant. Pour beaucoup de pays la situation est d’ailleurs bien pire que celle du Costa mais il semble que le monde d’aujourd’hui ait les ressources autant que les connaissances pour traiter le problème de l’habitat de manière efficace. Il faudra cependant qu’il y mette les moyens. Ceci ne pourra se faire sans des redistributions de richesses et une coopération internationale importante. Espérons simplement que nous y arriverons à temps. Pour ma part, ce stage fut une occasion très enrichissante de poursuivre mon expérience auprès de la communauté d’El Relleno et de participer au combat contre l’habitat précaire. J’y aurai beaucoup progressé professionnellement, en apprenant à faire face aux aléas que l’on rencontre au quotidien et à les surmonter en donnant le meilleur de soi. J’aurais également eu l’occasion de développer mes compétences d’urbaniste, d’une part en mettant en perspective ce que j’aurai appris durant mon master et en me confrontant à la réalité de terrain, et d’autre part en approfondissant mes connaissances théoriques au cours de mes travaux de recherches littéraires à l’occasion de ce mémoire.

7

Données portant sur l’année 2011, issus du dernier recensement, fournies par le ministère du logement (MIVAH)

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Annexes Annexe 1

Carte 1, pleine page. Source : MIVAH.

87


Carte 3, pleine page. Canton de San José - Site du projet de logement social pour El Relleno, au sein de San José Source : propre basée sur les données de la municipalité de San José

Annexe 2

88


Carte 4, pleine page. Canton de San José – Répartition de l`usage des sols Source : propre basée sur les données de la municipalité de San José

Annexe 2

89


Carte 5. Canton de San José - Points de repères et nœuds notables des alentours du site du projet Source : propre basée sur les données de la municipalité de San José

Annexe 4

90


Carte 9. Canton de San José – Identification des 3 noeuds socio-économiques majeurs dans les environs du projet. Source : propre basée sur les données de la municipalité de San José

Annexe 5

91


Carte 10. Canton de San José – Visualisation de la mobilité piétonne et cyclable autour des nœuds socio-économique majeurs. Source : propre basée sur les données de la municipalité de San José

Annexe 6

92


Annexe 7 Résultats d’une enquête auprès de 46 familles du quartier El Relleno. Pour chaque graphique, l’unité des ordonnées utilisé est le nombre d’individus. Nationalité du chef de ménages 13

20

Costaricienne

0

Nicaraguayenne

33

Sexe

40

Homme

Figure 1. Source : propre

Femme

Figure 2. Source : propre

Nombre de membre du ménage 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0

Un

Trois

Quatre

Cinq

Six

Sept

Huit

Neuf

Douze

Seize

Figure 3. Source : propre

Constitution des familles par tranches d’âge 20 15 Enfants (- de 12ans)

10

Personnes agée (+ de 65ans) Adolescents (12-18 as)

5

Adultes

0 Un

Deux

Figure 4. Source : propre

93

Trois Quatre

Cinq

Six

Sept


Acronymes AFD : Agence Française de Développement BANHVI : Banque Hypothécaire du Logement (Costa Rica) BID : Banque Interaméricaine de Développement CCSS : Caisse de Sécurité Sociale du Costa Rica CDI : Centres-villes Denses Intégrés DECAP : Département Central d’Épargne et Crédit (Costa Rica) FOSUVI : Fonds de Subventions au Logement (Costa Rica) FUPROVI : Fondation de Promotion de l’Habitat (Costa Rica) GAM : Grande Aire Métropolitaine (Costa Rica) ICE : Institut Costaricien d’Électricité IDA : Institut de Développement Agraire (Costa Rica) IMAS : l’Institut Mixte d’Aide Social (Costa Rica) INEC : Institut National de Statistique et Du Recensement (Costa Rica) INS : Institut National d’Assurance (Costa Rica) INVU : Institut National de l’Habitat et du Recensement (Costa Rica) IRD : Institut de Recherche pour le Développement (France) ITCO : Institut des Terres et Colonisation (Costa Rica) ITCR : Institut Technologique du Costa Rica MIVAH : Ministère du Logement et Des Établissements Humains (Costa Rica) MUTP : Project de Transport Urbain de Mumbaï ONG : Organisation Non-Gouvernementale ONU : Organisation des Nations Unies SFNV : Système National de Financement du Logement (Costa Rica) 94


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