SCOOP 2013

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4(9: ‹ 5‡ Ne peut être vendu

SCOOP Le magazine des mĂŠtiers du journalisme

Mali, Afghanistan...

L'info en guerre

XXI brandit son manifeste Sports et TV :

beIN ĂŠcrase la concurrence Dossier Presse ett web P Je t'aime t'aime, moi non plus ! Publication rĂŠalisĂŠe par les ĂŠtudiants de l'ISCPA-Paris

Job attitude Le personal Brandi Branding La discrimination positive


NOUVEAUTÉ

z z z z z z z z z z z z z ÉDITORIAL

Expert en DĂŠveloppement Editorial et Contenus MultimĂŠdias

DIGITAL REFERENCEMENT STRATEGIE EDITORIALE DEONTOLOGIE RESEAUX SOCIAUX WEB MAGAZINE

CROSS MEDIA

BLOGS INFORMATIFS DATA JOURNALISME WEB RADIO ENCODAGE COMMUNITY MANAGEMENT PURE PLAYER ENQUETE

CREATIVE WRITING

WEB DOCUMENTAIRE

INFOGRAPHIE NOUVEAUX MEDIAS APPLIS MOBILES DEVELOPPEMENT EDITORIAL

ACCESSIBLE APRES BAC+3 (mise Ă niveau incluse en septembre) ALTERNANCE ET INTERNATIONAL POSSIBLE ISCPA PARIS Q www.iscpa-paris.com Q 01 80 97 65 80 Q mbaldi@groupe-igs.fr * ÂŤCycle Mastère ProfessionnelÂť dĂŠsigne un niveau de ďŹ n d’Êtudes Ă BAC+5

De Bac à Bac+5 : JOURNALISME - COMMUNICATION - PRODUCTION Établissement d’enseignement supÊrieur privÊ

Photo Kahina BOUDARĂˆNE

Michel Baldi Directeur des ĂŠtudes en journalisme ISCPA-Paris

l’infographie et le texte nternet, le web 2.0 et QV\YUHSPZ[PX\L ZL J [VPLU[ les rĂŠseaux sociaux 0S KVP[ Ă„KtSPZLY SL SLJ[L\Y ont provoquĂŠ de gros (l’auditeur) en pratiquant bouleversements dans le une ĂŠcriture incitant monde des mĂŠdias. Si la le public Ă rĂŠagir et Ă Presse ĂŠcrite est en dĂŠclin participer en utilisant constant, paradoxalement, les rĂŠseaux sociaux. elle n’a jamais ĂŠtĂŠ autant Ce n’est pas tout : avec lue, grâce au Web. Les l’apparition du standard sites du Monde et du 4G pour la tĂŠlĂŠphonie Figaro sont consultĂŠs mobile, la consultation chaque mois par 5 millions des sites d’information va de lecteurs. La nouveautĂŠ, se dĂŠvelopper de manière c’est que l’information ne exponentielle (il y a dĂŠjĂ 25 circule plus Ă sens unique : millions de smartphones dĂŠsormais le public en France). Les journalistes interagit en y apportant des d’aujourd’hui doivent ĂŞtre commentaires, des vidĂŠos prĂŠparĂŠs Ă travailler pour ou des photos ce nouveau support. et un travail ce numĂŠro, ÂŤ L’information desDans d’intelligence ĂŠtudiants en ne circule plus journalisme de collective se crĂŠe au sein Ă sens unique : l’ISCPA ont recueilli des rĂŠdactions. dĂŠsormais des tĂŠmoignages L’ancien modèle de professionnels le public ĂŠconomique et analysĂŠ les interagit. Âť des mĂŠdias ÂŤ tendances Âť dans s’est dĂŠsintĂŠgrĂŠ leur profession (p.32 H\ WYVĂ„[ KÂť\U TVKuSL et 33). Ils ont suivi de près JVUZ[Y\P[ Z\Y SH Ă„KtSPZH[PVU l’Êvolution des modèles de la clientèle autour ĂŠconomiques de la presse KÂť\U ZP[L HĂ„U KL WV\]VPY en ligne (p. 24 et 25), fait vendre aux annonceurs un point sur l’avenir de la plus grande quantitĂŠ la Presse Quotidienne de lecteurs, auditeurs, RĂŠgionale (p. 28 et 29). blogueurs et twitteurs. ActualitĂŠ oblige, ils ont Ces bouleversements rĂŠalisĂŠ un dossier sur le VU[ YLKtĂ„UP SL Y SL K\ journalisme de guerre (p.6 journaliste. Il doit ĂŞtre apte Ă 9) et se sont penchĂŠs Ă travailler sur tous types de près sur le Manifeste du de supports, maĂŽtriser THNHaPUL ??0 X\P HMĂ„YTL les outils numĂŠriques qu’ un autre journalisme et les technologies du est possible, dĂŠgagĂŠ de Web, pouvoir rĂŠaliser des l’emprise de la publicitĂŠ et reportages multimĂŠdia dĂŠlivrĂŠ de la dictature du oĂš la vidĂŠo, la photo, buzz Âť (p. 10 Ă 13).

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SCOOP Une publication rĂŠalisĂŠe par les ĂŠtudiants de l'ISCPA-Paris

Institut des MĂŠdias 12, rue Alexandre Parodi 75010 Paris Tel: 01 40 03 15 56 Fax +33(0)1 40 03 15 31

Journalistes Lucie Alegre Arthur Bernard Axelle Bichon JÊrÊmy Blais Direction Directeur de la RÊdaction Jean-Romain Blanc Kahina Boudarène Charles Desjardins Directeur de la Publication Mathieu Brancourt Erwan Carfantan Michel Baldi Matthieu Carlier RÊdacteur en chef Thomas Ciret Hugo Derriennic RaphaÍl Dor Maquettiste ChloÊ Emmanouilidis Olivier Baraud GrÊgoire Gantois SecrÊtariat gÊnÊral de Raphael Homassel rÊdaction Jean-Romain Blanc Thomas Inglot-Fantuzzi Delphine Proust Charles Jegou Iconographe Elyes Khouadja Kahina Boudarène Justine Knapp Julie Lacourt Remerciements : Sirpa, Charles Lafon Magazine XXI Delphine Proust Arthur Scherer Retrouvez toutes les Êditions de SCOOP sur notre site internet http://www.iscpa-paris.com

4(9: ‹ 5‡ N e p e u t ê t r e v e n d u

Cycle Mastère Professionnel* Journaliste

Coxinelis et le service communication du Groupe IGS - 02/2013 - Document non contractuel. L’ISCPA se rĂŠserve le droit d’apporter toute modiďŹ cation qu’il jugera nĂŠcessaire. CrĂŠdits photos : ŠGetty Images

Bouleversements et mĂŠtamorphoses

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SOMMAIRE 14

SOMMAIRE

NOUVEAUX ENJEUX

Interview 14 Marc Autheman : « La priorité au direct » Propos recueillis par Thomas Inglot-Fantuzzi

15 SEO, le meilleur ennemi du journalisme

6

Par Elyes Khouaja

16 BeIN, l’émir des droits TV Par Jérémy Blais, Raphael Homassel et Erwan Carfantan

18 Sports et droits TV : le Qatar écrase la concurrence

URGENCE

Reporters de guerre La passion du danger au service de l’information 8 Interview Laila SaÏdi : « Ma pire crainte ? Le manque d’information » Propos recueillis par Grégoire Gantois

9 Interview

Capitaine Céline Limousin (SIRPA) : « Un travail proche de la presse privée » Propos recueillis par Grégoire Gantois

24

Par Jérémy Blais, Raphael Homassel et Erwan Carfantan

20 Interview Pascal Somarriba : « Le Brand journalisme fait évoluer notre rapport à la publicité » Par Julie Lacourt et Charles Jégou

DOSSIER ECO

Presse écrite et web : « je t’aime, moi non plus »

22 Journaliste, augmente-toi ! Par Mathieu Brancourt

25 Internet : à quoi jouent les pure players ? Par Lucie Alegre et Chloé Emmanouilidis

26 Les nouveaux magazines : leurs secrets, les réussites originales, les reprises Par Charles Alf Lafon

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DÉBAT

XXI manifeste ses bonnes intentions 11 Un autre journalisme est-il possible ? Par Thomas Ciret

12 Interview Patrick de Saint-Exupéry : « Il n’y a pas de recette miracle » Propos recueillis par Thomas Ciret

13 Reportage

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28 Ouest-France bat de l’aile Par Delphine Proust

29 Les régionaux font grise mine Par Delphine Proust

30 Crowdfunding : un concept de fonds Par Justine Knapp

31 Interview Sarah : « Une alternative au financement classique » Propos recueillis par Justine Knapp

32

JOB ATTITUDES

Personal branding, les règles du JE Par Matthieu Carlier

34 Ségrégation positive ? Par Kahina Boudarène et Jean-Romain Blanc

36 Il faut sauver le soldar SR ! Par Hugo Derriennic

38 La face cachée de la une Par Arthur Scherer

40 « Miroir, mon beau miroir... » Par Raphaël Dor

42 Fact-checking :

Opérations portes ouvertes pour les cinq ans de la revue

Pour un journalisme irréprochable

Par Arthur Bernard

Par Axelle Bichon

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URGENCE

URGENCE

pait de nous faire transiter de villes libérées en villes libérées », raconte Laila Saïdi, pigiste pour RFO. © 0rPH VL HOOH FRPPXQLTXH GLI¿cilement des informations, elle nous permet d’évoluer en lieux protégés.» Il ne faut donc plus imaginer le journaliste directement sur le champ de bataille. Les images d’affrontements se font de plus en plus rares et en rapporter n’est presque plus du ressort du reporter. « La guerre, c’est plus complexe que des cadavres », explique Hervé Ghesquière ancien otage en Afghanistan et reporter à France Télévision. « Certains endroits sont calmes. Il y a beaucoup d’attente. La guerre, c’est la vie dans des dimensions particulières. Il ne faut pas la réduire constamment à une mare de sang, même s’il existe des massacres. »

Reporters de guerre La passion du danger au service de l’information

R

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Le grand public ne les coonnaît pas, mais lit leurs articles en Une des plus grrands médias. Les grands reporters de guerre ne soont pas des stars, mais pratiquent une professionn d’exception. Leur rôle : partir dans les pays les pluus dangereux au monde, Sn V SLZ JVUÅP[Z MVU[ YHNLL LU X\v[L K»PUMVYTH[PVU Grégoire Gantois

© Tech. Sgt. Cohen A. Young

© Magharebia

Des soldats maliens en patrouille, dans le cadre de l’opération française de soutien « Serval ».

encontrer des témoins, rapporter des informations, les faire partager... En soit le métier de reporter de guerre ne diffère pas beaucoup de celui d’un journaliste lambda. Depuis Albert Londres, premier reporter à avoir raconté les combats de la Première Guerre mondiale, beaucoup s’accordent à dire que le métier a bien changé et est devenu plus accessible. Les relations conflictuelles entre les armées et les médias se sont peu à peu détendues, laissant aujourd’hui une large marge de manœuvre aux journalistes. En apparence tout du moins… C’est d’ailleurs suréquipé et surprotégé que l’on part désormais GDQV XQH ]RQH HQ FRQÀLW 5DUHV VRQW ceux qui parviennent à travailler dans de tels endroits sans l’aide d’un guide, voire même d’une escorte. « Au Mali, l’armée s’occu-

Le journaliste, une proie de choix Le danger est pourtant présent au quotidien. En témoignent les prises d’otages. Car le journaliste est souvent une cible de choix. « Le front médiatique est devenu presque aussi important que le front militaire. Le journaliste est un enjeu, d’où la multiplication des prises d’otages », FRQ¿UPH -HDQ Claude Guillebaud, ancien grand reporter du Monde dans un entretien avec La Dépêche du Midi. Vincent Hugueux, journaliste de guerre pour l’Express regrette aussi cette « mode de l’enlèvement ». « À une époque, il était admis qu’un journaliste puisse s’aventurer quelque part pour essayer de UDFRQWHU XQ FRQÀLW ª, se souvient-il. « Cette garantie a disparu avec l’arrivée de miliciens, des jeunes de 14 ans, ivres, bourrés de pilules. En plus, le journaliste est systématiquement suspecté d’être un espion.» Le métier a donc bien changé. La passion du journaliste devient indispensable pour lui permettre de braver le danger. Le devoir du reporter prend alors le dessus sur la peur omniprésente. SCOOP 2013 z 7


URGENCE

URGENCE

Laila Saïdi : « Ma pire crainte ? Le manque d'information »

Les journalistes du Sirpa accompagnent les militaires français sur tous les théâtres d’opération.

Laila Saïdi a couvert WS\ZPL\YZ JVUÅP[Z KVU[ celui d’Afghanistan.

Scoop : Quels sont les principaux risques auxquels les journalistes sont exposés lorsqu’ils couvrent une région en guerre ? Laila Saïdi : la pire chose qui puisse arriver à un journaliste est de ne pas trouver d’information à se mettre sous la dent. Au Mali, les journalistes ne pouvaient pas passer dans les zones sécurisées. Je me faisais refouler à chaque barrage malien ce qui m’obligeait à m’engouffrer dans des endroits dangereux. L’information était très dure à dénicher. En Afghanistan, c’était une autre histoire. Le pire ennemi était le taliban… Il nous fallait baliser notre terrain et avancer avec précaution pour que rien ne nous arrive.

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© Laila Saïdi

Laila Saïdi, ancienne enseignante et journaliste à RFO a enquêté dans quelques-unes des régions les plus dangereuses du monde. À peine revenue de deux semaines au Mali, elle ne rêve que d’une chose : repartir.

Quelles sont les qualités essentielles pour devenir reporter de guerre ? Il faut aimer le terrain avant tout. J’étais enseignante avant de devenir journaliste pour RFO. Si j’ai voulu changer de voie, ce n’était surtout pas pour rester toute la journée dans ma rédaction. Qu’est-ce qui vous pousse à risquer votre vie pour votre métier ? Contrairement aux idées reçues, nous encourons assez peu de risques. Bien souvent, les journalistes pris en otages sont victimes de leur propre passion : partir dans des zones de plus en plus dangereuses ... Le goût du terrain, le contact avec les gens, voir la réalité en face,

pousser notre résistance physique à bout (ne pas manger, dormir très peu…), c’est pour ça que j’aime tant partir dans ces régions.

« J’ai vécu la totalité de mon périple afghan escortée par l’armée. Je sais que sans leur aide, je n’aurais jamais pu y aller. »

Avez-vous travaillé différemment en Afghanistan et au Mali ? En Afghanistan, j’étais surprotégée par l’armée et je n’avais aucune prise sur l’information mais elle était plus facile à obtenir. Au Mali en revanche, j’allais au contact de la population de manière totalement autonome. L’information était beaucoup plus difficile à trouver et l’armée ne s’occupait absolument pas de nous. Avez-vous quelques anecdotes sur vos expériences personnelles ? J’étais en Afghanistan lorsqu’un attentat a tué cinq soldats français. Je me trouvais à dix kilomètres et j’avais visité la base militaire la veille. Je buvais un café avec un colonel que je devais interviewer. Il me paraissait très distant. Je n’ai appris que plus tard qu’il me cachait ce qui venait d’arriver. Ce n’est qu’en ayant ma rédaction au téléphone que j’ai appris ce qu’il s’était passé. En France, tout le monde en avait entendu parler alors que j’ignorais tout à quelques kilomètres du drame.

© Seneweb

De quelle manière prépare-t-on un journaliste à travailler dans \UL aVUL LU JVUÅP[ & Personnellement, je n’ai pas eu de préparation. Aujourd’hui l’armée propose tout de même des stages aux journalistes sur le point de partir dans des pays en guerre. En réalité, il suffit de partir avec un bon équipement (gilet pare-balles…) et de bien connaître la région. J’ai vécu la totalité de mon périple en Afghanistan escortée par l’armée. Je sais que sans leur aide, je n’aurais jamais pu y aller.

Capitaine Céline Limousin : « Un travail proche de la presse privée » Le capitaine Céline Limousin, rédactrice en chef adjointe du magazine Air Actualités dépendant du service d’information et des relations publiques de l’armée de l’air (Sirpa Air) explique son rôle, entre journalisme et communication. Scoop : Qu’est ce que le Sirpa Air ? Céline Limousin : le service d’information et de relations publiques de l’armée de l’air est la cellule de communication d’entreprise. Elle vise à la fois l’interne et l’externe via un journal d’entreprise, titré Air actualités, qui se vend en kiosque au prix de 4,20 euros ou consultable gratuitement sur le site internet Calaméo (un mois après sa diffusion). Quelle formation suivent les journalistes du Sirpa Air? Ce sont d’abord des officiers sous contrat de l’armée de l’air. Ils possèdent à la fois une formation militaire et

journalistique. Cependant les journalistes du Sirpa Air n’ont pas le droit à la carte de presse, car leur travail ressemble davantage à celui du média d’entreprise. Leurs articles ressemblent à de la communication institutionnelle bien qu’ils possèdent un angle journalistique. De quelle manière travaillent vos journalistes sur le terrain ? De la même manière que les autres. Ils définissent leurs sujets et les écrivent comme il est coutume de le faire. Ils sont cependant rattachés à l’armée de l’air et doivent donc faire relire les papiers par l’état-major de l’armée de l’air avant de les publier.

« Les journalistes du Sirpa Air n'ont pas le droit à la carte de presse, car leur travail ressemble d'avantage à celui du média d'entreprise. »

Est-il plus facile pour les journalistes du Sirpa Air d’obtenir des informations ? Pas forcément. Ils travaillent en priorité pour l’armée de l’air et peuvent donc bénéficier des informations en premier via les aviateurs directement. Cependant, nous sommes parfois confrontés à une certaine retenue du personnel pour nous livrer des informations. Le journaliste du Sirpa ne ressemble donc en rien au reporter de guerre ? Certains de nos journalistes ont été envoyés au Mali pour qu’ils écrivent des articles. Ils procèdent donc de la même manière que les autres. Le Sirpa terre envoie quant à lui des reporters suivre certains bataillons au quotidien. Ils peuvent être amenés à suivre les conflits au plus près.

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DÉBAT

DÉBAT

XXI manifeste ses bonnes intentions

XXI, la revue trimestrielle consacrĂŠe au reportage, vient de frapper un grand coup. Son manifeste ÂŤ pour un autre journalisme Âť, publiĂŠ mercredi 9 janvier, jette un pavĂŠ dans SH THYL :LZ H\[L\YZ ò 3H\YLU[ Beccaria, directeur de la publication, et Patrick de SaintExupĂŠry, rĂŠdacteur en chef de SH YL]\L ò ` KtUVUJLU[ \UL profonde crise du journalisme. 3LZ JH\ZLZ ! ÂŤ Des erreurs de raisonnement, des mĂŠcanismes collectifs et une perte de sens Âť. Un constat alarmant dĂŠjĂ dressĂŠ par le sociologue Christian Morel en 2005(*) et que les patrons du trimestriel ont repris. Pour eux, le journalisme marche carrĂŠment sur la tĂŞte. Entre une Yt]VS\[PVU U\TtYPX\L PYYtĂ…tJOPL 10 z SCOOP 2013

et des modèles ĂŠconomiques peu soucieux de la qualitĂŠ du travail ĂŠditorial, l’avenir des ÂŤ techniciens de l’information Âť s’annonce compliquĂŠ. Alors, que faire ? Prendre exemple sur XXI, ses reportages au long cours, son refus de la publicitĂŠ, ses 50 000 exemplaires tirĂŠs Ă chaque numĂŠro ? Tentant, surtout lorsque l’on sait que la revue dĂŠgage 450 000 euros de ItUtĂ„JLZ HUU\LSZ ;LU[HU[ THPZ trop simple. Car la rĂŠponse aux maux actuels sera multiple ou ne sera pas. Et c’est aux dirigeants des grandes marques mĂŠdias qu’il revient de prendre les bonnes dĂŠcisions dès maintenant‌ s’ils en sont encore capables. Arthur Bernard (*) Interview Ă L’Usine nouvelle, 9 fĂŠvrier 2005.

Selon Patrick de Saint-ExupÊry, rÊdacteur en chef,  personne n'aurait misÊ une cacahuète sur XXI à son lancement. 

Š Photo DR

La cou La ouve vve errttur tu urre du u numĂŠ umĂŠr um ĂŠro ro 16 6 (au auto tomn mn m ne 20 2011 11 1 1). ). Le nu numĂŠ mĂŠro ro 21 du mag aga azine az azin in ne X XX XI est esst so sort rti ti e en n mĂŞme ĂŞm me te temp mp m ps q qu ue le e man anif ifes if es ste e.

la crise ĂŠconomique de la presse, ÂŤ similaire Ă celle de la sidĂŠrurgie ou du textile Âť. Globalement, les MRXUQDX[ VXUWRXW OHV JpQpUDOLVWHV perdent leur lectorat et voient leurs recettes publicitaires diminuer tous les ans. Cet effet ciseau entraĂŽne OD SUHVVH GDQV XQ FHUFOH YLFLHX[ baisse du chiffre d'affaires due Ă la baisse du lectorat, puis rĂŠduction des effectifs et des enveloppes pour les frais, ce qui conduit souvent Ă une baisse de la qualitĂŠ et donc du lectorat. La boucle est bouclĂŠe.

Un autre journalisme est-il vraiment possible ? Dans son manifeste, XXI aborde de manière lucide l'Êtat actuel de la presse. Il critique la dÊcennie de  mutation numÊrique  et la marchandisation des journaux. Si le constat est juste, le manifeste aurait gagnÊ à traiter la situation et les solutions plus globalement. Thomas Ciret

ÂŤL

e numĂŠrique n'est pas responsable de la crise actuelle, il l'a accentuĂŠe Âť. Mais de quelle crise parle-t-on ? De la crise du journalisme, c'est

entendu. Sauf que dans leur manifeste, les auteurs constatent – sans YUDLPHQW OHV GpÂżQLU Âą GHX[ FULVHV liĂŠes entre-elles qui provoquent ÂŤ la crise actuelle Âť. La première, c'est

Équation insoluble /RJLTXHPHQW GH QRPEUHX[ GLULJHDQWV GH SUHVVH WHQWHQW GHpuis plus d'une dÊcennie de s'adapter pour ne pas disparaÎtre. Et vendent des solutions miracles j OHXUV UpGDFWLRQV PLVH HQ SODFH de  desks  internet et d'applications pour les tÊlÊphones mobiles censÊs être le fer de lance de la mutation en cours. Des dÊcisions absurdes selon les auteurs du manifeste, pour qui, aujourd'hui,  l'Êquation du numÊrique reste insoluble . En effet, l'utilisation des applications reste  anecdotique  HW OH ¿QDQFHPHQW VXU LQWHUnet par la publicitÊ ne fonctionne pas. Bilan ? Ce sont les versions SDSLHU HQ SOXV GHV DLGHV GH OœeWDW HW G DXWUHV PpFqQHV TXL SHUPHWWHQW DX[ MRXUQDX[ YHUVLRQ ZHE de tenir. Quid des pure players ? 6HXOV GHX[ SDUYLHQQHQW j O pTXLlibre... ils ne fonctionnent que par abonnement. Crise de valeur Mais la numÊrisation, en plus G LQWHQVL¿HU OD FULVH pFRQRPLTXH GH OD SUHVVH D pJDOHPHQW FRQWULbuÊ à accentuer la crise des valeurs du journalisme. De fait, le mÊtier se dÊshumanise. Les journalistes sont dÊsormais invitÊs à  produire des contenus  et à touFKHU j WRXW pFULUH DOLPHQWHU OHV UpVHDX[ VRFLDX[ WHQLU XQ EORJ savoir utiliser les autres mÊdias UDGLR WpOpYLVLRQ HWF /D SURIHVVLRQ D pJDOHPHQW GH PRLQV HQ moins les moyens d'être SCOOP 2013 z 11


DÉBAT ÂŤ conçus et vendus comme des produits de consommation, sans projet ĂŠditorial Âť. La publicitĂŠ, la

En filigrane, XXI dĂŠmontre que la crise du journalisme dĂŠcoule d'un malaise plus global.

Un monde marchand Et les journaux papier n'Êchappent pas à cette règle du jeu, à cette perte des valeurs. Devenus, pour certains, des  mÊdias-marchandises  , ils sont

 novlangue  du marketing et les rÊgies publicitaires fleurissent. DÊsormais il faut cibler son lectorat pour mieux vendre sa publicitÊ. Les lecteurs sont devenus des  consommateurs d'information , et les journaux de grosses entreprises comme les autres, des marques sans âme. Et c'est là oÚ le manifeste va plus loin qu'un simple constat des problèmes actuels de la presse. En filigrane, et peut-être inconsciemment, il dÊmontre que la crise actuelle du journalisme ne tombe pas du ciel. Qu'elle dÊcoule d'un malaise sociÊtal plus global et bien plus ancrÊ. Alors, y a-t-il une solution ? Oui, selon XXI,  le journalisme a besoin avant tout d'accomplir une rÊvolution copernicienne.  Mais ce que le trimestriel oublie de prÊ-

FLVHU F HVW TX LO HVW GLI¿FLOH GH faire une rÊvolution lorsque l'on n'est pas indÊpendant. Et globalement, la presse ne l'est pas vraiment. Elle est dirigÊe par le pouvoir Êconomique (actionnaires, publicitÊ, grands industriels) et ses rÊdactions sont rÊgies par la  survie augmentÊe  (emploi, chômage, logement, etc.), dÊcrite par Guy Debord. Alors, comment espÊrer un vrai changement si le fait Êconomique prend tant d'importance ? En l'Êtat actuel, l'Êquation de la  rÊvolution copernicienne  semble assez insoluble, ou du moins, rÊservÊe aux courageux, libÊrÊs de certaines contraintes. Peut-être faudrait-il un changement plus global, dÊpassant le simple univers journalistique, un changement de valeurs, long, insaisissable. Mais cette nÊcessitÊ, le manifeste ne l'exprime pas clairement‌ dommage. „

ÂŤ Il n'y a pas de recette miracle Âť Patrick de Saint-ExupĂŠry, rĂŠdacteur en chef de XXI

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d'Êcrire quelque chose par la suite, soit elle ne s'interroge pas et prend un risque important de rentrer dans le mur. Comment peut-elle Êviter ce risque ? ,O IDXW rWUH WUqV FODLU LO Q H[LVWH SDV GH UHFHWWH miracle. Chaque titre a son histoire et ses VSpFL¿FLWpV ,O Q H[LVWH SDV GH PRGqOH TXH O RQ SRXUUDLW FDOTXHU SDUWRXW ,O SRXUUDLW y avoir une presse qui existe de manière pertinente sans publicitÊ, tout comme une presse intelligente avec de la publicitÊ. La  rÊvolution copernicienne  que vous souhaitez ne risque-t-elle pas d'être une rÊvolution de niche ?

0pÂżH] YRXV /RUVTXH OH SUHPLHU QXmĂŠro de XXI est apparu, nous nous sommes rendus compte, a posteriori, que nous avions ouvert une fenĂŞtre. Aujourd'hui, il existe plus de vingt titres dans cet espace. Et ce qui est formidable, c’est que nous constatons, par ailleurs, des envies et des ĂŠnergies très

ÂŤ Saint-Ex Âť, petit prince de presse

Š Thomas Ciret

Scoop : Selon-vous, qui est responsable de la crise de la presse ? Patrick de Saint-ExupĂŠry : Tout le monde. Les directions de journaux, les journalistes, le public aussi. A noter qu’il existe un questionnement très fort au sein des rĂŠdactions. Mais il n'y a pas de rĂŠels boucs ĂŠmissaires, il y a un ensemble de responsabilitĂŠs et il y a surtout la difficultĂŠ Ă affronter les questions telles qu'elles se posent. Dans le manifeste, nous tirons un certain nombre de constats. Ces derniers doivent amener les journaux Ă s'interroger afin de trouver des solutions. Après 10 ans de marche forcĂŠe vers le numĂŠrique, il y a peut-ĂŞtre un moment ou l’on peut appuyer sur pause. Pas dans l’idĂŠe de se fustiger, mais dans l’idĂŠe de se demander comment construire la suite. Et il ne s'agit pas de retomber dans le dĂŠbat, totalement ĂŠculĂŠ, du papier contre OÂśpFUDQ 4XL GLVFXWH O LQWpUrW G ,QWHUQHW " Donc, soit la presse se donne les chances

fortes qui ne demandent qu’à rentrer dans le jeu. Car il est possible de faire des choses diffÊrentes et intÊressantes, tout en faisant du journalisme. Ce qui est important, c'est d'être crÊatif, de savoir ce qu'on fait et pourquoi on le IDLW ,O IDXW VH SRVHU GHV TXHVWLRQV GH base à chaque fois : utilitÊ, pertinence, lecteur. Tout est là . „ Propos recueillis par T.C.

OpÊration portes ouvertes pour les cinq ans de la revue Dimanche 20 janvier, à l’occasion de ses cinq ans d’existence, le trimestriel conviait ses lecteurs à une journÊe portes ouvertes dans ses locaux parisiens pour y cÊlÊbrer une certaine vision du journalisme. Arthur Bernard

D

ans un Paris glacial, couvert d’un ĂŠpais manteau blanc, les passants ont toutes les peines du monde Ă se mouvoir. Dans le quartier bourgeois de Saint-Germain-des-PrĂŠs, ils semblent converger vers un lieu prĂŠcis, le 27 rue Jacob. Anciennement occupĂŠ par les ĂŠditions du Seuil, en face du confectionneur de macarons LadurĂŠe, le bâtiment abrite aujourd’hui l’Êquipe de XXI, revue trimestrielle de reportages, qui fĂŞte ses cinq ans et ouvre ses portes au public pour l’occasion. PassĂŠ le portail qui donne sur la bâtisse, des voix interpellent : ÂŤ Vin chaud, chocolat chaud, chouquettes ! Âť. Des jeunes venus se faire de l’argent de poche accueillent les visiteurs et leur proposent un peu de chaleur.

Une histoire de temps À l’intÊrieur, Laurent Beccaria, directeur de la publication, et Patrick de Saint-ExupÊry, rÊdacteur en chef de XXI, ont dÊjà commencÊ leur prÊsentation. Ils rappellent à tous que la revue se porte bien et remercient les lecteurs de leur soutien. Et ils sont nombreux, ceux-là même qui se rendent à la Maison de la Presse la plus proche quatre fois l’an pour se procurer l’objet tant convoitÊ. Comme Thomas, Êtudiant parisien de 21 ans à la barbe broussailleuse, lecteur assidu et heureux possesseur de  vingt des vingt-et-un numÊros de la revue . La prÊsentation terminÊe et malgrÊ les caprices du micro, RÊmi LainÊ, documentariste, est le premier des collaborateurs de XXI à prendre la parole. Ayant fait ses

Le L e bât âtim me en n ntt ac a cu c ei eille lle rÊ rÊda dact ctio ons ns et m ma aisson onss d'Êd d' dit itio itio ion. on. Les es ouv u ra rag ge e ess conçus us entre nttre e cess murs sso ont nt dis spo poni oni nibl nibl ble ess dan ns la a liibr brai airrie du d rez e -d deechau aussssÊe Êe.

classes au Pays, quotidien de Franche-ComtÊ, il s’en est vite dÊtournÊ :  Le travail dans un quotidien procure une bonne dose d’adrÊnaline mais il ne donne pas le temps d’approcher la complexitÊ des êtres et des situations , avance-t-il posÊment.

ÂŤ Faire valoir ses idĂŠes Âť Les interventions se succèdent, la salle se remplit. Le pic d’afĂ€XHQFH HVW DWWHLQW j KHXUHV DYHF la venue de StĂŠphane Paoli, journaliste de France Inter. Alors qu’à OÂśH[WpULHXU OH WKHUPRPqWUH DIÂżFKH toujours une tempĂŠrature nĂŠgative, Ă l’intĂŠrieur la chaleur devient difÂżFLOHPHQW VXSSRUWDEOH 6WpSKDQH Paoli s’excuse. Il devait animer son ĂŠmission 3D ici-mĂŞme mais un ÂŤ manque de moyens techniques Âť a contraint la chaĂŽne de radio Ă se raviser. Le discours du journaliste est clair : la presse souffre. Comme

ÂŤ Il faut reformer le couple presse/lecteurs Âť StĂŠphane Paoli, journaliste Ă France Inter.

Š Arthur Bernard

perfectionniste, dĂŠsormais la quantitĂŠ est prĂŠfĂŠrĂŠe Ă la qualitĂŠ. Et le fait que le temps du journalisme numĂŠrique soit devenu un ÂŤ prĂŠsent perpĂŠtuel Âť n'arrange pas la chose. Les journalistes n'ont SOXV GH WHPSV SRXU OD UpĂ€H[LRQ pour trouver des sujets inĂŠdits, pour l'ĂŠchange, pour la mise en FRQÂżDQFH ,O QH IDXW SOXV pWRQQHU le lecteur mais l'abreuver d'informations, Š LQÂżQLPHQW GXSOLTXpHV ÂŞ. Aussi, il n'est plus question, pour des problèmes de coĂťts, de partir en reportage : Š OD ÂżJXUH GX MRXUnaliste assis derrière son ĂŠcran s'est imposĂŠe. Âť Peu Ă peu, une ÂŤ inĂŠvitable dĂŠrĂŠalisation du monde s'opère Âť.

DÉBAT

habitĂŠ, il appelle Ă ÂŤ reformer le couple presse/lecteurs Âť. Dans la foule, une jeune journaliste de radio demande le micro. ÂŤ J’en ai assez GÂśRXYULU PHV Ă€DVKV VXU 'HSDUGLHX alors que des choses beaucoup plus importantes se produisent Ă cĂ´tĂŠ Âť, tempĂŞte-t-elle. L’animateur de France Inter l’entend et l’encourage Ă ÂŤ faire valoir ses idĂŠes Âť. La sortie de StĂŠphane Paoli est ponctuĂŠe d’applaudissements. La salle se vide quelque peu. JeanPierre Perrin, grand reporter Ă LibĂŠration, prend la suite. Puis c’est au tour de Guillaumette Faure, chroniqueuse au Monde, et d’Emmanuel Guibert, auteur de livres et de BDs, de se manifester avant la conclusion laissĂŠe Ă Beccaria et Saint-ExupĂŠry. Il est 18 heures, les visiteurs quittent le 27 rue Jacob le sourire aux lèvres. La nuit est tomEpH HW OD QHLJH ÂżGqOH OHV DWWHQG dehors. „ SCOOP 2013 z 13


NOUVEAUX ENJEUX

NOUVEAUX ENJEUX

Marc Autheman : « La priorité au direct » Journaliste depuis plus de trente ans, ancien présentateur du JT de France 3 et actuellement présentateur de BFM TV, Marc Autheman a connu l’information des chaînes généralistes et l’avènement des « hard news ».

Quelle échelle de hiérarchisation de l’information utilisez-vous ? La hiérarchisation de l’information des « hard news » est avant tout basée sur la temporalité. L’événement le plus frais est le plus important à l’instant donné. Les chaînes d’information en continu sont en première ligne du front de l’information. Elles sont directement exposées à l’instantanéité.

14 z SCOOP 2013

Pour exister sur la toile, un média est aujourd’hui réduit à suivre les tendances de son audience. L’optimisation du référencement de son contenu tKP[VYPHS KL]PLU[ HSVYZ \UL UtJLZZP[t X\P[[L n ZHJYPÄLY SH WS\TL Elyes Khouaja

© DR

Marc Autheman, vétéran de l'information en continu.

Photo DR

Scoop : Quelles sont, selon vous, les principales différences existant entre le traitement de l’information par les chaînes d’info en continu et celui des grandes chaînes généralistes ? Marc Autheman : Dans un premier temps, je dirais que les chaînes d’information en continu n’ont pas la même fonction que les points d’information des grandes chaînes généralistes. Notre travail se concentre essentiellement sur la diffusion d’informations en temps réel. La priorité au direct est la loi principale de ce milieu. Le public cherche avant tout une information brute, à consommer rapidement, une sorte de rêve du journalisme à la portée de tous. Le spectateur se sent acteur de la transmission de l’information par la notion de direct. À l’heure de l’explosion du marché de l’information, le temps est à la réduction du délai de restitution. Il est impensable d’attendre jusqu’aux éditions de 20 heures pour être informé.

SEO, le meilleur ennemi du journalisme

«T Ne pensez-vous pas que la dictature de l’instantanéité fasse planer une réelle menace sur le traitement de fond des sujets ? Le principe des « hard news » est clairement établi, le téléspectateur sait pourquoi il vient chercher l’information sur nos canaux de diffusions. La recherche d’instantanéité du public a créé une nouvelle facette du journalisme. Nous sommes avant tout présents pour livrer des informations avec le minimum de temps de réaction, en livrant en direct les premières analyses de situation, les premières mises en perspectives. D’ailleurs, il est intéressant de voir que les grandes chaînes telles que TF1 ou France 2 cherchent de plus en plus à imiter les « hard news » en multipliant les décrochages vers des envoyés spéciaux. Le direct commenté est la grande

tendance de l’information télévisuelle actuelle.

« Le public cherche avant tout une information brute à consommer rapidement. »

La véritable concurrence des chaînes d’information en continu ne viendrait-elle pas de la radio et du web, médias traditionnellement basés sur le direct ? Je ne pense pas que la radio et le web soient vraiment en concurrence frontale avec les « hard news ». Ils viennent compléter une chaîne de l’information. La radio ouvrira davantage au débat tandis que le web viendra compléter les informations brutes en offrant la possibilité du commentaire personnel. Le travail des « hard news » est là pour parachever la matrice de l’information en apportant des images illustrant les informations rapportées.

Propos recueillis par Thomas Inglot-Fantuzzi

on titre n’est pas assez Google friendly », « ta légende n’est pas visible », « ton sujet est passionnant, mais on s’en fout »… Bienvenue dans le journalisme web. Lui, c’est le front page editor, ou le spécialiste de l’édition. Un « casse-bonbons », pas tout à fait journaliste mais auquel vous devrez respect et robustesse. Oui, à l’ère du web 2.0, de la suprématie « googlienne » et du « clic », un nouveau pion est apparu dans plusieurs rédactions : le commis au référencement. Son job : faire en sorte que son média employeur soit mieux repéré par les Google, Yahoo! et autres search engines. « Mon boulot est de "remonter" les articles à la surface au milieu de l’océan de pages web scannées chaque jour. Et si possible dans les premiers résultats de recherche », l’explique Nicolas Miossec, éditeur chez Kiosk.

Prise en compte du lectorat À la différence du journalisme « papier », la presse web est esclave de son audience, de ses goûts, de ses intérêts. Un site web

HVW GRQF DPHQp j ÀOWUHU VRQ FRQWHnu, quitte à zapper un massacre au Tibet pour mettre en exergue le nouveau bouquin de Zlatan Ibrahimovic. C’est ce que l’on appelle, dans le métier, faire de la SEO, acronyme de search engine optimization. « Le journalisme a toujours été dépendant d’une audience pour exister, explique Pierre Orlac’h, directeur éditorial à Cerise Media. Aujourd’hui, les journalistes ont à leur disposition plusieurs outils plus performants pour comprendre ce que veut le lectorat, et repérer ses comporWHPHQWV DÀQ G·rWUH SOXV UpFHSWLIV à ses besoins. » Ces outils, c’est Google qui les fournit. Adwords, en l’occurrence, est, au détriment du dictionnaire des synonymes, le nouveau meilleur ami du journaliste web. Du pain et des jeux Ne reste plus qu’à adapter son écriture : exemple avec un article dans lequel le titre fait mention de « l’Hexagone ». « À éviter, car Google ne sait pas si l’Hexagone désigne la France ou bien une

La search engine optimization permet de tirer son épingle du jeu sur Internet.

« Un bon journalisme n’est pas forcément exclusif de la SEO », Nicolas Miossec

forme géométrique, commente Nicolas. Google comprend que chaque titre dévoile ce qu’il y aura dans le contenu de l’article. Il faut GRQF TXH FHOXL FL VRLW VLJQLÀFDWLI ª Oui mais voilà, la course à la SEO et au référencement ne dénaturet-elle pas finalement l’écriture MRXUQDOLVWLTXH " (W OH ÀOWUDJH GH l’information n’est-il pas quelque peu réducteur pour un média ? « Un bon journalisme n’est pas forcément exclusif de la SEO, répond Pierre. La SEO accroît la visibilité là où les gens regardent. Nous sommes beaucoup plus sensibles ces temps-ci à ce à quoi nos lecteurs vont réagir. Si nos contenus ne sont pas lus, notre WUDYDLO Q·HVW SDV HIÀFDFH ª Certes mais la plume, la ligne éditoriale, les titres subtils, n’est-ce pas là ce qui fait, entre autres, la beauté de ce métier ? « Ce n’est pas une mauvaise chose, reprend Pierre, cela détourne le journalisme d’une écriture élitiste et l’on revient à des articles écrits en fonction de ce que les gens recherchent vraiment ». « Donnez-leur du pain et des jeux », qu’ils disaient… SCOOP 2013 z 15


NOUVEAUX ENJEUX

NOUVEAUX ENJEUX

BeIN, l’Êmir des droits TV LancĂŠe dans le grand bain en juin 2012, la chaĂŽne beIN Sport s'avère incontournable pour tous les passionnĂŠs de sport. Face Ă ce modèle de rĂŠussite, la concurrence tente de se rĂŠinventer pour continuer Ă exister. J.Blais, E. Carfantan et R. Homassel.

League. Ironie, l’information ĂŠmerge le lendemain des propos tenus par Alex CarrĂŠ. Bien que son nouveau concurrent lui mène la vie dure, la chaĂŽne de Michel Denisot prouve qu’elle bouge encore.

Les stratÊgies de la concurrence Les concurrents de beIN tentent de s’en sortir avec leurs

16 z SCOOP 2013

Finalement, la mauvaise nouvelle tombe le 31 janvier, puisque Canal conserve les droits de la Premier League. (...) Bien que son nouveau concurrent lui mène la vie dure, la chaÎne de Michel Denisot prouve qu'elle bouge encore.

Š Flikr/Eric Caballero

U

La Ligue 1 de football est le Graal des chaĂŽnes sportives depuis sa crĂŠation en 1932.

Š Adrian Ako

n million d'abonnÊs, rien de moins. C'est le bilan que revendiquait beIN Sport ¿Q RFWREUH GHUQLHU  GLUH YUDL LO pWDLW GLI¿FLOH G HQYLVDJHU XQ WHO VXFFqV DXVVL UDSLGHPHQW VL SHX GH WHPSV DSUqV OH ODQFHPHQW GH OD FKDvQH OH HU MXLQ GHUQLHU ,O IDXW UHFRQQDvWUH TXH OH QRXYHDX PpGLD TDWDULHQ D VX VpGXLUH OHV WpOpVSHFWDWHXUV HQ FRPSWDQW GDQV VHV UDQJV GHV MRXUQDOLVWHV GpMj ELHQ FRQQXV GX JUDQG SXEOLF FRPPH $OH[DQGUH 5XL] RX HQFRUH 'DUUHQ 7XOOHW 'DQV OHV MRXUV TXL RQW VXLYL OD FUpDWLRQ GH OD FKDvQH OH JURXSH TDWDULHQ $O -D]HHUD ODQoDLW beIN Sport 2 et beIN Sport MAX. Le tout VRXV OD KRXOHWWH GH &KDUOHV %LpWU\ GLUHFWHXU GHV VSRUWV GH Canal+ MXVTX HQ 7RXV FHV ERXOHYHUVHPHQWV VXU OD VFqQH WpOpYLVXHOOH DQQRQFHQW OD ¿Q GH OD VRXYHUDLQHWp GX JURXSH &DQDO VXU VRQ WHUUDLQ GH SUpGLOHFWLRQ OD GLIIXVLRQ GX VSRUW 3RXU UpXVVLU VRQ HQWUpH IUDFDVsante, beIN V HVW GRQQp OHV PR\HQV /HV GURLWV GH OD /LJXH DXWUHIRLV SURGXLW SKDUH GH Canal+, ont ÊtÊ UDFKHWpV SRXU PLOOLRQV G HXURV SRXU OD VDLVRQ /HV 4DWDULHQV FRQVHUYHURQW FHV GURLWV MXVTX HQ SRXU XQH IDFWXUH WRWDOH HVWLPpH j PLOOLRQV /D FKDvQH FU\SWpH QH FRQVHUYH TXH GHX[ DI¿FKHV SDU ZHHN HQG 5RGROSKH %HOPHU GLUHFWHXU DGMRLQW GX JURXSH &DQDO VH PRQWUH SDUWLFXOLqUHPHQW OXFLGH HQ MDXJHDQW OH UDSSRUW GH IRUFH DYHF O HQYDKLVVHXU  Nous avions fait une offre très compÊtitive, mais nous ne pouvions lutter à armes Êgales  DQDO\VDLW LO GDQV OHV FRORQQHV GX Monde HQ GpFHPEUH GHUQLHU 6RQ JURXSH FRQVHUYH PDOJUp WRXW O H[FOXVLYLWp SRXU OH PDWFK GX GLPDQFKH VRLU JpQpUDOHPHQW OH

d’Allemagne et d’Espagne de handball. La chaĂŽne crĂŠĂŠe en 2007 a ĂŠgalement misĂŠ sur le volleyball, en s’appropriant les droits du championnat de France et la diffusion des matchs français en Ligue des champions. Canal+ a, de son cĂ´tĂŠ, tentĂŠ de garder ses acquis pour conserver une clientèle ÂżGqOH j VD JULOOH GH SURJUDPPH 'LIÂżFLOH WRXWHIRLV GH IDLUH IDFH j l’arrivĂŠe de beIN Sport. ÂŹ QRWHU OÂśDUULYpH GÂśXQ QRXYHO acteur, L’Equipe21, qui n’a pas HQFRUH UpXVVL j GpFURFKHU OD GLIIXVLRQ GH VSRUWV PDMHXUV 7RXWHIRLV les tĂŠlĂŠspectateurs pourront y voir un peu de basket universitaire nord-amĂŠricain mais aussi du tennis de table. Certaines chaĂŽnes gĂŠQpUDOLVWHV VÂśLQYLWHURQW j OD FRXUVH aux audiences. W9 a notamment

SOXV DJXLFKDQW SRXU OD PRGLTXH VRPPH GH PLOOLRQV GÂśHXURV SDU VDLVRQ VRLW PLOOLDUGV GÂśHXURV VXU TXDWUH DQV ,O V DJLW SRXU O LQVtant, de l'un des derniers territoires HQFRUH QRQ FRQTXLV SDU beIN.

Cyril Desprès, invitÊ de l'Expresso, Êmission matinale sur beIN Sport.

Une soif insatiable 5HVWH TXH O RJUH TDWDULHQ QH FRPSWDLW SDV HQ UHVWHU Oj ,O V HVW RFWUR\p PDWFKV GH /LJXH GHV &KDPSLRQV DLQVL TXH OD GLIIXVLRQ HQWLqUH GH OD /LJD HVSDJQROH /H WRXW DFFRPSDJQp GH OD GLIIXVLRQ GX &DOFLR LWDOLHQ HW GH OD %XQGHVOLJD DOOHPDQGH $ FHFL SUrW TXH OHV GURLWV GHV GHX[ GHUQLHUV FKDPSLRQQDWV FLWpV

Canal :  Nous avions fait une offre très compÊtitive, mais nous ne pouvions lutter à armes Êgales. 

VRQW SDUWDJpV DYHF Canal+. Comme VL FHOD QH VXI¿VDLW SDV beIN D FRQWLQXp GH VDLJQHU VRQ ULYDO j EODQF HQ OXL UDÀDQW O H[FOXVLYLWp GH OD 1%$ TXœLO SRVVpGDLW GHSXLV WUHQWH DQV /D OXWWH SRXU REWHQLU OHV GURLWV GH diffusion de la Premier League anJODLVH IDLW RI¿FH GH GHUQLqUH EDWDLOOH HQ GDWH HQWUH OHV GHX[ JpDQWV $OH[ &DUUp MRXUQDOLVWH j beIN FRQ¿UPDLW ¿Q MDQYLHU  les droits TV du championnat anglais seront bientôt redistribuÊs. Et c’est dÊjà l’une des prioritÊs de la chaÎne . Finalement, la PDXYDLVH QRXYHOOH SRXU beIN tombe OH MDQYLHU SXLVTXH Canal+ FRQVHUYH OHV GURLWV GH OD 3UHPLHU

propres moyens. Et certains adoptent la politique de la diverVL¿FDWLRQ GHV VSRUWV  FH MHX Oj Eurosport s’en sort plutôt bien: GHV VSRUWV FROOHFWLIV PDMHXUV HQ passant par les sports d’hiver, l’athlÊtisme, les sports mÊcaniques et d’autres disciplines qui RQW SHX GH SODFH j OD WpOp FRPPH OH VQRRNHU OHV ÀpFKHWWHV OH EUDV de fer et bien d’autres. De son côtÊ, Ma ChaÎne Sport, avec des moyens moins importants, a tentÊ de trouver la parade en diffusant des ligues de football de seconde zone (Pays-Bas, Portugal, Russie etc.) mais aussi les championnats

dĂŠcrochĂŠ la diffusion du Superbowl MXVTXÂśHQ HW TXHOTXHV PDWFKV GHV (XURV GH IRRWEDOO HW France TĂŠlĂŠvisions possède touMRXUV GHX[ WLHUV GHV GURLWV 79 VXU les ĂŠvènements d’importance maMHXUH DXWUHV TXH OH IRRWEDOO L’arrivĂŠe de beIN a accru la concurrence dans le monde audiovisuel sportif, au point qu’il en GHYLHQW GLIÂżFLOH GH SRXYRLU UHJDUder gratuitement le sport sur son poste de tĂŠlĂŠvision. Une partie de l’audimat est peut-ĂŞtre en train de se dĂŠtourner de ce mĂŠdia et migrer vers le web et la radio. Pour preuve, RMC a franchi le cap des 8 % d’audience cumulĂŠe sur les mois de novembre et dĂŠcembre. Un score HQFRUH MDPDLV UpDOLVp „

LES PÉPINS D’ORANGE, PRESSÉE PAR BEIN L’entrĂŠe d’Al Jazeera sur le marchĂŠ tĂŠlĂŠvisuel français est loin de faire l’unanimitĂŠ. BeIN gĂŞne certes Canal+, mais la chaĂŽne cryptĂŠe a encore Ă son actif le cinĂŠma et autres divertissements pour remplir son antenne. Ce n’Êtait pas le cas d’Orange Sport. La chaĂŽne de l’opĂŠrateur tĂŠlĂŠphonique avait comme principal gagne-pain le championnat français de football, et les tournois de tennis masters 1 000. En empochant le gros lot (la plupart des matchs de Ligue 1) beIN Sport n’a laissĂŠ que des miettes Ă ses concurrents, soit deux rencontres par journĂŠe. Face Ă Canal Plus, Orange Sport s’est inclinĂŠ. ÂŤ L’Êchec de la chaĂŽne n’est pas entièrement liĂŠ avec l’arrivĂŠe en trombe de beIN Âť HMĂ„YTL @HUU )LH\YVWLY[ ancien responsable marketing d’Orange Sport, ÂŤ la direction d’Orange avait dores et dĂŠjĂ annoncĂŠ que sa sociĂŠtĂŠ n’Êtait pas vouĂŠe Ă diffuser du sport Âť. L’entrĂŠe en jeu d’Al Jazeera a prĂŠcipitĂŠ la chute. ChĂŞne plie mais ne rompt pas En juin 2012, la chaĂŽne ferme ses portes, ne laissant que les cendres d’une rĂŠdaction dĂŠpassĂŠe par la concurrence. Directeur de Sporever, Patrick ChĂŞne rebondit. ÂŤ Nous ĂŠtions la sociĂŠtĂŠ ĂŠditrice d’Orange Sport. Quand l’opĂŠrateur a dĂŠcidĂŠ de se sĂŠparer de sa chaĂŽne, nous avons lancĂŠ Sport 365 Âť L_WSPX\L @HUU )LH\YVWLY[ 3H UV\]LSSL JOHzUL d’information continue s’apparente Ă Orange Sport Info, mais ne retransmet pas d’Êvènements sportifs. ÂŤ Ce n’est pas du tout au programme, ça demande un budget consĂŠquent, surtout dans ce marchĂŠ sclĂŠrosĂŠÂť admet-il. Cela semble plus prudent.

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Sports et droits TV : le Qatar ĂŠcrase la concurrence Le Nouveau venu

 La tÊlÊ totalement sport  CrÊÊe le 1er juin 2012 PropriÊtÊ du Groupe Al-Jazeera Sports Plus d’un million d’abonnÊs en novembre 2012

Diffusions : t 'PPUCBMM NBUDIT EF -JHVF QBS XFFL FOE -JHVF NBUDIT EF -JHVF EFT DIBNQJPOT -JHVF &VSPQB &VSP FU -JHB MB NPJUJĂ? EFT NBUDIT EF #VOEFTMJHB FU EF 4Ă?SJF " $PVQF EF MB -JHVF BOHMBJT FU ' " $VQ t #BTLFU /#" t 3VHCZ 1SP MJHVF DFMUF FU SVHCZ Ă‹ 9*** t )BOECBMM DIBNQJPOOBU GĂ?NJOJO FU -JHVF EFT DIBNQJPOT NBTDVMJOF t 'PPUCBMM BNĂ?SJDBJO /'t 7PMMFZ DIBNQJPOOBUT EV NPOEF

Le Polyvalent ÂŤ Tous les sports, toutes les ĂŠmotions Âť CrĂŠĂŠe le 5 fĂŠvrier 1989 PropriĂŠtĂŠ de TF1

Diffusions : t 'PPUCBMM -JHVF $PVQF EF 'SBODF DPNQĂ?UJPOT

Ă?RVJQF EF 'SBODF BOT GPPUCBMM GĂ?NJOJO t #BTLFU &VSPMJHVF t 3VHCZ 1SP % t )BOECBMM -JHVF EFT $IBNQJPOT t 5FOOJT 0QFO E "VTUSBMJF 64 0QFO FU 3PMBOE (BSSPT t $ZDMJTNF 5PVS EF 'SBODF (JSP

t 5PVUFT MFT EJTDJQMJOFT EF TLJ t .PUP (1 4VQFSCJLF 3BMMZF I EV .BOT t "UIMĂ?UJTNF HPMG WPJMF Ă?RVJUBUJPO TOPPLFS CPYF QPLFS nĂ?DIFUUFT WPJMF CPXMJOH CSBT EF GFS y

Le Petit Poucet Nombre de matchs diffusÊs pour la saison 2012/2013  À chacun son sport CrÊÊe le 19 octobre 2007 PropriÊtÊ de NumÊricable

Diffusions : t 'PPUCBMM DIBNQJPOOBUT EV 1BZT #BT EV 1PSUVHBM E 6LSBJOF EF 3VTTJF E "SHFOUJOF t 3VHCZ Ă‹ 7** t )BOECBMM DIBNQJPOOBUT BMMFNBOE FU FTQBHOPM t 5FOOJT DJSDVJU GĂ?NJOJO 85" t 7PMMFZ DIBNQJPOOBU EF 'SBODF FU -JHVF EFT DIBNQJPOT t #PYF LJDLCPYJOH FU CPYF UIBĂ•

Investissements dans les droits footballistiques (millions d’euros). Canal + (2 000) BeIN (820) TF 1 / Eurosport (275) France TÊlÊvision (30) M 6 / W 9 (30)

Les Gratuits Le Colosse diminuÊ  Plus on aime Canal+, plus on aime le cinÊma   Plus de sport d’exception   La chaÎne de ceux qui veulent plus de sport  CrÊÊe le 4 novembre 1984 PropriÊtÊ du Groupe Canal+

18 z SCOOP 2013

Diffusions : 'PPUCBMM NBUDIT EF -JHVF QBS XFFL FOE $"/ MB NPJUJĂ? EFT NBUDIT EF #VOEFTMJHB FU EF 4Ă?SJF " $PQB "NĂ?SJDB DIBNQJPOOBUT CSĂ?TJMJFOT FU MB .BKPS -FBHVF 4PDDFS t #BTLFU 1SP " t 3VHCZ 5PQ 1SP % FU 5SJ OBUJPOT t )BOECBMM DIBNQJPOOBUT EF 'SBODF FU $PVQF EF 'SBODF t 5FOOJT 8JNCMFEPO .BTUFST FU "51 t "UIMĂ?UJTNF %JBNPOE -FBHVF FU TVJWJ EFT 'SBOĂŽBJT

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Diffusions : t 'PPUCBMM $PVQF EF MB -JHVF FU $PVQF EF 'SBODF t 3VHCZ NBUDIT EF M Ă?RVJQF EF 'SBODF 5PVSOPJ EFT 4JY /BUJPOT FU ) $VQ t 5FOOJT 3PMBOE (BSSPT t $ZDMJTNF 5PVS EF 'SBODF Ă?QSFVWFT GSBOĂŽBJTFT FU DZDMJTNF TVS QJTUF t 1BSJT %BLBS t +FVY PMZNQJRVFT KVTRV FO

SCOOP 2013 z 19


ÂŤLe Brand journalism fait ĂŠvoluer notre rapport Ă la publicitĂŠ Âť

naliste pourra approfondir sa rÊflexion et aller au bout de son projet. Quand Benetton dÊcide de crÊer Colors en 1989 sur le thème de la tolÊrance raciale, ils effectuent un vÊritable travail journalistique. Dans la presse magazine, il y a au contraire, une Ênorme contrainte sur les annonceurs qui entrave le travail des journalistes. Ces derniers ont de vÊritables opportunitÊs de faire des projets ambitieux dans le journalisme de marque, avec bien plus de moyens que dans un mÊdia.

Pascal Somarriba est un ancien publicitaire, reconverti dans le Brand *VU[LU[ SH JYtH[PVU KL JVU[LU\Z WHY KLZ THYX\LZ n KLZ Ă„UZ W\ISPJP[HPYLZ Après avoir remodelĂŠ l’image de MTV, Benetton ou encore Canal+, il crĂŠe ZH WYVWYL LU[YLWYPZL ! =PH (S[LYUH[P]H 9LUJVU[YL H]LJ \U OVTTL X\P JYVP[ H\ ­ QV\YUHSPZTL KL THYX\L ÂŽ Propos recueillis par Julie Lacourt et Charles JĂŠgou

20 z SCOOP 2013

,Z[ JL X\ÂťPS ` H \U WYVĂ„S [`WL KL journalistes pour exercer ce mĂŠtier ? Non, il n’y a pas de profil type de journalistes mais ils doivent sans cesse innover. Or, dans les entreprises, diffĂŠrents types de problèmes surviennent. Il y a bien sĂťr un souci ĂŠthique qui intervient. Mais il se pose aussi dans les mĂŠdias. Si un journaliste ĂŠcrit un article sur EDF, et qu’il est critique sur le nuclĂŠaire, le problème vis-Ă -vis des annonceurs va se poser aussi.

Pascal Somarriba, avec lui, votre image, c'est du bĂŠton !

ÂŤ Ce mode de communication exclut la publicitĂŠ agressive. Il attire le public en lui offrant un contenu divertissant. Âť

dimension plus intĂŠressante, c’est qu’il rĂŠduit la dimension ÂŤ je vends mon produit Âť en augmentant la dimension ÂŤ d'intĂŠrĂŞt Âť. Ainsi le public pense se retrouver dans une logique de ÂŤ don Âť car le message lui offre du divertissement. 8\LS LZ[ SL ItUtĂ„JL K\ ­ KVU ÂŽ pour l’Êmetteur du message ? C’est le principe du ÂŤ contredon Âť. LĂ oĂš il y avait un rapport mercantile dans le système traditionnel de la publicitĂŠ, le Brand entertainment n'impose aucun ĂŠlĂŠment d'achat dans son message. Si j’ai aimĂŠ le message, je vais aimer la marque, ce qui va m’aider Ă acheter le produit. C'est presque de l’amitiĂŠ qui est nouĂŠe avec le spectateur, comme

Photo DR

:JVVW ! 7V\]La ]V\Z KtĂ„UPY SLZ contours du Brand content ? Pascal Somarriba : Le Brand content se compose de deux tendances diffĂŠrentes : le Brand journalism, qui est informatif et ĂŠducatif. Et d’un autre cĂ´tĂŠ, le Brand entertainment, qui est divertissant et ludique. Le Brand content fait ĂŠvoluer notre rapport Ă la publicitĂŠ. Il vient changer les formes d’expression pour s’adapter aux nouveaux mĂŠdias, avec des textes plus ouverts, ou des systèmes de ÂŤ wiki Âť [sites web dont les visiteurs peuvent modifier les pages eux-mĂŞmes - NDLR]. En rĂŠalitĂŠ, la nouveautĂŠ vient du Brand Entertainment, avec la mise en place d’applications, de films humoristiques, de vidĂŠos participatives qui vont interpeler et distraire le public. La vidĂŠo et le jeu ÂŤ Fight for kisses Âť de Wilkinson (marque de rasoirs) en est un bon exemple : un père et un bĂŠbĂŠ s’y battent pour l'attention de la mère. C’est l’idĂŠe de perspective qui importe dans le Brand content. Ce mode de communication exclut la publicitĂŠ agressive. Il attire le public en lui offrant un contenu divertissant. Auparavant, le procĂŠdĂŠ du publi-rĂŠdactionnel (publicitĂŠs sous forme d’articles) venait des bureaux de RP (Relations Publiques). Le message ĂŠtait clair : ÂŤ je vends mon produit en parlant de sujets qui peuvent intĂŠresser Âť. LĂ oĂš le Brand entertainment introduit une

lorsqu’on rentre dans un magasin. La relation peut ĂŞtre sympathique, voire amicale, mais elle reste dans une logique commerciale, le but ĂŠtant de vendre un produit. Cette tendance est-elle nouvelle ? Non la tendance n’est pas nouvelle car les journalistes ĂŠtaient dĂŠjĂ employĂŠs par des entreprises de RP. La nouveautĂŠ vient du fait que les entreprises qui dĂŠveloppent du Brand content emploient eux-mĂŞmes des journalistes pour leur compte. Ils font le mĂŞme travail qu’ils feraient dans un journal avec plus de libertĂŠ. Dans un magazine de marque qui choisit d’aborder une thĂŠmatique particulière, un jour-

+\U WVPU[ KL ]\L KtVU[VSVNPX\L JVTTLU[ JL[[L IYHUJOL K\ journalisme est-elle perçue ? Cela dÊpend du projet car les journalistes sont jugÊs au rÊsultat. Que ce soit dans le cadre du

Photo DR

NOUVEAUX ENJEUX

NOUVEAUX ENJEUX

Extrait du jeu ÂŤ Fight for Kisses Âť de Wilkinson.

D’après une ĂŠtude IPSOS/ ADC, 72 % des internautes consulteraient plus souvent le site d’une marque qui proposerait un contenu ĂŠditorial. 59% des internautes achèteraient davantage les produits de la marque.

Brand journalism ou dans les mĂŠdias classiques, certains sont putassiers, d’autres ne le sont pas. Il y a quelques annĂŠes, quand je parlais du Brand journalism les journalistes me disaient ÂŤ c’est dĂŠgueulasse, tu vas vendre ton âme au diable Âť. Aujourd’hui ils sont plus nuancĂŠs‌ La crise ĂŠconomique a-t-elle MH]VYPZt JL JOHUNLTLU[ KÂťH[[P[\KL & Effectivement, travailler pour des marques est plus lucratif que de faire du journalisme pur et dur. Mais il y a aussi un facteur ÂŤ intĂŠrĂŞt Âť. Par exemple, si un journaliste s’intĂŠresse Ă la condition fĂŠminine, il prĂŠfèrera surement ĂŠcrire pour une entreprise,

LA DÉSINFORMATION DU BRAND JOURNALISM 3L )YHUK QV\YUHSPZT MYHNPSPZL KL WS\Z LU WS\Z SH WYVMLZZPVU KL QV\YUHSPZ[L 3L [LYTL KL ­ QV\YUHSPZTL KL THYX\L ÂŽ ` LZ[ WV\Y ILH\JV\W JHY SL NYHUK W\ISPJ MHP[ KL TVPUZ LU TVPUZ SH KPMMtYLUJL LU[YL \U JVU[LU\ tKP[VYPHSPZt n KLZ Ă„UZ JVTTLYJPHSLZ L[ \U HY[PJSL QV\YUHSPZ[PX\L +L Sn n JL X\L SLZ ZP[LZ KL THYX\L KL]PLUULU[ KLZ TtKPHZ n WHY[ LU[PuYL PS UÂť` H X\Âť\U WHZ 3Âťt[\KL YtHSPZtL WHY 07:6: LU H]YPS KLYUPLY WV\Y SL JVTW[L KÂť(+* (NLUJL +L *VU[LU\ ]H KHUZ JL ZLUZ KLZ PU[LYUH\[LZ PU[LYYVNtZ WHY SÂť0UZ[P[\[ ZVU[ JSPLU[Z YtN\SPLYZ KLZ ZP[LZ KL THYX\L 7S\Z NYH]L KÂťLU[YL L\_ LZ[PTLU[ X\L SLZ JVU[LU\Z X\L JLZ ZP[LZ KPMM\ZLU[ ZVU[ ­ \UL ZV\YJL ZtYPL\ZL KÂťPUMVYTH[PVUZ ÂŽ *LZ JOPMMYLZ ZVU[ WYtVJJ\WHU[Z WV\Y SL QV\YUHSPZTL SL ]YHP *HY SL W\ISPJ JLS\P PU[LYYVNt WHY 07:6: LU [V\[ JHZ JVUZPKuYL X\L SLZ THYX\LZ ZVU[ KLZ TtKPHZ JYtKPISLZ :P SLZ LU[YLWYPZLZ X\P ­ VMMYLU[ ÂŽ KLZ Z\QL[Z KL MVUK VU[ [V\[ PU[tYv[ n IYV\PSSLY SLZ WPZ[LZ L[ WHZZLY WV\Y KLZ LU[P[tZ QV\YUHSPZ[PX\LZ StNP[PTLZ SH MYVU[PuYL LU[YL JVTT\UPJH[PVU L[ QV\YUHSPZTL YLZ[L SH KtVU[VSVNPL 6Y \UL THYX\L UL JOLYJOL WHZ n PUZ[Y\PYL LSSL ]L\[ ]LUKYL \U WYVK\P[ J. L. et C. J.

qui a l’ambition de crĂŠer le plus grand site sur la connaissance des femmes, plutĂ´t que pour un magazine fĂŠminin. Le projet serait quand mĂŞme plus intĂŠressant que de travailler pour Voici. Le Brand journalism appartient-tPS WS\Z H\ TVUKL K\ QV\YUHSPZTL V\ KL SH JVTT\UPJH[PVU & C’est de la communication qui utilise des mĂŠthodes journalistiques. Le but d’un mĂŠdia est de transmettre des informations. Mais il doit aussi se vendre. Partons du principe que Vogue est un magazine superficiel. Soit, mais quand Vogue publie un article sur les femmes dans les camps de concentration en 1944, cela donne un rĂŠsultat très intĂŠressant. De la mĂŞme façon, dans le Brand journalism, c’est le projet qui rend le travail journalistique attrayant ou pas. *ÂťLZ[ KVUJ \UL HZZVJPH[PVU KLZ KL\_ & Il ne faut pas avoir d’a priori. Si une marque propose Ă un journaliste un projet passionnant, il devra l’analyser pour ce qu’il est. Dans l’hypothèse oĂš un reporter qui aurait Fox News en aversion se verrait proposer un projet exaltant par cette chaĂŽne, il aurait tout intĂŠrĂŞt Ă accepter. Cela ne serait pas pire que de travailler pour Lagardère qui est prĂŠsent dans le domaine de l’armement... „ SCOOP 2013 z 21


NOUVEAUX ENJEUX

NOUVEAUX ENJEUX

Journaliste, augmente-toi ! La rÊalitÊ augmentÊe s’invite dans notre vie. Mêlant le virtuel au rÊel, cette technologie change profondÊment les usages du quotidien. Pour certains, le journalisme doit emprunter cette voie et  s’augmenter  s’il veut continuer à exister. Mathieu Brancourt

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Une rĂŠvolution qui doit en entraĂŽner une autre : celle du travail des journalistes eux-mĂŞmes.

Mutation des usages, mutation du mÊtier Les mÊdias traditionnels ne sont plus les seuls canaux d’information pour les citoyens.

ÂŤ ĂŠtre smart, mobile et social Âť

L’Êmergence des rÊseaux sociaux a crÊÊ des millions de nouveaux  journalistes , rapporteurs de l’actualitÊ. Les professionnels se voient dÊpossÊdÊs de leur rôle hÊgÊmonique d’intermÊdiaire privilÊgiÊ des acteurs politiques et Êconomiques. Pouvoir crÊer du contenu additionnel compatible

ÂŤ Riche, soignĂŠ et interactif, le reportage fascine et offre une nouvelle expĂŠrience de lecture Âť

SNOW FALL PEUT-IL FAIRE BOULE DE NEIGE ?

Venienectem evelitibus earum accum re si res ad mi, se latem. Gias sum ut qui optiur? Qui blaciminciur aboribusci nectis non eos restrum simaximeniet essum lis reperre

Faire entrer le journaliste dans une ère multidimensionnelle oÚ textes, images et animations graphiques s'enchevêtrent.

Š Photo Kahina Boudarène

E

ssayer des lunettes devant son ĂŠcran d’ordinateur ou se promener devant un musĂŠe et le voir tel qu’il ĂŠtait plusieurs siècles auparavant, voici les extra-ordinaires possibilitĂŠs offertes par la rĂŠalitĂŠ augmentĂŠe. Cette technique permet de superposer des donnĂŠes virtuelles (2D ou 3D) Ă une perception rĂŠelle de la rĂŠalitĂŠ. Ă€ la clĂŠ, une myriade d’applications permettant d’offrir une valeur ajoutĂŠe numĂŠrique Ă notre environnement. L’innovation est aujourd’hui utilisĂŠe dans de nombreux domaines, du marketing Ă la culture, en passant par le journalisme. Mais Ă quoi cela peut-il donc ressembler ? En mars dernier, Ouest France a proposĂŠ Ă ses lecteurs de tĂŠlĂŠcharger une application pour tĂŠlĂŠphone permettant de visualiser des contenus VSpFLÂżTXHV HQ WURLV GLPHQVLRQV ,QVtantanĂŠment, une silhouette ĂŠmerge du journal papier classique. Autre idĂŠe, imaginĂŠe par un quotidien japonais : proposer une ĂŠdition ÂŤ jeunes Âť. Partant du constat que l’information est parfois trop complexe pour les enfants, ils ont fait appel Ă une agence pour dĂŠvelopper une application. D’un simple survol du papier, l’article classique pivote et laisse place Ă une version VLPSOLÂżpH HW DVVRUWLH GÂśDQLPDWLRQV 3D. Dans un contexte de crise de la presse, il faut rivaliser d’imagination pour rester attractif. Dans son essai A-t-on encore besoin des journalistes ? Manifeste pour un journalisme augmentĂŠ, Eric Scherer, analyste des mĂŠdias, plaide pour ce journalisme ÂŤ enrichi de toutes les nouvelles extraordinaires possibilitĂŠs offertes par cette rĂŠvolution de l'information numĂŠrique Âť.

avec les nouveaux modes de consommation de l’information, c’est donc l’un des nouveaux grands enjeux du mÊtier. Le rÊdacteur doit pouvoir apporter un  plus  à l’immense manne de donnÊes qui circulent sur la toile. Les nouvelles gÊnÊrations n’attendent plus des journalistes de traiter d’une actualitÊ, mais de la trier, l’analyser, l’enrichir, voire la personnaliser selon les supports. VidÊo, infographie animÊe ou portfolio photographique, tous les outils disponibles doivent servir à s’extraire du seul fait brut. Éric Scherer le rÊsume en trois qualitÊs indispensable pour rÊussir le pari d’un journalisme renouvelÊ :  être smart, mobile et social . À nous de jouer. „

Un vĂŠritable bijou graphique et ĂŠditorial. En publiant sur son site internet, le 20 dĂŠcembre dernier, une nouvelle façon de concevoir le reportage, le New York Times a frappĂŠ un grand coup. Snow Fall, avalanche Ă Tunnel Creek, qui narre les mĂŠsaventures de skieurs pris dans une avalanche lors d’une expĂŠdition, est un aperçu des possibilitĂŠs d’immersion du lecteur grâce aux outils numĂŠriques. La catastrophe, qui a eu lieu en fĂŠvrier 2012 dans la barrière rocheuse de l’Etat de Washington, a coĂťtĂŠ la vie Ă cinq alpinistes. En six chapitres d’un rĂŠcit haletant, Snow fall offre interviews des protagonistes ou de spĂŠcialistes du phĂŠnomène neigeux, la dĂŠcouverte du parcours prĂŠcis des alpinistes et de l’avalanche par plusieurs animations 3D du massif ou encore un portfolio photo des alpinistes prĂŠsents lors de cet ĂŠvĂŠnement tragique. Riche, soignĂŠ et interactif, le reportage fascine et offre une nouvelle expĂŠrience de lecture. Sur le site, Snow fall est devenu une vitrine du savoir-faire de la rĂŠdaction et a attirĂŠ beaucoup de nouveaux lecteurs. D’après le New York

Times, ÂŤ jusqu’à 22 000 utilisateurs consultaient Snow Fall en mĂŞme temps. Entre un quart et un tiers d’entre eux ĂŠtaient de nouveaux visiteurs de nytimes. com. Âť Un beau cadeau de NoĂŤl qui ZLYH OtSHZ KPMĂ„JPSL n YLWYVduire. La rĂŠalisation de cette bombe du net a nĂŠcessitĂŠ 17 personnes, pendant près de six mois. C’est long, d’une durĂŠe comparable au fameux reportage d’Albert Londres au bagne de Cayenne en 1923, et d’un coĂťt prohibitif pour nombre de mĂŠdias. Les publicitĂŠs, intercalĂŠes dans l’article, montrent que la monĂŠtisation se fait au dĂŠtriment de l’esthĂŠtisme lĂŠchĂŠ. (\ Ă„UHS JL WYVQL[ PUUV]HU[ KL journalisme augmentĂŠ reste KPMĂ„JPSLTLU[ ]PHISL KHUZ SH conception actuelle du web, rapide et peu chère. Un brillant Ă…VJVU U\TtYPX\L X\P JYPZ[HSSPZL SLZ KtĂ„Z KL SH WYLZZL LU SPNUL KL demain. Mathieu Brancourt Le projet Snow Fall est consultable sur : www.nytimes.com/projects /2012/snow-fall/

SCOOP 2013 z 23


DOSSIER ÉCO

DOSSIER ÉCO

Presse ĂŠcrite et web :

 je t’aime, moi non plus  La forteres se Gutenberg vacille sous les coups de boutoir du web.

Internet : Ă quoi jouent les pure players ?

L’apparition du numÊrique ZPNUPÄL [ LSSL SH KPZWHYP[PVU du papier ?

La presse papier est fortement bousculĂŠe par l’arrivĂŠe en masse des sites web, notamment des pure players. Ces derniers misent sur leurs atouts (accessibilitĂŠ, simplicitĂŠ, rapiditĂŠ et ĂŠventuellement gratuitĂŠ) pour attirer les lecteurs. Certains font le choix de la gratuitĂŠ et d’autres, comme Mediapart, prĂŠfèrent s’appuyer sur les abonnements. Le Web a aussi recours Ă des TVKLZ KL Ă„UHUJLTLU[ WHY[PJ\SPLYZ Ils utilisent le ÂŤ modèle participatif Âť, ĂŠgalement appelĂŠ ÂŤ crowdfunding Âť pour dĂŠvelopper leurs projets. 24 z SCOOP 2013

Pourtant, face Ă cette rude concurrence, les magazines font preuve d’imagination. Ils dĂŠploient leurs armes secrètes pour rivaliser avec les nouveaux venus. De plus en plus de quotidiens, y compris rĂŠgionaux sont en rĂŠel danger et certains disparaissent. Symbole de ce marasme, Ouest France, le quotidien le plus vendu de l’Hexagone, est lui aussi touchĂŠ. Presse papier ou presse web, partout la guerre fait rage. Objectifs : pour les uns survivre, pour les autres conforter leur position ou leur leadership. Lucie Alegre

Photo Š Thibaut Carage

France Soir :  L’arrêt brutal d’une aventure.  L’an dernier, Pierre Albert Ruquier a pris en charge le projet numÊrique de France Soir. Ce pionner du numÊrique s’exprime sur l’Êpisode France Soir.  Le site existait dÊjà lorsque le papier fonctionnait. Le propriÊtaire Alexandre Pugatchev a arrêtÊ le format papier et s’est consacrÊ essentiellement au format web. Le site vivait mais le propriÊtaire a dÊcidÊ de ne plus financer le projet, ce qui a provoquÊ l’arrêt brutal de cette aventure.  L. A.

3L /\MĂ„UN[VU 7VZ[ 9\L 4LKPHWHY[ 6^UP 4`L\YVW ,SLJ[YVU 3PIYLÂŻ +LW\PZ JLZ W\YL WSH`LYZ VU[ KtIHYX\t Z\Y UVZ tJYHUZ H]LJ KLZ TVKuSLZ tJVUVTPX\LZ HS[LYUH[PMZ 4HPZ Vƒ LU ZVU[ JLZ ­ [Y\ISPVUZ ÂŽ K\ ^LI H\QV\YKÂťO\P & ChloĂŠ Emmanouilidis vec le XXIe siècle la presse papier est entrĂŠe dans une nouvelle ère, celle du numĂŠrique. Les pure players, rĂŠpondent aux nouvelles attentes des consommateurs. En plus de la diffusion de l’actualitĂŠ, ces sites offrent des points de vue, des commentaires mais aussi la possibilitĂŠ pour tout un chacun de participer Ă l’information. Rue89 l’a bien compris dès son lancement en 2007. Ce pionnier de la presse internet place le participatif au cĹ“ur de son projet en produisant une information Ă trois voix: journalistes, experts et internautes.

A

Les limites du modèle publicitaire CĂ´tĂŠ modèle ĂŠconomique, Rue89 est depuis sa crĂŠation entièrement gratuit et financĂŠ par la publicitĂŠ sur le site et sur sa version papier. Ce pure player utilise la Š VWUDWpJLH GH GLYHUVLÂżFDWLRQ ÂŞ ,O propose une offre de formation aux journalistes (20 % du chiffre d’affaires) et des services d’agences web comme le dĂŠveloppement de sites pour d’autres clients (15 % du chiffre d’affaires). NĂŠanmoins, le Š EXVLQHVV PRGHO ÂŞ DOOLDQW JUDWXLWp et publicitĂŠ a ses limites. Avec 400 000 euros de pertes en 2011, Rue89 a ĂŠtĂŠ rachetĂŠ par le Nouvel

Observateur. Si pour les uns, cette ĂŠtape prouve le succès de l’interaction en ligne, pour les autres elle reprĂŠsente une perte d’indĂŠpendance, une faillite du ÂŤ tout graWXLW ÂŞ $XWUH PDVWRGRQWH FUpp HQ 2009, le site Owni a dĂŠclarĂŠ ĂŞtre en cessation de paiement en dĂŠcembre 2012. Son modèle ĂŠconomique se fondait sur un accès libre, mais sans publicitĂŠ. La publicitĂŠ n’est donc pas une source de revenu sĂťre. Les espaces publicitaires se vendent bien moins cher sur Internet que sur le papier. Ă€ cela s’ajoute une concurrence fĂŠroce avec l’apparition de nouveaux sites d’actualitĂŠ. La version française du +XIÂżQJWRQ 3RVW, qui profite de son appartenance au groupe AOL, a engrangĂŠ 500 000 VU (Visiteurs Uniques) de plus que Rue89 au mois de juillet 2012 selon MĂŠdiamĂŠtrie Netratings.

Miser sur l’abonnement Gratuits ou payants, les diffĂŠrents sites cherchent encore leur ĂŠquilibre. Mediapart est l’unique pure player Ă avoir misĂŠ sur le modèle payant. Les lecteurs doivent s’abonner pour accĂŠder Ă tous les contenus proposĂŠs. CrĂŠĂŠ en mars 2008, il est parvenu Ă trouver XQ pTXLOLEUH ÂżQDQFLHU GHSXLV RF-

ÂŤ La publicitĂŠ ne rapporte pas Âť Fondateur du site d’actualitĂŠ Electron Libre, Emmanuel Torregano explique les limites du modèle gratuit : ÂŤ Nous avons dĂť quitter nos locaux, cela devenait trop cher. Nos journalistes font du tĂŠlĂŠtravail. Le modèle gratuit n’est pas rentable. La publicitĂŠ ne rapporte pas assez : Electron Libre propose donc aux internautes des abonnements. Âť

tobre 2010. Il rassemble aujourd’hui une trentaine de journalistes et a rĂŠussi le pari de dĂŠpasser les 58 000 abonnĂŠs. Sa marque de fabrique : le traitement de l’information en plusieurs ĂŠpisodes, sous forme de saga (affaires Bettencourt, DSK, Cahuzac). Pour attirer l’auGLHQFH HW SDU FRQVpTXHQW ÂżQDQFHU leur activitĂŠ, les pure players doivent trouver un positionnement clairement identifiĂŠ par les internautes. La première gĂŠnĂŠration de Rue89, MĂŠdiapart, Atlantico et mĂŞme +XIILQJWRQ 3RVW se veut gĂŠnĂŠraliste. La seconde gĂŠnĂŠration, Electron Libre ou Myeurop, innove avec une approche originale, dĂŠcalĂŠe de l’information. Cependant, certains nouveaux pure players ĂŠprouvent de telles GLIÂżFXOWpV ÂżQDQFLqUHV TXÂśLOV VRQW obligĂŠs de rĂŠduire leurs dĂŠpenses : trouver des locaux Ă bas prix, diminuer les salaires, se rĂŠfugier dans le tĂŠlĂŠtravail. MalgrĂŠ les difficultĂŠs qu’ils rencontrent pour ÂżGpOLVHU OHXU DXGLHQFH HW VXLYUH OHXU Š EXVLQHVV PRGHO ÂŞ OHV SXUH players reprĂŠsentent aujourd’hui l’avant-garde des nouveaux modes de fonctionnement de la presse. Une position que beaucoup leur envient. „ SCOOP 2013 z 25


DOSSIER ÉCO

DOSSIER ÉCO

Les nouveaux ma gazines leurs secrets, les rÊussite s originales, les reprises Face à la crise, la presse magazine rÊsiste mieux dans l'ensemble que les journaux quotidiens et hebdomadaires. NÊanmoins, la tendance est à la baisse des ventes. Pourtant, des titres rÊcents parviennent à tirer leur Êpingle du jeu. Si certains se contentent de reprendre des concepts existants, d'autres misent rÊsolument sur une ligne Êditoriale novatrice. Après les avoir passÊs au scanner, Scoop analyse les raisons du succès de cinq magazines. Charles Lafon

26 z SCOOP 2013

Snatch, l’esthète

Neon, le mastodonte

So Foot, le prĂŠcurseur So Film, le frangin

Causette, le fĂŠministe

L’histoire Comme beaucoup d’autres, l’aventure Snatch a commencÊ par un gratuit. Le rÊdacteur en chef, Vincent Desailly, photographe de profession, s’entoure d’une Êquipe composÊe majoritairement KL QL\ULZ KPWS TtZ KL SH ÄSPuYL QV\YUHSPZTL KL Sciences-Po Paris pour noircir les pages. Le KPMÄJPSL WHZZHNL n \UL ]LYZPVU WH`HU[L ZLZ[ MHP[ au mois de mars 2010 avec un bimensuel vendu L\YVZ (WYuZ [YVPZ HUZ KL_PZ[LUJL Snatch, dÊsormais vendu 4,90 euros, s’est rÊinventÊ en 2013 avec une nouvelle maquette et un nouveau logo. Ses activitÊs se sont Êgalement dÊveloppÊes avec la confection de magazines pour le site de crowdfunding KissKissBankBank et la marque de vêtement BWGH, ou l’organisation de soirÊes.

L’histoire Il y a les magazines crĂŠĂŠs avec les copains, financĂŠs par la famille et qui se battent avec l’imprimeur. Et puis il y a Neon. CrĂŠation du groupe Prisma MĂŠdia, il est l'adaptation française de la revue allemande ĂŠponyme, lancĂŠe par GrĂźner + 1HOY SH THPZVU TuYL KL 7YPZTH =PL\_ KL IPLU[ [ KP_ HUZ SL Neon [L\[VU [PYL H\QV\YK O\P n L_LTWSHPYLZ 7YPZTH Z LZ[ Ă„_t \U VIQLJ[PM KL L_LTWSHPYLZ WV\Y ZVU OVTVSVN\L MYHUsHPZ SHUJt SÂťHU KLYUPLY 9HPZVUUHISL X\HUK VU PU]LZ[P[ WS\Z KL trois millions d’euros dans le projet. Ă€ 3,50 euros SL THNHaPUL SH Ă„YTL LZWuYL H[[LPUKYL SÂťtX\PSPIYL KHUZ [YVPZ HUZ 3H YtKHJ[PVU LU JOLM H t[t JVUĂ„tL n 6SP]PLY *HYWLU[PLY X\P VJJ\WHP[ KtQn SL TvTL WVZ[L H\ THNHaPUL ZJPLU[PĂ„X\L Ça m’intĂŠresse, lui aussi dans le giron Prisma.

L’histoire Longtemps, la presse spĂŠcialisĂŠe dans le football se limitait Ă des titres comme Onze Mondial ou France Football. Mais ça, c’Êtait avant. So Foot est lancĂŠ le 31 mars 2001, après deux numĂŠros test. Un pari un peu fou de ses crĂŠateurs, Franck Annese, Guillaume Bonamy et Sylvain HervĂŠ, alors tous ĂŠtudiants Ă l’ESSEC : ÂŤ Un soir, on s'est dit : et si on faisait un magazine de foot, qui ne ressemble pas Ă un magazine de foot ? Âť explique Franck, aujourd’hui Ă la tĂŞte d’une ĂŠquipe de trente personnes. Presque douze ans plus tard, le mensuel, sans concessions ni parti pris, a su s’imposer. LancĂŠ avec seulement 450 euros de capital de dĂŠpart, So Foot et ses 45 000 exemplaires par mois, dont 10 000 abonnĂŠs contribuent aujourd’hui en grande partie aux quelques trois millions d'euros de chiffre d'affaires rĂŠalisĂŠs par la maison mère So Press.

L’histoire LancĂŠ dans un relatif anonymat en mars 2009, Causette se veut Ă l’exact opposĂŠ des canons des classiques fĂŠminins, ÂŤ en ne prenant pas les femmes pour des quiches Âť. Ironiquement, on retrouve deux hommes derrière ce postulat : GrĂŠgory Lassus-Debat et Gilles Bonjour, tout juste sexagĂŠnaires Ă eux deux. Ils ont dĂť racler les fonds de tiroir pour se lancer, mais force est de constater que l’aventure est un succès. Les tirages, reconnus par l’OJD, se stabilisent aux alentours de 110 000 exemplaires en 2012, avec une pointe Ă 140 000 Ă l’occasion du numĂŠro anniversaire. Logiquement, les consĂŠcrations pleuvent. Reconnu ÂŤ publication d'information politique et gĂŠnĂŠrale Âť, le titre a ĂŠtĂŠ ĂŠlu ÂŤ meilleur magazine de Presse Âť de l'annĂŠe par le jury du Grand Prix des MĂŠdias de CBNEWS.

L’idÊe *VTTL ZVU PUZWPYH[PVU SL ÄST KL .\` 9P[JOPL Snatch SL THNHaPUL MHP[ SH WHY[ ILSSL H\_ KPHSVN\LZ avec une prÊfÊrence pour l’interview et le reportage. (PUZP n SPU]LYZL KL JLY[HPULZ W\ISPJH[PVUZ SLZ [L_[LZ UL ZVU[ WHZ YtK\P[Z JVTTL \UL WLH\ KL JOHNYPU ,[ \UL ]VSVU[t HMÄJOtL KPJVUVJSHZ[PL ! Booba, Charles Pasqua et Tom Hardy se sont, WHY L_LTWSL Z\JJtKtZ n SH \UL „

L’idĂŠe +LZ[PUt H\_ HUZ Neon est surtitrĂŠ ÂŤ soyons sĂŠrieux, restons allumĂŠs Âť. Il revendique ÂŤ un traitement ĂŠditorial novateur Âť avec de ÂŤ vraies enquĂŞtes, des articles longs, rythmĂŠs par des brèves insolites Âť, selon son rĂŠdacteur en chef, 6SP]PLY *HYWLU[PLY <UL NYHUKL WSHJL LZ[ SHPZZtL H\_ [LZ[Z WHY SLZ YtKHJ[L\YZ L[ H\_ [tTVPNUHNLZ „

L’idĂŠe La règle des 3 H, chère Ă son fondateur : ÂŤ humour, humain, histoire Âť. Un ton incisif, inclassable, et un contenu ĂŠditorial de qualitĂŠ font mouche auprès des lassĂŠs du footballistico-footballistique et de ZLZ Z[H[PZ[PX\LZ n UÂťLU WS\Z Ă„UPY „

L’histoire Fort du succès de So Foot, ses tĂŞtes pensantes se sont adjointes les services de Capricci, ĂŠditeur de livres et de DVD, ĂŠgalement producteur et distributeur, pour lancer So Film. Aux cĂ´tĂŠs des Ă„KuSLZ KL SÂťHzUt VU YL[YV\]L KHUZ \U JVTP[t KL rĂŠdaction plĂŠthorique des anciens des Cahiers du cinĂŠma. Parmi eux, Emmanuel Burdeau, son avant-dernier rĂŠdacteur en chef, CĂŠdric Anger ou HervĂŠ Aubron, et pour les plus anciens, Louis Skorecki et Luc Moullet. Le tout sous le contrĂ´le de Thierry Lounas, directeur de la rĂŠdaction, et du rĂŠdacteur en chef Marc BeaugĂŠ, ex-Inrocks, en charge ĂŠgalement de So Foot. FĂŠvrier verra la publication du septième numĂŠro de ce mensuel, vendu 4.50 euros. L’idĂŠe Dans la lignĂŠe de l’autre So, So Film entend se libĂŠrer des carcans et ambitionne de ÂŤ raconter le cinĂŠma Âť, ÂŤ Ă travers des rĂŠcits, des reportages, des entretiens hors promo et des rubriques ludiques Âť, comme l’explique le communiquĂŠ de WYLZZL KL SHUJLTLU[ <U WVZ[\SH[ ]tYPĂ„t ! SL JHOPLY critique ne fait que huit pages dans l'avant- dernier numĂŠro.„

L’idÊe  Hommes comme femmes, beaucoup voulurent me convaincre de retourner à mon gloss et à mes sacs à main , tÊmoigne Causette dans un Êdito. Dans ses pages, peu ou pas de publicitÊ et une ligne Êditoriale dÊbarrassÊe des poncifs fÊminins. En somme,  un journal 100 % sans cellulite, paillettes, photos retouchÊes et "it-bag" .„ SCOOP 2013 z 27


DOSSIER ÉCO

DOSSIER ÉCO

Les quotidiens rĂŠgionaux font grise mine

Ouest-France bat de l'aile En 2012 Ouest-France a connu une de ses plus mauvaises annĂŠes depuis 1944. Le quotidien le plus vendu de France a travaillĂŠ Ă perte. Delphine Proust

Alors que la presse nationale continue de souffrir, les champions rĂŠgionaux aussi voient leur diffusion reculer. D. P.

ÂŤQ

RĂŠduction des effectifs $ÂżQ GH IDLUH GHV pFRQRPLHV VXSplĂŠmentaires, le quotidien n’augmentera plus les salaires et rĂŠduira ses effectifs. Des reconversions internes ont ĂŠgalement eu lieu. Ainsi, la typographie fait Ă prĂŠsent partie du travail des secrĂŠtaires de rĂŠdaction, grâce Ă la mise en place d’une maquette semi-automatique. Quant aux typographes, ils ont suivi des formations pour devenir VHFUpWDLUHV GH UpGDFWLRQ $ OD ÂżQ GH l’annĂŠe 2013, plus aucun ne travaillera Ă Ouest-France. NĂŠanmoins, la situation du quotidien n’est pas la pire. ÂŤ Quand j’ai commencĂŠ Ă travailler pour Ouest-France, nous ĂŠtions trois jeunes diplĂ´mĂŠes Ă avoir ĂŠtĂŠ embauchĂŠes en contrat Ă durĂŠe dĂŠterminĂŠe (CDD). Avec Centre-France,

28 z SCOOP 2013

L

Š Delphine Proust

uand Ouest-France se met Ă tousser, tous les journaux rĂŠgionaux sont sĂŠrieusement enrhumĂŠs Âť, estimait de manière presque prophĂŠtique Jean-François LemoĂŽne, l'ancien patron du groupe Sud Ouest, avant sa mort en 2001. L’annĂŠe 2012 a dĂŠmontrĂŠ que ce gĂŠant de la presse française est lui aussi tombĂŠ malade. En effet, ÂŤ le bouclage des comptes fait apparaĂŽtre une perte d’exploitation de 5 millions d’euros, a dĂŠplorĂŠ FrançoisRĂŠgis Hutin, prĂŠsident du quotidien, lors de ses vĹ“ux aux employĂŠs, alors qu’il nous faudrait un bĂŠnĂŠfice d’au moins 10 millions d’euros pour assurer l’avenir Âť. Pour redresser ses finances, le quotidien fondĂŠ en 1944 compte notamment rĂŠduire la pagination et augmenter le prix de vente de ses journaux.

ce journal est le seul à proposer autant de CDD , raconte Marion Justinien, secrÊtaire de rÊdaction à La Roche-sur-Yon. Si Ouest-France peut encore se permettre d’embaucher, c’est parce qu’il demeure le quotidien le plus vendu en France avec 748 394 exemplaires par jour en 2012, selon Oœ2I¿FH GH MXVWL¿FDWLRQ GH OD GLIIXsion.  Nous avons rÊussi à compenser l’effondrement dramatique

MĂŞme si les ventes de Ouest-France ont chutĂŠ de 0,71 %, le titre demeure le plus vendu dans l'hexagone.

des ventes au numĂŠro par une augmentation importante du nombre d’abonnĂŠs Âť, explique FrançoisRĂŠgis Hutin.

748 394 exemplaires par jour Avec un recul de seulement 0,71% de sa diffusion payÊe en France par rapport à 2011, OuestFrance est un des quotidiens dont la baisse des ventes de journaux est OD PRLQV ÀDJUDQWH „

a presse quotidienne rÊgionale est entrÊe dans une spirale infernale. En 2012, seuls deux titres, sur 52 rÊfÊrencÊs par Oœ2I¿FH GH OD MXVWL¿FDWLRQ GH OD diffusion (OJD), ont connu une progression de leurs ventes par rapport à 2011. Les heureux Êlus sont L’Aisne Nouvelle et l’Echo RÊpublicain de Chartes, avec des Êvolutions respectives de 0,67 % et 8,42 %. Pour les autres, la plus faible baisse est de 0,03 % pour Le TÊlÊgramme. La plus forte est de 15,60 %, pour La RÊpublique du Centre.

LibÊration se distingue Pour les quotidiens nationaux, la situation est meilleure : sur quinze quotidiens rÊfÊrencÊs par l’OJD, six ont connu une Êvolution positive en 2012. Aujourd’hui en France est le titre qui se porte le mieux avec une augmentation )''''' (/''''

encore, mettre au point une ĂŠdition pour les tablettes tactiles. Les journalistes de Ouest-France ont conscience que leur aveBien que Ouest-France amasse encore nir se situe probablement dans l’Êvolution 90% de ses revenus grâce Ă son ĂŠdition numĂŠrique du quotidien. ÂŤ Il ne s’agira papier, le quotidien doit dĂŠsormais penser peut-ĂŞtre mĂŞme pas seulement du dĂŠveĂ une transition numĂŠrique. C’est pour- loppement de l'ĂŠdition numĂŠrique, mais quoi, en 2012, des groupes de travail ont d’une mutation, estime RaphaĂŤl Bonamy, t[t TPZ LU WSHJL HĂ„U KL LU[YL H\[YLZ journaliste sportif. Je me demande si dans dĂŠvelopper les revenus du site Internet quelques annĂŠes Ouest-France ne sera et les ventes de versions numĂŠriques, ou pas un quotidien entièrement numĂŠrique. Âť

L'Equipe dimanche en pÊril Quant à la presse du 7 e jour, les rÊsultats sont plutôt mitigÊs, malgrÊ une tendance à la baisse. La plus belle hausse revient à L’Echo RÊpublicain du dimanche avec 12,56 %. Depuis 2007, la diffusion payÊe de L’Equipe Dimanche baisse. Cette annÊe, la chute a atteint 7,27 %, alors que pour les Êditions de la semaine, le recul n’est que de 3,61 %. „

Les quotidiens nationaux spĂŠialisĂŠs dans les courses hippiques sont ceux qui souffrent le plus. Depuis plusieurs annĂŠes, leurs ventes ne cessent de chuter. TiercĂŠ Magazine a connu entre 2011 et 2012, un recul de 10,67 %.

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Depuis avril 2012, La Tribune relance son ĂŠdition papier, disparue quelques mois avant. L’ancien quotidien s’est transformĂŠ en hebdomadaire, qui paraĂŽt tous les vendredis. Les premières ventes ont eu lieu le 13 avril et 100 000 exemplaires ont ĂŠtĂŠ achetĂŠs. Pendant l'arrĂŞt de sa parution, La Tribune informait exclusivement via son site Internet.

LE FIGARO REVOIT SES EFFECTIFS Le Figaro a connu une lĂŠgère progression de ses ventes en 2012 de 1,59 %, selon l’OJD. MalgrĂŠ cela, le quotidien continue de subir une baisse des ventes publicitaires. Le groupe Dassault a donc annoncĂŠ en dĂŠcembre 2012 un plan de ÂŤ dĂŠparts volontaires Âť visant entre 70 et 90 postes au Figaro, pour la première fois depuis 1969. Le but est KL Ă„UHUJLY \U WSHU KÂťPU]LZtissements de 18 millions KÂťL\YVZ HĂ„U KL LU[YL H\[YLZ revoir l’offre du Figaro.fr avec un passage Ă des formules payantes.

PARIS NORMANDIE REPRIS DE JUSTESSE

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UNE LONGUE ET DIFFICILE MUTATION NUMÉRIQUE

de ses ventes de 6,66 %, LibÊration lui emboite le pas avec 5,43 %. Le quotidien fait d’ailleurs exception : depuis 2009 sa diffusion payÊe connaÎt une Êvolution positive. En revanche, les journaux spÊcialisÊs dans les courses hippiques sont ceux qui souffrent le plus. Le TiercÊ Magazine, quotidien malgrÊ son titre, subit la plus forte chute : -10,67 %.

LA TRIBUNE SE REPENSE

Evolution des ventes de certains quotidiens nationaux et rĂŠgionaux entre 2010 et 2012.

Les ventes de Paris Normandie ont chutĂŠ Ă 76 000 exemplaires en 2011, soit 26 % de moins en cinq ans selon l’OJD. En juillet 2012, deux journalistes, Xavier Ellie et Denis Huertas, ont repris la tĂŞte du journal qui ĂŠtait en redressement judiciaire depuis Ă„U Mt]YPLY KL SH TvTL HUUtL NĂŠanmoins 85 emplois ont ĂŠtĂŠ supprimĂŠs sur 357, soit 24 % des effectifs. Les repreneurs espèrent que cela permettra un retour Ă l’Êquilibre, sans toucher Ă l’imprimerie ni aux huit ĂŠditions.

SCOOP 2013 z 29


DOSSIER ÉCO

DOSSIER ÉCO

Crowdfunding : un concept de fonds

ÂŤ Une alternative au Ă„UHUJLTLU[ JSHZZPX\L ÂŽ

Finis les reportages Ă l’Êtranger refusĂŠs en confĂŠrence de rĂŠdaction faute de budget ? Les plateformes en ligne de crowdfunding permettent KtZVYTHPZ H\_ QV\YUHSPZ[LZ L[ H\_ VYNHULZ KL WYLZZL KL YLUĂ…V\LY SL\YZ caisses, grâce Ă la contribution des lecteurs et spectateurs. Justine Knapp

 On est chefs de gare, mais vous contrôlez les billets...  Journalistesvoyageurs, Sarah et Manu prendront place à bord du TranssibÊrien le 11 fÊvrier prochain, grâce aux dons de leurs 84 KissBankers. Justine Knapp

30 z SCOOP 2013

Sur KissKissBankBank, 5 % des projets journalistiques atteignent leur objectif sur l’ensemble des productions proposÊes en ligne.

maison, oÚ les lecteurs-contributeurs participent à la ligne Êditoriale :  Paulette n’impose rien, elle propose. Et surtout, elle prend en compte l’avis de chacun, du choix des sujets jusqu’à la rÊalisation du magazine, prÊsentÊ sous une esthÊtique graphique originale et hyper crÊative  rÊsume la rÊdaction en guise de prÊsentation.

Communication gratuite 'pEXW GpMj OD SODWHIRUPH de dons pour la presse en ligne Jaimelinfo.fr se prĂŠsentait comme XQH DOWHUQDWLYH DX[ ÂżQDQFHPHQWV journalistiques. Les investissements permettent aujourd’hui de dĂŠvelopper un journalisme de qualitĂŠ sur internet. ÂŤ Beaucoup de sites comme Rue89 ont bâti une FRPPXQDXWp GH OHFWHXUV ÂżGqOHV, explique Ă l’AFP Laurent Mauriac, prĂŠsident de Jaimelinfo. Celle-ci peut trouver de l'intĂŠrĂŞt Ă particiSHU j OD FRQVWUXFWLRQ GX PRGqOH ĂŠconomique. Âť Cela dit, la solution miracle pour maintenir les rĂŠdac-

tions hors de l’eau ne rÊside pas dans les Êtrennes des internautes :  Il ne faut pas fantasmer, prÊvient Laurent Mauriac. La clÊ de la rÊusVLWH F HVW G DYRLU XQ PRGqOH pFRnomique fondÊ sur plusieurs sources de revenus.  Le crowdfunding est avant tout un bon moyen de se faire connaÎtre. Les techniques sont issues des mÊdias sociaux : mobiliser un premier cercle d’amis, qui va lui-même atteindre un second, plus large.  Par une suite logique, plus un projet est ILQDQFp SDU OHV GHX[ SUHPLqUHV communautÊs, plus il aura de YLVLELOLWp SRXU XQ WURLVLqPH cercle : les internautes inconnus et les mÊdias , dÊcrypte Vincent Ricordeau, co-fondateur de KissKissBankBank. Une campagne de communication gratuite, non nÊgligeable à l’heure oÚ obtenir la diffusion ou la publication d’un simple article, d’un reportage ou d’une enquête n’est pas chose aisÊe. „

:\Y SH WSH[LMVYTL de crowdfunding KissKissBankBank, les internautes ont dĂŠcouvert il y a plus KÂť\U TVPZ SL WYVQL[ KL ^LI KVJ\TLU[HPYL consacrĂŠ Ă la vie quotidienne Ă bord KL SH T`[OPX\L SPNUL transcontinentale russe. 6ƒ KVYTLU[ SLZ passagers ? *VTTLU[ ZL SH]LU[ [ PSZ & 8\L THUNLU[ PSZ & Est-il possible d’avoir KL SÂťPU[PTP[t & 3H QV\YUHSPZ[L KL HUZ et son acolyte ont rĂŠcoltĂŠ WYuZ KL L\YVZ WV\Y YtWVUKYL LU PTHNL aux interrogations de leurs spectateurs contributeurs. Une opportunitĂŠ inenvisageable sans SL Ă„UHUJLTLU[ participatif. :JVVW ! =V[YL VIQLJ[PM KL KtWHY[ KL L\YVZ H t[t H[[LPU[ H]LJ QV\YZ KÂťH]HUJL JVTTLU[ L_WSPX\La ]V\Z ce succès ? 6DUDK ,O D IDOOX WRXW GÂśDERUG SURSRVHU XQ SURMHW FRQFUHW DX[ LQWHUQDXWHV 1RXV DYRQV PLV OÂśDFFHQW VXU OH ZHEGRF TXL VÂśLQVFULW GDQV OH SURMHW /RQJV &RXUULHUV SOXV ODUJH /H SDUFRXUV j ERUG GX 7UDQVVLEpULHQ HVW HQ UpDOLWp OD SUHPLqUH SDUWLH GÂśXQ WRXU GX PRQGH MRXUQDOLVWLTXH R QRXV pFULURQV SOXVLHXUV UHSRUWDJHV HQ FKHPLQ 3RXU

Pourquoi avoir choisi l’option du crowdfunding ? Il est Êvident que les mÊdias gÊnÊralistes et les sites Internet ne ¿QDQFHQW SOXV FH JHQUH GH SURMHWV MRXUQDOLVWLTXHV HW LO HVW GLI¿FLOH GH WURXYHU GHV SDUWHQDLUHV SULYpV ,O IDOODLW WURXYHU XQH DOWHUQDWLYH 1RXV FRPSWLRQV SDUWLU GH WRXWH PDQLqUH PDLV VDQV .LVV.LVV%DQN%DQN OD GpPDUFKH DXUDLW pWp PRLQV DPELWLHXVH 2Q VH VHUDLW RULHQWp YHUV XQ GLDSRUDPD SKRWR SDU H[HPSOH *UkFH j OD FROOHFWH QRXV DYRQV SX ¿QDQFHU OœpTXLSHPHQW SKRWR YLGpR HW HQJDJHU XQ ZHEGHVLJQHU (W ELHQ pYLGHPPHQW OD SXEOLFDWLRQ GH QRWUH SURMHW QRXV D SHUPLV GH PHVXUHU OœLQWpUrW TXœLO SRXYDLW VXVFLWHU

Š Longs Courriers

Les formats journalistiques les plus proposĂŠs

Š Sciences Po

U

n magazine spĂŠcialisĂŠ dans le Drag Racing (course d’accĂŠlĂŠration), un reportage sur un collectif artistique protestataire Ă Moscou, ou un documentaire sur les hackers dans les pays arabes : autant de projets qui verront peutĂŞtre le jour grâce aux plateformes de crowdfunding. D’abord dĂŠveloppĂŠes dans le secteur de la crĂŠation, de la musique en particulier, les FDPSDJQHV GH ÂżQDQFHPHQW SDU OD foule (traduction pour crowdfunding) s’Êtendent Ă divers domaines. Au journalisme notamment. Le principe de base est simple : prĂŠsenter son projet et organiser une FROOHFWH DSUqV DYRLU Âż[p XQH VRPPH et un dĂŠlai. Actuellement, le crowdIXQGLQJ DIÂżFKH GH FURLVVDQFH annuelle. Les projets sont les prePLHUV EpQpÂżFLDLUHV GH FH VXFFqV en moyenne un sur deux aboutit. Les sites français KissKissBankBank, Ulule et My Major Company ont dĂŠsormais intĂŠgrĂŠ dans leur pagination l’onglet journalisme, preuve de l’ampleur du phĂŠnomène dans le mĂŠtier. Une aubaine pour la nouvelle gĂŠnĂŠration de journalistes, freinĂŠe par les restrictions ĂŠconomiques. Sur .LVV.LVV%DQN%DQN GHV SURjets journalistiques atteignent leur objectif sur l’ensemble des productions proposĂŠes en ligne. La plupart des inscrits sont indĂŠpendants et SURÂżWHQW GX V\VWqPH SRXU ÂżQDQFHU leur reportage Ă l’Êtranger ou leur matĂŠriel. D’autres sont plus ambitieux, Ă l’instar de Paulette Magazine, premier titre de presse participatif. Il a fait son entrĂŠe en kiosque dĂŠbut fĂŠvrier grâce Ă sa FROOHFWH GH SUqV HXURV VXU My Major Company. Un magazine

Sarah entame un tour du monde journalistique en fĂŠvrier.

FRQYDLQFUH OH PD[LPXP GH .LVV%DQNHUV QRXV DYRQV FRPPHQFp SDU pFULUH XQH SUpVHQWDWLRQ pFULWH HW YLGpR GX SURMHW 3HQGDQW FLQT MRXUV LO QH VÂśHVW ULHQ SDVVp -H PH VXLV GLW TXH FÂśpWDLW FXLW 3RXUWDQW MÂśpWDLV WUqV DFWLYH VXU OHV UpVHDX[ VRFLDX[ MH PH VXLV HIIRUFp GH UHQGUH WRXW oD VH[\ FRPPH MÂśDL HX OÂśKDELWXGH GH OH IDLUH HQ WDQW TXH MRXUQDOLVWH ZHE DX 'DXSKLQp /LEpUp (W SXLV OHV GRQV RQW FRPPHQFp j VH PXOWLSOLHU $SUqV OD GpSULPH GX GpEXW FÂśpWDLW OÂśHXSKRULH

ÂŤ Grâce Ă la collecte, nous avons pu financer l’Êquipement photo/vidĂŠo et engager un webdesigner Âť

3L ÄUHUJLTLU[ WHY[PJPWH[PM reprÊsente-t-il l’avenir du reportage ? 3RXU GHX[ MRXUQDOLVWHV LQGpSHQGDQWV SDV V€U ,O \ D XQH ERQQH SDUWLH GHV GRQV TXL UHOqYHQW GHV OLHQV DPLFDX[ HW IDPLOLDX[ 3OXVLHXUV SHUVRQQHV RQW FRQWULEXp j QRWUH SURMHW SDUFH TX LOV PH FRQQDLVVHQW &HOD GLW FœHVW XQH EHOOH H[SpULHQFH KXPDLQH &HUWDLQV GH QRV GRQDWHXUV QRXV RQW HQFRXUDJpV GœDXWUHV QRXV RQW FRQVHLOOpV SDUFH TXœLOV DYDLHQW GpMj HQWUHSULV FH YR\DJH 'X FRXS QRXV DYRQV OD VHQVDWLRQ GœHPPHQHU QRV .LVV%DQNHUV DYHF QRXV 'œDLOOHXUV FKDFXQ UHFHYUD XQH FDUWH SRVWDOH XQH SKRWR RX XQ VRXYHQLU HQ IRQFWLRQ GX PRQWDQW GH OHXU GRQ $X ILQDO VL OH ZHE GRFXPHQWDLUH VœDYqUH UpXVVL LOV VHURQW ¿HUV GH YRLU OHXU QRP DX JpQpULTXH HW DXURQW SOXV WHQGDQFH j FRQWULEXHU j GœDXWUHV SURMHWV „ SCOOP 2013 z 31


JOB ATTITUDE

JOB ATTITUDE

Personal branding : les règles du JE Faire de son nom une marque, c'est le principe du personal branding. Un concept qui, avec l’essor des réseaux sociaux, a pris de l’ampleur au sein de la communauté journalistique. Mais dans un métier qui suggère un fort esprit d’équipe, le personal branding n’est-il pas un comportement parasite ?

« La plupart des gens ne se précocupent pas de savoir si l'info est bonne, ce qui compte c'est de la sortir en premier. » Marlène Ouest France

L

es premières traces de l’expression personal branding remontent à 1997. Un autre âge, surtout pour le journalisme. À l’époque on n’avait pas, ou peu, d’Internet. À l’époque on ne tweetait pas, on ne likait pas, on écrivait encore sur des claviers bruyants, couleur taupe. Pourtant, en 1997, dans un de ses articles paru dans le magazine Fast Company, l’essayiste américain Tom Peters titrait déjà “The Brand called you” (“La marque vous a appelé”). L’idée ? Le journaliste est sa propre marque, un électron libre parmi d’autres électrons qui ne travaillent que pour euxmêmes. “Nous sommes les PDG de nos propres compagnies”, déclarait-il.

Image de marque Aujourd’hui l’idée de « journaliste-marque » a fait son chemin. À un point tel que les mots de Tom Peters résonnent comme une prophétie. Il faut dire qu’avec l’essor d’internet, les outils d’auto-promotion ne m a n q u e n t p a s : Tw i t t e r, Facebook, LinkedIn, autant de sésames indispensables pour le journaliste avide de célébrité. «Depuis 2006, j’ai noté un vrai changement avec l’apparition

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des réseaux sociaux, confie Benjamin Muller, journaliste pour Europe 1. Internet est une formidable machine pour qui veut développer son image de marque : dès qu’on passe à la télé, on l’annonce sur son compte Twitter, dès qu’on écrit un article on le publie sur Facebook avec son nom bien en évidence. » De fait, le phénomène a tellement explosé qu’il est aujourd’hui difficile pour un journaliste de se passer des réseaux sociaux, ne serait-ce que pour obtenir de l’information. Selon Marlène K., jeune journaliste pour Ouest France, la situation s’explique aussi par le contexte économique. « Le journalisme est un milieu extrêmement concurrentiel, rappelle-t-elle. Il faut savoir tirer son épingle du jeu. D’où l’importance du personal branding. » L’importance du personal branding, certains opportunistes ont su la reconnaître et la transformer en affaire qui marche. Personalbranding.fr, blogpersonalbranding.com, personalbranding.unblog.fr, entre autres, proposent au journaliste en quête de promotion d’améliorer sa visibilité sur le net et de se créer un réseau. Selon Fadhila Brahimi,

© Kahina Boudarène

Matthieu Carlier

Ces dernières années, le personal branding est devenu un facteur-clé dans le milieu du journalisme.

« Dès qu'on passe à la télé, on l'annonce sur son compte Twitter, dès qu'on écrit un article on le publie sur Facebook avec son nom bien en évidence. » Benjamin Muller, Europe 1

créatrice d’un site de personal branding, la demande a doublé en un an, surtout chez les journalistes. « Pour échapper à l’oubli, il faut sans cesse être au fait de l’innovation », clame-t-elle sur son blog.

Faire le buzz Mais quid de l’esprit d’équipe ? La compagnie passe après l’homme, répondait en substance Tom Peters. « Certains n'ont qu'une envie, c'est de mettre leur tête à la télé, peu importe où et peu importe le sujet abordé », déplore Arnaud Hermant, journaliste sportif au Parisien. Marlène K. note de son côté : «Avec le web, on a assisté à l’explosion du « moi je ». Quand un journaliste a une info, il la twitte sous son nom. Dans ce cas, il n’a qu’à se mettre en freelance, ça réglerait le problème.» Benjamin Muller a quant à lui décidé de supprimer son compte

Twitter l’année dernière. Il avait pourtant plus de 13 000 followers, un gage de succès. Mais pour lui, Twitter est devenu une activité chronophage plus qu’autre chose. « Aujourd’hui, 95 % des messages envoyés par les twittos (les utilisateurs de Twitter, NDLR) sont des messages de personal branding, at-il expliqué dans un article publié sur le blog de son confrère David Abiker en septembre dernier. Ça en devient ridicule. » Et Marlène K. de souligner que la volonté de faire le buzz prend trop souvent le pas sur la véracité de l’info. « La plupart des gens ne VH SUpRFFXSHQW SDV GH YpUL¿HU VL l’info est bonne, ce qui compte c’est de la sortir en premier. » L’affaire Shashank Tripathi l’a cruellement rappelé en octobre 2012 : M. Tripathi, supporter de Mitt Romney aux élections américaines, avait publié une série de fausses informations en rapport avec l’ou-

ragan Sandy sur son compte Twitter. Des informations, toutes plus alarmistes les unes que les autres, reprises aussitôt par les PpGLDV OHV SOXV LQÀXHQWV GX SD\V

Il n'en fallut pas plus pour qu'une vague de panique s'empare d'une population déjà fébrile face à l'arrivée de l'ouragan qui allait frapper la côte est des Etats-Unis.

Concept parisien Pourtant, souligne Arnaud Hermant, la confraternité n’a pas totalement disparu avec l’arrivée du personal branding. Au contraire. «À travers le journaliste, c'est aussi son média, donc son employeur, qui est représenté quand le journaliste est salarié et non pigiste », déclare-t-il, avant d’ajouter : « Et si certains journalistes peuvent aujourd'hui développer leur personal branding, c'est qu'ils ont bénéficié, au départ, du prestige et de la notoriété de leur média. » Pour Charlène K., le personal branding est surtout un concept parisien. « A la Roche-sur-Yon, où je travaille, l’esprit d’équipe est encore très présent, déclare-telle. De toute façon, on n’a pas le choix : sans esprit d'équipe, pas de journal. »

Les Français et le personal branding Pour quoi faire ?

Enquête Ifop-BNP Paribas 2012

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JOB ATTITUDE

JOB ATTITUDE

Un porte-monnaie qui crie famine et un teint un peu trop basané sont toujours des critères de discrimination, mais aujourd’hui, elle est dite « positive ». Retour sur les initiatives TPZLZ LU WSHJL WV\Y KP]LYZPÄLY SL WH`ZHNL TtKPH[PX\L français. Kahina Boudarène et Jean-Romain Blanc ous n’êtes pas bour- d’échec » d'une société qui n'a sière ? Je suis au regret pas réussi à insérer socialement de vous dire qu’il va tous les milieux. L'apposition vous être difficile d’être admise de l'adjectif « positive » ne saudans notre école. » C’est par ces rait faire oublier le principe de mots que Charlotte Dardelin a « discrimination ». Cette poliété accueillie à l'Institut pratique tique est-elle vraiment une du journalisme de Paris (IPJ). nécessité ? « Après une licence dans une La dernière étude nationale école non reconnue par la pro- sur l’origine sociale des étufession, j’ai souhaité intégrer une diants en journalisme date de grande école pour valoriser mon 2005. L'enquête, menée auprès diplôme, explique l’étudiante, des treize écoles de journalisme je pense que la discrimination reconnues par la profession, a positive est une démontré que plus bonne chose mais de la moitié des étudiants étaient j'étais déboussolée La majorité de constater que, issus d'une famille comme beaucoup des étudiants de cadres ou de parents exerçant d'étudiants, je me une profession suis retrouvée entre en journalisme intellectuelle sudeux eaux : je suis sont issus périeure. Un sur la déclaration d'impôts de mes de familles constat qui montre parents, alors je ne que la proportion de cadres. peux pas être bourd'enfants d'origine sière, mais pour populaire dans ces autant, j'alterne formations « élientre petits boulots et cours et tistes » s'est fortement affaiblie j'ai parfois du mal à joindre les en trente ans. deux bouts. » Au vu du manque de diversité au sein de la sphère médiaElitisme tique, de nombreuses initiatives Les exemples comme celui- ont été portées. L’exemple le ci se multiplient. La discrimi- plus symbolique est celui de nation positive à l’entrée des Sciences-Po Paris. Sous l’imgrandes écoles de journalisme, p u l s i o n d e f e u R i c h a r d et par extension sur tout le ter- Descoings, la prestigieuse école ritoire français, a fait son appa- a mis en avant les étudiants rition il y a une dizaine d’an- venant de lycées classés « Zone nées. Pour certains, comme d’éducation prioritaire ». Zurica, éducatrice spécialisée L’Institut d’études politiques a en Seine-Saint-Denis, « la dis- ainsi mis en place une formacrimination positive est un aveu tion permettant aux lycéens en

«V

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Exit les journalistes. Place aux reporters citoyens. 2013, tout va dans le sens d’une « diversification du recrutement », selon les propres mots de Richards Descoings.

« La discrimination positive est un aveu d'échec » Zurica, éducatrice spécialisée.

« Au CFJ, la moitié des étudiants provient de Sciences-Po Paris, l’autre moitié est passé par des prépas privées. Ça ne va pas ». David Allain.

situation précaire de s’entraîner aux concours. Aussi, des quotas ont été établis pour réserver un certain nombre de places à ces postulants. A noter cependant que ce processus n’est valable que dans la capitale. Johanna Margoline, étudiante à Sciences-Po Bordeaux, n’a pas bénéficié de la même politique de discrimination positive : « Ce n’est pas Sciences-Po Paris ici. Nous on est là parce qu’on le mérite ! ». Une allusion à peine

Une réponse à un constat La politique de discrimination positive va au-delà de la seule admission dans les grandes écoles de journalisme. Différentes structures ont vu le jour, depuis une dizaine d’années, pour aider les jeunes de banlieue, ou en situation précaire, à intégrer un cursus journalistique. Les premiers à avoir noté cette lacune de représentation sont les étudiants eux-mêmes. Créée en 2007 à l’initiative d’anciens étudiants du Centre de formation des journalistes (CFJ), la Chance aux concours (CAC) est le résultat d’un constat frappant : « On a remarqué que 50 % des étudiants de notre école étaient issus d’un IEP, en règle générale de Sciences-Po Paris, et l’autre moitié provenait d’une prépa privée… Ça n’allait pas », explique David Allain, bénévole et coordinateur à la CAC. Annuellement, ce sont

« Nous ne promettons pas un statut de journaliste mais nous avons la volonté de former de bons artisans. » John Paul Lepers

L'avenir des entretiens d'embauche ?

donc 24 étudiants boursiers, choisis d’après leur dossier de motivation et un article de reportage, TXL EpQp¿FLHQW GH FHWWH IRUPDtion. Au programme : chaque samedi, des questions sur l’actualité, des courts reportages et des exercices pour s’entraîner aux concours. « Nous sommes encore une petite structure, fonctionnant exclusivement avec des bénévoles, mais nous pouvons nous targuer d’un taux de réussite de 55 % de nos étudiants aux concours des écoles. Ce chiffre monte même jusqu’à 75 % en ce qui concerne le nombre d’étudiants qui deviennent à terme journalistes » poursuit David Allain. Pour exemple, en 2011, sur 24 élèves, 18 ont été acceptés dans des écoles reconnues par la profession. « La mauvaise maitrise du français n’est pas un facteur de rejet » John Paul Lepers, grand reporter, a lui aussi créé une école de journalisme pour les jeunes de banlieue, intitulée l’Ecole de la Télélibre. Celle-ci ne forme pas aux concours des grandes écoles mais permet l’émergence de « reporters cito yens ». « Le but est de susciter des regards différents sur la société, dans la mesure où il existe un véritable besoin de représenter les couches populaires et les différences ethniques. De plus, cette formation permet l’émergence de jeunes talents », explique le journaliste. Les critères de sélection ? « La mauvaise maîtrise de l’écrit ou de la langue française n’a pas été un facteur de

refus. Le français est une langue élitiste et un barrage social. Le fait de ne pas la maîtriser n’empêche pas d’avoir des compétences ou des aspirations dans d’autres domaines, comme le travail de l’image ou la maîtrise de l’informatique. » A la sortie de la TV

libre, les étudiants ne seront pas diplômés, mais auront reçu une formation utile : « nous ne promettons pas (…) un statut de journaliste, G¶R O¶DSSHOODWLRQ GH ƎUHSRUWHU FLWR\HQƎ HW SDV GH Ǝ MRXUQDOLVWH FLWR\HQƎ 1RXV DYRQV OD YRORQWp GH former de bons artisans, de leur donner le goût de poursuivre en leur offrant une autonomie d’action, un statut social, de l’assurance, et un moyen d’aller à la rencontre de nouvelles personnes », explique John Paul Lepers. La CAC et l’Ecole de la Télélibre ne sont pas des cas isolés, de nombreuses structures similaires voient le jour. Mais quels sont les résultats de cette politique ? Tout d’abord, il faut préciser que peu, voire aucune étude n’a encore été réalisée sur la question. Aucune donnée sociologique n’a pu être analysé étant donné que ces initiatives en faveur des jeunes défavorisés sont très récentes. Néanmoins, quelques apparitions télévisuelles permettent de mesurer le chemin parcouru depuis quelques années. Le milieu social n’est pas toujours un tremplin, en revanche la couleur de peau peut l’être. Qui aurait imaginé, il y a vingt ans, un Harry Roselmack présenter le journal de TF1 ?

Kahina Boudarène

Ségrégation positive ?

voilée aux nouvelles règles d’admission à l’IEP parisien. Que ce soit l’ajout d’oraux supplémentaires ou la très controversée suppression de l’épreuve de culture générale dès l’année

SCOOP 2013 z 35


JOB ATTITUDE

JOB ATTITUDE

Il faut sauver le soldat SR !

Š Kahina Boudarène

Indispensable au bon fonctionnement d’un journal, le secrĂŠtaire de rĂŠdaction est pourtant la cible des restructurations du personnel. Le SR est une espèce journalistique en voie d’extinction, ĂŠcrasĂŠ par les impĂŠratifs ĂŠconomiques et l’Êmergence du journalisme web. Hugo Derriennic

L

a crise de la presse entraĂŽne dans son sillage un certain nombre de phĂŠnomènes inquiĂŠtants. Le quotidien des rĂŠdactions est dĂŠsormais rythmĂŠ par les licenciements et autres restructurations internes. Le journalisme subit les alĂŠas de la loi du marchĂŠ. Depuis une dizaine d’annĂŠes, une profession est particulièrement dans l’oeil du cyclone : le SR. Effet boule de neige oblige, les secrĂŠtaires de rĂŠdaction pâtissent des dĂŠcisions

36 z SCOOP 2013

prises par les chantres de l’Êquilibre budgÊtaire.  Auparavant, ce sont les rÊdacteurs qui Êtaient sur la sellette. Et puis, les dirigeants de la presse, qui rÊagissent seulement à l’argument Êconomique, ont commencÊ à s’attaquer aux SR en pensant qu’un correcteur est bien moins important qu’un rÊdacteur  constate Yasemin Yalkin, secrÊtaire de rÊdaction au Monde depuis 1999. Le SR a malheureusement un dÊsavantage considÊrable : son

Le travail de correction est une des composantes du mĂŠtier de secrĂŠtaire de rĂŠdaction.

travail n’est pas visible. Alors que le nom du rĂŠdacteur apparaĂŽt en bas de l’article, celui du SR reste inconnu du grand public. Et pourtant, le dit article ne serait certainement pas de cette qualitĂŠ sans le travail attentionnĂŠ de ces journalistes cantonnĂŠs Ă un travail de bureau. Ces derniers sont un peu les anges gardiens qui veillent sur le travail des rĂŠdacteurs. S’il n’apporte pas de matière brute, le SR abat un colossal travail de mise en forme et de valorisation. ÂŤ Nous

Des conditions de travail prĂŠcaires Le SR est donc un maillon indispensable, positionnĂŠ Ă la croisĂŠe de la technique et du rĂŠdactionnel. Ce rĂ´le de pivot des rĂŠdactions lui a longtemps permis d’être prĂŠservĂŠ de la vindicte des hautes sphères. Une ĂŠpoque dorĂŠnavant rĂŠvolue. Les secrĂŠtaires de rĂŠdaction ont vu leur condition de travail empirer. Compression des effectifs, baisse des salaires, amSOLÂżFDWLRQ GX U\WKPH GH WUDYDLO la situation du SR devient de plus en plus prĂŠcaire et son mĂŠtier ĂŠvolue rapidement. ÂŤ Il y a quelques DQQpHV QRXV QÂśpWLRQV SDV FKDUJpV GH OD FRUUHFWLRQ SURSUHPHQW GLWH ÂŞ FRQÂżH $UPHOOH 3LQHDX VHFUpWDLUH de rĂŠdaction pour le 1RXYHDX 'pWHFWLYH. Š 'HV FRUUHFWHXUV VÂśHQ RFFXSDLHQW PDLV LOV RQW SURJUHVVLYHPHQW GLVSDUX HW GHSXLV OHXU W k F K H L Q F R P E H D X [ 6 5 $XMRXUGÂśKXL QRXV GHYRQV rWUH GH SOXV HQ SOXV FRPSOHWV HW QRXV WRXUQHU YHUV OÂśLQIRJUDSKLH HW OH GRPDLQH WHFKQLTXH ÂŞ Le salut des SR viendrait donc GH OHXU SRO\YDOHQFH HW GH OHXU IDFXOWp j GLYHUVLÂżHU OHXUV SUpURJDWLYHV $LQVL $UPHOOH 3LQHDX D dĂŠcidĂŠ de dĂŠbuter une formation web avec l’objectif de devenir ÂŤ ĂŠditeur de contenu numĂŠrique Âť.

Š Kahina Boudarène

corrigeons les papiers, nous vÊri¿RQV OHV LQIRUPDWLRQV HW OœRUWKRJUDSKH GHV QRPV 1RWUH U{OH HVW DXVVL D[p VXU OD WLWUDLOOH OD PDTXHWWH RX OD UH FRQWH[WXDOLVDWLRQ GH OœDUWLFOH ª Ênumère Yasemin Yalkin.

Un secteur aux nombreux dĂŠbouchĂŠs, qui s’Êtend de l’alimentation des rĂŠseaux sociaux jusqu’aux emplois pour des collectivitĂŠs ou des groupes de communication. L’occasion parfaite de rebondir grâce aux ressources d’internet qui, pour boucler la boucle, n’est autre que l’un des principaux responsables de la fonte accĂŠlĂŠrĂŠe du contingent des secrĂŠtaires de rĂŠdaction.

Le problème internet Tout le monde le sait, le web a rĂŠvolutionnĂŠ la consommation de l’information. Il est dĂŠsormais possible d’accĂŠder Ă un traitement de l’actualitĂŠ depuis un smartphone, une tablette ou un ordinateur Ă n’importe quel moment. La toile ĂŠtant très rĂŠactive, l’information est divulguĂŠe Ă chaud. Tant pis pour les SR et les correcteurs‌ dont la prĂŠsence n’est mĂŞme pas prĂŠvue dans la chaĂŽne

SOS D’UN EX-SR EN DÉTRESSE Novembre dernier. Pascal*, secrĂŠtaire de rĂŠdaction pour le groupe Mondadori depuis 2001, est victime des suppressions d’effectifs qui secouent son service. LicenciĂŠ de manière abrupte, il livre un constat amer de son expĂŠrience personnelle. ÂŤ Pendant dix ans, j’ai travaillĂŠ KHUZ KLZ JVUKP[PVUZ HZZLa KPMĂ„JPSLZ J’ai enquillĂŠ les CDD et vu mon pouvoir d’achat se rĂŠduire Ă grande vitesse sans

SurnommĂŠs les ÂŤ culs-deplomb Âť, les SR se tournent de plus en plus vers le numĂŠrique.

 Aujourd’hui, les SR doivent être de plus en plus complets et setourner vers l’infographie.  Armelle Pineau, secrÊtaire de rÊdaction au Nouveau DÊtective.

jamais pouvoir espĂŠrer une revalorisation salariale Âť assène-t-il sans concesZPVU +tZVYTHPZ LU JVUĂ…P[ Q\KPJPHPYL avec ses anciens employeurs, Pascal a [V\QV\YZ t[t KHUZ SL JVSSPTH[L\Y KL ZLZ responsables. Il a peu Ă peu perdu sa libertĂŠ d’expression et subit le diktat du rendement et de la productivitĂŠ. ÂŤ Les SR sont submergĂŠs de travail et font les MYHPZ KLZ t]VS\[PVUZ [LJOUVSVNPX\LZ 3LZ patrons ne les considèrent plus comme

ĂŠditoriale ! Une situation qui n’est pas sans consĂŠquence. Immanquablement, la qualitĂŠ des papiers s’en ressent. Les coquilles, fautes d’orthographes et autres bavures journalistiques sont de plus en plus prĂŠsentes, comme pour nous rappeler l’importance des SR. Š -H QH PH VHQV SDV SDUWLFXOLqUHPHQW HQ GDQJHU ÂŞ avoue Yasemin Yalkin. Š 0rPH VÂśLO HVW YUDL TXH MÂśDSSDUWLHQV j XQ WLWUH SUHVWLJLHX[ TXL HPSORLH SOXV GÂśXQH WUHQWDLQH GH 65 FHV GHUQLHUV UHVWHQW LQFRQWRXUQDEOHV DX VHLQ GÂśXQ RUJDQH GH SUHVVH pFULWH /HV FKHIV GH VHUYLFH VRQW WRWDOHPHQW GpSDVVpV VDQV OHXU DLGH 3DU DLOOHXUV VL OH WUDYDLO GH FRUUHFWLRQ QÂśHVW SOXV HIIHFWXp OHV DUWLFOHV SHUGURQW WHOOHPHQW GH OHXU YDOHXU TXH OHV OHFWHXUV ÂżQLURQW SDU VÂśHQ GpWRXUQHU ÂŞ. Ce statut de garant de la qualitĂŠ des publications octroie aux secrĂŠtaires de rĂŠdaction un sursis salvateur. „

des valeurs ajoutĂŠes pour les journaux THPZ JVTTL KLZ JV„[Z Ă„_LZ X\ÂťPS MH\[ rĂŠduire Âť dĂŠcrypte-t-il avec rancoeur. Pascal espère maintenant retomber sur ses pattes. Il est actuellement en formation et souhaite se reconvertir sur interUL[ 3L JÂľ\Y LZ[ [V\QV\YZ ]HPSSHU[ L[ SL verbe acĂŠrĂŠ. Par Hugo Derriennic 3L UVT KL SÂťPU[tYLZZt H t[t TVKPĂ„t suite Ă sa demande

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JOB ATTITUDE

JOB ATTITUDE

La face cachĂŠe de la une *

ÂŤ Faire des titres reprĂŠsente seulement 5 % de notre temps. Âť

Atout marketing d'un papier, le titre est la vÊritable vitrine du journal. Entre les rois des calembours et les spÊcialistes de l'explicatif, chaque rÊdaction possède sa propre marque de fabrique en matière de titraille. Arthur Scherer

L'art du calembour En France, les vÊritables experts du titre incitatif sont LibÊration et Le Canard enchaÎnÊ, maÎtre ès calembours et jeux de mots en tout genre. Donc, lorsque Bernard Arnault annonce qu'il quitte la France en septembre 2012 pour rejoindre la Belgique, il ne faut pas trois lignes à LibÊ pour titrer l'ÊvÊnement. Le

* Le titre ÂŤ La face cachĂŠe de la une Âť a ĂŠtĂŠ rĂŠalisĂŠ avec la bienveillance de JĂŠrĂ´me Balazard, journaliste ĂŠditeur Ă LibĂŠration.

F

ace Ă des lecteurs de plus en plus versatiles et aimantĂŠs Ă l'information 2.0, le titre est l'atout vendeur du canard exposĂŠ dans le kiosque, mais annonce aussi sa ligne ĂŠditoriale. Si le titre reprĂŠsente une valeur ajoutĂŠe Ă l'article, il faut tout de mĂŞme savoir respecter certaines règles : ÂŤ C'est comme un menu, ça annonce ce que l'on va manger Âť, schĂŠmatise FrĂŠdĂŠric Verduzier, professeur Ă l'ISCPA, ĂŠcole de journalisme Ă Paris. Selon lui, il s'agit de ne pas trahir le lectorat du journal : ÂŤ Si je promets une pizza Quatre saisons, je ne vais pas servir une Napolitaine Âť. ÂŤ Lorsque l'on choisit un titre, il faut se poser les questions suivantes : Quelle est l'info ? Qu'est-ce que je vais raconter ? Âť, insiste l’enseignant qui est aussi rĂŠdacteur en chef adjoint de l'Emmerdeur. Pour lui, les grosses lignes ÂŤ doivent annoncer le regard et l'angle du journaliste. Âť Trois mots-clĂŠs sont Ă prendre en compte selon le praticien du journalisme, pour introduire parfaitement son article : rigueur, prĂŠcision et concision. Une ligne de conduite qui correspond parfaitement Ă la tradition du Monde. En effet, le quotidien fondĂŠ en 1944 s'est forgĂŠ une solide rĂŠputation dans l'art du titre explicatif, qui atteint la plupart du temps deux lignes dans le journal. ÂŤ Nous mettons beaucoup d'application dans la rĂŠdaction des titres, explique une secrĂŠtaire de rĂŠdaction expĂŠrimentĂŠe du quotidien. Nous privilĂŠgions les titres longs, mais

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ÂŤ Claude François est mort la veille d'ĂŠlections. LibĂŠ titre le lendemain 'a voltĂŠ'!‌ dĂŠsormais cĂŠlèbre ÂŤ Casse toi riche con Âť VXIÂżW PDOPHQDQW OH PDOKHXreux dĂŠrapage de Nicolas Sarkozy en fĂŠvrier 2008, au salon de l'agriculture. ÂŤ Le pĂ´le ĂŠdition faisait sa Kahina Boudarène

ÂŤ Le titre est comme un menu, il annonce ce que l'on va manger. Si je promets une Quatre saisons, je ne vais pas servir une Napolitaine. Âť FrĂŠdĂŠric Verduzier, enseignant en ĂŠcole de journalisme

rÊunion quotidienne de mi-journÊe, quand l'un des journalistes a lancÊ la phrase sous la forme d'une vanne, raconte JÊrôme Balazard. $X ¿QDO le titre a plu, et le chef de service a dÊcidÊ de le mettre en une. Mais la rÊdaction Êtait extrêmement divisÊe.  Une provocation qui vaut un procès entre le quotidien et le patron de LVMH, fixÊ à octobre 2013.  Mais à l'Êpoque, quand LibÊ n'Êtait qu'un canard de post soixante-huitards qui se marraient, ça allait beaucoup plus loin, se souvient JÊrôme Balazard, au sein de la rÊdaction depuis 2006. Par exemple, Claude François est mort la veille d'Êlections nationales. Le lendemain, LibÊ fait la une sur ces Êlections, et titre en dessous 'Claude François : a voltÊ !' [...] Les titres se sont nettement assagis.  Assagis sÝrement, mais l'ADN du journal se ressent encore et toujours à la lecture des titres. Quitte parfois à diviser ses lecteurs ?  Je ne pense pas que les titres incitatifs trahissent le lectorat, estime le journaliste. Ceux qui achètent LibÊration connaissent aujourd'hui

ÂŤ Je ne vais pas m'amuser Ă faire des jeux de mots sur des attentats en Syrie. Âť JĂŠrĂ´me Balazard, journaliste ĂŠditeur Ă LibĂŠration

ses positions ainsi que sa manière de titrer. Âť JĂŠrĂ´me Balazard, qui ÂŤ s'amuse Âť beaucoup lorsqu'il ĂŠlabore ses titres, raconte que le journal a reçu un jour une lettre d'un lecteur qui se plaignait d'avoir comptĂŠ 17 jeux de mots Ă l'intĂŠrieur du canard. ÂŤ Je me suis dit qu'on avait mal fait notre boulot, on aurait dĂť en faire plus Âť, rigole-t-il. ÂŤ Après, je ne vais pas m'amuser non plus Ă trouver des jeux de mots sur des attentats en Syrie Âť. FrĂŠdĂŠric Verduzier, pour qui ÂŤ on ne peut pas rire de tout Âť, est quant Ă lui fermement opposĂŠ au ÂŤ principe editing avec seulement des jeux de mots. Âť ÂŤ Les titres de LibĂŠ tapent souvent a cĂ´tĂŠ Âť, dĂŠplore-t-il. Car entre la titraille explicative et incitative, l’enseignant, pas vraiment de l'ĂŠcole LibĂŠration, a vite FKRLVL VRQ FDPS ÂŤ On ne se casse jamais la gueule avec l'explicatif. Âť ÂŤ Avec les titres incitatifs, il y a souvent un parti pris, juge-t-il. Dans un journal, on ne peut dĂŠcemment pas prendre le risque de se mettre Ă dos 30 % de son lectorat. Âť „

Les tenants du titre

extrĂŞmement prĂŠcis Âť. ÂŤ Ce qui fait le titre, c'est le verbe Âť, estimet-elle. Un seul mot d'ordre : ĂŠviter les formes interrogatives. ÂŤ Nous ne sommes pas lĂ pour poser des questions, mais pour y rĂŠpondre. Âť

 La 'cellule titre' de LibÊration est une lÊgende  Au Monde, le titre est l'apanage des secrÊtaires de rÊdaction et chefs de service.  C'est très rare que ce soit le rÊdacteur qui trouve le titre , avoue la journaliste.  Nous travaillons souvent dans l'urgence, c'est aussi pour cela que nous privilÊgions l'explicatif , ajoute-t-elle. Selon la secrÊtaire de rÊdaction, l'art des grosses lignes s'acquiert avec l'expÊrience :  Plus on titre, plus on a les ficelles. Normalement, lorsque l'article est bon, le titre se trouve après

les deux premiers paragraphes.  Quitte à casser l'un des mythes de la presse française, JÊrôme Balazard, journaliste Êditeur à LibÊration, livre la vÊritÊ sur l'Êlaboration des titres du journal.  La 'cellule titre' de LibÊration, comme j'ai parfois pu l'entendre, est une lÊgende . Comme au Monde, un pôle Êdition composÊ d'Êditeurs et de secrÊtaires de rÊdaction se charge de la relecture des articles, qui arrivent orphelins de titres.  Nous consultons rarement le rÊdacteur pour titrer, explique le journaliste. Ensuite, nous donnons l'article au chef de service pour FRQ¿UPDWLRQ & HVW XQ ERXORW TXL se fait dans le dialogue.  $X ¿QDO pas, ou peu, de brain storming entre collègues pour trouver le fameux titre qui fera mouche. Le gros du boulot du pôle Êdition rÊside surtout dans la relecture des papiers.

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JOB ATTITUDE journalistes mais faisant aussi appel à des spÊcialistes, sociologues ou professeurs. Sur France Inter, Parlez-moi mÊdias traite plus classiquement de l’actualitÊ des mÊdias, alors que la webÊmission participative de RFI L’atelier des mÊdias fait intervenir des auditeurs du monde entier.

Š Photo Kahina Boudarène

Les journalistes parlant des journalistes : nombrilisme ou intĂŠrĂŞt lĂŠgitime ?

Journaliste nombriliste ? Mais le support parlant le plus de lui-mĂŞme est sans doute la tĂŠlĂŠvision. Plusieurs magazines tĂŠlĂŠvisĂŠs analysant la façon de traiter l’actualitĂŠ par les diffĂŠrents mĂŠdias ou vu le jour, comme ArrĂŞt sur images ou + Clair sur Canal Plus. Aujourd’hui, seul MĂŠdias le mag sur France 5 existe toujours sur ce crĂŠneau. Les chaĂŽnes d’info en continu ont naturellement multipliĂŠ les ĂŠmission sur l’actualitĂŠ des mĂŠdias : La MĂŠdiasphère sur LCI, Un Ĺ“il sur les mĂŠdias sur France 24 ou L’Hebdo des mĂŠdias sur i>TĂŠlÊ‌

ÂŤ Miroir, mon beau miroir‌ Âť Le journaliste est un animal complexe, souvent sujet Ă l’introspection, qui aime parler de lui-mĂŞme et de ses congĂŠnères. Parfois accusĂŠ de corporatisme, voire de narcissisme, le journaliste est-il le mieux placĂŠ pour parler de lui ? RaphaĂŤl Dor UDWLTXH GLIÂżFLOHPHQW LPDJLnable il y a quelques dĂŠcennies, parler des journalistes est devenu un exercice incontournable... chez les journalistes. La rĂŠdaction de Scoop elle-mĂŞme n’a pas pu rĂŠsister Ă cette tentation ! Car face aux profondes mutations et aux nouvelles pratiques de la profession, certains s’interrogent sur la manière dont est traitĂŠe

P

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ÂŤ En France, le mĂŠtier de journaliste bĂŠnĂŠficie d'une sorte d'impunitĂŠ assez dĂŠrangeante. Âť

l’information. Pour d’autres, l’actualitĂŠ des mĂŠdias constitue une nouvelle rubrique touchant un public de plus en plus large. Celle-ci serait presque devenue un fond de commerce, une recette Ă succès. Alors, les journalistes parlant des journalistes : nombrilisme ou intĂŠrĂŞt lĂŠgitime ?

De nombreuses ĂŠmissions de radio abordent avec sĂŠrieux les

problèmes existentiels qui torturent chaque jours les  professionnels de la profession  :  La libertÊ de la presse quotidienne rÊgionale ,  Comment Êviter les marronniers ?  ou encore  Peut-on encore informer si l'on est trop proche de sa source ?  Des sujets abordÊs par exemple dans Le secret des sources sur France Culture, animÊe par des

DOMINIQUE CONIL ECRIVAIN ET JOURNALISTE Ă€ MEDIAPART ÂŤ C’est une profession oĂš l’on a souvent une impression de caste, une manière de rester entre soi qui peut ĂŞtre assez dangereuse. Cela provoque un certain enfermement, mĂŞme Ă l’intĂŠrieur de chaque rubrique, qui sont des petits mondes : les grands reporters connaissent les grands reporters, les chroniqueurs judiciaires connaissent les chroniqueurs

Et lorsque la tĂŠlĂŠ regarde trop la tĂŠlĂŠ, l’actualitĂŠ se mĂŠlange curieusement aux news people comme en tĂŠmoignent les ĂŠmissions de Jean-Marc Morandini ou Cyril Hanouna, respectivement sur NRJ12 et D8. Une question se pose dans tous les cas : les journalistes sont-il les plus Ă mĂŞme de parler des mĂŠdias ? Pour tĂŠmoigner de leur pratique, bien sĂťr, mais pour se livrer Ă la critique ou Ă l’autocritique ? Derrière la problĂŠmatique ÂŤ comment font-ils leur boulot ? Âť qui semble se dĂŠtacher de ce genre d’Êmissions, l’on devine presque un ÂŤ fais-je bien mon boulot ? Âť. /HV GLIÂżFXOWpV GX PpWLHU DYHF VRQ lot de contraintes, de prises de risques, de prĂŠcaritĂŠ, poussent sans doute les journalistes Ă se serrer les coudes et Ă refuser d’attaquer leurs confrères. Mais les accusations de connivences pFORVHQW YLWH HW OHV FRQĂ€LWV GÂśLQWprĂŞt peuvent entacher la sacrosainte libertĂŠ de la presse. „

judiciaires et ainsi de suite. Vingt journalistes qui suivent le mĂŞme ĂŠvènement en mĂŞme temps et le commentent en mĂŞme temps auront tendance Ă faire un brainstorming spontanĂŠ, et Ă sortir des articles jumeaux. Les meilleurs journalistes sont souvent ceux qui savent s’absenter du groupe, qui savent travailler seul. Chez les journalistes spĂŠcialisĂŠs, mĂŞme en ĂŠcrivant des articles qui ne seront lus que par une cinquantaine de professionnels de ce domaine, on a très vite l’illusion d’être important. Tout cela conduit les journalistes au nombrilisme. MĂŞme si l’on peut trouver des journalistes très complaisants, qui semblent fascinĂŠs par euxmĂŞmes et leur propre milieu, cela reste une minoritĂŠ, en reprĂŠsentation mais pas reprĂŠsentative, heureusement. Âť

Photo DR

JOB ATTITUDE

ÂŤ C’est une profession oĂš l’on a souvent une impression de caste, une manière de rester entre soi qui peut ĂŞtre assez dangereuse. Cela provoque un certain enfermement, mĂŞme Ă l’intĂŠrieur de chaque rubrique, qui sont des petits mondes. Âť

VINCENT GLAD JOURNALISTE Ă€ SLATE.FR ET CHRONIQUEUR AU GRAND JOURNAL DE CANAL + ÂŤ Il est tout Ă fait lĂŠgitime qu’il y ait des ĂŠmissions de tĂŠlĂŠvision qui parlent des mĂŠdias, comme le fait la moitiĂŠ de la presse papier ! Et il ne viendrait l’idĂŠe Ă personne de reprocher par exemple Ă TĂŠlĂŠrama de traiter de la tĂŠlĂŠvision et du journalisme. Il y a des ĂŠmissions sur tous les champs importants de la vie publique, et les mĂŠdias en font partie ! Evidemment, il existe des YPZX\LZ KL JVUĂ…P[Z KÂťPU[tYv[ de volontĂŠ de protĂŠger ses confrères‌ Il serait quand TvTL TPL\_ X\L SLZ QV\YUHSPZ[LZ soient surveillĂŠs par des organes indĂŠpendants. Mais il n’y a pas de Conseil supĂŠrieur du journalisme, et Ă part les attaques en diffamation il n’y a aucun moyen de sanction possible‌ En France, le mĂŠtier de journaliste ItUtĂ„JPL KÂť\UL ZVY[L KÂťPTW\UP[t assez dĂŠrangeante. Donc est-ce que les journalistes sont les mieux placĂŠs pour en parler ? Non, mais ce sont les seuls qui peuvent le faire, donc c’est un moindre mal. Cela permet de limiter un peu ce sentiment d’impunitĂŠ. Âť Recueillis par RaphaĂŤl Dor

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JOB ATTITUDE

Fact-checking : pour un journalisme irrĂŠprochable Le fact-checking, nĂŠ au dĂŠbut des annĂŠes 2000 aux Etats-Unis, aura mis une dĂŠcennie Ă s'imposer dans les mĂŠdias français. Le concept se dĂŠveloppe peu Ă peu dans des rubriques spĂŠcialisĂŠes comme dans LibĂŠration ou sur LeMonde.fr 4HPZ ZVU PUĂ…\LUJL H L_WSVZt SÂťHUUtL dernière avec la campagne prĂŠsidentielle. Axelle Bichon

Tous menteurs ? -RKDQ +XIQDJHO GpÂżQLW DLQVL OH concept dans L'Express : ÂŤ C'est le travail normal d'un journaliste. Les hommes politiques aiment depuis toujours jouer avec les chiffres et au jeu du chat et de la souris avec les journalistes. Ce qui est nouveau, c'est d'en faire une rubrique Ă part entière. (‌) Le fact-checking a une dimension pĂŠdagogique. Avec le data journalisme, c'est une tendance, comme le fut Ă un moment l'infographie. Âť Soit, c’est le travail du journaliste de YpULÂżHU OÂśDFWXDOLWp HQ JpQpUDO PDLV OH fact-checking se concentre sur la vĂŠriÂżFDWLRQ IDFWXHOOH GX GLVFRXUV SROLtique et des chiffres qui y sont avancĂŠs. Cela va au-delĂ de l’investigation traditionnelle. Comme l’explique CĂŠdric Mathiot, l'un des prĂŠcurseurs en France avec la crĂŠation de la rubrique DĂŠsintox, lancĂŠe dĂŠbut 2008 dans LibĂŠration, ÂŤ Ă force de connaĂŽtre un

 C'est bien ce fact-checking qui garantit à la presse un avenir dans notre sociÊtÊ de l'information, surtout dans une ère oÚ les lecteurs Êmettent de plus en plus de rÊserves face à la confiance accordÊe aux journaux  Boris Manenti, Nouvel Observateur

Š Andercismo

Le fact-checking permet de rendre le mĂŠtier de journaliste indispensable Ă la sociĂŠtĂŠ.

sujet, on se rend compte que les politiques les maĂŽtrisent mal ou parfois les dĂŠforment volontairement Âť. Le fact-checking n'est pas vraiment dans la culture de tous les journalistes, et particulièrement de ceux qui s'occupent de politique. Ils dĂŠcryptent les alliances, les courants, mais ne vont pas forcĂŠment aller au fond des choses. La campagne prĂŠsidentielle qui a marquĂŠ l’annĂŠe 2012 a constituĂŠ un vĂŠritable tournant dans le journalisme tel qu’on le pratique en France. Contrairement Ă la campagne prĂŠsidentielle de 2007 oĂš il s’agissait d’un combat mĂŞlant com' politique contre com' politique, il y a eu l’annĂŠe dernière une vraie demande de dĂŠcryptage. Pendant son mandat, Nicolas Sarkozy et son gouvernement ont utilisĂŠ beaucoup de chiffres et de donnĂŠes qu'ils assĂŠnaient sans pour autant OHV YpULÂżHU

Menace  En aucune manière , selon Boris Manenti, journaliste au Nouvel Obs. Le fact-checking tient du concept marketing des

journaux (et parfois des journaOLVWHV SRXU XQ WUDYDLO DX ÂżQDO DVVH] classique. Pour autant, il est essentiel. La rĂŠactivitĂŠ qu'exige internet nous l'a fait perdre de vue, mais c'est lĂ toute la diffĂŠrence entre le journalisme noble hĂŠritĂŠ de siècles d'enquĂŞtes, et le journalisme dit citoyen qui a d'abord pris la forme de blogs, puis de "sites participatifs" et dĂŠsormais de tweets Âť, explique-t-il. Sans rien lui enlever, il se dĂŠmarque du journalisme clasVLTXH SDU FHWWH YpULÂżFDWLRQ XQH garantie qui assure au lecteur que l'information est fiable. ÂŤ C'est donc bien ce fact-checking qui garantit Ă la presse un avenir dans notre sociĂŠtĂŠ de l'information, surtout dans une ère oĂš les lecteurs ĂŠmettent de plus en plus de rĂŠserves IDFH j OD FRQÂżDQFH DFFRUGpH DX[ journaux Âť, conclut Boris Manenti. OĂš se trouve la limite ? Elle est ÂżQDOHPHQW WHPSRUHOOH VHORQ 6DPXHO Laurent, journaliste Ă LeMonde.fr. Le GLVFRXUV SROLWLTXH HVW VRXYHQW UHFWLÂżp OH OHQGHPDLQ OD YpULÂżFDWLRQ pWDQW entendue par beaucoup moins de monde que le discours original. „

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42 z SCOOP 2013

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eaucoup de journalistes ont SHUGX OÂśKDELWXGH GH YpULÂżHU OH discours des politiques. DĂŠjĂ en crise depuis l’arrivĂŠe d’internet, le journalisme se devait d’Êvoluer. Consistant Ă revenir sur l’exactitude des dĂŠclarations politiques, le factchecking s’impose peu Ă peu depuis 2008 dans les mĂŠdias français, non sans soulever certaines inquiĂŠtudes. &HWWH Š YpULÂżFDWLRQ GHV IDLWV ÂŞ REOLJH les politiques Ă tourner sept fois leur langue dans leur bouche avant d’avancer des chiffres inexacts mais les arrangeant. Le fact-checking permet ainsi de rendre ce mĂŠtier indispensable Ă la sociĂŠtĂŠ.


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De Bac à Bac+5 : JOURNALISME - COMMUNICATION - PRODUCTION

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