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É C H E L L E S ET VITESSE UNE PERCEPTION DE L’ESPACE TRAVERSÉ
isaline m aire
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É C H E L L E S ET VITESSE UNE PERCEPTION DE L’ESPACE TRAVERSÉ
isaline m aire rapport d ’ étude
sous la direction d ’ olivier ocquidant mars 2012 - MAI 2013
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« Porto vu du train À la fenêtre du train surgit la ville; une vision rapide, presque irréelle qui à la longue et avec quelques astuces peut être saisie. L’instantané d’un profil pétrifié dans la forme d’un animal couché, succession de séquences, d’intervalles, la Tour dos Clérigos que le passage des gaines des câbles éléctriques fait briller, les tours des églises conventuelles, Grilos, Sé, le cube imposant de Nasoni, muraille qui croise l’arc en fer du pont, les coteaux accidentés et les îlots des maisons, le reflets des azulejos, murs pignons couverts de zinc d’un somptueux rouge vénitien, tuiles, vitres à clairevoie tranchantes comme des rasoirs. Péniblement, le regard finit par acquérir cette faculté indispensable : tout voir et fixer comme marqué au fer rouge, le sautillement méthodique des choses qui dansent. À chaque trajet sur la ligne de chemin de fer, il saisissait quelque chose de nouveau et à chaque trajet, l’exercice visant à repéter et à découvrir en même temps, à reproduire ce que le regard voit tout en le transgressant, était difficile. C’est alors que la vision devenait mémoire, de vagues images apparaissaient comme dans un parc d’attractions: tunnel, divertissement. Toujours pareil, toujours différent. » Extrait de Palavras sem importância d’Alvaro Siza
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somm a i re >
couverture - Carte IGN page 4 - Marseille, porte du voyage photographie personnelle
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Porto vu d u t ra i n , Alva ro S i za
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somm a i re
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avant-p ro p o s
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introd u ct i o n
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Les gares TGV Méditerranée Le s g a re s d u p ro g rè s
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Marseille Saint-Charles u n e g a re u r b a i n e
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84 kilomètres en TGV e nt re Av i g n o n et M a r s e i lle
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conclus i o n
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Inquiètudes, C l a u d e Pa re nt
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bibliog ra p h i e
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filmog ra p h i e
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webog ra p h i e
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carte du parcours
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avant-p ro p o s
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La rencontre, l’année dernière, avec les architectes de l’agence de Stefano Boeri
à Milan m’a permis d’aborder de manière plus spécifique les questions relatives à l’urbanisme méditerranéen. Porteurs du projet « Villa Méditerranée » récemment inauguré sur les quais de la Joliette à l’occasion de Marseille Provence Capitale Européenne de la Culture 2013, les architectes m’ont conviée à des discussions sur l’architecture, sa place dans le territoire et sa capacité à créer des projets moteurs de connexions dans la ville, entre les villes, entre les hommes et entre les cultures.
Cette rencontre, à un moment de mes études où la coloration que je voulais
leur donner commençait à se dessiner vers l’urbanisme et l’architecture territoriale, et surtout, à une époque où la culture de la mobilité devient un bagage essentiel à la compréhension de nos sociétés, j’ai commencé à m’interroger sur notre capacité à penser l’espace en vue des nouvelles échelles induites par la vitesse.
Née de mes voyages en train et de cette admiration pour la technique et le pro-
grès à nous transporter, dans des lieux, espaces et paysages, la réflexion sur laquelle se fonde ce mémoire est avant tout une expérimentation. Une expérimentation vécue, par le TGV, pour mieux comprendre ce qui fait notre vision du territoire et des villes, de leurs échelles, maintenant que les codes et représentations ont changé à cause de l’arrivée récente d’une vitesse, qui va peut-être plus vite, que la compréhension et la maitrise que nous pouvons en avoir.
Comprendre les échelles, les lieux que nous pratiquons est un acte essentiel,
dans un monde qui aujourd’hui se préoccupe de moins en moins du local, et qui oublie que les spécificités de nos territoires portent et porteront notre culture, nos valeurs et notre histoire. Ici se trouve la véritable machine à projet pour les espaces à vivre de demain.
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introd u ct i o n
Le TGV, Train à Grande Vitesse, arrivé dans les années soixante-dix a11
révolutionné notre rapport à la vitesse et à l’espace. Aujourd’hui, pour traverser la France du Nord au Sud, de Lille à Marseille (994 kilomètres), il nous faut 4 heures 43. Cette nouvelle manière de se déplacer et de ce fait, d’habiter a amené l’Homme à reconsidérer les territoires qu’il occupe.
Le territoire, défini comme « un espace géographique qualifié par une
appartenance juridique, une spécificité naturelle ou culturelle » est ici appréhendé comme une étendue géographique présentant des qualités régionales et culturelles. Le TGV, par sa capacité à traverser, en un temps très court ces étendues géographiques permet de les apprécier. Passant de ces étendues « vides » à l’intérieur « plein » des villes, il crée un lien entre le grand paysage et les centres urbains. C’est en cet atout de « révélateur » des transitions et ruptures qui interviennent dans le territoire, que l’expérience du TGV permet de soulever la question : Comment passe-t-on de l’échelle du « grand territoire » à celle de la ville ? Afin de répondre à ce questionnement, un voyage en TGV d’Avignon à Marseille avec séjour dans ces deux gares a constitué mon enquête de terrain. Elle fut riche en observation et en rencontres, me permettant de dégager trois axes d’analyse.
Dans un premier temps, la grandeur des gares TGV Méditerranées, et plus
particulièrement de celle d’Avignon permettra de comprendre en quoi ces lieux sont des espaces traversés, et vécus à l’échelle de la vitesse. Ensuite, l’analyse de la symbolique et du rapport mesuré que la gare de Marseille Saint-Charles entretient à sa ville indiquera en quoi cette gare, est une gare à l’échelle urbaine. Enfin, à travers le parcours du train entre la gare d’Avignon TGV et la gare de Marseille Saint-Charles, l’identification des ruptures et des espaces de transition le long du parcours permettra de percevoir l’imbrication entre les échelles, celle du « grand territoire » et celle de la ville.
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Les gares TGV Méditerranée Le s g a re s d u p ro g rè s
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C’est avec l’arrivée de la LGV (ligne à grande vitesse), ins-
taurée en 1981 et permettant de relier Paris aux grandes villes françaises que se créée une véritable révolution dans le voyage, les transports et les gares. En 1996, le projet de relier Marseille à la capitale en moins de trois heures voit le jour : il fera l’objet de 6 ans de travaux, qui aboutiront en juin 2001, à l’ouverture de trois gares, les gares TGV Méditerranée de Valence, Avignon et Aix-en-Provence. Ces trois gares conçues simultanément par le cabinet d’architecture de la SNCF, AREP, sous la direction de Jean-Marie Duthilleul, JeanFrançois Blassel, Etienne Tricaud et Eric Dussiot, comportent des éléments similaires et remarquables, les inscrivant dans une même lignée architecturale et paysagère. En effet, chacune des trois gares associe à la fois nature, paysage, architecture et transports (ferrés et routiers). Les gares TGV Méditerranée ont été pensées comme des espaces porteurs du développement des villes. En effet, leur choix d’implantation est le résultat des lignes directrices imposées par les projets urbains et régionaux des années quatre-vingt-dix.
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A partir de l’analyse du rapport au contexte qu’ont les gares TGV Méditerranée à leurs villes, de leurs principes de fonctionnement et du caractère de gare de passage qu’elles entretiennent, nous essayerons de comprendre quelles accroches elles ont dans ces territoires, et comment elles répondent aux programmes demandés. Nous tenterons de déterminer une échelle à ces gares qui, par leur typologie architecturale et la grandeur de leurs infrastructures semblent inventer un genre architectural nouveau.
BELLANGER François et MARZLOFF Bruno, TRANSIT - Les lieux et les temps de la mobilité, Paris, Media Mundi, 1996, p.37 1
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Une uniformisation des gares
Les gares TGV Méditerranée sont toutes les trois implantées
à environ une vingtaine de kilomètres de la ville à laquelle elles sont rattachées. La décentralisation de ces gares est due au fait que la ligne LGV passe au milieu des campagnes, et non dans les villes historiques. A Avignon, l’implantation de la gare se fait sur la presqu’île de Courtine, à quelques centaines de mètres de la confluence Durance-Rhône et à une dizaine de kilomètres du centre historique. La mise à l’écart de ces gares avec la ville induit une rupture radicale d’avec le contexte urbain : l’implantation sur des parcelles vierges de toutes constructions, au milieu de champs et de terres agricoles est une des raisons qui placent les gares TGV comme n’appartenant plus à une identité précise, mais au contraire, comme un ensemble de points, uniformisés, le long d’une ligne. Le cabinet d’architecture de la SNCF justifie ce choix comme pouvant permettre, par le biais de bourgeons placés à l’extérieur des villes, le développement urbain des centres historiques. 2
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Ce développement urbain serait renforcé par le fait que ces
gares s’établissent à l’articulation de hubs : aux croisements de différents axes et moyens de transports. En effet, les principes de fonctionnement pour l’accès et la mobilité au sein des gares sont à chaque fois les mêmes. Les accès principaux se font par le biais des voies de circulation automobiles multiples (autoroutes, nationales…), par lesquelles arrivent les navettes spéciales, bus, ou voyageurs indépendants. La gare peut
cf DUTHILLEUL Jean-Marie, « Les gares nouvelles TGV Méditerannée », in Architecture Méditerranéenne, n°56, Marseille, R.K., 2001, p.34 2
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aussi combiner un échangeur avec le tramway ou le métro. Elle est aussi le lieu de l’interconnexion ferroviaire : les lignes, régionales, classiques et interurbaines s’y arrêtent. La gare TGV d’Avignon est implantée aux croisements de la N007, qui relie Arles à Avignon et de la rocade Charles de Gaulle qui contourne la ville du sud-ouest au nord-est. Cette situation permet à la gare, construite est-ouest et dont le pavillon arrivé est orienté vers la Cité des Papes, d’offrir un accès rapide à la ville, par le biais de navettes La diversité d’utilisation de moyens de transports, pensée comme un atout est aussi le principal défaut de ces gares : elle créée une dépendance totale aux transports.
« L’architecture devient l’instrument d’autres forces, elle dé-
pend de quelque chose » ; on est obligé d’y avoir recours pour s’en échapper.
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En effet, excentrées des villes auxquelles elles sont rattachées, elles sont des îlots fonctionnant en autarcie sur le territoire. En proposant des services tels que des bureaux de presse, librairie, distributeurs de titres de transports, de billets de banque, restauration, parking, magasins de souvenirs, office de tourisme, agences de location de véhicules, ces pôles multimodaux concurrencent la ville : on est en Avignon sans y être vraiment. Rem Koolhaas évoque la Bigness Architecture pour parler de cette architecture qui est décontextualisée et hors d’échelle.
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KOOLHAAS Rem, Junkspace, Paris, Manuel Payot, 2001, p.40
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« La Bigness peut exister n’importe où sur ce plan. Non seu-
lement la Bigness est incapable d’établir des relations avec la ville classique – au mieux, elle coexiste – mais, par la quantité et la complexité des services qu’elle propose, elle est elle-même urbaine. La Bigness n’a plus besoin de la ville : elle entre en compétition avec la ville ; elle tient lieu de ville ; elle préempte la ville ; ou mieux encore, elle est la ville. Si l’urbanisme engendre du potentiel, et que l’architecture l’exploite, la Bigness choisit la générosité de l’urbanisme contrel’avarice de l’architecture. La Bigness joue l’urbanisme contre l’architecture. »
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Des gares à l’échelle de la vitesse
L’architecture des gares est pensée pour le passage. La typo-
logie en halle dans laquelle s’assemblent, par modules, un ensemble d’espaces dédiés à la restauration, à l’information, aux commerces et autour desquels s’articulent des fauteuils pour l’attente, n’invite pas à s’arrêter. Ce ne sont pas des espaces intimes : de part et d’autre des fauteuils, les passagers vont et viennent prendre leur train, les portes donnant sur l’extérieur sont semi-ouvertes… A Avignon, les pavillons de départ et d’arrivée, dans lesquels est dédiée l’activité pour les voyageurs, s’établissent de part et d’autre des rames du TGV, soit sur 400 m de long. L’architecture couloir par lequel ce bâtiment prend forme est pensée pour et avec la technique propre à l’activité ferroviaire.
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KOOLHAAS Rem, Junkspace, Paris, Manuel Payot, 2001, p.41
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L’architecture de l’infrastructure semble être une nouvelle typologie : en effet, d’autres gares TGV comme celle de Massy, ou celle de Lyon Saint-Exupéry témoignent de ce caractère de transit. La répétition de ce modèle tend à montrer une uniformisation de ces lieux de la mobilité.
Le « nouveau genre architectural »
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proposé par les gares
TGV méditerranée est caractérisé par une forme, très longitudinale qui s’articule de part et d’autre des quais. Souvent implantées sur deux niveaux les gares s’organisent en fonction des parkings et dessertes extérieures. L’entrée de la gare pour les voyageurs déposés au dépose-minute se fait par le rez-de-chaussée, tandis qu’on accède aux quais par des ascenseurs, rampes d’accès ou escaliers mécaniques. Les courbes des voûtes présentes dans les gares d’Avignon et d’Aixen-Provence rappellent le profil du TGV, en mouvement, une fois lancé à trois-cent kilomètres par heure. La voûte ainsi que la longueur importante des quais, dans ces deux gares, créent une véritable rupture dans la perception des lieux. La gare TGV, par son « indépendance vis-à-vis du contexte est un type d’architecture qui fait table rase de son environnement, et par ce fait, ne prend son inspiration dans aucune des données qui lui font face. Elle est « sa propre raison d’être ».
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Ce manque de repère induit un manque d’échelle, ou plutôt un manque d’échelle humaine. En effet, l’un des principaux éléments permettant d’aborder et de comprendre l’architecture est la place
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Ibid, p.32
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KOOLHAAS Rem, Junkspace, Paris, Manuel Payot, 2001, p.41
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du corps, « les yeux à un mètre soixante-dix du sol » comme le précisait Le Corbusier.
« Le corps est notre premier instrument de mesure, mais nous
avons une connaissance faible de la conscience de nous-mêmes, nous devons apprendre à nous connaître comme on connaît un instrument. Le corps est capable d’entendre la musique des dimensions, cet instant où les mesures se mettent à résonner comme des cordes. La dimension concrète qui vibre avec les rapports d’échelle, résonne dans le corps en profondeur comme une musique. »
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L’échelle qui semble alors s’apparenter à ces gares est l’échelle du train et de la vitesse qu’il procure. On construit pour la vitesse et on essaie de rivaliser avec. Jean-Marie Duthilleul explique que pour lui « gare et TGV sont un tout ». 8 2
La monumentalité instaurée par l’échelle de la vitesse a une
répercussion sur les éléments architecturaux qui constituent les gares TGV Méditerranée. Tout d’abord, la typologie en hall propose un plafond à dix mètres du sol. Afin de rompre cet aspect de « grande boîte », Jean-Marie Duthilleul, l’architecte en chef des constructions des gares pour la SNCF, explique la création de mezzanines, qui permettent l’accès aux quais, situées en étage. C’est cette configuration qui a été choisie dans la gare d’Avignon, où, sur une partie du pavillon Départ s’articule une mezzanine, longue BEAUDOUIN Laurent, Luis Barragan : L’architecture comme poésie, conférence à l’occasion de l’exposition « Luis Barragan, the quiet Revolution », 2002, IVAM Instituto Valenciano de Arte Moderno, Museo de Valencia. 7
BELLANGER François et MARZLOFF Bruno, TRANSIT - Les lieux et les temps de la mobilité, Paris, Media Mundi, 1996, p.375 8
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de quatre cents mètres permettant l’attente des passagers et l’accès à la voie sur l’axe Marseille-Paris. Ensuite, la grandeur des ouvertures est un point majeur dans ce qui constitue la monumentalité de ces bâtiments. Pensées comme des puits de lumière et jouant sur la transparence entre extérieur et intérieur, les ouvertures dans les gares TGV invitent à poursuivre l’idée d’une fluidité du regard sur l’extérieur. Comme pour essayer de camoufler la masse de l’objet architectural, les ouvertures viennent dévoiler le grand paysage, pour donner l’impression qu’elles en font partie, pour créer un lien entre nature et architecture. Le manque de rapport d’échelle au contexte et la présence du grand paysage expliquent que ces ouvertures soient souvent très hautes, six mètres cinquante en gare d’Avignon. Elles participent à l’idée que plus on voit loin, plus il faut ouvrir grand. Or, c’est justement le manque decadrage de ces ouvertures qui fait que le regard du voyageur se perd.
« Dans la Bigness, la distance entre le cœur et l’enveloppe
s’accroît tellement que la façade ne peut plus réveler ce qui se passe à l’intérieur. C’en est fait de l’exigence humaniste de « sincérité ».
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Au profit de l’architecture spectaculaire et à l’échelle de la technologie qu’elles mettent en avant, les gares semblent ne pas tenir en compte du bon fonctionnement d’éléments aussi fondamentaux que la lumière, la chaleur et la ventilation.
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KOOLHAAS Rem, Junkspace, Paris, Manuel Payot, 2001, p.33
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En effet, la toiture complexe de la gare d’Avignon, qui certes est un atout considérable dans l’apport de lumière et une véritable prouesse technique, est aussi un défi pour ventiler le bâtiment les jours de grandes chaleurs, comme c’est souvent le cas dans le Vaucluse. De plus, c’est sous ces grandes ouvertures zénithales que prennent place les lieux d’attente des passagers.
La monumentalité des gares est renforcée par l’importance
de l’emprise infrastructurelle. Les emprises au sol des bâtiments sont souvent très grandes (quinze hectares environ pour les gares d’Avignon et Aix-en-Provence). Partagé en zone d’usage, le site comporte parking, de jour, de nuit, de petite et longue durée, de gare routière, de dépôt de véhicules de location… Fonctionnant à l’instar des aéroports, les gares d’Aix-en-Provence et Avignon étaient pensées, en 1996, comme les « parkings » de l’aéroport de Marseille Provence, implanté à Marignane.
Ces gares proposent des modèles de développement uto-
piques et disproportionnés. Elles sont l’exemple de l’uniformisation d’un système, qui implanté à n’importe quel endroit du territoire viserait à développer les aires urbaines de communes de moyenne importance. Ensuite, ces lieux implantés loin des villes, à la croisée de hubs autoroutiers ou ferroviaires et dont le but est de créer des connexions entre les individus permettent d’entrevoir l’incohérence des échelles entre infrastructures et architecture humaine, et ainsi de s’interroger sur la capacité de ces lieux à produire de l’architecture pour l’Homme.
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in Gare Avignon-TGV - Chronique d’un chantier photographie personnelle : Le ventre de la baleine
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« On dirait une énorme baleine blanche qui se serait échouée au bord de la Durance. Elle est un peu hors échelle humaine, mais c’est une belle création. » Toshiro Matsunaga, restaurateur de tableaux, Avignon
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Marseille Saint-Charles u n e g a re u r b a i n e
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Parler de la gare Marseille Saint-Charles c’est parler d’une
histoire architecturale qui, à travers les strates d’aménagement et de reconstruction, constitue un patrimoine très lourd, c’est aussi parler d’un lieu chargé de symboles et de vie. Ce n’est pas seulement une gare, point de départ ou d’arrivée du voyage, c’est aussi un point de repère dans la ville, qui a su, être et évoluer avec elle, et devenir le moteur de son développement. Dans un premier temps, nous analyserons les moyens naturels et mis en œuvre qui ont servi à rendre cette gare monumentale, symbole de la porte de l’Orient. Dans un second temps, nous verrons en quoi Marseille Saint-Charles est une gare à l’échelle de la ville et de son emplacement au niveau national et régional, et en quoi elle a joué un rôle- clé dans le développement de son agglomération.
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Une gare monumentale et symbolique
La gare Saint-Charles s’élève sur le promontoire éponyme, à
quarante-neuf mètres au-dessus du niveau de la mer. Point de repère dans la ville, le promontoire est la seconde colline visible après celle de la Basilique Notre-Dame de la Garde, emblème de la cité. On accède au promontoire par le boulevard d’Athènes, axe reliant la Canebière
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au quartier Saint-Charles. Au bout se dresse l’escalier,
réalisé par l’architecte Eugène Sénès, en 1925. L’escalier, déjà imaginé en 1859 par Adolphe Meyer, voulait venir renforcer le caractère monumental de la gare. Livré pour l’exposition coloniale de 1922, il devait véhiculer la grandeur et la splendeur de l’image de la France à cette époque. C’est pourquoi, de part et d’autre des marches se détachent des paliers sur lesquels se dressent différentes statues. Au premier palier, deux statues montrent un lion et un enfant. Deux messages y sont gravés : « le soleil et la mer », « le monde est l’énergie ». Sur le second palier, se dresse à gauche l’allégorie féminine, portant une toge longue, assise jambes croisées sur un socle, qui symbolise la porte de l’Orient. A droite, est érigée une autre allégorie féminine vêtue d’une chlamyde, ; celle-ci représente Μασσαλία (Massalia), Marseille au temps des colonies grecques. L’escalier est complété par une série de pylônes sur lesquels s’articulent les armoiries de Marseille, Nice, Aix-en-Provence, Lyon et Paris. Sur le dernier palier, deux sculptures se font face et représentent les colonies d’Afrique et celles d’Asie.
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une des artères principales de la cité phocéenne conduisant au
Vieux Port
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La pierre utilisée pour la construction de l’escalier, ses cent marches et sa largeur de quinze mètres renforcent le caractère monumental de la gare, qui, située au bout de ce cheminement, semble être « audessus des Hommes », comme l’étaient les Dieux sur l’acropole. Ce n’est d’ailleurs pas si anodin que le boulevard amenant à l’escalier s’appelle le boulevard d’Athènes.
Après avoir gravi les cent marches de l’escalier s’offre à nous
un immense parvis. Venant border les entrées et les salles d’attente de la gare, il offre un belvédère sur la ville : on y aperçoit la BonneMère au loin, les immeubles des quartiers amenant au Vieux Port, le Centre Bourse… C’est un espace agréable, les passants viennent observer la ville, y discuter. On y aperçoit déjà les voyageurs, venus attendre leur correspondance… Le parvis, malgré le fait qu’il ai été créé à l’époque où l’on voulait affirmer la grandeur de la ville de Marseille, est un lieu véritablement essentiel au fonctionnement de la gare. Il lui donne une dimension urbaine, en créant un espace de transition entre le tumulte urbain et la gare et ainsi il permet de la « réinsérer dans la ville » et d’« être un lieu où l’on peut venir rêver en regardant soit la cité, soit les trains». 11
C’est en 1848, dans un contexte où le train est considéré
alors comme le moyen de déplacement le plus rapide et que les gares sont de véritables lieux de la modernité, que Marseille SaintCharles est construite. Elle présente une typologie en halle : composée de bâtiments en U, en pierre et s’articulant autour d’une verrière à la structure en acier, la gare répondait aux exigences de l’époque.
BELLANGER François et MARZLOFF Bruno, TRANSIT - Les lieux et les temps de la mobilité, Paris, Media Mundi, 1996 11
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Les locaux de stockage pour les transports de marchandises sont situés à l’arrière de la gare alors que les salles d’attente pour les voyageurs font face au parvis. Véritables symboles du « royaume de la vitesse », de nombreuses gares ont été construites selon les mêmes principes, une vingtaine d’années plus tard.
« A la naissance d’un mode de transport nouveau cor-
respond la création d’une typologie architecturale nouvelle. Il faut attirer le voyageur, le séduire, le rassurer devant l’inconnu du voyage en train. Les gares doivent être en même temps des lieux de transit et des lieux d’accueil, les portes d’un voyage parfois lointain à travers lesquelles doit passer le voyageur pressé et qui doivent exprimer le passage de la ville à l’inconnu de l’ailleurs. »
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Une gare à l’échelle de ses fonctions
La gare de Marseille Saint-Charles, gare principale de la ville,
est depuis longtemps l’une des plus importantes au niveau national. Sa position stratégique, aux croisements de l’axe est-ouest et en terminus des lignes de train venant du nord lui a conféré un rôle de connexion important au niveau de la France et du bassin méditerranéenne. Ouverte sur la Méditerranée, la gare a longtemps été la porte par laquelle, voyageurs et travailleurs venus d’Afrique et du MoyenOrient sont arrivés en France, alors porteuse de travail et de beaucoup d’espoirs.
BELLANGER François et MARZLOFF Bruno, TRANSIT - Les lieux et les temps de la mobilité, Paris, Media Mundi, 1996 12
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La gare a connu différents réaménagements, rénovations et
restructurations, notamment dans les années 1970 et 1980, où les changements dans la qualité ferroviaire ont demandé la création de nouveaux quais, plus grands et mieux adaptés aux nouvelles techniques. C’est à cette époque qu’est aménagé un entresol permettant d’accueillir l’espace de billetterie et plus tard, le nouveau dépose-minute et l’entrée du métropolitain. Dans les années 1990, le grand projet urbain Euroméditerranée pour la ville de Marseille voit le jour. Ce projet de rénovation urbaine consiste dans un premier temps en l’aménagement d’un quartier d’affaires de trois-cents hectares entre la gare et la Joliette, près du Vieux Port. La restructuration du quartier Saint-Charles et de la gare constitue une étape importante dans le déroulement de ce projet. En effet, la gare, par sa position au centre de la ville et plus particulièrement au centre des quartiers populaires, est un atout considérable dans la dynamisation du développement du projet urbain.
Le réaménagement de la gare est aussi, et avant tout pensé
pour l’arrivée de la ligne LGV reliant Paris à Marseille. Il s’agit de revoir les quais, réaménager la gare pour des contraintes techniques, mais aussi, de lui redonner une image plus moderne en adéquation avec son statut de gare de ville en plein développement. L’architecte Jean-Marie Duthilleul et l’agence AREP ont porté le projet de réaménagement de la gare Saint-Charles. Pensé, dans le projet urbain, à l’interconnexion de différents moyens de transports (trains nationaux, régionaux, périurbains, métropolitain, trams, bus de villes, bus scolaires, navettes pour les aéroports et gares routière) ; la gare doit acquérir un statut multimodal et doit montrer sa forte articulation à la ville.
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La force du projet est d’étendre la façade de la gare historique afin de la relier à l’ouest, à l’université Aix-Marseille située en bas du promontoire, et à l’est au boulevard d’Athènes, permettant ainsi de relier la gare Saint-Charles au centre ville. Cet agrandissement en L lui permet de proposer en rez-de-chaussée un ensemble de commerces, services lui conférant un côté de centre de « commerces de quartiers ». La ré-articulation du trafic urbain autour de la gare et la création d’un parvis dépose-minute à l’entresol a permis de désengorger le trafic devant la gare. L’arrivée se fait aisément et permet aux taxis, ou aux voyageurs en voiture de ne pas venir renforcer un trafic, déjà dense sur la partie inférieure du promontoire, amenant au boulevard d’Athènes. C’est dans cet entresol que s’établit l’entrée des voyageurs venus du centre ville. Conçu suivant des proportions à hauteur d’homme il permet d’introduire, l’entrée du métropolitain. C’est un espace de transition entre la ville, et le plateau d’arrivée des trains, situé à l’étage du dessus, de plain-pied avec le parvis qui fait front à la gare. Cette restructuration, se voulant vivante et confortable, a permis une meilleure fluidité de circulation dans les espaces et surtout, entre la ville et la gare.
« Ce qui est extraordinaire avec la gare, c’est qu’elle est dans
la ville. La limite entre la ville et le voyage passe à travers la gare. C’est un bâtiment ambigu car vous êtes déjà parti, mais vous pouvez encore rester. »
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BELLANGER François et MARZLOFF Bruno, TRANSIT - Les lieux et les temps de la mobilité, Paris, Media Mundi, 1996 13
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Schéma directeur de la restructuration de la gare dans le Projet Urbain « Euroméditerranée » « Les gares nouvelles TGV Méditerranée », in Architecture Méditerranéenne n°56
L’effet du rôle moteur de la restructuration de la gare Saint-
Charles dans le développement du Grand Marseille s’est vu au milieu des années deux-mille. Le caractère urbain de la cité, qui s’est agrandi au delà des frontières de la ville, en englobant les communes alentours, lui a permis d’acquérir définitivement un statut de métropole au niveau européen. La nomination de Marseille ,en 2008 pour devenir la capitale européenne de la Culture de 2013 est en le résultat. « Marseille Provence Capitale Européenne de la Culture » comme l’indique le slogan, est le signe que Marseille, qui a su tisser des liens entre ses territoires, par le biais d’un réseau de communication dense et efficace, compte aujourd’hui sur l’ensemble des communes faisant partie de son aire urbaine pour exister .
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Plusieurs évènements programmés sur le territoire Marseille-Provence pour cette année de la culture, s’ancrent ou convergent vers la gare. C’est le cas du projet T rans H umance , imaginé par Camille et Manolo, directeurs du Théâtre du Centaure à Marseille. Ce sont des parcours équestres qui, partant du Maroc et de l’Italie dessinent une carte des liens sur le territoire, unissant Marseille à ses racines méditerranéennes. Les hommes et les chevaux avancent lentement vers la cité, retraçant ainsi les mouvements de migrations qui ont façonné la ville au cours des siècles et qui lui ont donné son caractère cosmopolite. L’aboutissement de ces « transHumances » prévu à la Gare SaintCharles le 9 juin 2013, est un hommage à ce lieu symbole d’ouverture et d’échange entre les peuples méditerranéens. TransHumance témoigne de la capacité qu’a eue Marseille à trouver une place stratégique dans le bassin méditerranéen. Donnant un souffle nouveau à la ville, qui s’est développée avec et pour ses habitants, la gare Saint-Charles est une gare qui a su créer des connexions entre les hommes et les cultures. Elle a permis le développement de cette cosmopolisation au-delà des limites de la ville et ainsi tisser un maillage urbain, qui pensé à l’échelle de l’homme, se propage dans toute la région.
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84 kilomètres en TGV e nt re Av i g n o n et M a r s e i lle
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La revue Les annales de la recherche urbaine consacrait en
mars 1999 un numéro sur « les échelles de la ville ». Dans ce cahier de recherches, Gilles Novarina
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et Xavier Malverti
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traitent de
l’étude de l’échelle territoriale, ou la « grande échelle » dans la réalisation et conception de projets d’urbanisme, et de ses conséquences sur la production des formes urbaines. A travers ces deux articles, les auteurs exposent les prémices de la compréhension d’une articulation des échelles, entre territoire, ville et quartier. La définition précise des aires d’influence : aire du grand territoire, aire du basin de vie (ou aire urbaine) et aire de proximité par Gilles Novarina permet de comprendre l’imbrication du territoire à la ville et de ses aires d’influence.
Afin de ressentir et comprendre de manière plus concrète
comment s’organisent ces imbrications sur le grand territoire, j’ai choisi, de m’intéresser aux ruptures et transitions qui, apparaissent le long de la ligne LGV entre la gare TGV d’Avignon et la gare Marseille Saint-Charles. C’est à l’aide d’une description sensible des paysages, espaces et lieux traversés que s’organise mon analyse, suivant trois séquences correspondant aux échelles évoquées ci-dessus.
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professeur à l’Institut d’Urbanisme de Grenoble et chercheur au
CRESSON (Centre de recherches sur l’espace sonore et l’environnement urbain) 15
Architecte et chercheur sur l’histoire technique des villes
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De la gare d’Avignon TGV au tunnel des Pennes-Mirabeau
« Prendre en compte le grand territoire, c’est identifier le
contexte géographique dans lequel s’insère l’opération projetée, c’est évaluer ses contraintes et ses atouts. Cela passe par l’analyse du rapport aux grandes infrastructures de déplacement (accessibilité ou enclavement) ».
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Le train, démarre doucement de la gare d’Avignon TGV. On aperçoit d’abord l’immensité des parkings attenants à la gare : on les traverse. Puis, on franchit la grille qui entoure les quinze hectares de la gare. Elle fait front à la nationale 1007 : le train passe au-dessus par un pont. Ensuite, nous sommes plongés dans une forêt, touffue : sapins, cyprès, pins d’Alep se distinguent de la masse végétale. Après la forêt, nous apercevons des jardins et potagers appartenant à de petites habitations, implantées de manière éparse dans la grande plaine. Cette séquence dure quelques temps. Soudain, la vue s’arrête et nous sommes plongés dans le noir : nous sommes passés sous une autre voie ferrée, sûrement la ligne permettant de rejoindre Avignon à Arles. A la sortie du tunnel, les champs bordés d’habitations et de serres n’ont pas bougé. Ils semblent des petits points de couleur venant ponctuer de grandes surfaces colorées par le vert des blés, l’ocre de la terre.
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dessein », in Les échelles de la ville - Les annales de la recherche urbaine n°82, Paris, Plan Urbanisme Construction Architecture, 1999
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Je me retourne, et regarde par l’autre vitre : à l’ouest du train, une étendue verte, comme une mer de petits arbustes s’étend : la garrigue est là. Le regard est noyé, il va jusqu’à « l’infini ». De l’autre côté, on commence à apercevoir, derrière les champs bordés de cyprès, les reliefs de la montagne Sainte-Victoire. Soudain, venant troubler ce « voyage au cœur de la nature », on traverse une route, deux fois deux voies, bretelle vers Nîmes. De gros murs de soutènement entourent les rails et semble engloutir le train… Nous les grimpons petit à petit jusqu’à arriver à une certaine hauteur : s’offre alors à nous la vue des reliefs alentours, que nous semblons toucher, maintenant que le train est lancé à trois-cent kilomètres par heure. Nous commençons d’apercevoir un axe, lui aussi en mouvement, qui s’intercale perpendiculairement en contrebas du rail: l’autoroute A7. Les six voies de l’autoroute semblent traverser le paysage, comme un tunnel, semblable à celui dans lequel nous nous trouvons. Nous arrivons déjà sur les reliefs que précédemment nous voyions petits à l’horizon. Nous prenons de l’altitude en les traversant. Nous apercevons toujours la garrigue à l’ouest, mais l’étendue semble plus petite. Etant plus en hauteur, nous pouvons apercevoir les chemins en terre qui traversent la garrigue. Aucune habitation ne vient troubler le dessin de ces chemins couleur ocre à travers la marée verte des arbustes. A l’est, on aperçoit la plaine d’Aix-en-Provence et les premiers hameaux qui se dressent devant la montagne Sainte-Victoire. Nous nous en rapprochons. Le train ne ralentit pas, aucun arrêt n’est prévu à Aix-en-Provence TGV. Nous contournons l’aire urbaine de la communauté Aixoise. Elle s’étend au loin, et crée un patchwork de couleur Terre de Sienne, marron et orangée. C’est à ce moment que nous traversons de nouveau la nationale 7, où les voitures semblent avancer comme des petites fourmis sur une ligne. A côté, l’autoroute A7 que nous franchissons de nouveau est peuplée d’un trafic plus dense. Ces signes nous donnent l’impression d’avoir quitté les
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grands espaces, la nature abondante et sans fin : nous rentrons en ville ? Peu après, une succession de tunnels ne nous permet pas d’observer ce qui se passe autour de la ligne du train. Nous sommes plongés dans l’obscurité. Un tunnel, plus long cette fois, le tunnel des Pennes-Mirabeau (7834 mètres) marque définitivement notre entrée dans l’aire urbaine de l’agglomération marseillaise.
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photographies personnelles vu du TGV
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Des Pennes-Mirabeau à la Belle de Mai
« Prendre en compte l’échelle du bassin de vie, c’est poser la
question de l’insertion du projet dans les tissus urbains environnants. C’est s’interroger sur la continuité du réseau viaire, sur les modalités de coexistence de différentes formes de bâtis (…) »
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« On est à Marseille » s’étonne le couple assis à côté de moi dans le TGV. Une vue, panoramique et impressionnante : l’étendue bleue d’où émergent les îles du Frioul, les bateaux en partance pour l’horizon et les containers, étendus, annoncent la couleur. On est à Marseille, nulle part ailleurs. L’entrée en ville n’est pas l’entrée en ville de n’importe quelle métropole, ou ports, comme peut l’être l’arrivée en train à Gênes. Non, ici on montre, la spécificité de la région, on la met même en scène par ce grand tunnel, où plongé dans le noir pendant dix bonnes minutes – comme au cinéma avant un film – avec pour première image la Méditerranée. Le TGV franchit encore très vite les distances. On est plongé entre de grands arbres, et des murs de soutènement. Nous ne voyons plus la ville. Le train rejoint rapidement l’Estaque. Nous apercevons les entrepôts, et distinguons les couleurs des containers du port, les tours d’habitation de quinze-vingt étages. Une succession de jardins-potagers ponctue le long de la voie, des espaces de végétation en friche.
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Nous traversons ce qui sera, quelques centaines de mètres plus tard, le terminus de l’autoroute A7. Elle s’arrête là, après 312 kilomètres de bitume conduisant les automobilistes de Lyon vers le sud. A côté de l’autoroute se dressent des espaces verts en friches incertains, des stades de foot et des complexes sportifs. Nous sommes plongés de nouveau dans un tunnel. A la sortie, nous apercevons les entrepôts désaffectés, quelques murs pignons témoignent de vies déjà vécues sur lesquelles viennent se greffer de nouveaux chantiers. A côté, une succession d’immeubles, de construction très récente, d’une dizaine d’étages montrent un quartier en pleine mutation. La nature en friche autour, continue… Soudain, les quais s’agrandissent autour des rails du train. Il prend tout de suite une dimension plus urbaine : la perception d’être dans une boite lancé, survolant le sol s’attenue. Le train ralentit. Les routes longeant la ligne deviennent des rues autour desquelles s’établissent des maisons avec jardin. Pouvoir apercevoir les enfants faisant de la balançoire nous fait prendre conscience réellement que le train a ralenti : les maisons qui étaient avant des taches de couleurs dans la plaine, deviennent des petits cubes. Les containers présents sur le bord des voies, eux aussi, participent au changement d’échelle : s’ils sont là, c’est que l’homme a pu venir les tracter, et donc y accéder. S’en suit une série d’immeubles d’une dizaine d’étage, construits dans les années soixante-dix. La série se complète par des constructions plus récentes, hautes de deux-trois étages et séparées de la voie par une bande verte. Les usines, entrepôt et grand garage à voiture à ciel ouvert viennent rompre le tableau. La ville semble former des bulles d’aires plus ou moins urbaines, là où il y avait des champs et des usines.
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photographies personnelles vu du TGV
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photographies personnelles vu du TGV
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Le train prend de l’altitude, et nous permet d’apercevoir le Silo, surplombant les quais de la Joliette. A ce moment, on traverse une artère de circulation, composée de trois voies à double sens. Seraientce les prémices d’axes traversant la ville ? La vue, de plus en plus dégagée nous permet de voir en contrebas les quais de la Joliette, les îles du Frioul et les quartiers bordant le Vieux Port. Nous redescendons et arrivons au niveau de rues bordées de maisons indépendantes, hautes de deux-trois étages, qui cohabitent avec des immeubles de cinq-six étages. Au bout de cette rue, une gare, la gare du Canet, première gare de ville que nous rencontrons à Marseille. Peu après, la succession de petites maisons est rompue par le passage dans un tunnel. A la sortie, se dresse une série d’immeubles, de huit étages environ, avec des cours intérieures. De nouveau un tunnel, et à sa sortie, les immeubles font six étages, ils sont ponctués d’immenses parcs. Replongé de nouveau dans le noir, à la sortie on traverse le périphérique. De l’autre côté, le tissu urbain se resserre. Il semble que les immeubles se faufilent entre les vides existants et le relief. Cette scène me fait penser à une phrase de Raymond Queneau : « Couchés sur le dos, les toits de Paris, leurs petites pattes en l’air ». On lit, les couches successives de la ville : des immeubles des années trente, à ceux plus anciens, et les nouvelles constructions. Tout est là et tente de se frayer un chemin, une histoire. De nouveau, un tunnel…
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De la Belle de Mai à la ruelle des Petites-Maries
« Prendre en compte l’échelle de la proximité, c’est prévoir le
fonctionnement du quartier. C’est réfléchir au découpage en îlots puis en lots, à l’accès aux commerces et services, à la desserte des constructions, à l’implantation des stationnements, à la délimitation des espaces publics et privés, aux choix du mobilier urbain et des matériaux utilisés pour le dallage des places ou trottoirs. »
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La sortie du tunnel est accompagnée par le message du chef
de train « Mesdames, Messieurs, notre train arrive en gare de Marseille Saint-Charles, terminus de ce TGV ». Le bâtiment de la « Friche Belle de Mai » et ses locaux apparaissent dans le cadre de la fenêtre. Le train ralentit nettement. De nombreux bâtiments industriels restructurés en bureaux longent la voie ferrée et sont ponctués par une rangée de platanes. On traverse l’arrière de cours d’immeubles à six-sept étages. Le linge pend aux fenêtres. On découvre les îlots, découpés par des artères, les grands boulevards de la cité phocéenne, et on commence à percevoir le trafic, les gens qui marchent dans les rues, les étals des commerces… Soudain, les quais apparaissent. Des trains à l’arrêt attendent les voyageurs. Un hôtel, dont la façade très monotone vient couvrir le panorama que l’on a du train, des quais. Les gens se pressent pour sortir.
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photographies personnelles vu du TGV
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Je laisse ma place et descends les marches du train. Le quai, au sol en granit blanc invite à rentrer sous la grande verrière, le hall de la gare. Sa grandeur rime avec le bouillonnement produit par les voyageurs en arrivée, en partance. S’offre à moi, une grande allée qui dessert de nombreuses petites salles. Je m’engouffre dans l’une d’elle et là, de nombreux voyageurs sont assis. Ils lisent, parlent entre eux ; les enfants jouent. Dans une pièce voisine, les agents de la SNCF, derrière un guichet donnent des informations aux voyageurs en transit. Cette pièce est un espace traversé. Je ressors et continue l’allée centrale. Elle dessert tour à tour, à gauche, magasins, espaces de repos, d’attente, de lecture, de restauration, il y a même un piano à disposition des voyageurs. A droite, les quais se succèdent. Les voyageurs attendent, discutent sur les quais. Par l’une des portes, une seconde pièce, au plafond relativement bas (trois-quatre mètres) signale l’entrée du métropolitain. Droit devant moi, une porte dans laquelle se dessine le profil d’immeubles si particulier à la cité phocéenne par ses crépis et ses volets colorés. Passé cette porte s’ouvre à moi un parvis, aux couleurs blanches, il donne envie de s’y promener. On y découvre tout Marseille. La BonneMère surplombe le panorama. A regarder attentivement, on distingue : les quartiers du vieux port, les bâtiments du centre bourse, les docks de la Joliette qui sont eux cachés derrière des immeubles en premier plan. Je décide de descendre le grand escalier. Il est très habité : des gens sont assis, attendent, discutent ; des artistes de rues jonglent, là-bas un groupe joue de la guitare, plus loin une jeune fille dessine. J’arrive en bas et je décide de ne pas continuer sur le boulevard d’Athènes, et de m’engouffrer dans l’une des ruelles qui se faufilent entre les immeubles et invite à la déambulation. Plusieurs ruelles, comme autant de portes, elles se fondent dans le tissu urbain. Rue des Petites-Maries. Quelques pas, et je me retrouve entourée de gens qui
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parlent aux fenêtres ; d’étals de fruits. La rue, aux murs couleur ocre, le bruit des fourchettes, le mouvement des gens rentrant déjeuner me donne une impression étrange et agréable : un déjà-vu, une familiarité. Je n’ai jamais habité ce lieu, et pourtant il correspond à des critères de bien-être, une proximité. Tout semble à l’échelle de la main, et l’on peut effleurer les choses du quotidien, du bout des doigts, comme si toute la ville nous appartenait, qu’elle ne faisait plus qu’un avec nous. Comme si elle invitait à être arpentée, à l’échelle du corps. « Habiter c’est se sentir partout chez soi ». Ugo de La Pietra
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Le parvis de la gare - photographie personnelle
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L’identification des moments de ruptures, séquences de tran-
sition et la progression vers la perception sensible du détail sont autant d’éléments montrant l’imbrication des échelles entre le site de la Courtine (Avignon TGV) et le quartier Saint-Charles à Marseille. A travers l’expérience du train, et de cette vision déroulée de la ville comme une succession d’étapes amenant à l’intime, au singulier, on perçoit les échelles du territoire, de la ville et du quartier, qui s’articulant entre elles permettent l’établissement de relations, de liaisons, de connexions. Ces connexions nous amènent à réfléchir sur la ville, son entrée, et sa capacité à être un tout lié et cohérent.
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conclus i o n
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L’analyse des gares TGV Méditerranée et particulièrement celle d’Avignon
révèle que ces espaces, les « non-lieux » de Marc Augé, sont, à la lisière des villes, des architectures à grande échelle mais peu adaptées pour l’homme. Imaginées comme « les bourgeons » d’un développement urbain dans les années 2000, aujourd’hui leur utilité est remise en cause, et on cherche à les re-centraliser : à les « ramener à la ville ». Avignon est en train de créer un raccordement ferroviaire permettant l’accès direct de la gare du centre ville à celle du TGV. La démesure de ces lieux, pensés à l’échelle globale et apportant peu de réponse aux besoins des populations vivant à proximité, montre que la vitesse des moyens de transports instaure une manière d’habiter uniformisée.
Marseille Saint-Charles, par son caractère de pôle multimodal et de porte
d’arrivée des cultures de la Méditerranée nous a révélé son ancrage solide dans son aire régionale. C’est une gare, à la mesure des hommes, qui se la sont appropriée, l’habitent. Ils en ont fait un symbole à l’échelle du bassin méditerranéen. Sa place dans le développement urbain du Grand Marseille a été très importante et montre à quel point, un espace dédié à la mobilité, s’il est articulé correctement à son tissu urbain, peut être la force du développement économique, social et culturel d’une ville.
Le parcours effectué en TGV entre Avignon et Marseille a mis en évi-
dence trois échelles : l’échelle du grand territoire, l’échelle de l’aire urbaine et l’échelle de la proximité. L’imbrication de ces échelles montre l’interdépendance des aires urbaines. C’est pourquoi, la mobilité, articulée en des points précis du territoire : des gares ancrées dans les tissus urbains existants, peut devenir porteuse d’un réseau dense, support d’un développement à la mesure de l’homme pour les villes de demain.
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Le temps se comprime à tel point que la notion de distance géographique disparaît. Il est désormais impossible d’agir indépendamment à l’intérieur de limites qui n’ont au fond plus de sens réel, et qui de ce fait ne peuvent plus jamais être considérées comme définitives. L’architecture a changé d’objet. Elle ne peut plus fonctionner dans des espaces cloisonnés, elle ne peut plus élever des clôtures concrètes sur des frontières devenues virtuelles, qu’elles soient régionales, nationales ou continentales. Elle annonce et préconise des établissements humains nouveaux, des structures d’accueil à imaginer, dont les principes de base seront de répondre à la fluidité et à la continuité. Le monde du troisième millénaire est un monde continu. Le mal qui détruit l’action architecturale et urbanistique, qui entache de nullité l’aménagement du territoire vient du fait d’œuvre à l’intérieur de limites importées par un esprit de parcellisation. En réponse à ce monde en perpétuel mouvement, on doit combattre ce cloisonnement obsolète et déclencher une action architecturale qui agisse sur l’ensemble territorial, sur le continuum planétaire. Le refus de l’obstacle qui se fait jour inconsciemment dans le réflexe mental des hommes, ce défi vis-à-vis des limites de toutes natures […], l’architecture se doit d’y répondre si on veut éviter le chaos général. Y répondre en substituant la notion de surface à celle d’espace, en intégrant les structures de circulation à celles d’habitation. En travaillant en nappe, en réseaux.
Inquiétudes, Claude Parent
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la on
Par gare
l’expérience d’Avignon
propose
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TGV
et
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en de
TGV Marseille
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effectué
entre
Saint-Charles,
espaces
traversés.
Le TGV, par sa capacité à traverser, en un temps très court, des étendues géographiques très différentes permet de les apprécier. Des étendues « vides » à l’intérieur « plein » des villes, il crée un lien entre le grand paysage et les centres urbains. C’est en cet atout de « révélateur » des transitions et ruptures qui interviennent dans le territoire, que l’expérience du TGV permet de mettre en évidence les échelles du grand territoire, de l’aire urbaine et de la proximité, qui imbriquées entre elles montre l’interdépendance des aires urbaines. Par la découverte et l’analyse des gares d’Avignon TGV et de Marseille Saint-Charles, ce mémoire interroge la capacité de ces gares à être des « bourgeons de développement », telles qu’elles ont été conçues. Gare du progrès, ou gare symbole d’une histoire et d’une ville, les gares de TGV Méditerranée permettent de dresser un portrait de notre rapport actuel à la mobilité. Ancrées dans les tissus existants ou au contraire, établies en lisière des villes, ces gares nous montre à quel point la mobilité, si elle est articulée en des points précis du territoire, peut devenir porteuse d’un réseau dense, support d’un développement à la mesure de l’homme pour les villes de demain.